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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 17 octobre 2006

14e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

journée mondiale du refus de la misère

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Dimanche, c’était la Journée mondiale contre la faim.

Vendredi dernier, le Prix Nobel de la paix 2006 a été décerné à Muhammad Yunus pour ses travaux prestigieux sur le micro-crédit.

Aujourd'hui, c'est la Journée mondiale du refus de la misère.

Le calendrier de cette semaine montre bien la terrible actualité de la précarité et de la pauvreté, qu'elles soient internationales ou nationales.

En France, notre système de protection sociale, certes envié, crée, par sa complexité, des niches et des trappes à pauvreté : 86 500 SDF, plus de 3 millions de personnes qui connaissent un problème de mal logement ; un chômage qui, malgré un redressement, dépasse encore les 9 % ; et ce scandale insupportable du million d'enfants qui vivent actuellement sous le seuil de pauvreté.

M. Patrick Roy. Changez de gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Roy, ça suffit !

Mme Christine Boutin. Mon cher collègue, je crois que ce sujet mérite un peu de respect !

En réalité, ces chiffres révèlent la très grande fragilité de notre lien social et posent la question fondamentale de la répartition de la richesse.

Quand allons-nous avoir le courage d'aborder cette question qui dérange ?

Pour ma part, je propose, vous le savez, une réponse simple : l'instauration du dividende universel.

C'est un projet global de société partagé par de nombreux parlementaires, un projet qui affirme la dignité et la reconnaissance de chaque personne et qui assure une certaine sécurité financière grâce à la solidarité nationale.

Aussi, ma question est simple.

Monsieur le ministre, vous qui aviez envisagé la création d'un revenu d'existence similaire au dividende universel, ne pensez-vous pas que le moment est propice pour aborder la question de la répartition de la richesse et la mise en place d'un dividende universel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la députée, tout d’abord, je voudrais m’associer à l’hommage que vous venez de rendre à Muhammad Yunus. Je pense que chacun, dans cet hémicycle, se réjouit de ce Prix Nobel de la paix, sachant combien le micro-crédit est aujourd’hui une réponse très concrète pour nombre d’hommes et de femmes qui veulent redémarrer une activité professionnelle.

Chacun connaît également, madame la députée, votre projet sur le dividende universel et, j’oserai dire, votre constance sur ce sujet.

Pour autant, le dividende universel, pour intéressant qu’il soit, notamment en ce qui concerne une simplification radicale de nos différentes prestations sociales, englobe de très nombreuses prestations, dont les prestations familiales et même les allocations logement.

Aujourd’hui, le Gouvernement reste très attaché à une approche personnalisée, qui soit le plus possible sur-mesure en fonction des besoins de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle nous restons concentrés sur une approche de redistribution équitable en faveur des ménages les plus pauvres, tout en essayant d’accompagner nos concitoyens vers l’emploi.

C’est tout le sens, d’une part, de la loi du 23 mars 2006 sur le retour à l’emploi et, d’autre part, du travail réalisé actuellement par le groupe, autour de Martin Hirsch, sur l’expérimentation, projet qui vous sera proposé dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Vous le voyez, madame la députée, les voies sont peut-être différentes, mais la volonté du Gouvernement d’accompagner celles et ceux qui sont le plus en difficulté est réelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

violences à l’encontre des policiers

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste.

M. Manuel Valls. Monsieur le ministre de l'intérieur, en Seine-Saint-Denis, en Essonne, dans les Yvelines, des policiers ont été victimes d'agressions intolérables. Je veux, au nom des députés socialistes, rendre hommage à ces hommes et à ces femmes qui tentent d'endiguer, avec courage et sang-froid, cette montée de la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Mach. Il était temps !

M. Manuel Valls. Depuis le début de l’année, ce sont 9 000 policiers qui ont été blessés.

Il ne peut y avoir d'indulgence ni d'excuses à l'égard de ceux qui commettent de tels forfaits. La loi républicaine doit s'appliquer avec la plus grande fermeté, sinon il n'y a plus de règles, plus de sécurité pour nos concitoyens, plus d’ordre, plus de « vivre ensemble », plus de cohésion nationale.

Nous sommes convaincus que les réponses à cette violence appellent un consensus républicain, une politique continue par-delà les majorités.

Hélas, monsieur le ministre, là où les systèmes fonctionnaient, telle la police de proximité, vous les avez démantelés.

M. Bruno Le Roux. Eh oui !

M. Manuel Valls. Là où manquaient les effectifs, vous ne les avez pas renforcés, comme le souligne le rapport du préfet de Seine-Saint-Denis. Là où l'autorité publique devait s'exercer avec calme et détermination, vous avez jeté de l'huile sur le feu par d'inutiles provocations. Là où nous avions besoin d'unir tous les acteurs de la sécurité, vous les avez dressés les uns contre les autres en vous défaussant de vos échecs sur les juges, les élus ou les associations. Là où la politique pénale avait besoin de clarté, vous l'avez sans cesse modifiée.

Il en résulte un grand désordre dans les esprits et les comportements.

Alors, monsieur le ministre, parce que je fais partie de ceux qui n’ont pas hésité à saluer, en 2002, votre détermination, parce que nous sommes nombreux sur tous les bancs, les maires notamment, à parler clair et à agir concrètement, contre la délinquance, auprès de la police nationale et de la gendarmerie, je vous pose deux questions précises. Allez-vous continuer de mettre les policiers en danger par votre politique ? Croyez-vous, monsieur le ministre, vous qui êtes candidat à l'élection présidentielle, que les choses peuvent continuer de la sorte, alors que, chaque jour, vous vous déchargez davantage de vos fonctions gouvernementales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je m’attendais à la deuxième question, monsieur Valls, mais je m’en tiendrai à la première. Vous me demandez si je vais continuer : oui, je continuerai à ne pas demander l’autorisation du parti socialiste pour agir au service de la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. C’est bien ce qui nous inquiète !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Valls, vous êtes l’un de ceux qui a toujours considéré, et c’est à votre honneur, que votre parti faisait fausse route dans l’angélisme militant à l’endroit de l’insécurité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) et je tiens à vous rendre hommage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous avez longtemps été isolé au sein du parti socialiste, et je suis donc très content de voir que, à six mois des élections, celui-ci vous donne la parole, vous qui avez moins perdu en crédibilité qu’un certain nombre d’autres. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Un député du groupe socialiste. Ridicule !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Valls, pourquoi le parti socialiste n’a, depuis 2002, voté aucun des crédits, aucune des créations de poste, aucune des réformes que nous avons proposés ? Quand nous nous sommes tournés vers vous en vous disant vouloir créer 6 000 postes, vous n’en avez pas voulu, jugeant cet objectif insuffisant ! Quelle crédibilité avez-vous aujourd’hui en déclarant que nous n’en avons pas fait assez, alors que vous n’étiez pas d’accord sur les moyens que nous avons accordés à la police ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste.)

En outre, vous proposez une seule réforme : la police de proximité.

M. Augustin Bonrepaux. C’est de la provocation !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Or si la police de proximité était la solution au problème, pourquoi l’année 2002 a-t-elle été si catastrophique pour vous ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Au fond, vous dites aux Français : « Nous n’avons rien compris : nous proposons de faire en 2007 ce qui a échoué avant 2002 » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.– Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Entre 1998 et 2002, les violences contre les personnes ont augmenté de 58 %, et vous nous demandez pourquoi nous ne reprenons pas la politique qui a échoué !

Enfin, 2 890 policiers ont été blessés en opérations depuis le 1er janvier. Pourquoi ? Parce que les policiers de la République font leur devoir, qu’ils vont dans des quartiers où la police n’allait plus, qu’ils démantèlent des réseaux qu’on ne démantelait plus (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et que je leur demande de continuer à faire leur devoir ! Voilà pourquoi des policiers ont été blessés !

La seule chose à attendre de la représentation nationale, c’est un soutien sans faille à la police de la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

BIOCARBURANTS

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Stéphane Demilly. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis quatre ans maintenant, j'ai le plaisir de présider le groupe d'études de cette assemblée sur les biocarburants. Plus que jamais, j'ai la conviction profonde que les carburants verts sont plus que de simples carburants de substitution, ils représentent un vrai projet politique, intelligent et transversal.

C'est pourquoi je me réjouis de voir aujourd'hui l’enthousiasme que suscite le biocarburant, qu'il s'agisse du biodiesel, du bioéthanol ou, depuis quelques semaines, du fameux E85.

Ce matin, avec certains membres du groupe d'études, nous avons auditionné Alain Prost, à qui le ministre des finances et le ministre de l'agriculture ont confié la présidence d'un groupe de travail sur le développement du E85 et des véhicules flexfuel. Je tiens ici à saluer la très grande qualité de son rapport, qui montre l'intérêt évident d'une politique incitative en faveur du E85.

L'intérêt de cette filière a d'ailleurs été souligné, à plusieurs reprises, par le Président de la République, par le Premier ministre et par de nombreux ministres du Gouvernement.

J'ai, à ce sujet, deux questions à vous poser.

Tout d'abord, je souhaite savoir comment le Gouvernement entend traduire dans les actes les dix propositions du rapport Prost, notamment au travers de la loi de finances 2007 dont nous allons commencer l'examen cet après-midi ?

Ensuite, pouvez-vous confirmer, devant la représentation nationale, le soutien sans faille du Gouvernement au développement global des biocarburants ?

Je vous pose cette dernière question car, comme de nombreux collègues, j’ai été choqué par des déclarations discordantes, pour ne pas dire cacophoniques, venant de l’entourage de la ministre de l’écologie, la semaine dernière, sur les prétendus effets pervers des biocarburants. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. François Loos, ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur le député Demilly, je vous remercie de votre intérêt marqué pour les biocarburants au travers du groupe d’études que vous présidez qui, de manière constante, travaille ce sujet.

Les biocarburants sont très importants : ils profitent à notre économie et à nos emplois, à notre sécurité d’approvisionnement et même améliorent le rapport de force face aux pays producteurs de pétrole.

Nous avons pris une première série de mesures visant à augmenter le taux de biocarburants incorporés dans nos carburants, à 7 %. Les projets de développement des biocarburants que sont le diester et le bioéthanol permettront la construction de nouvelles usines et la création d’environ 20 000 emplois.

Nous sommes attentifs à ce que le rendement global énergétique de l’éthanol ou du diester soit effectivement très positif. La réponse à la première question que vous posez figure dans tous les documents que l’ADEME a publiés. Je vous invite à prendre conscience qu’il y a un certain nombre d’intervenants dans ce domaine, qui ont des intérêts et qui n’agissent pas toujours de façon scientifique et objective. Quoi qu’il en soit, les rapports publiés par l’ADEME font état d’un rendement énergétique deux fois et demie supérieur avec le bioéthanol et trois fois et demie avec le diester.

M. Noël Mamère et M. Yves Cochet. C’est faux !

M. le ministre délégué à l’industrie. Cela prouve l’intérêt de la mission que nous avons confiée à Alain Prost, et c’est donc avec raison que nous lançons le bioéthanol E 85. Vous avez d’ailleurs d’ores et déjà noté un certain nombre d’engagements.

D’abord, sur la partie verte de ces biocarburants, aucune taxe ne sera perçue. C’est un premier point très positif que vous retrouverez dans le budget de cette année.

M. Jérôme Lambert. Qui va payer ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Ensuite, nous allons inscrire ce sujet dans une charte qui sera signée par l’ensemble des acteurs. Tous les ministres concernés par cette question – ceux de l’environnement, de l’agriculture, de l’économie et des finances, du budget, de la recherche – signeront cette charte, sous l’autorité du Premier ministre, avec l’ensemble des parties prenantes, qui devront prendre des dispositions afin de mettre en place, par exemple, les 500 pompes vertes promises pour la fin de l’année prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

aggravation de la pauvreté

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Aujourd’hui, plusieurs grandes associations, dont ATD Quart monde, Amnesty international et le Secours catholique, lancent un nouveau cri d’alarme contre l’aggravation de la misère dans notre pays. Que disent-elles ? Que tout homme porte en lui une valeur fondamentale inaliénable qui fait sa dignité. L’aggravation de la misère, qui attente à cette valeur et à nos références humanistes, républicaines, est une gifle au Gouvernement. Vous allez répondre que celui-ci n’est pas responsable de la misère, que c’est l’économie qui la génère. C’est pourtant bien lui qui est responsable de la misère croissante dans notre pays. C’est lui qui, bien que la France soit la cinquième économie du monde, ne veut pas répartir plus équitablement la richesse, afin que toute femme, que tout homme puisse, en France, vivre dignement.

Vous êtes responsables de la précarisation des emplois par la destruction systématique du code du travail.

M. Dominique Dord. Et les emplois-jeunes ?

M. Jacques Desallangre. Vous vous gargarisez des chiffres du chômage, bien qu’il reste le plus élevé d’Europe, mais vous dissimulez la multiplication des contrats précaires : 637 500 salariés sont intérimaires, avec des contrats de deux semaines en moyenne ; plus d’un million sont en CDD. Comment, dans ces conditions, peuvent-ils assurer leur subsistance ?

Dans le même temps, le prix des loyers explose. Le volume des logements sociaux est notoirement insuffisant : 3 millions de personnes sont sans logement ou mal logées, alors même que certaines ont un travail. Un million d’enfants vivent dans la grande pauvreté. Nous avons nos travailleurs pauvres.

Je vous parle des souffrances de ceux qui perçoivent le RMI, l’allocation de solidarité spécifique, l’allocation de fin de droits, l’API, l’AAH. Ne devrais-je pas plutôt évoquer ce qui fait rêver ceux qui survivent dans la misère, les îles Vierges, les îles Cayman, ces îles de rêve, ces paradis fiscaux, surtout, où 435 000 sociétés échappent à l’impôt. Ne devrais-je pas vous parler de ces 1 500 000 milliards de dollars que les hedge funds déposent dans les banques de Genève ? Ne devrais-je pas vous parler de ces 700 000 milliards de dollars de transaction générés en une seule année par les seuls fonds de placement ? Non, je vous parle de la misère, de celle qui tue jusqu’au rêve d’une vie meilleure.

Monsieur le Premier ministre, que vous inspire ce constat d’une richesse insolente que vos politiques laissent prospérer, d’une misère qu’elles supportent et entretiennent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, il y a, dans votre question, divers constats sur lesquels nous pouvons nous rejoindre. La pauvreté concerne en effet des hommes et des femmes dans notre pays, et nous avons l’obligation d’apporter des réponses. Mais vous ne serez pas étonné d’apprendre que je ne suis pas d’accord avec vos amalgames. Reprenons point par point les différentes difficultés sur lesquelles vous avez attiré l’attention.

J’ai bien regardé, j’ai bien cherché, et je constate que la loi de 1998 − qui, à l’époque, nous fut pourtant présentée comme la grande loi sur l’exclusion − ne comportait pas une ligne sur l’aide alimentaire. En 2002, lorsque nous sommes arrivés aux affaires, celle-ci représentait 4 millions du budget de la nation. Aujourd’hui, le Gouvernement a montré sa volonté d’accompagner l’aide alimentaire à hauteur de 18 millions d’euros.

D’autre part, vous l’avez dit, le logement est souvent la première des préoccupations pour nos concitoyens. Là encore, observons les faits.

M. Daniel Paul. Pourquoi ça augmente ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Soit, la main sur le cœur, on dit qu’il n’y a pas assez de logement social…

M. Maxime Gremetz. C’est vrai !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. …soit on se demande ce que l’on peut faire. C’est la seconde attitude − celle de l’action − qu’a adoptée le Gouvernement. Avec le plan de cohésion sociale, nous avons lancé la construction de 500 000 logements en cinq ans. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vous rappelle que, en 2000, il ne s’en était construit que 39 000. Toute la différence est là. Vous le voyez, en matière de lutte contre la pauvreté, il y a ceux qui, la main sur le cœur, en parlent une fois par an, et ceux qui agissent tous les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

dispositif « Défense deuxième chance »

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe de l’UMP.

M. Yves Fromion. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de la défense.

Plusieurs actes de violence en banlieue, particulièrement condamnables, ont servi de prétexte à certains pour caricaturer l’action du Gouvernement et de sa majorité : nous en avons eu un brillant exemple il y a quelques instants.

M. Jean Glavany. Avec la réponse de Sarkozy ?

M. Yves Fromion. Chacun sait bien, pourtant, que ce problème est extrêmement difficile et que les résultats incertains qui ont été enregistrés depuis des années devraient inciter chacun à une très grande humilité. Or nous avons récemment entendu le parti socialiste, par la voix de l’une de ses responsables les plus éminentes, proposer que l’on envoie les forces armées rétablir l’ordre dans les banlieues − rien de moins ! Cette conception n’est ni celle du Gouvernement ni celle de sa majorité. Nous pensons que l’institution militaire a un autre rôle à jouer, qu’elle doit s’ouvrir aux jeunes les plus en difficulté, les plus marginalisés, pour essayer de leur apporter une solution et leur permettre d’avoir enfin un espoir de se réinsérer dans la société.

M. Paul Giacobbi. La question !

M. Yves Fromion. Tel était l’objet, madame la ministre, du projet « Défense deuxième chance » que vous avez lancé. Il y a un an, vous avez inauguré le premier de ces centres. On en compte maintenant une dizaine en fonctionnement, et vous avez l’objectif d’en ouvrir une vingtaine d’ici à la fin de l’année.

M. Christian Bataille. C’est laborieux !

M. Yves Fromion. Il me paraît important, madame, que vous dressiez le bilan de cette action dont chacun sait, au fond, qu’elle est positive et qu’elle est infiniment plus intelligente que l’envoi de militaires dans les banlieues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Fromion, si la première mission de nos armées est de nous protéger, de protéger notre territoire et d’aider à la stabilisation du monde, les armées se sont toujours intéressées à l’aide aux jeunes qui, dans notre pays, peuvent être en difficulté. La défense est le premier recruteur de jeunes de la nation : 35 000 jeunes sont engagés chaque année, dont 7 000 n’ont aucun diplôme et trouvent là le moyen d’avoir le pied à l’étrier en acquérant une formation.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est pour la cavalerie ! (Sourires.)

Mme la ministre de la défense. C’est en m’appuyant sur le savoir-faire, l’expérience et la motivation des armées que j’ai proposé au Premier ministre, au cours de l’été 2005 − bien avant les événements des banlieues −, de monter cette opération « Défense deuxième chance », sur un financement du plan de cohésion sociale et avec l’aide du ministère de l’éducation nationale.

Le premier centre a été ouvert à la fin du mois de septembre 2005, ce qui marque un record de rapidité administrative. Aujourd’hui, au 1er octobre, nous avons ouvert dix centres dans toute la France. Ils seront vingt à la fin du mois de décembre. Et nous continuerons à monter en puissance au fur et à mesure que nous disposerons des locaux nécessaires, avec l’aide des collectivités territoriales. Je vous remercie, monsieur le député, de votre proposition d’ouvrir un centre à Bourges : ce sera chose faite au tout début de l’année 2007.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle efficacité !

Mme la ministre de la défense. Quels sont les résultats de l’opération − car c’est cela, aussi, qui compte ? Nous notons que 30 % des jeunes qui ont été engagés dans les premiers centres étaient analphabètes : mesdames et messieurs les députés, réfléchissons à cette réalité. Sur ces 30 %, 90 % de ceux qui se sont présentés ont obtenu le certificat de formation générale à la fin de leur cursus. D’autre part, 90 % des jeunes sortis du dispositif ont soit trouvé un emploi en CDD ou en CDI − 40 % dans de grandes entreprises, 40 % dans des PME et 20 % dans l’armée −, soit été réorientés vers une formation générale ou professionnelle.

Mesdames et messieurs les députés, notre premier devoir est d’offrir des perspectives aux jeunes qui sont les plus en difficulté, leur donner la certitude qu’ils pourront s’en sortir quels qu’aient été leurs problèmes au départ. C’est ainsi que nous préparons non seulement leur avenir, mais celui du pays. C’est ainsi que nous assurons la cohésion sociale de la nation française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

apprentissage de la lecture
et de la grammaire

M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol, pour le groupe de l’UMP.

M. Pierre-André Périssol. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Monsieur le ministre, nous sommes tous très attachés à la bonne maîtrise de la lecture, qui est la clef de toute réussite scolaire et d’une bonne insertion professionnelle et sociale. Nous savons combien la tâche des enseignants est difficile, et je tiens d’ailleurs à leur rendre hommage : notre société offre bien d’autres sollicitations que la lecture, nous valorisons bien d’autres modèles que celui du lecteur ; en la matière, nous avons tous ici, en tant que parents, notre part de responsabilité.

En mars dernier, vous avez rappelé, dans un texte équilibré, que l’apprentissage de la lecture commençait par celui du déchiffrage…

M. Jean-Pierre Brard. La Palice l’avait déjà dit !

M. Pierre-André Périssol. …et que le début du cours préparatoire devait y être consacré, par l’association des syllabes et des sons. Mais, après l’apprentissage du déchiffrage, vient l’acquisition du sens. La plupart des enseignants mélangent des techniques empruntées à différentes méthodes : vous avez justement demandé qu’elles soient mises en phase et non pas opposées. Ces différentes approches correspondent d’ailleurs aux différences que l’on constate entre les élèves, certains, pour apprendre, s’appuyant davantage sur la vue, d’autres sur l’ouïe, d’autres sur le geste.

Il est possible de mesurer l’efficacité de ces différentes approches, non pas de façon théorique, mais très concrètement, en évaluant leurs résultats respectifs, puisque les acquis des élèves en lecture sont évalués individuellement au cours élémentaire première année. La liberté pédagogique des enseignants dans le cadre des orientations qui leur sont données est indissociable de l’évaluation. Nous sommes attachés et à l’une et à l’autre. Aussi, êtes-vous prêt à faire procéder à une évaluation objective, incontestable, des différentes pédagogies d’apprentissage de la lecture, à partir de leurs résultats sur les élèves ? J’ajoute, monsieur le ministre, que c’est probablement la bonne voie pour rassurer des parents inquiets.

Enfin, je sais que vous tenez beaucoup à ce que le vocabulaire employé dans l’enseignement de la grammaire soit compris des élèves comme de leurs parents. Pour cela, vous avez chargé l’éminent linguiste Alain Bentolila d’une mission. Pouvez-vous en préciser les termes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Parlement a voulu le socle commun de connaissances et de compétences, et nous le mettons en œuvre. La réforme de l’apprentissage de la lecture a été mise en place. L’immense majorité des enseignants l’applique, et nous pourrons bien sûr, à terme, faire toutes les évaluations pour nous en assurer.

C’est à présent à la réforme des programmes qu’il faut s’atteler, pour les adapter aux sept piliers du socle commun de connaissances et de compétences. Dès demain, je mettrai en place, à cet effet, des groupes de travail animés par des personnalités de très haute qualité.

Je veux commencer par la grammaire, car c’est, avec l’orthographe, ce qui permet la maîtrise de la langue. Elle aide en outre les jeunes à avoir des repères pour se situer eux-mêmes − le « je » −, pour situer les autres − « ils » ou « nous » −, pour se situer dans le temps − le passé, le présent et le futur. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe socialiste.) Comme, à l’unanimité, le Haut Conseil de l’éducation a recommandé que, en plus des cours d’observation des textes, soient systématiquement dispensés des cours de grammaire, j’ai confié une mission à M. Alain Bentolila. Il doit me remettre son rapport à la fin du mois de novembre et y précisera la place de la grammaire dans notre enseignement.

Enfin, monsieur le député, je souhaite que les parents comprennent ce que les enfants apprennent. On trouve, dans les programmes, un vocabulaire qui a sa place dans l’enseignement supérieur et dans la recherche, mais qui n’a rien à faire à l’école et au collège. Il faut simplifier cela. Oui, mesdames et messieurs les députés, des progrès sont en marche à l’éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. André Chassaigne. C’est le Café du Commerce !

Fusion Gaz de France-Suez

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre d’État, nous sommes en octobre 2006.

M. Patrick Balkany. En voilà une nouvelle !

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes au Gouvernement depuis mai 2002. Est-ce que vous ne pensez pas, lorsqu’on vous pose une question sur la sécurité, que le mieux serait de répondre sur la situation actuelle plutôt que de vous défausser en permanence sur les autres (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste), un coup sur la justice, un coup sur le parti socialiste, qui n’est plus au pouvoir depuis bientôt cinq ans ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Robert Lamy. Cela vous gêne !

M. Henri Emmanuelli. Au lieu d’incriminer les autres, ne feriez-vous pas mieux de réfléchir ?

M. Lucien Degauchy. Donneur de leçons !

M. Henri Emmanuelli. Oui, le parti socialiste continue de penser que la police de proximité était un « plus » et que la présence policière permanente est préférable à des charges spectaculaires, épisodiques et médiatisées, même quand vous faites partie du spectacle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Ma question, monsieur le président, s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Le Gouvernement a proclamé, au nom du patriotisme économique, la fusion GDF-Suez. Cependant, comme tout ce qu’entreprend ce gouvernement, voilà que cette fusion tourne au mauvais feuilleton.

M. François Grosdidier. Parlez-nous du Rainbow-Warrior !

M. Henri Emmanuelli. Il semble en effet, au moment où nous parlons, que rien ne soit résolu.

Pour ce qui est du projet lui-même, un grand nom du capitalisme français semble avoir une vision bien différente de celle que nous expose régulièrement M. Breton.

S’agissant de la Commission européenne, M. Cirelli et M. Mestrallet déclarent dans une interview dans la presse aujourd’hui que tout serait réglé de ce côté-là. Or, dans le même temps, la même Commission indique qu’elle ne rendra ses conclusions que le 24 novembre, estimant même que ce délai sera insuffisant. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer, comme M. Cirelli et M. Mestrallet, que « tout est réglé » ?

Rien ne semble l’être en tout cas pour la parité d’échange des actions. Il semble même que les ménages français feront les frais de la tentative artificielle de faire remonter le cours de l’action GDF par prélèvement dans leur portefeuille.

Enfin, s’agissant de la gouvernance, rien n'est réglé non plus, ce qui n’empêche pas M. Mestrallet, si j’en crois un hebdomadaire, d’élaborer un plan savant de distribution de stock-options.

M. Francis Delattre. Normal, il a fréquenté les cabinets socialistes !

M. Henri Emmanuelli. On aura tout eu !

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

M. Henri Emmanuelli. Alors que le Parlement a été instrumentalisé depuis le mois de septembre en cette affaire, ne vaudrait-il pas mieux, monsieur le ministre, vu la situation, retirer votre projet le plus vite possible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Emmanuelli, je vous laisse la responsabilité du début de votre question...

M. Henri Emmanuelli. Je ne m’adressais pas à vous, en effet.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. ...puisque vous en avez posé deux en une. En tout cas, vous êtes visiblement si peu fiers de votre bilan que vous refusez d’en parler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.– Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Il est trop !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’en viens, monsieur Emmanuelli, au sujet de fond, dont nous avons longuement débattu avec certains de vos collègues ici présents – je pense à M. Brottes, à M. Bataille, que je salue, et à beaucoup d’autres. Comme vous n’êtes vous-même pas venu très souvent dans ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, on ne peut laisser dire cela !

Mme Martine David. C’est minable !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. ...je redirai avec force, mais aussi avec sérénité, ce que j’ai déjà dit sur le sujet.

Permettez-moi d’abord de vous rappeler, monsieur le député, la raison qui a poussé le Gouvernement à déposer un texte de loi et à en débattre au parlement : il s’agit, d’une part, de transposer la directive Énergie et, d’autre part, de donner à Gaz de France les moyens d’aller de l’avant. Je l’ai toujours dit, il y avait à cet égard trois temps à respecter.

Tout d’abord, celui de la concertation sociale, et nous avons en effet, trois mois durant, mené une concertation...

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. ...que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier d’exemplaire. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Sur un mensonge d’État !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ensuite, le temps du travail parlementaire. Nous y sommes encore. Le texte a été voté ici avec le soutien de la majorité parce qu’il est essentiel pour l’avenir de la France et des Français.

M. Maxime Gremetz. Mensonge d’État !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il est désormais en discussion au Sénat.

Viendra, enfin, le temps que vous appelez de vos vœux, monsieur Emmanuelli,...

M. Henri Emmanuelli. Répondez donc à ma question !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. ...celui de la décision des actionnaires, qui interviendra d’ici à quelques jours ou à quelques semaines au plus tard.

La Commission européenne, pour sa part, finalise son examen, notamment en ce qui concerne les concentrations. Maintenant que les deux entreprises, comme elles l’ont fait savoir, lui ont répondu, reste à obtenir l’aval de l’ensemble des commissaires. Nous pouvons être raisonnablement optimistes, dans la mesure où le nouveau groupe, qui pouvait acheter 1 009 térawattheures, serait finalement autorisé à en acheter 974, soit une diminution de moins de 3 %. L’intérêt industriel a donc été préservé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Mensonge d’État !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il est vrai qu’une certaine agitation a pu régner la semaine dernière. J’en ai l’habitude monsieur Emmanuelli :...

M. Henri Emmanuelli. Surtout depuis le CPE !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. ...tel est le cas à chaque fois que l’on entre dans un temps nouveau.

J’ai cependant une bonne nouvelle pour vous : le président de Suez m’a indiqué avoir écrit aujourd’hui à l’AMF pour s’assurer qu’il n’y avait pas de problème sur le cours de l’action de son groupe,...

M. Henri Emmanuelli. Et sur les stock-options ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. ...et qu’aucune information fausse ne viendrait dénaturer l’opération envisagée, car le projet auquel vous avez fait allusion, et qui était né au mois de juin, est mort au mois de septembre. L’autorité des marchés financiers devra savoir pourquoi et dans l’intérêt de qui il a été exhumé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. Plus fort les applaudissements !

M. Michel Lefait. Ils sont bien maigres, en effet !

versement anticipé des aides de la pac

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean-Marie Sermier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, l’agriculture française, vous le savez, a connu une année extrêmement difficile, et cela à plus d’un titre.

Tout d’abord, la concurrence mondiale, tire les prix agricoles à la baisse dans de nombreuses productions et, partant, le revenu de nos agriculteurs. Ainsi le cours du lait est-il extrêmement bas. Ensuite, les mauvaises conditions climatiques de ces derniers mois, avec une alternance d’excès de pluies et de grosses chaleurs, ont pénalisé les rendements, comme vous avez pu le constater vous-même sur le terrain en nous rendant visite dans le département du Jura. Enfin, les crises sanitaires, telles que la fièvre catarrhale ou la grippe aviaire, ont durement affecté le chiffre d’affaires des exploitations. Cette conjonction de phénomènes a mis à mal leur trésorerie, en particulier dans celles tournées vers l’élevage.

Ces difficultés qui s’accumulent rendent encore plus nécessaire le versement anticipé des aides PAC pour soulager les trésoreries des exploitations, mais aussi pour remonter le moral de nos agriculteurs.

La France a-t-elle tout mis en œuvre auprès de la Commission européenne, en étroite collaboration avec l’ensemble des acteurs de la filière, pour obtenir qu’une avance soit versée dès la mi-octobre ? Quel est à cet égard, monsieur le ministre, le résultat des négociations que vous avez engagées avec Bruxelles ? Selon quelles modalités et quel calendrier peut-on envisager un versement anticipé des aides ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, l’année qui vient de s’écouler, vous l’avez rappelé à juste titre, n’a pas toujours été facile pour nos agriculteurs : la sécheresse dans certains départements, les intempéries pluvieuses dans d’autres, l’épizootie aviaire, les problèmes actuels de fièvre catarrhale ovine dans le Nord et l’Est de la France. Cette situation nécessitait un geste significatif.

Parallèlement se mettait en place la nouvelle politique agricole commune constituée, par rapport aux aides précédentes, par des droits à paiement unique, c’est-à-dire des aides découplées.

Parce que les exploitations avaient besoin de trésorerie, ce geste significatif, nous avons souhaité le faire. Comme les agriculteurs avaient remarquablement préparé les dossiers de DPU, aidés en cela par leurs organisations professionnelles et par les chambres d’agriculture, et que les fonctionnaires du ministère de l’agriculture – auxquels je tiens à rendre hommage – ont fait un excellent travail, nous avons été en mesure de verser dès hier matin sur les comptes de tous les agriculteurs, c’est-à-dire environ 400 000 exploitations, un acompte représentant 50 % des DPU et 60 % de la prime vache allaitante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette avance de trésorerie représente 3 milliards d’euros. Le solde sera versé le 1er décembre.

Cet exemple montre que, dans notre pays, lorsque tout le monde travaille ensemble, on peut gagner. Dois-je en effet rappeler que d’autres pays européens n’ont pas été capables, la première année de mise en application des DPU, non seulement de verser des avances, mais même de reverser les DPU à leurs agriculteurs ?

Cette donc une victoire de la ferme France et, d’abord, de nos agriculteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

plan pour le logement social outre-mer

M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane, pour le groupe de l’UMP.

Mme Juliana Rimane. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’outre-mer.

Le logement social connaît une situation difficile outre-mer, avec une dette qui s’élèvera à 113 milliards d’euros à la fin de 2006, soit la moitié des crédits logement du ministère. Le besoin en logement social est estimé à 27 000 pour les départements d’outre-mer. En Guyane, la pression de la demande en logements neufs ou réhabilités est particulièrement forte du fait d’une démographie galopante et des retards accumulés par rapport à la métropole et même aux Antilles. Les habitations de fortune y représentent encore 5 % des résidences principales et 10 % des logements ne disposent pas des éléments de confort minimal tels que l’eau et l’électricité.

Les causes de ce manque de logements sont bien connues depuis dix ans : manque de crédits budgétaires, rareté et cherté du foncier viabilisé, coût de la construction plus élevé qu’en métropole, et surtout démographie très active.

Lors de son récent déplacement en Guadeloupe et à la Martinique, le Premier ministre, Dominique de Villepin, a annoncé un plan pour le logement social outre-mer, qui devrait répondre aux préoccupations de nos concitoyens ultramarins et des opérateurs en matière de logement. Pouvez-vous, monsieur le ministre, en détailler le contenu et en préciser l’application dans tous les départements d’outre-mer, notamment en Guyane ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Madame la députée, je ne reviens pas sur le constat en matière de logement social en outre-mer et singulièrement en Guyane. Il est connu de tous depuis dix ans.

M. Christian Paul. Il est surtout accablant !

M. le ministre de l’outre-mer. L’annonce du Premier ministre devrait marquer un tournant décisif dans la politique du logement social dans les départements d’outre-mer.

Contrairement à ce qu’a annoncé une candidate socialiste en tourisme électoral la semaine dernière à la Réunion (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), il ne s’agit pas d’effets de manche, d’une opération de communication ou d’annonces budgétaires redondantes, mais du règlement définitif, aux bailleurs sociaux et autres opérateurs du logement social, à la fin du premier trimestre 2007, des retards de paiement qui s’élèvent à 113 millions d’euros.

M. Henri Emmanuelli. Vous ne payez pas vos dettes ! C’est une honte !

M. le ministre de l’outre-mer. Second pilier de l’action en matière de logement social dans les années qui viennent, le volet logement du plan Borloo sera intégralement appliqué outre-mer, et naturellement en Guyane. Ainsi, 120 millions seront inscrits au budget de l’outre-mer qui s’additionneront aux 850 votés lors des exercices précédents, à savoir 60 millions pour 2007, 30 millions pour 2008 et 30 millions pour 2009. Nous souhaitons cependant aller plus loin.

La commission d’évaluation, composée des parlementaires ultramarins et de membres des commissions des finances du Sénat et de votre assemblée, réfléchit à l’application de la défiscalisation au logement social, ce qui donnerait une visibilité et des garanties sur le moyen terme et de régler de manière pérenne la problématique que vous avez décrite et qui tient au taux de population active, au nombre d’allocataires des minima sociaux et à la démographie dynamique de l’outre-mer – en Guyane, plus de la moitié de la population a moins de vingt-cinq ans.

Le plan annoncé par Dominique de Villepin la semaine dernière est un tournant décisif, je le répète, dans l’application durable d’une politique stable en matière de logement social outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

journée du refus de la misère

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste.

M. Patrick Roy. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (« Il n’est pas là ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Là ou des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. Tel est le message proclamé haut et fort par tous ceux qui crient leur révolte, aujourd’hui 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère.

Manifestement, le Gouvernement n’a pas le même message. À vous écouter, la France va mieux, elle va même très bien : le chômage baisse, les emplois se créent par milliers, le pouvoir d’achat explose (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), les logements neufs se construisent par rafales et jamais on a autant fait pour l’école et la santé. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La réalité, triste, angoissante, est bien différente. En donnant, depuis cinq ans, toujours plus à ceux qui ont plus et toujours moins à ceux qui aujourd’hui n’ont plus rien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous avez fait de la France un pays où la misère est devenue intolérable.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. De tels propos sont scandaleux !

M. Patrick Roy. Je prendrai trois exemples, parmi beaucoup d’autres.

Premier exemple : le nombre de travailleurs pauvres, de retraités pauvres, ne cesse d’augmenter.

M. Dominique Dord. Ce discours est insupportable !

M. Patrick Roy. Petits boulots, petits salaires, petits stages, petites retraites.

M. Dominique Dord. Et grande démagogie par un petit démagogue !

M. Patrick Roy. Aujourd’hui, 35 000 femmes qui travaillent sont pourtant SDF.

M. François Grosdidier. Caricature !

M. Patrick Roy. Deuxième exemple : comment ne pas se révolter face à ce million d’enfants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec les dégâts sanitaires et scolaires que ce drame provoque ?

Troisième exemple : le logement. Les mises en chantier, à propos desquelles vous fanfaronnez, ne répondent pas aux critères des logements sociaux, ce ne sont pas des logements sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Aujourd’hui, en France, des millions de familles vivent dans des logements insalubres, sans avenir. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Auclair. Allez Zola !

M. le président. Monsieur Roy, vous posez votre question ?

M. Patrick Roy. J’ai deux questions auxquelles j’aimerais obtenir une réponse : comment fait-on pour vivre avec quelques centaines d’euros par mois ? Le Gouvernement va-t-il prendre, enfin, les mesures concrètes et rapides qui s’imposent pour rendre leur dignité aux victimes de ses choix politiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, dans votre constat, il y a un élément dont vous n’avez absolument pas parlé, c’est le travail qui est accompli au quotidien par les associations. Pourtant, chacun sait que ce sont ces associations qui, tous les jours, sont au premier plan pour apporter des réponses et essayer d’aider. Et il suffit de regarder l’accompagnement financier qui est apporté à ces associations pour se rendre compte du travail réalisé par le Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Oh ! là ! là !

M. Augustin Bonrepaux. C’est nul !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Par ailleurs, vous venez de faire allusion, une fois encore, à tout ce que vous aviez fait. Mais, dites-moi, où sont vos actions en matière d’urgence ? Qu’avez-vous fait ? Combien de places avons-nous dû créer pour répondre aux besoins ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Plus de 20 000 places sont mises en place. Aujourd’hui, le budget de l’urgence dépasse le milliard d’euros. C’est bien une nouvelle preuve de l’implication du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous en prie, un peu de calme.

M. Augustin Bonrepaux. C’est de la provocation !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Les causes, vous les connaissez, vous savez les exposer, mais ce que nous ne savons pas, c’est la réponse que vous avez apportée.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ça fait cinq ans que vous êtes au pouvoir !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous parlez des logements sociaux. Qu’avez-vous fait en cette matière ? La rénovation urbaine, qui l’a mise en place ? Bien sûr, ce n’est pas très confortable de reconnaître que les 230 conventions de rénovation urbaine en cours ont été mises en place par notre Gouvernement, signées par ce Gouvernement…

M. Julien Dray. Mais pas financées !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. …financées par lui et qu’elles concernent aujourd’hui 2 500 000 personnes. Comme vous, je vois les habitants des quartiers, je les accompagne quand ils retrouvent des logements dignes de ce nom, dans lesquels ils peuvent recommencer une nouvelle vie. Grâce aux équipes de réussite éducative, 80 000 enfants sont aujourd’hui accompagnés. Là encore, c’est un accompagnement du Gouvernement. C’est une réponse concrète et, surtout, une réponse pour l’avenir de notre pays, pour l’avenir des familles. Parce que notre mobilisation, c’est celle de la dignité, c’est celle de l’accompagnement au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas la peine d’en faire autant, madame Vautrin, M. Dutreil n’est pas là !

fraudes aux assedic

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’UMP.

M. Dominique Tian. Monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, depuis l’année dernière, la justice est saisie de plusieurs affaires de fraudes massives aux ASSEDIC. Ce sont plusieurs centaines de sociétés écrans, créées par quelques personnes, et plusieurs milliers de faux chômeurs qui sont à l’origine de ces fraudes.

M. Maxime Gremetz. Attention à ce que vous allez dire !

M. Dominique Tian. L’UNEDIC reconnaît d’ailleurs officiellement que dix-neuf affaires sont actuellement entre les mains de la justice, concernant 6 400 faux chômeurs, pour un préjudice reconnu de 80 millions d’euros, et nous a fait part d’ailleurs de sa volonté de lutter contre ces fraudes.

Par son ampleur, par son caractère industriel, parfaitement organisé, voire mafieux, avec des ramifications à l’étranger, ce phénomène ne pouvait bien sûr laisser indifférents les députés que nous sommes. Ainsi, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, décidait, en juin dernier, la création d’une mission d’information qui a déjà beaucoup travaillé et qui rendra son rapport en décembre.

Cependant, des informations parues ce matin dans la presse, et qui n’émanent pas de notre mission, soulignent l’ampleur de ces escroqueries et appellent d’ores et déjà des réponses.

Monsieur le ministre, vous qui êtes, je le sais, préoccupé par ce problème et qui avez déjà entrepris de doter les ASSEDIC de moyens juridiques complémentaires, pourriez-vous faire le point avec nous sur ce dossier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Maxime Gremetz. À quoi sert la mission parlementaire alors ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, comme vous, le Gouvernement est préoccupé par les comportements frauduleux, que ce soit en matière d’assurance chômage ou de travail illégal. D’ailleurs, en deux ans, le nombre des contrôles s’est élevé à 60 000 et celui des recouvrements a augmenté de 42 %. Toutefois, il ne faudrait pas voir dans chacun des allocataires de l’assurance-chômage ou de la solidarité nationale un fraudeur en puissance. (« Bravo ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Ce sont les mafias qui organisent ces fraudes, pas les allocataires !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il faut, à cet égard, répéter les choses de manière très claire : nous sommes déterminés à accompagner l’UNEDIC dans sa lutte contre la fraude à l’assurance chômage car cette fraude remet en cause les principes de la solidarité et notre modèle social. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Voilà pourquoi nous avons déjà pris, à ses côtés, un certain nombre de dispositions, telles que le croisement des fichiers avec les entreprises de travail temporaire et la Caisse nationale d’assurance maladie, ou la centralisation des dossiers, qui permet de relier l’ensemble des ASSEDIC entre elles et ainsi de repérer les doubles inscriptions.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Par ailleurs, les employeurs devront fournir, lors des déclarations à l’assurance chômage, des données nominatives sur les périodes d’activité. La déclaration nominative aux ASSEDIC a été autorisée par décret et une loi de financement sur la sécurité sociale a permis le croisement entre les organismes. Toutefois, il nous faut encore progresser – je pense notamment à l’articulation entre les ASSEDIC et l’URSSAF.

Nous serons, monsieur le député, particulièrement attentifs aux travaux du Parlement et aux propositions et préconisations que vous nous ferez car le modèle social auquel nous croyons, fait de solidarité professionnelle et de solidarité nationale, se défend au prix, aussi, de la transparence et de la clarté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Ce sont les mafieux qui organisent tout ça !

loi de finances pour 2007

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’UMP.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, dans quelques minutes va démarrer la discussion budgétaire. L’amélioration des finances de l’État est le résultat de plusieurs années d’efforts de notre majorité.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas possible !

M. Hervé Mariton. L’année 2007 est une année électorale, mais cela ne nous dispense pas de persévérer. Souvenons-nous de 2002 : la majorité socialiste avait gravement sous-estimé les dépenses et présenté, volontairement, un déficit de 30 milliards, alors que le déficit réel a été de 50 milliards d’euros. Cela, nous ne le voulons plus !

Ne gâchons pas tous les efforts que nous avons entrepris ces quatre dernières années. Oui, l’effort de rétablissement des finances publiques doit être poursuivi dans la durée, y compris en 2007. L’assainissement durable des finances publiques et la capacité de mouvement, de réforme, de notre pays sont totalement liés.

Alors, monsieur le ministre, que proposez-vous pour que le mouvement engagé soit poursuivi dans la durée,…

M. Augustin Bonrepaux. Rien !

M. Hervé Mariton. …qu’il s’agisse de la maîtrise de la dépense publique, de celle de l’impôt d’État ou, plus largement, des prélèvements obligatoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Alain Néri. Voilà « à l’euro près » !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, dans quelques minutes, nous allons entamer le débat budgétaire qui se prolongera jusqu’à la fin de l’automne.

M. Jean-Louis Idiart. C’est un grand jour !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce sera l’occasion de présenter, avec Thierry Breton, une copie dans laquelle nous allons montrer qu’on peut, en cette fin de mandature, baisser la dépense publique et réduire les déficits et la dette tout en finançant toutes nos priorités – après tout, ce n’est pas si mal. Nous y sommes parvenus grâce aux audits, qui ont montré comment nous pouvions moderniser l’État. Mon souhait le plus ardent est naturellement que nous poursuivions la démarche engagée. Après quatre vagues successives d’audits portant sur 100 milliards d’euros, j’ai annoncé ce matin le lancement d’une cinquième vague portant sur 20 autres milliards d’euros. Cela montre que, sur ces sujets, on peut en permanence moderniser et réformer l’État.

C’est également pour moi l’occasion de remercier les parlementaires de la majorité qui nous ont apporté d’ores et déjà leur soutien et leur encouragement, en particulier ceux de la commission des finances, et d’annoncer qu’il n’y aura pas de surprise : la discussion sera l’occasion d’un bon vieux débat entre la droite et la gauche. Nous voyons bien où sont les lignes de partage et nous aurons l’occasion, à quelques mois des présidentielles, de marquer le coup.

Alors, bien sûr, il y a l’UDF, et, sur ce point, permettez-moi simplement d’exprimer un certain trouble : en effet, celui qui a voté pour un député UDF en 2002 va se demander pourquoi ce député ne vote pas le prochain budget alors que, dans celui-ci, nous baissons la dépense, les impôts, les déficits et la dette, …

M. Augustin Bonrepaux. Vous faites des miracles !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …c'est-à-dire exactement ce qu’il souhaite pour la France. Nous avons deux mois pour faire changer l’UDF d’avis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. René Dosière.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2007

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je veux vous dire tout le plaisir qui est le mien de vous retrouver dans cet hémicycle, avec mon ami Jean-François Copé, à l’occasion de la présentation de ce projet de loi de finances pour 2007. Je suis heureux, d’abord, de vous présenter un projet de loi de finances ambitieux, vertueux et juste.

M. Jean-Pierre Brard. Ça commence mal !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Heureux également de vous rendre compte des engagements que j’avais pris l’an dernier lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2006.

M. Jean-Pierre Brard. La béatification n’est pas éloignée !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Mais, avant d’entrer dans le détail de ce projet de budget, permettez-moi de mettre en avant quelques considérations et de faire quelques rappels de vingt mois d’action et de débat budgétaire entre nous.

Tout d’abord, ce projet de loi de finances pour 2007, comme tout budget, est non seulement une prévision, mais aussi un engagement sur le déficit. Il repose sur mes estimations les plus sincères, telles qu’elles sont possibles à ce moment de l’année.

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi éprouvez-vous le besoin de le préciser ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Sur ce point précis, je forme le vœu que le débat soit plus serein que celui de l’année dernière. Aujourd’hui, tous les instituts français et internationaux ont fait leur ma prévision – je le dis avec modestie –…

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’êtes pas crédible lorsque vous parlez de modestie !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …de 2 % à 2,5 % de croissance pour 2006. Je ne rappellerai pas les propos définitifs de certains orateurs ici même, il y a un an, sur ce point.

M. Augustin Bonrepaux. Vous pouvez les rappeler, cela ne nous gêne pas !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Leurs auteurs se reconnaîtront et se feront, j’en suis certain, un devoir de considérer que leurs critiques étaient non seulement excessives, mais infondées. M. Migaud, pour qui j’ai de l’estime même si je ne partage pas ses idées – ce n’est un secret pour personne –, nous donnera certainement acte que ses critiques d’octobre 2005 – il qualifiait les prévisions du Gouvernement en matière de croissance d’« utopiques » – étaient injustifiées, car c’est l’honneur des hommes politiques, quand ils ont critiqué à tort, de le reconnaître et d’en donner acte à leurs adversaires.

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’appartenez pas encore au sérail, monsieur le ministre ! Il faut aller devant le suffrage universel !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Peut-être même M. Migaud nous chantera-t-il, pour la deuxième année consécutive, mais cette fois avec la contrition du repenti : « Tout va très bien, madame la marquise » !

Je souhaite également que ce débat ne donne pas, une fois de plus, l’image d’une France qui se délecte d’autocritique…

M. Augustin Bonrepaux. Ou d’autosatisfaction !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …alors même que ses progrès sont salués partout dans le monde. Ce matin encore, l’ONU indiquait que la France était passée de la septième à la quatrième position mondiale en termes d’accueil des investissements étrangers et occupait désormais la première place dans la zone euro. Je rappelle également qu’en dix-huit mois, notre pays a reconquis sur la scène internationale une véritable crédibilité budgétaire. Ce n’est pas le Gouvernement qui le dit, ce sont les observateurs indépendants, à commencer par les institutions européennes. Eurostat a ainsi validé notre déficit public pour 2005 à 2,89 %, ce qui témoigne que nous respectons la règle des 3 %. Du reste, le commissaire Joaquin Almunia a indiqué qu’il envisageait de clôturer la procédure de déficit excessif en raison du caractère durable du redressement de nos comptes après le choc budgétaire provoqué par les 35 heures. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est une obsession pathologique !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Fonds monétaire international salue quant à lui l’ajustement structurel de nos comptes et le renforcement de notre crédibilité budgétaire.

M. Augustin Bonrepaux. Tout va bien alors !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Par ailleurs, 150 économistes interrogés par Reuters qualifient désormais la France de meilleure élève des douze pays de l’Eurogroupe.

Enfin, les agences de notation, notamment la fameuse agence Standard and Poor’s, souvent très sévères compte tenu de l’enjeu financier immédiat attaché à leurs recommandations, saluent le véritable tournant opéré en 2006 sur la dette publique française et « la mise en place d’outils crédibles permettant la consolidation des finances publiques dans le moyen terme ».

M. Didier Migaud. Là, les chevilles enflent ! Il va falloir changer de chaussures !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je m’arrête là dans cette énumération qui – Jean-François Copé le sait comme moi – pourrait nous occuper une bonne partie de l’après-midi, voire de la soirée. Je relate ces faits avec recul et modestie, car je sais quelle est, derrière, l’immensité du travail réalisé par le Gouvernement et, au-delà, par tous les Français.

Je souhaite que le débat politique ait lieu. Il sera peut-être vif, dur – je suis d’ailleurs le premier à le comprendre, voire à le souhaiter –,…

M. Jean-Pierre Brard. Prenez des conseils auprès de M. Copé !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …mais je sais que nous avons tous le sens de l’intérêt général…

M. Jean-Pierre Brard. Vous le combattez !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …et l’amour de notre pays. Dans un monde où la compétition fait rage, notre responsabilité politique, au-delà des débats partisans qui sont l’essence même de notre démocratie, c’est de ne pas ternir sans raison l’image internationale de la France.

M. Jean-Louis Idiart. Ce n’est pas nous qui le faisons !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je souhaite que notre débat soit à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Dans un monde où tout s’accélère et dans une démocratie qui a fait sienne le rythme quinquennal, …

M. Jean-Pierre Brard. Comme dans l’ancienne Union soviétique ! (Sourires.)

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …chaque année d’action publique doit être utile à 100 %. Les échéances électorales ne sauraient démobiliser qui que ce soit face aux enjeux décisifs pour l’avenir de la nation – je pense en particulier à la maîtrise des comptes publics et à la réduction de la dette.

Pour notre part, nous avons voulu un budget qui ne sacrifie pas l’exigence de vertu à la facilité électoraliste. De ce point de vue, le budget pour 2007 sera encore plus important que les précédents. Pour la majorité, pour l’UMP, il représentera la signature budgétaire de son quinquennat. En outre, il nous engagera pour l’ensemble de l’année 2007 et pour les années à venir, si nos concitoyens nous font à nouveau confiance, ce dont je ne doute pas.

Ce sera un véritable point d’ancrage en matière de sérieux budgétaire. Du reste, il ne sera pas facile de présenter à nos concitoyens un collectif qui en dénaturerait les acquis et dégraderait à nouveau notre situation financière.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes donc dans cette perspective !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2007 engrange sept acquis fondamentaux pour les finances publiques de la France.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà les sept péchés capitaux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tout d’abord, et c’est historique, il est construit sur la base d’une diminution des dépenses de l’État.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas tout à fait ce que dit le rapporteur général !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Jean-François Copé y reviendra.

Ensuite, ce projet de loi de finances permet de réduire encore une fois le déficit budgétaire.

Troisièmement, même si, je le dis sans ambages, le déficit pour 2007 est encore trop lourd, je relève malgré tout qu’il est inférieur aux dépenses d’investissement de l’État au sens large. Nous respecterons donc l’an prochain la fameuse règle d’or selon laquelle l’État ne s’endette plus désormais que pour investir dans l’avenir.

M. Didier Migaud. Ce n’est pas démontré !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Quatrièmement, sur l’ensemble des administrations publiques, j’ai ramené mon nouvel objectif de déficit pour 2006 à moins de 2,7 % du produit intérieur brut. J’y reviendrai. Pour 2007, je table sur un déficit de moins de 2,5 %, soit le niveau stabilisant de l’endettement public. C’est une deuxième étape capitale dans notre stratégie de désendettement, après le retour sous la barre des 3 %.

M. Didier Migaud. On revient donc au point de départ !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cinquièmement, ce projet de loi de finances poursuit significativement la baisse de l’endettement public en 2007.

Sixièmement, il assure la poursuite de l’indispensable assainissement de nos finances publiques. Mais c’est aussi un projet de loi de finances juste, tourné vers le pouvoir d’achat des Français. Je ne citerai qu’un chiffre : sans la réforme fiscale entrant en vigueur au 1er janvier 2007 et la revalorisation, monsieur le président de la commission des finances, de la prime pour l’emploi, le pouvoir d’achat n’aurait pas progressé en 2007. Or, grâce à ces mesures, il va passer d’une augmentation de 2,3 % en 2006 à 2,8 % en 2007, soit la plus forte progression enregistrée depuis cinq ans.

M. Augustin Bonrepaux. En attendant la rectification qui interviendra l’année prochaine !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Enfin, ce PLF est construit sur la base d’hypothèses que nous avons voulues, Jean-François Copé et moi, résolument prudentes. En effet, j’ai souhaité retenir une hypothèse conservatoire de croissance entre 2 % et 2,5 %. De même, ce budget est construit sur la base d’un prix du pétrole fixé à soixante-dix dollars le baril, alors qu’il est aujourd’hui inférieur à soixante. Enfin, alors que, ces dernières années, les recettes fiscales progressent nettement plus vite que la richesse nationale, nous retenons pour 2007 une progression quasiment en ligne avec le PIB.

Mesdames et messieurs les députés, ce moment est d’autant plus solennel qu’il s’agit du dernier PLF de la législature. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est votre testament ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Permettez-moi donc un instant d’aller au-delà du seul PLF pour 2007 en vous livrant deux messages forts, deux messages qui constituent en réalité la marque de fabrique de ce quinquennat budgétaire, dont le Gouvernement et la majorité peuvent raisonnablement être fiers.

M. Jean-Louis Dumont. Sans enthousiasme !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. D’abord, je crois pouvoir dire que nous avons su restaurer la crédibilité de nos finances publiques et, plus largement, de notre politique économique, tout simplement en respectant à la lettre nos engagements et en obtenant des résultats conformes à nos objectifs, selon un principe simple : nous disons ce que nous faisons et nous faisons ce que nous disons.

M. Jean-Pierre Brard. Demandez aux habitants de Montreuil-sous-bois ce qu’ils en pensent !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Au moins, monsieur Brard, il n’y a pas de surprise avec nous.

M. Jean-Pierre Brard. Regardez donc ce qui reste dans leur assiette !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vais d’ailleurs vous le démontrer : nous avons tenu nos cinq engagements.

Nous avions tout d’abord annoncé le retour d’une croissance forte. Elle est clairement au rendez-vous au premier semestre de 2006, avec un taux de croissance qui a dépassé les 3 %, puisqu’il s’est inscrit, sur le semestre, à 3,3 %.

Deuxièmement, en ce qui concerne l’emploi, dès le premier jour, la baisse du chômage a été le leitmotiv de notre gouvernement. La croissance va permettre de créer 280 000 emplois cette année…

M. Jean-Pierre Brard. Payés avec des élastiques !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …et pratiquement autant l’an prochain.

M. Didier Migaud. Ce sont des chiffres fictifs !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Même s’il est encore trop haut, le chômage baisse rapidement et le franchissement de la barre des 8 % est en vue pour 2007.

Troisièmement, nous avons tenu nos trois engagements en matière de finances publiques : moins de dépenses, moins de déficit, moins de dettes.

Le deuxième message qu’illustre incontestablement ce PLF, c’est le choix de la responsabilité.

Sur le plan économique d’abord, nous aurons remis nos finances publiques dans les clous de Maastricht et engagé la décrue de l’endettement, le tout en réalisant l’adaptation fiscale de la France, si longtemps repoussée sous la législature précédente. La responsabilité économique est clairement du côté du Gouvernement, de celui de la majorité parlementaire et donc de ce projet de loi de finances.

Quant à la responsabilité budgétaire, il est inutile de revenir sur les résultats concrets que je viens d’évoquer.

Pour la responsabilité politique enfin, sous la législature précédente, M. Jospin, M. Strauss-Kahn et M. Fabius n’avaient pas su présenter, à l’automne 2001, un PLF prévoyant pour 2002 un déficit en diminution. Pourtant, nous connaissions alors une période de croissance et ce PLF avait été construit – pardon de le rappeler, car c’est cruel – sur une hypothèse de 2,5 % de croissance, alors que celle-ci, en 2003, a été de 1 %.

M. Charles de Courson. Tout comme en 2005 !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Notre budget est bâti sur des hypothèses prudentes et il n’hésite pas, du reste, à réduire les postes de fonctionnaires quand les audits montrent que cela ne pénalise en rien le service que nos compatriotes sont en mesure d’attendre…

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Au poste près !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …mais que l’on peut faire mieux en étant un peu moins.

Je vais maintenant revenir plus en détail sur ce PLF.

D’abord, il s’appuie sur la dynamique de croissance à l’œuvre depuis un an, et il la conforte. Notre économie a bel et bien accéléré très fortement au deuxième trimestre : la croissance a atteint un rythme exceptionnel de 1,2 %, soit 4,8 % en rythme annualisé,

M. Philippe Auberger. Excellent chiffre !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …ce qui nous place en tête de tous les pays de la zone euro.

M. Philippe Auberger. Eh oui !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Mais, surtout, les composantes de cette croissance attestent de sa solidité.

M. Augustin Bonrepaux. Vous devriez regarder davantage autour de vous !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. D’abord, elle est équilibrée et ses trois moteurs – consommation, investissement, exportations – sont allumés.

Ensuite, les perspectives de croissance pour les troisième et quatrième trimestres sont bonnes : le climat des affaires dans l’industrie est stabilisé depuis six mois à un niveau très élevé, le plus haut depuis près de cinq ans. Dans les autres secteurs comme le commerce ou le bâtiment, les enquêtes publiées cette semaine sont également très positives.

M. Jean-Pierre Brard. Les actionnaires sont contents !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Encore une fois, je cite ces chiffres avec recul, car je connais la fragilité des choses, mais mon rôle, en tant que ministre, est de vous indiquer les tendances telles que je les vois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La consommation manufacturée du troisième trimestre s’annonce excellente. En août, elle a progressé de plus de 3,3 %, ce qui représente la plus forte progression depuis sept ans.

M. Augustin Bonrepaux. Je ne sais pas comment vous calculez !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Peut-être devrais-je m’excuser de la souligner, mais c’est une réalité : elle a atteint son plus haut historique.

M. Didier Migaud. Le ministre du budget ne vous dit pas tout ! Il doit vous cacher certaines choses.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Les perspectives d’investissement favorables des chefs d’entreprises sont aussi le signe de leur confiance dans l’avenir : ils tablent sur une progression de 4 % de leurs investissements en valeur en 2006, ce qui est le meilleur résultat obtenu depuis 2000.

Enfin, la conjoncture européenne est au plus haut depuis six ans, ce qui devrait contribuer à soutenir nos exportations.

Au total, tout porte à croire que notre économie va continuer à progresser aux troisième et quatrième trimestres sur une tendance dynamique. Je cite les prévisions de l’INSEE, qui tablent sur une augmentation de 0,6 % au troisième trimestre, puis de 0,5 % au quatrième, ce qui est conforme à mes estimations.

Par conséquent, je vous le confirme : la croissance sur l’ensemble de l’année 2006 devrait s’inscrire dans la fourchette de 2 % à 2,5 % sous-jacente au PLF pour 2006 – et probablement dans le haut de cette fourchette.

Cette situation nous satisfait au sens où elle est meilleure que celle que certains pouvaient espérer ou craindre.

M. Augustin Bonrepaux. Vous faites mieux que votre prédécesseur, M. Sarkozy !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et mieux que M. Fabius !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En tout état de cause, je pense que la France peut et doit faire mieux. C’est aussi dans cette perspective qu’est construit le PLF pour 2007.

Je compte sur lui pour entretenir le cercle vertueux confiance-croissance-emploi qui s’est enclenchée. Le retour de la confiance est en effet le facteur majeur de l’accélération de la croissance. Plus de confiance, c’est plus de consommation des ménages. Et plus de confiance, c’est aussi plus d’investissement des entreprises.

Cet enchaînement vertueux débouche sur la création d’emplois dans notre pays et fait évidemment reculer le chômage, comme on le constate maintenant depuis plus d’un an. Il s’établit aujourd’hui autour de 9 %, soit une baisse d’un point en un an, soit encore 280 000 chômeurs en moins.

M. Augustin Bonrepaux. Mais le nombre de RMIstes continue à augmenter !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ces progrès vont se poursuivre : notre scénario table sur près de 250 000 créations d’emplois en 2007, soit pratiquement le même niveau qu’en 2006, dont environ 80 % – je tiens à le rappeler – dans le secteur privé.

À leur tour, l’emploi qui redémarre et le chômage qui baisse sont de formidables facteurs de confiance pour nos compatriotes. La boucle est bouclée ; le cercle vertueux se dessine. Il faut poursuivre et surtout ne pas s’arrêter en route. C’est bien ce que propose le projet de loi de finances.

J’ajoute qu’il a été bâti – n’est-ce pas Jean-François ? – en insistant sur le pouvoir d’achat des Français.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle familiarité ! C’est comme si je vous appelais Thierry ! Dites : « monsieur Copé » !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je reviendrai plus tard sur la réduction du déficit et surtout sur celle de la dette. Elle fonde l’axe de ma politique économique et je l’ai inscrite dans ce PLF car elle est déterminante pour consolider le retour de la confiance chez nos compatriotes.

Ce PLF soutient résolument le pouvoir d’achat.

M. Jean-Pierre Brard. Quel pouvoir d’achat ? Celui des RMIstes ? Celui des smicards ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La progression des salaires s’est accélérée, au cours des derniers trimestres, à un rythme qu’on ne voyait plus depuis treize ans.

M. Jean-Pierre Brard. Vraiment ? Il faudrait passer le périphérique de temps en temps !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Certes, ce n’est jamais assez, j’en suis bien conscient, tout comme le Gouvernement. Mais je vous livre les tendances : la progression du pouvoir d’achat, de 2,9 % en 2006, est aujourd’hui la plus élevée que nous ayons observée depuis treize ans. Il faut poursuivre, et c’est évidemment ce que nous vous proposons dans le cadre de ce projet de loi de finances.

C’est pourquoi la réforme fiscale apportera un soutien massif aux gains de pouvoir d’achat, notamment des plus défavorisés…

M. Jean-Louis Dumont. Et les retraités, que deviennent-ils ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …et des classes moyennes. La réforme fiscale représentera un soutien aux gains de pouvoir d’achat d’environ 0,5 %, je l’ai indiqué, et ce dès le début de l’année.

M. Augustin Bonrepaux. Pour qui ?

M. Jean-Pierre Brard. Le pouvoir d’achat des riches va augmenter !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je pense bien entendu à la grande réforme de l’impôt sur le revenu, votée l’an dernier, dont nous avons souhaité, Jean-François Copé et moi, faire bénéficier nos concitoyens l’an prochain, dès leur premier tiers ou leur première mensualité, qui baissera de 8 %, dans la limite de 300 euros.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Très bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La forte revalorisation de la prime pour l’emploi va également soutenir le pouvoir d’achat des titulaires du SMIC, en représentant désormais quasiment un treizième mois. Je sais, monsieur le président de la commission des finances, que cette mesure puissante et emblématique vous est particulièrement chère.

Enfin, en 2007, nous encouragerons l’investissement et renforcerons ainsi notre croissance à moyen terme. Je pense bien sûr à la réforme de la taxe professionnelle, au programme « Gazelles », destiné à soutenir les PME de croissance, mais aussi au « bouclier fiscal » et à la baisse du taux marginal d’impôt sur le revenu, qui renforce notre attractivité.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une gazelle unijambiste !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Grâce aux effets de ce projet de loi de finances sur le pouvoir d’achat et l’investissement, je suis convaincu que la croissance restera solide en 2007. C’est pourquoi, après en avoir longuement parlé notamment avec le rapporteur général, j’ai décidé de retenir une fourchette, identique à celle de l’année dernière, comprise entre 2 % et 2,5 %.

Je vais maintenant détailler les principaux objectifs de déficit et de dette. Avec cette hypothèse de croissance raisonnable, c’est bien sur une maîtrise stricte de la dépense publique que repose la poursuite de notre stratégie de réduction du déficit.

Pour 2006, notre objectif était d’améliorer encore le résultat de 2005 – 2,9 % –, en ramenant le déficit à 2,8 % du produit intérieur brut, grâce en particulier à une stabilisation en volume de la dépense de l’État pour la quatrième année consécutive et à un ralentissement sensible des dépenses de santé, puisque les dépenses sous ONDAM ne devraient plus progresser que de 2,7 % en 2006, contre 4 % en 2005.

Or, comme je l’ai indiqué en toute transparence, il se trouve que les résultats des versements de l’acompte de septembre de l’impôt sur les sociétés sont nettement plus élevés que ce que nous escomptions et laissent envisager au moins 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires, ce qui porterait le total des plus-values fiscales à environ 5 milliards. Ainsi que le Premier ministre et moi-même l’avons annoncé, ces 5 milliards supplémentaires seront immédiatement affectés à la réduction du déficit et de l’endettement de la France, conformément au vote de votre assemblée l’an dernier.

Dès lors, je considère qu’il est possible de ramener dès cette année le déficit total des administrations publiques – sur lequel nous nous sommes engagés vis-à-vis de Bruxelles – de 2,9 % du produit intérieur brut en 2005 à 2,7 %, et non plus seulement à 2,8 %. Tel est désormais l’objectif du Gouvernement pour l’année 2006.

Quant au déficit budgétaire de l’État, il devrait se situer en dessous de 43 milliards d’euros et atteindre 42,7 milliards, soit plus de 4 milliards de moins que celui que vous aviez voté l’an dernier – Jean-François Copé y reviendra dans quelques instants.

Pour 2007, mon objectif est de combler un peu plus le déficit public, en le ramenant à 2,5 % du produit intérieur brut. Ce chiffre est particulièrement important, car il permet de stabiliser le ratio d’endettement public, ce qui signifie que toute nouvelle réduction du déficit fera mécaniquement baisser l’endettement.

Tout d’abord, le « pouvoir de dépense » de l’État baissera l’an prochain de 1 %, c’est-à-dire que la progression de la dépense sera inférieure d’un point à l’inflation – après déjà quatre années durant lesquelles elle a été stabilisée en volume. Je sais, monsieur le rapporteur général, que vous êtes particulièrement sensible à la maîtrise stricte de nos dépenses ; vous nous aidez, du reste, à faire en sorte que l’État tienne ses engagements dans ce domaine.

Cet effort historique en matière de dépenses…

M. Jean-Pierre Brard. C’est à la fois le Gallieni et le Joffre de Bercy !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …permettra de financer quasiment la réforme de l’impôt sur le revenu.

Le déficit budgétaire de l’État continuera de baisser en 2007 : il devrait se situer sous les 42 milliards d’euros, puisque nous l’estimons, avec Jean-François Copé, à 41,6 milliards.

Quant aux dépenses de santé, elles continueront de ralentir, ne progressant plus que de 2,5 % en valeur, soit 1,5 % de moins que l’activité économique.

M. Jean-Pierre Brard. On sait comment vous vous y prenez pour faire baisser les dépenses de santé !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Grâce à nos efforts, l’endettement de la France connaît une diminution historique.

M. Jean-Pierre Brard. Encore !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pour 2006, nous nous étions engagés, avec le Premier ministre, à réduire l’endettement de notre pays de 2 %. Pour ce faire, j’ai pris, en tant que ministre des finances, des orientations fortes :…

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez bazardé les autoroutes !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …l’optimisation de la gestion de la trésorerie de l’État, la cession d’actifs non stratégiques,…

M. Jean-Pierre Brard. Dites-le plutôt en français, pour que tout le monde comprenne !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …la mobilisation de tous les organismes pour optimiser la gestion de trésorerie et de placement, l’affectation de tout surplus au désendettement et, évidemment, la réduction des dépenses de l’État.

M. Jean-Pierre Gorges. Voilà une bonne gestion !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je puis vous dire que les informations dont je dispose aujourd’hui sur les rachats de dette opérés cette année confortent notre objectif de réduire l’endettement public de 2 % fin 2006, c’est-à-dire de faire passer le ratio d’endettement de 66,6 % du produit intérieur brut fin 2005 à 64,6 %, voire moins si la tendance actuelle se poursuit jusqu’à la fin de l’année.

L’INSEE vient d’annoncer que, sur les seuls six premiers mois de l’année, plus de la moitié du chemin avait été parcourue, avec une baisse de 1,1 % de l’endettement public – ce qui est sans précédent dans l’histoire de cet institut. Plus largement, depuis le début de l’année, 13,9 milliards d’euros de dettes ont été rachetés. Pour la première fois, le programme de financement de l’État à moyen terme a été revu à la baisse de 10 milliards d’euros par rapport au programme initial, et je vous annonce aujourd’hui que j’ai décidé de procéder à une réduction supplémentaire de 4 milliards d’euros du programme de financement de l’État à moyen terme. Par ailleurs, l’encours de dette à court terme de l’État a été réduit d’environ 14 milliards d’euros grâce à une meilleure gestion de notre trésorerie.

Pour l’année prochaine, après avoir de nouveau passé en revue avec nos services tous les leviers de désendettement disponibles, nous avons décidé de fixer un objectif de baisse supplémentaire de 1 % du produit intérieur brut de l’endettement public. En deux ans, l’endettement public aura donc baissé de plus de trois points de PIB, ce qui, là encore, est sans précédent.

M. Jean-Pierre Brard. Et avec ça, combien de fois par semaine les familles modestes mangeront-elles de la viande ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Comment allons-nous y parvenir ? Au-delà de l’effet du déficit stabilisant et de l’affectation intégrale des surplus fiscaux au désendettement, nous poursuivons notre action dans trois directions.

Tout d’abord, les dispositions déjà prises ou en cours de finalisation représentent un potentiel de baisse du ratio d’endettement de plus de 2 % du PIB. Par conséquent, selon l’avancement des chantiers en cours, soit nous dépasserons notre objectif cette année, soit certaines dispositions permettront de faire baisser l’endettement dans le courant de l’année prochaine. En tout état de cause, les travaux déjà engagés contribueront à la réalisation de l’objectif 2007. Nous préparons ainsi l’avenir de nos enfants.

M. Jean-Pierre Brard. Nous le faisons très bien sans vous !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Par ailleurs, nous tablons forfaitairement sur 5 à 10 milliards d’euros de recettes de cessions d’actifs financiers non stratégiques en 2007, comme nous l’avions indiqué dans notre programme pluriannuel de désendettement. Je vous rappelle que, sur 2005 et 2006, plus de 20 milliards d’euros de cessions de titres ont déjà permis de désendetter la France.

Enfin, nous allons évidemment poursuivre l’année prochaine le dialogue avec l’ensemble des acteurs publics, dans l’esprit de la Conférence nationale des finances publiques, pour continuer à optimiser la gestion de la dette publique dans son ensemble.

Mesdames, messieurs les députés, voilà ce que je souhaitais vous dire en introduction de la discussion générale. J’ai évidemment toute confiance – je suis un éternel optimiste – dans la qualité du débat que nous allons avoir ensemble dès aujourd’hui. Je serai plus que jamais à l’écoute de vos appréciations et des propositions que vous ferez, dans l’intérêt de nos concitoyens, afin que nous aboutissions à un budget réaliste, vertueux et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Votre reconversion est toute trouvée : patron de l’épicerie fine chez Fauchon !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, le budget que je vous présente aux côtés de Thierry Breton…

M. Jean-Pierre Brard. Dites plutôt Thierry : ça fait plus salon !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …est le dernier de la législature. Il était normal que nous le bâtissions avec une double exigence : technique et politique. Technique, d’abord, parce qu’il importait, en cette deuxième année d’application de la LOLF, d’être irréprochable vis-à-vis de notre nouvelle constitution budgétaire et de veiller à ce que l’on en affine le fonctionnement. Politique, ensuite, parce que, à huit mois de l’élection présidentielle, notre débat revêtira forcément une dimension particulière et il nous faudra faire la démonstration que nous pouvons financer l’ensemble de nos priorités tout en assainissant les finances publiques.

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’heure du bilan et bientôt celle de la sentence !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce budget nous permet d’atteindre quatre objectifs : la baisse de la dépense, des impôts, du déficit et de la dette.

M. Jean-Pierre Gorges. Cela n’était jamais arrivé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Un rendez-vous aussi exceptionnel est la conséquence logique de quatre années de travail intensif pour redresser les finances publiques…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exact !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et rattraper le temps perdu, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous aurez une médaille !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De votre part, je n’en demande pas tant.

Au cours des prochains mois, nous parlerons beaucoup des méthodes de gouvernement avec les Français, car cette question est essentielle dans le débat qui précède une élection présidentielle. Ce budget illustre la nôtre.

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il aurait été impossible d’atteindre un tel résultat en reconduisant à l’identique les méthodes du passé, avec leurs habituelles discussions budgétaires stériles, où 99 % des dépenses sont déjà décidées. À cet égard, la LOLF nous ouvre une voie royale pour changer nos méthodes.

M. Michel Bouvard. Ne parlons pas de voie Royal ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez raison, monsieur Bouvard : disons plutôt républicaine.

M. Michel Bouvard. C’est mieux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Puisque vous m’en donnez l’occasion, permettez-moi de vous rendre hommage, monsieur Bouvard, car c’est grâce à votre contribution et à celle de la MILOLF que nous avons simplifié la cartographie des missions et des programmes. De la même manière, nous avons affiné les indicateurs de performance, qui sont très utiles puisqu’ils nous permettent de mesurer l’efficacité des politiques publiques, ainsi que les objectifs.

Les conditions sont donc désormais réunies pour que les ministres s’approprient la nouvelle constitution budgétaire et deviennent, conformément à l’esprit de la LOLF, leur propre ministre du budget : c’est un véritable rendez-vous d’avenir. Chaque ministre pourra valoriser son action en montrant, non pas qu’il a su augmenter ses dépenses, mais qu’il a atteint ses objectifs.

Nous avons construit ce budget avec quatre exigences.

Première exigence : nous mettons très tôt tout le monde autour de la table pour définir les priorités. Nous avons ainsi réuni l’ensemble des ministres à l’occasion des réunions d’économies structurelles, que j’ai personnellement présidées Tous les ministères ont été mis à contribution et ont réfléchi à la manière de moderniser les dépenses publiques correspondant à leurs missions et programmes. Il n’y a eu aucun passe-droit.

M. Jean-Pierre Brard. Même Sarkozy ? Et MAM ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous n’allez pas les énumérer tous, monsieur Brard : je vous ai dit qu’il n’y avait eu aucune exception.

M. Jean-Pierre Brard. C’est votre examen de conscience !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Au-delà de l’État, nous avons travaillé avec les collectivités locales et la sécurité sociale dans une démarche commune, grâce au Conseil d’orientation des finances publiques, qui est une innovation importante. La conférence des finances publiques est un outil formidable pour se dire les choses et tout mettre sur la table – et Dieu sait si nous avons des choses à nous dire ! À ce propos, je remercie une nouvelle fois Gilles Carrez, qui a accepté de coordonner l’élaboration du rapport de la prochaine conférence des finances publiques.

Le budget pour 2007 montre que les engagements de l’État à l’égard des autres acteurs sont entièrement tenus. S’agissant de la sécurité sociale, l’État transfère une partie des droits sur les tabacs pour 500 millions d’euros, ce qui représente un bel effort.

S’agissant des collectivités locales, outre la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, qui représente une augmentation de près de 1 milliard d’euros, le budget prévoit la progression du FCTVA – pour 700 millions d’euros –, le financement supplémentaire au titre du RMI – pour 400 millions d’euros –,…

M. Augustin Bonrepaux. Le compte n’y est pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et l’évolution du coût des dégrèvements des impôts locaux et des compensations d’exonérations de fiscalité locale, pour 700 millions d’euros.

Je me permets de dresser cette liste, car elle est chère au président Méhaignerie, qui a rappelé à de nombreuses reprises que la transparence commandait que l’on évoque la totalité des flux financiers entre l’État et les collectivités locales. Le total de ces dépenses supplémentaires atteint 2,8 milliards d’euros, soit une progression de 4,3 % par rapport à l’an dernier. Ce n’est pas si mal lorsque l’on sait que, dans le même temps, l’État a diminué ses dépenses de 1 % en volume.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. C’est même beaucoup !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Deuxième exigence : nous avons les yeux rivés sur l'étranger pour moderniser en continu l'État. C'est tout le sens des audits.

Il y a un an, j'avais pris rendez-vous avec vous : je m'étais engagé à faire la démonstration que, par une démarche d'audits permanents, il était possible d'améliorer la qualité de nos services publics tout en réduisant la dépense de l’État.

Un an après, nous voici à l'heure d'un premier bilan. Tous les ministères ont joué le jeu : 104 audits ont été réalisés portant sur 101,5 milliards d'euros ; ils ont porté sur des sujets qui n'ont rien d'anecdotique – maîtrise des frais de justice, télédéclaration, paiement des amendes, allocation adultes handicapés, achats – et ils sont tous rendus publics, accessibles sur Internet.

Ces audits constituent un élément majeur car ils ont largement permis de construire un budget dans lequel la dépense de l’État va diminuer par rapport à l’année dernière. Ils sont au cœur des baisses de dépenses opérées dans ce projet.

Cette contribution des audits à une dépense publique maîtrisée et plus efficace se voit à travers deux résultats concrets. D’abord, sur les emplois : c’est grâce aux audits, en effet, que nous avons documenté précisément le non- renouvellement de 15 000 postes de fonctionnaires en 2007. Ensuite, sur les crédits : c’est grâce aux quatre premières vagues d'audits que nous avons pu identifier 3 milliards d'euros d'économies potentielles sur trois ans.

Je parle là de réformes extrêmement concrètes : les achats, pour lesquels nous dégageons 1,3 milliard d'euros d'économies sur trois ans ; les gains liés au schéma d'emplois ; l'inflexion donnée à des dotations telles que les frais de justice ou l’allocation adulte handicapé ; les gains de productivité liés au recours à Internet.

Tout le dispositif des audits ne doit naturellement pas s’arrêter là. Bien au contraire ! J'ai d’ailleurs lancé ce matin même une cinquième vague de 23 audits, portant sur 22 milliards d'euros, 60 000 emplois, avec des sujets emblématiques comme l’aide médicale d'État, l’aide juridictionnelle, l’aide publique au développement, le pilotage des établissements publics par les ministères – 71 d’entre eux étant pilotés par le ministère de la culture.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je n’oublie pas les audits transversaux. Chacun a en mémoire les résultats obtenus dans le domaine de la politique immobilière grâce au concours actif de votre commission des finances, et en particulier de son rapporteur Georges Tron.

Avec ces audits – et ils seront tous publiés –, l’objectif est de dégager 6 à 7 milliards d’euros sur la totalité des dépenses de l’État.

Vous l'avez bien compris, il s'agit non de baisser la dépense publique pour afficher une logique comptable, donc idéologique, mais de faire la meilleure dépense publique, pour le meilleur service public, au meilleur coût. C’est ainsi que fonctionnent tous les grands pays modernes. Pourquoi en irait-il différemment pour la France ? Nous faisons la démonstration qu’elle peut le faire aussi bien que les autres. Cette procédure, tout comme la LOLF, me paraît d’ailleurs dépasser les clivages politiques. Je ne verrai donc que des avantages à ce que la majorité poursuive pour l’avenir cette démarche, qui est lisible, transparente et accessible à tous les Français soucieux de la bonne utilisation des deniers publics.

Monsieur Migaud, je suis très désireux de savoir si le parti socialiste entend, pour l’avenir, s’il revient au pouvoir par hasard, ou par malheur …

M. Didier Migaud. Par la volonté du suffrage universel !

M. Jean-Louis Idiart. C’est la démocratie !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …ou par la volonté du suffrage universel, si l’actuelle majorité n’est pas suffisamment convaincante ou rassemblée, poursuivre le programme d’audits. Je suis certain que vous me donnerez une réponse d’ici à la fin de l’examen du budget.

Troisième exigence : nous gravons dans le marbre des principes de bonne gestion et nous nous y tenons quelles que soient les circonstances. Thierry Breton l’a dit tout à l’heure – et, sur ce point, il a manifesté beaucoup de sagesse –,…

M. Jean-Pierre Brard. Et de modestie !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. … nous avons choisi de gérer les plus-values fiscales en toute transparence et en les affectant au désendettement.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je veux ici rendre une nouvelle fois hommage à votre commission des finances car c’est à son initiative que, l’an dernier, nous avons inscrit dans la loi que les plus-values éventuelles devaient être affectées au désendettement.

Mesdames et messieurs de la majorité, je vous remercie d’avoir pris cet engagement, que, pour notre part, nous avons tenu. Il était très important de le faire vis-à-vis des Français. En effet, nous devons faire la démonstration que le processus de désendettement est toujours possible dès lors qu’il est inscrit dans une volonté politique.

Nous avons fait également le choix de conserver cette attitude de prudence pour les hypothèses de recettes pour 2007. De ce point de vue, Didier Migaud, toujours très actif pour dénoncer l’insincérité du budget, et retrouvant parfois un allié inattendu en la Cour des comptes, va devoir trouver des trésors d’imagination pour expliquer que ce budget est fondé sur des hypothèses insincères…

M. Didier Migaud. Ce ne sont pas vos hypothèses qui sont insincères : ce sont vos chiffres, et c’est encore pire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …alors même que nous avons été extrêmement prudents, qu’il s’agisse de la croissance, de l’évaluation des recettes ou de données économiques tel le prix du baril de pétrole.

Dans le même ordre d’idée, je veux croire que les malentendus du printemps dernier sur la sincérité de la loi de règlement nous auront apporté, avec l’arbitrage du Conseil constitutionnel, un éclairage nouveau. À l’époque, monsieur Migaud, vous m’aviez dit que vous attendiez avec sérénité la décision du Conseil constitutionnel. Vous l’avez eue. J’espère que vous êtes resté serein.

De ce point de vue, il faut nous concentrer sur l'avenir et préparer la certification des comptes, qui interviendra pour la première fois en début d'année prochaine. C'est une échéance capitale pour la gouvernance de nos finances publiques, et j'entends bien être au rendez-vous.

Cela suppose un effort majeur de tous les acteurs. J'espère qu'ils se convertiront tous pleinement à l'esprit de la LOLF, notamment que le certifîcateur ne confondra pas son rôle avec celui de juge des comptes. Il s'agit là de deux fonctions distinctes : à la fonction ancienne de juge des comptes, la LOLF ajoute la fonction nouvelle de certifîcateur. Ce sont deux missions différentes. L'expérience de nos voisins et celle du secteur privé nous enseignent que la certification est un processus continu et coopératif de dialogue entre le certifié et le certifîcateur pour améliorer la qualité des comptes. Cela n'a évidemment rien à voir avec le jugement des comptes ou l'opinion portée sur la qualité de la gestion.

Enfin, nous faisons le choix de la responsabilité sur les dépenses nouvelles. Compte tenu de la réforme fiscale de 6 milliards d'euros votée l’an dernier, nous avons donc fait le choix d'un paquet fiscal resserré. Bien entendu, la hausse de la prime pour l’emploi doit faire l’objet d’une mention particulière. Il s’agissait, monsieur le président Méhaignerie, d’une attente forte de beaucoup de nos concitoyens, que vous avez relayée. Prévoir une amplification de la hausse de la prime pour l'emploi à hauteur de 500 millions est très important dans le cadre de la politique que nous menons et qui vise à renforcer le pouvoir d’achat des Français. Cela se traduira, pour les bénéficiaires de la PPE, par l’équivalent d’un treizième mois à partir de l’an prochain.

M. Jean-Pierre Brard. Un treizième mois pour qui ? Pour M. Beffa ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non, car il n’est pas éligible à la PPE. En revanche, celui qui est au SMIC pourra en bénéficier. J’ignore si vous êtes dans ce cas, monsieur Brard. En tout cas, les électeurs de Montreuils concernés pourront profiter de cette mesure et peut-être même se féliciter de l’action conduite par le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard. Ils voudront une plus grosse part de gâteau !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Au-delà, et pour l'avenir, nous ne nous interdisons pas de réfléchir à la philosophie générale de cette prime et à sa mise en œuvre. C'est d'ailleurs dans cette optique que j'ai souhaité lancer un audit, qui portera sur les améliorations possibles à apporter à la gestion de la PPE.

M. Hervé Mariton. C’est fort judicieux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tout cela nous permet de présenter un budget totalement en ligne avec nos convictions.

Première conviction : le désendettement est indispensable pour pouvoir parler d'avenir. C'est un sujet sur lequel Thierry Breton s’est exprimé tout à l’heure. C’est un combat important.

M. Augustin Bonrepaux. C’est maintenant que vous vous en apercevez ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le désendettement, c'est en effet le socle sans lequel il n'y a ni confiance ni croissance durable. D'où notre double objectif de baisser la dette et donc le déficit, un déficit qui s'établit à 41,6 milliards d'euros, soit une réduction de 5,3 milliards par rapport au solde 2006.

Un rapide bilan permet de mesurer le chemin parcouru depuis 2003 : en quatre ans, le déficit budgétaire de l'État aura été réduit de plus de 15 milliards d'euros.

L'évolution du solde structurel des administrations publiques est plus instructive encore : en 1997, nous avions laissé un déficit structurel de 2 points de PIB ; en 2002, nous l'avons retrouvé à 3,8 points de PIB ; en 2007, il se situera à 2,3 points de PIB, soit une amélioration de 1,5 point de PIB. Comme vous pouvez le constater, nous avons presque réussi à effacer les conséquences désastreuses de la gestion précédente !

M. Jean-Louis Idiart. C’est archinul !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quant à la dette, après la baisse de 2 points de PIB en 2006, elle diminuera encore d'un point.

Deuxième conviction : il est possible de moderniser les services publics sans dépenser toujours plus. Pendant longtemps, on a trompé les Français.

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

M. Jean-Claude Sandrier. Cela continue !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. D’abord en leur faisant croire que la ligne de partage était entre ceux qui dépensent plus et ceux qui dépensent moins.

On les a trompés aussi en leur faisant croire que l'administration fonctionne moins bien si on n'augmente pas sans cesse le nombre des fonctionnaires.

On les a trompés encore en refusant de poser les seules bonnes questions : la dépense publique engagée est-elle efficace, est-elle correctement évaluée, pourrait-elle être mieux utilisée ?

M. Michel Bouvard. Excellent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On les a trompés enfin, en évitant soigneusement de poser le débat essentiel, et qui va largement nous engager tout au long des mois à venir, sur ce que doit être le périmètre d’action de l'État.

L'une des erreurs historiques de Lionel Jospin – je dis bien historique – a été de dire : « L'État ne peut pas tout faire ». Car, en réalité, il y a deux questions essentielles : d’abord, l'État ne doit pas tout faire ; ensuite, l'État ne doit pas tout faire tout seul. C’est sur ces deux points qu’il faut travailler, à la lumière de ce qui a déjà été accompli en matière de maîtrise et de modernisation de la dépense publique.

M. Jean-Pierre Brard. On retrouve là l’idéologue !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Brard, c’est l’hôpital qui se moque de la charité !

Ce que je veux démontrer dans ce budget, c'est qu'il est possible d'avoir un État qui dépense moins, tout en étant présent sur les priorités auxquelles sont attachés les Français, et qui, pour cela, se modernise en permanence.

Nous faisons la démonstration dans ce budget qu'il est possible de concilier une dépense publique en baisse et le financement intégral de tous nos engagements.

Fin 2007, nous aurons exécuté 90 % de la LOPSI en emplois et 100 % en crédits. La loi de programmation militaire aura été respectée à 100 %. La loi de programmation pour la justice sera exécutée à hauteur de 100 % dans son volet crédits. Enfin, concernant l'aide publique au développement, nous serons au rendez-vous pris lors de la conférence de Monterrey, avec un effort de 0,5 point du revenu national brut. Bien sûr, je n’oublie pas ce que nous avons fait dans le domaine de la recherche, avec 1 milliard de moyens nouveaux en application de la loi de programme. Ainsi, 2 000 emplois vont pouvoir être créés dans les universités et les établissements de recherche.

M. Jean-Pierre Brard. Parlez-en aux chercheurs !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Troisième conviction : la fiscalité a un rôle majeur à jouer sur la question du pouvoir d'achat.

Les Français placent ce sujet au cœur de leurs préoccupations. Nous leur apportons à travers ce budget des premières réponses : 2007, vous le savez, c'est le rendez-vous fixé pour la réforme fiscale votée l'an dernier et dont Thierry Breton a parlé. Elle se traduit par un allégement de 4,9 milliards d'euros pour les ménages.

Alors, j'entends bien aujourd'hui ceux qui tentent d'accréditer l'idée que les impôts des Français n'ont absolument pas diminué. Je profite donc de l'occasion pour préciser les choses. Depuis 2002, l'impôt sur le revenu aura baissé en moyenne de 20%.

M. Augustin Bonrepaux. Au profit de qui ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De ceux qui le paient !

Et pour 3,7 millions de contribuables cette baisse aura été supérieure à 30 %. Je m'empresse de préciser que ces contribuables sont, dans leur quasi-totalité, des personnes dont les revenus sont inférieurs à 3 500 euros par mois. En clair l'État a fait le boulot ! L'évolution du poids de ses prélèvements le prouve : celui-ci est passé de 15,5 % du PIB en 2002 à 14,6% en 2007.

M. Charles de Courson. Tout cela n’est pas sérieux, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais, l'État n'est pas le seul acteur : depuis 2002, en effet, le poids des prélèvements de la sécurité sociale s’est accru et, surtout, les impôts locaux ont explosé.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Eh oui, et c’est scandaleux ! Merci les régions !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sur 2002-2006, le produit voté des quatre impôts directs locaux – taxe d’habitation, taxe professionnelle, taxe sur le foncier bâti et non bâti –enregistre une hausse moyenne annuelle de 5,3 %.

M. Didier Migaud. Évidemment, si vous raisonnez en produit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et sur les deux dernières années, les régions ont augmenté leur taux de taxe professionnelle de près de 30% !

M. Jean-Marc Roubaud. Voilà le bilan des régions dirigées par la gauche !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il n’aura en effet échappé à personne que la quasi-totalité de ces régions sont administrées par la gauche. Il est bon que les Français sachent que si, par malheur, une alternance se produisait, ce qu’on n’a constaté pour les régions risque de s’opérer en pire au niveau de l’État, ce qui remettrait en cause la compétitivité de notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.– Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cela étant, en matière de pouvoir d'achat, la fiscalité ne peut pas tout faire. La vraie question, c'est celle de la place du travail dans notre pays. On ne pourra pas résoudre le problème du pouvoir d'achat sans se poser franchement la question de la feuille de paye. Ce qui suppose d'ouvrir pour l'avenir trois chantiers au moins.

D’abord, le SMIC ne doit pas devenir un plafond de verre. Et le problème, est non pas, comme le propose Laurent Fabius, de porter le SMIC à 1500 euros, mais de pouvoir garantir qu'on ne sera pas rémunéré toute sa vie au SMIC. Il faut donc, grâce à la qualification tout au long de la vie et, le cas échéant, au recours aux heures supplémentaires, qu’on puisse gagner plus en travaillant plus, et en montant en grade dans son parcours professionnel. Ce sont là des rendez-vous majeurs pour l’avenir. C’est dans cette voie, d’ailleurs, que se sont engagés tous les grands pays occidentaux, y compris ceux gouvernés par des socialistes. Je pense à l’Allemagne ou à la Grande-Bretagne.

M. Jean-Pierre Brard. On voit ce que cela a rapporté à M. Schröder !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela vaut la peine de méditer sur cette question.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est le cas aussi en Russie !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et comme la Russie, absolument !

Quatrième conviction : on peut faire baisser le chômage à travers une politique de l’emploi efficace.

Nous avons fait la preuve qu’une politique de l’emploi misant sur la "flex-sécurité" pouvait contribuer de manière significative au recul du chômage, de même que le soutien aux entreprises qui embauchent, à travers les allégements de charges. Cette année, sur les 260 000 emplois créés en France, 80 % l’ont été dans le secteur privé. Quelle différence avec la baisse du chômage des années Jospin, essentiellement due à des emplois publics !

M. Jean-Marc Roubaud. Une baisse artificielle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cette politique porte ses fruits et nous invite à aller plus loin. Nous allons devoir débattre de ce que nous souhaitons pour l’avenir en matière d’allégements de charges et d’aides versées aux entreprises, afin de nous assurer de l’efficacité de tous les dispositifs.

M. Louis Giscard d'Estaing. Absolument !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne terminerai pas mon propos sans dire un mot sur le bilan, car comme dit le proverbe, quand on se regarde, on s’inquiète, mais quand on se compare, on se rassure. J’ai donc décidé de comparer les deux périodes 1997-2002 – celle de Lionel Jospin – et 2002-2007, c’est-à-dire la nôtre.

M. Didier Migaud. Nous l’avons fait aussi, mais notre analyse est différente de la vôtre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je peux le comprendre, car celle que je vais faire vous gênera sans doute beaucoup ! Alors que le déficit était de 40 milliards d’euros à votre arrivée au pouvoir en 1997, vous l’avez laissé, malgré une croissance extrêmement favorable, atteindre 49 milliards d’euros en 2002.

M. Augustin Bonrepaux. D’où sortez-vous ces chiffres ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Lionel Jospin l’a d’ailleurs explicitement reconnu, avouant par un bel euphémisme qu’il avait décidé de "laisser légèrement dériver les comptes publics" – j’apprécie le "légèrement". Pour notre part, en 2007,…

M. Augustin Bonrepaux. En 2007, vous ne serez plus là !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …nous aurons amélioré le solde budgétaire de près de 8 milliards en cinq ans, le ramenant à 41,6 milliards d’euros. Si la gauche l’a alourdi légèrement, nous, nous l’aurons amélioré lourdement.

M. Jean-Pierre Brard. En bazardant les bijoux de famille !

M. Michel Bouvard. Et la CNE !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela n’a rien à voir, monsieur Brard !

S’agissant des recettes, souvenons-nous qu’en 1999, seul un tiers des 10 milliards d’euros des plus-values de recettes enregistrées a été affecté à la réduction du déficit. Nous faisons exactement l’inverse, en affectant l’intégralité des plus-values de recettes à la réduction du déficit.

Pour ce qui est des dépenses, le dernier budget de la législature socialiste affichait une progression en volume des crédits de 0,5 %. La réalité fut tout autre, avec une dérive de près de 10 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, ce qu’a révélé le rapport d’audit Nasse-Bonnet. Le déficit, que les prévisions évaluaient à 30 milliards d’euros, atteignit 49 milliards. Là encore, nous faisons le choix inverse : avec des dépenses en baisse pour la dernière année de la législature, nous apportons la preuve de notre détermination à tenir les comptes de notre pays.

En ce qui concerne les effectifs, je citerai deux chiffres : d’un côté, la création en 2001-2002 – la période Jospin – de 30 000 postes de fonctionnaires d’État.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De l’autre, 20 000 non-renouvellements de postes en 2006-2007, avec, grâce aux audits, une politique permettant de placer les effectifs là où on en a réellement besoin.

Tels sont les éléments que je voulais porter à votre connaissance et qui seront autant de repères pour la discussion passionnante qui s’annonce.

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne dites rien du niveau des prélèvements obligatoires !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai fait tout à l’heure la démonstration que les prélèvements obligatoires de l’État avaient diminué, mais pas ceux des collectivités locales !

Mes oreilles ont quelque peu bourdonné lorsque j’ai entendu certains, à gauche de cet hémicycle, expliquer que ce budget ne constituait déjà plus un enjeu et qu’il était "virtuel". J’invite ceux qui voudraient qu’il ne soit pas exécuté en l’état à dire clairement aux Français pourquoi. Oseront-ils annoncer qu’ils cesseront de réduire le déficit ? Qu’ils aggraveront la dette ?

M. Augustin Bonrepaux. Elle est assez grave comme cela !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Qu’ils mettront un terme à la baisse des impôts ?

M. Jean-Pierre Brard. Il faut remettre en cause la baisse des impôts !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Qu’ils stopperont les audits qui visent à la modernisation de l’État pour offrir un meilleur service public à moindre coût ?

Comme le veut la tradition dans un débat budgétaire, vous allez beaucoup me questionner. Sachez que je vous répondrai mais que je ne manquerai pas de vous questionner à votre tour, faisant en quelque sorte du Bonrepaux à l’envers. Vous en aurez pour votre argent ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Idiart. Attendez d’être dans l’opposition !

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’hommage du vice à la vertu, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À ceux qui seraient tentés de fuir le débat, je rappelle que ce projet de budget fixe clairement un cap, celui du désendettement, qu’il s’engage sur des priorités précises et assume franchement les valeurs de notre famille politique : la modernisation de l’État, le soutien au pouvoir d’achat de ceux qui travaillent et la préparation de l’avenir…

M. Jean-Marc Roubaud. La rupture !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …aussi bien dans la continuité que dans la rupture, monsieur le député ! (Sourires.)

Je voudrais, avant de conclure mon propos, vous adresser à tous mes remerciements, en particulier aux membres de la commission des finances, qui, tout au long de la préparation de ce projet de budget, ont apporté à Thierry Breton et à moi-même leur concours. C’est parce que nous avons bien travaillé ensemble en amont…

M. Jean-Pierre Brard. Que vous vous retrouverez en aval !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …que nous pourrons avoir dans cette assemblée un débat de qualité, un bon vieux débat droite-gauche…

M. Jean-Pierre Brard. C’est certain !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ce sera facile, car, à gauche, vous n’avez pas évolué !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …qui nous permettra, à quelques mois de l’élection présidentielle, de prendre date. Ce débat, je l’attends avec impatience, mesdames et messieurs les députés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Tout d’abord, messieurs les ministres, félicitations pour ce projet de budget 2007 ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Bien que 2007 soit une année électorale, mes chers collègues, il poursuit le rétablissement indispensable des comptes publics…

M. Augustin Bonrepaux. Il comporte tout de même quelques cadeaux fiscaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …avec une nouvelle réduction du déficit de plus de 5 milliards d’euros.

À ceux qui prétendent que ce budget serait virtuel, qu’il serait destiné, quel que soit le résultat des élections, à être remis en cause, à ceux qui seraient tentés de renoncer au nécessaire rétablissement des comptes publics, à ceux qui seraient tentés, comme par le passé, de multiplier les dépenses à crédit…

M. Augustin Bonrepaux. Vous l’avez fait pendant quatre ans !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …ou de financer des baisses d’impôts en alourdissant la dette, à tous ceux-là, je dis que ce projet de budget pour 2007 est exemplaire.

M. Augustin Bonrepaux. Vos baisses d’impôts ne sont-elles pas financées par le crédit ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est exemplaire par la prudence, la sincérité et le réalisme des estimations de recettes, fiscales ou non fiscales. Il est exemplaire par l’évolution et le calibrage des dépenses, qu’il s’agisse de dépenses au sens strict ou de dépenses financées par prélèvement ou affectation de recettes – la progression est limitée à 0,8 %, soit moins de 1 % en volume, dans le premier cas,…

M. Charles de Courson. Mais…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …à peine à l’inflation dans le second.

M. Jean-Pierre Brard. Cela ne fait pas partie du budget !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je n’ai pas peur de le dire ici, si le sérieux et l’esprit de responsabilité qui caractérisent ce projet de budget étaient maintenus pendant cinq ans, les comptes de l’État retrouveraient l’équilibre et le déficit aurait disparu à la fin de la prochaine législature !

M. Jean-Marc Roubaud. C’est la solution !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Nous allons l’expliquer aux Français !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il était temps de réagir, mes chers collègues ! Les mauvaises habitudes ont été prises en 1981. C’est à cette date que nos comportements ont changé et que notre pays a commencé à vivre à crédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Louis Giscard d'Estaing. Comme par hasard !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Certes, il y a eu des politiques courageuses d’assainissement en 1986, en 1993 et de nouveau ces dernières années, mais aucune n’a jusqu’à présent bénéficié de la durée nécessaire pour corriger les résultats désastreux, en termes de déficit et d’endettement, des différentes législatures socialistes.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tout à fait !

M. Jean-Louis Idiart. Vous oubliez le bilan calamiteux d’un certain Édouard !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Aujourd’hui, alors que nous abordons la discussion du cinquième budget de notre législature, nous pouvons affirmer que le rétablissement de nos comptes est en marche. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les résultats sont tangibles, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez du nombre des RMIstes ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 2004, les 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires par rapport aux prévisions ont été intégralement affectés à la diminution du déficit.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il en fut de même en 2005 pour 3 milliards d’euros et en 2006 pour 5 milliards, peut-être même davantage ! Un résultat aussi spectaculaire n’avait jamais été atteint dans notre histoire budgétaire : le déficit qui atteignait 57 milliards il y a quatre ans sera d’à peine 41 milliards à la fin de cette année.

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi la dette augmente-t-elle alors ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. À cause de vous !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce résultat, nous le devons à la ténacité du Gouvernement mais aussi au soutien constant de notre majorité qui a adhéré sans réserve à cette stratégie de rétablissement des comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quel contraste avec la dilapidation de la "cagnotte" de 1999 en dépenses non financées et baisses d’impôts à crédit !

M. Didier Migaud. Monsieur le rapporteur général, vous devenez M. le flatteur général ! Je n’ai, pour ma part, jamais autant flatté !

M. Hervé Mariton. Vous manquiez de matière pour le faire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’indique à l’ex-rapporteur général du budget que le courageux travail de pédagogie que nous avons entrepris auprès des Français commence à porter ses fruits. Sur ce point, deux étapes ont été décisives, et je voudrais, à cet égard, rendre hommage à Thierry Breton. Vous avez eu raison, monsieur le ministre, lors de votre prise de fonctions, de mettre l’accent sur la question de la dette. Une prise de conscience s’est opérée après le travail de la commission Pébereau, et, dès la fin de cette année, nous pourrons constater que le ratio de la dette publique par rapport au PIB aura baissé de trois points.

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne dites pas à quel point elle avait augmenté !

M. Didier Migaud. Ni après quels tripatouillages vous arrivez à ce résultat !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La seconde étape décisive date de janvier 2006, lorsque le Premier ministre Dominique de Villepin s’est engagé devant la conférence des finances publiques au rétablissement progressif des comptes consolidés – non seulement de l’État, mais aussi ceux de la sécurité sociale et des collectivités locales.

M. Jean-Louis Idiart. L’État a tellement transféré !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dès 2005, le déficit de notre pays était tombé en dessous de 3 % du PIB. En 2006, il se situera probablement autour de 2,7 %. Il en résulte que la procédure engagée à l’encontre de la France pour déficit excessif sera très probablement abandonnée dans les prochaines semaines.

M. Didier Migaud. Aucune procédure n’a jamais été engagée alors que nous étions au pouvoir !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce projet de budget pour 2007, le dernier de la législature,...

M. Didier Migaud. Le dernier tout court ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …est emblématique de notre souci de sincérité et de transparence, à l’inverse de celui de 2002 qui s’était caractérisé par une sous-estimation systématique des dépenses et une surestimation irresponsable des recettes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Plus cela va mal et plus vous êtes satisfait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans ce projet de budget, les dépenses sont maîtrisées, progressant d’un point de moins que l’inflation, soit de 2,2 milliards d’euros seulement sur un budget de 270 milliards.

M. Jean-Pierre Brard. Est-ce que cela remplit les assiettes des Français ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Même si, dans un souci de consolidation, monsieur de Courson, on ajoute le prélèvement sur recettes au profit des collectivités locales,…

M. Charles de Courson. Pas toujours !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …l’affectation de recettes à différents opérateurs de l’État, comme l’Agence nationale de la recherche ou OSEO,…

M. Charles de Courson. Et les dégrèvements !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …ou encore l’importante contribution du budget de l’État aux comptes sociaux, la progression égale à peine l’inflation. Messieurs les ministres, vous n’avez pas à rougir…

M. Jean-Pierre Brard. Il n’y a aucun risque !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …car cette maîtrise globale de la dépense est une performance qui n’avait jamais été réalisée jusqu’à présent !

M. Didier Migaud. Un tel enthousiasme, les ministres n’en reviennent pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Qui se plaindra du renouvellement pour un an du contrat de croissance et de solidarité au bénéfice des collectivités locales ?

Qui se plaindra de l’effort difficile mais nécessaire – M. le ministre Copé le sait bien –, de l’effort exceptionnel de ce budget en direction des comptes sociaux, quand on sait que les dépenses d’assurance maladie liées au vieillissement de la population augmenteront plus vite que la richesse nationale ?

M. Michel Bouvard. Certes !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons intérêt à la présentation la plus exhaustive, la plus transparente possible de la dépense publique. Nous gagnerions à éviter les polémiques stériles qui marquent chaque discussion budgétaire,…

M. Didier Migaud. Alors corrigez votre intervention !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et à nous mettre d’accord sur un agrégat consolidé. Cet agrégat, monsieur de Courson, en comprenant 1,3 milliard d’euros pour les collectivités locales, 1,4 milliard d’euros pour les opérateurs…

M. Charles de Courson. Ce qui nous donne 2,7 milliards d’euros et non 2,2 comme vous l’affirmiez précédemment !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et 500 millions d’euros pour les comptes sociaux, conduit à une progression globale qui n’excède pas l’inflation, ce qui constitue un résultat dont je félicite à nouveau MM. les ministres. J’ajoute que les instruments utilisés pour prévoir l’évolution des différents crédits rendent cette prévision encore plus crédible en termes d’exécution.

En effet, grâce à la LOLF, qui a été mise en place progressivement, nous maîtrisons mieux, aujourd’hui, l’exécution de la dépense.

J’avoue, monsieur le ministre, qu’il y a un an j’étais quelque peu sceptique concernant les audits. Je me demandais de quelle manière la Cour des comptes, les différentes inspections, les considéreraient. Or je salue la rapidité avec laquelle ces audits ont été réalisés, leur qualité et, vous l’avez souligné, le fait qu’ils aient permis un débat public de plus en plus fructueux avec pour seul objet de dépenser mieux en dépensant moins.

On peut ajouter la baisse substantielle des reports. D’un montant de 14 milliards d’euros en 2002, ils faussaient complètement les comptes. Ils sont désormais réduits à seulement 5 milliards d’euros.

M. Michel Bouvard. Il est bon de le rappeler !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Prenons même les opérations extérieures, les fameuses OPEX dont on parle chaque année. Leur financement était nul jusqu’à présent…

M. Louis Giscard d'Estaing. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …même si, en 2004, on est parvenu à y affecter 24 malheureux millions d’euros. Depuis, la progression a été constante et nous sommes passés en 2006 à 175 millions d’euros.

M. Michel Bouvard. On aurait pu faire plus !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, monsieur Bouvard, on aurait pu faire plus. Eh bien, pour 2007, le budget prévoit que les OPEX seront financées à hauteur de 375 millions d’euros.

M. Charles de Courson. Pour 700 millions de dépenses.

M. Gilles Carrez, rapporteur. Quel contraste, ici aussi, avec la sous-estimation systématique des dépenses dans le budget de 2002. Je tiens la liste à la disposition de Didier Migaud.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Il la connaît !

M. Michel Bouvard. Il est muet !

M. Jean-Louis Idiart. Ils souhaitent la fin des polémiques stériles et voilà qu’ils continuent !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous pourrons en discuter quand il le voudra ; d’ailleurs, il connaît cette question mieux que moi.

Quant aux prévisions de recettes, elles s’appuient sur une base 2006 très solide puisque nous allons faire mieux, en termes de réalisation, que ce que nous avions prévu pour cette année. En effet, elles reposent sur des hypothèses de progression très raisonnables avec un coefficient d’élasticité de 1,2 par rapport à la croissance, c’est-à-dire une progression probable de 13 milliards d’euros. Je suis d’ailleurs certain que nous serons « dans les clous ».

Pourtant, comme M. le ministre l’a souligné dans son intervention, que n’avons-nous entendu, chaque année, depuis 2004, à propos des prévisions ?

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi 2004 ? Vous êtes arrivés au pouvoir en 2002 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Charles de Courson évaluait l’an dernier la sous-estimation à 2 milliards d’euros. En fait, nous aurons 5 milliards d’euros de plus.

M. Charles de Courson. Grâce aux acomptes !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quant à Didier Migaud – ses propos figurent dans le compte rendu des débats –, il considérait comme complètement utopiques nos prévisions situant le déficit à 2,9 % et la croissance à 2,25 %. Or, non seulement nous en sommes à 2,25 % de croissance, mais le déficit n’atteint pas 2,9 %, mais 2,7 %. J’espère donc que vous allez nous épargner cette année ce genre d’exercices convenus, parce que ce budget 2007 est solide. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Par ailleurs, Pierre Méhaignerie, les membres de la commission des finances et moi-même avons été très sensibles à vos propos, monsieur le ministre. Il est vrai que nous avons préparé ensemble ce projet de budget depuis plusieurs mois, et même depuis un an.

Nous avons alors affirmé que, après la réforme de l’impôt sur le revenu et celle de la taxe professionnelle intervenue en 2006, lesquelles ont permis des baisses d’impôts de l’ordre de 6 milliards d’euros, il faudrait avoir la sagesse de s’en tenir là. Du reste, ce budget 2007 est exemplaire. Les 500 millions d’euros supplémentaires pour la prime pour l’emploi sont totalement gagés par quelques recettes fiscales tout à fait légitimes, concernant notamment le traitement ou les frais d’acquisition des plus-values sur les titres de participation.

Je pense que nous avons joué un rôle très positif dans la construction de ce budget en vous soutenant dans votre approche sérieuse, prudente en ce qui concerne les recettes, à l’image de nombreux États qui ont dû redresser leurs finances publiques et qui y sont parvenus. Je prends le pari qu’en 2007, en exécution, les recettes seront supérieures à nos prévisions, comme en 2004, en 2005 et en 2006…

M. Jean-Louis Idiart. Quand nous reviendrons au pouvoir, il y aura beaucoup plus de croissance.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …d’autant que, notamment grâce à la LOLF, nous avons mis en place des instruments de régulation que vous n’avez pas évoqués, et qui seront en vigueur à partir de la deuxième année.

La mise en réserve de crédits à hauteur de 0,15 % pour les crédits de personnel et de 5 % pour les autres crédits, étant votée par le Parlement, nous ne sommes plus dans un système de régulation complètement opaque décidée par le seul Gouvernement. Nous participons en effet désormais à la mise en place de cette régulation, ce qui donne une visibilité aux gestionnaires, aux directeurs des différents programmes pour gérer leurs crédits pendant l’année. Je suis donc certain que, pour les dépenses comme pour les recettes, l’exécution sera conforme à la prévision.

À l’occasion de ce dernier budget de la législature,…

M. Jean-Louis Idiart. Et de votre majorité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …je souhaite revenir sur les quatre années écoulées.

En 2002, chers collègues, nous avons commis une erreur d’appréciation sur la gravité de la situation réelle que nous léguait la précédente majorité : …

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …erreur sur l’appréciation du retournement du cycle économique qui avait en fait commencé dès juillet 2001 ; erreur sur la dissipation des marges de manœuvres : aucun d’entre-nous n’avait pris conscience de ce que les 35 heures représentaient 15 milliards d’euros en plus pour le budget de l’État de façon structurelle, définitive.

M. Michel Bouvard. Eh oui ! Un tiers du déficit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Personne n’avait pris conscience non plus de cette frénésie de baisses d’impôts du précédent Gouvernement (Rires sur les bancs du groupe socialiste) à partir du printemps 2000 : 30 milliards d’euros en deux ans qui n’étaient financés qu’à crédit, par l’emprunt !

M. Augustin Bonrepaux. Et les vôtres de baisses d’impôts, comment les avez-vous financées ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bien sûr il y avait eu le rapport Bonnet-Nasse, mais il avait analysé la situation de façon statique, sans prendre en compte le retournement de conjoncture puisque, à l’époque, l’INSEE prévoyait « un trou d’air passager », selon l’expression qui a fait fortune.

Aussi, en votant le collectif de juillet 2002, avons-nous en fait aggravé la situation budgétaire parce qu’il a fallu compléter à hauteur de 2,5 milliards d’euros des crédits insuffisants, et inscrire 2,5 milliards d’euros pour nos priorités – justice, police, défense – et nous avons baissé immédiatement de 2,5 milliards d’euros – soit 5 % – l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson. Grave erreur !

M. Augustin Bonrepaux. Eh oui ! Monumentale erreur !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. La faute à qui ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces décisions ont conduit à une aggravation de la situation budgétaire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, pour ma part, je me méfie dorénavant des collectifs de milieu d’année et Didier Migaud devrait s’en méfier lui aussi quand on se souvient du collectif du milieu de l’année 2000.

M. Michel Bouvard. Oh là là !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rendons hommage au Gouvernement Raffarin qui a su réagir très vite. Vous vous souvenez que c’est dès 2003 qu’a été mise en place la règle de la stabilisation des hausses de dépense au niveau de l’inflation, la règle dite du « zéro volume ».

M. Jean-Louis Idiart. On s’en souviendra pour le collectif de juillet 2007 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Grâce à cela, les comptes se sont rétablis de façon continue depuis 2004 ; je l’ai déjà souligné.

Quels enseignements tirer de ces expériences ?

D’abord, l’assainissement de nos comptes publics n’est absolument pas hors de portée, ne constitue pas une mission impossible. En une législature, en stabilisant la dépense et en baissant raisonnablement les impôts, nous pouvons supprimer le déficit de l’État. Reste que, pour atteindre cet objectif, il nous faut mettre en place un certain nombre de règles de comportement, de règles d’or : stabiliser la dépense, je le répète, dépenser mieux grâce aux audits, comme Jean-François Copé l’a expliqué.

Je pense, pour ce qui est des recettes, que nous devons rester prudents en matière de prévisions. Cette méthode prudente peut paraître celle d’un bon père de famille, sembler une recette de cuisine, mais sachez que le Canada et les pays scandinaves ont commencé par là. Ils ont décidé, face à la crise de leurs finances publiques au début des années quatre-vingt-dix, de ne plus tabler sur le haut de la fourchette de la croissance, mais, systématiquement, de tabler sur le bas de la fourchette et d’affecter tout éventuel surplus à la baisse du déficit.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons adopté cette mesure, pour notre part, et réformé la loi organique, si bien que, depuis 2004, tous les surplus de la croissance contribuent à la résorption du déficit.

Par ailleurs, messieurs les ministres, je m’interroge sur les dépenses fiscales si dispersées dans les textes qu’il faudrait peut-être, dans un souci de cohérence, les regrouper dans les différentes lois de finances.

Une autre règle d’or consiste à n’emprunter que pour investir ; vous l’avez évoquée. Elle commence à être mise en œuvre dans tous les pays. Cette règle très fructueuse ne doit évidemment pas s’appliquer à un instant T, sur une seule année, mais sur l’ensemble du cycle économique.

En outre, il convient d’atteindre le plus vite possible l’équilibre primaire, obtenu en faisant table rase du passé – à savoir la dette et les frais financiers. En 2006, ces frais s’élèvent à 38,5 milliards d’euros et le déficit pourrait être à peine supérieur à 40 milliards d’euros. Nous sommes donc presque à l’équilibre primaire et je pense qu’en exécution pour 2007, nous pourrions nous donner comme objectif de l’atteindre.

Mme Christiane Taubira. Tout va très bien, madame la marquise !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dernier point : il faut absolument que, en début de législature, nous nous dotions d’une loi de programmation pluriannuelle sur l’équilibre des finances de l’État. Il existe bien des lois de programmation pluriannuelles pour certaines dépenses. Ne trouvez-vous pas qu’il serait aussi important vis-à-vis de nos enfants de nous engager à supprimer les déficits et à réduire la dette au bout de cinq ans, qu’à programmer l’augmentation des dépenses militaires ?

M. Pierre Hériaud. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’évoquerai rapidement le contenu du présent projet en l’inscrivant dans la continuité des précédents budgets depuis 2002, afin de souligner la très grande cohérence de notre action en matière fiscale, et en ce qui concerne les dépenses.

S’agissant de la fiscalité des ménages, le budget pour 2007 se caractérise d’abord par la réforme de l’impôt sur le revenu qui rend notre pays plus attractif, et par une volonté de justice sociale amplifiée par l’abondement de 500 millions d’euros de la PPE, démarche constante et spectaculaire qui a permis d’en doubler le montant depuis 2002. Nous n’en restons pas moins conscients de la nécessité de la réformer pour mieux la lier à la rémunération du travail, afin d’améliorer le pouvoir d’achat.

M. Jean-Claude Sandrier. Le pouvoir d’achat a baissé !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rappelons aussi d’autres mesures prises en faveur des ménages : prêt à taux zéro dont l’extension est extraordinaire, réforme et simplification des plus-values immobilières, TVA à taux réduit sur les travaux, conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale grâce à un crédit d’impôt aujourd’hui très important pour la garde d’enfants. Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit également une réduction d’impôts accrue pour les personnes dépendantes en établissement de long séjour. Enfin, nous allons énormément œuvrer au resserrement des liens entre les générations en poursuivant la baisse des droits de succession et en continuant à encourager les donations.

M. Hervé Novelli. C’est très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S’agissant des entreprises, il est vrai que le texte ne prévoit pas de mesures spectaculaires, à l’exception de la prolongation de l’allégement de charges et la suppression de la cotisation de 2,1 % qui subsistait pour les entreprises de moins de vingt salariés.

M. Hervé Novelli. Ce n’est pas ce que nous avons fait de mieux ; il n’y a pas à s’en féliciter !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Que d’efforts, néanmoins, ont été accomplis depuis 2002 !

M. Hervé Novelli. Grâce à vous !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le taux de l’impôt sur les sociétés est en effet revenu à 33,33 % et les surtaxes qui le majoraient ont été supprimées. La taxe professionnelle – voilà une réforme de grande ampleur ! – a été assortie de divers dégrèvements pour investissements nouveaux étalés sur trois ans, et plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée dès 2007.

En ce qui concerne les transmissions, nous avons également accompli du chemin avec la suppression des plus-values professionnelles.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. N’est-ce pas monsieur Novelli, vous qui présidez la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’initiative économique ? Il convient également de citer la suppression de l’impôt sur les plus-values sur les titres de participation. En outre, et je ne crains pas de l’affirmer du haut de cette tribune, la réforme de l’ISF…

M. Jean-Pierre Gorges. Insuffisante !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …a permis de limiter les délocalisations d’entreprises…

M. Augustin Bonrepaux. Où est le résultat ? Les entreprises délocalisées sont-elles revenues ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et de favoriser la transmission de nos petites et moyennes entreprises grâce au pacte d’actionnaires.

Je suis bien conscient qu’il y a encore du travail à accomplir sur l’ISF, notamment pour ce qui touche à la résidence principale,…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est sûr !

M. Hervé Novelli. On le fera !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …mais notre priorité, au cours de cette législature, aura été l’emploi et le développement de nos entreprises. À ce propos, le projet de loi complète l’important travail mené depuis 2002 par une mesure que nous attendions depuis longtemps en faveur des « gazelles ». Cette disposition, économiquement pleine de sens, sera sans nul doute efficace.

La progression des ressources non fiscales en 2007 s’appuie elle aussi sur des éléments solides : il y a tout d’abord le fort dynamisme des dividendes en provenance du secteur public, mais aussi le versement exceptionnel effectué par la Caisse des dépôts et consignations au titre de la plus-value réalisée lors de la sortie du capital de la Caisse nationale des caisses d’épargne. À cette occasion, je rends hommage à l’excellent travail accompli par MM. Philippe Auberger et Pierre Hériaud (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) ainsi que par la commission de surveillance de la caisse. Dans cette négociation très difficile, étalée sur plusieurs mois, vous avez tenu le cap, mes chers collègues ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Idiart. On se croirait à une distribution des prix !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En matière de dépenses, nous avons poursuivi notre effort en faveur de la cohésion sociale et de l’emploi. Je ne rappellerai pas toutes les mesures en faveur de l’emploi des jeunes et l’apprentissage, ni la prise en charge des allégements généraux de cotisations sociales. Notons que pas moins de 100 000 logements sociaux nouveaux seront financés en 2007.

Les lois de programmation relatives aux missions régaliennes de l’État sont respectées. La programmation en matière militaire est totalement réalisée : 15,7 milliards d’euros en 2007, 75 milliards sur cinq ans. Les engagements ont été tenus.

M. Hervé Novelli. Eh oui !

M. Jean-Louis Dumont. Mais les hélicoptères ne volent pas et les chars ne roulent pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Même chose pour la sécurité intérieure et les engagements pris pour la police et la gendarmerie, ou encore pour la justice : 3,8 milliards d’euros entre 2002 et 2007.

Comme vous l’avez souligné, messieurs les ministres,…

M. Jean-Louis Idiart. Ils ne vous écoutent plus ! Ils ne peuvent plus supporter ces flatteries !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …cette démarche se fonde sur la recherche de la meilleure efficacité de la dépense publique, ce que permettent la mise en œuvre de la loi organique et les audits. De l’avis général, la réforme de la redevance audiovisuelle, qui a trouvé ici son origine – et j’en rends hommage à Michel Bouvard –, a été une vraie réussite en termes de redéploiement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard. Une fois de plus, les socialistes en ont rêvé, nous l’avons fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il en est de même pour les baisses d’effectifs. Ce projet de budget prévoit 4 000 créations de postes, contre 19 000 suppressions.

M. Hervé Novelli et M. Jean-Pierre Gorges. Ce n’est pas assez !

M. Jean-Louis Idiart. Allez dire cela aux électeurs de votre circonscription, monsieur Novelli !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons cessé de raisonner en termes de norme globale : ces mouvements sont entièrement justifiés et fondés sur des analyses objectives. J’en veux pour preuve que l’éducation nationale, suivant en cela les recommandations de Jean-Yves Chamard, réduit le nombre des enseignants dans le secondaire, où les effectifs diminuent, mais l’augmente dans le primaire et, plus encore, dans le supérieur. C’est cela, la bonne gestion de la dépense publique ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Des marges de manœuvre existent donc, mes chers collègues, à condition de dépenser mieux. Avec de la ténacité, du travail et des réformes, nous pouvons durablement tenir dans la norme générale de stabilité de la dépense tout en faisant progresser la qualité et l’efficacité du service public. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est la méthode Coué !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a toutefois une condition à respecter : les fonctionnaires doivent être associés le mieux possible à cette démarche. Il faut qu’ils y participent.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est en effet essentiel !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La réussite des audits résulte de la participation des fonctionnaires, et je vous rappelle que c’est la loi organique qui permet cette responsibilisation et cette participation des acteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je veux enfin évoquer deux sujets de préoccupation en commençant par les relations entre l’État et les collectivités locales.

M. Hervé Novelli. Il y a en effet un problème !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Du fait de la prolongation pour un an du contrat de croissance et de solidarité, de l’augmentation du FCTVA et de certains concours, ainsi que des dégrèvements d’impôts locaux, la part du budget de l’État consacrée aux collectivités locales s’élève à environ 70 milliards d’euros, soit une progression de 4,5 %. Qu’on ne vienne pas dire que l’État ne fait pas un effort exceptionnel en direction des collectivités locales !

M. Augustin Bonrepaux. Il ne fait que son devoir !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faudra toutefois poser la question de la maîtrise de l’évolution de la dépense en matière de finances locales.

M. Hervé Novelli et Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le deuxième sujet de préoccupation a trait aux relations entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. Très pudiquement, M. Copé n’a pas insisté sur ce point : je le ferai donc à sa place.

M. Jean-Louis Idiart. C’est un garçon très pudique, en effet ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans le budget pour 2007, l’État consent de nouveau un effort considérable en direction des comptes sociaux : transfert de droits sur le tabac pour un montant de 500 millions d’euros, abandon de l’excédent de 300 millions au titre de la compensation des baisses de charges en 2006, sans compter les effets positifs pour la sécurité sociale de la réforme de l’impôt sur le revenu, qui génère 500 millions de recettes supplémentaires.

Il n’y a pas lieu de regretter cet effort, messieurs les ministres, mais nous devons être vigilants sur le respect de règles de comportement : le budget de l’État ne peut pas tout !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Assurément !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’obligation de maîtrise de la dépense d’État doit valoir aussi, même si c’est à un autre niveau, pour la dépense sociale.

Enfin, je tiens à rappeler que la commission des finances s’est montrée très raisonnable dans ses amendements, conformément à ce qu’a souhaité, avec beaucoup de cohérence et de ténacité, son président, Pierre Méhaignerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous n’avons retenu que des amendements peu coûteux pour le budget de l’État et respectant la prévision de déficit.

J’appelle votre attention, messieurs les ministres, sur notre amendement de suppression de l’article 31, qui est relatif au transfert de la fameuse dette de 1,2 milliard de l’UNEDIC, que nous traînons dans nos comptes depuis plusieurs années, au fonds de solidarité. Ce n’est pas parce que nous sommes en désaccord sur le principe, mais parce que nous souhaitons avoir connaissance du montant exact de la créance transférée.

M. Charles de Courson. Et être certains qu’elle est bien annulée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous espérons que cette information nous sera communiquée rapidement.

Un autre amendement important, adopté ce matin et présenté par Louis Giscard d’Estaing, tend à aménager l’impôt forfaitaire annuel. Nous espérons qu’il recueillera votre assentiment, car il va dans le sens de ce que souhaitent les petites et moyennes entreprises après la réforme de l’IFA que nous avons réalisée l’an dernier.

Ce budget pour 2007 est donc beaucoup plus que le dernier budget de la législature. Il devra servir d’exemple pour la politique budgétaire et fiscale de la prochaine législature.

M. Didier Migaud. Surtout pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il assure la maîtrise de la dépense, une politique fiscale en cohérence avec la consolidation budgétaire et un rétablissement progressif de nos comptes.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances vous propose d’adopter la première partie du projet de loi de finances pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Mon rappel est fondé sur l’article 58 de notre règlement.

Puisque nous devons discuter du budget de la nation, mieux vaudrait partir de la réalité. À cet égard j’ai été très étonné des propos que j’ai entendus. Malgré toute l’estime que je porte à Gilles Carrez, je pense qu’il devrait consulter le médecin de l’Assemblée, auquel je viens de rendre visite : notre rapporteur général me semble en effet en pleine schizophrénie.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le médecin ne vous a pas gardé, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Non, monsieur le ministre, car je ne veux pas, moi, aggraver le déficit de la sécurité sociale ! (Sourires.) Votre maladie à vous est inguérissable : c’est l’immodestie et l’égocentrisme !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Brard. Lors de la préparation du budget, M. Carrez a démontré que les chiffres du Gouvernement étaient faux. Que ne l’a-t-il répété clairement à la tribune de l’Assemblée !

Le prochain orateur est Pierre Méhaignerie, qui a toujours, je le sais, une pensée pour les habitants de sa ville de Vitré, notamment les plus modestes. Il ne leur offre certes pas les réponses qu’il faudrait, mais il ne les oublie pas.

Les trois premiers intervenants ont-ils, pour leur part, éclairé notre débat ? En les écoutant, je pensais à mes concitoyens montreuillois pour lesquels la fin du mois commence le 10, quand ce n’est pas avant. Or on nous sert de l’« agrégat consolidé », des « instruments pour les termes d’exécution », de l’« équilibre primaire » ! Avez-vous seulement entendu parler des RMIstes, des chômeurs, des gens qui n’arrivent pas à s’en sortir, ceux que vous avez appauvris alors qu’ils n’avaient déjà pas grand-chose ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Dumont. Sans parler des retraités, dont le pouvoir d’achat baisse inexorablement !

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez des ménages, mais sans préciser de quels ménages il s’agit : ceux qui ignorent ce qu’est une fin de mois, ceux dont vous avez encore allégé l’impôt alors qu’ils ne savaient déjà pas quoi faire de leurs sous, ceux dont vous êtes les fondés de pouvoir, pour certains d’entre vous ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Laffineur. Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. J’en termine, monsieur le président. Vous aurez bien compris que ce rappel au règlement est en rapport direct avec le déroulement de nos travaux.

Vous vous vantez de « scores », messieurs les ministres, mais vous vous gardez bien de nous dire comment vous les avez atteints. Vous avez organisé une grande braderie nationale : Air France, Aéroports de Paris, France Télécom, la SNECMA, les autoroutes.

M. le président. Terminez, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez tout bazardé à vil prix pour beurrer la tartine des privilégiés. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Coupez son micro, monsieur le président !

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Dans les trois premières interventions, pas un mot, pas une pensée – c’est normal pour M. Breton, qui ne franchit jamais le périphérique, mais ça l’est moins pour M. Copé, qui est à Meaux, et pour M. Carrez, qui n’est pas si loin de Montreuil – pour ceux qui souffrent de votre politique et que vous avez rendus encore plus pauvres ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Gorges. Qu’on le ramène chez le médecin !

M. le président. Je vous rappelle que vous aurez vingt minutes pour vous exprimer demain, monsieur Brard. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Laffineur. Cette intervention devrait être comptabilisée dans son temps de parole !

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Je tiens d’abord à remercier mes collègues de la commission des finances, majorité et opposition confondues, pour la qualité des débats que nous avons eus, mais aussi pour leur apport à l’intérêt public tout au long de ces dernières années. Je salue tout particulièrement le rapporteur général pour le sérieux de son travail et son sens du travail en équipe. Merci, Gilles Carrez, pour toutes ces années passées ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il n’est pas dans mes habitudes d’être très laudatif, messieurs les ministres.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Certes ! (Sourires.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je voudrais cependant convaincre mon collègue et ami Charles de Courson que ce projet de budget marque une étape importante sur un chemin de crête difficile. Il permet en effet de maîtriser la dépense publique et de réduire les déficits tout en améliorant le pouvoir d’achat des familles et la compétitivité des entreprises. Cet équilibre difficile a été, cette année, réalisé dans de bonnes conditions.

Soulignons également que la préparation de ce texte s’est faite en bonne entente avec MM. les ministres.

M. Hervé Novelli. C’est exact !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Malgré ce satisfecit, la béatitude n’est pas encore d’actualité.

M. Jean-Pierre Brard. Votre chemin de crête est un chemin de croix ! Qui sont les larrons, à votre avis ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si la critique est malvenue, il n’en faut pas moins regarder les efforts qu’il nous reste dans les prochaines années et fixer quelques repères.

M. Hervé Novelli. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Le premier de ces repères, même si tout le monde n’en est pas convaincu, est la maîtrise de la dépense publique et la réduction des déficits. Le passage à 2,9 %, 2,7 %, puis 2,5 % du PIB constitue une réussite qu’il faut saluer. Cet effort répond à une exigence de solidarité envers nos enfants et nos petits-enfants. Il est la condition de la restauration de la confiance dans l’avenir. Enfin, nous y sommes tenus vis-à-vis de nos partenaires européens qui, eux aussi, font des efforts.

L’autre point positif de ce budget, qui constituera un repère pour l’avenir, est la réduction du stock des dettes de l’État par la rationalisation de son patrimoine, avec la cession d’actifs non stratégiques de près de 20 milliards d’euros, et l’affectation des surplus de recettes fiscales au désendettement.

J’ai dit que je ne serai pas totalement laudatif,…

M. Jean-Pierre Brard. Pour l’instant, cela ne se voit pas !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. …en particulier s’agissant de deux mesures budgétaires qui ne semblaient pas prioritaires : la suppression des 2,1 points de cotisations sociales patronales qui subsistaient au niveau du SMIC pour les seules entreprises de moins de vingt salariés, – …

M. Hervé Novelli. Exactement !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. …et cela au moment où la Cour des comptes nous conseillait une pause et une réflexion…

M. Charles de Courson. Une évaluation !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. …sur le devenir de l’allégement des charges sociales,…

M. Michel Bouvard et M. Charles de Courson. Très bien !

M. Hervé Novelli. Elle a raison !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. … – et le chèque transport, dont j’estime personnellement qu’il risque de créer des frustrations et des inégalités. Ces deux observations ne l’emportent toutefois pas sur l’ensemble des satisfactions qu’offre ce projet de budget.

M. Jean-Pierre Brard. Avec trois Pater et deux Ave, vous vous en sortirez !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. À cette maîtrise de la dépense publique, s'ajoute, en 2007, la réforme largement positive de notre système fiscal : intégration dans le barème de l'abattement de 20 %, réduction des tranches, mise en œuvre du bouclier fiscal et plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée. Cette dernière mesure apportera aux entreprises françaises une extraordinaire visibilité.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. En tant que président d’une communauté d’agglomération où 65 % des bases sont plafonnées, je pourrais critiquer cette mesure. Cependant je dois reconnaître que, pour les équipementiers automobiles de mon département, qui doivent baisser leurs prix de 5 % par an tandis que leur volume de production se réduit, ce plafonnement de la taxe professionnelle est vraiment un progrès. Ceux qui seraient tentés de le remettre en cause prendraient un grave risque pour la compétitivité de nos entreprises.

J’ajoute, monsieur de Courson, que cette maîtrise des déficits et de l'endettement s’accompagne d'une double amélioration du pouvoir d'achat, grâce, d’une part, à la baisse de l'impôt sur le revenu – qui aurait certes pu être assortie d’un plafonnement des niches fiscales –,…

M. Augustin Bonrepaux. Mais elle ne l’a pas été !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À qui la faute ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Chacun, y compris le parti socialiste, a sa part de responsabilité dans la décision du Conseil constitutionnel !

M. Marc Le Fur. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. Il n’y avait plus rien dans la niche !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. L’autre source d’amélioration du pouvoir d’achat est la revalorisation de la prime pour l'emploi. Il s’agit de deux mesures vitales pour l’avenir.

S’agissant des 23 milliards d’allégements de charges sociales, je pense qu’ils pourraient être ramenés à 20 milliards dans la mesure où une quarantaine de petites exonérations n’ont pas prouvé leur efficacité. Il reste que les allégements de charges sociales sont un élément clé de la compétitivité des entreprises françaises et nous souhaitons qu’ils soient maintenus.

M. Hervé Novelli. Cela reste à démontrer !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Quant à la prime pour l’emploi, quoi qu’on ait pu en dire, elle témoigne de l’effort équilibré du Gouvernement en faveur des redevables de l’impôt sur le revenu et de ceux qui ne le paient pas. La mondialisation joue aujourd’hui contre les salaires peu qualifiés. Entre la nécessaire amélioration du pouvoir d’achat par des coups de pouce au SMIC susceptibles de remettre en cause l’emploi ou de conduire à une « smicardisation », et l’exigence de compétitivité des entreprises, la prime pour l’emploi est un élément d’équilibre. La seule modification qui nous paraisse à tous souhaitable, Gilles Carrez l’a indiqué, est qu’elle soit désormais intégrée dans la fiche de paie afin d’être perçue par le salarié comme le fruit de son travail et non pas comme une énième prestation de l’État.

Enfin, si j’ai dit que ce budget était solide, sérieux et juste, j’ai aussi indiqué que la béatitude n’était pas encore d’actualité.

M. Jean-Pierre Brard. Encore moins la sanctification !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il reste en effet beaucoup à faire et d'abord en termes de pédagogie.

Nous devons rappeler sans cesse que les politiques publiques souffrent non pas d'une insuffisance de moyens mais d'une confusion de leurs objectifs et d'une extrême complexité des procédures. Il existe encore des marges de productivité fantastiques là où plusieurs administrations s’occupent de la même chose, qu’il s’agisse du domaine de l’eau ou des politiques sociales. Ainsi, les procès d’Outreau et d’Angers ont montré que certaines familles étaient suivies par six structures différentes qui n’échangeaient pas d’informations ! Un bench marking et une réorganisation de l’État permettraient donc de dégager des moyens en faveur de l’amélioration du pouvoir d’achat.

Il faut ensuite rappeler que la France reste vice-championne de l'imposition sur le travail et sur le capital. À cet égard, les conférences de presse des ministres sont révélatrices : en additionnant chacune des progressions de leurs budgets, on chercherait où est l’évolution maîtrisée du budget de 0,8 % !

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Chacun s’est félicité d’un budget excellent, en augmentation de 3 %, 4 % ou 5 %. Si la France reste droguée à la dépense publique, certains membres du Gouvernement le sont aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles de Courson. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La situation s’améliore un peu !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La culture de la performance exige encore de nombreux efforts. Or on continue à multiplier les agences, les commissions et autres structures.

M. Jean-Pierre Gorges. Les hautes autorités !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Les monopoles, publics ou privés, vendent leurs services à des coûts élevés. À ce sujet, monsieur Breton, la commission des finances a été unanime à dénoncer le comportement d’EDF (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste) qui, sur le marché dérégulé, a proposé des augmentations de prix de 70 % supérieures à celles de l’Allemagne, pays qui ne bénéficie pourtant pas de la rente nucléaire !

M. Franck Gilard. C’est inexcusable !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Force est de constater que certains monopoles bénéficient d’une protection. Je souhaite donc que, sur les marchés dérégulés, l’augmentation ne soit pas supérieure à 25 % du prix du marché régulé. Les entreprises et l’industrie françaises en ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Jean-Louis Dumont. Cette entreprise doit se donner les moyens de faire face à de lourdes charges !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. En outre, les finances de l'État s'inscrivent dans un ensemble plus vaste qui comprend les finances sociales et les finances locales.

En matière de finances sociales, il y a beaucoup d’efforts à faire. J’ai lu avec intérêt le livre du Canadien Timothy Smith : selon lui, notre État-providence est corporatiste, certains en bénéficiant sans pour autant être prioritaires, alors qu’il devrait être solidaire.

Quant à l’évolution des finances locales, il est deux vérités qui ne se rejoignent pas : celle d’un État qui ne consent pas suffisamment d’efforts de maîtrise et transfère parfois des responsabilités sans les accompagner des moyens correspondants.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait ! C’est de la « poutinisation » à la Raffarin !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cela était vrai en 1982 ; ça l’est toujours aujourd’hui, monsieur Dumont. La seule différence, c’est que beaucoup d’élus évitent de parler de l’autre vérité : celle qui voit l’État prendre de plus en plus en charge une partie des impôts locaux à travers les dégrèvements et les exonérations.

M. Jean-Louis Idiart. Ce ne sont pas les élus locaux qui en décident, mais l’État lui-même !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Non ! Ce sont les partis socialiste et communiste qui les ont accumulés au cours des dernières années ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Louis Idiart. Pourquoi ne pas les avoir supprimés ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C’est très difficile, vous le savez très bien !

M. Jean-Pierre Gorges. M. Migaud le sait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous n’acceptons pas, quant à nous, le procès qui ne manquera pas d’être fait à l’État concernant les impôts locaux. Certaines collectivités locales ont pris l’habitude de vivre sur un rythme assez élevé de dépense publique. Ce n’est pas à l’État de supporter le coût de l’augmentation des impôts locaux.

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi ont-ils baissé entre 1997 et 2002 et pourquoi augmentent-ils maintenant ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Pour terminer, je vais revenir sur les propos tenus par M. Brard tout à l’heure et par un député socialiste au cours des questions au Gouvernement : « Toujours plus pour ceux qui ont plus ; toujours moins pour ceux qui ont moins » a dit ce dernier.

M. Didier Migaud. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous le démontrerai !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C’est une véritable caricature ! L’honneur de la politique c’est de partir des faits, même si nous sommes dans un pays où l’on préfère le débat d’idées.

M. Jean-Pierre Brard. Moi, je suis marxiste : je pratique les deux !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je rappelle que les deux tiers de l’impôt sur le revenu sont payés par 10 % des Français. Un tableau publié par le conseil d’analyse économique montre qu’en France, un célibataire qui voudrait 68 000 euros de revenus nets de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu coûterait à son employeur 220 000 euros contre 130 000 en Allemagne et en Suisse.

M. Charles de Courson. Il faut le marier ! (Rires.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Dans ces conditions, ne soyez pas surpris de voir des sièges sociaux se déplacer !

M. Jean-Pierre Brard. Des exemples !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je n’ai pas toujours défendu la baisse de l’impôt sur le revenu en début de législature, mais les corrections apportées – prime pour l’emploi, amélioration du SMIC, politiques en faveur de la petite enfance et du logement social, revalorisation des prestations sociales et des petites retraites agricoles – interdisent une telle caricature. Ce qui a été fait pour les faibles revenus est loin d’être négligeable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est loin d’être à la hauteur de ce que vous avez fait pour les plus riches !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Les résultats chiffrés, que nous aurons dans quelques jours, n’auront pas à souffrir de la comparaison entre ce qui a été accompli sous l’actuel quinquennat et ce qui a été fait sous les deux septennats de M. Mitterrand. C’est la raison pour laquelle on peut dire de ce budget, sans crainte d’être contredit, qu’il a su allier la maîtrise des dépenses publiques et l’amélioration équilibrée du pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez été contaminé par la « Sarkozymania » !

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention rompra avec celles que nous venons d’entendre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le contraire eût été étonnant !

M. Didier Migaud. Je ne sais si cette rupture sera du goût de certains membres de l’UMP,…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous accueillons tout le monde !

M. Didier Migaud. …mais trop, c’est trop !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes jaloux !

M. Didier Migaud. Tant d’autosatisfaction ne laisse pas de me surprendre : vos chevilles étaient à la limite de l’explosion. Mon intervention devrait les aider à dégonfler.

M. Jean-Pierre Brard. Une demi-heure ne suffira pas pour administrer le traitement ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. J’ai connu M. le rapporteur général moins flatteur et plus pertinent. Je ne suis donc pas étonné, messieurs les ministres, que vous soyez comblés d’aise, avec toutes les fleurs que vous avez reçues !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il ne manque plus que les vôtres pour que nous le soyons totalement !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Venez-en au fond !

M. Didier Migaud. J’invite tout de même M. le rapporteur général à relire certaines fables de La Fontaine, Le corbeau et le renard, par exemple.

M. Jean-Pierre Brard. Et pourquoi pas La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ?

M. Didier Migaud. Celle-ci aussi conviendrait.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous conseille de méditer sur La cigale et la fourmi, par exemple.

M. Didier Migaud. Je suis également prêt à débattre avec vous de la fable La cigale et la fourmi.

M. Jean-Louis Dumont. La fourmi n’est pas toujours qui l’on croit !

M. Jean-Pierre Brard. Et celle du Héron ?

M. Didier Migaud. Nous n’avons pas du tout la même appréciation sur la réalité de votre politique. Nous regrettons ce décalage, ce fossé entre la réalité que vous décrivez et celle qui est malheureusement ressentie par le plus grand nombre de nos concitoyens.

Vous avez cité la LOLF à plusieurs reprises, je m’en réjouis. J’aurai l’occasion, d’ici quelques jours, de vous remettre un travail élaboré sur ce sujet avec Alain Lambert.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On l’attend impatiemment !

M. Didier Migaud. Je ne m’exprimerai donc pas sur ce point dans l’attente de vous rendre ce rapport.

Je veux cependant saluer le travail considérable accompli dans ce cadre par toutes nos administrations et par l’ensemble des ministères, particulièrement celui de l’économie et des finances.

Cette réforme est très importante, chacun en convient. Cela nous donne un outil très utile qui nous permet d’avoir aujourd’hui une présentation du budget plus transparente, plus lisible, donc d’exercer notre sens critique avec encore plus de pertinence, à partir du moment où la transparence est plus que jamais nécessaire dans notre façon de travailler.

Ce dernier projet loi de finances de la législature nous donne l’occasion de dresser un premier bilan et d’apprécier vos résultats dans l’esprit de la loi organique, à savoir : afficher des objectifs pour évaluer ensuite les résultats par rapport à ceux-ci.

Messieurs les ministres, nous constatons que la situation des comptes publics, contrairement à ce que vous affirmez, s’est malheureusement dégradée depuis juin 2002. Vous vous étiez engagés pour la législature sur trois grands indicateurs : la dette publique, la dépense publique et les impôts, cotisations et taxes. Je vais revenir quelques instants sur les résultats que vous avez obtenus.

Force est d’abord de constater que, sur chacun de ces sujets, les résultats sont moins bons aujourd’hui qu’ils ne pouvaient l’être en juin 2002, au moment de l’alternance.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il va falloir vous accrocher pour le démontrer !

M. Didier Migaud. Le niveau de la dette publique…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. 250 milliards d’euros d’intérêts !

M. Didier Migaud. …est aujourd’hui supérieur, sous votre responsabilité, qu’il ne l’était hier sous celle du gouvernement de Lionel Jospin.

Me prendrez-vous là en flagrant délit de mensonge ? Je ne le crois pas. Je ne vois d’ailleurs pas comment vous pourriez le faire. Je raisonne, monsieur le ministre, comme nous devrions tous le faire, c’est-à-dire par rapport à la richesse du pays, donc en poids de PIB. À cet égard le niveau de la dette publique est malheureusement beaucoup plus élevé qu’il ne l’était hier.

À ce propos j’ai entendu avec intérêt le commentaire de Gilles Carrez. Pourtant le solde primaire a été constamment négatif depuis que vous êtes aux responsabilités, alors qu’il était positif en 1999, 2000 et 2001. Selon vous il le sera presque en 2006. Cependant, j’aurais l’occasion d’y revenir, la baisse affichée de la dette publique est plus optique que réelle et elle est obtenue par des cessions d’actifs et un vrai tripatouillage au niveau de la trésorerie de l’État.

M. Jean-Pierre Gorges. Il ne faut pas employer des mots comme ceux-là !

M. Didier Migaud. Ce terme a été employé par un collègue dans vos propres rangs. Je l’ai repris. Je ne sais si vous considérez le mot comme fort, mais il l’a lui-même considéré comme parfaitement adapté à la situation.

Le niveau des impôts, taxes et cotisations est aujourd’hui plus élevé, sous votre responsabilité, qu’il ne l’était hier sous le gouvernement de Lionel Jospin.

Le poids de la dépense publique est, lui aussi, plus lourd sous votre responsabilité qu’il ne l’était hier sous celle du gouvernement de Lionel Jospin.

M. Philippe Rouault. Vous êtes en pleine contradiction. Vous nous reprochez le contraire !

M. Didier Migaud. Non ! Pas du tout !

Je vous ai d’ailleurs interrogé à ce sujet, la semaine dernière, dans le cadre des questions d’actualité. Votre silence a été assourdissant.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non !

M. Didier Migaud. J’ai trouvé votre réponse d’une timidité certaine, ou, tout au moins, relevant de la pratique de la langue de bois, que, pourtant, vous dénoncez par ailleurs dans un ouvrage, que je ne commenterai pas…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Dont vous assumez la promotion avec une constance qui me touche beaucoup ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. …et dont, d’une certaine manière, j’assume la promotion.

Cette dégradation se retrouve dans un certain nombre d’indicateurs sociaux comme le RMI dont le nombre d’allocataires est aujourd’hui beaucoup plus élevé sous votre responsabilité qu’il ne l’était hier sous celle du gouvernement de Lionel Jospin.

Le pouvoir d’achat, contrairement à ce que vous dites, a été plutôt stabilisé ; son augmentation est en tout cas beaucoup moins forte sous cette législature que sous la législature précédente. La majorité a en fait contraint les salariés à travailler plus pour ne pas gagner plus ; la réduction des majorations des heures supplémentaires et la possibilité accrue d’y avoir recours en sont des exemples, de même que la création de la cotisation Raffarin, réinvention de la corvée, comme nous avons pu le faire observer.

En réponse à une question au Gouvernement, le ministre du budget a ainsi déclaré – vous l’avez d’ailleurs répété tout à l’heure – que si, par malheur, il devait y avoir une alternance dans quelques mois, on changerait tout cela : la dépense augmenterait, les impôts augmenteraient, les déficits augmenteraient.

Il n’est pas besoin, monsieur le ministre, d’attendre une alternance pour constater que votre cauchemar s’est malheureusement réalisé sous votre propre responsabilité depuis 2002. C’est un peu comme si le docteur Copé, d’un côté, nous tenait un discours et si M. Jean-François, de l’autre, faisait le contraire dans l’exercice des responsabilités qui sont les siennes.

M. Jean-Pierre Brard. C’est plutôt sur le mode vétérinaire !

M. Didier Migaud. L'échec du Gouvernement est patent sur le plan de la dépense publique, sur celui des prélèvements obligatoires et sur celui de la dette publique.

La dépense publique, contrairement à ce que vous affirmez, n’est pas maîtrisée et la dette publique a malheureusement explosé.

Pour noircir le prétendu héritage de la gestion socialiste, M. Raffarin avait fait, au moment du collectif pour 2002, progresser la dépense budgétaire dans des proportions inégalées au début de la législature – 4,3 % en 2002 –, soit l'augmentation de deux années en une seule, puis il a calculé la norme de progression sur un montant « rebasé » pour masquer ensuite cette progression. Cela a fait exploser les dépenses, les déficits et déclenché l'effet boule de neige sur la dette publique.

Censée permettre de maîtriser la dépense publique, la régulation budgétaire, malgré ses effets désastreux sur le terrain, n'a pas empêché le poids de la dépense publique de progresser de deux points de PIB depuis 2002.

Pour optiquement afficher son respect de la norme de dépense budgétaire, le Gouvernement s'est livré à un certain nombre de manipulations budgétaires : manœuvres comptables, délestage de dépenses vers les collectivités locales – nous aurons l’occasion d’y revenir –, transformations de dépenses budgétaires en dépenses fiscales.

Malgré ces manipulations, la dépense publique ne diminue pas, bien au contraire. Le graphique que voici (M. Migaud produit un schéma à la tribune) montre très bien, même si vous n’aimez pas, je le sais, qu’on vous rappelle les faits, que le poids de la dépense publique par rapport au PIB a très sensiblement augmenté depuis 2002, alors même qu’il avait baissé, contrairement aux discours que vous teniez sous la législature précédente, sans remettre en cause, comme vous l’avez fait, les politiques publiques.

Si la dépense publique n'est pas maîtrisée en dépit de l'affichage budgétaire, c'est parce que les trois leviers utilisés par le Gouvernement pour réduire artificiellement le périmètre de la dépense budgétaire ont pour conséquence soit d'augmenter les autres postes de la dépense publique, au niveau par exemple de la sécurité sociale, des collectivités locales, d’un certain nombre d’agences, soit de masquer certaines dépenses budgétaires. La Cour des comptes a écrit des choses très pertinentes sur le sujet.

La principale de ces manipulations concerne le transfert des allégements de cotisations à la sécurité sociale opéré en 2006. J’y reviendrai, mais elle n'est pas la seule.

Gilles Carrez, rapporteur général de notre commission des finances, dans un méritoire effort de transparence – davantage à l’écrit qu’à l’oral –, a réintroduit certaines dépenses dans la norme. Il est sur la bonne voie, mais il s'arrête en chemin, sans doute à dessein car cela lui permet, tout en corrigeant fortement l'affichage du Gouvernement, de ne pas totalement remettre en cause son message. En effet M. le rapporteur général n'inclut dans son calcul, pour ce qui est de l'augmentation de la dépense liée aux allégements de cotisations, que les mesures nouvelles : 320 millions d’euros de nouveaux allégements décidés pour 2007 vers les PME de moins de 20 salariés. En réalité, la manipulation effectuée en 2006 a eu un effet beaucoup plus puissant, vous le savez.

Sans reprendre les calculs de M. de Courson, que vous avez pu citer vous-même, les nôtres montrent que l’augmentation de la dépense publique est en réalité plus proche de 2,5 %, voire légèrement plus, que de 1,7 % comme vous le prétendez, monsieur le rapporteur général, ou comme le prétend le Gouvernement à 0,8 %.

Nous pourrions multiplier les exemples qui permettent à l’État de réaliser des économies purement de façade par rapport à la réalité et en faire la démonstration. Je suis prêt à reprendre le raisonnement tenu ce matin sur ce sujet lors d’une conférence de presse.

Si l’on va, en bonne orthodoxie, au bout de votre raisonnement, les dépenses de l’État progressent de façon beaucoup plus importante à partir du moment où l’on ne fait pas que réintégrer les seules mesures nouvelles, mais où l’on mesure aussi les conséquences d’un certain nombre de manipulations intervenues l’année dernière.

Ce raisonnement est valable, vous le savez, pour tous les postes budgétaires identifiés par vous-même, monsieur le rapporteur général, ainsi que pour ce qui est des transferts de recettes à des agences en remplacement de dotations budgétaires. Vous ne mesurez pas l’effet en 2007 des transferts, pourtant massifs, réalisés en 2006. Cette sous-estimation dans la norme de dépenses est d’autant plus importante que les dépenses transférées se révèlent par la suite dynamiques.

Je note d’ailleurs que vous omettez de prendre en compte les transferts de dépenses effectués dans le cadre de la décentralisation, sachant par exemple que les dépenses liées au RMI progressent à un rythme très supérieur à l’inflation. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Si ces dépenses, qui demeurent des dépenses publiques, étaient toujours intégrées dans la norme de progression de la dépense budgétaire, celle-ci ressortirait bien au-dessus de l'inflation.

Toutes ces évidences, que le rapporteur général a commencé de dévoiler, se retrouvent dans l'indicateur global de la dépense publique, lequel fait apparaître une progression substantielle depuis le début de la législature. J’ai eu l’occasion de le démontrer.

Autre manœuvre tendant à minorer optiquement la dépense budgétaire : sa transformation en dépense fiscale. Chaque année, les niches fiscales existantes sont augmentées et de nouvelles sont créées, contrairement, chaque fois, au discours qui est le vôtre. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, nous dit chaque année : « Les niches fiscales, ça suffit ! Il faut arrêter ! »

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Plafonner !

M. Didier Migaud. Comportement bien centriste !

M. Jean-Pierre Balligand. Il n’a plus que cela de centriste !

M. Didier Migaud. On affiche un objectif et on s’intéresse assez peu aux résultats.

En effet, si l’on mesure la performance aux résultats, il faut reconnaître qu’il y a une marge de progression qui reste considérable.

La forte progression de la dépense fiscale est particulièrement préoccupante, car, contrairement au discours du Gouvernement, qui ne cesse de se dire préoccupé par la profusion des niches, leur coût et leur nombre ont augmenté entre 2001 et 2006 de plus de 20 %.

Ainsi, selon Philippe Séguin, le Premier président de la Cour des comptes : « En 2005, alors que les dépenses budgétaires ont augmenté de 6 milliards d'euros, les dépenses fiscales se sont accrues de 3 milliards d'euros, constituant un élément majeur de l'évolution des finances publiques. ». Une fois n'est pas coutume, je citerai mon collègue Charles de Courson, qui a fait observer que, entre 2004 et 2005, le nombre des niches fiscales est passé de 381 à 420, leur coût progressant de 51,6 à 54,8 milliards d'euros, confirmant ainsi, s’il en était besoin, les chiffres de la Cour des comptes.

L'explosion de la dette publique est la conséquence de cette incapacité à maîtriser la dépense publique. Les chiffres sont nets : entre 2001 et 2006, le poids de la dette publique a augmenté officiellement de plus de huit points de PIB.

Cette dynamique est insoutenable et préoccupante. À cet égard, je partage, messieurs les ministres, votre point de vue. Ce n'est toutefois pas en créant une psychose ni en culpabilisant les Français les plus modestes que l’on trouvera les moyens d'y faire face.

La dynamique de l'endettement n'est pas linéaire. Des politiques économiques ont pu permettre, au cours de ces vingt dernières années, de maîtriser davantage, voire de réduire la part de cet endettement dans la richesse nationale, comme ce fut le cas de 1999 à 2001. Cette dynamique n'est donc pas inéluctable. Elle est réversible, à condition d'adopter une démarche rigoureuse et responsable, ce que n’a pas fait le Gouvernement. Pourtant, vous affirmez que, depuis votre prise de fonction, monsieur le ministre, ce fut votre principale préoccupation. Vous avez, en outre, déclaré avoir fait baisser la dette de deux points de PIB.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. L’endettement !

M. Didier Migaud. Quel défi à l’arithmétique ! Vous reconnaissez vous-même qu’en deçà d’un déficit estimé entre 2,5 et 2,7 %, il est impossible de réduire l’endettement de notre pays.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Didier Migaud. Si vous y êtes arrivé, c’est en raison d’un certain nombre de mesures ponctuelles qui vous ont permis tout à fait artificiellement de réduire l’endettement.

M. Jean-Pierre Gorges. Il n’y a rien d’artificiel !

M. Didier Migaud. Si !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cela a été fait dans la transparence. Il fallait le faire avant !

M. Didier Migaud. Nous contestons la manière dont vous procédez. Quelles sont en effet les recettes tout à fait exceptionnelles permettant de diminuer la dette artificiellement, je le répète ?

M. Jean-Pierre Gorges. Ce n’est pas artificiel !

M. Didier Migaud. Il y a eu la vente la des autoroutes d’une part, et une ponction sur la trésorerie de l’État, d’autre part.

M. Jean-Pierre Gorges. C’est de la bonne gestion !

M. Didier Migaud. Pas du tout !

Selon nous, ces deux opérations sont critiquables : la vente des autoroutes, parce que leur taux de rendement intrinsèque est supérieur au coût de la dette rachetée avec pour conséquence l’appauvrissement de l’État.

M. Jean-Pierre Gorges. On ne peut pas laisser dire cela !

M. Didier Migaud. Nous avons, du reste, été nombreux à le déplorer en contestant cette vente. Ce n’est donc pas de bonne gestion patrimoniale ; la commission des finances elle-même l’a reconnu, il y a quelques mois.

Quant à la ponction sur la trésorerie sur l’État, elle ne nous paraît pas être une bonne mesure, car, à l’évidence, il s’agit d’une opération qui n’est pas reproductible sauf à mettre le compte en banque de l’État dans le rouge l’année prochaine.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Caricature !

M. Didier Migaud. Il y va de votre sincérité, monsieur le ministre. Vous faites croire aux Français que la dette baisse grâce à une bonne gestion des finances publiques.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tout à fait !

M. Didier Migaud. Tel n’est pas le cas. En réalité, vous puisez dans des réserves de précaution.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Absolument pas !

M. Didier Migaud. Pour ce qui nous concerne, nous considérons qu’il s’agit d’une politique de la terre brûlée. Malheureusement, les chiffres sont incontestables : si l’on compare le résultat de juin 2002 à la situation d’aujourd’hui, on observe que la dette publique a très sensiblement augmenté…

M. Jean-Pierre Gorges. Faux !

M. Didier Migaud. …et la responsabilité vous en incombe.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Et l’augmentation de 170 milliards sous le gouvernement Jospin ?

M. Didier Migaud. Cela n’a aucun sens de raisonner en valeur, monsieur le ministre, vous le savez bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il faut ensuite payer les intérêts !

M. Didier Migaud. On doit raisonner par rapport à la richesse d’un pays. Raisonner en valeur n’est pas pertinent.

Vous avez mis en oeuvre une stratégie injuste et inefficace : la fiscalité mise au service des plus aisés, mais au détriment de la croissance et de la solidarité. Les prélèvements obligatoires ont, malheureusement, été accrus.

La pression fiscale a augmenté pour le plus grand nombre, mais diminué pour les plus aisés.

M. Jean-Pierre Gorges. C’est faux !

M. Didier Migaud. Votre argument relève de la méthode Coué, cher collègue !

M. Philippe Rouault. Vous ne cessez de nous reprocher la baisse de la fiscalité !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Venant de vous, cela ne manque pas de sel ! Vous passez votre temps à dire que nos chiffres sont faux !

M. Didier Migaud. Les prélèvements obligatoires ont bien augmenté. Les documents du ministère des finances en attestent. Vous pouvez certes prétendre qu’ils ont baissé, mais vous serez en totale contradiction avec les documents officiels.

Les multiples exonérations et allégements ont profité à quelques catégories de Français, ceux redevables de l'ISF, notamment.

M. Jean-Pierre Gorges. À ceux qui paient des impôts !

M. Didier Migaud. La cotisation moyenne au titre de l’ISF a fortement baissé, pas seulement parce que le nombre de contribuables a augmenté, mais aussi en raison d’un certain nombre de décisions en faveur de la réduction de cet impôt de solidarité sur la fortune.

Cela est le produit des nombreuses mesures votées durant la législature : l’extension du pacte d'actionnaires à l'ISF ; le relèvement de 50 % à 75 % de l'exonération au titre des biens professionnels ; l’exonération de certains investissements ; l’exonération des actions détenues par un dirigeant retraité, etc. Je pourrais multiplier les exemples montrant que vous avez remis en cause une grande partie de cet impôt.

De même, le bouclier fiscal forgé sur mesure pour les 10 000 foyers les plus aisés parmi les assujettis à l'ISF, qui vont bénéficier de 250 millions d'euros d'allégement d'impôts au titre de cette seule mesure, illustre l’injustice de votre politique fiscale.

Nous avons établi, d’après vos chiffres, le bilan fiscal de la période 2002-2006 pour un couple de salariés avec deux enfants. Pour les personnes qui perçoivent le SMIC ou un salaire médian, le gain de vos mesures est pratiquement nul si l’on additionne l’ensemble des impôts, cotisations et taxes.

En revanche, si l'on gagne vingt fois le SMIC, le rendement de vos mesures fiscales donne de bons résultats : les pertes constatées à cause de l’accroissement de la CSG sont plus que compensées par les gains considérables obtenus au titre de l'impôt sur le revenu.

M. Antoine Carré et M. Jean-Pierre Gorges. On ne peut tout de même pas baisser les impôts de ceux qui n’en paient pas !

M. Didier Migaud. Une fois de plus, cela traduit l’injustice de votre politique : l’essentiel des gains est concentré vers les foyers disposant des revenus les plus élevés, contrairement à ce que vous tentez de nous faire croire. Les pertes résultant de l’augmentation de la CSG font plus qu’amputer les maigres gains constatés au titre de l’impôt sur le revenu au niveau du salaire médian. Encore faut-il faire observer que ce comparatif n’intègre pas la TIPP ou les droits sur le tabac qui, eux aussi, ont fortement augmenté au détriment de nos concitoyens les plus modestes.

Si l’on gagne vingt fois le SMIC, je le répète, les pertes constatées à cause de l’accroissement de la CSG sont plus que compensées par des gains considérables obtenus au titre de l’impôt sur le revenu. Et ces gains n’incluent pas ceux obtenus au titre des mesures d’exonérations et d’allégements de l’ISF.

Si les foyers aisés ont profité de baisses ciblées et massives d'impôts, l'ensemble des Français a vu la pression fiscale augmenter, comme l'indique clairement un graphique que je tiens à votre disposition. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vous signale qu’il a été établi à partir de vos propres chiffres.

Permettez-nous de considérer qu’un tel raisonnement n’est ni responsable ni digne, messieurs les ministres. Vous essayez ni plus ni moins de faire le procès des collectivités locales.

M. Roland Chassain. Des régions, surtout !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Seulement des régions.

M. Didier Migaud. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Vous laissez entendre, en effet, que les collectivités locales seraient à l’origine de l’augmentation des prélèvements obligatoires.

Nous nous sommes efforcés d’examiner comment, pour chaque composante – État, sécurité sociale et collectivités locales –, les prélèvements obligatoires ont évolué durant la législature.

Cela nous a permis de constater que plus de la moitié de l'augmentation de 0,7 point de PIB des prélèvements des collectivités locales est liée aux transferts décidés par le Gouvernement dans le cadre de l'acte II de la décentralisation, alors que seulement 0,2 point de PIB provient de décisions d'augmentation des taux d'imposition. Une analyse plus détaillée permettrait de montrer que les régions pèsent très peu dans cette augmentation, étant donné le faible poids de leur fiscalité par rapport à celles des départements et des communes.

M. Jean-Pierre Gorges. Sur ce point, il a raison.

M. Didier Migaud. Enfin, on s'aperçoit que les augmentations votées par les départements et les communes sont autant le fait de majorités UMP que de majorités de gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Gorges. Moi, je baisse les prélèvements tous les ans !

M. Didier Migaud. Cela devrait vous conduire à un peu plus de modestie.

Dès lors, le faux procès intenté par le Gouvernement aux collectivités locales est infondé.

Sur l'ensemble de la législature – et je tiens un tableau à votre disposition – il apparaît clairement que le Gouvernement a mis en œuvre une stratégie de réduction optique du périmètre budgétaire et fiscal de l'État.

Sur la période 2003-2006, les débudgétisations – opérées en recettes et en dépenses – auront représenté 0,8 point de PIB, soit 14,5 milliards d'euros. Ces fausses baisses de prélèvements obligatoires se retrouvent dans l'augmentation des prélèvements obligatoires des collectivités locales – plus 0,4 % – et de la sécurité sociale – plus 0,1 % – ainsi que des ODAC, agences etc.

Durant la même période, les prélèvements obligatoires de l'État auront baissé optiquement de 0,2 point, mais, si l'on neutralise l'effet des changements de périmètre, l’on constate que l'État a en fait augmenté son prélèvement global sur les Français, notamment en raison de l'évolution spontanée.

Au niveau des collectivités locales, on l'a vu, les décisions de hausse des taux ont un impact minime, l’accroissement des prélèvements étant d'abord la conséquence des transferts liés à la décentralisation. Il faut ainsi rappeler que l'État a accumulé, à l'égard des départements, une dette de 850 millions d'euros, au titre du RMI en 2005.

Quant à la sécurité sociale, ses prélèvements ont augmenté de 0,6 point, mais, en l’occurrence, la totalité de la hausse provient des augmentations de prélèvements décidées par le Gouvernement, soit un alourdissement de 11 milliards d'euros.

Ainsi, au total, pour une progression globale de près de 1 point du taux de prélèvements obligatoires – dont vous êtes responsable, monsieur le ministre – les décisions propres des collectivités locales n'ont pesé que pour 0,2 point, soit moins d'un quart du total de la hausse. Là aussi, c’est à partir de vos chiffres, que nous avons opéré ce calcul.

C'est donc bien le Gouvernement qui est le premier responsable de l'accroissement de la pression fiscale et de ses conséquences négatives pour le pouvoir d'achat des Français. Notre appréciation diffère donc totalement de la vôtre.

Vous affirmez aussi, monsieur le ministre, avoir la culture de l’audit.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous aussi !

M. Didier Migaud. Effectivement, mais je ne comprends pas pourquoi vous refusez notre demande d’audit sur les finances publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est pourtant une bonne idée !

M. Didier Migaud. Si vous êtes tellement satisfait de votre gestion, si vous pensez que tout va si bien, pourquoi n’acceptez-vous pas un audit indépendant, avant les prochaines échéances électorales ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est incroyable ! Mais à quoi sert la commission des finances !

M. Didier Migaud. Madame des Esgaulx, la commission des finances pourra y contribuer et je ne pense pas que vous puissiez m’adresser le reproche de considérer qu’elle ne fait pas correctement son travail.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Je suis députée et j’en suis fière ! Je vote la loi de finances et je contrôle son exécution !

M. Jean-Louis Idiart. Nous serons obligés de procéder à un audit des finances publiques en juin : autant le faire maintenant !

M. Didier Migaud. Un audit extérieur peut parfaitement être utile, y compris au Parlement, pour établir la réalité des choses.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est très grave ce que vous dites, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Non, ce qui est grave, c’est que vous refusiez systématiquement un débat contradictoire sur ce sujet. Vous nous assénez de prétendues vérités, sans les démontrer. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et vous, qu’êtes-vous en train de faire ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Notre commission des finances remplit son rôle ! Il n’y a pas besoin d’audit !

M. Didier Migaud. Dans ces conditions, c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre. Mieux vaut donc demander à des structures considérées comme indépendantes de réaliser une photographie de la situation des comptes publics. Vous l’avez vous-même fait en juin 2002 et nous serions très intéressés par une actualisation de cet audit avant les prochaines élections.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Audit accablant pour votre majorité !

M. Didier Migaud. Je rappelle d’ailleurs à ce propos que l’étude commandée par le gouvernement de M. Raffarin situait, dans la pire des hypothèses, le déficit des comptes publics entre 2,4 % et 2,6 %. Après cinq années, vous n’êtes même pas parvenus à maintenir ce niveau ! Autrement dit, ces cinq années ont été perdues. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Les 35 heures !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il a fallu cinq ans pour digérer l’héritage.

M. Didier Migaud. Nos comptes publics se sont dégradés alors même que le taux de croissance mondiale n’a jamais été aussi élevé depuis une dizaine d’années.

Voilà le bilan de cette législature dont nous aimerions débattre avec vous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Or, à chaque fois, vous fuyez devant toute occasion de discussion et je finis par me demander pour quelles raisons vous refusez cet audit indépendant sur la situation de nos finances publiques. Vous ferait-il peur ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Et le rôle du Parlement ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous le niez !

M. Didier Migaud. Il y a bien plus grave, madame des Esgaulx, c’est la responsabilité que vous avez prise dans la dégradation de nos finances publiques. Dans le cadre du travail de contrôle que vous dites effectuer, vous auriez dû indiquer au Gouvernement qu’il faisait fausse route ou, du moins, que les résultats n’étaient pas à la hauteur de ceux qu’il comptait afficher.

S’agissant du projet de loi de finances pour 2007, je constate que la France connaît une certaine croissance. À ce sujet, permettez-moi de souligner que M. le rapporteur général a pris quelques libertés par rapport à mes propos.

M. Philippe Rouault. Ce n’est pas son genre !

M. Didier Migaud. L’année dernière, je n’ai pas dit que les prévisions du Gouvernement étaient utopistes, pas même optimistes. Il arrive d’ailleurs aux économistes d’en formuler de telles.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai le compte rendu des débats entre les mains, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Je ne suis pas choqué qu’un gouvernement soit volontariste ; je l’ai déjà souligné à cette tribune. Je disais seulement qu’il aurait été surprenant que la France ne connaisse pas une croissance plus forte alors même que la croissance mondiale n’a jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui.

Beaucoup d’économistes considèrent toutefois que 2007 risque d’être une année moins bonne que 2006. Faisons donc en sorte de ne pas tomber dans l’autosatisfaction : restons prudents dans nos hypothèses ; soyons conscients de la réalité que vivent nos concitoyens, notamment les plus défavorisés, dont la situation ne s’améliore pas, bien au contraire.

Chacun sait que la bonne tenue de la consommation a été davantage liée à la baisse du taux d’épargne depuis 2002 qu’à une augmentation du pouvoir d’achat, comme de nombreux économistes l’ont expliqué. Malheureusement, tous les ménages ne disposent pas d’un stock d’épargne dans lequel puiser lorsque leur pouvoir d’achat stagne.

Les perspectives pour 2007 ne sont pas satisfaisantes, en raison de l’insuffisante progression des salaires. Selon l’OFCE, « les taux de croissance anticipés en 2006 et en 2007 resteront nettement en-deçà des rythmes supérieurs à 3 % enregistrés à la fin des années quatre-vingt dix et au début des années deux mille. Le revenu disponible brut porte, en 2005, la marque de la faiblesse de l’évolution de la masse salariale – + 1,2 % en termes réels – liée à un ralentissement des salaires horaires individuels – 1,1 % contre 2,2 % en 2004 –, qui n’a pas été compensé par la reprise de la croissance et de l’emploi ».

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. L’enjeu principal est donc bien celui d’une forte revalorisation des salaires, du pouvoir d’achat, sans laquelle la consommation ne pourra pas s’installer au-dessus de 2,5 %.

Force est de constater que les mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 2007 ne répondent pas à ces enjeux. Derrière les annonces électorales, la stratégie fiscale pour 2007 reste la même. Il n’y a pratiquement pas de mesures nouvelles. Vous continuez de mener une politique fiscale injuste, vous refusez de financer des politiques publiques essentielles pour l’avenir, vous laissez les comptes publics se dégrader et vous multipliez les cadeaux fiscaux.

Le rapport rédigé par Michel Pébereau sur la dette publique, que vous citez très souvent, préconisait pourtant de ne pas baisser l’impôt.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. À partir de 2007, et c’est ce que nous faisons !

M. Didier Migaud. Vous y prenez ce qui vous arrange en oubliant le reste, ce qui donne le résultat que nous connaissons : 10 % des contribuables captent 60 % de la baisse de l’impôt sur le revenu et 10 000 contribuables redevables de l’ISF se voient offrir 250 millions d’euros en 2007, grâce au bouclier fiscal. Je ne fais que reprendre vos chiffres.

En ce qui concerne les dépenses, on peut noter un effort pour effacer les remises en cause les plus brutales et les plus désastreuses intervenues au début de la législature, en matière d’emplois aidés notamment. Néanmoins force est de constater que les retards pris dans des domaines aussi essentiels que la recherche, les transports, l’environnement et même la politique de la ville ne permettent pas de couvrir les besoins. On est loin de vos promesses électorales.

Ce budget ne prépare pas l’avenir. Il devra être corrigé dans la perspective de l’alternance, quelle que soit la majorité au pouvoir.

M. Jean-Pierre Gorges. Annoncez-nous les corrections que vous envisagez dès maintenant !

M. Philippe Rouault. Faites des propositions !

M. Didier Migaud. Cinq années ont été perdues et vous nous présentez un budget maquillé et injuste (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Et quoi encore !

M. Didier Migaud. …qui n’est pas adapté à la situation économique et sociale de notre pays. Voilà pourquoi nous ne voterons pas votre projet de budget ; nous en contesterons le contenu et la sincérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Rouault. Aucune proposition !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mesdames, messieurs les députés, j’invite votre assemblée à rejeter cette motion. Je dois d’ailleurs dire, monsieur Migaud, pour avoir le plaisir et l’avantage de bien vous connaître, que j’ai été très étonné du peu d’enthousiasme que vous avez mis à défendre la démonstration que vous avez écrite. (Approbations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Une preuve qui ne trompe pas est donnée par le fait que vous avez passé votre temps à lire vos notes, ce qui montre bien que vous aviez du mal à vous convaincre vous-même. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas un argument ! Parlez sur le fond !

M. Jean-Louis Idiart. Serait-ce le seul argument de « l’Aigle de Meaux » ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai bien vu à quel point vous avez peiné à reconnaître que ce budget est un bon budget, un budget dans lequel la dette, la dépense tout comme les impôts diminuent.

La véritable question que nous vous poserons tout au long de ce débat budgétaire, monsieur Migaud, c’est de savoir ce que vous feriez à notre place.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Il ne l’a pas dit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Envisageriez-vous d’augmenter les dépenses, les impôts et les déficits, bref, de refaire ce que vous avez fait entre 1997 et 2002, ce qui nous a demandé une patiente remise à niveau, avec une croissance économique pourtant bien inférieure à celle que vous avez connue ?

M. Augustin Bonrepaux. On peut comparer !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, pour toutes ces raisons, comprenez que j’invite l’Assemblée à rejeter avec ardeur une motion aussi peu défendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Pendant plus de deux heures, nous avons entendu les orateurs des bancs de la commission et du Gouvernement défendre la loi de finances pour 2007 en dressant un bilan de la mandature très tourné vers l’autosatisfaction. En la personne de M. le rapporteur général, on a même entendu un laudateur. Certes, un peu plus de conviction et de souffle ont été mis dans les discours mais c’était pour cacher quelques insatisfactions.

À la fin d’une mandature, on se plaît à souligner les actions positives. Vous vous êtes ainsi félicités, messieurs les ministres, des réponses que vous aviez apportées aux propositions que vous aviez formulées. Oubliez-vous qu’elles n’ont concerné qu’un public très ciblé, certains diraient même « vos amis » ?

Ensuite, nous avons entendu Didier Migaud qui a dressé un tableau sans complaisance de la situation, avec la force tranquille qui le caractérise.

M. Philippe Rouault. C’est un slogan périmé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Elle était difficile à placer celle-là !

M. Jean-Louis Dumont. Pour vous convaincre, monsieur Copé, quelle tonalité de l’art oratoire choisir ?

Il était nécessaire que, pour défendre l’exception, d’irrecevabilité, l’orateur s’appuie sur une analyse fine, sur des données chiffrées et sur des références différentes des vôtres.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous ramez encore plus vite que Maud Fontenoy !

M. Jean-Louis Dumont. Et vous, vous écopez ! (Rires.)

Nous débattons mais nous savons que nous ne ferons pas bouger d’un millimètre l’ensemble de votre majorité, monsieur le ministre. Toutefois, les arguments que nous opposons à vos chiffres peuvent trouver quelque écho au-delà de cette enceinte.

Pour reprendre les propos de Didier Migaud, il y a sans doute des personnes de votre électorat qui sont très satisfaites de certaines de vos mesures.

Pourtant sont-elles équitables au regard des règles de la République ?

Dans nos circonscriptions, nous rencontrons chaque jour celles et ceux que votre politique laisse au bord du chemin de la croissance. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) À l’exception d’une allusion aux difficultés d’application de la loi portant revalorisation des petites retraites agricoles, pourtant votée à l’unanimité, il n’y a pas eu un mot pour les retraités qui perdent chaque année un peu de leur pouvoir d’achat, que personne n’entend, et qui sont dans l’obligation, lorsqu’ils se retrouvent seuls, de réduire leur train de vie en vendant leur pavillon.

On n’entend pas davantage parler des petits salariés des secteurs en perte de vitesse où l’emploi régresse et où les salaires stagnent, sans qu’aucune compensation n’existe.

Une loi de finances se doit d’être globale. Il faut, certes, qu’elle s’intéresse au développement économique et à la création d’emplois, mais sans pour autant oublier celles et ceux qui ont besoin de notre solidarité.

M. le président. Concluez, je vous prie !

M. Jean-Louis Dumont. Tout au long de la discussion, nous rappellerons en effet à votre majorité UMP que la solidarité est nécessaire et qu’il faut aller plus loin en ce qui concerne certaines mesures.

M. le président. Monsieur Dumont, il faut conclure !

M. Jean-Louis Dumont. C’est au nom de la solidarité et de la transparence que je vous demande, mes chers collègues, de voter cette exception d’irrecevabilité.

Je vais terminer en formulant quelques observations. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Dumont, veuillez conclure !

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, tous les orateurs, y compris Didier Migaud, ont fait référence à la nécessité de la transparence et à la responsabilité nouvelle que nous impose la LOLF. Elle doit être l’occasion pour nous de ne pas oublier l’essentiel, à savoir qu’il convient d’expliquer à l’ensemble des acteurs économiques, sociaux et culturels du pays, le contenu de la loi de finances que la majorité vote et que l’opposition critique afin que, dans la perspective des prochaines échéances électorales, chacun puisse en mesurer l’efficacité dans le cadre républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Jean-François Copé devait sûrement envier la pertinence des propos de Didier Migaud tant il a peiné à formuler des critiques convaincantes. (Rires et exclamations sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

En effet, contrairement aux orateurs qui l’ont précédé, Didier Migaud n’a pas usé de la langue de bois.

J’ai noté votre indifférence, monsieur Breton, quand Jean-Louis Dumont a parlé du retraité qui se trouvait contraint de vendre son petit pavillon.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard. Vous étiez occupé à autre chose !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Et vous, vous lisiez le magazine Capital !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, car on y parle de vous ! Et je vais y revenir.

En entendant les propos de Pierre Méhaignerie, on pourrait croire que le peuple français a été condamné par je ne sais quelle providence à faire vœu de pauvreté et, sans doute pour accéder au salut, à vivre éternellement dans les privations. Il va même jusqu’à proposer que la prime pour l’emploi figure sur les feuilles de paie, comme si elle faisait partie du salaire, et ce afin de limiter la pression à la hausse des salaires. Je ne crois pas trahir sa pensée en disant cela.

L’un des problèmes dont souffre notre pays réside pourtant dans la persistance de ces petits salaires qui entraînent la déqualification des emplois et un chômage de masse. Votre politique, certes souvent après un manque de pertinence de politiques précédentes sur le sujet, débouche sur un manque de travailleurs qualifiés, notamment dans l’industrie, alors que, dans le même temps, trois millions de nos compatriotes n’ont pas de travail.

Nous avons entendu, en début de séance, un exercice de propagande qui visait à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Je dois reconnaître que, en la matière, le plus habile a, comme d’habitude, été Jean-François Copé, qui possède, lui, le grand avantage sur son collègue Thierry Breton d’avoir subi l’épreuve du suffrage universel.

Du reste, je vous ai entendu, monsieur Breton, dans une émission de radio.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ah bon ?

M. Jean-Pierre Brard. Il faut toujours écouter l’adversaire politique pour essayer de trouver ce qui est pertinent !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cela vous a-t-il plu ?

M. Jean-Pierre Brard. J’ai eu du mal à trouver la pertinence, surtout lorsque vous avez affirmé être un homme politique ! Je dirais plutôt, utilisant un vieux langage, que vous être l’agent du grand capital ! (Murmures sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Oh, monsieur Brard !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Cela ne veut rien dire !

M. Jean-Pierre Brard. Vous trouvez, madame des Esgaulx ? Alors, écoutez ceci : savez-vous ce que représente la rallonge de 500 millions destinée à la prime pour l’emploi dont a parlé Pierre Méhaignerie ? Il s’agit d’une aumône qui correspond à quatre fois les revenus annuels des vingt-cinq plus grands patrons de notre pays. Vous les connaissez tous personnellement, monsieur Breton, et je peux vous les citer. (« Non ! Non ! » sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Brard !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Brard, nous allons nous cotiser, avec M. Copé, pour vous rembourser ce numéro de Capital !

M. Jean-Pierre Brard. J’aimerais avoir accès à vos cotisations qui sont certainement plus importantes que les miennes ! Mais c’est un autre sujet.

Je trouve vos propos indécents : 500 millions d’euros, cela représente 55 euros environ pour chaque ayant droit de la prime pour l’emploi ; 500 millions d’euros, ce sont aussi les dividendes cumulés des trois plus gros capitalistes du pays, en tête desquels on trouve l’une de vos amies, Mme Bettencourt…

M. Michel Bouvard. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas parlé de Mme Bettencourt !

M. Jean-Pierre Brard. …suivie de la famille Pinault et de Bernard Arnault. Voilà ce qu’ils ont ramassé grâce au travail de ceux qu’ils exploitent, de ceux que votre politique condamne à vivre dans la gêne, dans la misère. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) A eux seuls, ils pourraient financer la rallonge de la prime pour l’emploi !

Croyez-vous, monsieur Breton, que ces gens-là font 35 heures par semaine, vous qui n’avez que cette expression à la bouche ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Ueberschlag. Monsieur le président, il faut le rappeler à l’ordre !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ils font beaucoup plus !

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr, madame Bettencourt en fait beaucoup plus ! Elle ramasse et pourtant, vous la plaignez encore !

M. Philippe Rouault. Parlez-nous de Cuba et de la Corée du Nord !

M. le président. Monsieur Brard, il est temps de conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Breton, vous avez affirmé, dans une émission de radio, être un homme politique.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’ai été élu en 1986 !

M. Jean-Pierre Brard. Pour ma part, cela fait longtemps que je suis élu. Mes adversaires disent même que cela fait trop longtemps !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. J’ajoute qu’en 1986 vous n’étiez qu’un jouvenceau en politique !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est exact !

M. Jean-Pierre Brard. Je constate que M. Copé vous a renseigné. Voilà donc une béquille fort utile ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Laissez M. Brard conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Breton, puisque vous prétendez être un homme politique, je vous lance un défi : venez débattre devant vos victimes, à Montreuil, de la politique dont vous êtes responsable. Nous verrons alors si vous pouvez faire la démonstration que vous êtes un homme politique digne de ce nom ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce débat de fin de législature est fort intéressant.

M. Jean Ueberschlag. Ah !

M. Alain Cousin. Voici le maître d’école !

M. Charles de Courson. Ceux qui ont lu le rapport du rapporteur général se demandent certainement quelle est la différence entre une politique de gauche et celle qui est menée depuis cinq ans par l’actuelle majorité et soutenue par une majorité de députés UMP.

En fait, c’est très simple : la gauche a mené une mauvaise politique entre 1997 et 2002. Sur 80 milliards de plus-values fiscales et de recettes non fiscales, elle en a affecté 48 milliards à des dépenses supplémentaires et 39 milliards à des cadeaux fiscaux, dégradant de 7 milliards le déficit budgétaire.

Au fond, la gauche a mené une politique…

M. Philippe Rouault. De droite !

M. Charles de Courson. …non, mais totalement laxiste, alors qu’elle n’en avait pas les moyens.

Analysons ensuite ce qui s’est passé au cours des cinq dernières années.

Sur les 68 milliards d’euros de surplus de recettes, 41 milliards ont servi à accroître la dépense, 23 milliards à réduire les impôts – alors que la gauche y avait consacré 39 milliards – et 4 milliards à diminuer le déficit du budget de l’État, ce qui est bien peu.

Si la gauche mérite une très mauvaise note pour la façon dont elle a géré les finances publiques, l’actuelle majorité n’obtient même pas la moyenne puisque la priorité des priorités était la réduction du déficit.

Un martien qui débarquerait dans l’hémicycle (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Quelle hypothèse réaliste !

M. le président. Du calme !

M. Alain Cousin. Écoutez le martien !

M. Charles de Courson. …pourrait se demander quelle est la coloration politique d’une majorité qui a fait passer le poids de la dépense publique dans la richesse nationale de 51,6 % en 2001 à 52,9 % en 2007 ; qui a augmenté les prélèvements obligatoires de 42,8 % en 2002 à 43,6 % en 2007, en étant optimiste ; qui, ayant hérité d’un déficit représentant en 2002 quelque 2,9 % du PIB, l’a laissé dériver jusqu’à 3,7 % en 2004, avant de le ramener, nous l’espérons, à 2,5 % l’année prochaine ; qui a augmenté la dette publique de 58,2 % en 2002 à 66,6 % fin 2005 et qui ne l’a réduit de trois points que grâce à des cessions massives d’actifs publics et des opérations de trésorerie, sinon elle serait redescendue à 66,3 %.

Tous mes collègues de l’UMP répondraient qu’il s’agit d’un gouvernement de gauche !

Le vrai problème politique est de savoir pourquoi, depuis vingt ans, après l’extrême dégradation des années 81-83 qui a déstabilisé complètement les finances publiques françaises, lesquelles étaient les mieux gérées dans le pays, la gauche, lorsqu’elle revient au pouvoir, dépense sans compter et fait des cadeaux fiscaux, et pourquoi la droite ne parvient jamais à redresser la barre.

M. Patrick Lemasle. La majorité est maladroite !

M. Charles de Courson. La réponse à cette question est toute simple.

La cause en est que vous n’avez jamais voulu engager de grandes réformes structurelles et que l’actuelle majorité n’en a entrepris que de petites.

M. Patrick Lemasle. Aucune !

M. Charles de Courson. Si : les retraites ! Cela a été un début, même si c’est insuffisant.

M. Patrick Lemasle. La majorité n’est pas assez à droite !

M. Charles de Courson. De là à voter l’exception d’irrecevabilité défendue par le groupe socialiste, non ! Elle ne sert à rien. Il faut continuer le débat.

Cela étant, la question de l’inaction politique en matière de finances publiques sera posée lors des élections présidentielles par le candidat de l’UDF.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Avant de passer au vote, je tiens à exprimer mon étonnement persistant devant les motions d’irrecevabilité qui n’en sont pas. Ainsi, à aucun moment, l’irrecevabilité n’a été évoquée par l’orateur du groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Brard. Il s’agit d’une irrecevabilité morale !

M. Michel Bouvard. Autrefois, on faisait encore un effort.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On sauvait au moins les apparences.

M. Michel Bouvard. Désormais on ne prend même plus cette peine ! Peut-être faudra-t-il faire évoluer le règlement, s’agissant du projet de loi de finances. Une telle réforme nous éviterait les explications de vote sur des motions au cours desquelles le groupe auquel appartient l’orateur explique qu’il faut le soutenir alors que les autres anticipent sur la suite de la discussion.

Je comprends que Didier Migaud regrette de ne pas avoir pu, en 2002, présenter un tel budget en tant que rapporteur général. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je suis de tout cœur avec lui !

M. Michel Bouvard. Sans doute est-ce la raison de son manque d’enthousiasme, relevé par Jean-Fançois Copé. Il faut se souvenir de l’adoption de la loi de finances pour 2002 avec la privatisation en catastrophe d’ASF en pleine nuit puisque le Gouvernement courait après les recettes perdues de la quatrième licence UMTS. Cette année, l’édifice budgétaire est sans doute beaucoup plus fiable.

Je me bornerai donc à formuler quelques observations.

Où est l’injustice quand le produit de l’ISF continue à augmenter ?

M. Jean-Pierre Brard. Pas assez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De 15 % !

M. Michel Bouvard. Nous avons évité qu’un certain nombre de contribuables ne s’évadent et ne contribuent plus du tout.

Où est l’injustice lorsque la prime pour l’emploi s’accroît et lorsque la convergence des SMIC, par le biais des allégements de charges, traduit un effort considérable de la nation en faveur de ceux qui ont les ressources les plus faibles et qui travaillent ? Et cette mesure s’ajoute à la PPE.

Où est l’incohérence quand on augmente également les investissements ? Pendant très longtemps, nous nous sommes plaints de leur faiblesse. Or, depuis cinq ans, les budgets ont recommencé à augmenter, certes de façon insuffisante, mais la tendance s’est inversée. Un rééquilibrage s’est opéré au sein du budget entre le fonctionnement et l’investissement, même si le mouvement est parti des agences et si les fonds proviennent de ressources qui ont été sorties du budget.

M. Charles de Courson. Ce ne sont pas des ressources permanentes.

M. Michel Bouvard. On peut discuter de la méthode, mais elle a eu le mérite de protéger l’investissement.

Bref, ainsi que le rapporteur général et le président de la commission des finances l’ont dit, nous avons un bon budget. En tout état de cause, il n’y a pas lieu de voter l’exception d’irrecevabilité et il faut engager le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité.

(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président. Nous allons examiner la question préalable avant de lever la séance, vers vingt heures quinze. Nous reprendrons ensuite nos débats à vingt-deux heures trente.

J’ai en effet reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a moins d’un an, lors de la motion de procédure que j’ai eu l’honneur de défendre contre le budget pour 2006, j’avais été vilipendé – et c’est un euphémisme – parce que je vous livrais des exemples précis de l’accroissement des inégalités et de la pauvreté. Or Noëlle Burgi, chargée de recherches au centre de recherches politiques de la Sorbonne...

Vous devriez écouter, messieurs les ministres !

M. le président. Laissez parler l’orateur et écoutez-le en silence !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous sommes tout ouïe !

M. Jean-Claude Sandrier. Je ne demande qu’une minute d’attention, sur trente ! Je ne suis pas très exigeant, vous voyez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous allons vous écouter pendant trente minutes !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ce sont les socialistes qui s’en vont !

M. Alain Cousin. La gauche déserte !

M. Jean-Claude Sandrier. Noëlle Burgi, chargée de recherches au centre de recherches politiques de la Sorbonne, a fait état de cette séance dans une récente publication de l’institut de recherche en économie sociale. Elle a souligné que c’est dix jours avant l’embrasement des banlieues françaises que j’ai appelé votre attention, à juste titre, sur les risques que faisaient courir à notre démocratie l’aggravation des inégalités et des frustrations.

Je veux vous citer l’une des premières phrases de cet article : « Dénonçant le déséquilibre des choix budgétaires clairement favorables aux couches sociales aisées, l’orateur s’efforçait de porter à la connaissance des parlementaires des messages d’inquiétude et de détresse d’une fraction de la population française ».

Elle ajoute : « Pourtant, même en admettant qu’elles sont partie prenante d’un rituel qui structure tous les débats parlementaires, les exclamations des députés renvoyant leur adversaire politique à son "misérabilisme" et à sa "démagogie" étonnent car cet exemple, et d’autres encore, cités par le député de l’opposition à l’appui de sa démonstration, n’ont vraiment rien d’exceptionnel. »

Une chargée de recherches, qui fait autorité dans son domaine, s’étonne donc que des élus UMP ne connaissent pas, ou feignent de ne pas connaître une pauvreté, une précarité qui s’aggravent. Vous devriez vous inquiéter : votre négation de la réalité est un objet d’études à la Sorbonne !

Or la situation, loin de s’améliorer, empire d’année en année et vos différents budgets y contribuent. Je vous conseille de lire avec la plus grande attention l’ouvrage que vient d’écrire Jacques Cotta, journaliste, dont le titre est évocateur : Sept millions de travailleurs pauvres. La face cachée des temps modernes. Je pourrais puiser dans ce formidable témoignage des cas particuliers plus poignants les uns que les autres et qui sont la preuve de la faillite de vos choix. Je ne le ferai pas car vous avez très mal supporté l’an dernier d’être mis devant la réalité vécue par des millions de nos concitoyens.

Un seul chiffre global cité par l’auteur illustre la détresse d’une frange de plus en plus large de nos concitoyens : « 900 000 personnes ont franchi la porte des bains douches municipaux parisiens en 2004 contre 300 000 en 1999. Le public qui a utilisé les dix-neuf établissements de la capitale a donc été multiplié par trois ». Certes, cela fait suite au retour à la gratuité, mais cela montre surtout que des dizaines de milliers de familles à Paris, en Île-de-France, et des centaines de milliers dans toute la France n’ont pas les conditions d’hygiène les plus élémentaires.

N’oublions jamais que votre législature aura été celle de l’explosion sans précédent de la précarité et des inégalités, la fréquentation du Secours populaire, du Secours catholique et des Restos du cœur le confirme, de même que toutes les associations participant aujourd’hui à la journée mondiale de lutte contre la misère. Il n’y a que vous qui ne le voyez pas.

Ce processus est dangereux, non seulement pour ceux qui le subissent, mais aussi pour le pacte social. Vous contribuez à son dynamitage en favorisant la captation des richesses par de vrais nantis, en cassant la solidarité et les services publics, bref, en mettant en danger l’équilibre social et démocratique de la nation.

M. Alain Bocquet. Tout à fait !

M. Jean-Claude Sandrier. Pour faire passer la pilule, vous opposez nos concitoyens entre eux : salariés contre chômeurs, public contre privé, classes moyennes contre classes défavorisées. Une telle stratégie, irresponsable, risque d’alimenter les aventures populistes, démagogiques, voire néofascistes.(Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est inadmissible !

M. Jean-Claude Sandrier. On le voit dans d’autres pays que la France.

Arrêtez de pratiquer la division pour mieux faire oublier que, pendant ce temps, une frange de la population, peu importante en nombre mais très influente, agit en véritable parasite de la société. Mon collègue Jean-Pierre Brard vient d’en citer quelques exemples. Cette caste de richissimes financiers, de grands patrons du CAC 40 qui s’engraissent du travail des autres à coups de dividendes exorbitants, de stock-options ou de retraites en or, jamais vous n’en parlez, jamais vous ne les convoquez devant cette espèce de tribunal de l’égalité que vous êtes si prompts à instituer, pour les retraites par exemple.

Vous vous targuez d’un budget de croissance, de soutien à l’emploi et au pouvoir d’achat. Ne racontez pas d’histoires aux Français ! La plupart n’en croient pas un mot. Un récent sondage BVA pour Les Échos montre que 64 % de nos concitoyens jugent que la politique du Gouvernement est mauvaise, soit une progression de 2 % par rapport au mois précédent. Depuis 1983, la part des revenus du travail dans le produit intérieur brut n’a cessé de reculer – moins dix points – au profit du capital. Voilà le véritable enjeu.

Ce qui structure vos choix budgétaires, c’est bien l’inégalité.

Vous ne cessez de parler, messieurs les ministres, de diminution de l’impôt, mais cela est faux : les prélèvements obligatoires sont en hausse, de 0,9 %, depuis 2002. Ils sont surtout assis sur une architecture fiscale de plus en plus défavorable à la progressivité, donc à la justice.

Pour 2007, vous dissimulez de nouveaux cadeaux fiscaux pour les plus aisés derrière la hausse de la prime pour l’emploi. L’année prochaine sera le point d’orgue de la casse du principe d’une juste contribution de chacun aux charges de la nation, affirmé par l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, repris par le préambule de notre Constitution. Il y aura encore 6 milliards d’euros de cadeaux fiscaux distribués par la biais de la réduction du nombre de tranches d’imposition, de la baisse du taux marginal et du bouclier fiscal.

La baisse des impôts est prioritairement destinée aux couches aisées. Deux chiffres suffisent à s’en convaincre.

Selon le SNUI, qui est reconnu comme plus que fiable,...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oh là !

M. Jean-Claude Sandrier. Ses chiffres valent bien les vôtres !

Selon ce syndicat, 25 % de la baisse en volume financier profitent à 0,4 % de nos concitoyens.

Même vous, monsieur le ministre délégué, vous vous prenez les pieds dans le tapis quand vous voulez justifier l’injustifiable. Tantôt vous dites que 68 % des allégements vont aller à ceux qui gagnent moins de 3 500 euros par mois ; tantôt vous parlez de 80 %. L’écart entre ces deux chiffres réduit singulièrement la crédibilité des annonces. Même si l’on accepte ce que dit le Gouvernement, mettre le curseur à 3 500 euros par mois, c’est ignorer que 90 % des salariés gagnent moins de 2 900 euros par mois.

En fait, sur la période 2002-2007, les mesures fiscales décidées par le Gouvernement auront essentiellement profité aux 10 % des contribuables les plus riches. J’ai ici les chiffres qui le démontrent et que je donnerai au cours du débat. En fait ces 6 milliards de cadeaux fiscaux représentent une double inégalité : d’une part, vous baissez l’impôt le plus juste et de façon inégale ; d’autre part, une part croissante des recettes provient des impôts les plus injustes, notamment la TVA.

À cela il convient d’ajouter un autre phénomène de vases communicants : en transférant les charges vers les collectivités locales sans compensation et en diminuant très fortement les enveloppes de l'État destinées aux contrats de projets État-région, vous faites payer vos cadeaux fiscaux, qui concernent un impôt progressif, par une augmentation de la fiscalité locale, dont le calcul est beaucoup plus injuste, pour ne pas parler des augmentations de la CSG, qui n'a rien d’un impôt progressif et n’est donc pas juste.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vous qui l’avez créée !

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est certainement pas le parti communiste qui a créé la CSG !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous étiez alors dans la majorité !

M. Alain Bocquet. Nous étions minoritaires dans la majorité ! Il ne faut pas confondre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous l’avez votée !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela sera répété !

M. Jean-Claude Sandrier. Je ne parle même pas non plus des hausses de prix qui pénalisent en premier lieu les revenus les plus faibles, qu’il s’agisse du logement, de l'énergie, du fioul, de l'essence ou des mutuelles. À cela s’ajoutent les déremboursements sans fin de médicaments, dont le prix dès lors augmente, ce qui est un véritable scandale puisque ce sont les personnes âgées qui sont les premières victimes.

Autre inégalité, elle aussi énorme : les 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires que vous affectez au remboursement de la dette. En effet, l’essentiel de ces recettes provient de la consommation des ménages, au travers de la TVA. Or, toutes les études le montrent, c’est à l’endettement croissant des Français et à la baisse de leur épargne qu’est due l'augmentation de leur consommation. C’est donc l'appauvrissement du plus grand nombre de nos concitoyens qui vous permettra de payer une partie de la dette, dette que vous avez encore aggravée en distribuant des cadeaux aux plus riches, pour un montant de 23 milliards d'euros en quatre ans.

À ces 5 milliards d’euros, il conviendrait en outre d’ajouter les 2,5 milliards d'euros correspondant à la baisse d'un point en volume du budget, alors même que ces sommes devraient aller aux dépenses d'avenir comme la recherche, l'éducation et la formation, les hôpitaux, l’aménagement du territoire ou encore le pouvoir d'achat, c'est-à-dire à l’investissement public, aujourd'hui exsangue. Or, comme la Cour des comptes vient de le rappeler, « sa faiblesse est l'une des causes de la faible croissance », laquelle entraîne à son tour un faible taux de création d'emplois, de vrais emplois. Votre budget contribue donc bien à transférer les richesses du travail vers le capital.

Du reste, la réforme de la taxe professionnelle, qui instaure un plafonnement sur la valeur ajoutée et un dessaisissement des collectivités locales qui voient disparaître leurs prérogatives en la matière, conduira à un nouveau transfert de la fiscalité locale sur les ménages, donc à une nouvelle inégalité.

Il ne vous reste plus, messieurs les ministres, qu’à soigner l'emballage – du moins le tentez-vous – et à diaboliser de façon permanente la dépense publique. L’application de la réduction de 8 % dès le début de l'année et l’accroissement de la prime pour l'emploi sont autant de bonnes nouvelles, en apparence du moins : de fait, chacun est à même d’apprécier le caractère à la fois éphémère et électoraliste de ces mesures, le second étant assez méprisable.

Il en est ainsi du prétendu gain que représenterait la hausse de la prime pour l’emploi. En effet, toutes celles et tous ceux qui sont allocataires de minima sociaux n’en verront pas la couleur puisqu’ils subissent déjà de plein fouet la hausse des prélèvements obligatoires. De plus – tels sont les chiffres que je rappelle –, les 500 millions d'euros de prime pour l’emploi supplémentaires ne représentent que 55 euros de plus par bénéficiaire. Enfin, ce montant sera largement grevé par le surplus de TIPP, de CSG et d'impôts locaux que les salariés devront acquitter. En fait ce sont les plus modestes qui, en raison de la hausse de tous les prélèvements, paieront leur propre prime pour l’emploi.

Votre politique fiscale ne fait donc qu’aggraver les inégalités et les injustices, tout en limitant la croissance, ce qui est aussi grave.

Les seuls impôts justes sont les impôts progressifs. Or ils ont reculé de manière dramatique dans l'ensemble des prélèvements obligatoires. Au sein de l'OCDE, la France fait désormais partie des pays ayant les plus faibles impôts sur le revenu : 3,2 % du produit intérieur brut, contre 10 % en moyenne dans l’Union européenne. J’aimerais d’ailleurs que M. Méhaignerie nous explique comment les Allemands, tout en payant moins d’impôt sur le revenu, parviennent à prélever un montant trois fois supérieur à celui des Français. L’explication existe, mais je préférerais qu’il la fournisse lui-même.

Pour conclure sur le chapitre de la fiscalité des ménages, je souhaite vous lire le dernier paragraphe de la lettre de l'OFCE relatif aux modifications de la fiscalité progressive des ménages : « Si on classe les ménages en quatre catégories, les précaires (les 10 % les plus pauvres) ne reçoivent que 2 % du gain, puisque les minima sociaux ne sont pas revalorisés. Les classes populaires (50 % de la population) en ont 20 %. Les classes moyennes (30 % de la population) en ont 38 %. Les couches supérieures (10 % de la population) en ont 40 %, dont 31 % pour les 5 % les plus riches ».

Un tel calcul jette une lumière crue sur les objectifs que vous poursuivez : il s’agit d’abord, pour vous, de répondre aux exigences de ces 5 % de nantis et de privilégiés, tout en laissant croire aux autres que vous consentez un geste en leur faveur, alors que les taxes, les hausses de prix et les transferts de charges qui provoquent la hausse des impôts locaux les ponctionnent chaque jour davantage !

À cette politique fiscale injuste, il convient d’ajouter les exonérations et les allégements de cotisations sociales patronales qui ne cessent de croître, pour atteindre 20 milliards d'euros en 2007 – tel est le montant prévu : un montant record – alors même que leur efficacité n’a jamais été démontrée. Ce n'est pas le groupe communiste qui le dit, mais la Cour des comptes, dans le rapport qu’elle a remis en juillet 2006 à la commission des finances. Elle y dénonce le « résultat incertain » – c’est bien dit ! – des exonérations et des allégements divers de cotisations sociales patronales, ajoutant même que 17 des 20 milliards d’euros concernés ne contribuent en rien à la création d’emplois. Et pourtant vous persévérez !

Ce rapport explique également que nous devrions sortir du « vieux schéma » inefficace consistant à rechercher la baisse des coûts salariaux, puisque « seule une politique résolument tournée vers l'innovation », c'est-à-dire la recherche, « permet à nos entreprises de résister à la concurrence des pays à bas salaires. »

Merci à la Cour des comptes de nous donner raison au bout de treize ans en dénonçant l'absurdité de la course à la baisse des coûts salariaux, dans le cadre d'une guerre économique dont les victimes sont les travailleurs du monde entier et les vainqueurs, ces prédateurs financiers qui, sans scrupules, accumulent des fortunes.

Comme l'écrivait, il y a peu, le cardinal-archevêque de Lyon – j'ai vérifié, il n'est pas communiste ! (Sourires) –…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le parti communiste citant un membre du clergé ! Où va-t-on ?

M. Jean-Claude Sandrier. …à propos des dividendes extraordinaires et des rémunérations extravagantes des dirigeants des groupes transnationaux : « Où va s'arrêter la valse des zéros ? L'argent rend fou ! Qui va pousser un cri ? Nous attendons des initiatives des responsables politiques ! »

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Amen !

M. Jean-Claude Sandrier. Tout ce que vous affichez en termes de croissance, de pouvoir d'achat et d'emploi est une tromperie. Pour cette année, en effet, l'INSEE annonce la création nette de 75 000 emplois seulement dans le secteur marchand, contre 72 000 destructions nettes dans l'industrie et l'intérim. Je vous invite à ce propos à prendre connaissance de la lettre de Natexis du 3 octobre dernier…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Après le clergé, le grand capital !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est très éclectique !

M. Jean-Claude Sandrier. …dans laquelle Marc Touati fait montre d'une belle lucidité : « Le taux de chômage va encore baisser d'ici le printemps 2007 » – cela tombe bien – « grâce au traitement statistique et social du chômage. Il pourrait passer sous les 8,7 % à cet horizon. Pour autant, les créations d'emplois réelles resteront faibles et seront principalement le fruit d'un recours massif à l'intérim. [...] Après avoir augmenté de 0,6 % cette année, l'emploi salarié pourrait donc croître d'à peine 0,5 %...

M. Philippe Auberger. Il n’en sait rien !

M. Jean-Claude Sandrier. «…ce qui sera suffisant dans un premier temps pour faire reculer légèrement le chômage, mais largement insuffisant pour permettre l'avènement d'un cercle vertueux de croissance. [...] En conclusion, la baisse du chômage de ces derniers mois aura coûté très cher à la collectivité, pour finalement déboucher sur une croissance molle tant du PIB que de l'emploi. »

Je tiens à ajouter que les prétendus gains de pouvoir d'achat annoncés par le Gouvernement sont le résultat d’un artifice qui ne peut tromper personne. Il est en effet question du pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages et jamais du pouvoir d'achat des salariés. Or, là encore, ce sont d'abord les plus aisés, par le biais des revenus mobiliers et immobiliers, qui profiteront d’une hausse du pouvoir d’achat. Comme le note l'INSEE, « les revenus de la propriété seraient cette année stimulés par le dynamisme des intérêts […] et augmenteraient effectivement de 4,4 % après 5,1 % en 2005, contre 3 % pour les salaires bruts. »

Le même processus, observé en 2005 et 2006, se poursuivrait en 2007, l'INSEE ajoutant même que, dans les entreprises non financières, le pouvoir d'achat du salaire par tête diminuerait à nouveau de 1 % cette année, après le recul de 0,7 % en 2005 et celui de 1,4 % en 2004. L'État patron accompagne d'ailleurs lui-même ce mouvement, puisque le salaire moyen par tête devrait reculer de 0,2 % cette année dans les administrations publiques, compte tenu de la hausse des prix.

Telle est la réalité du pouvoir d'achat des ménages modestes et des classes moyennes. La dégradation de leur situation sera d’autant plus sensible que les hausses des dépenses obligatoires en matière de logement, de transport, d’alimentation et de santé dépasseront largement vos prévisions officielles !

Contrairement à ce que vous affirmez, le maintien de la consommation, si essentiel à la croissance, ne résulte donc pas des gains de pouvoir d'achat, mais – je le répète – d’un endettement aggravé des ménages et d’une baisse inquiétante de l'épargne. Du reste, nombre de nos concitoyens subissent des difficultés accrues, ce que confirme un petit ouvrage paru il y a quelques jours et intitulé Les classes moyennes à la dérive. Son auteur, un sociologue, Louis Chauvel, résume parfaitement la situation à l’aide d’une image.

M. Philippe Auberger. Voilà que le parti communiste s’intéresse aux classes moyennes ! Et la priorité à donner à la classe ouvrière ?

M. Jean-Claude Sandrier. Cela devrait précisément vous inquiéter !

Je cite l’auteur : « Les classes moyennes sont un peu comme un sucre dressé au fond d'une tasse : si la partie supérieure semble toujours intacte, l'érosion continue de la partie immergée la promet à une déliquescence prochaine et inéluctable. Si les catégories populaires ne vont pas bien en France, elles pourraient se sentir moins seules dans quelques années. »

M. Alain Bocquet. Eh oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est un gag !

M. Philippe Auberger. Voilà un ouvrage orienté !

M. Jean-Claude Sandrier. Je le répète : cela devrait vous inquiéter !

Alors que les bénéfices nets des sociétés du CAC 40 atteignent des records – 57 milliards d'euros en 2004, 85 milliards en 2005, 50 milliards pour le seul premier semestre de 2006 –, nous avons, comme le souligne Patrick Artus, « un capitalisme sans projet, qui ne fait rien d'utile de ses milliards, qui n'investit guère, qui ne prépare pas assez l'avenir. L'argent coule à flots. et alimente plutôt la voracité des investisseurs dans une course aux rendements financiers à court terme ». Telle est la tendance que votre budget va conforter en contribuant au transfert de l'argent public vers la sphère privée.

Comment, dans ces conditions, parviendrez-vous à faire passer la pilule auprès de nos concitoyens ? Tout d’abord en les divisant, exercice, je l’ai dit, dangereux et irresponsable. Ensuite et surtout, en usant, en toute connaissance de cause et selon un rituel savamment orchestré, de l'argument suprême de la dette, second exercice auquel nous avons encore assisté tout à l’heure.

M. Jean-Pierre Brard. Ah ! La dette !

M. Jean-Claude Sandrier. En effet que ne justifie-t-on pas en son nom !

Au nom de la dette, vous refusez de réinvestir les 5 milliards de surplus fiscaux dans des programmes d'avenir alors qu’ils ont été prélevés sur nos concitoyens par le biais d’impôts de plus en plus injustes. Au nom de la dette, vous baissez les dépenses en euros constants, alors même que les inégalités augmentent. Au nom de la dette, vous supprimez plus de 15 000 postes de fonctionnaire,…

M. Philippe Auberger. C’est inexact !

M. Jean-Claude Sandrier. …au risque de faire de l'État le plus grand destructeur d'emplois de France. Ainsi, méprisant notre jeunesse, vous donnez le signe extrêmement négatif d'une compression sans précédent de personnels dans l'éducation nationale.

M. Philippe Auberger. N’importe quoi !

M. Franck Gilard. Combien d’enfants en moins ?

M. Jean-Claude Sandrier. Les baisses d’encadrement concernent également le primaire.

Au nom de la dette, vous instaurez, par le biais de la LOLF,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Que vous avez votée !

M. Jean-Claude Sandrier. …des carcans qui ne visent qu'à diaboliser la dépense publique, à retirer aux élus du peuple tout pouvoir d'influer sur la politique budgétaire et à nous agenouiller devant le pacte de stabilité européen, lequel ressemble de plus en plus à un pacte de déstabilisation sociale.

Le prétexte de la dette est fallacieux. Il est indécent de l'invoquer, alors même que, depuis le début de la législature, vos choix l’ont accrue de près de dix points. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Franck Gilard. Au profit de l’État !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est la Cour des comptes qui l’affirme ; ce n’est pas nous !

Cette augmentation de la dette est d’abord la conséquence des moins-values fiscales provoquées par la baisse des impôts progressifs de plus de 23 milliards d'euros en quatre ans. Elle est également celle des cadeaux fiscaux que vous n’avez cessé d’accorder ; je pense notamment aux exonérations de cotisations sociales ou à votre refus de taxer les plus values boursières.

Alors, épargnez-nous le discours moralisateur et culpabilisant de la dette du nouveau-né. Vous êtes mal placé pour le tenir.

M. Franck Gilard. Il ne naît même plus en France, mais aux Etats-Unis !

M. Jean-Claude Sandrier. Que n'entend-on pas en effet à propos du pauvre nouveau-né qui hérite d'un lourd fardeau de 17 500 euros, selon le rapport Pébereau, discours repris en chœur par nos ministres, justifiant ainsi les déremboursements des médicaments, la diminution du nombre de fonctionnaires d'État, la baisse des interventions publiques, ce qui ne manque pas d’accroître encore les inégalités !

Non seulement ce raisonnement est faux, mais il est malhonnête par omission. En effet si le nouveau-né hérite d’une dette, il faut dire par rapport à quoi : il convient notamment de prendre en compte toute la richesse nationale et donc de comptabiliser les actifs liés à cette dette.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Jean-Claude Sandrier. Ainsi, la richesse nationale étant en France de 166 000 euros par habitant, la dette du nouveau-né représente seulement 10 % de l'ensemble de la richesse nationale.

M. Alain Bocquet. C’est vrai !

M. Jean-Claude Sandrier. Continuons le raisonnement pour savoir si la situation de la France est si catastrophique que vous le dites pour justifier la casse des services publics et des interventions publiques.

Là encore, vous tentez de feinter. En effet le seul chiffre réellement comparable – et la plupart des économistes sont d’accord – n'est pas la dette brute, mais la dette nette. Or, dans une lettre d'analyse de janvier 2006, l'OFCE explicite bien la situation de notre pays : « En termes de dette nette, c'est-à-dire la dette brute moins les actifs financiers détenus par les administrations, la France est à 44 % du produit intérieur brut, nettement en dessous de la zone euro (58 %), un peu en dessous de l'ensemble de l'OCDE (48 %) et des États-Unis (47 %). Il n'y a donc pas de singularité française. »

Je le dis solennellement : vous trichez avec la dette pour faire pression sur nos concitoyens,…

M. Alain Bocquet. Tout à fait !

M. Jean-Claude Sandrier. …afin qu'ils acceptent les mesures régressives concernant leur protection sociale et leur retraite, et qu'ils limitent leurs revendications salariales.

Vous vous livrez à une véritable mystification visant à nous faire oublier que l'argent coule à flots – comme l'ont écrit Patrick Artus et Marie-Paule Virard –, que des masses considérables de ressources sont réputées intouchables et que pèse sur ces ressources une véritable omerta. Profits, dividendes, spéculations sont des mots bannis de votre vocabulaire, et nous savons pourquoi. Quand les députés du groupe communiste et républicain osent parler de cet argent qui coule à flots, vous évacuez régulièrement la question d’un : « Nous n'avons pas la même conception de la société ».

M. Jean-Pierre Brard. Ce qui est vrai !

M. Jean-Claude Sandrier. C'est un peu court monsieur le ministre, mais cela a au moins le mérite de nous rassurer.

Oui, il y a de l'argent, et beaucoup, mais il est mal réparti et mal utilisé. C'est à partir de toutes ces ressources, résultat du travail de tous, qu'il faut travailler pour construire un budget de reconquête économique et sociale, un budget où l'égalité et la solidarité seront respectées, un budget qui porte une croissance assise sur une véritable sécurité d’emploi et de formation, et non sur une succession de parcours précarisés.

Il s'agirait, tout d'abord, de retrouver des marges de manœuvre avec l'arrêt de vos cadeaux fiscaux et le retour à une progressivité effective des impôts, afin que l’impôt sur le revenu atteigne 8 % du PIB, c’est-à-dire la moyenne des pays européens. Nous proposons, pour cela, d'augmenter le nombre de tranches et d'accroître les taux des deux plus hautes tranches. De même, le rendement de l'ISF serait amélioré en augmentant le nombre de tranches et en accroissant le taux marginal.

Ce choix d'une plus grande progressivité doit s'entendre avec une baisse concomitante des impôts les plus injustes que sont la TIPP, la TVA sur les produits de première nécessité, et avec une refonte des impôts locaux sur les ménages. Cela permettrait de dégager tout de suite 15 milliards d'euros. À titre d’exemple, la suppression du bouclier fiscal permettrait de combler plus de la moitié du besoin de financement des hôpitaux, lequel se chiffre aujourd’hui à 780 millions d’euros.

Pour ce qui est de la fiscalité sur les entreprises, notre choix serait de lier la taxation en fonction de l’emploi et des richesses créées. L'application d’un tel mécanisme sur les cotisations sociales patronales est une nécessité.

Une telle modulation des cotisations patronales devrait conduire à revenir sur les 17 milliards d'euros d'exonérations et d’allégements divers que la Cour des comptes juge peu utiles à l'emploi. Il faut savoir que, en cumulé, ce sont 175 milliards d'euros d'exonérations et d'allégements qui ont manqué au rendez-vous de l'emploi. Il est nécessaire de réorienter ces crédits vers un fonds national et des fonds régionaux d'emploi et de formation, avec des soutiens aux crédits bonifiés pour les PME et des programmes de formation.

Je rappelle tout de même que, en vingt ans, les cadeaux offerts sur l'impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle et les exonérations de cotisations sociales, se sont élevés à 450 milliards d'euros, soit la moitié de la dette négociable.

M. Alain Bocquet. Absolument !

M. Jean-Claude Sandrier. Pour ce qui est de la fiscalité locale sur les entreprises, nous préconisons une taxation sur les actifs financiers qui ont augmenté de 107 % en dix ans. Ils sont aujourd'hui de 3 500 milliards d'euros. Avec une taxe à 1 %, dans le cadre d'un fonds péréqué, 35 milliards d'euros seraient dégagés pour le développement des territoires.

De même, nous nous prononçons pour une taxation des plus-values boursières au même taux que les salaires, ce qui dégagerait 20 milliards d'euros utiles à la protection sociale.

Enfin, les profits des groupes pétroliers sont tels qu'une taxe exceptionnelle devrait être instaurée. Le groupe Total, par exemple, a dégagé 19 milliards de bénéfices nets en dix-huit mois, en partie sur le dos des Français. Une taxation à 10 % serait une mesure de justice.

Nous proposons également une réelle maîtrise des dépenses fiscales, des niches fiscales et des régimes dérogatoires qui, comme l'avait indiqué feu le conseil des impôts, sont des éléments discriminants au profit des plus aisés. Cela est d'autant plus d'actualité que ces régimes dérogatoires n'ont pu faire l'objet d'une évaluation prouvant leur efficacité. Certains, comme le régime dit du bénéfice mondial consolidé, sont de véritables encouragements à l'évasion fiscale.

Avec de telles ressources nouvelles, avec la réorientation de l'investissement vers la production et les dépenses d'avenir, et non vers la spéculation, avec une réelle action sur le pouvoir d'achat, c'est tout un pays, tout un espace qui pourrait se remettre dans le bon sens, un pays dans lequel l'investissement public, la recherche, l'éducation ne seraient plus déprimés.

J'insiste sur la recherche car, du côté du Gouvernement, des annonces tonitruantes, tentant de répondre aux inquiétudes des chercheurs, se sont succédé. La hausse de 3,2 % n'est ni plus ni moins que le respect de la loi de programmation votée l'an dernier, mais elle est loin de répondre aux enjeux du pays, car ce sont 17 milliards d'euros qui seraient nécessaires pour atteindre l'objectif dit de Lisbonne. De plus, la priorité est clairement donnée aux agences de financement sur projets, donc au privé. Ces agences totalisent 985 millions d'euros sur le milliard d'euros de crédits supplémentaires annuels promis aux chercheurs.

Ainsi l’effort en matière d’emplois, à parité entre l'université et les organismes, qui devait donner 3 000 créations de postes, ne serait finalement que de 2 000. Un effort bien supérieur sur l'innovation, comme sur la formation et l'éducation, devrait être consenti, car c'est à ce prix que l'on échappera à la course aux bas salaires et à la précarité, porteurs d'inégalités et de misère, et que l'on construira une économie vraiment efficace, créatrice de vrais emplois.

De même, une action résolue sur les salaires, pour que le rapport entre salaires et profits redevienne plus favorable aux revenus du travail, est une impérieuse nécessité.

Voilà les quelques pistes que, au nom du groupe des députés communistes et républicains, je tenais à apporter au débat.

Les inégalités, les fractures sociales et sociétales exigent des choix qui ne peuvent se faire au fil de l'eau : il faut s’attaquer au problème fondamental de la répartition et de l'utilisation des richesses, sinon nous créerons des désillusions qui pourraient nous conduire au pire.

Mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2007 ne fera qu'aggraver les inégalités et ne répond nullement aux enjeux du pays. Non seulement il n'y a pas lieu d'en débattre, mais il est urgent de proposer un autre budget assis sur la priorité accordée aux êtres humains et non au capital. Je vous propose donc d’adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur le député Sandrier, d’abord, même si je n’approuve rien de ce que j’ai entendu, je dois reconnaître que vous avez travaillé votre intervention.

M. Alain Bocquet. Tout à fait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Elle était documentée, très largement inspirée de toutes les lectures, de droite comme de gauche, et peut-être un peu orientée car, quelle que soit la source que vous prenez, vous trouvez de quoi servir vos thèses. Je m’inquiète toujours de ces vieilles techniques – venues d’une culture politique qui est plus la vôtre que la mienne – consistant à découper des bouts de phrases pour faire des rhétoriques passionnantes.

M. Daniel Paul. Vous êtes vous-même un spécialiste !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout état de cause, monsieur Sandrier, il faudrait retirer le mot « néofasciste » de votre intervention. Je ne peux en effet imaginer qu’un homme de dialogue comme vous, bien loin des communistes de l’ancienne époque, puisse faire un tel procès d’intention à l’égard d’une majorité que vous combattez, mais que vous respectez. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Claude Sandrier. Je ne vous accusais pas !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’avez pas compris le sens de la phrase !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est des mots qui blessent et que j’aurais préféré ne pas entendre !

M. Alain Cousin. C’est inacceptable !

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’était pas à votre adresse, monsieur Copé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour le reste, monsieur Sandrier, sur tous les sujets que vous avez évoqués, nous ne sommes d’accord sur rien, et ce pour une raison simple : vous pensez pouvoir construire une société dont la recette publique viendrait de votre aptitude à faire payer ceux que vous appelez les riches. À force de vouloir faire payer les riches, il n’en restera plus car ils seront partis ! Vous n’aurez alors plus aucunes ressources sur lesquelles vous appuyer, sauf à prélever sur les classes moyennes, c’est-à-dire sur ceux qui travaillent dur pour assurer l’essentiel de la solidarité nationale.

Monsieur Sandrier, c’est précisément l’inverse que nous faisons. Nous présentons un budget qui, en fin de législature, apporte la démonstration qu’il est possible de réduire les dépenses, de baisser les impôts, de rendre du pouvoir d’achat aux Français, de financer toutes les grandes priorités sur lesquelles nous nous sommes engagés, et ce en réduisant les déficits et les dettes qui pèsent sur l’avenir de nos enfants. C’est bien la politique de désendettement qui est l’alpha et l’oméga de l’objectif que nous poursuivons au service de l’intérêt national.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’invite donc l’Assemblée à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Avant d’entrer dans le vif du sujet, ce que nous pouvons effectivement reconnaître à notre collègue M. Sandrier, c’est sa cohérence et sa persévérance dans le discours. Depuis maintenant quatre lois de finances, nous entendons ce même discours, que le parti communiste a d’ailleurs également servi à une époque où il était dans la majorité et demandait au gouvernement de l’époque, qui ne l’entendait pas ou que partiellement, de mettre en œuvre cette politique dont nous constatons aujourd’hui les conséquences. Je veux parler, entre autres, des trente-cinq heures…

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Voilà !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes des obsédés !

M. Michel Bouvard. …qui, en quelque sorte, sont au budget ce que les sous-munitions sont à la guerre : une arme qui fait des dégâts après que le conflit a cessé ! Malheureusement, nous sommes bien dans cette situation s’agissant des dégâts faits par les 35 heures à l’économie française.

Cela étant dit, je suis toujours stupéfait par une lecture aussi partielle des choses. Ainsi en ce qui concerne l’accroissement du produit fiscal au cours de l’exercice qui va se terminer au 31 décembre, M. Sandrier voit la hausse de la TVA, mais pas celle de l’impôt sur les sociétés. Or, et cela a été rappelé par le rapporteur général du budget, le produit de l’impôt sur les sociétés a considérablement progressé. Or c’est bien ce que le parti communiste recherche, à savoir une taxation de l’outil de travail !

M. Daniel Paul. Non, vous faites un amalgame !

M. Michel Bouvard. Il devrait donc se réjouir de ce surplus de recettes dont il pense qu’il pourrait financer des actions qu’il préconise.

Bien évidemment, mes chers collègues, cette question préalable n’a pas lieu d’être adoptée et notre groupe la rejettera, comme elle l’a toujours fait des motions du groupe communiste.

M. Alain Bocquet. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre délégué au budget, vous avez commencé une comparaison intéressante entre la politique du gouvernement de Lionel Jospin et celle suivie depuis 2002, mais vous vous êtes brusquement interrompu lorsqu’il s’est agi de la dette. Il est vrai que la comparaison n’est pas à votre avantage puisque, si elle représentait 58 % du PIB sous le gouvernement Jospin, elle est aujourd’hui de 66 %.

M. Franck Gilard. Et les 35 heures ? Il fallait bien payer vos dettes !

M. Augustin Bonrepaux. Vous nous dites que le chômage baisse. Est-ce vraiment un exploit de l’avoir ramené au niveau où vous l’avez trouvé ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Attendez !

M. Augustin Bonrepaux. Dans le même temps, le nombre de RMistes a augmenté, 300 000 chômeurs de longue durée bénéficiant − à la suite de vos transferts − du RMI, payé désormais par le département.

Vous nous dites ensuite que le pouvoir d’achat progresse. Vous êtes bien les seuls à constater une amélioration en la matière. Comme l’a souligné Jean-Louis Dumont, il faudrait demander leur avis sur le sujet aux retraités et aux petits salaires d’autant que, dès que l’on note une amélioration des salaires, elle est rognée par les augmentations de vos prélèvements. Tout le monde a supporté le prélèvement de la CSG, mais il a pesé davantage sur les plus modestes, qui, eux, n’ont bénéficié ni de l’allégement de l’impôt sur le revenu ni de l’abaissement de l’ISF.

M. Philippe Rouault. Dont le produit a augmenté !

M. Augustin Bonrepaux. Je vous rappelle, mes chers collègues de la majorité, que, pendant ces cinq années, à chaque budget, dans chaque loi qui le permettait, votre seule préoccupation a été de réduire l’impôt de solidarité sur la fortune.

Vous aviez promis une baisse des prélèvements obligatoires. Seuls ceux qui acquittent l’ISF l’ont constatée. Pour les autres, ce fut une augmentation.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Évidemment, avec les régions !

M. Augustin Bonrepaux. Vous vous en prenez maintenant aux collectivités locales. Je suis étonné, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas été tenté de comparer l’évolution de leur situation de 1997 à 2002 puis de 2002 à aujourd’hui.

M. Roland Chassain. Qui a supprimé la vignette ?

M. Augustin Bonrepaux. Dans la première période, les collectivités locales se sont désendettées. Certaines ont même baissé les impôts et la majorité ne les a pas augmentés. Demandez-vous donc pourquoi, depuis, les impôts des collectivités locales augmentent.

M. Philippe Rouault. Les 35 heures !

M. Augustin Bonrepaux. Et ne me dites pas que ce sont uniquement les collectivités de gauche. Voulez-vous que je vous cite tous les départements de droite qui ont augmenté leurs impôts ? (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non, parce que nous n’aurions plus le temps de voir à la télévision le débat entre Ségolène Royal, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn !

M. Augustin Bonrepaux. Commençons par le Var, poursuivons avec la Marne (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et par d’autres !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. On nous l’a déjà fait !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, c’est la réalité.

M. Philippe Rouault. On a dû financer les SDIS !

M. Augustin Bonrepaux. Si les collectivités locales augmentent leurs impôts, c’est à cause du transfert du RMI. Aujourd’hui, le Gouvernement doit près de 2 milliards aux collectivités locales :…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais non !

M. Augustin Bonrepaux. …850 millions au titre de 2005 et plus de 1 milliard au titre de 2006.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est complètement faux ! Ces chiffres sont fantaisistes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. N’importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Quand les rembourserez-vous ?

Ce n’est pas n’importe quoi, et pour deux raisons : le nombre de RMistes s’accroît et vous augmentez les indemnités de RMI − ce qui est tout à fait normal −, mais la compensation, elle, ne progresse pas.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est ça ! Je n’arrête pas de signer des chèques !

M. Augustin Bonrepaux. Aujourd’hui, il s’agit de 1 milliard ; à la fin de l’année, ce sera 1,2 milliard ; sur deux ans, cela fera 2 milliards. C’est incontestable et je ne parle pas du transfert des TOS et de tout le reste.

Pour votre information, je vous indique que la commission consultative d’évaluation des charges a reconnu à l’unanimité, majorité et opposition confondues, que le transfert des routes nationales se traduirait par une augmentation encore plus importante des dépenses des départements.

C’est vous qui êtes responsable de tout cela. La question préalable de nos collègues est donc tout à fait justifiée et nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre délégué, permettez-moi de commencer par une mise au point.

Tout à l’heure, notre collègue Jean-Claude Sandrier ne vous a pas traités de néofascistes. Ce sont des notions avec lesquelles on ne plaisante pas.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Retirez ce qui a été dit, alors !

M. Jean-Pierre Brard. Sûrement pas ! Notre collègue a dit que la majorité faisait le lit de l’extrême droite en favorisant la pauvreté.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On va considérer que ce n’était pas le meilleur de son intervention !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’êtes pas obligé d’être d’accord avec lui, mais vous êtes obligé de reconnaître qu’il a raison (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) quand il dit que votre politique, qui fabrique des pauvres par millions en même temps que vous remplissez les coffres des privilégiés et développez, avec votre ami Sarkozy, une politique sécuritaire qui, tous les jours, est en échec…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. …fait le lit de l’extrême droite. Cela ne revient pas à vous confondre avec l’extrême droite. C’est plus qu’une nuance ; c’est une différence essentielle.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est une insulte !

M. Jean-Pierre Brard. Dire de quelqu’un qu’il est d’extrême droite, ce n’est pas l’insulter, c’est constater une réalité, mais nous n’avons jamais dit que vous apparteniez à l’extrême droite.

À l’évidence, messieurs les ministres, chers collègues, nous ne fréquentons pas les mêmes gens, nous ne sommes pas du même monde, nos inclinations et nos solidarités ne vont pas dans les mêmes directions. Vous, c’est le palais Brongniart …

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il n’y a plus personne, au palais Brongniart !

M. Jean-Pierre Brard. …nous, c’est plutôt le Panthéon, avec Jaurès et Jean Moulin. Vous, c’est le CAC 40 ; nous, ce sont les valeurs de l’éthique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Franck Gilard. Le goulag, camarade !

M. Philippe Rouault. Le pacte germano-soviétique !

M. Jean-Pierre Brard. Le tumulte et la quantité des décibels, même non cotés au CAC 40, ne suffisent pas à étouffer mon propos et à faire oublier la moralité des politiques que nous proposons, alors que vous ne pensez qu’à enrichir ceux qui n’ont besoin de rien.

Dans sa défense de la question préalable, notre collègue a dit qu’il fallait connaître la pauvreté. La pauvreté, monsieur Breton, vous ne savez pas ce que c’est, et je ne suis pas sûr que Mme des Esgaulx l’approche de très près…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Oh !

M. Jean-Pierre Brard. …ou, en tout cas, qu’elle s’en émeuve beaucoup. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est grave !

M. Franck Gilard. C’est insupportable !

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez des classes moyennes, mais vos classes moyennes, c’est une auberge espagnole : vous y mettez les privilégiés et les grands bourgeois que vous fréquentez, en même temps que les couples d’enseignants ou, même, les couples de médecins hospitaliers qui ne sont pas des riches et pâtissent également de votre politique. Les vraies classes moyennes − pas celles qui vous servent d’alibi pour cacher ceux dont vous êtes ici les représentants, c’est-à-dire les privilégiés − sont prêtes à payer des impôts…

M. Franck Gilard. À Montreuil, peut-être !

M. Jean-Pierre Brard. …si elles savent que c’est utile, que cela doit financer un projet pour l’éducation, une politique du logement, une politique de santé. Contrairement à ce que vous dites, les classes moyennes ne sont pas composées d’égoïstes. Vous devriez être attentif aux prévisions de M. Touati qu’a rapportées notre collègue Jean-Claude Sandrier.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le cardinal Touati !

M. Jean-Pierre Brard. J’ai entendu M. Auberger dire que, de toute façon, M. Touati quittait Natexis, mais je ne vois pas ce que cela change à la qualité de ses prévisions. Entre la boule de cristal de M. Breton et les prévisions de M. Touati, je n’hésite pas un instant : je sais sur quoi m’appuyer et quelles références choisir.

Vous donnez une vision catastrophique de la situation. Seules trouvent grâce à vos yeux les améliorations récentes qui seraient dues à votre politique. La situation n’a jamais été catastrophique du point de vue de l’attractivité de notre pays. Les impôts n’ont jamais fait fuir qui que ce soit…

M. Philippe Rouault. Yannick Noah !

M. Jean-Pierre Brard. …hormis quelques personnes qui allaient autrefois se réfugier à Coblence et qui, aujourd’hui, vont à Francfort, à Bruxelles ou à Londres. Ne confondez pas ces quelques personnes, qui n’ont aucunement la fibre nationale…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ah, les fameux « mauvais Français » !

M. Jean-Pierre Brard. …avec la masse des acteurs économiques de notre pays.

Je trouve symbolique que nous ayons ce débat en cette journée mondiale du refus de la misère. Pendant que des militants, fidèles à la parole du père Wresinski, se rassemblent en ce moment place du Trocadéro pour combattre la misère, d’autres, avec cynisme, développent les politiques qui augmentent le nombre de pauvres et de miséreux.

Le jour où la gauche reviendra au pouvoir, il faudra augmenter la fiscalité. Il faudra supprimer les stock-options. Il faudra rétablir la progressivité de l’impôt. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Micaux. Il faudra !

M. Jean-Pierre Brard. Il faudra que l’IRPP soit la source principale du budget, et non pas la TVA, qui est l’impôt sur les pauvres.

M. Pierre Micaux. Il faudra !

M. Jean-Pierre Brard. Il faudra revenir à un système fiscal plus juste, plus progressif, fusionner l’IRPP et la CSG.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est bien, la planète Mars !

M. Jean-Pierre Brard. Pardon, monsieur Micaux ?

M. Pierre Micaux. Il faut ! Il n’y a qu’à !

M. le président. Allez vers votre conclusion, monsieur Brard. Ne vous laissez pas interrompre.

M. Jean-Pierre Brard. Ma conclusion ne tardera pas.

M. Hervé Mariton. Il dépasse ses cinq minutes !

M. Jean-Pierre Brard. Je terminerai par un mot à l’intention de notre collègue Michel Bouvard, qui est méticuleux, attentif, qui travaille beaucoup, mais dont la formation économique est un peu défaillante.

Monsieur Bouvard, il ne faut pas confondre toutes les formes de capital. Je vous recommande la lecture de quelques pages fort utiles du Capital, car elles manquent à votre culture générale. Vous apprendrez ainsi qu’il faut distinguer le capital mort, le capital vivant, le capital spéculatif et la plus-value extra sur laquelle surfent vos amis.

Voilà votre politique : la progression du nombre de RMistes à Montreuil, c’est votre Gouvernement qui en est responsable. Aujourd’hui, 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère, vous montrez que vous enrichissez les plus riches et fabriquez des gens qui sombrent dans la misère. C’est votre politique, monsieur Breton. Pour la connaître, il faut franchir le périphérique : je vous y invite une fois encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, mes chers collègues, à elles seules, les explications de notre collègue M. Brard suffiraient pour que le groupe UDF vote contre cette question préalable.

M. Jean-Pierre Brard. Ah, les aristocrates frémissent !

M. Charles de Courson. Tout d’abord, les députés du groupe communiste seraient plus crédibles si, pendant les cinq années du gouvernement Jospin, ils avaient voté une seule fois contre le budget. Or ils se sont toujours couchés ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. − Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En contrepartie d’amendements secondaires, ils s’abstenaient courageusement. Nous, l’année dernière, nous avons voté contre le budget. Si vous aviez fait de même, vous commenceriez à être respectés.

M. Jean-Pierre Brard. Vous saviez que ça ne porterait pas à conséquence, car vous ne comptez pour rien !

M. Charles de Courson. Par ailleurs, notre collègue M. Brard dit que, pour remédier à la situation des finances publiques, il faut augmenter les impôts.

M. Jean-Pierre Brard. Exactement !

M. Charles de Courson. Mon cher collègue, vous prétendez être proche du peuple.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas que j’en suis proche, c’est que j’en fais partie, ce qui n’est pas votre cas.

M. Charles de Courson. Ne faites pas de racisme social !

Monsieur Brard, si vous connaissiez un peu intimement la réalité sociale de notre pays, vous sauriez que, depuis dix ans, les retraités perdent un point de pouvoir d’achat chaque année.

M. Jean-Pierre Brard. Nous l’avons dit !

M. Charles de Courson. D’après une étude récente, 40 % des cadres verraient leur pouvoir d’achat baisser.

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons parlé des vraies couches moyennes. Que n’écoutiez-vous !

M. Charles de Courson. Si vous augmentez les impôts, vous accentuez la baisse du pouvoir d’achat de ces catégories sociales.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Évidemment !

M. Charles de Courson. Si vous aviez un peu de sens social, vous comprendriez que la seule solution, c’est de gérer les dépenses publiques avec rigueur. Que cela ne vous fasse pas plaisir, je le comprends, mais c’est la dure vérité.

Enfin, vous avez partiellement raison à propos du problème des collectivités locales. À cet égard il faut dire la vérité : dans les conseils régionaux, les majorités de gauche ont augmenté les impôts de façon abusive. Cela a été justifié non par des dépenses qui leur étaient imposées, mais par des choix politiques.

M. Michel Bouvard. Pour bâtir des palais régionaux !

M. Charles de Courson. Assumez !

La situation est bien différente dans les conseils généraux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Le département de la Marne augmente les impôts !

M. Charles de Courson. Mon cher collègue, vous êtes mal renseigné. Le conseil général de la Marne n’augmentera pas ses impôts en 2007 et il ne les a pas augmentés en 2006.

M. Augustin Bonrepaux. Et en 2005 ?

M. Jean-Pierre Brard. Et l’arnaque à la vignette ?

M. Charles de Courson. Nous, pendant vingt ans, nous n’avons cessé de les maintenir au même niveau, voire de les baisser. Je pense donc pouvoir parler de la rigueur.

Toutefois le fait que l’État utilise les conseils généraux pour distribuer des prestations sociales qu’il est le seul à définir, sans qu’aucune possibilité de modulation ne leur soit accordée, aboutit dans tous les départements à des hausses de l’ordre de 5 % des dépenses sociales, lesquelles représentent les deux tiers des dépenses de fonctionnement. Personne ne peut le contester.

En face, on n’a pas eu le courage de moderniser la fiscalité locale de façon que nous puissions assumer nos responsabilités fiscales devant nos électeurs. Le Gouvernement mène une politique thatchérienne partagée d’ailleurs avec la gauche, qui n’a cessé de voter, sous le gouvernement Jospin, des mesures visant à réduire l’autonomie fiscale des collectivités territoriales.

M. Alain Bocquet. Pas toute la gauche !

M. Charles de Courson. Peut-être, mais ces mesures sont passées alors que le parti communiste avait le moyen politique de l’empêcher en votant contre le budget, ce qu’il n’a jamais fait.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. En tout cas, s’agissant de la situation des départements, notre collègue a raison. Je fais d’ailleurs toujours remarquer ici à M. Mariton qu’il a tort de faire croire que tous les conseils généraux ont une façon de gérer qui est incroyable et qu’ils augmentent les impôts, car, rappelons-le, quarante-huit d’entre eux sont tout de même dirigés par des coalitions de la droite, du centre et des divers. Il faut donc être un peu sérieux !

Quant aux impôts des communes, on ne peut parler d’excès patents.

Restons donc un peu modérés dans nos propos : ce n’est pas le Gouvernement, quel qu’il soit, qui portera une appréciation ultime sur ce point, mais les électeurs et personne d’autre.

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion générale et discussion des articles du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)