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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 18 octobre 2006

16e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Souhaits de bienvenuE
à une délégation parlementaire

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’Assemblée de la République d’Albanie, conduite par son vice-président, M. Beja. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste

Agence de prévention et de surveillance
des risques miniers

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida.

M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur le ministre de l’industrie, vous voulez supprimer l’Agence de prévention et de surveillance des risques miniers, créée en 1999.

Cette agence répond à un véritable besoin et présente la particularité d'être administrée à parité par les représentants de l'État, les exploitants et les élus locaux.

Cet établissement public est une garantie quant à l’organisation d’une réelle concertation sur les problèmes de l'après-mines, qui concernent quatre millions d'habitants et 800 communes.

Or, depuis le début de son existence, cette agence n'a jamais eu les moyens de fonctionner correctement, malgré des besoins énormes. Dès lors, il est fallacieux de déclarer qu'elle est inutile et que sa suppression serait donc sans conséquences. Cet établissement, devrait être, au contraire, un formidable outil de concertation, de médiation et de gestion de l'après-mines.

De plus, abroger un texte de loi voté à l'unanimité par les deux assemblées porterait atteinte à l'équilibre de nos institutions parlementaires. Cette abrogation est d'autant moins acceptable que vous en êtes à l’origine alors que vous êtes du corps des mines. Les liens entre les exploitants et l'administration chargée des mines sont étroits et séculaires. Cette abrogation serait un flagrant déni de démocratie et un mépris total de tous les représentants élus du peuple français.

Allez-vous revenir, monsieur le ministre, sur la suppression de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers ? Allez-vous lui fournir les moyens de fonctionner, en donnant ainsi raison aux représentants du peuple, députés et sénateurs, unanimes contre l'administration française, qui pense trop souvent détenir la vérité révélée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Je vous remercie, monsieur Kucheida, d’avoir rappelé toute l’importance que j’accorde aux problèmes miniers. Je suis d’ailleurs attentivement les opérations que vous menez en ce domaine.

Je rappelle à l’Assemblée que nous avons mis en place, l’année dernière, une agence nationale de garantie du droit des mineurs. Elle est soumise, sous l’autorité de son nouveau directeur général, à un certain nombre d’obligations très strictes en matière de qualité de service et de délai de versement des prestations. Elle dispose de moyens de fonctionnement importants pour les respecter.

J’ai publié dernièrement un arrêté, pour que soient pris en compte l’ensemble des us et coutumes. Un nouvel arrêté est prévu pour qu’ils le soient dans leur totalité.

Vous m’avez interrogé sur la concertation entre l’agence et les collectivités locales. Aucune décision n’a été prise, vous le savez. Je vais recevoir prochainement le président de l’agence, ce qui me permettra de faire le point sur le fonctionnement de celle-ci.

D’autres préoccupations concernant les problèmes miniers existent. Les questions de logement se posent dans certaines régions, notamment dans le Midi de la France. J’ai demandé au président de Charbonnages de France de recevoir les syndicats. Lundi prochain, ils examineront l’ensemble de ces sujets.

En ce qui concerne les expropriations, l’État a versé en temps et en heure les crédits nécessaires aux expropriés. Les résultats sont donc satisfaisants.

Je voudrais, monsieur Kucheida, que vous reconnaissiez que l’État, dans ce domaine, fait totalement son devoir. La concertation, que vous appelez de vos vœux, sera bien évidemment poursuivie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Instituts universitaires
de technologie

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Rochebloine. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Chacun convient aujourd’hui de l'importance et de la qualité du réseau des formations dispensées par les instituts universitaires de technologie. Nos IUT sont reconnus comme l'interface la plus élaborée entre l'université et les milieux professionnels. Or il nous faut constater, de manière objective, que leur situation se dégrade régulièrement du fait de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement réellement attribuée par l'État.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Pour 2006, il manque 7,7 millions d’euros pour atteindre les objectifs de financement que le ministère avait fixés en 2003.

Cette situation est d'autant plus regrettable que les effectifs des IUT ont augmenté ces dernières années, que les charges de fonctionnement se sont alourdies et que le renouvellement des plateaux techniques indispensables à la qualité des formations est de plus en plus coûteux.

Aujourd'hui, le réseau des IUT nous alerte dans le cadre d'une journée de sensibilisation, estimant que des mesures permettant d'enrayer la lente dégradation des moyens de financement s'imposent.

Le groupe UDF souhaite, monsieur le ministre, savoir ce que vous comptez faire pour soutenir les instituts universitaires de technologie, qui constituent un maillage serré du territoire, et reconnaître ainsi qu'ils sont un modèle de professionnalisation performant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur Rochebloine, j’ai, avec vous, un point d’accord et un point de désaccord.

Le point d’accord : les instituts universitaires de technologie sont, en effet, une véritable réussite. Les IUT fêtent leurs quarante ans. Ils sont la preuve que l’on peut à la fois atteindre le meilleur niveau universitaire et dispenser en même temps des formations proches des employeurs, des milieux professionnels, garantissant une excellente insertion professionnelle des diplômés.

Les IUT sont une réussite : ils maillent le territoire, ils permettent soit des poursuites d’études généralement couronnées de succès, soit une entrée dans le monde du travail après deux ans, avec également de très belles réussites.

Le point de désaccord réside dans les moyens. Nous avons, monsieur Rochebloine, créé, lors de cette rentrée, dix nouveaux départements d’IUT, au lieu des trois ou quatre qui étaient habituellement créés jusque là, chaque année.

Nous créons, pour cette rentrée, 150 emplois pour les IUT. Nous augmentons de près de 3 % la dotation de fonctionnement, qui n’est pas la seule recette des budgets des IUT. Nous sommes donc nombreux à partager l’intérêt que vous manifestez pour les IUT.

Je ne peux que vous encourager, vous et le groupe UDF, à voter le projet loi de finances. Vous augmenterez ainsi les moyens des IUT, comme nous le souhaitons très fermement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Rochebloine. Respectez les objectifs de 2003 !

Pouvoir d'achat des retraités

M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Gilbert Biessy. Monsieur le Premier ministre, en « cette semaine bleue », les retraités manifesteront, demain 19 octobre, dans toute la France pour clamer combien leur vie est loin d'être rose.

Ils revendiquent légitimement une revalorisation de leur pouvoir d'achat. Comme beaucoup de nos concitoyens, ils n'échappent pas au spectre de la pauvreté. En 1996, 430 000 retraités vivaient avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Ils sont aujourd'hui près de 700 000.

Nous ressentons aujourd’hui cruellement les effets injustes de la réforme des retraites de 2003 et le maintien des décrets Balladur sur le calcul des pensions.

Alors que les salariés, eux aussi victimes d'une baisse sensible de leur pouvoir d'achat, ont obtenu un léger coup de pouce cet été, les pensions de retraite ont été les grandes oubliées. Elles n’ont bénéficié que d’une revalorisation équivalente au niveau de l'inflation, soit 1,8 %. Pourtant, comme les salariés, les retraités subissent de plein fouet l'augmentation du coût de la vie, avec les hausses de loyer, de l’énergie, de la fiscalité ou encore de la santé.

Ils seront les premiers concernés lors de la prochaine et honteuse vague de déremboursements, notamment avec les médicaments prescrits dans le cas de troubles de la mémoire ou de crise d'artérite. Cela augmentera encore le coût des soins restant à leur charge.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Gilbert Biessy. Les retraités ne doivent pas être les laissés-pour-compte de la politique du Gouvernement. L'argent coule à flot dans notre pays. Il serait possible de satisfaire leurs besoins. Cela relève d’un choix politique et budgétaire.

M. Yves Nicolin. Démago !

M. Gilbert Biessy. Monsieur le Premier ministre, plutôt que de faire la part belle aux plus riches avec votre loi de finances et de rester admiratif devant les records boursiers des grandes entreprises, redistribuez les richesses en faveur des retraités et augmentez sensiblement les pensions afin qu'il n'y ait pas de retraites inférieures au SMIC ! C'est la solidarité qui fait la grandeur d'un pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Biessy, qui sont les vrais défenseurs du pouvoir d’achat des retraités ? (« Pas vous ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ceux qui ont laissé se préparer le naufrage de l’assurance vieillesse, pendant cinq ans, sans rien faire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ou ceux qui ont eu le courage de réformer nos retraites pour en assurer la sauvegarde ?

M. Michel Lefait. C’est une bombe à retardement !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Dois-je vous rappeler, monsieur Biessy, qu’en sauvegardant les retraites du régime général, nous n’avons pas pensé aux détenteurs de gros patrimoines, mais aux salariés retraités qui n’ont que leur pension pour vivre ? Il était donc essentiel que cette réforme ait lieu.

Vous semblez avoir oublié, monsieur le député, que ce n’est pas vous qui avez permis à 350 000 personnes, souvent des ouvriers, qui ont commencé à travailler à treize, quatorze, quinze ou seize ans de pouvoir partir à la retraite avant d’avoir atteint l’âge de soixante ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous, nous l’avons fait !

M. Michel Lefait. Vous n’avez rien fait !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le pouvoir d’achat de ces retraités est bien supérieur à ce qu’il aurait été si la réforme des retraites n’avait pas été adoptée.

Qui a introduit la garantie fondamentale qu’aucune retraite ne peut être inférieure à 85 % du SMIC ? Ce n’est pas vous, mesdames et messieurs de l’opposition ! C’est encore nous qui l’avons fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Qui a décidé, il y a quelques semaines, que les 300 000 petites retraites agricoles, liquidées avant 2002 seraient augmentées jusqu’à 20 %, 40 % pour les conjoints ? Ce n’est pas vous !

M. Jean Glavany. Vous n’y connaissez rien !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C’est le Président de la République, il y a quelques jours à peine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Qui a décidé d’augmenter les aides pour l’affiliation à une mutuelle, afin d’obtenir une couverture supplémentaire en cas de problème de santé ? Ce n’est pas vous non plus ! C’est encore nous ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle est de 400 euros par mois et nous allons encore l’augmenter dans la loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements plusieurs les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Telle est la réponse de ceux qui s’occupent vraiment du pouvoir d’achat des retraités. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)


Sécurité dans les transports en commun

M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe UMP.

Mme Chantal Bourragué. Ma question s'adresse à M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Plus d'un million de Français empruntent quotidiennement les transports en commun pour se rendre à leur travail. Or, vous le savez, de nombreuses agressions ont eu lieu dans les trains, les bus, les métros et les tramways, lesquelles ont fait la une de nos journaux en 2005 et 2006.

Dans la nuit du 31 décembre dernier, le train régional Nice-Lyon a été le théâtre de violents incidents. Personne n'a oublié qu'une bande de jeunes délinquants a injurié et violenté les voyageurs, durant cette nuit.

Parce que chacun a le droit de se déplacer sans être inquiété, vous aviez réaffirmé votre détermination, monsieur le ministre d’État, à lutter, sans relâche, contre la délinquance et l'insécurité dans les transports.

M. David Habib. C’est raté !

Mme Chantal Bourragué. Pour préserver notre droit d'emprunter en toute tranquillité les transports en commun dans notre vie quotidienne, vous avez, en janvier 2006, créé une police ferroviaire des transports.

Pleinement opérationnelle, depuis le mois de juin dernier, la police ferroviaire est chargée de coordonner sur l'ensemble du territoire l'action du service régional de la police des transports. Afin de lui permettre d'obtenir des résultats, vous aviez annoncé qu'elle fonctionnerait en collaboration avec la SNCF et la RATP.

M. Michel Lefait. La question !

Mme Chantal Bourragué. Après quelques mois de fonctionnement, pouvez- vous, monsieur le ministre, nous dresser un bilan de son action ? Les Français peuvent-ils désormais emprunter sans crainte les transports en commun ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Madame la députée, les personnes qui empruntent les transports en commun n’ont bien souvent pas d’autre choix. Or il est du devoir d’une démocratie et d’une république de faire en sorte que nul n’ait peur, ni pour lui-même ni pour les siens, en utilisant les transports en commun.

M. Patrick Lemasle. Cela fait cinq ans maintenant que vous vous occupez de la sécurité !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. La situation que nous avons trouvée en arrivant au pouvoir était catastrophique : là encore, les chiffres sont incontestables. La délinquance dans les transports en commun avait littéralement explosé, augmentant de 30 % en 2000-2001. (« Tout à fait » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Bianco. Cela fait cinq ans que vous êtes au pouvoir !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Face à cette situation, nous avons, madame Bourragué, essayé de réorganiser les services de sécurité en région parisienne et nous avons créé la police des transports.

M. Patrick Lemasle. Aujourd’hui, c’est un échec.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce sont aujourd’hui 1 300 trains qui sont quotidiennement sécurisés en région parisienne. Et la délinquance dans les transports en commun – là où elle avait augmenté de 30 % en 2000-2001 – a reculé de 8 % l’an passé.

Mme Martine David. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ces chiffres, résultant du même appareil statistique, sont incontestables. Je mets d’ailleurs quiconque au défi de les contester. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine David. Ils sont faux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le système a si bien fonctionné en Île-de-France que des élus de gauche comme de droite nous ont demandé de créer le même à Lille, Lyon et Marseille. J’en appelle au témoignage des maires de ces villes. Nous avons donc mis en œuvre ce système en 2005 à Lille, Lyon et Marseille. Le résultat ne s’est pas fait attendre : dès 2005, la délinquance a diminué de 7 % dans les transports en commun de ces villes ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Et ce n’est pas tout, mesdames et messieurs les députés : en 2006, nous avons demandé, et nous en avons parlé avec le Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),…

M. Jean Glavany. Ah ! Vous vous parlez ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. … de mettre en place ce système de sécurité pour les TER. (Mêmes mouvements.)

Si la situation dans les TER ne vous intéresse pas, mesdames, messieurs de l’opposition, elle intéresse certainement ceux qui nous regardent et qui empruntent ces trains ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons donc, en 2006, créé un nouveau système dans les TER. Eh bien, madame Bourragué, neuf mois après, les résultats sont là : la délinquance a reculé de 4 % parce que, désormais, la police des transports est coordonnée.

Vous le voyez, il y a d’un côté le bilan accablant de la gauche et de l’autre, le nôtre, dont nous n’avons pas à rougir, loin de là ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.– Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Darfour

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Guibal. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

La guerre qui, depuis février 2003, ensanglante le Darfour, au nord-ouest du Soudan, a provoqué, sur fond de manne pétrolière, 1'une des plus graves catastrophes humanitaires de ce début de siècle. Et celle-ci semble s'aggraver de jour en jour.

En effet, 300 000 personnes sont mortes, 230 000 sont réfugiées dans des camps et près de 2 millions ont été déplacées. Assassinats, viols, tortures, enlèvements de femmes et d'enfants pour les réduire en esclavage, sont rapportés par les ONG présentes sur place.

Une commission d'enquête internationale mise en place par les Nations unies, considère que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont été commis au Darfour. La Cour pénale internationale a été saisie.

Ce désastre humanitaire semble avoir été provoqué par la politique de répression lancée par le gouvernement soudanais contre les populations négro-africaines. Certains parlent même de « nettoyage » ethnique au bénéfice de tribus arabes. Ils craignent que le Soudan ne soit un Rwanda au ralenti et à huis clos.

Outre sa dimension humanitaire, le conflit du Darfour est de nature à remettre en question l'ensemble du processus de paix au Soudan. Il risque aussi de déstabiliser les pays voisins, notamment le Tchad.

Après la signature, le 8 avril 2004, d'un accord de cessez- le-feu entre le gouvernement soudanais et les deux mouvements rebelles, la situation semblait s'être en partie stabilisée. Or, depuis le mois de septembre 2005, on assiste à une recrudescence des violations de ce cessez-le-feu. Malgré les négociations, l'intervention de l'Union africaine et les résolutions prises par l'ONU, la situation ne s'améliore pas et la crise humanitaire se fait chaque jour plus alarmante.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, comment la France se situe face à l'ampleur de cette catastrophe humanitaire et ce que fait sa diplomatie pour éviter qu'elle ne prenne des proportions encore plus inacceptables ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Sans aucun doute, monsieur le député, le conflit du Darfour est le plus grave que connaisse le continent africain, au carrefour entre le monde arabe et le monde africain.

Il y a trois risques majeurs : un risque humanitaire d’abord. Vous avez rappelé les chiffres : 300 000 morts, plus de deux millions de personnes déplacées, un tiers de la population du Darfour, et près de 300 000 réfugiés au Tchad.

Le risque est ensuite politique. C’est celui d’une partition du Soudan et de la remise en cause de l’accord de 2004 après vingt ans de guerre civile.

Enfin, il y a un risque d’instabilité régionale. Je rappelle que le Soudan est le plus grand pays africain, avec neuf pays limitrophes. Une déstabilisation est à craindre au niveau de l’Ouganda, du Tchad et de la République Centrafricaine.

Le Conseil de sécurité a agi rapidement et fermement en votant à l’unanimité la résolution 1706, qui a décidé de la plus grande opération de maintien de la paix jamais autorisée par l’ONU, avec 17 000 Casques bleus.

Au moment où je parle, les autorités soudanaises, celles de Khartoum et en particulier le président al-Béchir refusent l’arrivée des Nations unies au Soudan. Il nous paraît évident qu’il faut conforter l’Union africaine qui a décidé, à New York, en septembre, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, de rester jusqu’à la fin du mois de décembre. Il faut également aller le plus vite possible aller à Khartoum. Aujourd’hui, les présidents Obasanjo, Bongo et Wade sont à Khartoum pour demander au président al-Béchir d’accepter l’entrée des Nations unies au Soudan, dans le respect la souveraineté de ce pays. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

services à la personne

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe UMP.

Mme Chantal Brunel. Ma question s’adresse à M. le ministre le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

L’emploi constitue pour nous tous, sur ces bancs, une priorité et nous nous réjouissons de l’évolution favorable que connaît notre pays depuis plus d’un an.

La loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne participe grandement à cette évolution. Celle loi permet à notre pays de combler son retard dans un domaine qui répond aux attentes de beaucoup de nos concitoyens.

Les besoins sont énormes qu’il s’agisse de garde d’enfants, d’aide aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou tout simplement de faciliter la vie quotidienne de ceux, et en particulier des femmes, qui travaillent et qui courent après le temps.

Les nombreux outils créés ou développés ont rendu ces services plus accessibles et moins onéreux. Cela a permis la création de 65 000 emplois au premier semestre 2006, le doublement en nombre des structures agréées passant de 5 500 à 11 000 et l’adhésion de nombreuses entreprises, plutôt d’ailleurs les PME qui sont plus de 3 000 à participer au financement de ces services.

Au-delà de ces chiffres, il y a la réalité humaine. Certes, ce sont des milliers d’emplois qui sont créés, mais il s’agit d’emplois difficiles, exigeants, aux lourdes responsabilités humaines, aux horaires parfois partiels et hachés.

Que prévoit-on, monsieur le ministre, pour professionnaliser ces emplois, pour les qualifier et les valoriser ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la députée, les services à la personne connaissent un développement majeur dans notre pays, vous l’avez rappelé. Nous sommes à la veille d’une véritable révolution ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) On peut désormais acheter une heure de confort, que ce soit pour le troisième âge, pour les enfants ou pour « déboguer » l’ordinateur !

La bataille cruciale menée aujourd’hui par l’Agence des services à la personne, excellemment présidée par Laurent Hénart, c’est celle de la professionnalisation du secteur. Ces métiers de l’humain sont de grands métiers qui exigent une grande responsabilité de la part des intervenants, puisqu’ils se voient confier ce que les gens ont de plus cher – leurs aînés, leurs enfants, leur chez-soi. Cette Agence a lancé ce mois-ci les assises de la professionnalisation, assises interrégionales à Nancy, Marseille, Toulouse, Lille et Paris dans le mois qui vient afin d’aboutir à un grand programme de professionnalisation le 13 décembre à Paris. Il y sera question des conditions de travail, des conventions collectives, de la validation des acquis de l’expérience, de formations qualifiantes et de leur financement. La grande bataille des services à la personne, c’est évidemment la bataille de la qualification de l’humain. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Viticulture du midi

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dupré, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Dupré. Monsieur le Premier ministre, le Midi viticole est en crise. Il a dépassé le stade de l’exaspération : il est en désespérance, car il n'est hélas que peu ou pas entendu par votre gouvernement.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Jean-Paul Dupré. Or une véritable catastrophe sociale, économique, environnementale, s’annonce sur tout un territoire. Des milliers d'exploitants sont en situation de faillite.

Pour vous faire sortir le Gouvernement de son inertie, la fédération des caves coopératives de l’Aude vient de vous lancer un signal de détresse très fort en suspendant le paiement de la TVA et des droits d’accise.

Une réponse immédiate est indispensable. Pour ceux qui veulent continuer à exploiter leur vignoble, il faut des mesures structurelles : maintien du niveau des aides à la reconversion, plan de développement de la viticulture languedocienne, accompagnement au développement commercial, adaptations réglementaires rapides en vue de gagner en compétitivité. Pour ceux qui veulent quitter la profession de viticulteur, il convient de mettre en place un plan social, avec une prime d’abandon définitif et une préretraite, à partir de cinquante-quatre ans, de 15 000 euros par an.

Les départements viticoles du Midi sont-ils si éloignés de Paris que vous n’entendiez pas les appels de détresse de tout un peuple qui lutte aujourd’hui pour sa survie, monsieur le Premier ministre ? N’avez-vous pas déclaré ici même il y a peu : « J’écoute ceux qui désespèrent, j’écoute ceux qui s’inquiètent pour leur avenir. On ne peut remettre les décisions à plus tard » ? Agissez donc !

Souvenez-vous du printemps 1907 où l’apathie du gouvernement Clemenceau provoqua une insurrection, un mouvement de désobéissance civile dans tout le Midi avec des émeutes à Béziers, à Carcassonne, à Nîmes, à Montpellier, à Perpignan et à Narbonne avec hélas ! six morts après que l’armée eut tiré sur ceux que certains considéraient comme des gueux et des va-nu-pieds. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Souvenez-vous également de l’incident dramatique de Montredon, le 4 mars 1976.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. La question !

M. le président. Merci, monsieur Dupré !

M. Jean-Paul Dupré. Faites en sorte que l’histoire ne vous rattrape pas et répondez à la légitime attente du Midi viticole en entendant sans délai ses représentants. C’est ce que nous vous demandons, Jean-Claude Perez, Jacques Bascou et moi-même. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Dupré, vous avez raison d’interpeller le Gouvernement sur la situation difficile du Languedoc-Roussillon viticole. Il a besoin à la fois de réformes de fond et de réformes conjoncturelles, pour passer les moments difficiles.

Nous avons déjà évoqué avec vous et avec vos collègues sénateurs les exonérations de taxe sur le foncier non bâti, les allégements de charges sociales et de charges financières ainsi que les aides exceptionnelles à la trésorerie, dans le cadre de deux plans d’urgence.

Nous avons également essayé de mettre en place avec la profession des opérations de résorption des excédents pour faire en sorte d’adapter l’offre à la demande. Nous avons ainsi instauré en 2005 un dispositif de distillation dit « alcool de bouche », à laquelle nous procédons actuellement, et, au printemps 2006, nous avons rouvert la distillation de crise, ce qui n’a pas été facile à obtenir de la Commission européenne.

Par ailleurs, nous avons pris des mesures de fond, avec un plan de restructuration de la viticulture. Nous avons inscrit dans le budget qui vous sera soumis beaucoup de crédits destinés à la promotion des vins du Languedoc-Roussillon qui n’ont rien à envier en qualité aux vins d’Espagne ou aux vins du Nouveau monde. Il s’agit d’améliorer leur commercialisation car nous devons faire en sorte que les agriculteurs vendent correctement leurs vins plutôt que de nous réfugier dans un système d’aides.

Enfin, comme je l’ai déjà expliqué à vos collègues sénateurs du Languedoc-Roussillon, nous n’acceptons pas la réforme que nous propose actuellement la Commission. Nous demandons sa révision car les arrachages ne constituent pas une solution. Il nous faut une politique dynamique d’expansion du Languedoc-Roussillon et de tout le vignoble français. C’est avec tous les parlementaires de la région, par-delà nos divergences politiques, que je souhaite y travailler, monsieur Dupré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

sécurité routière

M. le président. La parole est à M. Richard Dell'Agnola, pour le groupe UMP.

M. Richard Dell'Agnola. Monsieur le ministre des transports, en juillet 2002, le président de la République a refusé de considérer l’insécurité routière comme une fatalité et il a fait de la lutte contre la violence routière l’un des grands chantiers de son quinquennat. Suivant les objectifs qu’il a ainsi fixés, le Gouvernement et les pouvoirs publics se sont donné les moyens de lutter efficacement contre ce fléau : renforcement des contrôles, application stricte des amendes et des peines, tolérance zéro à l’égard de l’alcool et des drogues au volant, refus de l’excès de vitesse, sensibilisation accrue des conducteurs aux dangers de la route.

La semaine de la sécurité routière, qui a débuté lundi, va se poursuivre jusqu’au 23 octobre. Des initiatives sont organisées dans chaque département et un spot télévisé est actuellement diffusé pour appeler nos concitoyens à respecter les limitations de vitesse dans les agglomérations.

Pouvez-vous, à cette occasion, monsieur le ministre, faire le bilan de ce chantier mené depuis quatre ans par le Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, la semaine de la sécurité routière est l’occasion à la fois de dresser le bilan du travail accompli et de faire le point sur les problèmes qui restent pendants et les efforts à poursuivre.

Depuis 2002, il y a 35 % de tués en moins, dont 16 % en moins pour les neuf premiers mois de l’année 2006. Au total, 8 500 vies ont été préservées et 110 000 blessés épargnés, avec ce que cela implique en termes de souffrances et de handicaps évités.

Comment ce résultat a-t-il été obtenu ? Incontestablement grâce à un meilleur respect des règles, en particulier la limitation de vitesse et le port de la ceinture à l’avant et à l’arrière.

Cependant, restent trois difficultés principales.

La première touche aux deux-roues, à destination desquels nous devons développer une politique de surveillance, de sanction mais aussi de pédagogie. Leur mortalité est deux fois plus élevée qu’en Allemagne et il n’y a aucune raison d’accepter cette situation.

La deuxième concerne les risques en agglomération. Les baisses enregistrées n’y sont pas satisfaisantes, c’est la raison pour laquelle les spots télévisés rappellent l’exigence du respect de la limitation de vitesse à 50 kilomètres à l’heure.

La troisième apparaît cette année, avec une augmentation du nombre de contrôles positifs lors des tests d’alcoolémie. Nous devons maintenir la pression pour faire reculer ce risque supplémentaire.

S’agissant de la semaine de la sécurité routière, je voudrais rendre hommage aux associations et aux collectivités locales, qui, de concert avec les pouvoirs publics, organisent des milliers d’opérations qui, sur le plan pédagogique, auront des effets. Pour obtenir des résultats, il faut d’abord convaincre chaque conducteur. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

grippe aviaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, si le H5N1 provoque aujourd’hui moins d’effervescence dans les médias, n’oublions pas qu’à ce jour, le virus de la grippe aviaire a officiellement contaminé, dans une dizaine de pays, 245 personnes dont 144 sont décédées.

Pour la France, la préparation technique au risque de pandémie grippale a toujours constitué une étape prioritaire à travers l’élaboration et l'actualisation du plan gouvernemental de lutte contre le risque de pandémie, aujourd’hui complété par la rédaction de fiches opérationnelles et la mise en place d’une plate-forme téléphonique et d’un site Internet.

La constitution de stocks nationaux de masques, de traitements et de vaccins est effective. Un vaste programme de formation des professionnels de santé a été lancé pour permettre à chaque soignant d'identifier son rôle.

Enfin, une campagne d’information à destination des écoles et des professionnels de santé a été engagée pour promouvoir une culture de prévention.

Au-delà de ces aspects techniques, monsieur le ministre, vous avez jugé nécessaire d'intégrer les dimensions humaine et sociale du risque pandémique dans la stratégie de lutte. La mission d'information parlementaire a d'ailleurs insisté sur cet aspect dans son dernier rapport rendu en juillet dernier. La mise en place du plan et la gestion d'une éventuelle pandémie supposent en effet la confiance et la mobilisation des professionnels de santé, mais également celle de la population dans son ensemble.

À votre demande, s'est tenu, il y a quelques semaines, un colloque national sur le thème « Éthique et pandémie grippale » dont l’objectif était de poser les jalons d'une réflexion sur les enjeux sociétaux de la pandémie. Décliner ce type d'initiative sur le terrain est une nécessité incontestable. Mais pour mobiliser l'ensemble de la population, il faut envisager une action de longue haleine qui puisse susciter une prise de conscience responsable chez chacun de nos concitoyens.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de nous indiquer les autres actions que vous comptez mettre en œuvre pour atteindre cet objectif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Même si la grippe aviaire ne fait plus aujourd’hui la une de l’actualité, n’oublions pas qu’hier, en Indonésie, a été enregistré le décès de sa cinquante-cinquième victime et que la question de l’épizootie et de la transmission de l’animal à l’homme anime toujours le monde scientifique et médical.

Jamais nous n’avons baissé la garde. La mission d’information n’a pas cessé ses travaux et je vous en remercie, monsieur Door, vous qui en êtes le rapporteur, de même que M. Le Guen, qui la préside, et tous les membres qui la composent.

En ce qui nous concerne, nous considérons que la grippe aviaire n’est pas seulement une question de santé, mais aussi un sujet de société. C’est pourquoi tout en constituant un stock suffisant de médicaments et de masques et en formant les professionnels de santé, nous avons tenu à associer l’ensemble de la société civile à l’étape de préparation.

C’est ainsi que nous avons décidé de mettre en place un comité d’initiative et de vigilance civique, présidé par le professeur Xavier Emmanuelli, spécialiste de la gestion des crises, qu’elles soient humanitaires ou sanitaires. Il s’entourera d’un grand nombre de responsables, responsables médicaux bien sûr, mais aussi représentants des cultes, des sciences humaines et des médias afin de couvrir un champ aussi large que possible pour que chacun s’interroge sur ce que devrait être la conduite collective et individuelle en cas de pandémie. L’idée, c’est, dans un contexte extraordinaire, que la population puisse continuer à vivre le plus normalement possible.

Cela permettra d’anticiper au maximum, de prévoir le plus tôt possible comment nous pourrions concilier le respect des libertés individuelles, les impératifs de santé publique et les fondements élémentaires de la vie en société ou encore, de manière plus pratique, comment nous procéderions à l’approvisionnement des uns et des autres ?

Toutes ces questions, nous devons les poser par anticipation. Car une chose est certaine : se préparer au risque de pandémie grippale nous permettra d’être plus efficace en cas de crise, sanitaire ou non. Nous n’avons jamais baissé la garde et tant que nous pourrons améliorer notre plan, nous le ferons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

darfour

M. le président. La parole est à M. Paul Quilès, pour le groupe socialiste.

M. Paul Quilès. Monsieur le Premier ministre, c’est l’honneur de la France de dénoncer les crimes contre l’humanité qui ensanglantent un pays. C’est aussi son honneur d’agir. C’est l’honneur de notre parlement de se saisir de ces questions et de ne pas rester silencieux devant un drame comme celui du Darfour qui dure depuis trois ans. Et je suis heureux qu’aujourd’hui même deux questions lui soient consacrées.

L’opinion publique française et internationale, peu sensibilisée à cette terrible situation, s’est malheureusement peu mobilisée. Certains parlent de génocide. Je ne sais pas si la qualification juridique est importante. Ce qui est certain, comme le dit Kofi Annan, c’est que « le Darfour, c’est l’enfer sur Terre ». Aujourd’hui, avec 300 000 morts, 2,5 millions de personnes déplacées, des viols et des massacres systématiques, le pays est totalement ravagé.

La situation est tellement grave que, pour la première fois, depuis longtemps le Conseil de sécurité des Nations unies demande l’envoi de 20 000 hommes, dont 17 000 Casques bleus. Mais le gouvernement de Khartoum refuse.

Comme l’a rappelé M. le ministre des affaires étrangères, la situation est complexe, du fait notamment des factions en présence, des ingérences étrangères et de la position ambiguë de certaines grandes puissances. On parle aujourd’hui d’une médiation possible de l’Erythrée, mais les massacres continuent.

Monsieur le Premier ministre, vous connaissez bien les questions internationales. Aussi, je veux vous interroger sur plusieurs points. Mme Louise Arbour, Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, vient de déclarer qu’il faudrait que la Cour pénale internationale soit présente au Darfour. Quelle est la position de la France sur cette question ?

Que peut faire concrètement notre pays pour trouver une issue à ce drame ? J’ai posé une question ici même, il y a deux ans, au ministre des affaires étrangères, alors qu’il y avait 10 000 morts. Il y en a 300 000 aujourd’hui. Faudra-t-il attendre qu’il y en ait 500 000, voire 800 000 comme au Rwanda, pour que la communauté internationale, dont c’est un peu trop l’habitude, fasse repentance ?

Monsieur le Premier ministre, la question n’est pas seulement diplomatique ou géopolitique, c’est aussi une question d’humanité. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nous avons là un devoir d’humanité. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur Quilès, vous connaissez trop les affaires internationales pour ne pas comprendre aujourd’hui que, lorsque le Conseil de sécurité des Nations unies vote à l’unanimité une résolution – la résolution 1706 – pour demander l’envoi de 17 000 Casques bleus et qu’il se heurte au refus du président al-Béchir, le rôle de la France est primordial.

Respecter la souveraineté d’un pays, son intégrité territoriale et son indépendance ne signifie pas que l’on ne fait rien. Je me rendrai moi-même dans quelques jours à Khartoum pour demander au président al-Béchir d’accepter qu’il y ait un passage de témoin efficace avec l’Union africaine, à laquelle je veux rendre aujourd’hui hommage puisque c’est elle qui a demandé, il y a trois mois, l’arrivée des Casques bleus au Soudan. Malheureusement, face au refus des autorités soudanaises, l’Union africaine ne peut pas faire plus, sauf rester au Soudan, ce qu’elle fait.

Le Président de la République a fixé trois caps. Premièrement, aider l’Union africaine à renforcer ses équipements en vue d’augmenter son efficacité. Deuxièmement, et vous l’avez dit, approfondir l’accord politique d’Abuja en vue d’y associer les autorités soudanaises d’un côté, et l’ensemble des groupes rebelles, de l’autre, et pas seulement l’un d’entre eux. Enfin, aller à Khartoum, à la suite des chefs d’État africains, comme je l’ai dit tout à l’heure en réponse à la question d’un député de la majorité. Car il est évident qu’après MM. Wade, Obasanjo et Bongo, nous devons tous aller à Khartoum.

Jan Egeland, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations unies vient de publier une cartographie qui montre que près de 250 000 personnes n’ont pas droit aujourd’hui d’accéder à l’aide humanitaire. C’est vraiment l’honneur de la France d’agir, non pas en se contentant d’aller dans un camp du Darfour avec deux caméras, mais en faisant tout ce qui est possible pour parvenir à un accord politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

fièvre catarrhale

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe UDF.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, le département des Ardennes, touché récemment par trois cas de fièvre catarrhale, s’est vu imposer la mise en place de mesures strictes entraînant l’interdiction des mouvements d’animaux. Ces mesures, que l’on aurait souhaité voir appliquer avec plus de rigueur dans les pays voisins européens, protègent notre territoire, et nous devons tous rendre hommage au professionnalisme des éleveurs ardennais.

Cependant, même si les éleveurs les comprennent, ces dispositions sont ressenties comme étant en décalage avec la réalité du terrain. En effet, cette maladie est non contagieuse, non transmissible à l’homme, elle n’empêche pas de consommer de la viande et n’entraîne pas la mort du cheptel. Grâce aux professionnels, la maladie ne se propage pas dans l’ensemble du pays et leurs efforts doivent être reconnus.

Ces mesures ont des conséquences économiques dramatiques sur l’activité des éleveurs ardennais, mais également dans les quatorze départements voisins où s’applique un périmètre de surveillance et de protection.

Monsieur le ministre, vous avez été sensible à ces difficultés et vous avez décidé de faire jouer la solidarité nationale, indispensable et justifiée. Une mission s’est rendue sur place pour évaluer les difficultés sanitaires et la possibilité d’assouplir les mesures imposées. Elle a dû aussi évaluer les difficultés économiques de la filière sur le terrain.

Une enveloppe de 1,5 million d’euros a déjà été débloquée pour les quatorze départements concernés, alors que la profession estime que les besoins avoisinent 8 millions d’euros pour le seul département des Ardennes, particulièrement touché par la zone interdite. Comment le Gouvernement entend-il répondre aux attentes des éleveurs des zones concernées ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Madame Poletti, je vous remercie d’appeler l’attention de l’Assemblée nationale sur un sujet qui touche les départements du Nord et de l’Est, dont le vôtre.

La fièvre catarrhale est une maladie animale propagée par un insecte. Comme le bétail circule librement en Europe, il est très difficile d’endiguer sa progression. Nous pouvons espérer que l’arrivée de la saison froide fera disparaître cet insecte et permettra de diminuer le nombre de bêtes contaminées.

L’on observe nombre de cas au Luxembourg, en Allemagne et en Belgique, mitoyenne de votre département des Ardennes, où 300 cas ont été recensés. Fort heureusement, nous n’avons eu à déplorer que cinq cas sur le territoire français, ce qui signifie que la situation épidémiologique est plus favorable.

Chacun comprend qu’il faut empêcher la maladie de se propager sur le tout le territoire, et en particulier dans les grandes zones d’élevage du reste de la France, ce que nous faisons. Mais, dès lors que nous mettons en place des zones de surveillance et de sécurité, nous gênons l’activité économique, et en particulier celle des éleveurs.

Dans un premier temps, nous avons pris des mesures dérogatoires permettant l’abattage de bovins dans les zones limitrophes. Nous avons décidé également d’apporter une aide financière aux éleveurs de veaux de huit jours et de broutards, pour un montant de 1,5 million d’euros, aide à laquelle vous avez fait allusion. Nous avons enfin dépêché sur place une mission chargée de réfléchir sur ce qui pourrait être fait.

Nous espérons faire sortir les animaux des zones concernées pour les faire abattre. Ainsi, nous permettrons aux éleveurs d’agir. J’espère obtenir un avis favorable de l’AFSSA avant de mettre en place une telle mesure.

Quoi qu’il en soit, sachez que, comme les éleveurs, nous ferons tout notre possible pour empêcher que cette maladie ne se propage sur le territoire, et, comme l’a souhaité le Premier ministre, la solidarité gouvernementale jouera en faveur des éleveurs. Nous ne les laisserons pas tomber et nous serons à leurs côtés pour les aider à surmonter leurs difficultés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE ENVIronnementale

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour le groupe UMP.

M. Jean-Luc Reitzer. Madame la ministre de l’écologie et du développement durable, les changements climatiques sont l'un des défis majeurs de notre planète. La relation de cause à effet entre les activités humaines, notamment les émissions de gaz à effet de serre, et les changements climatiques est aujourd'hui démontrée.

Notre gouvernement, suivant en cela les orientations du Président de la République, agit activement sur la scène internationale pour inverser cette tendance. Il a ainsi obtenu l'entrée en vigueur, le 16 février dernier, du protocole de Kyoto. Contrairement à plusieurs pays industrialisés, la France est particulièrement respectueuse de ce protocole puisque les émissions de gaz à effet de serre sont inférieures de 2 % à celles de 1990. La Charte de l'environnement, voulue par le Président de la République et intégrée à la Constitution, confirme la mobilisation de notre pays.

Mme Martine Billard. Il n’y a rien de concret !

M. Jean-Luc Reitzer. Toutefois, il apparaît de plus en plus nécessaire que chaque citoyen prenne conscience de son rôle. C'est d'ailleurs à une telle prise de conscience qu'appelle le pacte national pour l'environnement, annoncé par le Premier ministre le 4 octobre dernier.

Madame la ministre, vous avez lancé, il y a quelques jours, une campagne nationale intitulée « L'écologie a besoin de nous tous ». Pouvez-vous nous dire ce que vous en espérez et quels sont les réflexes civiques que vous attendez de la part de chacune et chacun d’entre nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le député, oui, vous avez raison, la France respecte le protocole de Kyoto, ce dont nous pouvons être fiers. Oui, vous avez raison, nous nous accordons tous, à de rares exceptions près, pour dire que des liens existent entre le changement climatique et l’activité humaine.

Un rapport sur l’état de l’environnement en France, rendu hier par l’Institut français de l’environnement, l’IFEN, démontre que nos actions au quotidien ont un impact réel sur l’environnement et qu’il est donc important de créer les conditions d’un changement de comportement de nos concitoyens pour obtenir des résultats. Ces conclusions viennent confirmer toute la pertinence des politiques menées par le Gouvernement pour lutter contre les pollutions diffuses.

Je vous rappelle les mesures du pacte national pour l’environnement annoncées récemment par le Premier ministre.

10 milliards d’euros sont mobilisables pour des prêts écologiques, grâce au relèvement de 4 600 euros à 6 000 euros du plafond du CODEVI, qui devient désormais le livret de développement durable. Voilà une mesure sans précédent au service de l’environnement.

En outre, un prêt à taux bonifié de la Caisse des dépôts et consignations permettra de quadrupler l’offre de logements sociaux atteignant la norme de très haute performance énergétique, ce qui est aussi sans précédent.

L’ensemble des mesures mises en œuvre depuis plus d’un an vont résolument dans le bon sens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La sensibilisation et la prise de conscience de nos concitoyens étant indispensables au succès de nos politiques, j’ai lancé une grande campagne de communication qui a pour slogan : « Il n’y a pas de petits gestes quand nous sommes 60 millions à les faire ».

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quelles sont les actions concrètes ?

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Cette campagne, qui est axée sur le changement climatique et la biodiversité, sera diffusée sur les chaînes de télévision et de radio jusqu’au 5 novembre prochain.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est du pipeau !

M. Michel Lefait. Il faudrait plutôt des actions !

M. le président. Monsieur Lefait !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Vous feriez mieux d’écouter car il s’agit de solidarité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Par cette campagne, nous voulons montrer qu’il n’est pas trop tard pour agir et que, sans bouleverser la vie quotidienne de nos concitoyens, il est possible de modifier les comportements.

Il suffit en effet de quelques gestes quotidiens simples : ne pas laisser ses appareils électriques en veille, ce qui représente une économie d’énergie de 10 % et une baisse identique de sa facture d’électricité ; ne pas ramener de vacances des souvenirs qui participent au pillage de la nature, ce qui revient à se battre pour la protection de la diversité ; utiliser chez soi des solutions naturelles pour le jardinage, comme le compost ; fermer les robinets, éteindre les lumières…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Couper le micro !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. …et baisser le chauffage quand on part.

Il est plus que temps de faire tous ces petits gestes. Nous devons nous associer à cette démarche car c’est notre avenir qui est en jeu, et surtout celui des générations futures ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.)

PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2007

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Éric Besson, pour le groupe socialiste.

M. Éric Besson. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, mes chers collègues, à écouter le discours rituel du Gouvernement, le projet de budget pour 2007 constituerait le meilleur des budgets possible compte tenu des contraintes actuelles. Mais, au-delà des mots et des postures, la croissance plafonne, la dépense publique s’accroît – ce n’est pas grave en soi, sinon que vous prétendez l’inverse – les finances publiques sont dans un état catastrophique, la dette publique a augmenté de 340 milliards d’euros depuis 2002, et les déficits sociaux se cumulent à plus de 60 milliards. Comme chaque année, le Gouvernement va nous promettre de faire l’année prochaine ce qu’il n’a pas réussi à réaliser depuis son arrivée au pouvoir.

Encore faudrait-il, pour qu’il y parvienne, que ce projet de loi de finances soit différent des précédents. Différent d’abord dans ses choix fiscaux. Les quatre derniers budgets faisaient tous la part belle aux baisses fiscales, à crédit, destinées aux contribuables fortunés, au prix d’une explosion de l’endettement des ménages modestes et des prélèvements de toutes sortes pesant sur l’ensemble des Français. Ce n’est hélas ! pas le cas et la rupture, tant revendiquée, n’est pas en vue.

Différent ensuite dans ses priorités budgétaires puisque les quatre lois de finances précédentes ont favorisé les seules fonctions régaliennes – défense, intérieur, justice – au détriment des budgets d'intervention économique, de solidarité, de santé, et même d'avenir : l’enseignement supérieur et la recherche ont beaucoup souffert. Or là non plus, point de rupture en vue !

Différent surtout dans sa sincérité. Les quatre budgets précédents ont multiplié les faux-semblants en matière de maîtrise des dépenses de l'État – dont le vrai niveau est passé de 51,5 % du PIB en 2001 à 53,9 % en 2005 –, les artifices comptables et financiers ainsi que les transferts de charges non financées, qui ne disent pas leur nom, au détriment des collectivités territoriales... À tel point d'ailleurs qu’il est devenu habituel que des membres de la majorité, parmi les plus éminents, sans même parler des représentants de l'UDF, s'alarment de ces dérives.

Hélas, ce projet de budget renforce encore la logique des précédents. En m’en tenant aux faits, je vais vous démontrer pourquoi ce budget est économiquement inopérant et socialement injuste.

Ce budget est d'abord en trompe-l'œil, pour camoufler les déficits.

Chaque année, le Gouvernement annonce que la réduction du déficit budgétaire sera « sans précédent », ou « historique ». En réalité, après un creusement massif en début de législature, le déficit de l'État est péniblement, et très artificiellement, stabilisé depuis 2004 à son niveau de 2002. Vous nous annoncez, monsieur le ministre, une baisse du déficit ramené en 2007 à 41,6 milliards d'euros, soit 2,5 % du PIB, contre 42,7 milliards cette année, équivalent à 2,7 % du PIB, et 43,5 milliards en 2005, « permettant de ramener le solde de l'ensemble des administrations publiques au niveau stabilisant la dette en 2007 ».

En réalité, la baisse des déficits publics ne résultera que de votre insatiable frénésie de privatisations, lesquelles vous auront permis de récupérer en 2006 près de 17 milliards d'euros en vendant ce que l’on appelle trivialement les bijoux de famille – je pense surtout aux sociétés autoroutières. Leur vente survenue au moment où elles commençaient à dégager des excédents est contraire à l'intérêt général et témoigne d'une gestion à courte vue, voire opportuniste, des finances publiques. La réduction des déficits provient également de l'effet mécanique du surplus de recettes fiscales de 2006, estimé pour l'heure à 5,1 milliards d'euros.

Telle est la première réalité : des marges de manœuvre qui ont profité un peu à la réduction des déficits et au maximum à la poursuite d’une politique fiscale contestable et contestée jusque dans les rangs de votre majorité. Pierre Méhaignerie, président UMP de la commission des finances, déclarait pendant l’été 2005 qu’il était « de ceux qui pensaient que nous ne devions pas baisser l’impôt sur le revenu. Nous avons perdu ainsi 7 milliards d’euros, dont 80 % au bénéfice des deux tranches supérieures ».

Concernant la dette, le budget est véritablement insincère.

Entre 2002 et 2006, la dette publique a connu une dégradation historique de plus de dix points de PIB. Alors que le précédent gouvernement avait réduit la dette entre 1997 et 2001 et respecté nos engagements communautaires de limiter l’endettement à 60 % du PIB, cela n’a jamais été le cas depuis 2003.

Selon les prévisions retenues dans votre budget, le niveau de la dette publique devrait ainsi légèrement refluer après le record atteint fin 2005 : de 66,6 % du PIB à 64,6 % fin 2006, puis à 63,6 % fin 2007. Mais cette inflexion, une nouvelle fois annoncée, ne suffira pas à faire oublier que l’endettement a progressé de plus de 335 milliards d'euros sous la législature, puisqu'il est passé de 804,6 à 1 141 milliards d'euros de la mi-2002 à la mi-2006. Encore s’agit-il d’un minimum dans la mesure où ces chiffres supposent que les réalisations soient conformes aux prévisions.

De manière plus préoccupante encore, la réduction de la dette l'an prochain serait pour l'essentiel le fruit d’un effet d'optique. Elle proviendra surtout des recettes exceptionnelles de privatisations pour un montant compris en 5 et 10 milliards, et de la modification des règles de gestion de la trésorerie de l'État, alors même que le Gouvernement bénéficie de recettes supplémentaires liées à la conjoncture. Votre propre majorité ne s'y est d'ailleurs pas trompée, monsieur le ministre, puisque Alain Lambert lui-même s'est ému de ce qu’il a appelé la manipulation des règles de gestion.

Cette manœuvre réduit à ce point le "matelas de trésorerie" géré par l'Agence France Trésor, l’AFT, qu'elle comporte désormais un risque réel d' « illiquidité » tout en représentant un coût pour le budget. En effet, si elle se traduit par une diminution du volume « officiel » de la dette publique, elle en augmente la charge budgétaire en diminuant les intérêts que rapportent chaque année les excédents de trésorerie de l'AFT placés sur le marché interbancaire et qui viennent en déduction de la charge brute de la dette. En 2005, France Trésor a engrangé, à ce titre, 487 millions d'euros.

Voilà bien la marque de ce budget : contourner les règles, distordre les principes de bonne gestion pour tenter de sauvegarder les apparences, alors que les véritables déséquilibres s'accentuent.

Ainsi, les déficits sociaux accumulés atteindront à la fin de l'année de nouveaux records : 93 milliards fin 2006, représentant 8 % de la dette publique, dont une impasse annoncée pour la seule sécurité sociale, toutes branches confondues, de 14 milliards d'euros fin 2006 et de 24 milliards d'euros à la fin 2007, soit plus de 1,2 point de PIB ! Les partenaires sociaux ne sont d'ailleurs pas dupes puisqu’ils ont accueilli le PLFSS avec les plus extrêmes réserves.

En réalité – et c'est désormais une certitude – le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, comme le projet de loi de finances, devra être profondément remanié après les élections, afin de combler l'impasse accumulée depuis trois ans que vous allez laisser à vos successeurs, faute d’avoir su ou voulu vous interroger à temps sur l'efficacité des 23 milliards d'euros d'exonérations de charges qui grèvent chaque année les budgets sociaux ; faute également d’avoir su ou voulu prendre à temps les mesures indispensables au comblement des déficits du Fonds de solidarité vieillesse – soit 5,6 milliards d'euros accumulés fin 2007 – ou d'avoir doté le Fonds de solidarité des retraites d'un financement durable.

Ce budget est insincère aussi dans sa présentation de la dépense publique.

Endettée, souffrant de graves déficits publics, la France se trouve sous la menace croissante des promesses de la majorité qui restent à financer. On constate à compter de 2007 une montée en charge des projets, qui sont autant de bombes à retardement pour l'exécution de la loi de finances l'an prochain. En 2008, par exemple, et selon vos propres chiffres, le plan de cohésion sociale coûtera 3,9 milliards, le plafonnement de la taxe professionnelle 3,2 milliards, la réforme de l’impôt sur le revenu 3,6 milliards, le plan grand âge 1,11 milliard et le plan senior 0,01 milliard. Ce seront au total près de 12 milliards qu’il faudra trouver.

Faussement vertueux sur les déficits, ce budget est également trompeur sur la baisse des impôts

Les prélèvements obligatoires continuent de s’accroître. Depuis 2002, ils ont augmenté de 17 milliards d'euros, passant de à 43,1 % à 44 % du PIB, alors qu'ils avaient au contraire baissé entre 1998 et 2001. En cinq ans, chaque foyer fiscal a vu son prélèvement augmenter en moyenne de 531 euros.

Le ministre des finances nous annonce un « effort de stabilisation » d'ici à l'an prochain. Mais, comme dans tous les budgets votés depuis quatre ans, les résultats définitifs sont exécrables et les résultats annoncés bien meilleurs, il est difficile de le croire sur parole !

En réalité, l'effort sera modique. Selon les prévisions du ministère des finances, le taux de prélèvements obligatoires restera proche de son record, et atteindra 43,7 % de la richesse nationale à la fin 2007 contre 43,1 % fin 2002. La raison en est simple : les baisses fiscales intervenues depuis 2002 pèsent peu face à la progression tous azimuts des autres impôts et taxes, à l'augmentation très sensible de la fiscalité sur le tabac et le gazole, à l’alourdissement des prélèvements sociaux et de la fiscalité sociale, qui tient surtout, depuis 2002, aux transferts de charges non compensées. L'explosion du rendement de certains impôts, qui continueront à progresser en 2007, joue également, mais à la marge. D'ailleurs, dans Les Comptes de la Nation en 2005, l’INSEE est plus précis : « La plupart des impôts progressent plus vite que le PIB : plus 5,4 % pour la TVA, plus 5,5 % pour l'impôt sur le revenu, plus 3,9 % pour l'impôt sur les sociétés, plus 7,5 % pour la CSG. »

Si encore la baisse des impôts profitait au plus grand nombre ! Mais ce n'est pas le cas, puisque, une nouvelle fois, les cadeaux fiscaux du Gouvernement en 2007 ne profiteront qu'aux Français les plus aisés. Pour le seul PLF pour 2007, 4,3 milliards d'euros, dont 3,9 milliards de baisse liée à la refonte du barème de l'impôt sur le revenu, sont ciblés sur les 10 % de ménages les plus aisés. Contestable aussi, la baisse de l'impôt sur le revenu, qui, comme l'a souligné l'OFCE, bénéficiera à hauteur de 40 % aux 10 % de ménages les plus aisés, alors que les 10 % les moins aisés ne recevront que 2 % et les « classes populaires » au sens large, soit 50 % de la population, seulement 20 %. Contestable encore l'instauration du « bouclier fiscal » qui représente un allégement de 360 millions d'euros, dont l'essentiel, à savoir 250 millions d'euros, ira aux 10 000 foyers fiscaux les plus fortunés. Autrement dit, chacun d’entre eux recevra en moyenne 25 000 euros par an grâce au plafonnement de l’imposition totale des assujettis à l’ISF les plus aisés.


De ce point de vue encore, le Gouvernement poursuit et aggrave la politique menée depuis 2002. Les Français les plus aisés ont ainsi bénéficié directement de près de 10 milliards d’euros de cadeaux fiscaux ciblés. Avec une telle somme, on aurait pu financer 1 500 écoles ou 2 000 crèches !

L’année prochaine verra une nouvelle accentuation de la remise en cause de la progressivité de l’impôt puisque, en 2007, la baisse profitera à hauteur de 63 % aux 10 % des Français les plus aisés, 1 % de nos concitoyens – les plus riches – captant 30 % des gains engendrés par la réforme – soit 1,2 milliard d’euros. Celle-ci, loin d’être le fruit du hasard, repose en effet essentiellement sur la suppression de l’abattement de 20 %, qui était plafonné pour les contribuables déclarant des revenus supérieurs à 10 000 euros par mois : une telle suppression leur bénéficiera directement – c’est incontestable.

Telle est, mes chers collègues, la réalité de ce projet de budget : une dette qui ne baissera qu’artificiellement, des prélèvements qui atteindront des niveaux records, une nouvelle baisse de la fiscalité directe qui ne profitera qu’aux ménages aisés et des comptes sociaux qui se dégraderont toujours plus.

Si on s’en tient à la fiscalité directe sur les revenus, et qu’on exclue toutes les autres impositions – les augmentations de TIPP et de cotisations sociales autres que la CSG et celles de la fiscalité sur les tabacs –, on peut apprécier à sa juste valeur le bilan de la politique fiscale du Gouvernement à l’égard des Français qui vivent de leur travail : si les mesures ont été calibrées en vue de faire apparaître un très léger gain au niveau du SMIC, le bilan est négatif à salaire médian et très positif pour ceux qui gagnent vingt fois le salaire minimum. Autrement dit, la politique fiscale du Gouvernement a creusé de manière considérable les inégalités entre les revenus en consacrant tous ses efforts sur l’impôt sur le revenu, puisque – chacun la sait – les augmentations de la CSG ont évidemment pénalisé toutes les catégories sociales. La politique de baisse de l’impôt sur le revenu engagée depuis juin 2002 se révèle donc d’autant plus inégalitaire que la pression fiscale s’est globalement accrue, tout cela pour des résultats économiques médiocres, comme le montrent ceux obtenus en matière de création d’emplois – ils sont limités – et de taux de chômage – celui-ci se contente de revenir à son niveau de juin 2002. La France a bel et bien perdu quatre années !

Du reste, ce budget est en trompe l’œil sur ses véritables priorités puisque, force est de le constater, celui qui nous est présenté aujourd’hui s’inscrit dans la stricte continuité de ceux qui nous ont été présentés ces quatre dernières années, avec, toutefois, une nouveauté, il convient de le reconnaître : alors que, l’année dernière, il n’existait quasiment pas de marges de manœuvre, aujourd’hui, le Gouvernement les sacrifie.

Je ne développerai qu’un exemple, celui de la politique sociale – mais d’autres exemples pourraient aussi bien concerner l’emploi que le logement, la recherche, l’enseignement supérieur et l’éducation.

La première déception concerne en effet le secteur social. Le Gouvernement, qui veut nous faire croire qu’il aurait brusquement redécouvert les vertus des mesures sociales, se targue d’avoir doublé la prime pour l’emploi. Cette seule mesure, associée à la réforme du barème de l’impôt sur le revenu et à la création du bouclier fiscal, serait susceptible, selon le Gouvernement, d’augmenter fortement et comme par un coup de baguette magique le pouvoir d’achat des ménages. Or une telle présentation ne fait pas droit à l’exigence de vérité envers les Français.

En effet, la hausse de la prime pour l’emploi est d’abord limitée en elle-même, puisque les crédits affectés, loin de doubler, comme l’a promis le Gouvernement, ne progresseront que de 2,25 à 4 milliards d’euros en cinq ans. Le montant moyen par bénéficiaire – le seul chiffre qui compte – restera donc quasiment inchangé : 294 euros en 2005 contre 288 fin 2001.

De plus, cette augmentation est surtout insuffisante au regard de la nécessité de soutenir le pouvoir d’achat populaire en vue de relancer la croissance. Que pèseront en effet l’an prochain ces 500 millions d’euros de doublement de la PPE face aux 400 millions de dépenses au titre du seul bouclier fiscal ? Que pèsera en 2007 le doublement de la PPE face aux 3,9 milliards de la refonte du barème de l’impôt sur le revenu au profit des ménages les plus aisés ? De toute évidence, l’effort consenti en faveur des ménages aurait pu être réparti beaucoup plus équitablement. Que pèsera surtout cet effort limité sur la prime pour l’emploi face aux menaces majeures qui risquent de peser, à l’horizon de 2007, sur le pouvoir d’achat populaire ? Il faut en effet tenir compte non seulement de la hausse des taux d’intérêt, dont la poursuite, annoncée, renchérira le coût de l’endettement, alors que depuis trois ans vous incitez de nombreux ménages à s’endetter, mais également de celle des prix pétroliers, alors même que votre majorité a refusé de restaurer la TIPP flottante.

La deuxième insuffisance de votre budget – je l’ai dit – concerne l’emploi, la troisième le logement, la quatrième la recherche et l’enseignement supérieur, la dernière, enfin, l’éducation. Je reviendrai sur tous ces points au cours de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances. Toutefois les priorités de ce projet de budget nous semblent suffisamment claires : elles entraînent une insuffisance de moyens pour soutenir le pouvoir d’achat et permettre une véritable politique de l’éducation, de la recherche et du logement. Pourtant, il vous était possible d’inverser la tendance puisque, contrairement aux années précédentes, vous disposiez de marges de manœuvres, assurément réduites, mais réelles.

Monsieur le ministre, ce budget, économiquement inopérant et socialement inquiétant, ne fera qu’accentuer le décalage existant entre vos propos et la réalité vécue, et subie, par l’immense majorité de nos concitoyens, qui voient leurs difficultés s’aggraver. Comment dès lors pourraient-ils se retrouver dans le discours très optimiste que vous leur tenez depuis plusieurs semaines ?

Le pays a peut-être besoin d’habileté – vous n’en manquez pas –, mais il a plus sûrement besoin de détermination et d’un projet collectif visant à rendre la France plus juste et plus sûre et les Français plus forts.

Or on cherche en vain dans le budget les défis que vous voulez relever pour la France, on y scrute en vain un dessein pour notre pays. Se contenter de l’afficher ne suffit pas ! Sans défis à relever, sans dessein à poursuivre, votre budget ne prépare pas l’avenir.

Faire la même chose tout en présentant l’ensemble autrement, et ce, alors même que votre politique est un échec, tel est, à nouveau, cette année, votre choix, telle est votre politique. C’est de la communication – vous y êtes passé maître –, voire de la propagande. Ce n’est pas ce que nous, socialistes, appelons une gestion responsable de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Rappel au règlement

M. Didier Migaud. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. J’ignore, madame la présidente, si vous avez qualité pour lancer un avis de recherche de députés du groupe de l’UMP.

M. Bernard Pousset. Et du groupe socialiste !

M. Didier Migaud. Je m’interroge en effet – c’est important pour la suite de nos débats – sur les causes de l’absence,…

M. Jean-Louis Dumont. De la désaffection !

M. Didier Migaud. …du groupe de l’UMP à ce débat budgétaire.

M. Jean-Louis Dumont. Il s’agit pourtant de l’avenir de la France.

Mme Brigitte Le Brethon. N’importe quoi !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Pour venir, les députés de l’UMP attendent l’intervention de M. Mariton !

M. Didier Migaud. Se sentiraient-ils gênés, madame la présidente, de devoir défendre un projet de loi de finances qui, comme l’a rappelé à l’instant Éric Besson, contient autant d’injustices et affectera gravement l’équilibre des comptes publics ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire). Ce projet, en effet, est à l’image de la politique budgétaire, économique et fiscale conduite depuis juin 2002, laquelle entraîne les conséquences que chacun connaît tant sur les comptes publics que sur la situation d’un grand nombre de nos concitoyens.

Cette absence peut-elle dès lors être interprétée comme un nouvel épisode du feuilleton que constitue, au sein de l’UMP, la guerre entre ses différentes sensibilités ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Brigitte Le Brethon. N’importe quoi !

M. Hervé Mariton. M. Migaud est devenu extralucide !

M. Didier Migaud. C’est une question que nous sommes en droit de nous poser ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Du reste, j’ai intercepté le regard interrogatif, voire inquiet, de M. Mariton entrant dans l’hémicycle : il se demandait où étaient passés les collègues de son groupe ! « Je suis seul », a-t-il dû penser ! (Sourires.)

M. Marc Francina. Et vous alors ?

M. Didier Migaud. Si un vote avait lieu à cet instant, vous seriez légitimement battus…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous aurions le soutien de l’UDF !

M. Didier Migaud. …par une opposition dont la présence est plus étoffée et qui témoigne pour la discussion budgétaire d’un intérêt plus grand que l’UMP, tout simplement parce qu’elle estime qu’il s’agit d’un moment important de la vie parlementaire, un budget traduisant toujours la politique économique, fiscale et sociale d’un gouvernement.

Manifestement l’UMP préfère disparaître plutôt que d’assumer son bilan. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen du cinquième et dernier projet de loi de finances de la législature – celui pour 2007 – : c’est pourquoi, avant d’examiner son contenu, il est particulièrement intéressant de dresser un bilan de la gestion du budget de l’État et plus largement des finances publiques durant ces cinq années et de porter une appréciation sur la politique menée.

Globalement, celle-ci n’a pas été à la hauteur de la gravité de la situation des finances publiques du fait que la réduction des déficits n’a pas constitué une priorité du Gouvernement.

Pour le budget de l’État, celle-ci est en effet très faible. Le rapport général souligne que les plus values spontanées des recettes fiscales ont atteint, entre 2002 et 2007, 68 milliards d’euros et que, sur ce total, 60 % sont allés à l’augmentation de la dépense – 41 milliards d’euros –, 34 % à des réductions d’impôts et de cotisations sociales – 23 milliards d’euros – et 6 % seulement – soit 4 milliards – à la réduction des déficits. La messe est dite !

Ces résultats sont à peu près équivalents en matière de dépenses à ceux du gouvernement de M. Jospin pour les cinq années précédentes, puisque la gauche a consacré 60 % des plus-values de recettes – 80 milliards d’euros – à l’augmentation des dépenses – 48 milliards. En revanche, elle a procédé à des baisses d’impôts et de cotisations sociales deux fois plus élevées ou presque – 39 milliards d’euros contre 23 milliards sous l’actuelle majorité – et y a consacré 49 % de l’accroissement des recettes spontanées,…

M. Jean-Louis Dumont. Nous ferons mieux la prochaine fois !

M. Charles de Courson. …si bien que le solde a été négatif – le déficit du budget de l’État a été creusé de 7 milliards d’euros. La gauche a donc non seulement été encore plus laxiste que les deux gouvernements de l’actuelle législature mais, de plus, elle a été totalement irresponsable, puisqu’elle a distribué 7 milliards d’euros d’avantages fiscaux en plus de ce qu’elle disposait, aggravant ainsi le déficit du budget de l’État, qui a atteint 49,3 milliards en 2002.

M. Nicolas Perruchot. Malheureusement !

M. Charles de Courson. En conséquence, si, sous la présente législature, la gestion du budget de l’État a été globalement mauvaise, celle du gouvernement de M. Jospin a été encore plus mauvaise. En cinq ans, les déficits cumulés de la période 2003-2007 auront atteint 229 milliards d’euros, soit un déficit représentant en moyenne, chaque année, quelque 3 % du produit intérieur brut. Les chiffres sont supérieurs à ceux de la période 1998-2002 : 182 milliards d’euros de déficit durant les cinq ans de majorité de gauche.

Le bilan du budget de la sécurité sociale est encore plus lourd puisque les déficits sont devant nous. Jadis, Dominique Strauss-Kahn, ministre des finances, nous renvoyait sur le sujet à Martine Aubry, ministre des affaires sociales. Nous sommes aujourd’hui dans la même situation ou presque, puisque le dernier rapport de la Cour des comptes montre combien la politique menée depuis cinq ans a été insuffisante, les déficits du régime général, des régimes agricoles et du Fonds de solidarité vieillesse demeurant considérables : entre 2002 et 2007, les déficits cumulés auront atteint 64,5 milliards d’euros. En effet, après avoir connu une augmentation continue depuis 2002 pour connaître un pic en 2005 – 14,4 milliards d’euros –, ils redescendent doucement pour atteindre 12,8 milliards en 2006 et 10,8 milliards en 2007 – mais des amendements nous ont déjà été annoncés sur le sujet en raison d’un léger dérapage de l’assurance maladie : nous serions alors à 11 milliards ou 11,5 milliards d’euros.

Alors que sous le gouvernement de M. Jospin, les comptes de la sécurité sociale étaient en excédent moyen de 0,2 point de PIB, sous l’actuelle législature, le déficit aura atteint 0,5 point de PIB en moyenne. Si le gouvernement Jospin, il est vrai, a bénéficié d’une conjoncture plus favorable, il n’en demeure pas moins qu’un grand écart existe entre ces deux chiffres. Certes des mesures courageuses ont été prises, en matière notamment d’assurance vieillesse, que l’UDF a soutenues, mais elles se sont traduites dans un premier temps par une accélération des dépenses en raison des départs anticipés à la retraite de ceux qui avaient commencé à travailler entre quatorze et seize ans. Pour le secteur maladie, le renforcement des contrôles, en ce qui concerne notamment les indemnités journalières et les médicaments, a permis de réaliser des économies sensibles.


Cependant, la politique de très forte réduction du taux directeur de la dotation globale hospitalière et la baisse des remboursements concernant les cliniques privées entraînent des déficits croissants tant des cliniques que des hôpitaux publics.

Quant aux dépenses des collectivités locales, elles se sont accrues déjà assez rapidement entre 1997 et 2001, plus vite d’ailleurs que la richesse nationale, et, depuis, leur progression s’est encore accélérée, largement du fait, il est vrai, de la décentralisation, du moins pour ce qui concerne les conseils généraux. La croissance des dépenses locales globales – régions, départements, intercommunalités, communes – atteindrait 5,3 % en 2006, le Gouvernement espérant ramener ce taux à 5 % en 2007. Reste qu’il se montre probablement encore trop optimiste – ou pessimiste suivant le point de vue qu’on adopte –, puisque le poids des collectivités dans la richesse nationale passe de 9,7 % en 2001 à 11,2 % en 2007.

Sans être grave, la situation financière des collectivités locales s'est détériorée, tout particulièrement celle des départements pendant ces cinq années. À l'excédent de près de 2 milliards d'euros en 2002 ont succédé des déficits qui, à partir de 2004, se sont aggravés jusqu'en 2007 où, d’après les prévisions gouvernementales, ils doivent atteindre 2,7 milliards d'euros.

La perte croissante d'autonomie fiscale des collectivités locales s'est accélérée pendant cette législature, dans la continuité de la politique menée par la gauche entre 1997 et 2002, sans qu'aucune réforme fiscale d’ensemble permettant d'affronter l'avenir ne soit mise en œuvre. On a substitué à des recettes locales des dotations ou des prélèvements sur des impôts nationaux. Plus grave, les mécanismes d'encouragement à la dépense publique locale à travers les dotations, les dégrèvements et les remboursements n'ont pas été inversés. Quant au système du plafonnement à la valeur ajoutée de la taxe professionnelle, mis en place l’année dernière, il décourage les élus locaux ayant pratiqué une faible pression fiscale.

Globalement, les dépenses publiques ont crû pendant ces cinq années plus vite que la richesse nationale puisqu’elles sont passées – tenez-vous bien, mes chers collègues – de 51,6 % du PIB en 2001 à 53,8 % en 2005…

M. Jean-Claude Sandrier. Il faut aussi compter les dividendes !

M. Charles de Courson. …et n’ont amorcé une légère décrue qu’en 2006 où l’on devrait atteindre 53,3 % du PIB pour descendre, espère-t-on, à 52,9 % en 2007, soit un niveau encore légèrement supérieur à celui de 2002, de 52,6 %. La priorité n'a donc pas été de faire baisser le poids de la dépense publique dans la richesse nationale, contrairement aux engagements pris devant les électeurs. Entre 2002 et 2007, les dépenses publiques ont augmenté de 162 milliards d’euros, soit 57 % de l'augmentation de la richesse nationale qui n’a été que de 280 milliards d’euros, résultat inverse de ce qui avait été promis aux électeurs de l’UMP ou de l’UDF en 2002.

De la même manière, les prélèvements obligatoires sont passés de 42,8 % de la richesse nationale en 2002 à 44 % en 2005 et 2006. On espère pour, l’année prochaine, une très légère baisse de 0,3 point, soit à peine 5 milliards d’euros. On mesure la fragilité de ce chiffre en cas de ralentissement de l'activité économique ou bien de sous-estimation, comme ce fut le cas cette année, des recettes fiscales, notamment celles de l’État. Au total, la pression fiscale et sociale se sera accrue de près d'un point entre 2002 et 2007, soit, je le répète, le contraire de ce qui avait été promis aux électeurs qui avaient voté pour l’UMP ou l’UDF.

La promesse présidentielle de 2002 de baisser le poids de l’impôt sur le revenu d'un tiers n’a pas été réalisée. Le produit de cet impôt passera en effet de 52,6 milliards d’euros en 2002, avant la mesure de réduction de 5 %, à 57,7 milliards en 2007. Les 8,9 milliards d’euros de réduction de l'impôt sur le revenu accordés entre 2002 et 2007, d’après le rapport de M. Carrez, représentent en fait une baisse de 13 % du produit de cet impôt, soit seulement 40 % de la promesse. En tenant compte de la hausse du revenu disponible brut des ménages pendant cette période – environ 20 % en valeur – la pression de cet impôt n'aura donc baissé que de 8,3 % – le quart de ce que le Gouvernement avait promis !

Les déficits publics ont explosé entre 2001 et 2003, passant de 1,6 % du PIB à 4,2 %. Néanmoins, depuis 2004, ils se réduisent, passant de 3,7 % du PIB en 2004 à 2,9 % en 2005, puis à 2,7 % en 2006 et, prévoit-on, à 2,5 % en 2007. Cette réduction n’en reste pas moins lente et susceptible de s’inverser très rapidement dès le prochain retournement de conjoncture. En effet, en valeur absolue – retenez ces chiffres, mes chers collègues, car ils ne sont jamais cités –, le montant des déficits publics, État, sécurité sociale, collectivités territoriales, ne baissent que de 2 milliards d’euros par an depuis deux ans puisqu’ils représentent 50 milliards d’euros en 2005, 48 en 2006 et 46 en 2007. À cette allure, l'équilibre des comptes publics sera atteint en 2030 !

Une politique budgétaire raisonnable devrait tendre à supprimer le déficit de fonctionnement en cinq ans, déficit qui atteint, d’après vos propres documents prévisionnels, monsieur le ministre, 22,8 milliards d'euros, soit près de 5 milliards par an. Ainsi, une utilisation rationnelle des surplus de recettes, qu’on peut évaluer à 12 milliards d’euros par an en moyenne de cycle, selon le rapporteur général, consisterait à consacrer près de la moitié des plus-values à la réduction du déficit et à ne consacrer à des baisses d'impôts que le solde, s'il existe, après financement de l’augmentation des dépenses.

Monsieur le ministre, puisque vous m’avez interpellé hier, sachez que l’UDF, est restée fidèle, pour sa part, à ses engagements devant les électeurs, ce qui n’est pas le cas de ceux qui ont soutenu la politique de finances publiques conduite depuis cinq ans.

Je souhaite développer un deuxième thème gênant pour vous en montrant que le degré d'insincérité de la présentation en 2007 du budget de l'État a atteint un niveau rarement égalé.

Je passe rapidement sur les hypothèses macroéconomiques sauf pour souligner que, contrairement à ce qu’a dit M. le ministre, j’avais, l’année dernière, mis en garde le Gouvernement pour son manque de prudence dans sa volonté de ne pas tenir compte des hypothèses basses, en l’occurrence une croissance estimée à 1,8 %. J’avais proposé de retenir cette hypothèse pour affecter un éventuel surplus au désendettement. Or, en 2005 et 2006, le Gouvernement a tablé sur une fourchette de croissance du PIB comprise entre 2 % et 2,5 %, et l’on espère aujourd’hui atteindre le taux de 2 %. Souvenez-vous donc de l’année 2005 quand le Gouvernement a soutenu jusqu’au dernier moment que le taux de croissance du PIB se situerait entre 2 % et 2,2 %, alors qu’il n’a été en fin de compte que de 1,2 %. Restons donc prudents.

Sans vouloir vous critiquer, monsieur le ministre, je crois que vous auriez mieux fait de choisir, pour l’année prochaine, l’hypothèse d’un taux de croissance de 2 %, à savoir l’hypothèse basse, car on ne sait jamais ce qui peut arriver et les éventuelles plus-values de recettes devraient donc servir à réduire le déficit.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est ce que nous faisons depuis 2004 !

M. Charles de Courson. J’en viens au point central de mon propos. En matière de dépenses du budget de l'État, le projet de loi de finances pour 2007 ne peut maintenir l'objectif de baisse d'un point en volume que grâce à des artifices de présentation. On peut dénombrer six mécanismes de dissimulation de la dépense. Je vais ainsi vous démontrer que la dépense brute de l’État n’augmente pas de 0,8 %, mais de 2,9 %, aux dépens, de plus, des grands principes des finances publiques : unité, universalité et non-contraction des dépenses et des recettes.

Le Gouvernement prétend qu'à périmètre constant 2006 – la présentation suivant les méthodes du projet de loi de finances pour 2006 –, la dépense nette du budget général – c'est-à-dire nette des prélèvements sur recettes, des remboursements et des dégrèvements sur impôts – n'augmente que de 0,8 %, soit 2,2 milliards d'euros. Pour être précis, on passerait de 266,1 milliards d'euros PLFI 2006 contre 268,3 milliards d'euros en PLFI 2007.

Pour vous montrer que la dépense publique augmente plus que ne le soutient la majorité, il convient tout d'abord de souligner que les prélèvements sur recettes constituent bien des dépenses du budget de l'État, ce que rappelle régulièrement la Cour des comptes. Ainsi, les prélèvements au profit des collectivités territoriales et celui en faveur des Communautés européennes augmentent tous deux de 2,7 milliards d’euros, ce qui porte déjà la croissance de la dépense de l’État de 0,8 % à 1,5 %.

En second lieu, les remboursements et dégrèvements sur les impôts locaux progressent fortement puisqu’ils passent de 13,49 milliards d'euros en 2006 à 14,09 milliards d'euros en 2007, soit une augmentation de 4,45 %. Or quand l’État prend en charge une partie de la taxe d’habitation, de la taxe professionnelle et de bien d’autres, il s’agit bien de dépenses publiques. Imputer ces remboursements et dégrèvements en moindres dépenses n’est pas conforme à la réalité de la dépense. Qui plus est, la part de la prime pour l'emploi versée à des contribuables non imposables passe de 2,4 milliards d’euros à 3,3 milliards, ce qui représente une hausse de la dépense publique de 0,9 %. Enfin, l'État prend en charge le montant des dégrèvements de redevance audiovisuelle, qui passe de 0,44 milliard d'euros en 2006 à 0,51 milliard en 2007, soit une hausse de 16 %. La somme de ces trois éléments porte la hausse des dépenses publiques à 6,49 milliards d’euros. Nous en sommes à 1,87 % au lieu de 0,8 %.

Troisième mécanisme : il faut tenir compte des débudgétisations de dépenses transférées à des organismes tiers alors qu’elles étaient auparavant financées par le budget de l'État. Sur ce point, monsieur le ministre, je vous décerne le premier prix d’imagination de tous les ministres des finances. J’ai trouvé neuf opérations de débudgétisation et deux de plus ce matin encore – et pas les plus anodines. Ces opérations dissimulent une hausse de 1,51 milliard d’euros des dépenses de l’État.

Parmi elles, on peut citer l’affaire du Fonds de solidarité – un extraordinaire montage. L’État, aux termes d’un article de la loi de finances, propose de transférer 1,2 milliard d’euros d’une créance qu’il détient sur l’UNEDIC au Fonds de solidarité – établissement public qui finance les ASS – étant entendu que ce dernier mobilisera cette créance l’année prochaine à hauteur de 550 millions d’euros, permettant ainsi à l’État de réduire d’autant sa dotation au Fonds de solidarité vieillesse. Vous avouerez que c’est quand même surréaliste. Mais, j’insiste, je vous félicite pour votre imagination, monsieur le ministre.

Je citerai également l’incroyable opération concernant l’exonération de charges sociales sur le SMIC dans les entreprises de moins de vingt salariés, dont le coût s’élève à 320 millions d’euros. Comment cette opération est-elle financée ? Non par le budget de l’État mais par l’affectation de 320 millions d’euros sur les droits sur le tabac, ce qui représente autant de pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale.

Troisième de ces opérations extraordinaires, l’affaire de l’ANR et d’OSEO qui vont être dotés tous deux de presque un milliard d’euros, financé comment ? Tenez-vous bien : aux termes d’un article de la loi de finances, on va affecter une partie de l’impôt sur le revenu directement à OSEO et à l’ANR. C’est incroyable ! Quant à l’année dernière, on avait bien affecté la somme de 680 millions d’euros, mais grâce à un autre mécanisme : on avait utilisé non le budget de l’État, ici encore, mais, cette fois, le produit des ventes d’actifs publics et donc les comptes d’affectation spéciale.

La quatrième opération qu’on a découverte ce matin est l’opération sur le financement de l’AFPA. On réduit de 200 millions d’euros la subvention de l’État à l’association en affectant une partie de la taxe d’apprentissage qui devait pourtant bénéficier à tous les organismes collecteurs pour financer l’apprentissage.

Je vous épargne les autres opérations. Globalement, ce troisième mécanisme de dissimulation porte la croissance des dépenses publiques à 8 milliards d’euros, c’est-à-dire à 2,3 %.

Quatrième mécanisme de dissimulation : six dépenses fiscales sont transformées en moindres recettes au lieu d’apparaître en dépenses. Cette hausse résulte essentiellement du coût élevé de deux dépenses fiscales. Le PTZ d’abord, le prêt à taux zéro, dont on finance la bonification par une dépense fiscale sur l’IS. Le coût du PTZ passe de 520 millions d’euros à 770 millions pour l’année prochaine. Ensuite, le coût de la défiscalisation des biocarburants passe de 320 millions d'euros en 2006 à 610 millions en 2007. Ce mécanisme porte la hausse des dépenses publiques à 8,74 milliards d’euros, soit un taux de 2,5 %.

Cinquième élément, il convient de tenir compte de l'incidence des fonds de concours. Les dépenses afférentes à ces fonds passent de 4,02 à 4,25 milliards d'euros, soit 5,8 %, du fait de la hausse de la contribution de l'AFFIT dont la dotation, provenant de la cession d’actifs publics, est aujourd'hui financée par l'État. Les investissements sur les routes nationales sont ainsi entièrement financés par ce mécanisme. En considérant l’ensemble des fonds de concours la hausse des dépenses publiques atteint 8,97 milliards d’euros soit 2,33 %.

Sixième et dernier procédé, il faut tenir compte des sous-compensations de l’État au profit de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Entre fin 2006 et fin 2007, la dette de l’État à l’égard de tous les organismes de sécurité sociale va augmenter de un milliard d’euros, passant de 5 à 6 milliards – ce n’est pas moi qui l’affirme mais la commission des comptes. Et le Gouvernement, un peu gêné, va payer les intérêts de sa dette aux organismes de sécurité sociale – 160 millions d’euros – toujours en prélevant sur le produit des droits sur le tabac afin que cela ne figure pas dans les intérêts de la dette de l’État ! Ainsi cette somme de un milliard d’euros dissimulés figure en recettes dans la loi de financement de la sécurité sociale, et non dans les comptes de l’État.

En outre, s’agissant des collectivités territoriales, et en particulier des conseils généraux, j’ai pris le temps de calculer le surcoût de la prise en charge de l’APA et du RMI par rapport aux recettes transférées puisque ces prestations sont définies par l’État et que les conseils généraux deviennent des organismes de distribution de prestations sans compensation à due concurrence. D’après mes calculs, rien que pour ces deux prestations, on aboutirait à un total d’environ 0,43 milliard d’euros de dépenses publiques.

Au total, si l’on tient compte de ces six opérations de dissimulation, l’augmentation de la dépense de l’État atteint 10,5 milliards d’euros, c’est-à-dire 2,9 %. Encore, mes chers collègues, n’ai-je pas pris la peine de vérifier si les dotations budgétaires sont calculées correctement. Je souhaite simplement attirer votre attention sur l’aide médicale d’État, l’AME, sous-budgétée chaque année d’environ 200 à 230 millions d’euros. Quant aux OPEX, elles représentent cette année quelque 634 millions d’euros pour une budgétisation de 175 millions d’euros. Le Gouvernement consent un effort pour l’année prochaine puisqu’il passe à 375 millions d’euros, mais dans la mesure où l’on peut évaluer le coût des opérations au Liban à un peu plus de 700 millions d’euros, le différentiel est d’à peu près 350 millions. On pourrait aussi parler de l’API dont la sous-budgétisation est de l’ordre de 150 millions d’euros. On pourrait encore disserter longtemps sur le fait de savoir si l’estimation des intérêts de la dette est réelle puisque seuls 200 millions d’euros de plus sont prévus alors que l’augmentation du déficit est de 42 milliards d’euros.

Le Gouvernement, espère en fait que la dette flottante va augmenter, favorisant de la sorte un retournement fort. On devra compter 5 milliards d’euros de surcoût par point d’augmentation.

Dans ce projet de budget, l’évaluation des recettes est fragile, la baisse des prélèvements obligatoires est très faible et les réductions d’impôt ne sont pas justes.

J’insisterai tout particulièrement sur ce problème de justice sociale, car c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons voté contre le projet de budget l’année dernière. Cette année, on peut d’ailleurs en constater les conséquences.

Deux grandes mesures d’abaissement de l’impôt sur le revenu ne nous paraissent pas justes.

Premièrement, l’intégration de l’abattement de 20 % dans l’assiette, pour un coût de 3,9 milliards d’euros, aboutit à des résultats inacceptables. En effet, cet abattement est plafonné à partir d’un revenu de 120 000 euros environ, si bien qu’un couple avec deux enfants dont le revenu dépasse 200 000 euros bénéficiera d’une réduction de son impôt sur le revenu de l’ordre de 14 %, ce qui équivaut à une hausse de son revenu net de 2,9 %, alors que pour un même couple avec deux enfants mais deux salaires de 23 636 euros chacun – c’est-à-dire deux salaires moyens –, la réduction est de 5,2 %, soit une hausse de 0,2 % du revenu net.

Deuxièmement, le bouclier fiscal, qui est destiné à ne pas poser le problème de la réforme de l’ISF, coûtera 400 millions d’euros, et ce au profit de 93 000 personnes. Parmi elles, 14 000 foyers imposables au titre de l’ISF bénéficieront des deux tiers de ce montant. À l’évidence, le bouclier fiscal ne réglera aucun des problèmes de l’ISF.

Quant à la hausse de la prime pour l’emploi obtenue par Pierre Méhaignerie, nous la soutenons, certes, mais nous répétons que la PPE doit figurer sur la feuille de paie. Tous les groupes politiques en sont d’accord et nous avons adopté en commission un amendement en ce sens.

M. Hervé Morin et M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. Charles de Courson. J’en viens aux moyens à mettre en œuvre pour redresser les finances publiques.

La première exigence est de garantir la sincérité budgétaire et d’ériger en principe constitutionnel l’interdiction de déficit de fonctionnement, telle qu’elle s’applique déjà à toutes les collectivités locales. Rappelons que, lors de la réforme de la LOLF, l’UDF s’est vu refuser son amendement tendant à interdire au Gouvernement de présenter un déficit de fonctionnement – lequel s’élève encore, je le rappelle, à 23 milliards d’euros dans le budget pour 2007.

Deuxième axe : ni hausse ni baisse d’impôts, mais priorité à la réduction de la dépense publique. Si on ne le fait pas, il n’y aura plus de politique publique possible et le chômage augmentera encore dans notre pays.

Troisième axe : l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique. Celle-ci passe par plusieurs grandes réformes structurelles.

D’abord la réforme des retraites : disons la vérité aux Français à ce sujet et rappelons-leur qu’ils devront travailler plus longtemps s’ils veulent maintenir leur niveau de prestation. En cela, la loi Fillon était une bonne loi, mais elle n’est pas allée assez loin. Pour l’UDF, la seule véritable solution à terme est l’instauration d’un régime unique pour tous les salariés, du public comme du privé, en mettant en extinction tous les autres régimes de salariés, y compris les régimes spéciaux.

M. Nicolas Perruchot. Très bien ! C’est cela, le courage politique !

M. Charles de Courson. Il y a longtemps, d’ailleurs, que le groupe UDF appelle de ses vœux une réforme des régimes spéciaux. Il faut enfin laisser une plus grande liberté en matière de choix de la date de départ à la retraite.

La réforme de l’assurance maladie ensuite. Arrêtons de développer des systèmes où nous socialisons toutes les dépenses ! Il faut préserver le régime obligatoire pour les plus modestes et responsabiliser nos concitoyens, impliquer les régions dans une meilleure gestion de la coordination des soins, réorganiser les structures hospitalières – ce qui n’a pas été fait et explique pour partie l’échec de ce qu’on a appelé la réforme de l’assurance maladie

En matière de décentralisation enfin, ayons le courage de réformer les structures, en repensant l’articulation entre les départements et les régions et entre les intercommunalités et les communes.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Quatrième axe : la réforme de l’État. Tout le monde en parle, certes, mais la vraie réforme, c’est d’aboutir, service par service, à une hausse de la productivité de 2 % par an, comme c’est la règle dans tout le secteur privé. Nous disposons des moyens techniques et informatiques pour simplifier les organisations et les procédures, et donc atteindre cet objectif.

En conclusion, monsieur le ministre, j’aimerais ne pas avoir à vous dire ce que je vais vous dire, à savoir que l’on n’est pas courageux la dernière année d’une législature : on l’est la première et la deuxième année, quitte à se relâcher un peu les années suivantes, surtout la dernière.

M. Jean-Pierre Brard. Avec le docteur de Courson, on finit mort !

M. Charles de Courson. Votre budget pour 2007 est moins mauvais que celui de l’année dernière, mais il n’est toujours pas à la hauteur des problèmes posés. Un milliard de déficit en moins et 2,9 % d’augmentation de la dépense publique, on ne peut pas dire que ce soit très performant !

Alors que la situation des finances publiques est grave, le Gouvernement a présenté un projet de loi de finances et, dans une moindre mesure, un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui dissimulent l’excès de la hausse des dépenses publiques. Ces deux textes traduisent un choix à court terme. C’est pourquoi la position du groupe UDF sera très simple : en l’état, nous ne les voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. de Courson vient de nous faire une sorte d’énumération à la Balzac. Où est, dans son propos, la critique des privilèges ? Nulle part !

M. Charles de Courson. Vous ne m’avez pas écouté, c’est évident !

M. Jean-Pierre Brard. Par contre, il fait des additions : 8,97 plus 2,33 plus la sous-compensation moins ceci et plus cela égale le développement de la dette de la sécurité sociale, avec un dérapage de plus de un milliard…

Ce qui est intéressant, dans son propos, c’est qu’il établit que votre budget n’est pas sincère, monsieur le ministre. Mais il ne critique pas le fond de votre politique, car il faudrait alors s’en prendre aux privilèges.

M. Charles de Courson. Cela, c’est votre propre position, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Or, sur le fond, l’UDF est évidemment d’accord avec le Gouvernement.

M. de Courson vient de vanter les mérites de la loi Fillon. Il a raison : vous vous occupez des retraités, et les faites même partir très tôt en retraite, si j’en crois la revue Capital. C’est ainsi qu’Antoine Zacharias perçoit 2,1 millions d’euros de retraite par an – une misère ! –, sans compter une prime de 12,6 millions d’euros. Daniel Bernard doit se contenter, le pauvre, de 1,25 million d’euros de retraite par an, avec, il est vrai, 29 millions de retraite surcomplémentaire. De cela, ni M. de Courson ni M. Copé ne parlent ! C’est pourtant toute votre politique : toujours plus pour les riches, et la misère pour ceux qui ont travaillé toute leur vie.

M. Hervé Morin. C’est à peine caricatural !

M. Jean-Pierre Brard. Les exemples que j’ai donnés sont-ils vrais ou non ?

M. Hervé Morin. Ce que vous caricaturez, ce sont les propos de Charles de Courson !

Mme la présidente. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Je me mets à la place des personnes qui assistent à nos débats dans les tribunes. Qu’auront-elles compris de l’intervention de M. de Courson ?

M. Nicolas Perruchot. Tout !

M. Jean-Pierre Brard. Rien du tout, parce que celui-ci parle la langue de bois ! Les intérêts des Français ont-ils été clairement exposés ? Où est la dénonciation concrète de la politique du Gouvernement ? Nulle part ! En réalité, M. Copé d’un côté et M. de Courson – à qui M. Morin vient de faire la courte échelle – de l’autre soutiennent la même politique.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. C’est très discourtois pour M. de Courson, qui n’est pas si petit que ça ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. On a pu lire récemment à la une d'un grand quotidien du soir : « Robert Polet, le PDG de Gucci Group, de passage à Paris à l'occasion des défilés de mode, se félicite de l'excellente santé du marché mondial du luxe, estimé aujourd'hui à 180 milliards de dollars. “Il y a de plus en plus de riches dans le monde. Et les riches sont de plus en plus riches”, se réjouit l'ex-président de la division crèmes glacées et surgelés d'Unilever » – comme quoi on peut faire fortune grâce aux esquimaux ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Surtout en Chine !

M. Philippe Auberger. Ce n’est pas à Moscou qu’il les aurait vendues, ses crèmes glacées !

M. Jean-Pierre Brard. Comme les agents du grand capital tirent l’économie vers toujours plus de richesses pour les riches, on en viendra à vous faire manger des glaces en plein hiver, monsieur Auberger !

J’en reviens à mon propos pour préciser que cet ancien président de la division crèmes glacées fut débauché par François-Henri Pinault en 2004 pour relancer l’activité luxe de PPR, alors en crise.

À l'évidence, monsieur le ministre, vous avez une bonne part de responsabilité – ou de mérite, selon le point de vue auquel on se place – dans cet enrichissement, puisque vous pratiquez depuis le début de la législature la redistribution inversée, c'est-à-dire prendre aux pauvres pour donner aux riches et leur permettre ainsi de devenir plus riches. En témoigne notamment l'envolée de l'impôt de solidarité sur la fortune, n'en déplaise à nos collègues de droite qui voudraient le voir disparaître au plus vite et s'emploient avec méthode et persévérance, année après année, à le vider de sa substance. L'ISF devrait rapporter, en 2007, 3,85 milliards, en hausse de 5,7 % par rapport aux 3,64 milliards de recettes annoncés pour 2006.

M. Philippe Auberger. C’est bien la preuve que l’on prend de plus en plus aux riches !

M. Jean-Pierre Brard. Les recettes de l’ISF ont connu une belle progression ces dernières années : 13,3 % de plus en 2004, 16,8 % en 2005, 18,8 % en 2006, avec un nombre d'assujettis proche de 450 000. M. Auberger trouve que cela montre qu’il y a de plus en plus de justice. Permettez-moi de lui répondre par ce graphique qui montre le nombre de RMIstes n’a cessé de baisser sous la gauche plurielle, et s’est remis à augmenter dès que la droite est revenue au pouvoir.

M. Philippe Auberger. Cela n’a rien à voir avec l’ISF !

M. Jean-Pierre Brard. D’un côté, de plus en plus de pauvres, de l’autre de plus en plus de riches : c’est cela, la justice selon Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin !

Vous faites des efforts considérables pour alléger l’ISF. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la liste des exonérations diverses, telle qu'elle figure dans le fascicule « Voies et Moyens » : exonération des biens professionnels, pour un montant non communiqué ; exonération des placements financiers des personnes physiques qui n'ont pas en France de domicile fiscal, pour un montant de 75 millions et 4 500 bénéficiaires, soit un cadeau de 16 650 euros en moyenne pour une seule année – quel dommage qu’il soit interdit de dialoguer avec le public qui se trouve dans les tribunes : je leur demanderais de comparer leurs propres revenus annuels avec ce cadeau royal que le Gouvernement fait aux plus riches sans que ceux-ci aient rien demandé !

M. Charles de Courson. Royal, royal…

M. Philippe Auberger. Vous avez dit « Royal » ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Reprenons la liste de ces cadeaux, que MM. les ministres se sont bien gardés de mentionner dans leurs discours liminaires : exonération partielle des bois et forêts et des parts d'intérêts détenues dans un groupement forestier – je vous assure que peu de RMIstes à Montreuil sont dans cette situation, monsieur Copé.

M. Hervé Mariton. C’est qu’il n’y a pas de forêt à Montreuil !

M. Jean-Pierre Brard. Eh si, il y en avait.

M. Hervé Mariton. Alors, c’est que vous l’avez saccagée ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Cette exonération correspond, avec celle des biens ruraux loués par bail à long terme et des parts de GFA, à 40 millions d’euros. Viennent ensuite l’exonération des objets d'antiquité, d'art ou de collection, des droits de propriété littéraire et artistique et des droits de propriété industrielle pour leur inventeur, pour un montant non communiqué ; l’exonération des titres reçus en contrepartie de la souscription au capital de certaines petites et moyennes entreprises, pour un montant de 2 millions d’euros et 1 200 bénéficiaires – là, le Gouvernement fait dans l’épicerie : dès lors qu’il s’agit de beurrer un peu plus la tartine des privilégiés, même un petit groupe de 1 200 personnes se fait bichonner ! – ; l’exonération partielle des parts ou actions de sociétés objets d'un engagement collectif de conservation, pour un montant de 60 millions d’euros et 7 400 bénéficiaires seulement ; l’exonération partielle des titres détenus par les salariés et mandataires sociaux, pour un montant de 60 millions d’euros et un nombre de bénéficiaires non déterminé.

Mais le summum des cadeaux est atteint avec le bouclier fiscal, votre dernière invention, qui est essentiellement destinée à protéger les riches de l'impôt de solidarité sur la fortune. Le bénéfice de cette douceur reviendra, à hauteur de 300 millions, aux plus fortunés, procurant aux 14 000 ménages les plus riches une réduction d'impôt de 18 000 euros en moyenne.

Je me demande là encore ce qu’en pense notre assistance muette, qu’il s’agisse du public des tribunes ou de ceux qui nous regardent à la télévision et auxquels je dévoile les turpitudes de votre politique.

M. Philippe Auberger. Vos propos sont affligeants !

M. Jean-Claude Sandrier. Non, c’est la vérité !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous enlève votre cache-sexe, monsieur Auberger, c’est ce que vous ne supportez pas !

M. Philippe Auberger. Vous vous égarez ! Nous ne sommes pas dans les bois de Montreuil, heureusement ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Ni dans les vignes de Joigny.

En matière d’impôt sur le revenu, les baisses substantielles bénéficient principalement, là encore, aux contribuables du haut de l’échelle des revenus. Cet impôt est pourtant le plus juste, car il est progressif et prend donc en compte effectivement les facultés contributives des assujettis. Je précise pour nos collègues de l’UMP, qui finiraient par croire ce que dit le Gouvernement, que la France est l’un des pays développés où l’impôt sur le revenu est le moins élevé. Il ne représente que 3,2 % du produit intérieur brut, contre 10 % en moyenne dans l’Union européenne. Voilà quelle est la réalité ! Il est donc totalement injuste de poursuivre les baisses et il faudra, au contraire, revenir, au cours de la prochaine législature, sur tous les allégements introduits depuis 2000.

Le charcutage du barème que la droite a voté l’an dernier, et qui produira ses effets l’an prochain, consiste en un redécoupage des tranches en nombre plus restreint et en une révision des taux à la baisse. Votre tactique est indéniablement habile, monsieur le ministre,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Merci !

M. Jean-Pierre Brard. …puisque presque tous les contribuables constateront une baisse de leur impôt sur le revenu. Seulement, la baisse ne sera pas aussi significative pour tous.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Elle profitera d’abord aux plus modestes !

M. Jean-Pierre Brard. Allons donc ! J’ai ici un graphique qui le montre : le gain des plus modestes aura l’épaisseur d’un trait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est de couleur rouge, cela le rend suspect !

M. Jean-Pierre Brard. Pour un revenu annuel de 31 503 euros, le cadeau gouvernemental sera de 146 euros, soit 0,4 %. En ce qui concerne les couches moyennes, celles dont vous parlez tout le temps sans vous en occuper (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), pour un revenu de 82 161 euros, le cadeau gouvernemental sera de 188 euros, soit 0,2 %.

M. Hervé Mariton. Vous avez une étonnante vision des classes moyennes !

M. Jean-Pierre Brard. Dans les couches moyennes qui vous intéressent plus, monsieur Mariton,…

M. Hervé Mariton. En tout cas, vous ne vous intéressez pas aux catégories populaires !

M. Jean-Pierre Brard. …pour 132 000 euros de revenus annuels,…

M. Hervé Mariton. Elles sont bien hautes les catégories populaires dans votre tableau !

Mme la présidente. Laissez parler M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Heureusement, madame la présidente, vous êtes là pour garantir mon droit à la libre expression !

Pour 132 000 euros, donc, le cadeau du Gouvernement sera nettement plus substantiel : 908 euros. Quant aux revenus de 350 000 euros, ceux auxquels vous pensez nuit et jour (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), il sera de 6 807 euros. Telle est la justice fiscale pratiquée par le Gouvernement ! Mais M. Copé a raison : les plus modestes bénéficieront aussi d’une baisse mirifique de leur impôt sur le revenu de 0,2 % ou 0,4 % !

M. Hervé Mariton. C’est faux !

M. Hervé Novelli. Démagogie !

M. Jean-Pierre Brard. Qui a dit cela ?

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas moi, mais je dirais volontiers que c’est n’importe quoi !

Mme la présidente. N’interrompez pas M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont pourtant vos chiffres. Évidemment, quand on vous les met sous le nez, vous préférez fermer les yeux en espérant que nos concitoyens se bouchent les oreilles ! Contrairement aux ministres ou à M. de Courson, je ne parle pas la langue de bois. Je parle en euros, de ces euros que les gens ont en poche pour acheter leur baguette. Ils entendent mieux ce langage que la langue de bois que vous utilisez pour dissimuler votre politique !

Les avocats Valérie Harnois-Mussard, Arnaud Jamin et Cécile Guzman ont décortiqué, dans La Tribune, journal peu suspect de gauchisme, du 27 septembre 2006, comment fonctionne le subterfuge au profit des foyers les plus aisés : « Enfin, les contribuables déclarant d’importants revenus et pour lesquels l’ancien abattement de 20 % était plafonné sont susceptibles d’être les véritables gagnants de la réforme. En effet, le taux marginal applicable à ce niveau de revenu a été réduit d’environ 20 %, passant de 48,09 % à 40 %. Or, alors que l’application de l’ancien abattement était plafonné à un revenu de 120 100 euros, le bénéfice de la diminution du taux de la tranche marginale n’est soumis à aucun plafond. Ainsi, pour tout revenu salarial, ou assimilé, supérieur à 120 100 euros, le contribuable constatera une diminution de 20 % de son impôt sur la fraction du revenu supérieur à 120 100 euros ». S’agit-il là de vos couches moyennes, qui gagnent, pour employer un langage qui parle encore mieux à nos compatriotes, plus de 700 000 francs ? Vous en restez cois, chers collègues de la majorité, et je vous comprends !

Notre rapporteur général avait d’ailleurs indiqué, dès l’an dernier, que 10 % des foyers bénéficieraient de près de 63 % du coût de la réforme, soit 2,28 milliards, et que 1 %, les plus riches, en recevrait 30 %, soit plus d’un million d’euros.

Comment justifier de tels cadeaux fiscaux alors que le déficit des finances publiques reste très élevé, que nos services publics manquent de moyens et que la pauvreté progresse ? Le nombre de RMIstes atteste de cette progression et il s’élève parallèlement à celui du nombre des assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune. Vous écartelez la société française avec des riches toujours plus riches et des pauvres de plus en plus nombreux.

Une des principales justifications avancées pour tenter de légitimer la baisse des impôts est la nécessité d’avoir un niveau d’imposition attractif dans le contexte de la compétition internationale pour attirer les cadres supérieurs et les entreprises. Or vous savez bien que notre pays reste très attractif. Ce n’est là qu’un alibi pour justifier vos cadeaux. Comme vous vous êtes trouvés dans l’incapacité, malgré vos rodomontades, de baisser le niveau des prélèvements obligatoires, les cadeaux consentis aux plus aisés ont dû être compensés intégralement par des prélèvements accrus sur l’ensemble des contribuables et des cotisants, essentiellement les plus modestes : hausse de la CSG à hauteur de 2 milliards ; 1,05 milliard de cotisations de retraite additionnelle des fonctionnaires ; 1 milliard de taxes sur le tabac ; hausses des cotisations de retraite de 0,88 milliard. En outre la TVA, l’impôt touchant le plus durement les plus modestes, va rapporter 1,7 milliard de plus que prévu dans la loi de finances initiale pour 2006 !

Comme le notait M. Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, dans le journal La Tribune du 25 septembre dernier à propos des baisses d’impôts : « Cela représente 0,35 point de PIB sur cinq ans, donc ce n’est quasiment rien et les modifications de la fiscalité des ménages ont eu très peu d’effet sur la croissance, les baisses d’impôts ayant été en grande partie compensées par les hausses de prélèvements sociaux et de fiscalité locale ». C’est dire si le fond de votre politique est idéologique et n’a d’autre but que de venir à la rescousse des privilégiés ! Au final, le mouvement de vases communicants va bien remplir les poches et les coffres-forts des plus aisés en ponctionnant le porte-monnaie du plus grand nombre.

Bien entendu, les entreprises ne sont pas oubliées dans les cadeaux aux nantis, qu’il s’agisse des allégements de charges ou du plafonnement de la taxe professionnelle. Ces mesures ont produit des effets remarquables sur les profits, sans toutefois empêcher les délocalisations. Les bilans sont florissants et les actionnaires sont à la fête ! Je vous épargnerai l’énumération des dix familles qui raflent la mise des dividendes en 2005.

M. Hervé Novelli. Merci !

M. Jean-Pierre Brard. Je citerai tout de même Mme Bettencourt, dont je sais qu’elle hante vos nuits, la famille Pinault ou encore Bernard Arnault.

M. Hervé Novelli. En tout cas, je n’y suis pas !

Mme la présidente. S’il vous plaît, votre temps de parole est presque écoulé.

M. Jean-Pierre Brard. La dixième famille, la plus « pauvre », est la famille de Wendel, plus connue sous le nom de son chef de file, le baron Ernest-Antoine Seillière de la Borde.

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Puisque vous me le demandez, madame la présidente, je conclurai en disant la vérité sur l’évolution des budgets : moins 4,7 % pour les crédits des actions extérieures de l’État, Charles de Courson en a parlé ; moins 3,35 % pour les anciens combattants, auxquels, paraît-il, on rend hommage en ce moment ;…

M. Jean-Louis Idiart. Bernadette est allée au cinéma !

M. Jean-Pierre Brard. …moins 3,78 % pour la culture.

Mme la présidente. Vous aurez l’occasion de détailler tout cela lors de la discussion de la seconde partie du budget.

M. Jean-Pierre Brard. Puisque vous insistez, madame la présidente, je terminerai sur un bref bilan puisque cette loi de finances ne comporte pas de réelle nouveauté et que l’année dernière, on nous a fait voter – une originalité – pour deux années d’un coup. Le Gouvernement a appauvri la France et bradé le patrimoine national, qu’il s’agisse d’Air France, de la SNECMA ou des Autoroutes du sud de la France. Demain, il faudra redresser la situation en développant des politiques qui rétablissent nos systèmes de santé et de retraite et garantissent, sur fond de justice sociale, un emploi au plus grand nombre et une répartition juste de la richesse produite par ceux qui aujourd’hui vivent dans la pauvreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Hervé Novelli. Amen !

Mme la présidente. Monsieur Brard, dans les tribunes de l’Assemblée nationale, comme devant la télévision, tout le monde peut être intéressé par nos travaux. On ne demande pas à nos concitoyens qui veulent entrer ici leur feuille d’imposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Sandrier. Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai vu ni M. Arnault ni Mme Bettencourt dans les tribunes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’était en effet un racolage regrettable !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, monsieur Migaud, nous allons défendre le budget qui nous est proposé. Tout le groupe de l’UMP soutient ce projet de loi de finances.

M. Jean-Louis Dumont. Avec conviction ?

M. Hervé Mariton. Avec conviction !

M. Jean-Pierre Brard. M. Mariton en tête !

M. Hervé Mariton. Notre groupe soutient ce projet, car il n’a pas la même vision de la société française que M. Brard.

M. Didier Migaud. Il est troublant que vous vous sentiez obligé de le répéter !

M. Hervé Mariton. Au moment où l’on s’interroge sur la situation des classes moyennes en France, il est intéressant de constater que, pour M. Brard, en font partie les ménages ayant un revenu 80 000 euros ! Les Français apprécieront la façon dont le Parti communiste, et la gauche en général, appréhendent la réalité de notre société !

Sur des niveaux de rémunération plus modestes, la réforme fiscale aura un effet heureusement bien plus intéressant pour nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Brard. Surtout pour ceux qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu !

M. Hervé Mariton. C’est l’une des dimensions justes de la réforme fiscale que nous avons votée l’an dernier et que nous mettons en œuvre dans le budget 2007.

Je souhaite, au début de mon propos, souligner combien le budget qui nous est présenté est crédible dans son contexte. Comme vous avez cité, monsieur Brard, un article de Mathieu Plane, chercheur à l’observatoire français des conjonctures économiques, paru dans La Tribune – quotidien tout à fait intéressant –, je me suis permis d’aller chercher un autre article…

M. Jean-Pierre Brard. Dans L’Humanité !

M. Hervé Mariton. …du même économiste, dans un journal dont je vous conseille aussi la lecture, La Croix. Questionné sur le fait de savoir si le projet de budget est crédible, votre économiste de référence a répondu très clairement « oui ». Je vous invite donc à poursuivre vos lectures des travaux de Mathieu Plane. Il répond « oui » parce que ce budget est d’abord – c’est important – établi dans un contexte économique maîtrisé : contexte économique de reprise de la croissance, de reprise de l’emploi ce qui est évidemment plus solide pour préparer un budget.

Nous avons donc un contexte maîtrisé, et des prévisions qui sont raisonnables. Que n’avons-nous dû entendre l’an dernier, lorsque, des bancs de l’opposition, et malheureusement aussi des bancs de l’UDF, à propos des prévisions sur lesquelles le projet de loi de finances 2006 était établi. Or ces prévisions se sont réalisées ; à certains égards elles étaient d’ailleurs trop prudentes.

Si d’aventure, chers collègues de l’opposition, vous aviez quelques doutes sur les prévisions pour 2007 parce que c’est une année électorale, soyez rassurés. Ayez la modestie de reconnaître les faits, regardez la réalité de l’année 2006, confrontez les prévisions et l’exécution de ce budget. Si vous ne nous faites pas confiance pour l’avenir, faites-nous confiance au moins pour l’année qui vient de s’écouler. Oui, les prévisions du budget 2006 étaient solides et raisonnables ; donc, croyez-nous, les prévisions du budget 2007 le sont aussi.

Évidemment, je comprends que nos collègues socialistes aient quelques réflexes conditionnés qui leur font mettre en cause les prévisions budgétaires, parce que ce qui a marqué le début de notre prise de responsabilité, en tant que majorité, au second semestre de 2002, c’est le caractère totalement artistique et même surréaliste des prévisions sur lesquelles avaient été établies le budget pour 2002. M. l’ancien rapporteur général s’en souvient sans doute.

M. Jean-Louis Idiart. Et qui a chargé la barque lors de votre collectif ?

M. Hervé Mariton. Vous aviez prévu, dans un budget électoraliste – mais vos mauvaises pratiques ne sont pas les nôtres – un déficit budgétaire de 30 milliards. La réalité de ce qui était engagé en 2002 – comme en a témoigné l’exécution – a malheureusement été un déficit de 50 milliards ! Le PS s’était trompé quasiment de moitié,…

M. Jean-Louis Idiart. Et votre collectif ?

M. Hervé Mariton. …c’est-à-dire de 20 milliards !

Crédible dans son contexte, le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, sera efficace dans ses effets.

Il sera efficace d’abord – cela mérite d’être souligné car ce n’est pas si fréquent dans notre pays – il n’est pas à contretemps de la vie et de la respiration économiques de notre pays. Trop souvent, en France, nous avons connu des choix budgétaires qui allaient à fond dans le sens de l’offre, quand c’est la demande qu’il fallait encourager, ou à fond dans le sens de la demande, quand il fallait plutôt penser à l’offre.

Dans la situation économique que connaît le pays aujourd’hui, ce budget n’est pas à contretemps ; il respecte un bon équilibre entre politique de l’offre et politique de la demande : politique de l’offre à travers un certain nombre de mesures d’encouragement pour les entreprises – réforme de la taxe professionnelle, mesures pour les « gazelles » – ; politique de la demande, avec le soutien du pouvoir d’achat, par exemple l’augmentation de la prime pour l’emploi.

Efficace, ce budget le sera aussi car il affirme, met en œuvre et démontre l’efficacité d’une politique pour l’emploi. Oui, nous constatons aujourd’hui, et on l’apprécie dans le pays, l’amélioration de la situation de l’emploi. Ce que nous avons fait depuis quatre ans et que nous poursuivons encore, en tant que majorité, ce que le Gouvernement nous propose et que nous soutenons dans le budget 2007, va heureusement dans le bon sens pour la politique de l’emploi et pour l’amélioration de la situation de l’emploi dans notre pays. Ces résultats ne sont pas l’effet d’un miracle, ils sont les conséquences d’une politique poursuivie depuis quatre ans avec cohérence et constance, et qui, à un moment, porte ses fruits. Nous voulons amplifier ces résultats. Nous ne voulons pas, chers collègues de l’opposition, que vous ayez l’occasion de les gâcher.

Priorité à l’emploi dans le projet de budget, mais aussi dépenses d’avenir et respect des engagements que nous avons pris en 2002 et au fil des années devant nos concitoyens : c’est la mise en œuvre des lois de programmation, c’est l’expression, dans le budget et avec d’autres outils aussi, de la priorité accordée à la recherche et à la politique d’infrastructures, autant d’investissements utiles et indispensables pour préparer l’avenir de notre pays.

Il s’agit donc d’un budget crédible dans son contexte, d’un budget efficace dans ses effets, mais aussi, et c’est bien la question de base que les Français – que vous avez interpellés tout à l’heure, monsieur Brard – se posent aujourd’hui ou nous poserons demain quand nous leur rendrons compte de ce projet de loi de finances, d’un budget respectueux des citoyens et des entreprises.

Il est respectueux des entreprises et des acteurs économiques parce que c’est un budget de compétitivité. J’évoque à nouveau les mesures prises en faveur des entreprises les plus dynamiques, celles qu’on appelle communément les gazelles, et la réforme de la taxe professionnelle. Il est heureux, monsieur le ministre, que vous ayez tenu bon pour la mise en œuvre de cette réforme de la taxe professionnelle en 2007. Vous avez subi des pressions pour l’oublier ou la retarder ; il fallait tenir, vous avez tenu, et c’est tant mieux. Cette réforme, dont nous avons amplement discuté l’an dernier, est une réforme de responsabilité et, surtout, d’efficacité et de compétitivité pour les entreprises, particulièrement pour le tissu industriel de notre pays.

Respectueux des entreprises, ce budget l’est aussi des citoyens parce qu’il répond à une demande forte que nous entendons aujourd’hui, sauf peut-être ceux qui s’imaginent qu’il y a des classes moyennes à 80 000 euros de revenus annuels ! Ce budget marque un engagement en faveur de l’amélioration du pouvoir d’achat, avec la réforme de l’impôt sur le revenu. De telles mesures sont justifiées et opportunes pour augmenter le pouvoir d’achat.

À une époque où les pouvoirs publics ont moins d’influence qu’avant sur les rémunérations directes et sur les prix, il n’y a aucune raison de penser que nous pouvons faire des miracles sur le quotient et maîtriser seuls l’évolution du pouvoir d’achat. Il faut être modeste et, en même temps, aller droit au fait : quel est l’outil privilégié dont nous disposons pour améliorer le pouvoir d’achat des Français ? C’est en particulier la politique budgétaire, la politique fiscale. Oui, la baisse de l’impôt sur le revenu est un outil concret, efficace, pour améliorer le pouvoir d’achat des Français.

Je reviendrai sur les observations que l’on peut formuler pour améliorer le dispositif dans l’avenir, mais, concrètement, pour 2007, l’augmentation de la prime pour l’emploi est une mesure utile. C’est la meilleure dont nous pouvions disposer pour améliorer le pouvoir d’achat des Français.

Si l’on veut respecter nos concitoyens, il faut aussi – et le budget pour 2007 va dans ce sens – concourir à la maîtrise des prélèvements obligatoires. En 2007, il y aura normalement une baisse des prélèvements obligatoires par rapport à 2006 : 43,7 % au lieu de 44 %. En 2006, il y aura eu une stabilité par rapport à 2005, avec, en réalité, une baisse significative de la part de l’État dans les prélèvements obligatoires, mais, malheureusement, une augmentation de la part des collectivités locales.

Certains ont observé que cela traduisait une préconisation du rapport Pébereau, lequel souligne ce qu’il faut faire sur les dépenses, sur les déficits, sur la dette, mais passe un peu vite sur la maîtrise des prélèvements obligatoires.

Nous croyons que la maîtrise de ces prélèvements doit être un objectif et un critère important de la gestion publique ; un objectif et un critère important de l’appréciation du projet de budget qui nous est présenté. À cet égard, il faudra, dans l’exécution du budget 2007, comme on l’a vu en 2006, beaucoup de maîtrise, monsieur le ministre, pour bien baisser les prélèvements obligatoires.

Je souligne d’ailleurs ce qui vous honore et posera en même temps un vrai défi dans l’exécution budgétaire en 2007 – la sous-évaluation des recettes, ce qui montre combien ce budget est prudent, combien il n’est pas électoraliste. Néanmoins il faut être conscient que cette sous-évaluation des recettes, pour aller au-delà de l’ambition d’aujourd’hui dans la baisse des déficits, obligera de faire peser une pression encore plus forte sur la dépense si l’on ne veut pas que les prélèvements obligatoires se retrouvent en définitive à un niveau plus élevé que ce qui était prévu au départ.

Vous avez été modeste, sans doute trop modeste…

M. Jean-Louis Idiart. Ça alors !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est la première fois qu’on me le dit ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. …dans l’évaluation, dans l’anticipation de l’élasticité des recettes au regard de la croissance. Cette prudence vous honore, mais il faudra, tout au long de l’année, en exécution – et je souhaite que notre majorité en soit in fine responsable – être extrêmement attentif à ce que cette prudence soit parfaitement compatible avec notre objectif de baisse des prélèvements obligatoires. Oui, notre groupe partage votre objectif de diminution des prélèvements obligatoires. C’est un objectif fondamental de notre politique budgétaire.

S’agissant des collectivités locales, qui, ces dernières années, ont par trop contribué, hélas, à l’augmentation des prélèvements obligatoires, intervient la réforme de la taxe professionnelle, et c’est heureux. Elle est le premier vrai modérateur que l’on trouve dans le système pour que la dépense publique locale et que les prélèvements obligatoires locaux n’augmentent pas, ou, comme on le voit dans les régions socialistes, n’explosent pas au moment où l’État, depuis quelques années, fait heureusement preuve de modération et de vertu.

Crédible, efficace, respectueux, ce projet de budget est aussi vertueux, du fait de la baisse des déficits au niveau du budget de l’État.

Faisons une incursion sur les questions de financement de la sécurité sociale.

Chacun voit bien que tout cela est à considérer ensemble dans le cadre de la maîtrise globale des déficits publics. Que n’a-t-on entendu de la part de l’opposition sur l’échec programmé de la réforme de l’assurance maladie ? Or ce qui est démontré aujourd’hui, avec une baisse du déficit de l’État, avec une baisse globale des déficits publics, c’est qu’il y a de la vertu dans la gestion du budget de l’État et une efficacité démontrée dans la réforme de l’assurance maladie.

Il y a une baisse des déficits, mais également une réduction de la dépense. Monsieur le ministre, chers collègues, l’important est que cette baisse de la dépense, à l’automne 2006, est acceptée dans les faits ; vous êtes arrivé à mettre en œuvre cet objectif, monsieur le ministre. Elle est aussi acceptée dans les esprits. Il n’y a plus, dans notre pays, de polémiques insurmontables sur ce sujet.

Même s’agissant du nécessaire ajustement des effectifs de la fonction publique, justifié comme vous l’avez mené, libre de tout a priori idéologique mais ajustant, lorsqu’il le faut et parce qu’il le faut et que nous le pouvons, chacun constate qu’il est compris par nos compatriotes. Avoir réussi à faire partager cet impératif à nos concitoyens, politiquement, dans les esprits, et cela sans polémique inutile, constitue un succès considérable pour aujourd’hui et pour l’avenir.

Baisse des déficits, baisse des dépenses, baisse de la dette : nous nous rapprochons du déficit stabilisant.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui !

M. Hervé Mariton. Nous pourrons sans doute l’obtenir l’an prochain, s’agissant du déficit de l’État – et le chemin est à poursuivre à l’horizon de la fin de la décennie – pour que – ce qui au fond devrait aller de soi – le budget de l’État ne soit plus en déficit. Cela montre combien le chemin est encore long, mais celui-ci est bien engagé et il mérite d’être suivi. Ce projet de budget est vertueux en matière de dépenses.

Il y a quelques commodités de présentation, mais, comme notre collègue Charles de Courson, dans sa grande générosité, nous l’accorde, elles sont moins nombreuses qu’avant. À cet égard le progrès est considérable. Nous sommes nombreux à souhaiter qu’il y ait une sorte de norme parlementaire qui permette, avec ses constantes, sa stabilité, ses règles, de comparer de manière totalement objective le budget d’une année à celui d’une autre. Par ailleurs il faudra, en ce qui concerne la dépense, beaucoup de sagesse en exécution tout au long de l’année 2007. Quels que soient ceux qui siégeront sur ces bancs dans les mois qui viennent, qu’ils gardent ce principe et cet impératif en tête : n’ouvrons pas inconsidérément de créances supplémentaires sur notre société, tout simplement parce que le pays, nos concitoyens, ne pourraient pas les rembourser.

Pour ce qui est de la dette, si beaucoup a été fait, ayons aussi, monsieur le ministre, la lucidité de reconnaître que plusieurs questions restent sur la table, auxquelles il faudra bien apporter des réponses. Ainsi comment, en 2007, se fera le passage aux normes IFRS pour certaines entreprises publiques ? Quel sera l’impact des retraites de la SNCF ? Et quid du service annexe de l’aménagement de la dette ferroviaire ?

Que de chemin parcouru, mais aussi que d’efforts à poursuivre ! Nous voulons en effet que le rétablissement des finances publiques soit durable et que ce projet de budget soit effectivement mis en œuvre.

Que proposent de leur côté nos collègues socialistes dans leur projet, qu’ils ont voté il y a quelques mois et que défendent aujourd’hui leurs candidats à l’élection présidentielle ?

M. Jean-Louis Dumont. Un excellent projet !

M. Hervé Mariton. Parmi des éléments discutables et discutés, l’un l’est sans doute beaucoup plus que les autres, et il est parfaitement clair : la volonté d’augmenter les impôts.

M. Jean-Louis Dumont. L’impôt est un acte de responsabilité citoyenne !

M. Hervé Mariton. J’ignore si, comme le suggère le rapporteur général, cette inclination socialiste relève de la génétique, mais, sans conjecturer de sa cause, constatons l’énoncé du projet, qui est objectif, écrit et signé : vous voulez, chers collègues socialistes, augmenter les impôts.

M. Jean-Louis Idiart. Hier, vous affirmiez que nous les avions trop baissés !

M. Hervé Mariton. Il faut que nos concitoyens le sachent, pour s’en prémunir.

Ces réflexions ne nous dispensent pas, cependant, de nous interroger sur les allégements de charges sociales. Si celles-ci sont justifiées et nécessaires à notre économie, à nos entreprises et à l’emploi, le débat sur la barémisation qui a été ouvert doit permettre de les rendre plus lisibles et plus efficaces. Certains s’interrogent sur la logique de tels allégements, c’est-à-dire, en quelque sorte, sur leurs contreparties. Veillons à ne pas faire payer ces allégements plusieurs fois, en exigeant des contreparties qui, additionnées, deviendraient très pénalisantes pour nos entreprises et pour l’emploi. On évoque l’augmentation des rémunérations, l’encouragement à l’innovation, mais n’oublions pas que les entreprises doivent également payer l’addition des 35 heures ! Si l’on veut mettre quelque chose en regard des allégements de charges, pensons d’abord aux 35 heures.

Quant à la réforme de la PPE que vous nous proposez, monsieur le ministre, elle est opportune. Soyons néanmoins attentifs, à l’avenir, à ne pas stratifier cet outil : gardons-en les avantages, tout en corrigeant ses défauts. En l’état actuel des choses, son ciblage est sans doute trop large et il n’incite sans doute pas assez à la reprise immédiate de l’emploi.

Les questions relatives à la fiscalité pétrolière et, plus généralement à celle de l’énergie, à la relation entre politique fiscale et politique de l’environnement, se poseront nécessairement. Toutefois il n’est pas moins évident – et nous devons le dire à nos concitoyens – que les efforts accomplis depuis quatre ans doivent être poursuivis. Ne gâchons pas ces efforts : il en va de la responsabilité entre le Gouvernement et la majorité qui le soutient, mais aussi de notre responsabilité vis-à-vis des citoyens.

La modernisation de l’État – vous avez par exemple évoqué, monsieur le ministre, les audits de modernisation – et, plus généralement, les réformes auxquelles nous aspirons sont étroitement liées au rétablissement des finances publiques. Ayons donc à cœur de mener à bien les deux à la fois. Il ne peut d’ailleurs y avoir de rétablissement des finances publiques si nos concitoyens ne comprennent pas le sens de notre politique, laquelle vise précisément à cette réforme de l’État.

Parce que nous souhaitons que le budget de l’État soit au service de notre pays et des Français, nous soutiendrons la première partie de ce projet de loi de finances. Le Gouvernement et la majorité ont préparé un budget qui vise à faire fructifier les talents dans notre pays. Nous y travaillons depuis quatre ans,…

M. Didier Migaud. Mal !

M. Hervé Mariton. …et nous nous y employons encore cette année. C’est là une belle entreprise qu’il nous faut poursuivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

(M. René Dosière remplace Mme Hélène Mignon au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. Jean-Louis Dumont. Vous connaissez, monsieur le ministre, les exceptionnelles qualités de notre collègue Jean-Pierre Balligand, qui regrette de ne pas pouvoir s’exprimer aujourd’hui à cette tribune. Il m’a chargé de le suppléer, ce que je ferai dans la mesure de mes propres moyens.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et avec une bonne paire de lunettes, pour lire mon intervention ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous allez donc vous exprimer deux fois, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont. Je pourrais même le faire trois fois ! (Sourires.)

Le projet de loi de finances pour 2007 est un budget de dupes. Comme tous les derniers budgets d’une législature, ce texte est d’abord marqué par sa temporalité particulière. Si, comme je le souhaite, une nouvelle majorité parlementaire émerge des urnes en juin 2007, il sera alors amendé, autant que faire se peut, par une loi de finances rectificative ; voilà une réponse à la question posée hier par le ministre.

Cela signifie non pas que l’ensemble des dispositions pourront être corrigées, mais que ce que nous voyons aujourd’hui comme un mauvais budget pour la France, peut-être le considérerons-nous demain, au surplus, comme un véritable boulet.

Comme tous les budgets qui ont été soumis à la représentation nationale depuis 2003, ce projet de loi de finances présente par ailleurs des caractéristiques récurrentes qui illustrent, monsieur le ministre, votre conception pour le moins particulière de la justice fiscale et de l’orthodoxie budgétaire.

Comme tous ses prédécesseurs, il est en effet un modèle d’inéquité sociale et d’insincérité comptable. Deux des principales dispositions qu’il met en œuvre – la refonte du barème de l’impôt sur le revenu et la mise en place d’un bouclier fiscal – ont été déflorées et abondamment exploitées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2006. Ainsi que le reconnaissait d’ailleurs en 2005 notre rapporteur général Gilles Carrez, que je cite, « les recettes de l’année 2007 sont déjà préemptées dès aujourd’hui à hauteur de 5 milliards d’euros ». Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que vous décidez d’anticiper, dès janvier 2007, une diminution de 8 % du tiers provisionnel et des mensualités de l’impôt sur le revenu, sans la moindre arrière-pensée électoraliste, cela va de soi, surtout lorsque l’on entend M. Mariton !

M. Didier Migaud. Et c’est toujours M. Balligand qui parle ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. Rappelons tout de même que le bouclier fiscal était un engagement de campagne de Nicolas Sarkozy, ex-ministre de l’économie et, surtout, maire de Neuilly. Cette ville affiche en effet le plus fort taux de foyers imposés à l’impôt sur le revenu et le plus fort taux de contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune – 20 % de la population en 2005 – de notre pays. Vous voyez que M. Balligand a fait des recherches précises !

M. Hervé Novelli. Il habite Neuilly ? (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. Le plafonnement que vous introduisez est une véritable imposture, car il protégera non pas le contribuable lambda – dont on peut d’ailleurs trouver des représentants dans cet hémicycle – mais une minorité de redevables de l’ISF, dont les conseillers fiscaux ont échoué dans leur dessein de faire diminuer l’impôt. Sur une réforme coûtant 360 millions d’euros, 10 000 foyers fiscaux assujettis à l’ISF – une élite – se partageront d’ailleurs 250 millions d’euros, soit 70 % du coût total. En dépit de vos dénégations, c’est donc bien à un démantèlement de l’impôt sur le patrimoine que vous vous êtes attelés, sous le prétexte fallacieux de protéger l’ensemble des contribuables.

Cette contradiction entre le discours et les actes, nous la retrouvons à vrai dire dans l’ensemble de la politique fiscale menée depuis 2002. Le ministre délégué au budget se targue d’avoir réalisé aux deux tiers la promesse du Président de la République de baisser l’impôt sur le revenu de 30 % en cinq ans. Le climat économique n’était pas propice à ce genre de diminutions, contrairement à la période de 1997 à 2002, au cours de laquelle la croissance était forte, mais on s’attendait, à tout le moins, à une baisse des prélèvements obligatoires pour tous les Français depuis 2002. Que nenni ! Ces prélèvements sont passés de 43,1 % à 44 % du PIB, soit 17 milliards d’euros supplémentaires depuis 2002.

Avec les cadeaux fiscaux, bien réels, que vous avez réservés à certains, il s’agissait donc de mieux dissimuler un accroissement des prélèvements obligatoires pour tous. Ces cadeaux auront pourtant représenté plus de 10 milliards d’euros sur toute la durée de la mandature : démantèlement de l’ISF déjà évoqué ; baisse de la progressivité de l’impôt sur le revenu – avec la diminution du nombre de tranches d’imposition et la réduction du taux marginal maximal, 63 % du coût de la réforme vont profiter, en 2007, aux 10 % de Français les plus riches ! – ; multiplication des niches fiscales, sous la pression des lobbies et sur la foi de petits calculs préélectoraux, alors même que certains parlementaires de la majorité, comme le président de la commission des finances, s’étaient engagés à mettre un terme à cette pratique.

En fin de compte, c’est à une amplification majeure des inégalités de revenus que vous aurez travaillé depuis 2002. Le bilan des cinq années de politique fiscale menée par la majorité fait ainsi apparaître une légère perte de revenus pour un salarié gagnant le salaire médian, alors que le gain est de 4 659 euros pour un salarié gagnant vingt fois le SMIC. Et si l’on considère un couple de salariés ayant deux enfants, la différence de traitement est encore plus parlante : amélioration minime au niveau du SMIC, perte nette au niveau du salaire médian et gain considérable – 10 992 euros – pour un revenu égal à vingt fois le SMIC !

Tout le monde pâtit en revanche de la hausse des cotisations sociales, de la suppression du lundi de Pentecôte, de l’augmentation du coût de la santé, de la hausse des prix de toutes les énergies – gaz, pétrole, électricité. Certes – dit M. Balligand –, j’entends déjà l’argument du Gouvernement : tout viendrait de la hausse des impôts locaux. En vérité, vous avez trouvé un parfait bouc émissaire dans les collectivités locales, devenues sans le vouloir l’âne des Animaux malades de la peste.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Dit M. Balligand !

M. Jean-Louis Dumont. En effet !

Pour en finir avec ce procès, je me permets de rappeler que les prélèvements des collectivités représentent 5,6 % du PIB, contre 16 % pour l’État et 21 % pour la sécurité sociale ; que, sur la période de 2002 à 2004, l’augmentation du taux de ces prélèvements a été due, à hauteur de 0,4 % du PIB, à des transferts de fiscalité – notamment une partie de la TIPP aux départements – ; que les administrations publiques locales sont les principales contributrices à l’investissement public, dont elles représentaient plus de 69 % en 2005 ; que cet investissement des collectivités locales a même progressé de 34 % depuis 2003 – dont 7 % cette année – ; et enfin que les dépenses des collectivités sont contraintes par des causes exogènes, liées pour une grande part aux réformes menées par Jean-Pierre Raffarin. Pour les départements, ces causes expliquent même 90 % des hausses des dépenses intervenues entre 2004 et 2005.

La surestimation du taux de croissance est un autre leitmotiv de votre politique budgétaire.

Depuis 2002, la majorité a la très mauvaise habitude de ne jamais se fier par principe au consensus des économistes et de surestimer systématiquement la croissance à venir. La présente livraison ne déroge pas à la règle : la fourchette retenue pour 2007 – entre 2 % et 2,5 % – surclasse d’environ un demi point les prévisions qui circulent.

Le contexte mondial est pourtant assez peu porteur : remontée des taux d’intérêt, ralentissement du prix des matières premières, rétractation du marché immobilier outre-Atlantique, marchés financiers ultrasensibles, autant d’éléments qui promettent une année 2007 au mieux sur le fil du rasoir, donc peu propice aux débordements d’optimisme.

Pour ce qui est des fondamentaux de votre budget, je crois – continue de dire Jean-Pierre Balligand – qu’il est désormais clair pour tout le monde – journalistes y compris – que vous êtes, pour employer un euphémisme, dans l’affichage et que la vertu que vous revendiquez en matière de protection des dépenses ou de maîtrise du déficit est plus proche de la « petite vertu ». (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. La petite vertu des vieilles prudes qui n’ont plus que des espoirs, ainsi que le disait Victor Hugo.

M. Jean-Louis Dumont. Les citations de M. Brard seront-elles décomptées de mon temps de parole ?

M. le président. Monsieur Dumont, ne vous inquiétez pas. Étant donné qu’un certain nombre d’orateurs de votre groupe ont renoncé à leur temps de parole, vous aurez l’indulgence de la présidence pour faire votre discours, sans dépasser, en tout état de cause, le temps de parole initialement prévu pour l’ensemble des socialistes.

Ce n’est cependant pas une raison pour que l’on vous interrompe inutilement et que l’on sème la perturbation dans l’hémicycle.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas inutile. Il s’agit d’éclairer les propos de l’orateur.

M. Jean-Louis Dumont. Je poursuis, au nom de Jean-Pierre Balligand.

En 2005, il y eut la soulte de 7,7 milliards d'euros versée par EDF. Cette année, c’est la débudgétisation de près de 19 milliards d'euros de dégrèvements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, assortie de plus de 17 milliards d'euros de privatisations. Pour l'exercice à venir, les astuces et facilités abondent une nouvelle fois : subventions transformées en recettes affectées, dépenses sous-budgétées, charges sociales pas assez compensées, investissements confiés à des opérateurs non étatiques… Le jeu consiste à rogner sur le périmètre du budget de l'État pour améliorer son solde apparent et afficher une progression des dépenses convenable à quelques mois des prochaines échéances.

La manipulation est telle que le rapporteur général lui-même a été contraint de corriger le tir, ramenant les 0,8 % de progression officielle des dépenses du budget général à une augmentation un peu moins irréaliste de 1,7 %. Et encore ce chiffre n'inclut-il pas toutes les charges à prendre en compte ; manquent notamment les 2,9 milliards d'euros de compensations nouvelles que l'État va verser au titre des exonérations de charges sur les bas salaires, et dont le rapporteur général n'a considéré que la part relative aux entreprises de moins de 20 salariés, soit 320 millions d'euros. En les réintégrant dans le périmètre, la progression des dépenses atteindrait au bas mot 2,5 %.

Des doutes sur la sincérité de ce projet de loi de finances ont été émis au plus haut niveau de notre commission des finances : Gilles Carrez le reconnaît sans ménagement dans son rapport ; Pierre Méhaignerie le fait savoir à sa manière quand il dénonce des « soultes artificielles ». En attendant le rapport de la Cour des comptes…

L'an dernier, à cette même tribune, Jean-Pierre Balligand appelait déjà, sans succès, le Gouvernement à un « exercice de vérité » devant le Parlement et l'alertait sur la crise de confiance à laquelle il ferait face s'il persistait dans son déni de transparence, sans même parler du contenu politique de ses propositions, contre lequel il va de soi qu’il s’inscrit parfaitement en faux.

Cette année les mêmes questions se posent avec encore plus d'acuité, dans la mesure où l'on peut dresser désormais un bilan quasi définitif des effets de vos choix budgétaires successifs depuis juin 2002 : accroissement de la pauvreté, explosion des inégalités, creusement abyssal de la dette…

Vous donnez décidément aux Français encore plus de raisons d'espérer un changement de majorité en juin prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Marc Le Fur. Les applaudissements expriment la lassitude. C’est pourquoi ils venaient de vos bancs !

M. Jean-Louis Dumont. Je poursuis néanmoins pour revenir sur quelques articles de la loi de finances.

M. Hervé Novelli. Pas tous, j’espère.

M. Jean-Louis Dumont. L’article 5, par exemple, traite de la réduction d’impôts au titre de la télédéclaration, laquelle correspond à une dématérialisation de la déclaration. Or, dans une loi votée il y deux ou trois ans de cela, la dématérialisation des feuilles de paye a été envisagée. Reste aujourd’hui à la mettre en œuvre, sans qu’il s’agisse d’une obligation ; ce sera plutôt une incitation. En effet la dématérialisation inquiète l’ensemble des salariés qui ont souvent besoin de leur feuille de paye pour solliciter des prêts ou accomplir différentes démarches. Une fiche de paye dématérialisée restera-t-elle opposable ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais naturellement !

M. Jean-Louis Dumont. Quelles mesures entendez-vous prendre par ailleurs pour sécuriser le système ? La mise en place d’un coffre-fort électronique est-elle envisagée ? Les questions sont nombreuses sur l’ensemble des bancs de cette assemblée et, s’il convient d’initier un nouveau rapport entre les salariés et leur traditionnelle feuille de paye, cela ne pourra se faire sans pédagogie.

Pourquoi même ne pas imaginer de consentir un crédit d’impôt à ceux des salariés qui accepteraient de dématérialiser leur feuille de paye, puisque vous faites un tel cadeau à ceux qui télédéclarent leur impôt sur le revenu ? Vos mesures vont susciter des discussions dans les entreprises et, si vous voulez qu’une véritable dynamique s’enclenche, il faut apporter des réponses claires à ces questions.

Pour les recettes toujours, l'article 11 fait état d’un prélèvement sur la Caisse des dépôts et consignations au titre de la plus-value réalisée du fait de sa séparation du groupe des caisses d’épargne. Je suppose que cette évaluation prend en compte le transfert d’un patrimoine de logements locatifs sociaux à statut HLM de la Caisse d’épargne à une des filiales de la Caisse des dépôts, la SNI. L’on retrouve, par parenthèse, à la faveur de ce passage de l’une à l’autre, le nom de Gestrim, acteur clé de la politique de vente à la découpe.

Je ne souhaite pas revenir ici sur cette question, mais je m’étonne du flou qui entoure la valorisation de ces logements : « environ 40 000 », vous bornez-vous à mentionner. On ne peut être aussi approximatif, et la valeur exacte de ce patrimoine de la nation doit être connue, même s’il était, avant son transfert, géré par des sociétés anonymes. Le statut des HLM et la loi l’exigent.

Dois-je vous remémorer l’époque où une certaine personne empruntait de l’argent à une filiale du Crédit lyonnais en arguant qu’elle était propriétaire de 10 000 logements ? On a fait les multiplications de rigueur et le prêt a été accordé ! Il s’agit bien de notre histoire financière et de dettes qui sont encore pendantes devant les tribunaux.

Que la Caisse nationale des caisses d’épargne passe un accord avec la Caisse des dépôts et consignations, quoi de plus normal s’il y a divorce ? Cependant cela ne peut se faire sans une évaluation transparente, juste et sincère, obéissant aux règles de la loi républicaine. Je rappelle que le contrôle de la Caisse des dépôts relève en effet du Parlement.

L’article 11 mérite donc que l’on s’y attarde, d’autant que le prélèvement pour l’année 2007 semble s’élever à 2 730 000 millions d’euros, mais les chiffres avancés ne sont pas aussi clairs et laissent planer quelques incertitudes, plutôt inquiétantes, sur la nature réelle des relations financières entre le ministère du budget et la Caisse des dépôts.

Les articles 13, 14 et 15 concernent quant à eux les prélèvements sur le budget de l’État au profit des collectivités territoriales. A droite comme à gauche, les présidents des conseils généraux et des conseils régionaux s’interrogent sur la compensation financière censée accompagner les transferts de compétence, à l'euro près, selon vos propres paroles, monsieur le ministre, lors de la présentation de la dernière loi de finances. Or les documents budgétaires qui nous sont fournis ne nous éclairent pas complètement sur ce point, ni sur les cas où, comme cela s’est déjà produit, le ministère attribue une compensation supérieure au coût du service transféré, ni sur ceux où la compensation est largement inférieure au coût du transfert.

M. le président. Monsieur Dumont, il faut vous orienter vers votre conclusion.

M. Jean-Louis Dumont. J’y vais d’un pas décidé.

M. Jean-Pierre Brard. Décidé, mais mesuré !(Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. Je dispose à cette tribune d’un temps de parole qui me permet d’aller à mon rythme pour bien me faire comprendre. Mon collègue Jean-Pierre Brard entend d’ailleurs que j’aille jusqu’au bout.

M. le président. Monsieur Dumont, veuillez, je vous prie, me laisser présider.

M. Jean-Louis Dumont. Trois fois dix, cela fait trente minutes !

M. le président. Non, ce n’est pas comme cela que l’on procède. S’il est légitime que vous utilisiez le temps de parole d’un de vos collègues, il est moins convenable de lire son discours. Cela n’est pas dans nos traditions. Vous ne pouvez donc pas y ajouter la totalité de votre temps de parole, avant que certains de vos collègues inscrits, qui attendent pour prendre la parole, s’expriment à leur tour.

M. Jean-Louis Dumont. Pour vous faire plaisir, monsieur le président, je vais m’acheminer vers ma conclusion.

M. le président. Cela fait vingt-trois minutes que vous parlez, monsieur Dumont : il est temps de conclure !

M. Jean-Louis Dumont. Il serait regrettable, monsieur le président, que je ne puisse interpeller, cette année encore, M. le ministre du budget sur l’article 23, à propos des débitants de tabac.

M. Jean-Pierre Brard. Surtout qu’il n’attend que cela !

M. Jean-Louis Dumont. Heureusement, le Gouvernement a compris que, si ce pouvait être sujet de discorde, ce n’en était pas moins un vrai sujet économique. Les débitants de tabacs sont certes peu nombreux, mais ils sont essentiels au maillage en petits commerces de notre territoire, notamment en milieu rural. Notre collègue Richard Mallié, qui a parcouru plusieurs départements et rencontré de nombreux professionnels à cette occasion, a sans doute tenté de les comprendre et de faire comprendre au Gouvernement qu’il y avait beaucoup à faire.

Ne croyez pas, comme jadis avec les débitants d’essence, qu’une indemnité de fin de carrière ou l’éventualité d’un départ à la retraite suffiront à calmer les gens. Aujourd’hui, certains fonds de commerce ne valent plus rien, et les objectifs du Gouvernement doivent être en adéquation avec la situation d’une profession qui souhaite être entendue. En outre, le développement d’une économie parallèle dans les zones frontalières, au vu et au su de tous, y compris de certains services de sécurité, devient inquiétant.

Enfin – et ce sera mon dernier point, pour vous être agréable, monsieur le président – l’une de nos collègues, a posé cet après-midi une question d’actualité relative à la sécurité sanitaire dans les exploitations agricoles touchées par différentes pollutions. Il s’agit de la dioxine dans le Nord-Pas-de-Calais, des PCB – polychlorobiphényles – dans mon département et de la fièvre catarrhale dans le quart nord-est.

Monsieur le ministre, il est nécessaire que votre gouvernement et les gouvernements à venir soient attentifs aux signaux d’alerte qui proviennent d’une filière aujourd’hui particulièrement touchée ; je pense notamment aux éleveurs sélectionneurs. Si vous devez prendre, au nom du principe de précaution, des mesures de sécurité, vous devez également lancer des initiatives en faveur d’un accompagnement économique, dans le respect de celles et de ceux qui travaillent au quotidien pour valoriser ces produits.

J’appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait que les éleveurs seront sans doute en première ligne pour mesurer le niveau d’une pollution insidieuse ou accidentelle, par le biais de leurs animaux qui en subiront les effets.

M. Daniel Garrigue. Vous polluez le débat budgétaire en vous écartant ainsi du sujet !

M. Jean-Louis Dumont. Certains d’entre nous, ici, représentent les éleveurs.

M. le président. Monsieur Dumont, je vous invite à conclure.

M. Jean-Louis Dumont. On ne peut rester indifférent à ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays. Monsieur le ministre, observez ce qui se passe en termes de pollution et qui constitue aujourd’hui un signal d’alerte. Si la solidarité nationale ne joue pas à fond, nous nous dirigeons vers une catastrophe économique. En tant qu’élu rural, je ne l’oublie jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Jean-Pierre Brard. Nous chantera-t-il une ode à la flexsécurité ou un requiem à Sarkozy ?

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget ne mérite certes pas tous les superlatifs, mais, avec la baisse de la dépense, de l’impôt, du déficit…

M. Henri Emmanuelli. M. Carrez a déjà dit tout cela !

M. Daniel Garrigue. Oui, mais cela nous fait plaisir de le répéter, monsieur Emmanuelli, car nous n’en avons pas souvent l’occasion !

M. Didier Migaud. C’est la méthode Coué !

M. Daniel Garrigue. Avec la baisse de l’endettement, enfin, il s’agit d’un bon budget. C’est, en tout cas, celui que nous attendions depuis longtemps.

Autre aspect important de ce budget : il s’inscrit dans une mise en perspective de l’action de l’État et de la politique des finances publiques qui s’est en particulier exprimée à travers l’engagement national de désendettement pris en janvier 2006.

M. Didier Migaud. C’est mal parti !

M. Daniel Garrigue. Hier, monsieur Migaud, vous compariez la dette publique en 2001 et celle constatée en 2005. Pourtant, la dette est un énorme navire qui a sa propre dynamique et si l’on veut comparer son niveau à deux dates différentes, une simple photographie ne suffit pas : il faut voir quelle est la dynamique engagée.

M. Didier Migaud. Je suis tout à fait d’accord !

M. Daniel Garrigue. Or, en 2001-2002, après des années de croissance – au cours desquelles vous avez constamment ajusté la dépense publique à l’excédent de recettes – nous sommes entrés dans une phase de décélération, voire d’arrêt de la croissance : nous nous sommes alors trouvés à découvert et le déficit et la dette publique ont considérablement augmenté.

M. Didier Migaud. Dites plutôt qu’ils ont explosé !

M. Daniel Garrigue. Mais c’était la conséquence de la gestion passée.

M. Didier Migaud. C’est toujours de la faute des autres ! Où est votre esprit de responsabilité ?

M. Daniel Garrigue. En 2006, nous sommes dans la démarche inverse, puisque nous utilisons l’excédent pour réduire le déficit, donc la dette.

Monsieur Migaud, vous semblez vous étonner que nous utilisions à cette fin certaines recettes « à un coup » pour réduire l’endettement. Permettez-moi de vous faire remarquer qu’en matière de dette publique, ce qui importe, ce n’est pas la provenance des recettes qui permettent de réduire l’endettement, mais bien la réduction de la dette elle-même. En effet, ce faisant, nous cassons l’effet de boule de neige entre l’endettement et les déficits.

M. Didier Migaud. Vous êtes encore dans cette boule de neige !

M. Daniel Garrigue. Peu importe, monsieur Migaud, la source utilisée ! L’essentiel est d’avoir le courage et la volonté politique de le faire, ce qui vous a singulièrement manqué il y a quelques années.

M. Didier Migaud et M. Jean-Louis Idiart. C’est faux !

M. Daniel Garrigue. Cette volonté de mise en perspective rejoint une idée exprimée par M. le rapporteur général, qui propose d’inscrire l’évolution du solde des dépenses, année après année, dans une loi de programmation des finances publiques. Cette idée rejoint également les préoccupations exprimées par l’Union européenne – dont nous avons peu parlé au cours de ce débat – dans le programme de stabilité et le programme national de réforme, présenté l’an dernier et dont nous avons reçu le document de suivi cette année.

Pour la première fois depuis des années, nous avons reçu plus qu’un satisfecit de la part de la Commission européenne sur notre mise en œuvre du programme national de réforme.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vrai !

M. Daniel Garrigue. J’en profite pour vous demander, monsieur le ministre, dans quel délai sera rapportée l’action en déficit excessif engagée contre la France. Il semblerait en effet cohérent que cette procédure soit rapportée.

Par ailleurs, il conviendrait de prendre davantage en compte la dimension européenne dans notre présentation budgétaire et dans l’analyse des différentes missions, notamment en matière d’évaluation réciproque de performance et de cohérence entre les actions nationales et leur pendant européen, ce que l’on appelle le benchmarking. Je pense, par exemple, dans le domaine de la recherche, à l’Agence nationale de la recherche et au Conseil européen de la recherche, aux pôles de compétitivité et aux initiatives technologiques conjointes ou encore aux mesures d’innovation dans les PME et au programme d’innovation et de compétitivité. Il conviendrait, dans un souci de bonne gestion des finances publiques, d’établir une plus grande cohérence entre ces différentes actions. Notre démarche, dans ce domaine, est encore trop franco-française.

S’agissant des collectivités territoriales, il est essentiel qu’elles contrôlent mieux l’évolution de leurs dépenses.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. Daniel Garrigue. En tant qu’élu local…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Un excellent élu local !

M. Daniel Garrigue. … je suis très sensible à cette question. Mais le problème de la normalisation devrait être davantage pris en compte qu’il ne l’est aujourd’hui.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet.

M. Daniel Garrigue. J’ai récemment constaté, à l’occasion de l’extension d’une aérogare, combien pouvaient être augmentés les coûts – jusqu’à 10 % – entre l’avant-projet sommaire et l’avant-projet définitif. Ce problème concerne l’ensemble des collectivités territoriales.

En effet, l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations – en matière de climatisation ou d’isolation, par exemple – qui échappent au contrôle des collectivités comme à celui du législateur, entraîne presque automatiquement la hausse des dépenses, donc des prélèvements obligatoires. Il est urgent que la commission des finances se penche sur cette question et procède à l’évaluation et au contrôle de cette évolution des normes qui pèse lourdement sur les budgets des collectivités territoriales.

Enfin, la fiscalité de l’énergie a souvent été évoquée au cours de ce débat. Certains regrettent que les taxes pétrolières n’augmentent pas, arguant qu’une hausse ne se traduirait pas par une réduction de la consommation de produits pétroliers. À l’inverse, plusieurs dispositions de ce projet, faisant suite à celles des précédentes lois de finances, prévoient une fiscalité allégée, notamment sur les biocarburants.

Il me semble voir une contradiction dans cette évolution. En effet, la dépendance financière de l’État et des collectivités à l’égard de la fiscalité pétrolière n’est pas réduite, ce qui serait pourtant nécessaire si nous voulons tenir compte de l’épuisement des ressources fossiles et développer d’autres sources d’énergie. Une réflexion d’ensemble sur la fiscalité de l’énergie devra prendre en compte cet aspect, encore trop négligé. À défaut, les conséquences budgétaires pourraient être considérables.

En dépit de ces réserves, comme l’ensemble des élus de la majorité, je ne puis qu’approuver ce projet de budget, que je voterai sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. M. Garrigue a parfaitement respecté son temps de parole. J’invite les orateurs suivants à faire de même – même si je suis conscient que cela est plus difficile lorsque l’on ne dispose que de cinq minutes – de manière à ce que nous puissions terminer la discussion générale avant la fin de la séance.

La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli. Je vous sais gré, monsieur le président, d’avoir rappelé cette vérité d’évidence : il est plus difficile de respecter son temps de parole quand celui-ci est limité.

M. Jean-Pierre Brard. Tout dépend si on a quelque chose à dire !

M. Hervé Novelli. Monsieur le ministre délégué, le projet de loi de finances pour 2007 est certainement le meilleur budget de la législature.

M. Jean-Pierre Brard. Ça commence mal !

M. Hervé Novelli. Je le dis d’autant plus facilement que je n’ai pas ménagé mes critiques à l’encontre des budgets précédents.

M. Jean-Pierre Brard. Un tel hommage, venant d’un ultralibéral, voilà qui est intéressant !

M. Hervé Novelli. Bâti sur des hypothèses de croissance réaliste, il limite le déficit à 41,6 milliards d’euros, soit 1,1 milliard de moins qu’en 2006. La réduction peut, certes, paraître faible, mais ce n’est pas à six mois du premier tour de l’élection présidentielle que l’on peut lancer l’indispensable réforme de l’État que j’appelle de mes vœux depuis de nombreuses années.

Il est tout de même prévu de ne pas renouveler 15 000 postes de fonctionnaire l'an prochain. Sans faire de la suppression de postes dans la fonction publique un dogme, force est de constater que le nombre de fonctionnaires s’est considérablement accru ces vingt dernières années, bien que l’État ait transféré, tant en 1982 qu’en 2003, de nombreuses compétences aux collectivités territoriales et que l’usage de l’informatique se soit généralisé. Pour atteindre les objectifs fixés par les gouvernements, il n’est pas toujours nécessaire, loin de là, de créer un service, une direction, un ministère et, partant, des emplois publics. Il existe d’autres solutions, d’autres méthodes de gestion. L’exemple des partenariats public-privé, qui fonctionnent depuis maintenant deux ans, en est la preuve.

Grâce à l’amélioration du solde budgétaire – un déficit contenu à 2,5 % du PIB, contre 2,7 % l'an passé –, la France devrait se retrouver, pour la deuxième année consécutive, en conformité avec les exigences du traité de Maastricht.

Un autre sujet de réjouissance est constitué par la baisse – relative – de la dette publique, qui devrait revenir à 63 % du PIB, contre 66 % il y a deux ans. Voilà qui prouve le bien-fondé de la politique d’assainissement menée par le ministère des finances. Je vous encourage, monsieur le ministre délégué, à tenir bon et à ne pas abandonner. Le désendettement est une condition sine qua non pour que l’État retrouve des marges de manœuvre en faveur de dépenses productives.

Je vais formuler quatre observations.

Tout d’abord, je regrette que la recherche privée ne reçoive pas plus d’attention. Lors du sommet de Lisbonne, les chefs d'État avaient pris l'engagement d'accroître l'effort de recherche, une des principales solutions pour affronter dans de bonnes conditions les dangers de la mondialisation. Pour la France, cela signifie un accroissement des dépenses de recherche à hauteur de 14 à 15 milliards d'euros. Les dépenses de recherche françaises s'établissent à 2,2 % du PIB, mais la part prise par les entreprises dans le financement des dépenses de recherche et de développement est, dans notre pays, l’une des plus faibles de l'OCDE : 52 % contre 75 % aux États-Unis. Il faudrait donc réfléchir à une extension du crédit d’impôt recherche, élément important de la politique favorisant l’effort de recherche et développement des entreprises françaises, sur laquelle nous devons porter notre attention pour être au rendez-vous de 2010.

Ensuite – et d’autres orateurs l’ont noté avant moi –, les allégements de charges sociales patronales coûtent de plus en plus cher : 20,2 milliards d'euros prévus en 2007 contre 18,9 milliards en 2006. En outre, leurs bénéfices sont de plus en plus incertains, compte tenu de la compétition des coûts induite par la mondialisation. Leurs effets pervers, en revanche, sont connus : absence de revalorisation des salaires, « smicardisation » de la société, spécialisation de notre économie sur des secteurs peu productifs et donc soumis à la concurrence des pays à bas coûts de main d'œuvre. C’est pourquoi je regrette qu’une mise à plat de ces allégements n’ait pas été effectuée, en dépit de l’excellent rapport de la Cour des comptes sur le sujet.

Troisièmement, nous ne pourrons faire abstraction plus longtemps du problème bien connu des régimes spéciaux de retraite. Avec une dotation de près de 8 milliards d'euros, la hausse par rapport à 2006 est de 10 %. Pour la seule SNCF, le régime de retraite sera équilibré par l'État à hauteur de 2,7 milliards d'euros.

Enfin, la réforme de l’État reste à accomplir, en dépit des efforts méritoires effectués par le ministre délégué au budget : les audits de modernisation ont en effet permis de réaliser des économies, qui deviendront sans doute substantielles lorsque ces audits concerneront l’ensemble des dépenses budgétaires.

Pour autant, nous fonctionnons toujours à contours constants, sans nous interroger sur le périmètre d’un État moderne, sur ce qu’il doit faire et ne plus faire. La question reste entière, et elle sera posée en 2007.

Après deux décennies d'errements budgétaires, un projet de loi de finances ne saurait, à lui seul, tout régler. Il n'en demeure pas moins que celui-ci figure, compte tenu des circonstances, parmi les meilleurs de ces dernières années. Il est en tout cas le meilleur de la législature. Il poursuit l'indispensable maîtrise des dépenses tout en redistribuant en faveur de la sécurité et la justice les rares marges de manœuvre dégagées.

Je souhaite ardemment que les efforts entrepris ne soient pas remis en cause, après les élections, par de nouvelles politiques aventureuses. La vraie réforme, ce serait que, pour une fois, nos finances publiques ne soient pas mises sans dessus dessous à cause des élections ! Gageons, au contraire, que le mouvement engagé sera amplifié. C’est une partie de l’enjeu des élections de 2007.

Je voterai donc ce projet de loi de finances sans aucun état d’âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mathis.

M. Jean-Claude Mathis. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le baron Louis, qui fût – comme chacun le sait – ministre des finances de Louis XVIII et de Louis Philippe, avait coutume de dire à ces deux monarques : « Faites-nous de la bonne politique et je vous ferai de bonnes finances ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Voilà des références républicaines !

M. Jean-Claude Mathis. Ce qu'il voulait dire, c'est que le budget de l'État n'est rien d'autre que l'organisation de l'argent collecté auprès des Français…

M. Jean-Pierre Brard. Mais lesquels ?

M. Jean-Claude Mathis. …créateurs de richesses, entreprises comme particuliers.

M. Henri Emmanuelli. Ça, c’est plutôt La Palice qui le dit !

M. Jean-Claude Mathis. Cela impose de préparer et de gérer le budget de l'État en fonction de l'intérêt général du pays et non d’intérêts particuliers, voire de hasardeuses préoccupations électorales.

Il s'agit de déterminer précisément quels sont nos besoins prioritaires…

M. Jean-Pierre Brard. Allez dans les cités HLM de Montreuil, vous le saurez !

M. Jean-Claude Mathis. …et comment les financer à moindre coût dans un souci d'efficacité maximale.

Comme l'a également souligné M. Breton lors de son intervention sur le projet de loi de finances pour 2006, le budget n'est ni un arrêté comptable ni un compte de résultat : c'est d'abord et avant tout une prévision. Il constitue aussi un acte politique majeur porteur de choix forts en matière de dépenses et de fiscalité. Élaborer un budget, c'est se projeter dans l'avenir.

Le projet de budget dont nous abordons l'examen s'inscrit dans la continuité des bons résultats déjà obtenus en matière de réduction de la dépense, des impôts, du déficit et de la dette.

En ce qui concerne d’abord la dépense : grâce aux audits menés au sein de tous les ministères, elle progresse d’un point de moins que l'inflation. Une telle diminution était nécessaire, mais il faudra aller plus loin lors des prochains exercices budgétaires, car les audits de modernisation ont montré qu'il existait encore des réserves de productivité dans les administrations françaises. Sur cette question, je partage l'opinion de Pierre Méhaignerie : la France reste sur-administrée et sous-organisée.

La baisse de la dépense dans le budget 2007 a une valeur toute particulière dans la mesure où elle s'accompagne d'une plus grande efficacité du service public et où le budget permet de financer les engagements pris devant les Français en matière de sécurité, de justice et d’aide publique au développement.

Pour ce qui est ensuite des impôts, aux 6 milliards d’euros de baisse s'ajoute, pour 1 milliard d’euros, la revalorisation de la prime pour l'emploi.

S’agissant de la baisse du déficit, alors que la loi de finances initiale pour 2006 avait été bâtie avec un déficit budgétaire de l'ordre de 46 à 47 milliards d’euros, nous allons descendre cette année à 41,6 milliards d’euros. En quatre ans, le déficit aura ainsi été réduit de plus de 15 milliards d’euros.

Il y a enfin la réduction de la dette. Notre objectif doit être de stabiliser l'endettement du pays de façon à ce que l'emprunt ne serve plus à financer des dépenses de fonctionnement, mais serve uniquement aux investissements, comme nous en avons l'obligation dans nos collectivités locales.

Ces bons résultats ont été obtenus grâce à une méthode qui repose sur la transparence, notamment dans la gestion des plus-values fiscales, mais aussi sur la prudence dans l'évaluation des recettes, avec une hypothèse de croissance située à nouveau entre à 2 % et 2,5 %.

Pourtant, beaucoup d'élus locaux s’interrogeaient sur le sort qui serait réservé au pacte de croissance et de solidarité. Les sceptiques en seront pour leurs frais : le Gouvernement va bel et bien reconduire ce contrat sur lequel reposent depuis plusieurs années les règles de calcul des dotations de l'État aux collectivités locales.

Cependant, le projet de loi de finances pour 2007 laisse les élus départementaux sur leurs gardes. Le Gouvernement a en effet bien prévu le versement d'une première tranche de 500 milliards d’euros – dont une partie attribuée en fonction des efforts consentis en matière d'insertion – pour aider les conseils généraux à faire face à l’augmentation galopante des dépenses liées au RMI, mais cette rallonge ne permet pas de les couvrir entièrement. En outre, le produit des droits de mutation, dont le Gouvernement ne manque pas de rappeler qu'il a explosé, constitue une ressource bien fragile.

Autre sujet de préoccupation : les compensations que l'État verse aux collectivités locales au titre des exonérations et dégrèvements fiscaux ne cessent de croître : leur montant passera en 2007 à près de 11,5 milliards d’euros, contre 10,5 milliards cette année. Le lien entre le contribuable et la collectivité, si souvent mis en avant par les élus, tend à se distendre.

M. Charles de Courson. Hélas !

M. Jean-Claude Mathis. Ces observations étant faites, je me réjouis que ce projet de budget propose des choix cohérents avec nos valeurs. Sincère et vertueux, il tient ses promesses de maîtrise de la dépense publique et de renforcement de l'efficacité de l'État. Les efforts de ces quatre dernières années commencent à porter leurs fruits.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des fruits amers !

M. Jean-Claude Mathis. Ainsi, 2007, année électorale, ne sera pas une année où le mouvement engagé sera interrompu pour de mauvaises raisons, contrairement aux prévisions du projet de loi de finances pour 2002, où la croissance fut surévaluée et les dépenses sous-évaluées. Il est souhaitable qu’il soit durable afin de préparer l’avenir.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mathis !

M. Jean-Claude Mathis. Dans ce domaine comme dans d’autres, l’idéal n’est pas de ce monde, monsieur le rapporteur général, mais ce budget pour 2007 n’en est pas moins un budget de progrès. Il est toutefois nécessaire d'encourager le progrès et je me félicite que l’on s’y emploie dans ce projet de budget pour 2007.

C'est ainsi que l'on conduit une bonne politique…

M. Jean-Pierre Brard. En bon père de famille !

M. Jean-Claude Mathis. … qui permet de faire de bonnes finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. « L'avenir ne se prévoit pas, il se prépare ». Cette citation du philosophe Maurice Blondel me semble tout particulièrement appropriée aujourd'hui, monsieur le ministre, car, avec le projet de budget pour 2007 que vous nous soumettez aujourd'hui, vous nous montrez combien, plus que jamais, le Gouvernement a décidé de préparer l'avenir de notre pays, en agissant avec responsabilité. L’année 2007 marquera en effet une étape supplémentaire dans nos finances publiques : pour la première fois, les dépenses de l'État baisseront en volume.

Après avoir progressé de 3 % entre 1998 et 2002, les dépenses de l'État ont baissé de 0,8 % entre 2003 et 2007. Nous pouvons en être fiers ! Cet effort de réduction du déficit du budget de l'État est la preuve intangible de l'attitude responsable du Gouvernement et de la majorité. Notre pays est enfin engagé dans un cycle de réduction de la progression de la dette. Certes, avec un déficit budgétaire évalué à 41,6 milliards d'euros en 2007, nous sommes encore loin d'avoir véritablement assaini les finances publiques. Toutefois nous pouvons être fiers d'avoir déjà réduit le déficit de l'État de plus de 15 milliards d'euros depuis 2003.

Je ne peux donc que vous féliciter, vous et le Gouvernement, monsieur le ministre, de ne pas avoir cherché la solution de facilité, consistant à reporter sur les générations futures le coût de politiques démagogiques coûteuses. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est un budget « anticipateur » !

M. Richard Mallié. Il est en effet toujours difficile, électoralement parlant, d'opter pour une politique de ménagère rigoureuse, plutôt que d'ouvrir le robinet des dépenses. Vous avez fait le choix de la rationalité, de l'amélioration de la productivité, de la rigueur budgétaire ; je ne peux que vous en féliciter.

Je suis, par ailleurs, convaincu que nous sommes seulement au début du chemin. Avec la mise en place de la LOLF l'an dernier, nous avons résolument fait le choix d'une politique budgétaire plus efficiente, mieux contrôlée, donc nécessairement plus rigoureuse. En tant que rapporteur du budget sur la sécurité sanitaire, j'ai moi-même pu constater, en effectuant notamment des contrôles sur le terrain, combien cette réforme était porteuse. Je peux de plus me féliciter que la place du législateur – en particulier son pouvoir de contrôle – ait été étendue. Cela contribuera sans aucun doute à la mise en place d'un suivi encore plus sûr des dépenses de l'État, à condition, évidemment, que le Parlement le veuille.

J'ai commencé mon intervention en évoquant l'avenir. Pour nos concitoyens, un avenir encourageant, c'est non seulement un avenir qui permette d’espérer que nous laisserons aux générations futures un pays engagé sur la voie du redressement, mais c'est aussi un avenir plus immédiat, plus individuel, celui de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Là encore, les chiffres sont particulièrement encourageants. Avec une progression prévue de 2,2 % en 2006, le pouvoir d'achat des Français ne se porte pas trop mal, tout comme leur emploi, le taux de chômage étant passé sous la barre des 9 % en juillet dernier. Poursuivons donc cet effort. Poursuivons-le en maintenant le travail au cœur de nos principes fondamentaux et en continuant, par la politique que nous menons, à valoriser le travail par rapport à l'assistance. L’apport d’un milliard d'euros supplémentaire consacré à la revalorisation du barème de la prime pour l'emploi donne un signal fort à l'adresse de toutes celles et de tous ceux qui ont fait le choix de se lever chaque matin pour aller travailler, même lorsque l'emploi occupé ne correspond pas forcément à leurs attentes ou à leurs qualifications.

Si l'avenir est donc plutôt encourageant, il n'est pas pour autant sans nuages. J’ai ainsi perçu, au cours de ces derniers mois, quelques inquiétudes chez certains de nos concitoyens, dont je me dois de vous faire part ici. Je les ai entendues lors des déplacements que j'ai effectués au cours des derniers mois dans le cadre de la mission que le Premier ministre m'a confiée sur l'avenir des buralistes.

M. Henri Emmanuelli. Mission historique !

M. Richard Mallié. Vous connaissez fort bien cette tâche, monsieur le ministre, puisque c'est auprès de vous et du ministre des petites et moyennes entreprises que je dois l'effectuer.

J'évoquais, au début de mon propos, la valeur travail. S'il est une catégorie professionnelle qui connaît bien cette valeur, c'est véritablement celle des buralistes.

M. Jean-Pierre Brard. Un peu enfumés !

M. Richard Mallié. À l'heure où les socialistes ont fait le choix de mettre la France au ralenti, monsieur Emmanuelli, …

M. Henri Emmanuelli. Vous parlez du ralenti des ventes de tabac ?

M. Richard Mallié. …en votant le texte sur les 35 heures avec tous les impacts en termes de productivité que cela représente, les buralistes, eux, continuent de faire le choix des 80 heures. Ouverts bien souvent sept jours sur sept, de six heures à vingt et une heures, ils ne comptent pas leur temps pour continuer à offrir aux Français ce service de proximité dont nous pouvons être fiers.

M. Henri Emmanuelli. Il faut louer des flippers !

M. Richard Mallié. Je n'ai pas l'habitude de pratiquer la langue de bois ; je crois l'avoir démontré au cours de mes nombreuses interventions dans cet hémicycle. Si les buralistes étaient déjà particulièrement soucieux de l'avenir, certains d'entre eux le sont plus encore depuis que l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics, y compris les bars-tabac, a été annoncée. Il n'est absolument pas question de revenir sur ce point puisque le choix a été fait, mais il faut songer aux moyens de les aider. Cela peut s’avérer relativement simple.

Au cours de mes déplacements, j'ai, par exemple, remarqué que nombre de bars-tabac ne disposaient plus de jeux traditionnels de type baby-foot, billard, fléchettes, ou autres...

M. Henri Emmanuelli. Je l’avais dit !

M. Richard Mallié. …comme je l’ai connu dans ma jeunesse !

M. Jean-Pierre Brard. C’est la nostalgie qui vous fait parler, monsieur Mallié !

M. Richard Mallié. En effet, ces établissements sont, dans nos communes rurales, souvent bien plus qu'un endroit où prendre un café et acheter des cigarettes. Ils constituent de véritables lieux de convivialité où se réunissent les habitants d'une même commune.

M. Henri Emmanuelli. Mais on ne pourra plus fumer dans les bars-tabac !

M. Richard Mallié. Ces jeux font donc aussi partie des habitudes locales et sont des moyens de sociabilité.

Or il semblerait qu'en la matière, la législation fiscale soit particulièrement dissuasive pour nombre de chefs d'établissement.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Mallié !

M. Richard Mallié. En effet, ces jeux, qui n'entrent pas dans la catégorie des jeux d'argent puisque n'offrant pas de gains aux joueurs, rendent l'exploitant redevable d'une taxe aussi dissuasive que complexe.

M. Jean-Pierre Brard. Je sens que cela va donner du travail aux chômeurs !

M. Richard Mallié. Pouvant s'élever jusqu'à 368 euros par an et par jeu, elle est par ailleurs soumise à quatre taux distincts pouvant être majorés par trois coefficients. Comment faire simple quand on peut faire compliqué ! Cette complexité n'est pas anodine, puisque, depuis 1999, 125 000 jeux ont été retirés sur les 265 000 que comptait le parc ; ce sont autant d'occasions de convivialité, notamment pour la jeunesse, qui ont ainsi disparu.

Face à une telle aberration, Bérengère Poletti et moi-même allons proposer à la présente assemblée un amendement simple, visant à transformer cet impôt en instaurant un tarif unique de 5 euros. Le coût de la mesure sera marginal pour notre pays, mais son impact sera toutefois important pour le secteur et, surtout, riche en symbole pour la profession. Une telle mesure prouverait qu'il n'est pas toujours nécessaire d'ouvrir à flot le robinet des dépenses pour égayer l'avenir. Parfois, seules quelques gouttes suffisent.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Richard Mallié. Laissons donc aux démagogues le projet de continuer à égarer notre pays dans une gestion inconsidérée,…

M. Jean-Pierre Brard. M. Mallié n’est pas démagogue ! (Sourires.)

M. Richard Mallié. … et poursuivons au contraire notre contrôle de la dépense publique, monsieur le ministre. C'est le seul qui a de l'avenir. C’est pourquoi, je voterai ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jean-Pierre Brard. S’il est sincère, il sera critique !

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, la discussion du budget est effectivement l’occasion de poser un certain nombre de questions fondamentales, même si je salue votre volonté de maîtriser la dépense en nous présentant un budget de rigueur. Cette politique va effectivement dans le bon sens.

Permettez-moi tout de même de vous livrer quelques réflexions sur la question de la dette.

Il est de bon ton de dire que la dette est trop importante, que les critères de Maastricht ne sont pas respectés, que nous laissons aux générations futures des dizaines de milliers d’euros à leur charge. Tout cela est sans doute vrai. Toutefois, lorsque l’on considère la dette sous l’angle statistique il convient également d’intégrer les dettes privées. Qu’y a-t-il de pire, monsieur le ministre : avoir collectivement, à travers l’État et les collectivités locales, une dette de 20 000 euros par Français ou devoir cette somme à son banquier ? Lorsque l’on additionne en effet la dette privée et la dette publique, on s’aperçoit que la France, parce qu’elle n’est pas trop endettée, est dans un rang parfaitement honorable ; elle figure même dans le peloton de tête.

M. Henri Emmanuelli. C’est vrai, monsieur Myard !

M. Jean-Pierre Brard. Il fallait que ce soit dit !

M. Jacques Myard. Nous ne devons pas nous en tenir aux critères de la dette publique, qui est réelle et que vous avez effectivement le devoir de réduire ; il faut aussi replacer tout cela dans une perspective économique. Lorsque l’on sait qu’au Royaume-Uni, les faillites personnelles démultipliées pèsent sur les investissements privés et publics, point n’est besoin de battre sa coulpe à longueur de temps et de resserrer sa discipline

Quant au déficit, vous avez raison, il faut le réduire. Celui-ci a deux causes : l’excès des dépenses et les recettes. Des économies doivent être réalisées, j’en conviens avec vous, et il faut s’interroger, comme je le fais dans l’administration communale que j’ai l’honneur de diriger, sur la rationalisation des choix budgétaires et sur l’efficience de la dépense publique.

M. Jean-Pierre Brard. Quand on est assis sur une mine d’or, c’est plus facile !

M. Jacques Myard. Vous le faites au niveau de l’État. Je salue les efforts qui ont été effectués, notamment en termes structurels, car ce sont de véritables économies récurrentes.

M. Jean-Pierre Brard. À Maisons-Laffitte, c’est plus facile qu’à Meaux !

M. Jacques Myard. Nous ne sommes pas riches à Maisons-Laffitte, croyez-le bien, et nous comptons quatre sous pour faire cinq sous,…

M. Jean-Pierre Brard. Les riches font toujours cela ! Pourquoi sont-ils riches à votre avis ?

M. Jacques Myard. … ce qui nous permet de nous remettre en cause régulièrement !

Concernant les dépenses, il y a des missions que seul l’État peut remplir, qu’il s’agisse de défense, de justice ou de politique extérieure.

M. Jean-Pierre Brard. D’écoles et de logements !

M. Henri Emmanuelli. De recherche !

M. Jacques Myard. Tout à fait ! Personne ne le fera à sa place. Il est donc évident qu’il faut aussi valoriser son action dans ces domaines.

Cela étant il convient également de considérer les recettes.

Si, aujourd’hui, la consommation en France ne se porte pas trop mal, il n’en va pas de même des investissements ; reconnaissons que nous avons fait beaucoup mieux dans ce domaine. Après une baisse en 2002, ils ont crû légèrement : deux points en 2003, trois points en 2004 et 3,6 points en 2005. Vous l’avez d’ailleurs souligné dans vos rapports. Cette relative atonie des investissements me semble peser sur la croissance.

M. Jean-Claude Sandrier. Très juste !

M. Jacques Myard. Il est clair que nous devons y remédier. Quelles sont les causes de cette atonie ? Sur ce sujet, je sais que M. Brard ne sera pas d’accord avec moi. Je suis en effet intimement convaincu que la surfiscalisation du patrimoine des Français – ISF et droits de succession –, est l’un des éléments majeurs responsables du non-investissement ou de la fuite des capitaux.

M. Jean-Pierre Brard. Effectivement, nous ne sommes pas d’accord !

M. Jacques Myard. Il est évident, monsieur Brard, que cela représente un handicap pour l’économie française. Il faut inciter les Français à investir en France et à cesser d’expatrier leurs capitaux, comme ils le font aujourd’hui.

M. Jean-Claude Sandrier. On bat des records en matière de dividendes ! Que voulez-vous de plus ? C’est incroyable !

M. Jacques Myard. Il est d’ailleurs paradoxal de constater que les étrangers, lesquels ne sont pas soumis à l’ISF et aux droits de succession, eux, investissent en France. À ce titre, je déposerai des amendements tendant à proposer de remplacer l’impôt sur la fortune par un investissement dans les PME.

Il convient également de s’interroger sur la politique de la Banque centrale européenne. Il est édifiant de regarder, en glissement sur 2005-2006, le niveau des investissements dans la zone euro et hors zone euro.
Cela permet de constater que s’ils ont augmenté de 3 % en France, de 2 % en Allemagne et de 2,4 % en Italie, ils ont progressé, hors zone euro, de 6,2 % en Grande-Bretagne, de 7,9 en Suède, où les prélèvements obligatoires sont très élevés, vous le savez, et de 6 % au Danemark. C’est bien la preuve que la politique monétaire suivie par la BCE est absurde et qu’augmenter les taux, comme l’a fait M. Trichet, est véritablement une absurdité économique.

Il est urgent, monsieur le ministre, de reprendre le pouvoir et de faire rentrer la Banque centrale dans le rang pour qu’elle prenne en compte la croissance des États. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Henri Emmanuelli. C’est un fléau, Trichet !

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski.

M. Axel Poniatowski. D’emblée, monsieur le ministre, je tiens à vous dire tout le bien que je pense du projet de budget pour 2007 que vous nous présentez et qui tend à contribuer fortement à l’assainissement de nos dépenses publiques. Soyez en félicité.

Cela dit, il me paraîtrait utile et avantageux pour nos compatriotes d’exclure la résidence principale des droits de succession et d’alléger par conséquent la fiscalité sur les successions entre parents et enfants. J’avais déjà proposé un tel allégement dans une proposition de loi déposée en décembre 2004 et cosignée par 207 de mes collègues,…

M. Jean-Pierre Brard. Citez les noms, qu’on les connaisse !

M. Axel Poniatowski. …puis dans un amendement au projet de loi portant réforme des successions et libéralités présenté par le garde des sceaux en juin de cette année.

Je persévère dans le même esprit, tout simplement parce que je sais qu’une telle exonération permettrait à chaque Française et à chaque Français d’accéder plus aisément à la propriété de son logement, ce qui est un rêve légitime.

Le logement constitue l’une des dimensions essentielles de la vie des ménages ; c’est même leur premier poste de dépenses et une préoccupation permanente. L’aspiration des Français à devenir propriétaires de leur logement est fondée, mais ils ne sont que 57 % à avoir concrétisé ce rêve.

Dans des pays aussi différents, par leur histoire, leur culture, leur développement économique, que le Royaume-Uni, l’Italie, la Belgique ou l’Espagne, le nombre de ménages propriétaires est très sensiblement supérieur. Nos voisins ont en effet compris, très vite, que se constituer un tel patrimoine permettait d’alléger ses charges lorsque l’on vieillit et, bien sûr, de léguer un bien essentiel à ses enfants.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la Monarchie de juillet qui revient !

M. Axel Poniatowski. L’amendement que je proposerai va donc dans le sens, d’une part, d’une politique plus soutenue en faveur du logement et, d’autre part, de la politique d’allégement fiscal voulue par le Gouvernement et sa majorité ces dernières années. L’accession à la propriété doit rester un axe majeur de la politique du logement.

Au-delà d’un rythme de construction record depuis vingt-cinq ans et des mécanismes récemment mis en place, une politique publique plus volontariste en la matière ne peut que favoriser cette aspiration légitime des Français à acquérir un toit. Le Gouvernement reconnaît d’ailleurs cette aspiration. Comme le rappelait récemment le ministre de l’emploi et de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, de très nombreux ménages font du logement l’une de leurs préoccupations majeures.

Avec cette nouvelle disposition, les ménages chercheront systématiquement à devenir propriétaires puisqu’il leur sera possible de transmettre sans frais à leurs enfants le fruit du travail de toute une vie.

M. Jean-Pierre Brard. Du travail ? Tu parles !

M. Axel Poniatowski. Grâce à des taux d’intérêt bas, beaucoup plus de ménages devraient pouvoir s’engager dans un projet de ce type.

Par ailleurs, il s’agirait d’une mesure relativement peu coûteuse, nous le savons tous, pour les finances publiques.

L’amendement que je proposerai contribuerait à alléger les charges fiscales pesant sur les ménages. De plus, il permettrait d’éviter que soit taxé une nouvelle fois un bien déjà imposé du vivant des parents, puisque, presque toujours, la résidence principale est financée par des ressources ayant déjà été imposées au titre de l’impôt sur le revenu.

Être propriétaire est un rêve partagé. Cet amendement est un encouragement à l’accomplir. Ce sera inéluctable un jour ou l’autre. J’espère, monsieur le ministre, que vous en mesurez tout l’intérêt pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Jean-Pierre Brard. Un homme de conviction, un républicain authentique ! Il n’y en a pas beaucoup !

M. Henri Emmanuelli. Ça va nous changer de la France des châteaux !

M. Jean-Pierre Brard. Lui, son château, il le prête ! (Sourires.)

M. Étienne Pinte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la session budgétaire que nous entamons n’est pas tout à fait comme les précédentes. Les échéances qui s’annoncent doivent nous inciter à afficher dès maintenant des convictions claires, fortes et sereines. Ne donnons surtout pas raison à ceux qui doutent, en laissant croire que ce budget est un budget d’attente et qu’il ne vaudra que par les collectifs de l’année 2007. On attend de nous un langage de vérité, dont, vous le savez, je ne me suis jamais départi. C’est aujourd’hui qu’il faut agir pour demain, avec honnêteté et lucidité.

La première lecture que je fais de ce projet de loi de finances est, je vous l’accorde, positive. Ses principes sont bons, même si je vais revenir sur quelques frilosités.

La réduction des déficits budgétaires et le désendettement sont amorcés. C’est très bien, et cet objectif doit être respecté.

J’aurais cependant préféré, dans un souci d’apaisement, que la contribution à d’autres administrations publiques que l’État ne soit pas mentionnée comme un élément « pesant en sens contraire ». Sans revenir sur nos précédents débats, je trouve incongru, monsieur le ministre, que les transferts de fonds de l’État vers les collectivités puissent être qualifiés ainsi, mais c’est sans doute une erreur de rédaction de vos services.

Consolider l’effort en faveur de l’emploi et de l’égalité des chances par un budget qui monte en puissance est aussi un très bon engagement, car c’est par l’emploi que nous résoudrons une partie des inégalités sociales. Soyons volontaires en ce domaine. Cependant je m’interroge sur l’affectation des masses budgétaires en faveur de l’emploi. Quand aurons-nous une véritable évaluation de tout ce qui s’est fait depuis tant d’années ?

J’approuve également la consolidation des fonctions régaliennes de l’État. Les crédits affectés à la sécurité intérieure, à la justice et au rayonnement de la France doivent être préservés. Tel doit être également le cas de ceux dédiés à la défense et, surtout, il ne faut pas qu’ils servent une nouvelle fois, comme cela a été trop souvent le cas dans le passé, de variable d’ajustement.

Il est temps, en effet, de réaffirmer les prérogatives de l’État, et cela passe, comme je l’ai souvent dit, par la simplification et l’allégement de notre système administratif ainsi que par la clarification des compétences réciproques.

Ne tombons pas dans le piège du fameux « État modeste ». Ce que souhaitent nos compatriotes, c’est un État moderne, porteur de valeurs et garant de l’avenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis d’accord avec vous !

M. Étienne Pinte. L’État doit être associé aux collectivités territoriales, chacun ayant des missions bien définies, pour assurer à tous une existence digne, qui ne peut prendre d’autres voies que celles de l’éducation, de la formation et du logement.

Enfin, je note que la hausse du budget est limitée à 0,8 %. C’est, je le reconnais, l’amorce d’un cercle vertueux qui doit maintenant devenir réalité : réduction des déficits, désendettement et hausse modérée des dépenses.

Nous posons là un acte responsable et fondateur à l’égard des Français et des générations futures. C’est ainsi que nous dégagerons les marges de manœuvre indispensables dont nous avons besoin pour financer des actions futures, en particulier dans le domaine social.

Je terminerai mon intervention en revenant quelques instants sur l’article 12, qui traite de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité. Il est très bien de rappeler les contraintes qui pèsent sur l’État, mais respecter ses engagements ne doit pas être considéré comme une faveur faite aux collectivités territoriales !

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Étienne Pinte. Je note par ailleurs la volonté clairement affichée par le Gouvernement « d’établir des relations de confiance avec les collectivités ».

M. Henri Emmanuelli. Ça va être dur !

M. Étienne Pinte. Cela est louable, mais je me permets de rappeler mes interventions à ce sujet il y a un an, et les réponses qui m’avaient été apportées concernant un travail de remise à plat et en ordre des relations complexes entre l’État et les collectivités territoriales.

Vous m’aviez promis, monsieur le ministre, ainsi que le président de la commission des finances, des informations sur ce travail de remise à plat afin qu’on y voie plus clair sur les transferts de charge de l’État vers les collectivités et les aides apportées par l’État à ces mêmes collectivités. Vous ne les avez pas encore données, et je le regrette. Cet effort de clarification est plus que jamais nécessaire de façon à éviter les interprétations, les divergences, les contradictions que j’avais évoquées l’année dernière. En tout cas, je souhaite savoir quelles sont les actions que ne manquera pas d’entraîner très rapidement cette volonté clairement affichée du Gouvernement. J’attends une réponse plus rapide que celle que j’avais sollicitée l’année dernière.

J’ai peut-être, cependant, trouvé un élément de réponse dans la suite de l’exposé des motifs de l’article 12. Il annonce très explicitement la « désindexation progressive du contrat en 2008 et 2009 pour atteindre une norme de progression compatible avec celle des dépenses de l’État. » Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites !

J’ai décidé de ne pas voir malice dans cette annonce de désindexation. Je ne peux croire, en effet, que l’effort de rationalisation de nos finances publiques ne pèsera que sur les collectivités locales. Je souhaite que nous puissions en avoir l’assurance, si possible dès aujourd’hui, et, surtout, que cette perspective soit enfin le moteur de la clarification du rôle de chacun.

Il est sans doute possible de faire mieux avec moins. Reste à savoir comment, et à le prouver.

Des pistes déjà suivies me semblent bonnes : simplifications, clarifications, évaluations. Elles nécessiteront beaucoup de courage. C’est pourquoi je souhaite, avec détermination, que ce budget s’inscrive dans une véritable vision de ce que doit être la France pour les vingt ans à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, en écoutant M. le rapporteur général hier après-midi, j’ai éprouvé une pointe d’envie envers ces démocraties qui prennent très au sérieux la séparation des pouvoirs et qui, de ce fait, réservent la présidence de la commission des finances et le rapport de cette commission à l’opposition.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il n’y en a pas beaucoup !

M. Jean-Pierre Brard. Ils ne sont tout de même pas masochistes à ce point !

M. Philippe Auberger. Quand vous étiez dans la majorité, nous avez- vous donné des postes ?

Mme Christiane Taubira. Nous y veillerons. Vous pouvez déjà postuler (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) parce que nous allons nous précipiter pour faire cette réforme.

Il est vrai que, par précaution, le président de la commission des finances a pris quelque distance critique hier et, rendons-lui justice, ce n’est pas la première fois qu’il élève des protestations. Il n’a tout de même pas résisté à la tentation d’un exercice partisan puisqu’il nous a présenté une espèce de tableau manichéen des deux législatures.

Je continue à penser qu’il est important, pour que le Parlement puisse exercer son contrôle du travail de l’exécutif, qu’il puisse contrôler notamment les finances.

Ce n’est pas manquer de charité…

M. Jean-Pierre Brard. Attention à la laïcité !

Mme Christiane Taubira. …que de rappeler que l’actuel Président de la République a convaincu une partie de son électorat essentiellement en promettant de baisser les impôts. Il est intéressant de voir ce que cette majorité a fait de cette promesse.

M. Philippe Auberger. Le meilleur usage !

Mme Christiane Taubira. Il est toujours possible de s’étendre sur les situations particulières de nos circonscriptions, qu’il s’agisse du secteur industriel, des filières artisanales, libérales ou des travailleurs indépendants, mais allons à l’essentiel et rappelons ce qu’est le principe de l’impôt.

Dans une République démocratique et sociale, l’impôt doit permettre à chacun de contribuer équitablement aux charges communes. Au siècle dernier d’ailleurs, lorsque Joseph Caillaux a réfléchi à la mise en place de l’impôt sur le revenu, il l’a conçu progressif, parce que c’est la condition de l’équité.

Quant à la vocation de l’impôt, outre, bien sûr, sa fonction de redistribution, il vise aussi à doter les pouvoirs publics de moyens d’intervention économique.

Sous la précédente législature, nous avons réformé l’ordonnance de 1959 et permis, grâce à la LOLF, plus de transparence et de cohérence. C’est un progrès technique incontestable.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous oubliez de dire que cette réforme a été votée à l’unanimité !

Mme Christiane Taubira. Vous n’avez pas prolongé cet effort, notamment en ne procédant pas à la nécessaire réforme fiscale pour moderniser les instruments d’intervention économique, de sorte que la France continue à apparaître comme un pays à fiscalité forte – 44 %, pour une moyenne européenne de 41 % – simplement parce que, avec l’impôt, sont comptées les contributions diverses et les différentes cotisations pour la protection sociale.

Pour que vous ne pensiez pas que je suis en train de plaider pour la baisse des impôts, je rappelle que le Danemark a une pression fiscale de 50 %, mais un taux de chômage beaucoup plus faible, ce qui prouve bien que c’est une question de répartition.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il a choisi la flexsécurité !

M. Henri Emmanuelli. Oh ! Mais cela coûte très cher ! On vous expliquera, monsieur Copé.

Mme Christiane Taubira. Tout n’est pas à emprunter.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vous, madame Taubira, qui en faites l’éloge !

Mme Christiane Taubira. Je n’en fais pas l’éloge : je dis que l’on peut avoir une faible pression fiscale et un taux de chômage très faible.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui, en choisissant la flexsécurité… que vous condamnez.

Mme Christiane Taubira. Je confirme que je la condamne.

Il est indispensable de réformer ce système de prélèvement obligatoire, d’abord parce qu’il ne tient pas compte de la dimension internationale des activités économiques. Les bénéfices extérieurs ne sont pas taxés et les charges et pertes extérieures ne sont pas déductibles.

Ce système de prélèvement obligatoire ne prend pas suffisamment en compte non plus l’appartenance de la France à l’Union européenne et il ne fait pas de place aux politiques régionales. Cela est particulièrement flagrant pour l’outre-mer, mais ça l’est aussi pour les territoires de l’hexagone. Chacun voit bien que vous continuez à transférer tranquillement des compétences et des charges, tout en ne les compensant que très parcimonieusement.

M. Henri Emmanuelli. C’est vrai.

Mme Christiane Taubira. Surtout, vous évitez de mettre en place un dispositif de péréquation générale qui permettrait de combler les disparités territoriales. Pourtant, le sort vous a été favorable : 64 milliards de recettes fiscales supplémentaires de 2002 à 2007, que le rapporteur général qualifie poétiquement de « surplus fiscaux spontanés » !

Il demeure que vous n’avez pas réformé l’impôt personnel en créant un impôt unique et progressif, au lieu de cet assemblage hétéroclite d’impôt sur le revenu et de prélèvements proportionnels, comme la CSG et la CRDS, qui ne sont pas particulièrement équitables.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Créées par la gauche ! La CSG, c’est Rocard !

Mme Christiane Taubira. Lorsque les réformes sont nécessaires, il faut les faire.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais vous les condamnez !

Mme Christiane Taubira. Pas du tout ! À l’époque où elle a été faite, elle était nécessaire pour combler les déficits que votre majorité avait creusés. C’était alors un outil moderne, mais il mérite d’être maintenant à nouveau modernisé.

Vous avez surtout aggravé les écarts entre les revenus du travail et ceux du capital. En intégrant l’ancienne réfaction de base et en modulant les taux, vous avez élargi l’assiette d’imposition des salaires de 72 à 90 %, alors que, dans le même temps, en supprimant l’avoir fiscal, mais en instaurant le bouclier fiscal, vous n’avez élargi l’assiette d’imposition des dividendes que de 50 à 60 %. Ainsi, après votre réforme, l’écart de taxation est passé de 22 à 30 % au détriment des salariés et au profit des actionnaires. Voilà une mesure emblématique de votre sens de la justice fiscale et de votre lutte contre le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bobe, dernier orateur inscrit.

M. Jacques Bobe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur un problème particulier qui me tient à cœur : l’un des objectifs affichés du projet de budget que vous nous présentez pour l’année 2007 est de contribuer à une plus grande justice sociale. C’est une ligne de conduite dont nous ne pouvons que nous féliciter et que nous soutenons pleinement. La justice sociale commence souvent par la justice dans la formation ou dans l’entrée dans la vie active.

Depuis plusieurs années maintenant, j’ai proposé aux ministres concernés de mettre en place une exonération des cotisations sociales pour les sommes que consacrent les comités d’entreprise aux bourses d’études, deux mesures qui répondent au souci de justice que je viens d’évoquer.

En effet les comités d’entreprise de certains grands groupes constituent, au bénéfice des enfants de leurs salariés à revenus modestes, des fonds permettant de verser des bourses d’études ou d’ouvrir un compte dotal aidant à s’installer dans la vie active grâce à un pécule de départ. Il s’agit d’une œuvre sociale très utile qui perdure depuis 1947 et elle me semble toujours d’actualité.

Or les comités d’entreprise qui pratiquent ces constitutions de fonds sont soumis, depuis quelques années seulement, aux cotisations sociales pour les sommes engagées. C’est d’ailleurs pourquoi plusieurs d’entre eux ont renoncé à poursuivre dans cette voie face au poids grandissant des charges financières qui pénalisent ce type d’interventions.

D’abord, alors que les chèques-vacances, les cadeaux de Noël, les voyages et d’autres actions relativement moins nécessaires sont exonérés, les comités d’entreprise ont l’impression de ne pas voir reconnaître le côté fortement social des aides financières qu’ils apportent. En outre, les bénéficiaires potentiels sont lésés si l’aide ne peut plus leur être octroyée, alors même que chacun s’accorde à reconnaître que les étudiants doivent être mieux épaulés et que notre Gouvernement ne peut augmenter les bourses – en nombre et en montant – autant qu’il le souhaiterait.

Certains départements connaissent ce type de problème. Afin de soutenir la mise en œuvre de l’exonération de charges demandées, j’ai déposé, il y a deux ans, une proposition de loi. Conscients de l’utilité d’une telle mesure, près de 150 de mes collègues l’ont cosignée. Je suppose, monsieur le ministre, que vous me répondrez que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 constituerait un support plus approprié pour retenir cette disposition. Mon intention est bien d’ailleurs de proposer, le moment venu, un amendement en ce sens.

Dans l’immédiat et, je le répète, dans un souci de justice sociale qui fonde ce projet de loi de finances, il me serait agréable que vous puissiez prendre, monsieur le ministre, un engagement de principe en ce sens : exonérer de charges sociales les bourses et les comptes dotaux, car cela donnerait aux comités d’entreprises – donc indirectement aux entreprises – l’occasion de participer à leur manière à l’effort que chacun doit fournir au moment où les budgets sont nécessairement resserrés et limités. Je vous en remercie vivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais, à l’issue de cette discussion générale passionnante qui s’est déroulée depuis hier, apporter réponses ou commentaires aux différentes interventions. En préalable, bien entendu, je remercie l’ensemble des intervenants qui ont fourni, à travers l’expression de leurs convictions, des éléments très enrichissants au débat.

Merci, monsieur le rapporteur général, de votre contribution tout au long de ce travail, notamment en amont de la préparation de cette loi de finances ; elle a été pour moi extrêmement précieuse.

M. Didier Migaud. Ces remerciements sont mérités.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Absolument, mais vous en aurez aussi, monsieur Migaud. Attendez votre tour !

M. Didier Migaud. Ils ne seront pas de même nature !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sans nul doute !

Je partage donc avec vous l’idée que, si une dynamique nouvelle a pu s’enclencher, c’est d’abord grâce une prise de conscience collective quant à la réalité de la situation budgétaire ; le rapport Pébereau en a été évidemment un élément important. Il en a résulté un changement profond de comportement en matière de gestion.

Vous avez dressé la liste de toutes les décisions que nous avons prises, jusqu’à la budgétisation progressive de certaines dépenses, comme les OPEX. Vous avez également mentionné la recherche de sincérité que nous menons en matière de prévision de recettes.

M. Jean-Pierre Brard. Oh !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. S’agissant de ces outils inédits que sont à ces fameux audits dont on parle maintenant beaucoup, je tiens à répéter combien je souhaite de tout cœur qu’ils continuent d’être utilisés qu’au-delà de cette législature.

M. Didier Migaud. Nous le voulons aussi ce grand audit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce sont des éléments extrêmement utiles à tout gouvernement quel qu’il soit pour travailler à la modernisation de la dépense publique. Les audits sont maintenant intégrés dans la vie de nos administrations. Chaque ministre peut en prendre l’initiative. Ils contribuent à la modernisation de la dépense publique et permettent de dégager des marges de manœuvre pour financer de nouvelles politiques publiques.

Cela étant, monsieur le rapporteur général, je veux réagir à quelques-unes de vos propositions et observations.

Vous avez ainsi évoqué l’idée d’une loi de programmation pluriannuelle en matière de finances publiques. D’accord, mais à condition qu’elle s’applique à l’ensemble des composantes de la dépense publique ; c’est du reste tout l’enjeu de la conférence des finances publiques. Il s’agit d’une question extrêmement importante parce que c’est la vision commune des différents acteurs– sécurité sociale, collectivité locale et État – qu’il faut construire.

Faut-il aller plus loin s’agissant de la norme de la dépense ? Je rappelle qu’il s’agit de deux questions distinctes. Il faut en effet d’abord savoir si toutes les charges sont correctement budgétées. Cela est évidemment le cas dans ce budget, mais qu’en est-il des différents engagements pris vis-à-vis des collectivités locales, des prélèvements européens, des compensations de charges ? Il faudra sans doute réfléchir pour l’avenir – et c’est le deuxième point – à la question du périmètre à partir duquel on mesure l’évolution des dépenses.

On peut débattre à l’infini du périmètre ; on peut même le modifier. La seule chose que je demande c’est que l’on se fixe une règle stable. Après tout, ce périmètre, ce n’est pas moi qui l’ai inventé !

M. Charles de Courson. C’est Fabius !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rappelle que les règles datent de 2000 puisque c’est à cette époque que le Conseil constitutionnel s’est prononcé, notamment pour ce qui concerne les prélèvements sur recettes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On peut changer ce périmètre. Je demande simplement, lorsque l’on juge de ce projet de loi de finances, qu’on le fasse à périmètre constant. Alors seulement cela aura du sens d’observer si la dépense baisse ou augmente ou ce qu’il en est de la maîtrise du déficit.

Faut-il réserver les dépenses fiscales aux lois de finances ? C’est une piste sur laquelle je suis tout à fait prêt à réfléchir, mais le vrai sujet c’est surtout l’évaluation de la dépense fiscale, domaine dans lequel nous avons encore beaucoup de travail.

M. Didier Migaud. Oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Faut-il adopter la règle d’or selon laquelle l’emprunt ne devrait financer que l’investissement ? Vous pouvez imaginer aisément que pour le ministre du budget la réponse est un oui massif !

M. Michel Bouvard. Oh oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Toutefois la vie quotidienne réserve parfois quelques contraintes, quelques surprises. Il nous faut alors quelques arrangements, non pas avec le bon Dieu, mais avec le fonctionnement quotidien du Gouvernement et avec les engagements que nous prenons. En tout cas, sachez-le, la copie que je présente devant votre assemblée s’efforce, dans la mesure du possible, de réduire la part des frais de fonctionnement considérés comme mal utilisés, pour les consacrer à l’investissement sur l’avenir.

Vous savez que nous avons consenti beaucoup d’efforts l’an dernier pour alléger l’IFA des petites entreprises. Votre commission a proposé des avancées supplémentaires. Je les examinerai avec beaucoup d’attention et d’intérêt.

Je remercie le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie : j’ai apprécié à leur juste valeur les mots élogieux qu’il a prononcés sur ce budget. Connaissant son degré d’exigence, j’apprécie d’autant plus cette reconnaissance de la qualité du travail que nous avons accompli ensemble.

Il a, à juste titre, insisté sur la nécessité de renforcer la performance de notre administration et, en particulier, de généraliser les approches fondées sur ce que les Anglo-Saxons appellent le benchmarking. Cela est au cœur de la démarche que je propose pour les mois qui viennent et que j’ai utilisée depuis le début de cette année.

Il est vrai qu’il ne doit pas y avoir de contradiction entre le ministre du budget qui baisse la dépense et les ministres qui disent que leur budget augmente. En réalité, c’est bien la même histoire : lorsque les ministres annoncent qu’ils augmentent leur budget, c’est parce qu’ils ont opéré leurs propres arbitrages, comme la LOLF le leur permet désormais. Cela constitue une avancée majeure, comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans mon propos introductif hier.

M. Méhaignerie a également déploré, avec raison, la multiplication des agences et des commissions.

M. Charles de Courson. Hélas, la tendance ne s’inverse pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À cet égard, je suis déterminé à continuer d’agir. Je prendrai un décret visant à rationaliser l’organisation des commissions, leur nombre et, surtout, leur durée de vie en prévoyant notamment que, au bout de cinq ans, on réexamine systématiquement si une commission doit être maintenue. Sur ce sujet, nous travaillons ensemble au même objectif.

Concernant les collectivités locales, je tiens à remercier M. Méhaignerie de se montrer aussi attaché à une approche globale de leurs relations financières avec l’État car c’est mon combat de tous les jours. Ce sujet suscitant beaucoup de commentaires, dont certains sont quelque peu inexacts, je suis sensible au fait que M. Méhaignerie reconnaisse que l’État remplit tous ses engagements vis-à-vis des collectivités : comme je le répète sur tous les tons, s’engager à verser plus de 2,8 milliards d’euros entre 2006 et 2007, ce n’est pas rien, quand, dans le même temps, la dépense de l’État diminue d’un point par rapport à l’inflation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’avez pas écouté ce qu’a dit M. Pinte, qui est pourtant un véritable expert, lui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il faut évidemment aller plus loin. Voilà pourquoi j’ai demandé, sur une suggestion du président Méhaignerie, qu’on procède à un audit de modernisation.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’on procédât !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. Brard est un puriste !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je voulais vérifier que vous m’écoutiez, monsieur Brard !

J’ai donc demandé qu’on consacre un audit de modernisation aux dégrèvements d’impôts locaux pris en charge par l’État. C’est un beau sujet.

M. Charles de Courson. Très intéressant !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela permet de mesurer concrètement que l’État est le premier contribuable local. C’est aussi une approche très constructive des relations entre l’État et les collectivités locales.

Je veux vous dire, monsieur Michel Bouvard, que nous partageons vos réflexions à propos des emplois à l’éducation nationale et, plus généralement, des audits de modernisation, non seulement dans le cadre de la mission d’information sur la LOLF, mais bien au-delà. Nous avons clairement dégagé les points sur lesquels nous devrons continuer de travailler dans l’avenir. Vous voulez que les administrations ajustent leur format à l’évolution de la décentralisation : c’est tout l’intérêt des vagues transversales d’audits que nous avons lancées, notamment celui consacré aux conséquences de la décentralisation sur l'organisation et l'activité des administrations de l'État.

Quant aux suppressions d’emploi non pourvus dans les budgets opérationnels de programme, le message doit sans cesse être rappelé sans ambiguïté aux administrations centrales : la fongibilité asymétrique est de principe. N’hésitez pas, monsieur Bouvard, à rappeler ce principe au cours de l’examen de la deuxième partie du budget, car le message doit être relayé d’une façon très pédagogique. Je sais que vous aurez à cœur d’accomplir cette mission. (Sourires.)

M. Michel Bouvard. Je n’y manquerai pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En ce qui concerne l’affectation des recettes, je partage totalement votre souci d’une meilleure vision de l’action des opérateurs de l’État.

M. Michel Bouvard. Ah !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai d’ailleurs pris trois initiatives dans ce domaine.

D’abord, j’ai lancé, dans le cadre de la cinquième vague d’audit, un audit consacré à la tutelle des opérateurs, notamment celle des 71 établissements publics relevant du ministère de la culture.

M. Philippe Auberger. C’est beaucoup !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Eh oui ! C’est pourquoi l’audit aura besoin de temps pour comprendre le fonctionnement de la tutelle dans ce domaine.

Grâce au « jaune » consacré aux opérateurs de l’État que vous aviez demandé, vous disposerez pour la première fois d’une vision globale et très instructive des opérateurs, de leurs ressources et de leurs emplois.

Autre avancée majeure, chaque projet annuel de performances – PAP – comprend désormais des développements sur les opérateurs qui contribuent au programme. À cet égard je vous remercie également, monsieur Bouvard, de vos observations sur le volet « performances » des PAP. Je pense comme vous qu’il y a trop d’indicateurs, et nous nous efforçons d’ailleurs d’en réduire le nombre. La LOLF est un organisme vivant, qui n’était encore qu’un nouveau-né l’année dernière : on commence seulement maintenant à voir en quels points elle peut être améliorée.

En ce qui concerne le système informatique, je vous fais d’abord remarquer que le palier 2006 a été franchi sans encombre : c’est un petit exploit étant donné ce qu’était l’état des lieux il y a dix-huit mois. J’ai personnellement suivi cette affaire de très près, car je considère comme une responsabilité ministérielle majeure de ne pas se contenter de faire de belles annonces sans s’assurer que l’arrière suive. En l’espèce le suivi informatique était d’une importance capitale.

Ces outils ne sont bien sûr pas parfaits. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé Chorus, un système d’information intégré partagé par tous les acteurs financiers de l’État et assurant la mise en œuvre de 100 % des dispositions de la LOLF. Un pilote fonctionnel sera mis en œuvre au début de 2008, et le système sera déployé progressivement dans tous les services de l’État à partir de 2008. J’ai réuni, il y a quelques semaines, l’ensemble des fonctionnaires en charge de cette question afin de le leur rappeler. Il faudra également veiller à ce que chaque ministère mette en place ses propres systèmes de pilotage interne et à ce que tous soient coordonnés.

En ce qui concerne la mise en œuvre de la LOLF, on ne remerciera jamais assez l’ensemble des fonctionnaires qui ont travaillé sur ces questions et qui ont accepté de suivre les formations nécessaires. C’était vraiment important et, de ce point de vue, le travail accompli est tout à fait remarquable.

Je remercie M. Carcenac de ses propos très responsables et très précis sur la question de la disparition du budget des monnaies et médailles. Même si nous aurons l’occasion de l’aborder lors la discussion des amendements, je veux d’ores et déjà souligner que la LOLF imposait cette disparition. Le statut d’EPIC donnera au nouvel établissement les marges de manœuvre nécessaires pour mettre en œuvre un projet industriel, dans le cadre d’un contrat d’entreprise pluriannuel. En tout état de cause, il n’est pas question de remettre en question le monopole de la frappe des monnaies. Toutes ces transformations se font dans la concertation, notamment avec les personnels.

Je dois indiquer à M. Perruchot que j’ai préféré le début de son intervention à la fin. En effet, après avoir commencé par évoquer un « budget rêvé », je regrette que la suite ait été aussi sévère. En l’écoutant, je me suis demandé s’il n’avait pas lui-même rêvé d’un tel budget. Après tout, il est un représentant éminent de l’UDF à l’Assemblée nationale, grâce à un électorat qui est à peu près celui de l’UMP. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est une menace ! Les obus vont pleuvoir sur Blois !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pas du tout !

M. Henri Emmanuelli. Comme c’est vilain !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est le simple rappel d’une réalité politique que vous connaissez aussi bien que moi, monsieur Brard.

Je me souviens qu’à l’époque nous faisions campagne pour des idées à peu près semblables. Nous étions notamment d’accord pour proposer aux Français d’abaisser la dépense de l’État, de réduire le déficit et la dette en luttant contre les gaspillages. Et quand je propose un tel budget, voilà que M. Perruchot me dit qu’il ne le votera pas et même qu’il votera contre !

M. Didier Migaud. Il a raison, car ce n’est pas ce que vous faites !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Inutile de vous dire combien j’ai souffert en l’entendant Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), moi qui ai tant d’estime pour lui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Ça se voit, que vous avez souffert !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le petit cœur fragile qui se dissimule derrière la rigueur, voire la rugosité imposée par la fonction de ministère du budget, n’en a pas moins été touché.

M. Jean-Louis Idiart. Comediante, tragediante !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rassemble les dernières forces qui me restent pour vous dire que j’essaierai cependant avec la dernière énergie, de convaincre le groupe UDF de s’abstenir au moins, puisqu’il s’était déjà opposé au budget proposé l’année dernière. Il avait alors avancé le prétexte que la baisse de la dépense publique restait tout juste au niveau de l’inflation. Or nous avons aujourd’hui réussi le « carré magique », puisque la baisse que nous vous proposons dans ce budget est en deçà de l’inflation. Ils devraient donc s’abstenir cette année par souci de cohérence avec leur vote de l’an passé.

Même si je crains que les lois cruelles de la politique politicienne ne viennent perturber ce raisonnement pourtant impeccable, nous avons deux mois pour les convaincre.

M. Jean-Pierre Brard. C’est le coup de grâce en perspective. Ravaillac s’annonce !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela vaut du moins pour l’UDF car, en ce qui concerne les députés communistes et apparentés, j’ai peu d’espoir ; ou plutôt j’ai bon espoir que la solidité de nos arguments ne les dissuadera pas de continuer de voter contre, sinon je perdrais tous mes repères : ce n’est pas seulement le cœur qui en serait ébranlé, mais toute logique rationnelle !(Sourires.)

Tout en appréciant le caractère convivial et sympathique de M. Chassaigne, je déplore la sévérité extrême dont il a fait preuve sur le fond. Je compte sur vous, monsieur Sandrier, pour lui transmettre ce message, puisqu’il n’a pas pu être présent ce soir.

M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Contrairement à ce qu’a avancé M. Chassaigne, l’État est, grâce à ce PLF, au rendez-vous pris avec les élus locaux.

M. Henri Emmanuelli. Le maire de Versailles vient de vous démontrer le contraire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai honoré à l’euro près l’indexation du contrat de croissance et de solidarité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous compensons les transferts de compétences dans le respect total des engagements, qu’il s’agisse de compensation du RMI, ou de transferts de fractions de taxes, conventions d’assurance ou TIPP.

M. Jean-Claude Sandrier. Vous êtes si peu convaincu que vous devez lire un papier !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Puisque vous avez la mémoire aussi longue que la mienne, vous pouvez attester que, ministre délégué à l’intérieur, je m’étais engagé devant votre assemblée à obtenir de Bruxelles l’autorisation de modulation du taux de la taxe pour les régions. Aujourd’hui que nous l’avons obtenue, j’aurais apprécié que vous ayez un mot délicat sur ce sujet. Un ministre qui tient ces engagements, ce n’est pas si fréquent…

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas la règle : c’est le moins qu’on puisse dire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.…et cela n’aurait rien enlevé à la force de vos convictions que de souligner ce point en dépit de nos différences.

M. Henri Emmanuelli. Soyez plus modeste : vous ne faites pas exception à la règle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Détendez-vous, monsieur Emmanuelli ! Je ne peux pas répondre à vos invectives puisque votre absence ne vous a pas permis de les exprimer depuis cette tribune. Comprenez que cela me frustre !

M. Henri Emmanuelli. Je suis présent quand je veux ! Je ne suis pas à vos bottes, monsieur Copé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mme Billard a affirmé que l’environnement devait être une priorité gouvernementale.

M. Henri Emmanuelli. Quelle arrogance, quelle suffisance !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Permettez-moi de répondre à Mme Billard.

M. Henri Emmanuelli. Signe infaillible d’insuffisance !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Or l’environnement est bel et bien une priorité du Gouvernement. La qualité d’une politique dans ce domaine ne se juge pas seulement sur les moyens, mais également sur les résultats. À cet égard l’année 2006 nous a apporté certaines satisfactions. En effet la France, qui avait pris du retard dans ce domaine, a satisfait ces obligations en matière de recensement des sites Natura 2000. En outre l’Union européenne a classé la France au troisième rang des États membres du point de vue du respect des engagements en matière de limitation des émissions de CO2 dans l’industrie. Cela valait d’être rappelé.

Au-delà de votre analyse budgétaire, que je partage, monsieur Deniaud, je retiens trois points de votre intervention.

Premièrement je partage votre conviction que discipline budgétaire et réforme de l’État sont liées. À cet égard je souhaite que la nouvelle architecture du ministère perdure car elle est cohérente avec cet objectif ; je pense notamment à la nouvelle direction totalement dédiée à la modernisation de l’État.

Deuxièmement vous vous êtes réjoui des résultats en matière de modernisation de la politique immobilière de l’État, et je vous remercie pour l’action déterminante que vous menez en ce domaine en tant que président de la MEC.

Enfin je pense comme vous, monsieur Deniaud, qu’aucune réforme de l’État ne peut se passer des agents. C’est pourquoi 50 % des économies réalisées par non-remplacement d’emplois leur sont rétrocédées, comme s’y est engagé Dominique de Villepin. C’est évidemment un point majeur.

Les retards des systèmes d’information de la LOLF pointés par M. Giacobbi ont été largement comblés par le lancement de Chorus, que j’ai déjà évoqué en réponse à M. Bouvard. Par ailleurs l’État respectera ses engagements concernant la première tranche du programme exceptionnel d’investissement, PEI, pour la Corse.

Les conditions de financement des engagements de l’État ont été modifiées, notamment par la création de l’AFITF, qui se substitue désormais au ministère des transports pour financer les projets d’investissements routiers et ferroviaires en Corse. Cette agence interviendra par l’intermédiaire d’un fonds de concours ; les moyens versés sur ce fonds seront fongibles avec les dotations budgétaires du PEI Corse. Ce fonds de concours a d’ores et déjà été créé par le ministère du budget ; une dotation de 28 millions d’euros en autorisations d’engagement est inscrite dans le budget de 2006.

Je vous remercie, monsieur Auberger, de l’intérêt et de la précision constantes de vos interventions, ainsi que de votre soutien sans faille.

En ce qui concerne le dispositif Gazelle, j’entends bien votre message : ce n’est effectivement qu’un premier pas. Cependant il s’ajoute à tout ce que nous avons fait depuis 2002 en faveur de l’innovation : crédit d’impôt recherche, incitations à la transmission d’entreprise, exonération des plus-values professionnelles, autant de réformes auxquelles vous avez personnellement contribué, et qui viennent s’ajouter au travail accompli cette année.

S’il y a bien un domaine dans lequel le Gouvernement peut être fier, c’est celui de la création d’entreprise. La loi Dutreil a suscité une dynamique très forte en la matière, comme le prouvent les résultats obtenus par notre pays, en rupture avec la situation des années quatre-vingt-dix, qui étaient pourtant des années de croissance économique. Cela prouve que la croissance ne suffit pas sans une législation moderne propre à alléger les contraintes et à donner des outils nouveaux pour la création d’entreprise, en un mot qui vive avec son temps.

Je souhaite, monsieur Auberger, que nous consacrions un débat spécifique à la prime pour l’emploi car la question est importante. Vos propositions vont tout à fait dans le sens de ce que je souhaite à titre personnel : simplification du barème, en dépit de fortes contraintes juridiques ; réforme des droits connexes attachés aux minima sociaux et versement par les URSSAF. Comme vous le savez, j’ai lancé un audit sur les modalités de gestion de la prime pour l’emploi dont les résultats me seront communiqués en janvier 2007. Je reviendrai alors devant vous afin que nous en débattions.

Monsieur Claeys, si l’exécution des contrats de plan 2000-2006 a en effet pris du retard, c’est surtout entre 2000 et 2002. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous mentez ! Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement met aujourd’hui tout en œuvre pour rattraper ce retard et atteindre un taux d’exécution satisfaisant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart. Personne ne vous croit !

M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est curieux : lorsque je dis du bien des socialistes, ils ne bougent pas, et il faut que je dise la vérité sur ce qu’ils n’ont pas fait pour qu’ils se réveillent !

M. Augustin Bonrepaux. C’est un mensonge éhonté !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le CIACT du 6 mars 2006 a décidé l’affectation de financements supplémentaires de l’agence de financement des infrastructures de transport de France, ajoutant 600 millions d’euros à son budget initial pour 2006. Compte tenu de ces mesures, 81 % des crédits prévus pour les contrats de plan État-région devraient être mis en place à la fin de l’année, ce qui représente un taux d’exécution supérieur à celui des contrats de la génération 1994-1998 à la fin de l’année 1998.

Pour le reste, je vous trouve un peu injuste à propos des collectivités locales, compte tenu des efforts considérables du Gouvernement en ce sens, que j’ai rappelés tout à l’heure.

Je remercie Georges Tron de son intervention et rappelle que le « jaune » que l’Assemblée a décidé l’an dernier de consacrer aux opérateurs donne, pour la première fois, une vision complète du sujet, et que chaque PAP comporte des développements à cet égard.

Nous étendons progressivement la modernisation de la politique immobilière aux opérateurs et j’ai lancé, je le rappelle, un audit sur la tutelle et le pilotage. Je tiens enfin à remercier M. Tron pour sa contribution à la mise en place du conseil de l’immobilier de l’État.

M. Henri Emmanuelli. Parlons-en, de l’immobilier de l’État !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il s’agit d’une excellente réforme, monsieur Emmanuelli, et je suis à votre disposition pour en reparler.

M. Henri Emmanuelli. Nous en parlerons quand vous voudrez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je partage la préoccupation de M. Decool quant à l’égal accès de tous nos concitoyens aux soins médicaux, mais les baisses d’impôts déjà décidées pour 2007 nous laissent aujourd’hui des marges de manœuvre plus étroites, d’autant que sa proposition se traduirait par un coût de 2 milliards d’euros. Il faut néanmoins continuer de travailler sur ce sujet.

Je dois dire à M. Besson, que j’ai écouté attentivement, que nous n’avons pas le même regard sur la réalité.

M. Jean-Pierre Brard. Vous portez des lunettes roses !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ni roses, ni rouges, monsieur Brard ! Ne vous trompez pas de couleur : les miennes sont bleues !

M. Henri Emmanuelli. Que vous soyez dans le bleu, tout le monde l’a bien compris !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. M. Besson a parlé de budget « en trompe-l’œil », « inopérant » et même « insincère ». Je tiens toutefois à rappeler que, selon Eurostat, la France est le seul des grands pays européens à être passé sous le seuil de 3 % de déficit du PIB à la fin de 2005 et que la Commission européenne et le FMI saluent le sérieux de notre budget pour 2007.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas ce que dit M. Carrez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai la modestie de ne pas me prendre pour le FMI !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Eurostat, la Commission, le FMI : si vous doutez du sérieux de ces institutions, pourquoi, vous en inspirez-vous lorsqu’ils portent un jugement sévère sur la gestion publique de la France ? Il ne faut pas avoir deux poids, deux mesures.

M. Henri Emmanuelli. Et M. Carrez ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quant à l’insincérité de ce budget, évoquée par M. Besson, je m’attendais bien à ce que quelqu’un, à gauche, se lâche sur ce thème. C’est M. Besson qui s’y est collé !

M. Jean-Louis Idiart. « Se lâche » ? « S’y colle » ? Quelles expressions !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le fait que ce soit lui plutôt qu’un autre m’a fait comprendre que d’autres avaient quelques hésitations à aborder ce thème. Je tiens en effet à rappeler que nous avons démontré, l’an dernier, que nos prévisions étaient parfaitement crédibles, notamment en matière de croissance, et que, pour ce qui est de la sincérité, le Conseil constitutionnel, que vous avez saisi sur la loi de règlement – inspirée d’ailleurs dans une large mesure par un rapport de la Cour des comptes – a tranché dans un sens qui n’était pas celui de votre recours.

M. Didier Migaud. Ce n’est pas exactement le sens de sa décision !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’en avais conclu que vous aviez compris que notre budget était sincère et que vous n’y reviendriez pas une deuxième fois. Voilà donc pourquoi ce n’est pas M. Migaud qui a évoqué la question, mais M. Besson.

M. Éric Besson. Monsieur le ministre, quelles allusions faut-il entendre lorsque vous évoquez le fait que ce soit moi plutôt qu’un autre qui m’y suis « collé » ? C’est injurieux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ne le prenez pas en mauvaise part, monsieur Besson ! J’évoquais simplement un vieil exercice auquel M. Migaud et moi nous livrons traditionnellement : c’est d’ordinaire lui qui m’attaque sur le thème de l’insincérité. Or, cette fois, ce n’était pas lui, mais vous. J’ai donc considéré que, sur cette question, M. Migaud avait du mal à monter au front et qu’il vous avait délégué cet exercice auquel vous vous êtes d’ailleurs livré avec beaucoup de talent et de courtoisie. Vous ne pourrez toutefois m’ôter de l’esprit que, s’il ne l’a pas fait, c’est qu’il se sentait sans doute moins fort que d’habitude sur ce sujet.

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard. Est-ce le cas de M. Breton, qui a déserté et vous a laissé tout seul ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est normal que nous nous répartissions un peu la tâche, monsieur Brard ! Vous le faites bien au sein de votre groupe, et vous-même n’avez pas toujours été présent depuis l’ouverture de ce débat.

M. Jean-Pierre Brard. J’étais à la commission d’enquête !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela ne me regarde pas, monsieur Brard !(Protestations sur les bancs des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas le ministre qui fait les agendas des députés !

M. Jean-Louis Idiart. Où est M. Breton ?

M. Henri Emmanuelli. Pendant ce temps-là, vous faites le pion !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. M. de Courson s’est montré sévère à propos de ce budget. Cela ne me surprend d’ailleurs pas vraiment, car les propos qu’il a tenus en commission des finances m’avaient laissé entendre qu’il le serait. Pour tout dire, j’en viens presque à renoncer à le convaincre, car il me ressert d’année en année les mêmes arguments et, malgré l’énergie que je déploie pour m’efforcer de le convaincre du contraire, je n’y parviens pas.

Pour ce qui est toutefois de l’évolution des dépenses, les règles du jeu n’ont pas changé. Lors même qu’on les conteste, il faut au moins reconnaître, en comparant à périmètre constant, le travail que nous avons accompli. Vous êtes libre de dire que vous ne voterez pas le budget pour autant, mais il vous faut au moins donner acte au Gouvernement que, sur ces questions, les engagements pris ont été tenus.

Par exemple, vous ajoutez les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales et de l’Union européenne.

M. Charles de Courson. Évidemment !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est peut-être légitime, mais il faut alors, je le répète, faire la même comparaison pour les années précédentes, sous peine de manquer de fair-play.

M. Charles de Courson. Nous le faisons chaque année !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui, mais dès lors que vous faites cette comparaison, il faut la faire d’une année sur l’autre avec les mêmes thèmes. Reconnaissez qu’à périmètre égal, la dépense de l’État a diminué.

M. Charles de Courson. Elle n’a pas diminué !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il en est de même pour les allégements de charges sociales, que je considère comme de moindres recettes pour l’État. Vous pouvez ne pas être d’accord sur ce point, mais c’est le même exercice que l’an dernier.

M. Charles de Courson. Avec le tabac !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quant aux moyens affectés aux divers opérateurs, ils sont destinés à financer des missions nouvelles qui leur sont confiées. Il ne s’agit donc pas de débudgétisation.

M. Charles de Courson. Si !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ainsi, pour ce qui concerne l’ANR, ils nous permettent d’honorer nos engagements en faveur de la recherche et de faire baisser, dans ce budget, pour la première fois, les dépenses de l’État d’un point en volume.

M. Charles de Courson. C’est faux ! Même le rapporteur le dit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À propos de la réforme fiscale, vous avez oublié que M. Bayrou s’était engagé devant les Français, lors de sa campagne présidentielle, à réduire le nombre de tranches, c’est fait ; à supprimer l’abattement de 20 %, c’est fait ; et à réduire le nombre de taux, c’est fait.

M. Charles de Courson. Pas de la même façon !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne l’ai pourtant jamais entendu dire du bien de cette réforme de l’impôt sur le revenu, et je le regrette.

M. Charles de Courson. Parce qu’elle est déséquilibrée !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Enfin, pour ce qui est de la réforme de l’État, vous demandez des gains de productivité. Permettez-moi de vous dire que je me situe dans la même démarche : les audits servent à faire la démonstration arithmétique que la dépense peut être efficace. Sur ce point au moins, je me déclare donc coursonniste.

Avec vous en revanche, monsieur Brard, il n’y a guère de chances que nous nous retrouvions.

M. Jean-Pierre Brard. Vous l’avez déjà dit à Montreuil la semaine dernière !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On ne choisit pas ses engagements : ils viennent comme ça ! (Sourires.)

Comme vous, monsieur Brard, et comme je l’avais promis, j’ai renoncé à la langue de bois. Finissons-en donc avec le double langage qui vous fait par exemple vous déclarer solidaires de vos amis socialistes sur la gestion de la précédente législature quand les chiffres sont bons et à vous en désolidariser quand les chiffres ou les initiatives sont mauvais. J’entendais hier M. Sandrier dire du mal de la CSG. Or la CSG a été adoptée par un gouvernement socialiste et je n’ai pas souvenir que vous ayez censuré le Gouvernement à l’époque.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous étions contre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il faudrait donc être cohérents, et il est regrettable d’entendre un double langage qui varie selon les situations.

Pour ce qui est des baisses d’impôts, vous me montrez tous les ans, dans tous les sens, vos graphiques et vos plannings.

M. Jean-Pierre Brard. Ils vous embêtent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai l’impression que vous le faisiez déjà quand j’étais petit, et ça continue !

M. Jean-Pierre Brard. Vos souvenirs sont mauvais !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avec la prime pour l’emploi, un célibataire qui gagne le SMIC, ou à peu près, touchera l’équivalent d’un treizième mois en 2007. Un couple dont chacun des membres gagne le double du SMIC verra ses impôts baisser de 16 %, soit de 350 euros.

M. Jean-Pierre Brard. Et de 7 000 euros s’ils gagnent 350 000 euros !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous savez bien que ces chiffres n’ont de sens qu’en pourcentage, et non en valeur absolue, sans quoi on tombe dans le grotesque.

M. Jean-Pierre Brard. Entre trois lentilles de plus et trois assiettes de plus, il y a une différence !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Enfin, au total, l’allégement de l’impôt sur le revenu bénéficiera pour 80 % aux revenus inférieurs à 3 500 euros par mois, ce qui est exactement la définition des classes moyennes. Nous avons donc veillé à ce que cette réforme soit juste, tout en valorisant le travail.

Je n’en salue pas moins votre talent oratoire et le sens de l’humour qui vous caractérise et qui, je le reconnais volontiers, fait que le rapporteur général et moi-même avons parfois du mal à garder notre sérieux, même si vous vous répétez un peu.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faudrait qu’il se renouvelle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous pourriez peut-être, en particulier, renouveler certaines de vos expressions ou éviter de jeter toujours les mêmes noms en pâture, car le temps des décapitations est terminé !

M. Jean-Pierre Brard. On pourrait au moins décapiter les fortunes : ce serait moins sanguinolent et plus efficace !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non, ce n’est pas une bonne manière de faire !

Je remercie M. Mariton de son éloge de notre travail budgétaire. Il a bien voulu souligner la solidité de ce budget, qu’il attribue notamment à la prudence de nos prévisions de recettes. C’est bien la première fois qu’on me qualifie de trop prudent, et même de modeste ! Cela nous change en tout cas de certaine période antérieure.

Merci aussi d’avoir souligné que ce budget a vocation de produire des résultats, notamment en termes de compétitivité et de pouvoir d’achat. Le travail que nous avons réalisé sur les effectifs ne procède pas d’approches idéologiques a priori, mais il est le résultat documenté de l’ensemble de nos audits.

Monsieur Dumont, vous avez évoqué, vous aussi, la question des collectivités locales, dont j’ai déjà dit combien elles avaient été bien traitées par l’État dans ce budget. Je sais qu’à cet égard nos points de vue divergent et j’ai bien compris que M. Balligand partage votre approche. (Sourires.) Nous aurons cependant l’occasion de revenir sur ce point tout au long du débat et j’espère pouvoir vous convaincre que l’État s’est vraiment efforcé, dans des conditions budgétaires difficiles, de tenir le mieux possible ses engagements budgétaires à l’égard des collectivités locales.

Monsieur Garrigue, pour ce qui concerne les délais de sortie de la procédure pour déficit excessif, Thierry Breton et moi-même sommes relativement confiants. La Commission européenne fera sa proposition en novembre prochain. Ce dossier revêt pour nous une très grande importance, car il correspond à un gigantesque travail accompli en partenariat avec l’ensemble des acteurs publics. Il est, en outre, un élément essentiel de notre relation avec l’ensemble de nos partenaires européens.

Merci d’avoir souligné le rôle du benchmark que nous avons voulu mettre en œuvre dans ce budget, notamment pour les audits et les nouvelles technologies.

Je suis également tout à fait d’accord avec vous pour que nous travaillions à une meilleure maîtrise de la dépense locale. Il s’agit d’un sujet très difficile et très passionnel, à propos duquel je me demande si nous parviendrons à échapper aux clivages politiques traditionnels car, en fait, il nous engage tous. Dès lors cependant qu’un gouvernement, quelle que soit sa sensibilité politique, travaille à améliorer la dépense publique, il doit s’engager dans la voie d’une maîtrise de l’ensemble de la dépense, y compris de la dépense locale. Il faut donc que nous puissions progresser ensemble sur ce sujet.

M. Augustin Bonrepaux. Vous avez en effet beaucoup de progrès à faire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sur la fiscalité pétrolière, il faut, comme vous le savez, nous préparer dès maintenant à l’après-pétrole. C’est tout le sens de la mission Landau diligentée par Thierry Breton, qui analyse les outils du développement durable. Elle s’est notamment penchée sur l’avenir de la TIPP.

Monsieur Novelli, je vous remercie également pour les propos aimables que vous avez tenus. Je les sais sincères car, lorsque vous êtes en désaccord, vous le dites avec la même force.

En ce qui concerne la recherche, vous soulignez à juste titre qu’il nous faut continuer de nous pencher sur la recherche des entreprises, qui est en retard. Ce sera un point important de ce budget, notamment avec le crédit impôt recherche.

Pour ce qui est des allégements de charges, qui sont l’un des sujets majeurs sur lesquels la majorité doit travailler pour définir son projet en vue de l’élection présidentielle, vous savez que nous partageons de nombreux points de vue.

S’agissant, enfin, de la réforme de l’État, les audits ont été un puissant instrument de modernisation de l’État. Il nous faut maintenant travailler sur le périmètre de l’État, que j’ai évoqué dans mon propos introductif et que vous avez mentionné également : nous nous rejoignons donc aussi sur ce sujet.

Monsieur Mathis, j’ai bien noté votre préoccupation relative aux collectivités locales. Le conseil d’orientation des finances publiques est l’outil qui doit nous permettre de progresser dans ce domaine et de remettre à plat les relations entre l’État et les collectivités locales dans l’avenir.

M. Myard a évoqué la question de la dette, en distinguant à juste titre les diverses causes de déficit. D’où qu’elle vienne, cependant, la dette est toujours, en fin de compte, une perte de marges de manœuvre pour l’État. Pour être en mesure de financer de nouveaux investissements, il faut donc reconquérir ces marges de manœuvre.

Il faudrait bien plus que quelques minutes pour revenir avec M. Myard sur ses réflexions relatives à l’Europe, à l’euro et à la Banque centrale européenne. Le fait qu’il ait malheureusement dû s’absenter m’interdit de lui redire, les yeux dans les yeux, toute la force de ma conviction européenne, même si je constate, comme d’autres, que l’on pourrait parfois aller plus vite ou procéder différemment.

Monsieur Mallié, le travail que vous accomplissez à mes côtés dans la préparation du nouveau contrat d’avenir pour les buralistes est tout à fait essentiel.

M. Henri Emmanuelli. Génial !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est un domaine dans lequel nous avons beaucoup à faire ensemble. J’ai rencontré avec vous le président de la Confédération des buralistes et je suis confiant dans le fait que nous pourrons conclure, d’ici au mois de décembre, un nouveau contrat d’avenir,…

M. Jean-Pierre Brard. Ne vous en faites pas : ils voteront quand même pour le Front national !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …qui comprendra de nombreuses initiatives, comme la baisse de la taxe sur les flippers et autres jeux qui ne sont pas des jeux d’argent, mesure sympathique qui, en outre, nous rappellera notre jeunesse.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une nostalgie de la jeunesse à jamais révolue ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À jamais révolue ? Je pourrais vous défier demain aussi à ces jeux-là et vous montrer que l’ancienneté n’empêche pas de conserver une certaine agilité ! (Sourire.)

M. Jean-Pierre Brard. Au jeu de l’ancienneté, vous ne me rattraperez pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. M.  Poniatowski souhaite exclure la résidence principale des droits de succession. Une telle mesure se conçoit, mais elle serait un peu coûteuse. Il est donc difficile de l’intégrer dans ce budget. Néanmoins, continuons d’y travailler ensemble.

Monsieur Pinte, vous avez évoqué la politique de l’emploi. Je vous remercie des propos très élogieux que vous avez tenus sur ce budget. Vous faites partie des gens dont j’écoute l’avis avec beaucoup d’attention.

La politique de l’emploi a démontré ces derniers temps que, avec la « flexsécurité », les allégements de charges, la montée en puissance du plan de cohésion sociale, on pouvait faire baisser le chômage dans des proportions très importantes : 300 000 chômeurs de moins en un an et une part considérable de créations d’emplois dans le secteur privé marchand. Nous devons méditer cela pour l’avenir.

Reconduire le contrat de croissance représente un effort considérable de plus d’un milliard d’euros. Cette reconduction n’a rien d’automatique. Elle correspond simplement à un engagement moral et politique de l’État vis-à-vis des collectivités locales.

Les compensations des transferts se font dans la plus grande transparence. J’adosse les engagements et les décisions, que je prends en liaison avec mon collègue Brice Hortefeux, aux recommandations de la commission consultative d’évaluation des charges. C’est un point important, dont nous devons continuer à débattre. Nous avons besoin d’un arbitre indépendant. Cette commission me semble réunir toutes les conditions d’objectivité nécessaires.

Madame Taubira, vous avez au cours de votre intervention, fait l’éloge de la LOLF et mentionné que la majorité précédente en avait été à l’initiative.

M. Didier Migaud. C’est vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez eu raison de le souligner. Il est important de rappeler que, sur certains sujets, nous pouvons nous retrouver.

M. Philippe Auberger. Nous avons été très actifs dans la mise au point de ce projet !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Malheureusement, madame, vous ne l’avez pas dit.

Madame Taubira, le fait que nous ayons, les uns et les autres, nos convictions n’empêche pas, de temps en temps, de reconnaître que, lorsque nous travaillons ensemble, cela peut être mis en haut du podium.

Mme Christiane Taubira. La continuité de l’État vous impose d’assumer les lois votées par d’autres ! Vous ne méritez aucun éloge pour cela, Surtout pas de ma part ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si vous m’aviez laissé terminer, madame, vous auriez compris mon propos.

Je vous rappelle, madame Taubira, que, lorsque ce projet a été présenté par la gauche, qui était à l’époque majoritaire, la droite, unanime, l’a voté.

M. Michel Bouvard. C’était indispensable !

M. Jean-Louis Idiart. C’est toujours plus difficile à faire lorsqu’on est majoritaire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je tenais à le souligner, car c’est l’un des sujets sur lesquels nous nous sommes retrouvés à l’époque. Il est vrai que vous étiez sans doute déjà en train de préparer votre campagne présidentielle et donc prise par des sujets autrement plus importants que cette question austère abordée ici.

Permettez-moi donc de vous rappeler que, dans des moments essentiels, nous nous retrouvons. Je vous le dis d’autant plus volontiers, madame, que j’ai été de ceux qui ont particulièrement admiré le combat personnel que vous avez mené à propos des grands sujets relatifs à la commémoration de l’abolition de l’esclavage.

Mme Christiane Taubira. Je vous en sais gré, mais je ne vous le demandais pas.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous ne sommes pas en accord sur tous les sujets, loin s’en faut. Écoutez-moi, quand je dis des choses gentilles ; cela ne m’arrive pas si souvent ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’enfouissement sous les fleurs !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Votre interruption m’a « coupé la chique » ! Je voulais vous dire quelque chose, mais je ne le dirai pas.

M. Philippe Auberger. Il faut la laisser être candidate à la présidentielle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est très bien qu’elle le soit !

Mme Christiane Taubira. J’ai des exigences qui ne sont pas les vôtres !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Moi aussi ! Nous sommes pareils, vous et moi, de ce point de vue.

Nous avons prouvé que les baisses d’impôts pouvaient être efficaces avec la réforme de la taxe professionnelle, la mise en conformité de l’impôt sur le revenu avec le standard européen et l’augmentation très importante de la prime pour l’emploi.

Vous avez évoqué monsieur Bobe, l’exonération des charges des bourses versées par les comités d’entreprise. Je suis prêt à travailler avec vous sur cette question importante. Nous avons déjà accompli des efforts dans ce domaine avec la création d’ALINE, cette fameuse allocation pour les étudiants, mais, vous l’avez rappelé vous-même, ce point doit être traité lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je vais donc évoquer, de ce pas, ce sujet avec mes collègues de la santé et de la sécurité sociale, afin qu’ils y réfléchissent, pour voir ce qu’il est possible de faire, sinon cette année, du moins dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
de La prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)