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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 20 juin 2006

248e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

règlement définitif du budget de 2005

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 (nos 3109, 3155).

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que l’examen de ce projet donnerait lieu à trois débats thématiques portant sur l’exécution de certains budgets.

Nous allons à présent aborder le débat sur les crédits d’équipement de la défense.

Crédits d’équipements de la défense

M. le président. Dans le débat sur les crédits de l’équipement de la défense, la parole est à M. Louis Giscard d’Estaing, suppléant M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Louis Giscard d'Estaing, suppléant M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, monsieur le président de la commission de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser le rapporteur spécial du programme « Équipement des forces », mon collègue François Cornut-Gentille, qui ne peut présenter lui-même son rapport et qui m’a demandé de le remplacer. J’y consens d’autant plus volontiers que, comme vous le savez, madame la ministre, monsieur le président de la commission, je me sens particulièrement concerné par les enjeux de la défense.

La commission des finances a décidé, cette année, de préfigurer ce que sera l'examen de la loi de règlement lorsque celui-ci s'effectuera selon les méthodes et la nomenclature issues de la LOLF.

Évidemment, l'exercice 2005 du budget de la défense a été exécuté selon les dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959. Dès lors, examiner, à titre de test, l'exécution des crédits d'un programme qui n'existait pas en 2005 comporte des limites. Mais on peut aussi en tirer des enseignements.

Cet exercice permet aux parlementaires de se familiariser avec les nouveaux cadres de l'exécution budgétaire. Il peut aussi être révélateur de certaines difficultés à entrer dans le régime de suivi de la performance. L'expérience méritait donc d'être tentée.

Selon la nomenclature de l'ordonnance du 2 janvier 1959, les dépenses d'équipement de la défense auront atteint 14,29 milliards d'euros. L'effort de redressement de notre outil de défense – et nous pouvons tous nous en réjouir – peut donc se résumer à un chiffre : 32 %. En effet, les crédits que la nation consacre à l'équipement de son armée auront progressé, en euros courants, de 32 % entre 2002 et 2005 ! Le budget de 2005 traduit donc la mise en œuvre de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

Selon la nomenclature de la LOLF, la consommation des crédits de paiement du programme « Équipement des forces » en 2005 est de 7,63 milliards d'euros, sans qu'une comparaison pertinente ne puisse malheureusement être effectuée avec des données comparables de 2004.

Je détaillerai d'abord quelques éléments saillants de l'exécution 2005 avant de revenir sur la mise en œuvre de la LOLF et sur la mesure de la performance.

Sur l'exécution, je n'aborderai que la question des reports : c’est l'enjeu essentiel de l'exécution des crédits d'équipement de la défense, et la commission des finances, vous le savez, y est particulièrement attentive.

Pour l'ensemble des dépenses en capital du budget de la défense, au sens de l'ordonnance du 2 janvier 1959, le volume de crédits de reports ouverts avait atteint 2,77 milliards d'euros en 2005. Le montant des crédits de reports de 2005 – ouverts en 2006 – a été réduit à 1,99 milliard d'euros.

François Cornut-Gentille a, une nouvelle fois, insisté en commission sur le fait que ces montants – encore élevés – ne traduisaient en aucun cas une quelconque incapacité du ministère à consommer ses crédits disponibles, mais sont largement imputables à une « norme de dépense » établie par le ministère des finances.

En termes clairs, cette norme implique que l'exécution de l'ensemble du budget de l'État ne doit pas dépasser le montant des crédits inscrits en loi de finances initiale. Un tel effort implique évidemment une participation active du budget de la défense.

D'abord évaluée à 14 milliards d'euros pour les crédits d'équipement de la défense, la « norme de dépense » a finalement été arrêtée définitivement à 14,2 milliards d'euros en novembre 2005. Les derniers arbitrages ont toutefois permis au ministère de consommer 14,29 milliards d'euros, dont plus de la moitié sur les opérations budgétaires d'investissement relevant désormais du programme « Équipement des forces ».

Sans entrer dans la technique budgétaire, je souhaite rappeler, comme l’a fait notre rapporteur spécial à l’automne dernier, certaines particularités du budget de la défense. D’abord, des fonds de concours – environ 700 millions d'euros, dont 400 millions pour le seul service de santé – sont décomptés dans le budget exécuté, mais pas en loi de finances initiale. Dès lors, le plafonnement de la dépense au niveau des dotations initiales implique mécaniquement une non-consommation d'un montant de crédits équivalent aux fonds de concours. Ensuite, certains crédits destinés aux OPEX sont ouverts tardivement, obligeant également à procéder à des reports de crédits. Ces deux seuls éléments, conjugués à la « norme de dépense », expliquent le montant élevé des reports.

L'exécution 2004 ayant conduit à une dépense inférieure aux dotations votées en loi de finances initiale, les crédits disponibles en 2005 ont été majorés par des crédits reportés, dont la consommation totale aurait impliqué une dépense effective supérieure aux dotations initiales.

Il faut rappeler également que la situation des reports a conduit le Gouvernement à demander au Parlement, dans le projet de loi de finances pour 2006, d'autoriser le ministère de la défense à reporter plus que 3 % de ses crédits. Il est vrai que le Président de la République a décidé que ces crédits reportés pourraient être intégralement consommés sur deux ans, en 2006 et en 2007.

Je peux vous assurer que notre rapporteur spécial sera particulièrement attentif à la consommation de ces crédits, qui sont la clé – comme il l’a d’ailleurs écrit il y a quelques mois – du respect scrupuleux de la loi de programmation militaire.

Enfin, notre collègue suivra de près le basculement des autorisations de programme affectées non engagées sur la gestion 2006.

D'apparence technique, cette question revêt une dimension politique puisque le montant en jeu est de plus de 6,3 milliards d'euros. Le chef d'état-major des armées a fait part à la commission des finances, lors d’une récente audition, de sa confiance quant aux négociations en cours avec le ministère des finances sur le report de ces engagements. Nous espérons, madame la ministre, que vous partagez ce sentiment.

J'en viens maintenant à des observations portant sur la mise en œuvre de la LOLF.

Tout d'abord, la coresponsabilité du programme, confiée au chef d’état-major des armées et au délégué général pour l'armement, ne semble plus aujourd'hui faire débat. Le comité interministériel d'audit des programmes a ainsi récemment affirmé que cette solution était, dans la structuration actuelle de la mission défense, « la seule réaliste ».

S'agissant de la structuration en budgets opérationnels de programme – BOP –, le délégué général pour l'armement a indiqué à la commission que les dix BOP du programme « Équipement des forces » auraient chacun un responsable différent au cours des prochains mois, ce qui mettra fin à une répartition transitoire héritée de l'ancienne organisation de la DGA en cinq services.

Notons que le ministère ne dispose pas encore des outils de comptabilité analytique permettant de répartir les crédits de personnels entre les actions et entre les BOP. La commission ne peut que déplorer cette situation, qui nuit à la présentation des crédits, même si elle en comprend, bien sûr, les raisons.

En ce qui concerne la montée en puissance de l'état-major des armées, il faut se féliciter que les états-majors des trois armées soient associés en permanence au suivi des programmes d’armement, même si, in fine, la décision d'arbitrage revient toujours au chef d'état-major des armées. Cette organisation paraît tout à fait pertinente.

S'agissant de la mesure de la performance du programme, la Cour des comptes constate qu'en l'absence d'un système d'information unifié pour l'ensemble du ministère, « les moyens d'alimentation des indicateurs sont très hétérogènes ». Pour le programme « Équipement des forces », les données sont issues du contrôle de gestion des programmes et opérations d'armement et sont collectées manuellement. Évidemment, personne ne peut se satisfaire d’un tel état de fait, et des progrès devront donc être réalisés.

Mon collègue François Cornut-Gentille estime que les indicateurs proposés ne peuvent pas être considérés comme réellement pertinents dès lors qu'ils mêlent des petits programmes à d'autres pesant plusieurs milliards d'euros. La Cour des comptes formule le même constat, estimant même que les résultats des indicateurs sont « inexploitables ». Il est vrai qu'un indicateur de livraison financière est actuellement à l'étude, mais il présente le défaut de ne retracer que la fin du processus de la conduite des programmes.

En conclusion, la gestion 2005 des crédits d'équipement de la défense a permis de réduire significativement le niveau des reports de crédits. Cet effort devra être poursuivi pour permettre le respect de la programmation militaire. C'est pourquoi, à l’instar du rapporteur spécial, je vous invite, mes chers collègues, à approuver, à l'issue de nos débats, ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Guy Teissier, président et rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de la défense nationale prête une attention constante aux moyens alloués au budget des armées. Afin de veiller à ce que les crédits votés soient bien exécutés, j’ai constitué une mission d'information en 2003, et elle a été constamment renouvelée depuis. Elle vient de publier, le 29 mars 2006, un rapport sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense pour l'exercice 2005. L'avis sur le projet de loi de règlement du budget de 2005 donne à notre commission une nouvelle occasion de s'exprimer, mais il serait vain de réaffirmer ce qui a été établi il y a moins de trois mois. Je m’attacherai donc principalement à analyser les réflexions présentées par la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État en 2005.

La commission n'a pas souhaité cantonner sa réflexion au seul programme « Équipement des forces », qui a donné lieu à un rapport particulier de la commission des finances, parce que ce programme ne retrace pas la totalité des dépenses d'investissement du ministère de la défense. Le problème principal demeure celui du niveau des dotations et de la bonne exécution des crédits pour l'ensemble du ministère, c'est-à-dire, selon les termes de la Cour des comptes, sa capacité à exécuter financièrement la stratégie telle qu'elle a été définie et contractualisée dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008.

L'exercice 2005 apporte sur ce terrain beaucoup de satisfaction.

Mon rapport d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense pour 2005 avait mis en évidence que cet exercice budgétaire avait été particulièrement favorable pour l'exécution des crédits d'équipement, en dépit d’une hausse importante des intérêts moratoires. On a constaté en effet en 2005 une augmentation de la consommation des crédits et une diminution des reports de crédits. Le stock d'autorisations de programme non engagées a diminué et les autorisations de programme affectées seront reportées sur 2006. Au total, le solde net des reports de charges diminués des reports de crédits de paiement a été ramené – et c’est loin d’être négligeable – à 148 millions d'euros fin 2005, au lieu de 271 millions d'euros fin 2004. Ces observations sont corroborées par le rapport de la Cour des comptes.

Qui plus est, la Cour considère que la volonté du Gouvernement, exprimée lors de la présentation du projet de loi de finances de 2005, de financer les investissements de l'État, conformément aux différentes lois de programme adoptées, n'a pas été prise en défaut. Cette tendance très positive résulte d'une volonté politique forte, le Président de la République ayant décidé que les crédits reportés sur le budget de la défense pourront être intégralement consommés en 2006 et 2007.

Les dépenses de fonctionnement ont été d'un niveau satisfaisant en 2005, même si, à l'instar des autres services de l'État, les armées ont subi de plein fouet la hausse très importante du prix des carburants. Le ministère a géré de façon exemplaire cette situation en procédant à des déstockages limités et en mettant en place un mécanisme de couverture des variations de prix. Une volonté politique forte s'est également exprimée pour inscrire à terme en loi de finances initiale les dotations correspondant aux surcoûts des opérations extérieures, dites OPEX. Je me réjouis d’avoir obtenu gain de cause sur ce point.

Le débat sur le projet de loi de règlement du budget de 2005 est l’occasion pour la commission de la défense de souhaiter ouvertement une application sincère de la LOLF et, corrélativement, l'abandon de pratiques très contestables observées en 2004 et 2005, et plus encore dans le nouveau cadre budgétaire.

La LOLF repose fondamentalement sur le principe d'une augmentation des responsabilités et de l'autonomie des gestionnaires de crédits. Ils doivent être jugés, au-delà de la régularité de leur gestion, sur leurs performances, c'est-à-dire sur les résultats obtenus au regard des objectifs fixés. On ne peut donc plus admettre à l'avenir l'immixtion du contrôle budgétaire tel qu’il s’est exercé, par exemple en 2004 : on se souvient qu'en décembre 2004, les paiements avaient été bloqués, ce qui avait créé des difficultés pour les petites entreprises à qui ils étaient destinés. Cette pratique est contraire aux principes mêmes de la LOLF.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. La commission de la défense continuera d'exercer sa vigilance pour que les moyens de la défense nationale soient préservés. Elle a exprimé un avis favorable à l'adoption du projet de loi de règlement du budget de 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien que je ne sache pas très bien comment ont été choisis les trois budgets particuliers qui sont examinés dans le cadre du projet de loi de règlement, je me réjouis que nous nous attachions à un programme concernant la défense.

Je rappelle qu'à l’initiative du président Teissier, notre commission de la défense, a été, encore une fois, à l'avant-garde puisque, dès 2003, elle a créé une mission d'information chargée de suivre scrupuleusement l'évolution de crédits budgétaires alloués à la défense et en particulier le bon respect de leur exécution. Devant son succès, nous l'avons reconduite chaque année.

Même si je vous remercie pour votre choix, je souhaite comprendre pourquoi cet examen n'est pas élargi à toute la mission « Défense ». Le cadre de notre action est la loi de programmation militaire et c'est à son aune qu’il faudrait logiquement examiner l'ensemble des crédits de la défense.

Cela dit, nous avons toujours salué le fait que, budget après budget, les objectifs de la loi de programmation militaire soient respectés. Au vu des chiffres, le budget de 2005 n'a pas fait exception à la règle avec plus de 42 milliards de crédit de paiement prévus.

Des mouvements se sont faits malheureusement au détriment des investissements, mais ils ont bénéficié aux dépenses de fonctionnement. Cette hausse est due notamment à l'important report des crédits de 2003 et 2004 sur 2005, ce qui explique la bonne santé de la consommation des crédits d'équipement, en augmentation de plus de 14 % et correspondant à un réel besoin. Les dépenses de fonctionnement regroupent notamment les opérations extérieures, qui sont toujours très délicates à estimer.

M. Michel Bouvard. Pas forcément !

M. Francis Hillmeyer. Le budget de 2006 a prévu d’augmenter l'enveloppe, comme certains d’entre nous le demandent. L'ouverture de crédits supplémentaires au cours de l'exercice 2005 prouve une nouvelle fois combien les besoins sont réels.

Le titre III couvre également les dépenses en carburant qui ne cessent d’augmenter et les prévisions n’apaisent guère nos inquiétudes.

Pourtant, au final, l'exécution budgétaire a globalement respecté les engagements financiers.

Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, le budget de 2005 a apporté son lot de réussites et d'efforts enfin couronnés. Je pense notamment au lancement du satellite de télécommunications Syracuse III-A, à la commande enfin passée de huit frégates multi-missions que nous n’en finissions plus d'attendre, au rythme de croisière du programme SCALP-EG et à celui de l'avion Rafale qui permettra la constitution prochaine du premier escadron homogène.

Malgré des résultats positifs dans leur globalité, je regrette néanmoins le retard persistant dans l'application du programme de livraison des chars Leclerc – sur lequel nous fondons beaucoup d'espoirs et qui n'est pas satisfaisant eu égard aux besoins – et le sous-effectif qui ne parvient pas à être enrayé, notamment chez les volontaires, vraisemblablement dû à un statut insuffisamment attractif.

La professionnalisation de notre armée force l'admiration de nos alliés et elle nous a permis d'acquérir une véritable crédibilité, notamment au travers des opérations multinationales. Malheureusement, on peut craindre un manque de 10 000 hommes dans l'armée de terre. Il faut donc absolument faire un effort. C’est pourquoi nous ne cessons de demander une réforme de la journée d’appel de préparation à la défense – la JAPD – qui pourrait en être l'un des moyens. Pourtant, on nous a annoncé ces derniers jours la suppression de près de 15 000 postes de fonctionnaires concernant en partie la défense. Peut-être pourriez-vous, madame la ministre, profiter de l'occasion pour nous rassurer.

Par ailleurs, si les crédits sont au rendez-vous de la loi de programmation militaire, les objectifs en matière d'activité des forces ne sont pas pleinement remplis : il semble que seul le nombre d'heures de vol des pilotes de chasse soit réalisé. Nous enregistrons là une dégradation par rapport à 2004 qu'il s'agit d'enrayer.

En conclusion, malgré quelques points sur lesquels il apparaît indispensable de faire des efforts, nous saluons, madame la ministre, la bonne gestion générale des moyens qui vous sont alloués. La mise en place de la LOLF permettra d'aller encore plus loin dans la transparence et l'évaluation de l'exécution des budgets, ce qui devrait permettre, madame la ministre, de rendre hommage à un travail qui vous honore.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Madame la ministre, mes chers collègues, nous nous livrons ce soir à un exercice inédit : évaluer, d’après la nomenclature de la LOLF, l'exécution des crédits d'équipement de la défense de la loi de finances de 2005, qui relève encore du cadre des ordonnances de 1959, en nous limitant au seul programme « Équipement des forces ».

Cette expérimentation a des limites évidentes. Les montants en jeu sont loin d'être équivalents. Les dotations initiales pour l'ensemble des crédits d'équipement – titres V et VI – du budget de 2005 étaient de 15,2 milliards. Les dépenses s'établissent à 14,2 milliards. Quant au budget du programme « Équipement des forces », il totalisait 9,2 milliards en loi de finances initiale, tandis que les dépenses se chiffrent à 7,6 milliards.

Si l'on prend comme critère les crédits d'investissement de l'ensemble de la mission « Défense » tels qu'ils ont été votés dans la loi de programmation militaire, le programme « Équipement des forces » n'en rassemble que les deux tiers, le tiers restant étant ventilé entre les trois autres programmes de cette mission. Ajoutons que ce programme ne représente que 29 % de la totalité des crédits attribués à la défense : 32,9 milliards d'euros hors pensions – 9,5 milliards. Pourquoi dès lors limiter à ce point le débat sur le règlement définitif du budget de la défense de 2005 ? Mes propos d'ailleurs dépasseront ce cadre.

S'agissant d’abord des équipements, force est de constater que le niveau des reports de crédit reste élevé puisque, pour l’ensemble du budget d’équipement, il atteint près de 2 milliards, dont 1,3 milliard sur le seul programme « Équipement des forces », dont le taux de consommation des crédits est de 85,5 %. Le taux de report sur ce programme est d'ailleurs en augmentation de 11 %, alors qu'il baisse globalement. Comment expliquer ce paradoxe ?

Par ailleurs, les rapporteurs ont exprimé leur satisfaction concernant cette baisse ; je ne partage pas cette analyse. Le chiffre de 2 milliards de reports prend d'autant plus d’importance que les crédits de titre V et VI ont subi des annulations de 625,27 millions, dont 369 millions prélevés sur le programme « Équipement des forces », afin d'abonder les crédits du titre III à hauteur de 621,25 millions d'euros, dont 421 millions destinés à assurer le financement des opérations extérieures. Sans cette annulation, le report des crédits du budget équipement aurait été presque équivalent à celui constaté au terme de l'exercice 2004. En d'autres termes, si le niveau de consommation des crédits en 2005 se rapproche du montant des dotations initiales, le report des crédits de 2004 demeure non consommé.

Nous nous interrogeons donc sur la possibilité réelle d'absorption de ces crédits de report, dont dépend pourtant le respect de la loi de programmation militaire. Le ministère de la défense est le seul à bénéficier d'une dérogation à l'article 15 de la LOLF,...

M. Michel Bouvard. Il y a aussi le ministère de l’intérieur.

M. Jacques Desallangre. ...lui permettant de dépasser jusqu'à la fin de l'année 2007 le plafond de 3 % pour les reports. Mais, selon la Cour des comptes, cette autorisation ne garantit en rien la capacité effective du ministère à consommer les crédits reportés. J’ajoute que, sur 9,5 milliards d'euros d'autorisations de programme non engagées à la fin de la gestion 2005, le ministère n'a pas demandé le report des autorisations de programme d'un montant de 3,4 milliards. Pourquoi alors votons-nous les crédits qui restent non consommés ?

La Cour des comptes adresse à ce programme « Équipement des forces » d'autres critiques dont fait écho d'ailleurs le rapport spécial de la commission des finances.

Ainsi, il ne regroupe pas toutes les affectations qui devraient relever de son périmètre. L'émiettement des crédits d'équipement de la loi de programmation militaire entre divers programmes ne permet pas un suivi de l'agrégat « loi de programmation militaire », ce qui risque de rendre son suivi par le Parlement d'autant plus difficile que le rapport annuel relatif à l'exécution de cette loi n'a pas été déposé depuis 2003. Il s’agit pourtant d’une obligation législative. Madame la ministre, prenez-vous l'engagement qu’elle sera respectée ?

Par ailleurs, les indicateurs retenus ne permettent pas une approche qualitative de la défense par programme d'armement. La modernisation de la gestion des ressources humaines et de l'organisation du contrôle de gestion de la DGA n'est pas encore réalisée, et les dépenses de personnel restent regroupées dans un budget opérationnel de programme spécifique, au lieu d'être réparties au niveau du programme 146. Ces facteurs sont autant d'obstacles à une meilleure visibilité, donc au contrôle des crédits par le Parlement, en contradiction avec l'esprit et la lettre de la LOLF.

Mais, plus que sur la mise en œuvre de la LOLF, le débat devrait être l'occasion de s'interroger sur l'exécution de l'ensemble des dotations budgétaires. À cet égard, le rapport d'information de la commission de la défense d’avril 2006 sur le contrôle de l'exécution des crédits pour 2005 révèle d'inquiétants manques par rapport aux besoins.

Ainsi, les sous-effectifs des trois armées se sont aggravés : les effectifs moyens réalisés fin 2005 étaient inférieurs de 2 785 personnes par rapport à ceux de 2004. Le taux de sous-effectif est de 6,1 % pour l'armée de l'air, 2,4 % pour l'armée de terre, 2,25 % pour la marine. Pour les services communs, il est de 4,8 % et, pour les personnels civils, il atteint en moyenne 5 %.

Il semble, madame la ministre, que votre ministère, au même titre que celui de l'éducation nationale, subisse de plein fouet le plan social, annoncé par le Premier Ministre, de suppression de 15 000 postes de fonctionnaires – votre ministère serait alors amputé de 4 400 emplois. Pourriez-vous informer la représentation nationale des conséquences d’une telle mesure ?

De même, les trois armées et la gendarmerie n'atteignent pas pleinement les objectifs d'activité qui leur sont assignés par la loi de programmation militaire. Comment justifier une telle insuffisance au regard du budget important qui est le vôtre ?

Ce rapport fait également état des retards de livraison de certains matériels, retards qui diminuent notamment la capacité des armées de terre et de l'air. Ainsi, sur cinquante-huit exemplaires du char Leclerc prévus pour 2005, seuls trente-sept ont été effectivement livrés à l'armée de terre – cela a déjà été souligné. De même, seuls treize AMX 10 RC ont été rénovés au lieu des trente prévus. D'autres retards affectent la livraison de l'hélicoptère Tigre et du NH 90 dans sa version navale.

Du fait des choix d'armements qu'il opère et des options stratégiques qui le sous-tendent, votre budget ne répond pas aux exigences de sécurité de notre pays.

En témoigne le choix de maintenir un déséquilibre en faveur du titre V, aggravé par le poids financier de la professionnalisation des armées et le coût des opérations extérieures. C'est oublier que la capacité opérationnelle des armées ne dépend pas seulement des équipements, mais également des hommes : or, ce n'est pas en supprimant 4 500 emplois que nous parviendrons à répondre aux besoins de nos forces armées, alors même que les OPEX se multiplient.

Nous déplorons également le désengagement de l'État et votre choix de démanteler nos entreprises étatiques et nos sociétés nationales de pointe au nom de la rentabilité. C’est ainsi que certaines pièces du char Leclerc sont fabriquées en Chine, au titre, sans doute, d’une défense européenne autonome, mais qui demeure subordonnée à l'OTAN !

Au surplus, la politique de restructuration et de regroupement dans le cadre européen n'empêche pas le contrôle par les groupes d'armement et les fonds de pension américains de l'industrie de défense de certains pays de l’Union européenne. Il n'y a pas, hélas, au sein de l’Union européenne, de préférence communautaire en matière industrielle !

Enfin, le niveau et l'architecture actuels de nos armements sont tout aussi révélateurs de vos choix : ils s'inscrivent en effet dans une stratégie d'intervention sur les théâtres extérieurs qui accélère le glissement de la politique française vers l'OTAN, l’Organisation s’étant érigée en gendarme du monde sous impulsion américaine.

Or, selon nous, si la politique militaire doit se consacrer en priorité à la défense du territoire national et, dans le cadre européen, à celle des États membres, ses autres missions devraient concerner l'action en faveur de la paix ainsi que la prévention des crises et des guerres régionales, sous l'égide de l'ONU.

Pour conclure, madame la ministre, permettez-moi de rappeler, par le biais du chapitre relatif aux frais de contentieux, un dossier dont la dimension symbolique m'est d’autant plus chère que votre ministère continue de le traiter d’une manière qui ne fait pas honneur à la France.

J’ai été un des premiers parlementaires à demander en février 2002 l'application intégrale et à tous les anciens combattants de la décision du Conseil d'État de 2001. La France – rappelons-le – fut contrainte par l’arrêt Diop de décristalliser les pensions. Ce n'est pas à l’honneur de nos dirigeants d’avoir attendu une condamnation de justice pour faire droit à réparation des anciens combattants des colonies ayant risqué leur vie pour la France.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. C’est vous qui étiez au Gouvernement !

M. Jacques Desallangre. Il est encore moins acceptable qu'après cette condamnation l'État n'ait pas, sur le champ, régularisé toutes les situations de façon égalitaire. Pour économiser quelques malheureux euros, votre gouvernement oblige nos anciens combattants à réclamer leur dû devant les juridictions, puisque vous continuez d'appliquer de mesquins coefficients de pauvreté alors que le risque face aux balles de l'ennemi était le même, que l'on ait été Algérien, Sénégalais, Marocain, Tunisien, Ivoirien ou Français.

M. Michel Voisin. Ce n’est pas le sujet de notre débat.

M. Jacques Desallangre. Je vous demande donc, madame la ministre, de rendre justice à tous les anciens combattants qui se sont battus pour défendre notre pays. Cela ne représenterait qu'une miette de la part du gâteau budgétaire que votre ministère n'arrive même pas à digérer ! Les anciens combattants ne font pas l'aumône, ils demandent simplement la reconnaissance qui leur est due.

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis à l'initiative de la commission des finances afin de procéder à un examen comparatif des crédits de la défense prévus par la loi de finances initiale pour 2005 et de leur exécution.

Il s'agit là d'un exercice particulièrement difficile pour trois raisons. La première est le changement de nomenclature budgétaire, les crédits de la défense pour 2005 ayant été établis sur les bases de l'ordonnance de 1959 et non pas en fonction des caractéristiques de la LOLF. Ce changement coïncide avec la réforme des services du ministère de la défense, qui a conduit au co-pilotage entre le CEMA et le DGA. Dans ces conditions, peut-on contrôler de manière satisfaisante l'exécution des crédits d'un programme qui n'existait pas en 2005 ?

La deuxième raison est le choix du programme « Équipement des forces », que le président de la commission de la défense et des forces armées considère à juste titre dans son rapport pour avis comme trop réducteur, l'ensemble des crédits d'investissement ne figurant pas tous au sein de ce programme qui ne regroupe que les deux tiers des crédits d'investissement de la mission « Défense ».

La troisième et dernière raison tient dans la quasi-absence de documents mis à la disposition des députés, qui ne sont ni rapporteur spécial de la commission des finances, ni rapporteur pour avis au nom d'une des cinq autres commissions permanentes, pour exercer leur contrôle en dehors de la période d'examen de la loi de finances. Hors une lecture minutieuse et quotidienne du Journal officiel pour les décrets d'avances, de gels ou de reports de crédits votés, nous disposons actuellement du seul rapport de la Cour des comptes de mai 2006 relatif à l'exécution de la loi de finances de 2005. Si celui-ci comporte assurément une analyse spécifique des programmes « Équipement des forces » et « Environnement et prospective de la politique de défense », cela est insuffisant pour mener à bien l'exercice qu’il nous est demandé d'effectuer aujourd'hui.

Je me dois toutefois d'atténuer mon propos, notamment en tant que commissaire de la défense. Nous sommes, en effet, attentifs au suivi de l'exécution des crédits votés puisqu’ils conditionnent le respect de la loi de programmation militaire pour la période 2003-2008, dont nous sommes, en quelque sorte, les garants. Nous disposons, de surcroît, d'éléments d'information complets et très sérieux grâce au rapport annuel de la mission d'information créée, dès 2003, à l'initiative du président de notre commission, en vue de contrôler l'exécution des crédits de la défense. Le dernier rapport d'information, qui a été rendu public le 29 mars dernier, concerne l'exercice 2005. Cette démarche novatrice démontre, monsieur le rapporteur général, tout l'intérêt que nous portons à l'exercice du contrôle parlementaire et à la loi de règlement. J'y vois aussi – vous me pardonnerez une petite digression – tout l'intérêt qu'il y a à préserver l'existence d'une commission permanente de la défense et des forces armées à l'Assemblée nationale. (Sourires.)

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Excellente digression !

M. Michel Voisin. S’agissant des enseignements à tirer de l'exécution budgétaire pour 2005, deux points me paraissent importants : les reports de crédits et le financement des OPEX.

Conformément aux souhaits du chef de l'État, le budget voté en 2005 représente, pour la quatrième année consécutive, la stricte application de la loi de programmation militaire. Le groupe de l’UMP, madame le ministre, mesure toute la part que vous avez prise dans la réalisation de cet objectif.

Toutefois, les reports de crédits accumulés en 2003 et 2004 ayant atteint un niveau très élevé – quelque 1,5 milliard d'euros en 2003 et 2,7 milliards en 2004 –, peut-on, dans ces conditions, respecter de manière effective les annuités de la loi de programmation militaire ? Nous nous en sommes émus et cette question a fait l'objet d'un large débat.

Nous le savons, ces reports résident essentiellement dans l'application de normes de dépenses imposée par le ministère des finances et non dans la capacité de votre ministère à utiliser ces dotations. Dès lors, nous nous félicitons de la décision du chef de l'État et des arbitrages du Gouvernement tendant à restituer au ministère de la défense en 2005, 2006 et 2007, l'intégralité de ces reports de crédits. De plus le groupe de l’UMP de l’Assemblée se réjouit de l’autorisation à titre dérogatoire qui vous a été consentie de dépasser, dans le cadre de la LOLF, le plafond de report de 3 % d'un exercice sur l'autre.

M. Michel Bouvard. Attention à ne pas rendre la dérogation permanente !

M. Michel Voisin. Nous pouvons aujourd'hui, monsieur Bouvard, mesurer concrètement cet engagement, puisque, sur les 2,9 milliards de crédits reportés, nous n'en comptons plus que 1,9 milliard d'euros, fin 2005.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Michel Voisin. Les reports de charge ont également diminué en 2005.

Nous devons poursuivre cet effort. C’est pourquoi nous souhaiterions connaître la façon dont vous entendez mener cette politique de résorption des reports de crédits et de charges en 2006. Soyez assurée, madame le ministre, de notre soutien en la matière.

Toutefois, il convient de souligner qu’en dépit de ces reports et du retard pris dans la mise en œuvre de certains programmes d'équipement – le char Leclerc et l’AMX 30 ont été évoqués, mais je ne suis pas certain qu’il faille chercher la raison de ces retards dans l’exécution des crédits de la défense et de la loi de programmation militaire –, qu’en dépit également – c’est plus important – du paiement d'intérêts moratoires en hausse en 2005, aucun programme d'armement n'a été remis en cause.

Les objectifs de la loi de programmation militaire sont globalement tenus, comme le général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, et M. François Lureau, délégué général pour l’armement, l'ont confirmé lors de leur audition par notre commission.

En ce qui concerne le financement des opérations extérieures, la budgétisation, en loi de finances initiale, était particulièrement attendue – depuis une décennie au moins. Il n'était plus possible de financer de telles opérations sur des lignes de crédits d'investissement, au risque de porter atteinte à la bonne exécution de la loi de programmation militaire. L'inscription d'une ligne budgétaire spécifique concourt à la sincérité de la loi de finances initiale, même si des ajustements se révèlent inévitables pour financer les surcoûts d'opérations extérieures imprévisibles. L'objectif affiché par le Président de la République étant de parvenir, en 2007, à une budgétisation intégrale des opérations extérieures, une évaluation très fine des besoins est requise. Du reste, la recommandation n° 38 de la Cour des comptes confirme cette analyse.

Depuis 2003, les provisions destinées aux OPEX sont en constante augmentation : 100 millions d’euros en 2005 et 175 millions inscrits en 2006 mais, chacun le sait, le général Bentégeat estime le coût des opérations extérieures à 650 millions d'euros. Des efforts financiers supplémentaires devront donc être consentis afin que les 120 000 femmes et hommes qui sont engagés sur le théâtre d'opérations extérieures puissent mener à bien leurs missions.

Enfin, madame le ministre, notre groupe se félicite du récent engagement pris par le Gouvernement de respecter intégralement la loi de programmation militaire dans le cadre du budget 2007. Un tel engagement traduit la volonté que le chef de l'État a exprimée lors de ses vœux aux armées le 9 janvier 2006. Nous soutiendrons évidemment le Gouvernement dans cette démarche. Pouvez-vous, madame le ministre, à l'occasion de ce débat, nous présenter les principales orientations de votre budget en nous précisant vos intentions en matière de consommation des crédits reportés ainsi que les efforts que vous entendez fournir pour assurer le financement intégral des OPEX ?

Un dernier mot, à votre adresse, monsieur Desallangre, pour vous rappeler que les pensions des anciens combattants ne font pas partie des crédits d’équipement de la défense ! La demande que vous avez formulée en la matière était donc hors sujet.

M. Jacques Desallangre. La question méritait d’être évoquée !

M. Michel Voisin. Madame le ministre, je le répète, le groupe de l’UMP soutiendra votre démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le budget de la défense a une structure particulière – chacun le sait – en raison des crédits importants qui apparaissent aux titres V et VI. L’essentiel de mon propos portera donc sur l’exécution de ces crédits.

Toutefois, permettez-moi au préalable de revenir sur la coopération entre les commissions des finances et de la défense, rendue possible à l’occasion de ce débat. Je me permets, à ce titre, de saluer le travail du rapporteur spécial de la commission des finances, dont la sincérité le dispute à la clarté.

M. Louis Giscard d'Estaing, suppléant M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Je lui transmettrai vos propos.

Mme Patricia Adam. Je tiens également à féliciter l’ensemble de la commission des finances de la haute tenue de la discussion qu’elle a eue à l’occasion des auditions du général Bentégeat et du délégué général pour l’armement. Cette discussion, dont la nature est nécessairement différente des auditions effectuées par la commission de la défense, aura permis de compléter utilement la préparation du débat qui nous réunit ce soir.

On attend en effet de nous une improbable synthèse de la technicité respective de nos deux commissions. Le pari est audacieux : il s’agit de le tenir, après l’avoir pris ! Je m'y suis efforcée avec humilité. J’y ai été aidée, il est vrai, par les commissaires socialistes de la commission des finances, qui m'ont fait parvenir la présentation des crédits effectuée par le rapporteur spécial. Cela mérite d'être souligné, car il n’est pas rare que les commissaires socialistes des deux commissions aient des approches assez dissemblables de l’évolution souhaitable des crédits de la défense. Je pense qu'il en va de même dans les deux groupes de la majorité.

Je dois aussi féliciter et remercier le président de la commission de la défense. En effet, en prenant l’initiative de créer chaque année, au sein de la commission de la défense et des forces armées, une mission d'information sur l'exécution des crédits, il a doté notre commission d'un outil précieux et reconnu de tous.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Je vous remercie.

Mme Patricia Adam. J’en suis pour l’instant aux félicitations, mais les critiques vont venir. (Sourires.)

On remarquera d’ailleurs qu'au fil des années, les points de vue sur l'exécution des crédits se sont rapprochés. Il me semble que le travail honnête de cette mission d'information a permis de dépassionner les débats. Il faut s'en féliciter. D’ailleurs, en ce qui concerne les députés du groupe socialiste, il ne s'agit que de conserver l'attitude qui a été la leur pendant la discussion sur la loi de finances initiale pour 2005. Jean-Michel Boucheron avait alors fait part de son désir de mener une discussion constructive. Nous nous y tenons.

Cependant, avant d’entamer le débat, madame la ministre, je souhaite poser deux questions sur le non-respect de l’article 8 et de l’article 9 de la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003-2008.

L’article 8 de ce texte dispose que « tous les deux ans, un débat sera organisé au Parlement sur les orientations relatives à la politique de défense et à leur mise en œuvre ». Or, je n’ai pas remarqué qu’un tel débat ait eu lieu, d’autant que les députés du groupe socialiste ont systématiquement posé la question de la pertinence des orientations de la politique de défense depuis 2003. Ils sont donc fondés à rappeler que la loi doit être respectée. Qu’en est-il donc de ce débat ?

La même question se pose à propos de l'article 9 de la loi qui dispose : « Le Gouvernement présentera chaque année au Parlement, lors du dépôt du projet de loi de finances, un rapport sur l’exécution de la présente loi. Ce rapport fera l’objet d'un débat au Parlement ».

Les membres de la commission des finances ont d’ailleurs eux aussi remarqué un tel manquement dans l’application de la loi.

J’en viens maintenant au cœur de notre préoccupation : l’exécution des crédits de 2005. Pour aller à l'essentiel, je me contenterai de résumer ce qui a été plus longuement exposé précédemment.

Tout d’abord, le niveau des crédits disponibles en 2005 aux titres V et VI était de 16,28 milliards d'euros. Ce chiffre est assurément considérable. Malheureusement, seulement 14,29 milliards d'euros ont été dépensés. Je sais bien qu'on m'objectera que ce niveau de dépenses est très élevé – le plus important depuis 2003. Je prends acte par ailleurs de l'augmentation progressive du montant de crédits consommés, comme je prends acte du montant effectif de consommation pour 2005. Je le fais d'autant plus aisément que je ne vois là que la confirmation de ce que les députés du groupe socialiste affirment depuis plusieurs années maintenant. La structure actuelle du budget de l’État ne permet tout simplement pas de consommer les crédits ouverts.

Toutefois, pour dire vrai, je ne reproche pas au Gouvernement de n'avoir pu dépenser 1,9 milliard d'euros restants car à l'impossible nul n'est tenu. Je lui fais plutôt grief d'avoir tenté de faire croire à la communauté de défense que ce niveau de dépenses était pertinent au regard des autres obligations de l'État. J'ajoute que, pour ma part, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que le Gouvernement souhaite financer des investissements de défense en supprimant des emplois d'enseignants ou d'autres fonctionnaires.

En revanche, je souhaite revenir sur une forme d'anomalie démocratique, déjà exposée par quelques-uns de nos collègues : je veux parler de la « norme de dépense ». J’éviterai toute considération polémique. Au contraire, c'est l'attachement à l'équilibre des pouvoirs qui inspirera mes propos ; en un mot, c'est le goût de défendre les assemblées parlementaires et ceux qui y siègent, de défendre ce Parlement dont la Constitution prévoit qu'il vote la loi, y compris les lois de finances. Sans entrer dans des considérations juridiques élevées, il me semblait qu'il n'existait pas de norme au-dessus de la loi, ou du moins qu'une mesure administrative ne pouvait contredire une loi votée et promulguée. C'est pourtant bien ce qui se passe avec cette fameuse norme.

Je vais résumer très sommairement la situation. D’abord, le Gouvernement fait voter des crédits dont le montant n'est pas en rapport avec les possibilités du budget de la France. Puis, le ministre du budget fait savoir que tout cela n'est pas sérieux et qu'il faut donc contingenter la consommation des crédits. Ensuite, un arbitrage est rendu au plus haut niveau de l'État pour fixer au ministère de la défense ses priorités réelles. Enfin, on annonce que les crédits non consommés sont reportés et qu'ils seront bien entendus consommés en fin de LPM, avant d’ajouter que le modèle de défense est intangible. Et nous observons ce mécanisme budgétaire depuis quatre ans !

M. Michel Voisin. Vous ne manquez pas de souffle !

Mme Patricia Adam. Je le répète : nul ne peut reprocher à Bercy son rôle de garde-fou budgétaire. En revanche, il n'est pas sain de continuer à faire croire que les montants votés en lois de finances sont réalistes.

M. Michel Voisin. C’est faux !

Mme Patricia Adam. Fait plus récent que vous connaissez : les états-majors conviennent en aparté de leur inquiétude. Les plus récents travaux sur la version actualisée du référentiel n'ont fait qu'ajouter aux craintes. À la décharge du ministère de la défense, je remarque d’ailleurs que les gendarmes ne sont pas plus satisfaits du sort qui leur est réservé.

Exprimant ainsi les inquiétudes des députés du groupe socialiste, je veux simplement dire que, de mon point de vue, la norme imposée par Bercy, plus qu'une simple mesure prudentielle de gestion, est déjà l'aveu d'une incapacité à respecter les objectifs de dépense. Puisque tout le monde le sait, pourquoi ne pas en convenir et repartir sur des bases plus saines et plus réalistes ?

J'en viens maintenant à la question des reports. La Cour des comptes a étudié le sujet de façon très précise, ainsi que la commission des finances. Quant au groupe socialiste, il s'en inquiète depuis le début de la LPM. Concernant le programme « Équipement des forces », créé dans le cadre des nouvelles dispositions budgétaires issues de la LOLF, la Cour émet, poliment, un doute sur la capacité de l'État à exécuter la stratégie fixée par la LPM 2003-2008. Elle rappelle qu'à sa connaissance, il manque actuellement 3,6 milliards d'euros en exécution budgétaire, soit 8 % des crédits de la LPM – donnée meilleure que par le passé, mais qui reste préoccupante.

Même si je ne reprends pas à mon compte la méthode d'agrégation de la Cour, j'identifie 2 milliards d’euros de report de charges et 1,3 milliard d'euros de report de crédits. Cela est dû aux reports générés, notamment, par l'application de la « norme de dépense » évoquée plus haut. Les reports de crédits de paiement sont à peu près garantis jusqu'en 2006. Au-delà, c’est l'inconnu. La Cour rappelle d'ailleurs que rien ne garantit que le ministère de la défense ait la capacité de consommer les crédits reportés. Enfin, le ministère de la défense et Bercy sont engagés dans un bras de fer sur les modalités de report des autorisations d'engagement. L'enjeu de cette confrontation n'est pas mince puisqu'il s'agit de 6 milliards d'euros.

Nous pensons que les objectifs de dépenses d'investissement militaire affichés par le Gouvernement ne sont pas tenables, je le répète. Le rapport de la Cour des comptes souligne justement les hypothèques qui pèsent sur la réalisation de la LPM. Je ne peux que constater une identité de diagnostic avec les députés socialistes sur le sujet.

Puisque déjà évoqués, j’énumérerai brièvement les programmes qui posent problème : programme Leclerc, rénovation des AMX-10RC, programme Tigre, NH90 marine, équipement FELIN. Quant aux livraisons de missiles MICA, ont-elles repris ? Enfin, rappelons qu’à cause d’une difficulté technique, les gilets pare-balles commandés pour la gendarmerie n’ont pas pu être livrés jusqu’à fin 2005. Comment ces situations diverses vont-elle évoluer ?

Je n’ignore certes pas que de nombreux programmes se déroulent conformément aux prévisions. Il me semble néanmoins utile de prêter une attention particulière aux programmes soumis à des aléas, ces derniers ayant un impact sur l'exécution des crédits prévus et posant éventuellement la question d'un éventuel trou capacitaire.

Comme je l’ai annoncé, j'ai fait le choix de concentrer l'essentiel de cette intervention sur l'exécution des crédits inscrits aux titres V et VI. Je ne méconnais pas pour autant les réalités qui s'attachent à l'activité du personnel du ministère de la défense. Reste que le rapport du président de la commission de la défense sur l'exécution des crédits 2005 a développé cet aspect, sans que, comme d’autres collègues, je ne voie quoi que ce soit à ajouter. Le nombre d'heures de vol des pilotes de l'aviation légère de l'armée de terre en 2005 est trop faible. La remarque vaut pour les pilotes d'hélicoptères de l'aviation navale.

En conclusion, les députés du groupe socialiste saluent le sain exercice que constitue l’organisation cette année d’un débat sur l'exécution des crédits de la défense. Ils apprécient particulièrement la complémentarité des deux commissions réunies ce soir.

M. Michel Voisin. Très bien !

Mme Patricia Adam. Ils appellent donc leurs présidents à prendre des initiatives afin de multiplier les travaux communs sur ce budget important, quantitativement et qualitativement.

L'examen des modalités d'exécution du budget 2005 montre que, comme en 2004, le ministère de la défense n'a pas été autorisé à dépenser les crédits votés par le Parlement. La raison en est simple : ils sont hors de proportion par rapport aux possibilités de notre pays, du moins tel qu'il est géré actuellement. De surcroît, le Gouvernement s'obstine à courir après un modèle daté, qui perd sa cohérence au gré des glissements de programmes et des reports de crédits.

Ainsi, le groupe socialiste répète que les objectifs de la LPM ne seront pas atteints. Cela n'est pas dramatique, à condition qu'on sache redéfinir un modèle d’armées cohérent pour la France dans une dimension européenne concertée avec nos alliés

M. Jean-Claude Viollet. Très bien !

Mme Patricia Adam. Enfin, les députés socialistes considèrent que le présent débat confirme l'essentiel de leurs analyses depuis quatre ans, à savoir que le budget voté n’est pas sincère. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je ne reprendrai pas les propos de notre collègue Francis Hillmeyer, mais je tiens simplement à saluer, madame la ministre, la manière dont vous gérez les fonds qui vous sont attribués.

Dans le cadre de la mission d'information sur l'exécution des crédits, nous avons constaté un respect global des dispositions votées par le Parlement. C'est tout à votre honneur, madame la ministre, d'autant que cela dure depuis la mise en place de cette mission en 2003, à l’initiative de notre cher président Teissier.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Je vous remercie.

M. Philippe Folliot. Étant donné le contexte, les budgets sont bons et leur exécution pas moins. Je crois qu'en des temps si difficiles sur le plan budgétaire, nous pouvons le constater avec une certaine satisfaction.

Reste que, pour entrer dans le vif du sujet et au risque d'en surprendre certains, je souhaite axer l’essentiel de mon propos sur la gendarmerie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Voisin. Folliot – le – gendarme ! (Sourires.)

M. Philippe Folliot. Je tiens à souligner les efforts consentis en la matière en 2005. Je pense notamment au décret du 26 septembre qui a permis d'abonder les moyens de fonctionnement du ministère à hauteur de 120 millions d'euros, et ce, notamment, afin d'assurer le versement des loyers de gendarmerie et d’ouvrir de nouvelles perspectives immobilières, sujet dont vous savez qu’il m’est, qu’il nous est cher.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour rappeler que si la LOPSI n’est pas annualisée, nous avons malgré tout constaté une différence dans sa mise en œuvre entre la gendarmerie et la police. Aussi je tiens à souligner, madame la ministre, votre fort engagement pour tenter d’assurer un certain rattrapage. Je ne sais pas si nous parviendrons à respecter les engagements initiaux, mais, en tout état de cause, il me paraît essentiel d’adresser à la gendarmerie ce signe de votre volonté.

Dans le même temps, seul 1 million d'euros de crédits ont été annulés pour le fonctionnement de la gendarmerie sur un total d'annulation de 25 millions. La gendarmerie s'en sort donc bien.

Puisque le budget est globalement bon, parlons de ce qui permettrait que tout aille encore mieux. Il reste en effet quelques points à améliorer.

En matière d'activités tout d'abord, la gendarmerie ne parvient pas à atteindre les objectifs assignés par la loi de programmation militaire. Sur les trente-cinq jours d'instruction prévus pour les gendarmes mobiles, seuls vingt-cinq ont été effectivement réalisés en 2005. C'est d'autant plus dommage que nous avions réussi, en 2004, à faire mieux que prévu : les prévisions tablaient sur vingt jours, et vingt-six ont été réalisés. Avec la commission de la défense, nous avons pu nous rendre compte du professionnalisme et du caractère très performant des programmes de formation dispensés à Saint-Astier. Pour autant, nous ne méconnaissons pas les règles d’engagement de la gendarmerie mobile et nous avons pu apprécier sa disponibilité et sa valeur lors des événements qui ont agité les banlieues à la fin de 2005 : c’est d’ailleurs ce qui explique en grande partie le décalage constaté.

Par ailleurs, en raison d'un problème de fiabilité, la livraison des gilets pare-balles a pris du retard. Une partie seulement du stock prévu a été livrée en 2005. Une solution a heureusement été trouvée, mais il nous faudra veiller à ce que ce retard soit comblé aussi rapidement que possible.

Dernier point à améliorer : le sous-effectif. Celui-ci persiste, bien que de manière limitée. Par rapport aux autres corps, il est même le plus faible, avec un taux de 1,1 % contre 6,1 % dans l’armée de terre, la moyenne se situant à 2,9 %. La gendarmerie, encore une fois, s'en sort bien.

À cet égard, je me réjouis de l'annonce, faite il y a quelques jours, de la création de postes de fonctionnaires dans la gendarmerie. Les besoins sont réels. Au total, 4 000 postes supplémentaires seraient créés, dont 1 387 pour la gendarmerie. Êtes-vous en mesure, madame le ministre, de nous en dire davantage et de nous confirmer ces chiffres ? Pouvez-vous nous assurer que ces créations ne seront pas contrebalancées par le non-renouvellement d'autres postes ?

Pour conclure, je vous renouvelle mes félicitations. Il est plus difficile de conserver la première place que d'y arriver, dit-on. Or vous parvenez avec intelligence à conserver un très bon niveau dans la gestion de votre budget en général et dans celui de la gendarmerie en particulier. Nous vous savons particulièrement attachée à cette arme, et à son caractère militaire. La mission de sécurité incombant à la gendarmerie doit rester interministérielle. Il y va de l’intérêt général et de la pérennité des liens entre la gendarmerie et les autres armes. Nous y sommes tous très attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pour la première fois, la loi de règlement nous permet, par anticipation sur la mise en œuvre de la LOLF, d’examiner les conditions de l’exécution d’une partie du budget de l’exercice clos. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale sur la loi de règlement, cet exercice reste d’une portée limitée, étant donné l’absence de formatage des crédits totaux dès 2005. L’occasion nous est toutefois donnée de roder la nouvelle procédure.

À cet égard, je souhaite dire à M. Folliot mon profond regret : à peine cette procédure installée, on commence à la dévoyer ! Quel que soit l’intérêt que l’on puisse porter aux crédits de la gendarmerie, il n’est pas de bonne méthode d’en faire l’objet principal de son intervention, alors qu’il a été décidé de consacrer cette discussion à un programme. Certes, il est entré de l’arbitraire dans le choix des programmes, puisqu’il s’agissait de tester une procédure sur des échantillons intéressant différentes commissions et différents ministères, mais ce n’est pas une raison pour s’engager dans cette voie !

Pour ma part, je m’en tiendrai à ce qui est prévu en évoquant les conditions de mise en œuvre de la LOLF, et principalement du programme en question, au niveau du ministère de la défense, et en abordant les problèmes rencontrés dans l’exécution du budget de 2005.

Permettez-moi de saluer votre présence pour cette « première », madame la ministre. Vous aviez d’ailleurs réalisé une autre « première » au cours de la législature, ayant été le premier membre du Gouvernement à être auditionné par la commission des finances sur les stratégies ministérielles de réformes, dont je regrettais tout à l’heure qu’elles aient disparu de la circulation !

Le volume budgétaire du programme « Équipement des forces » a déjà été souligné par la commission des finances : avec 9,25 milliards d’euros, c’est l’un des plus importants du budget de 2005 en crédits de paiement. En 2006, il porte sur 10,6 milliards d’euros. Ce programme a la particularité de faire l’objet d’un copilotage par le chef d’état-major des armées et le délégué général pour l’armement, que la commission a récemment auditionnés dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF et de la préparation de cette loi de règlement.

Au-delà de la maquette budgétaire, pour laquelle nous aurions souhaité que les équipements conventionnels et les équipements nucléaires soient identifiés au sein de deux programmes, je souhaite aborder différents problèmes qui se posent à la représentation nationale pour parfaire sa lecture des moyens consacrés par la nation à l’équipement des armées. J’observe en effet qu’un tiers des crédits d’équipement de la loi de programmation militaire pour 2003-2008 ne figurent pas dans le périmètre du programme car ils ont été ventilés dans deux autres programmes. Ainsi, les crédits d’études sont rattachés au programme « Environnement et prospective de la politique de défense », tandis que les crédits de maintien en conditions opérationnelles sont intégrés au programme « Préparation et emploi des forces ». Comme le souligne la Cour des comptes, cela suppose qu’une démarche parallèle soit engagée pour informer le Parlement de l’exécution de la loi de programmation militaire. Lors de l’audition du CEMA et du DGA, nous avons demandé que le rapport sur l’exécution de la LPM, dont nous n’avons plus la communication depuis 2003, nous soit remis. En effet, quelle que soit la qualité des informations apportées à la commission de la défense, il est utile que l’ensemble de la représentation nationale ait connaissance de ces éléments.

Au-delà de ces considérations d’ordre général, je souhaite rappeler, pour la bonne pratique de la LOLF, qu’il est important de disposer d’indicateurs facilitant une approche qualitative de la dépense pour chaque programme d’armement. Avez-vous des informations à nous apporter à ce sujet, madame le ministre ? À l’évidence, nous ne pouvons nous contenter de résultats limités à l’efficacité administrative et technique – même si celle-ci a sa place – et excluant la performance économique.

Lors de l’audition des responsables du programme, nous avons souligné l’impossibilité de mettre en œuvre de la fongibilité asymétrique, qui est pourtant un élément central de la LOLF. Les dépenses de personnel, bien qu’elles ne couvrent qu’une faible partie des crédits du programme, sont en effet regroupées dans un budget opérationnel de programme spécifique, ce qui constitue une autre obstacle au calcul à coût complet des programmes d’armement.

Nous avons aussi rappelé la nécessité d’un pilotage individualisé des BOP.

J’en viens maintenant à l’exécution de la loi de finances de 2005. Celle-ci se traduit encore par un montant important de reports, montant qui déroge à la règle des 3 % prévue par la LOLF. Cette dérogation ne saurait être éternelle ! Elle peut être autorisée, certes, mais pas généralisée. L’audition a permis de comprendre le problème spécifique de la norme de dépenses, qui peut trouver des justifications dans la gestion globale des crédits de l’État. Cependant, ce contrôle a un coût : les impayés du budget d’investissement de la défense, soit 2,144 milliards d’euros au 31 décembre 2005, se traduisent par 33,5 millions d’euros d’intérêts moratoires, contre 28 en 2004 et 20 en 2003.

M. Francis Hillmeyer. Hélas !

M. Michel Bouvard. Enfin, nous n’ignorons pas qu’il a fallu procéder à des ouvertures de crédits pour le financement des OPEX, lesquelles sont encore notoirement sous-dotées,…

M. Michel Voisin. Nous sommes d’accord !

M. Michel Bouvard. …malgré les efforts engagés depuis le début de la législature : 100 millions d’euros en loi de finances initiale pour un montant de 611 millions en loi de règlement. Ces inscriptions complémentaires ont été gagées par des annulations de même montant sur les autres crédits du ministère de la défense, notamment les crédits d’investissement. Il est donc impératif de procéder à une « opération vérité » sur le montant des OPEX – sur ce sujet, je vous renvoie aux propos que nous avons échangés à la fin de la discussion du projet de loi de finances pour 2006. Le chef d’état-major des armées a d’ailleurs évoqué devant la commission des finances un besoin de 650 millions d’euros pour l’exercice 2006, confirmant le bien-fondé de la position de la commission des finances.

Enfin, comme les autres budgets, celui de la défense est victime de la faiblesse des systèmes d’information de l’État. On nous annonce que CHORUS ne sera opérationnel qu’en 2009. C’est un handicap pour l’analyse des coûts, qui reste conditionnée en grande partie par la mise en œuvre de ce système. En attendant cette échéance, le ministère de la défense dispose-t-il de moyens permettant au Parlement de mieux analyser les coûts de production des armements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je souhaite en effet dire quelques mots après ces excellentes interventions. « Pourquoi avoir choisi ce programme, et non la totalité du budget du ministère de la défense ? » a demandé M. Hillmeyer. Nous nous sommes concertés avec les commissions concernées, au premier rang desquelles la commission de la défense,…

M. Michel Bouvard. Qui a bien joué le jeu !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …pour choisir trois programmes préfigurant ce que sera le débat sur la loi de règlement dès l’année prochaine. Il s’agissait de mettre en avant le rôle essentiel de contrôle et d’évaluation dévolu au Parlement. À l’occasion de ce dernier projet de loi de règlement débattu selon les dispositions de l’ordonnance de 1959, nous voulions voir comment la discussion pouvait s’organiser sur quelques programmes ou missions. Les interventions des orateurs montrent tout l’intérêt de cet exercice.

Si le programme « Équipement des forces » a été choisi, à côté des missions « Ville et logement » et « Administration générale et territoriale de l’État », c’est parce qu’il représente à lui seul plus de la moitié des crédits d’investissement de la défense, lesquels représentent à leur tour la moitié des 30 milliards d’euros consacrés chaque année à l’investissement dans le budget de l’État. De surcroît, ce programme connaît une forte augmentation depuis 2002, du fait de l’application de la loi de programmation militaire. Il y a lieu de s’en réjouir, mais toute augmentation de crédits s’accompagne de problèmes de rattrapage et d’articulation entre les crédits ouverts et les crédits consommés.

Par ailleurs, nous nous félicitons – je le dis devant le président Teissier – de la qualité des relations qu’entretiennent la commission des finances et la commission de la défense. J’en veux pour preuve que l’un des trois sujets retenus cette année dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle concerne la défense, et que M. Viollet et M. Cornut-Gentille y travaillent en étroite collaboration.

M. Charles de Courson. Ce sont des patriotes !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est heureux que les crédits d’investissement de la défense fassent aujourd'hui l’objet d’un rattrapage, après avoir été malmenés dans le passé.

M. Michel Voisin. C’est juste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si, entre 2004 et 2005, on observe une accélération de la consommation des crédits, ce contexte de rattrapage entraîne des problèmes liés non seulement à la faculté, de la part du ministère de la défense et de ses partenaires, de consommer ces crédits, mais aussi à l’autorisation de les consommer, la règle générale voulant que l’on consomme « à l’euro près » ce qui a été voté en loi de finances.

Madame Adam, j’ai apprécié ce que vous avez dit sur la qualité des relations entre les deux commissions et l’intérêt du débat. Les reports de 2004 sur 2005 – 2,7 milliards sur l’ensemble des crédits d’investissement –ont en effet été très importants, mais c’est normal puisque les crédits avaient fortement augmenté. N’oublions pas d’où nous venons. Entre 1997 et 2002, il y avait trois montants complètement différents : celui de l’inscription dans la loi de programmation, celui voté en loi de finances, qui était substantiellement inférieur, et celui de l’exécution, qui était encore inférieur. Cela ne peut que générer structurellement des reports. Je veux souligner comme un point très positif que les reports de 2005 sur 2006 représentent moins de 2 milliards.

Il n’en demeure pas moins que 2 milliards d’euros de reports, ça se voit, surtout dans une règle d’autorisation de consommation à l’euro près de l’enveloppe qui a été votée.

Je souhaite donc savoir, madame la ministre, comment vous envisagez l’autorisation de consommation de reports au titre de l’année 2006, de façon à aboutir à des reports raisonnables en 2007, avant-dernière année d’exécution de la loi de programmation.

C’est un problème que chacun d’entre nous a abordé et dont les membres de la commission des finances sont tout à fait conscients. Tout en nous réjouissant de l’accélération de la consommation, il reste à harmoniser la consommation nécessaire du ministère de la défense et la règle dite du « zéro volume ». Nous avons donc tout intérêt à appréhender les choses suffisamment en amont pour ne pas nous retrouver dans une situation difficile en 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le rapporteur général, que vous ayez choisi d’examiner ce soir l’exécution 2005 du programme « Équipement des forces de la défense » ne me pose aucun problème. Il est suffisamment important par son volume et son impact stratégique, du point de vue tant économique que sécuritaire, pour justifier son examen. Cette analyse, qui constitue une première, s’inscrit dans la logique de transparence voulue par la LOLF, mais également dans celle qui s’est instaurée depuis 2003 dans les relations entre la commission de la défense de l’Assemblée nationale et le ministère. Ce suivi, que nous avons assuré selon les anciennes modalités, trouve aujourd’hui un prolongement naturel dans le cadre de la LOLF. Cette analyse doit également permettre davantage de cohérence entre les différents exercices.

Avant de répondre aux questions qui m’ont été posées, je voudrais souligner les importantes évolutions stratégiques qui ont marqué l’année 2005 en matière de gestion des programmes, de gestion financière et d’acquisition de capacités.

L’année 2005 a été marquée par une réforme profonde dans la gestion des programmes d’armement. Au cours de cette année, le rôle du chef d’état-major des armées a été revu par un décret de mai 2005. Celui-ci complétait la réforme des programmes et celle de la DGA, engagées dès 2004. Ces mesures ont renforcé la capacité d’arbitrage et surtout clarifié les responsabilités, ce que précisément je recherchais. Elles se sont accompagnées d’une priorité donnée aux compétences techniques de la DGA. Parallèlement, le conseil des systèmes de forces fonctionne et les instructions relatives aux programmes d'armement ont été revues. Les priorités sont l’analyse des risques, l'équilibre financier et la cohérence des choix capacitaires.

À partir de cet ensemble de documents, le ministère de la défense, mieux structuré, est devenu un interlocuteur plus réactif. D’ailleurs, l’exercice d’actualisation de la programmation – ce que nous appelons la « VAR » –, mené au début de 2006, a montré la pertinence de cette nouvelle organisation. Réalisée rapidement, en trois mois seulement, la VAR a permis de donner aux responsables de programme tous les paramètres – capacitaire, industriel, budgétaire – de la décision. Les autres dépenses prévues par la loi de programmation militaire font l'objet d'un suivi particulier et d'actions de réforme en profondeur. Tel est le cas du maintien en conditions opérationnelles, qui a fait l'objet d'audits dont nous avons tiré les conséquences, ou des infrastructures. La mutualisation des moyens sous l'autorité du secrétaire général pour l'administration permet aujourd’hui d'assurer la cohérence et l'équilibre financier de la politique immobilière.

Au-delà de ces progrès d'organisation, l’année 2005 a aussi permis d'assainir la situation financière des programmes et d'assurer ainsi la bonne exécution de la loi de programmation militaire. Oui, madame Adam, la LPM a été respectée, en loi de finances initiale comme en exécution, M. le président Teissier l’a fort justement souligné.

Le financement des OPEX a pu se faire sans mise à contribution des crédits de la LPM. Je tiens à remercier particulièrement l’Assemblée nationale d’avoir autorisé une ligne budgétaire particulière. Abondée au fur et à mesure, cette ligne a permis que les OPEX ne se traduisent plus par des prélèvements sur le budget et par la création de reports, puisque le remboursement ne se faisait qu’en fin d’année, à un moment où il n’était pratiquement plus possible de comprimer ces crédits. Certes, monsieur Bouvard, le montant des OPEX sera important en 2006, malgré les économies réalisées sur leur gestion normale. Cela est dû à la forte sollicitation des forces militaires, qui doivent répondre à des demandes du Gouvernement en fonction de la conjoncture internationale. Celle-ci est malheureusement marquée cette année par une multiplication de crises ainsi que par une série de catastrophes naturelles, auxquelles la seule force réactive susceptible de répondre est la force militaire. De tels événements, nous ne pouvons les prévoir d’une année sur l’autre. Toutefois, le chef d’état-major des armées a dû vous dire que, à périmètre constant, un effort important avait été fait sur chaque dépense d’OPEX pour en limiter l’impact, comme je m’y étais engagée lorsque nous avions eu cette discussion.

MM. Voisin et Giscard d’Estaing notamment ont évoqué les reports de crédits. Alors que ces derniers avaient augmenté sur les programmes en 2004, ils ont été réduits d'un tiers en 2005, conformément aux orientations données par le Président de la République, et ne se montent plus qu’à 1,9 milliard d’euros. En 2006, madame Adam, monsieur Desallangre, l'apurement des reports sera poursuivi, grâce à des crédits de paiement qui dépasseront le montant de la loi de finances. Nous visons bel et bien la consommation totale des crédits de report d’ici à la fin de la loi de programmation en 2008. Nous ferons ce qu’il faut sur 2007 et 2008 pour en finir définitivement avec cette pratique et nous mettre en totale conformité avec la LOLF, c’est-à-dire de ne plus avoir recours à cette facilité que vous nous avez accordée et qui était indispensable compte tenu du passé.

Aujourd’hui, les engagements sont maîtrisés, le solde de gestion est équilibré. Signe de cette amélioration, la fin de gestion s'est parfaitement déroulée. Nous avons connu dès l'été le niveau de la « norme de dépense » accordée au ministère, ce qui nous a, bien entendu, grandement facilité la tâche. Les factures impayées ont été considérablement limitées. Je tiens à dire à M. le président Teissier en particulier que nous avons mis en place un suivi particulier pour les PME-PMI afin d'éviter de les placer en difficulté. Ce sont évidemment les entreprises les plus fragiles, donc les plus sensibles à nos éventuels retards de paiement. Des mécanismes d'intermédiation bancaire ont été mis en œuvre pour aider nos créanciers.

Tous ces efforts auront un effet sur les intérêts moratoires, évoqués à fort juste titre par M. Voisin. Ils sont un vrai sujet de préoccupation, car ils ont augmenté en 2005 du fait de la fin de gestion 2004, dont vous avez, les uns et les autres, souligné la difficulté. Je compte que les choses s’améliorent, et nous notons, depuis le début de l'année 2006, une diminution de ces intérêts moratoires par rapport à 2005. Là aussi, ces régularisations que nous mettons en place au fur et à mesure nous permettent de faire des progrès importants.

La nouvelle organisation et la situation financière équilibrée favorisent la poursuite d'une politique d'acquisition ambitieuse. D'importantes commandes ont été passées en 2005, notamment les huit premières FREMM, les deux avions TLRA, 130 missiles MICA et 88 véhicules VBL. J’ajoute que les commandes du M51 et les premières commandes du FELIN ont été passées au début de 2006.

S’agissant des livraisons, le gros des difficultés que nous avons rencontrées sur le char Leclerc et sur l'hélicoptère Tigre est derrière nous. En ce qui concerne le char Leclerc, sur lequel plusieurs d’entre vous m’ont interrogée, au 1er juin 2006, 357 chars ont été livrés aux forces sur un besoin de 406 chars. Il en reste 49 à accepter et à livrer. Trois principales évolutions sont apportées aux 96 derniers chars dits « SXXI » : amélioration de la protection de l'équipage, grâce à l'apport de blindages réactifs ; amélioration de la vision et détection tout temps à grande distance, grâce à une nouvelle caméra thermique placée au poste chef d'engin ; intégration du système d'information terminal Icône. La définition des 26 derniers chars de ce type est sur le point d'être complètement arrêtée, et GIAT annonce la fin des opérations industrielles lourdes pour le milieu de 2006.

En sus de ces évolutions, GIAT doit contractuellement corriger une liste d’anomalies enregistrées au cours de ces dernières années et organiser les rétrofits de tous les chars concernés.

Nous avions en effet constaté – et c’est un problème industriel – de très nombreuses anomalies au cours des opérations de vérification des chars au début de 2006. GIAT les a repris avant acceptation et livraison aux forces, ce qui a entraîné de nouveaux retards de livraison. En fait, seuls huit chars ont pu être acceptés depuis début 2006.

Cela n’est pas dû à un manque de crédits, mais à des problèmes techniques rencontrés par l’industriel.

À court terme, GIAT vise à présenter à l’acceptation douze chars supplémentaires, et je peux vous assurer que les dernières livraisons restent bien prévues pour 2007 : elles interviendront vraisemblablement avant la mi-2007.

Le programme avait pris énormément de retard, en raison notamment de la situation de GIAT telle qu’on l’avait laissé perdurer pendant des années.

M. Louis Giscard d'Estaing, suppléant M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Absolument !

Mme la ministre de la défense. Nous aurons réussi, au cours de ces dernières années, à remettre sur les rails et l’entreprise et les livraisons de matériel.

Quant aux hélicoptères Tigre, les premiers standards sont d’ores et déjà qualifiés et le nombre de défauts à la réception est en très forte baisse. Là encore, il y a eu des retards dans le passé, mais nous les avons rattrapés.

L’année 2005 a également vu l’entrée en service des deux bâtiments de projection et de commandement, de dix Rafale, du satellite Syracuse IIIA, ainsi que des hélicoptères EC725 des unités spécialisées.

Ces bons résultats transparaissent dans l’actualité : nous inaugurerons la semaine prochaine l’escadron Rafale de Saint-Dizier, et les premiers AMX 10RC rénovés seront envoyés ce mois-ci en Côte d’Ivoire.

Ce sont là des faits très concrets qui répondent à vos interrogations.

Pour ce qui est des équipements de la gendarmerie, sur lesquels m’ont interrogée M. Folliot et Mme Adam, les gilets pare-balles ont été livrés aux forces. S’il y a eu un léger retard en 2005, il est aujourd’hui rattrapé. Tout cela est, finalement, caractéristique de la LPM telle que, quoi qu’on en dise, nous la mettons en œuvre.

Tel est le bilan, que vous me permettrez de qualifier de positif, de l’exécution 2005 des programmes d’armement. Les quelques retards enregistrés en 2005 ont été, je viens d’y insister, rattrapés en 2006. Sur des programmes d’un tel montant et d’une telle durée, un retard de trois mois n’est d’ailleurs pas très important.

Le programme « Équipement des forces » doit nous permettre d’aller plus loin. La façon dont il est conçu doit permettre aux réformes que nous avons mises en œuvre et aux règles de la LOLF de montrer leur pleine efficacité.

Premièrement, le co-pilotage garantit la cohérence de la conduite des programmes. D’ailleurs, comme l’a souligné M. Giscard d’Estaing, le comité interministériel d’audit des programmes a validé les choix du ministère : dans son rapport du mois de mai, il reconnaît que c’est sans doute la formule la plus efficace.

Le périmètre choisi, qui porte sur 11 milliards d’euros, permet de faire jouer la fongibilité des crédits. C’est également ce qui est recherché dans la LOLF.

Je sais bien, monsieur Bouvard, que ce programme n’intègre pas tout, mais certains m’ont reproché son importance financière et auraient préféré qu’ils soient scindés en plusieurs parties. Qu’en aurait-il été si, comme je le souhaitais, tout y avait été regroupé ?

M. Michel Bouvard. Allons-y !

Mme la ministre de la défense. Je me réjouirais que l’on puisse avancer sur ce point !

La structure interne du programme, qui s’inspire des systèmes de forces, donne une lecture rapide des choix financiers et capacitaires. Au titre de la transparence, c’est ce que nous recherchons tous : vous avez pu le constater dans les documents budgétaires. Même s’il y a toujours des choses à améliorer, ce programme est ce qu’il nous faut.

Il comporte deux objectifs et vingt-deux indicateurs qui, en dépit de leur hétérogénéité – dont je conviens –, donnent satisfaction.

Ils permettent d’abord de suivre l’évolution des devis. Les excellents résultats obtenus en 2005 en la matière le montrent. Les devis des programmes sont maîtrisés et ceux des programmes inter-armées diminuent même. J’attends d’ailleurs beaucoup de ces derniers, car ils permettent de faire baisser un certain nombre de coûts.

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

Mme la ministre de la défense. Ces indicateurs permettent ensuite de suivre la progression des programmes. Les premiers résultats montrent que les principaux « jalons » sont respectés.

Ils permettent enfin de mesurer les intérêts moratoires. Même si ceux-ci sont encore trop élevés, ils n’ont pas dépassé, comme il était prévu, 0,2 % de la dépense totale. Les mesures prises, notamment l’apurement des reports et les mécanismes d’intermédiation bancaire, devraient permettre de les réduire encore en 2006.

Permettez-moi quelques réflexions sur les indicateurs.

Ceux qui figurent dans les documents budgétaires sont des indicateurs synthétiques : ils agrègent des données des « petits » comme des « grands » programmes. Cette agrégation est nécessaire pour être concis. On ne peut pas faire figurer autant d’indicateurs que de programmes d’armement. Il faut quand même un certain nombre de points communs.

Mais les données relatives à chaque programme sont disponibles, et le ministère peut vous les communiquer, si vous le souhaitez, sans aucune difficulté – c’est d’ailleurs ce qui est fait en réponse aux questionnaires que les rapporteurs adressent chaque année pour le budget.

Pour le budget pour 2007, j’ai choisi de privilégier la stabilité des indicateurs, afin de pouvoir faire des comparaisons d’une année sur l’autre. Mais cela ne nous empêche pas – et j’y suis tout à fait prête – de réfléchir aux améliorations possibles. Je me tourne à ce sujet vers la commission des finances. Je pense qu’un travail commun avec la commission de la défense peut faire évoluer certains indicateurs. Je l’avais d’ailleurs indiqué dès le départ : il faut que nous recherchions tous les moyens permettant d’atteindre notre but, qui est d’avoir la meilleure lecture possible et, pour nous-mêmes, les meilleures comparaisons possibles.

Le programme « Équipement des forces » constitue l’outil principal d’exécution de la loi de programmation militaire.

Il permettra, en 2006, de mettre en œuvre, dans toutes leurs dimensions, les nouvelles règles budgétaires et les nouvelles modalités de conduite des programmes.

Ce que nous souhaitons – et je rejoins les préoccupations qui ont été exprimées sur ces bancs –, c’est, dans un contexte international qui évolue rapidement, équiper nos armées au plus vite, afin qu’elles disposent des moyens leur permettant de remplir leurs missions, et ce avec les meilleurs matériels, ce qui, dans mon esprit, ne signifie pas forcément les matériels les plus sophistiqués, mais les mieux adaptés aux missions à accomplir,…

M. Michel Bouvard. Très bien !

Mme la ministre de la défense. …et, bien entendu, au meilleur prix car nous devons faire le meilleur usage possible, ce qui signifie également le plus économe possible, des deniers qui nous sont alloués par la nation.

M. Desallangre et Mme Adam ont regretté que n’ait pas été présenté le rapport d’exécution de la LPM. Je le déplore également et propose qu’il le soit lors de l’examen des crédits de la défense dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances initial pour 2007. Cela nous permettra de disposer de tous les éléments en même temps.

En tout cas, soyez-en assurés, la LPM sera tenue. Nous nous y engageons. Comme l’a souligné le président Tessier, le ministère de la défense est parfaitement en mesure de consommer les crédits qui lui sont alloués, dès lors qu’il en dispose au bon moment. Les besoins de sécurité de la nation sont importants et, comme l’a rappelé M. Carrez, la défense est un investisseur économique essentiel dans le pays, et donc un facteur de dynamisme pour nos entreprises. Oui, la LPM sera appliquée et respectée.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur les effectifs.

M. Philippe Folliot. De la gendarmerie ?

Mme la ministre de la défense. Non, je parle des effectifs militaires et non de ceux de la gendarmerie, qui relèvent de la LOPSI, laquelle sera respectée.

Monsieur Hillemeyer, je vous rassure : il ne manque pas 10 000 hommes dans l’armée de terre. D’ailleurs, quand elle avait quelques craintes à ce sujet, l’armée de terre s’était exprimée à ce sujet. Vous noterez que, cette année, nous ne l’entendons pas.

Les effectifs du ministère de 2006 sont inchangés par rapport à 2005 et le resteront en 2007. La lettre plafond dont vous avez connaissance accorde en effet à la défense la masse salariale nécessaire.

Le chiffre que vous avez mentionné provient sans doute d’une comparaison entre les effectifs du ministère – 431 000 personnes – et ce que l’on appelle le plafond d’emplois, notion introduite par la LOLF en 2006, qui est de 440 000. L’écart entre les deux chiffres ne correspond pas à des manques d’effectifs mais à des emplois vacants. Il sera réduit de 3 000 en 2007, et non pas de près de 4 000 comme vous l’avez dit. Il faut également tenir compte de quelque 1 400 créations de postes, correspondant à des besoins clairement identifiés, notamment à la DGSE, au service de santé des armées et dans la gendarmerie.

Donc, au total, il y a une suppression de 3 000 postes correspondant à des emplois vacants, qui n’aura aucune incidence ni sur les effectifs réalisés, ni sur les crédits.

Pour le reste, comme je vous l’ai dit, les effectifs du ministère seront maintenus. Vous n’avez donc pas lieu de vous inquiéter.

M. Jacques Desallangre. Je l’ai été !

Mme la ministre de la défense. Plusieurs d’entre vous ont également évoqué le recrutement. Nous ne rencontrons aucun problème en ce domaine. Le nombre moyen de candidats pour un poste est aujourd’hui, pour ce qui concerne les volontaires, de 2,5. Les efforts que nous avons faits depuis quatre ans garantissent d’ailleurs l’attractivité des métiers de l’armée.

M. Jacques Desallangre. Nous avions eu des informations très inquiétantes !

Mme la ministre de la défense. Les informations que je viens de vous donner doivent donc vous rassurer.

M. Hillmeyer et M. Voisin m’ont interrogée sur la préparation opérationnelle des forces. Comme je vous l’ai toujours dit, j’y attache une grande importance car c’est elle qui garantit non seulement l’efficacité, mais aussi la protection de nos forces.

C’est pourquoi la loi de programmation militaire fixe des objectifs précis d’entraînement annuel. En 2005, ils ont été respectés à 95 %. S’ils ne l’ont pas été à 100 %, c’est en raison, tout d’abord, je ne vais pas vous le cacher, de l’envol du prix des carburants. Nous avons desserré partiellement cette contrainte grâce à l’effort budgétaire consenti sur ce poste – environ 300 millions d’euros par an – et au dispositif de couverture du risque pétrole mis en œuvre depuis septembre 2005.

Je reconnais que le problème n’est pas totalement réglé : d’une part, nous sommes soumis aux variations du prix mondial ; d’autre part, les activités en OPEX restent très nombreuses. Je rejoins en cela l’analyse de M. Bouvard. En 2005 et 2006, nos militaires – y compris ceux de la gendarmerie lors des émeutes – ont été extrêmement sollicités, et étaient de ce fait moins disponibles pour les entraînements.

M. Philippe Folliot. C’est vrai !

Mme la ministre de la défense. Je pense que la situation s’améliore, mais un certain nombre de blocages techniques subsistent, face auxquels nous ne pouvons rien. Il ne s’agit pas de problèmes financiers.

En ce qui concerne plus particulièrement les pilotes, l’objectif fixé par la loi de programmation militaire est de 180 heures de vol par an. En 2005, les pilotes de l’armée de l’air ont effectué 171 heures sur les 180. Nous avons donc atteint approximativement 95 % de l’objectif. Ceux de la marine ont effectué 100 % de leurs heures. Aujourd’hui, nous sommes en progression. En effet, par rapport à 2004, les pilotes de l’armée de l’air ont accompli trois heures de plus et ceux de la marine vingt heures de plus.

Pour conclure, mesdames, messieurs les parlementaires, je tiens à vous remercier de l’attention que vous portez au ministère de la défense et aux crédits qui lui sont affectés, et surtout du soutien que, sur tous ces bancs, vous manifestez régulièrement à nos militaires. J’ai le sentiment que nous essayons les uns et les autres – et chacun à notre place – de faire en sorte que les crédits que vous votez pour la défense soient le mieux possible et le plus intégralement consommés. Nous le faisons non pour des raisons purement techniques, non pour un désir quelconque de gloriole personnelle, mais parce que nous le devons à la sécurité de nos concitoyens, aux missions que notre pays remplit pour la communauté internationale et à l’idée que nous nous faisons de la responsabilité de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen de l’exécution des crédits de l’équipement des forces de la défense pour 2005.

La suite de la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour des
prochaines séances

M. le président. Mercredi 21 juin 2006, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement.

Déclaration du Gouvernement sur la situation au Proche-Orient et débat sur cette déclaration.

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3109, portant règlement définitif du budget de 2005 :

- débat sur les crédits de l’administration générale de l’État ;

- débat sur les crédits de la ville et du logement.

Rapport, n° 3155, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3109, portant règlement définitif du budget de 2005 :

- suite du débat sur les crédits de l’administration générale de l’État ;

- suite du débat sur les crédits de la ville et du logement ;

- examen des articles du projet de loi.

Rapport, n° 3155, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 3163, de M. Guy Tessier, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)