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(La séance est ouverte à quinze heures.)
Avant de donner la parole au premier orateur, je voudrais, mes chers collègues, saluer en votre nom tous les téléspectateurs qui, depuis vingt-cinq ans aujourd’hui, assistent à nos séances de questions au Gouvernement. (Applaudissements.) En effet, le service public retransmet ces séances depuis le 28 octobre 1981 à quinze heures.
Je remercie également en votre nom le personnel de la société France 3 pour la qualité de son service et je salue tout particulièrement M. Fernand Tavares, qui a commenté pendant très longtemps nos séances de questions, et Mme Martinaud qui a pris sa succession. (Mmes et MM. les députés et plusieurs membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
Ce geste odieux a profondément révolté la France entière, et en particulier les Marseillais. En effet, Marseille a une longue tradition d’accueil et de tolérance et la municipalité de Jean-Claude Gaudin a fait de l’intégration et de la mixité sociale une priorité absolue.
Monsieur le Premier ministre, vous avez organisé hier une réunion de crise à Matignon, entouré de Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur (« Il n’est pas là ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et de Dominique Perben, ministre des transports, ainsi que des présidents d’entreprises de transports publiques et privées. Vous avez annoncé des mesures destinées à lutter contre l’insécurité dans les transports publics. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les principales mesures qui ont été décidées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Face à ces violences inacceptables, le Gouvernement a immédiatement réagi. Dès hier j’ai présidé, comme vous l’avez rappelé, une réunion de travail avec Nicolas Sarkozy, Dominique Perben et les principaux responsables de transports publics. La priorité, c’est bien l’interpellation : les auteurs présumés des faits ont été arrêtés ce matin à Marseille, et à Grigny voici quelques jours. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, sur plusieurs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Nous avons pris lors de cette réunion de nouvelles mesures opérationnelles, comme le renforcement des forces de police, l’organisation de patrouilles sur les lignes de transports urbains les plus sensibles et le développement de la vidéosurveillance et de la localisation par GPS.
Pour ce qui concerne Marseille, je vous confirme, monsieur Tian, que l’unité de sécurisation des transports en commun sera bien renforcée.
Nous avons par ailleurs prévu une nouvelle incrimination pour « guet-apens », afin de poursuivre tous ceux qui participent à une embuscade ou qui l’encouragent. La police spécialisée en matière de transport, créée en 2002 en Île-de-France et déjà déployée dans plusieurs villes de notre pays, sera renforcée.
Le Gouvernement poursuivra en outre sa mobilisation en matière de sécurité et le fera sur tous les fronts. Depuis 2002, avec le ministre d’État Nicolas Sarkozy, la délinquance générale a baissé de près de 9 % (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et le taux d’élucidation a progressé de plus de 40 %. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Nous devons encore améliorer ces résultats. Le projet de loi de prévention de la délinquance ouvrira des perspectives nouvelles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il renforcera la coordination des acteurs locaux autour du maire. Il adaptera les dispositifs pour les mineurs en créant une présentation immédiate devant le juge des enfants.
Il nous faut aussi encourager des comportements citoyens. La lutte contre l’insécurité est bien l’affaire de tous. Le recours au témoignage, la mesure d’appel à témoins sous X, avec un anonymat et une protection totale du témoin, démontrent leur efficacité dans les différentes enquêtes judiciaires.
Cette action va de pair avec une politique ambitieuse pour réduire les inégalités. Jamais un gouvernement n’aura autant fait pour réduire ces inégalités. Jamais nous n’aurons consacré autant de moyens dans notre pays pour renforcer la cohésion sociale.
Face à l’insécurité, il faut nous rassembler. Ce que les Français attendent, ce sont des solutions et des résultats qui permettent de garantir à tous la sécurité et la tranquillité publiques, c’est-à-dire le respect de nos libertés fondamentales. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Toute la communauté étudiante et enseignante de sa faculté était ce matin réunie à l’initiative du doyen pour lui témoigner son émotion et sa solidarité, et elle mérite l’hommage de la représentation nationale. (Applaudissements.)
Nous apprenons de la bouche du Premier ministre que la police a arrêté les auteurs de ce crime et nous nous en félicitons. En évoquant les peines encourues et méritées par les auteurs de ce type de crimes – 15 ans de prison pour les moins de 16 ans, 30 ans pour les plus de 16 ans et la réclusion à perpétuité pour les majeurs –, nous ne pouvons que constater que leur gravité n’a pas réussi à les dissuader.
Ainsi, nous nous interrogeons en responsabilité pour savoir si tout a toujours été tenté, d’autant que ces dernières années, sur ce même territoire, la présence policière de proximité qui agissait au cœur de la cité de la Savine a été supprimée. Dans le village de Sainte-Marthe, il y a quelques jours à peine, le bijoutier de La Rose était assassiné à l’ouverture de son magasin. Hier, c’était le boulanger du Canet. Nous constatons qu’au-delà de la délinquance et de la crise des banlieues, il y a une montée de la violence dans notre société et qu’il serait nécessaire, comme l’ont d’ailleurs suggéré le groupe socialiste et des élus de votre majorité, de créer une commission d’enquête sur la situation dans les banlieues.
Quel est, monsieur le Premier ministre, l’état de votre réflexion sur le sujet ? Quelles sont les mesures que vous comptez mettre en œuvre pour lutter efficacement contre la violence devenue insupportable pour nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mais je veux également rappeler que, si ces agressions sont inqualifiables, nous avons mis en place depuis 2002 des services spécialisés dans les transports ferroviaires, en Île-de-France, à Marseille, à Lyon et à Lille. Nous avons renforcé ce dispositif au 1er janvier 2006 en créant un service national de police ferroviaire.
Dans un rapport commandé par Tony Blair, cet ancien économiste de la Banque mondiale estime que le réchauffement climatique va aboutir à des dérèglements de l’activité économique et sociale comparables à ceux qui ont suivi les plus grandes guerres et la grande dépression de la première moitié du xxe siècle. Il évalue déjà la facture à payer à 5 500 milliards d’euros. Ce rapport place un peu plus la responsabilité de l’action entre les mains de ceux qui gèrent l’économie et la politique étrangère, et non plus dans celles des scientifiques.
Le ministre britannique de l’économie vient d’annoncer une loi qui a pour objectif une diminution de 60 % de l’émission des gaz à effet de serre, appelant ainsi à une économie mondiale à faible teneur en dioxyde de carbone.
Monsieur le Premier ministre, le groupe UDF voudrait savoir quelle est votre analyse de ce rapport et quelles initiatives la France entend prendre, sur son territoire mais aussi au sein de l’Union européenne et dans le cadre de relations internationales, pour que nous puissions léguer à nos enfants une planète sur laquelle ils pourront vivre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je voudrais rappeler que le Premier ministre, Dominique de Villepin, a souhaité que nous ayons une politique volontariste sur ces sujets.
Pour autant, nous continuons évidemment à préparer l’avenir, et c’est la raison pour laquelle la France s’est engagée à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Du reste, à la demande de Nelly Olin et de François Loos, Christian de Boissieu a remis un rapport, il y a quelques semaines, dont les conclusions sont comparables à celles de M. Stern. Le Gouvernement poursuit ses efforts, dans le cadre d’une politique qui est volontariste en matière de réduction de consommation d’énergie mais également de production d’énergies alternatives. Ainsi, je rends hommage à votre assemblée d’avoir approuvé à l’unanimité la mise à disposition du flex-fioul, le cycle de l’éthanol permettant de réaliser 60 % d’économies sur le cycle du carbone.
Bien entendu, nous n’en resterons pas là. Il faut renforcer la coopération internationale pour inciter la Chine, l’Inde ou les États-unis à se joindre aux efforts de l’Union européenne, de la France, de la Grande-Bretagne. Je rappelle qu’à la demande du Premier ministre, c’est la position que défendra la France dans quinze jours, à la conférence de Nairobi sur le climat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Dutoit, vous avez refusé de voter la loi de sécurité intérieure dans laquelle nous cherchions à compenser la suppression de 9 000 postes de policiers qui était la conséquence du passage aux 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), la loi contre le terrorisme, la loi pour l’immigration choisie. Le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi contre la délinquance des mineurs, qui associe, pour la première fois, prévention et lutte contre la délinquance dans cette classe d’âge.
Monsieur le Premier ministre, le chômage recule dans notre pays. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le chômage des jeunes a commencé à refluer, de même que le chômage de longue durée, qui recule de façon considérable. Oui, le chômage baisse, depuis maintenant plus d’un an, et il s’agit probablement du défi le plus important que les Françaises et les Français sont en train de relever. C’est une réalité tangible vécue par plus de 340 000 personnes, qui ont retrouvé le chemin du travail,…
Cela n’est pas le fruit du hasard. Cette baisse résulte de la mobilisation de tout votre gouvernement pour l’emploi de nos compatriotes qui est, pour reprendre les termes du Président de la République, « la priorité absolue que nous partageons tous ». L’efficacité du plan de cohésion sociale, la relance de l’apprentissage ou bien encore le développement des services à la personne, sont la marque de cette volonté.
Pour aller plus loin, nous avons fait le choix du dialogue et de la concertation.
Monsieur le ministre, par décision du 18 octobre dernier, le Conseil d'État a annulé les articles 4 et 11 du décret du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises.
Est il en effet besoin, mes chers collègues, de rappeler les difficultés d’application des 35 heures pour nos entreprises de transport routier ?
Cela dit, cette annulation pose en effet un problème de sécurité juridique pour les entreprises de transport routier. Le décret visait, d’une part, à transposer deux directives, et d’autre part, à permettre le calcul du temps de travail hebdomadaire moyen sur une période de trois mois. Il offrait ainsi la souplesse nécessaire aux entreprises de ce secteur. Son annulation exige que nous redéfinissions au plus vite un cadre juridique. À cet effet, j’ai fait reprendre la concertation avec les professionnels et les organisations représentatives des salariés, pour que nous puissions rédiger un nouveau décret qui assure une sécurité juridique aux entreprises.
S’agissant des rémunérations, en particulier de celles qui sont dues à compter du mois de mars 2005, il ne semble pas que l’annulation du décret emporte des conséquences financières aussi graves qu’on pouvait le craindre puisque, conformément à un accord professionnel, le calcul des heures supplémentaires était établi mensuellement.
Pour autant, il faut agir vite et mettre au point, dans la concertation, un nouveau décret qui garantisse aux entreprises la sécurité juridique dont elles ont besoin : telle est bien mon intention. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Non, la crise n’est pas derrière nous. Malgré les prouesses techniques et technologiques, les menaces sont bien présentes pour tous les salariés des sites d’Airbus, en France comme en Europe, et les difficultés sont réelles pour tous les sous-traitants et les équipementiers. La commission d’enquête que les députés socialistes demandent permettrait d’évaluer le poids du management pendant la période où M. Forgeard était à la tête de l’entreprise, et ses conséquences dans la chaîne de décision et de production.
Aujourd’hui, le gouvernement français ne peut rester passif : ce serait coupable pour l’emploi, pour les entreprises et les territoires concernés.
Monsieur le Premier ministre, le gouvernement allemand envisage de soutenir activement Airbus. Au-delà de vos simples déclarations d’intention pour minimiser la crise, y êtes-vous prêt, l’État étant un actionnaire de référence d’EADS ? Tous les sous-traitants d’Airbus vont connaître des difficultés considérables. Allez-vous, monsieur le Premier ministre, mettre en œuvre un plan de soutien spécifique pour les aider à faire face aux décisions de la direction d’EADS ? Enfin, soutiendrez-vous toutes les initiatives envisageables, qu’il s’agisse d’avances remboursables, de financement de l’innovation ou de recherche duale, civile et militaire ? Merci de répondre à ces trois questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Quoi qu’il arrive, Airbus est et restera un grand succès européen.
Désormais, ces problèmes sont sur la table, et un projet de restructuration a été discuté avec les uns et les autres.
Celui-ci marque une étape importante dans le redressement des comptes, et en particulier de ceux de l’assurance maladie. Les objectifs sont ambitieux mais réalistes, compte tenu de la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la santé autour de la réforme : un déficit du régime général ramené à 8 milliards d’euros et celui de l’assurance maladie sous la barre des 4 milliards d’euros ; un redressement important qui confirme le succès de la réforme de 2004, acquis incontestable de cette législature.
Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez entendu l’appel d’un grand nombre de parlementaires concernant le taux de progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie pour les soins de ville, dont nous avons estimé qu’il ne permettait pas de répondre aux nouveaux besoins de soins qui s’expriment dans certains domaines.
Alors que nous allons voter ce texte important, pourriez-vous nous apporter un certain nombre de précisions sur les mesures phares qui sont à même d’amplifier la dynamique engagée pour assurer l’avenir de notre système d’assurance maladie ? Plus précisément, dans quelle mesure les assurés bénéficieront-ils de l’augmentation de l’ONDAM pour 2007 ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons en effet relevé l’ONDAM « soins de ville », sans toucher aux objectifs que nous avions fixés :…
Le vote de ce PLFSS nous permet aussi de continuer à améliorer notre système de soins. Après la prise en charge de l’ostéodensitométrie, qui concerne trois millions de personnes dans notre pays, et une meilleure prise en charge des soins dentaires pour les enfants dès cette année, celle des 250 000 personnes souffrant de diabète sera aussi améliorée dès l’an prochain.
Je me suis rendu ce week-end à l’île de La Réunion, qui connaît elle aussi le problème du diabète :…
En outre, un nouvelle autorisation sera délivrée pour des médicaments qui, jusqu’à présent, n’étaient pas remboursés : c’est là une réelle avancée pour les familles, notamment celles qui comptent un enfant atteint d’une maladie rare.
Enfin, l’objectif de dépenses de l’assurance maladie permettra la prise en charge du dépistage de l’hémochromatose. Cette mesure était elle aussi attendue depuis des années.
Réduire les déficits et améliorer notre système de soins : voilà le double objectif que votre vote permettra de mieux atteindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Certes, le traitement social du chômage est une nécessité. Pour autant, afin d’optimiser le marché du travail, il apparaît indispensable de favoriser également une autre approche que celle de l’intervention de l’État. Ainsi, l’expérience de pays étrangers démontre qu’un dialogue social de qualité favorise de meilleures performances économiques, et donc de meilleurs résultats pour la création d’emplois.
Une avancée notable est proposée dans cette optique par le Gouvernement avec l’annonce du projet de loi de modernisation du dialogue social. Ce projet semble rassembler les opinions dans toute leur diversité, puisqu’il satisfait a priori le patronat comme les syndicats, notamment en ce qui concerne la concertation préalable des partenaires sociaux avant tout projet de réforme portant sur le dialogue social, les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous décliner les grandes lignes de ce principe de concertation obligatoire, ainsi que le calendrier envisagé pour sa mise en œuvre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Concernant le dialogue social, trois dates sont à retenir : le 12 décembre 2005, le Premier ministre a confié à Dominique-Jean Chertier la rédaction d’un rapport sur la modernisation du dialogue social ; le 10 octobre dernier, le Président de la République a fixé un principe devant le Conseil économique et social : aucune réforme du code du travail ne sera envisagée sans que les partenaires sociaux ne puissent engager une négociation interprofessionnelle ; le 6 novembre prochain, enfin, devant la commission nationale de la négociation collective, nous présenterons un avant-projet issu d’une longue et large concertation menée par le Premier ministre, Jean-Louis Borloo et moi-même, avec les partenaires sociaux, mais également avec tous les acteurs du dialogue social, et notamment les régions, désormais en charge de la formation professionnelle.
Un principe : aucun projet de réforme ne sera décidé sans une saisine préalable des partenaires sociaux, qui nous diront s’ils souhaitent engager une négociation interprofessionnelle et dans quel délai.
La question de l’apprentissage de la lecture est complexe : elle exige compétence et expérience, elle demande des nuances et de l’à-propos, sûrement pas d’être traitée par voie d’autorité.
Pierre Frackowiak, inspecteur de l’éducation nationale à Douai, fait l’objet d’une procédure disciplinaire. Il a toujours fait application des textes mais, responsable syndical, citoyen engagé, il prétend pouvoir conserver sa liberté d’appréciation par rapport aux discours médiatiques, fussent-ils ceux d’un ministre, qui ne valent pas programme officiel.
La question n’est donc pas celle du respect des textes, comme vous l’écrit fort justement Jacques Vernier, maire de Douai. La question est bien celle de nos libertés publiques, la liberté d’un responsable syndical, la liberté d’un citoyen engagé.
Ce pays, monsieur le ministre, c’est celui de Voltaire et de Gavroche, c’est celui de Beaumarchais et de Coluche. Voudriez-vous échanger son expression parfois frondeuse contre le « politiquement correct » que vous n’y arriveriez pas.
Ce serait tellement facile de gouverner l’éducation nationale sans les syndicats, bien plus facile encore s’il n’y avait pas les enseignants, et si formidable de gouverner la France s’il n’y avait pas le peuple ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Dès lors, et c’est son devoir le plus absolu, le ministre a, dans l’intérêt des élèves, entendu prôner des méthodes d’apprentissage qui ont fait leurs preuves. Il a, à cet effet, pris au début de cette année un arrêté et une circulaire, et il est normal qu’il veille à leur application : c’est l’État de droit, c’est la République !
Il se trouve, monsieur le député, qu’un inspecteur de l’éducation nationale a cru bon de déclarer dans la presse qu’il n’était pas en phase avec les directives qu’il est précisément chargé d’appliquer. Dès lors, dans le respect du droit, une procédure de sanction a été engagée, à la suite de quoi l’inspecteur en question a exprimé publiquement ses regrets et protesté de sa loyauté. Le ministre en a pris acte.
Monsieur le député, je crois savoir que vous êtes attaché à ce que notre éducation soit nationale. Pour cela, il faut des règles qui s’appliquent à l’échelle nationale et il faut veiller à leur respect. Le respect des règles n’est-il pas d’ailleurs l’une des missions fondamentales de notre éducation ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Depuis bien longtemps, les députés des circonscriptions rurales attendaient un signe fort de l’État. Ils ont repris espoir avec Nicolas Sarkozy, ministre d’État, chargé entre autres de l’aménagement du territoire. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) En effet, Nicolas Sarkozy, bien conscient des problèmes du monde rural, a voulu répondre à leurs attentes, trop souvent ignorées par les socialistes.
C’est pour soutenir les dynamiques d’initiative rurale et encourager l’innovation que vous avez lancé les pôles d’excellence rurale. Le premier appel à projets a été un vif succès, puisque 176 projets ont été labellisés par le Gouvernement.
Ma question est donc la suivante : envisagez-vous une application stricte de l’objectif de 300 pôles d’excellence rurale fixé initialement, ce qui, au vu de l’enthousiasme et des fortes attentes du monde rural conduirait à casser la dynamique que vous avez su créer, sous la haute autorité de Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.), ou allez-vous augmenter le nombre de ces pôles ?
Il nous reste, par rapport aux engagements que nous avons pris, 120 pôles à labelliser avant la fin de l’année. Il se trouve que nous avons reçu 418 candidatures, parmi lesquelles, comme je l’ai indiqué au Premier ministre, bien plus de 120 dossiers méritent d’être étudiés avec attention. Dominique de Villepin fera donc, dans les prochains jours un effort d’ouverture important pour que le nombre de pôles à sélectionner soit augmenté et que les moyens soient au rendez-vous.
Nous avons voulu lutter contre la fracture territoriale entre la ville et le monde rural. Là où d’autres ont, pendant des années, fait en sorte que les citoyens des villes et des campagnes s’affrontent, nous avons, conscients de la valeur du monde rural, fait le choix de lui offrir justice et équité.
A la suite de l’avis rendu par la Haute autorité de santé la semaine dernière, vous avez décidé la diminution de 35 % à 15 % pendant un an de la prise en charge de 41 médicaments au service médical rendu insuffisant. Vous avez parallèlement décidé de maintenir le remboursement 48 médicaments – des vasodilatateurs, pour l’essentiel – à hauteur de 35 %, faute d’autre choix thérapeutique.
Cette troisième vague de mesures s’inscrit dans le cadre du redressement des comptes sociaux engagés avec la réforme de l’assurance maladie de 2004. Dans le même temps, et face à l’augmentation très forte du prix de certains médicaments, vous avez annoncé l’ouverture de négociations sur les prix avec les laboratoires pharmaceutiques.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous expliquer les raisons qui ont motivé vos décisions et quelles économies vous attendez de ces mesures ? Pourriez-vous également nous préciser le calendrier des objectifs que vous vous êtes fixés avec les industriels du médicament ? Beaucoup de Français qui subissent les hausses du prix de certains médicaments attendent vos réponses. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Pour les 41 autres médicaments, il existe en revanche d’autres solutions thérapeutiques, remboursées par l’assurance maladie. J’ai donc pris la décision de baisser leur taux de remboursement à 15 % en même temps que leur prix, et ce pendant un an. Je suis en effet persuadé que cela nous laissera le temps de développer une véritable pédagogie. Le médecin et le patient devront choisir ensemble, soit de garder le médicament auquel ils sont habitués, mais au prix d’un effort financier, soit d’opter pour un médicament remboursé.
Vous avez parlé d’économies. Il faut être prudent. J’ai voulu tirer toutes les leçons de la deuxième vague de déremboursements, car nous avons constaté que le prix des médicaments déremboursés avait explosé, ce qui est incompréhensible et inadmissible aux yeux des patients. La vérité, c’est que nous n’avons pas aujourd’hui la possibilité de réguler le prix des médicaments qui ne sont plus remboursés. J’ai donc demandé à l’ensemble de l’industrie pharmaceutique de parvenir par voie conventionnelle à un accord d’ici à la fin janvier 2007. Si tel n’est pas le cas, nous prendrons nos responsabilités, car il est nécessaire que chacun ait la lisibilité nécessaire.
N’oublions pas que, chaque année, de nouveaux médicaments innovants sont remboursés pour un montant de un milliard d’euros – c’est notamment le cas des nouveaux traitements contre la polyarthrite rhumatoïde, si douloureuse pour les personnes âgées, dont le coût s’élève à 1 375 euros par mois. C’est la fierté de notre système de soins que de pouvoir les rembourser intégralement.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)
La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Les discussions ont été riches et nous pouvons nous en féliciter. Je me réjouis aussi de voir que ce débat a laissé la polémique de côté, permettant à chacun d’aller au bout de ses questions et d’affirmer ses convictions. Les réformes et l’ensemble de notre protection sociale se trouvent ainsi consolidés.
Le PLFSS 2007 souligne le bilan de notre législature en matière de réformes.
L’indispensable réforme des retraites, tout d’abord, que notre majorité a eu la responsabilité et le courage d’adopter, avec la loi d’août 2003. La réforme de l’assurance maladie, ensuite, avec la loi du 13 août 2004, qui, grâce à l’amélioration de la gestion et de l’organisation de notre système de soins, en assure la pérennité, tout en lui permettant de relever les défis de demain comme le vieillissement. La dimension solidaire de notre sécurité sociale a également été renforcée durant cette législature, avec la création de la PAJE, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire de santé, la loi sur la dépendance du 30 juin 2004 et la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Par ailleurs, le pilotage financier et la gouvernance de la sécurité sociale ont été rénovés et renforcés avec la loi organique du 2 août 2005.
Ce PLFSS se situe dans la droite ligne de ces avancées. Il marquera une nouvelle étape dans la réduction du déficit, ramené à 8 milliards d’euros, grâce notamment au redressement de la branche maladie, dont le déficit, de 3,9 milliards d’euros en 2007, a été divisé par quatre en trois ans.
Vous avez souhaité améliorer ce texte, notamment sur deux points : les conditions de fonctionnement de notre système de sécurité sociale et la préparation des défis de demain.
Tout d’abord, concernant la médecine de ville, vous avez souhaité procéder à un relèvement de l’ONDAM, grâce à l’harmonisation des modes de versement des contributions sociales sur les revenus des placements. Cette hausse va permettre une meilleure prise en charge des assurés avec, par exemple, la couverture de la prévention du pied du diabétique ou le dépistage de l’hémochromatose. Elle doit également nous permettre de dégager des marges de discussion pour la négociation collective entre l’assurance maladie et les professionnels de santé – je pense en particulier aux infirmiers, aux sages-femmes et aux médecins.
La réforme de l’hôpital doit être poursuivie jusqu’à son terme. Grâce à ce PLFSS, nous avons la possibilité de faire progresser les moyens consacrés à l’hospitalisation de plus de deux milliards d’euros, soit une hausse de 3,5 %. Pour mieux connaître l’évolution des dépenses des établissements publics et privés, vous avez souhaité inscrire dans la loi la création d’un observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée. Cette disposition permettra de répondre à la demande d’approfondissement et de partage des informations économiques du secteur hospitalier. Vous avez également souhaité préparer la tarification à l’activité en soins de suite et de réadaptation et en psychiatrie, en permettant d’expérimenter dès 2007 de nouvelles formes de financement pour ces secteurs.
Ce PLFSS nous permet aussi de régler la question du statut des praticiens à diplôme hors Union européenne. Alors que le sujet était resté en suspens durant de trop longues années, le Gouvernement a voulu adapter la procédure relative à leur autorisation d’exercice. Cela nous permettra de mieux prendre en compte l’expérience acquise depuis de nombreuses années par les praticiens recrutés dans les établissements publics de santé avant juin 2004, tout en s’inscrivant dans une politique de réforme plus globale des formations proposées aux étudiants étrangers, dans le cadre, notamment, des projets de coopération avec les pays en développement.
Dans le domaine de l’amélioration du fonctionnement de nos organismes de sécurité sociale, nous avons fait le choix de renforcer notre action de lutte contre la fraude. Le débat parlementaire a été l’occasion d’échanges sur ce sujet, et je tiens à répéter qu’aucun abus, aucune fraude, aussi minimes soient-ils, ne doivent et ne peuvent être tolérés. Il ne s’agit pas de stigmatiser certains, mais de vérifier que personne ne met en cause, par son manque de responsabilité, un système de solidarité dont nous sommes tous garants. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, je souligne la pertinence des amendements présentés par M. le président Dubernard, M. Morange et M. Door, renforçant les efforts de mutualisation au sein des caisses de sécurité sociale et créant un répertoire national unique des organismes de sécurité sociale. Il s’agit là de recommandations de la MECSS, répondant à un souci d’efficacité et de simplification des procédures des caisses.
Nous avons voulu continuer à relever les défis de demain en privilégiant l’innovation thérapeutique. Nous avons choisi de favoriser les médicaments innovants rendant un véritable service médical aux patients. C’est ainsi que nous admettons chaque année au remboursement, pour un milliard d’euros de plus, des médicaments permettant de mieux soigner des affections comme le cancer. Le PLFSS pour 2007 prévoit notamment de faciliter l’accès aux médicaments des patients atteints de maladies rares. Mais, pour cela, encore faut-il que des molécules innovantes soient développées. C’est pourquoi je compte poursuivre notre réflexion sur le droit de propriété intellectuelle, nécessaire à l’innovation. Après une phase d’échanges avec le CEPS – le comité économique des produits de santé –, nous pourrons bientôt proposer une solution satisfaisante avec l’industrie pharmaceutique.
Enfin, vous avez souligné votre attachement à la politique conventionnelle, préoccupation constante du Gouvernement, en adoptant notamment un amendement de la commission des affaires sociales relatif à la régulation des autorisations temporaires d’utilisation.
Nous voulons aussi relever le défi de la démographie médicale. Les discussions sur ce PLFSS témoignent de notre volonté commune d’assurer un égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Vous avez ainsi adopté deux amendements allant dans ce sens : l’un, à l’initiative de M. Lemoine, et repris par le Gouvernement, permet aux conseils généraux et régionaux de proposer des bourses aux étudiants qui s’installent sur leurs territoires ; l’autre permet aux hôpitaux locaux de recourir à des médecins libéraux lorsqu’ils éprouvent des difficultés de recrutement.
Nous voulons également – et Philippe Bas s’y consacre tout particulièrement – poursuivre une politique familiale ambitieuse, à même de nous placer au premier rang des pays européens. Vous avez ainsi souhaité que l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant soit perçue dès le jour de la naissance. Nous avons aussi prévu le partage des allocations familiales en cas de résidence alternée, la mise en place d’un prêt avenir jeunes à taux zéro pour les jeunes qui entrent dans la vie active, un congé de soutien familial pour les aidants familiaux de personnes âgées et handicapées très dépendantes. Les engagements pris dans le cadre de la conférence de la famille sont ainsi concrétisés pour renforcer la solidarité entre les générations.
Pour la deuxième année consécutive, l’augmentation des crédits de l’assurance maladie pour les personnes âgées est de 13 %, soit 650 millions d’euros supplémentaires. Pour les personnes handicapées, la hausse est de 5,5 %, soit 385 millions d’euros supplémentaires. Au total, les moyens consacrés au secteur médico-social permettront en 2007 l’embauche de 20 000 personnes, en plus des départs à la retraite.
Nous nous sommes par ailleurs donné les moyens de relever le défi des risques sanitaires majeurs, en créant le fonds de prévention des risques sanitaires exceptionnels, qui permettra par exemple de financer le plan de lutte contre la pandémie grippale d’origine aviaire.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 s’inscrit dans la continuité des réformes structurelles qui ont réussi le pari de conserver les principes républicains de notre protection sociale tout en la modernisant. Nous pouvons nous en féliciter, …
Je veux cependant que nous ayons en tête, les uns et les autres, un principe essentiel de l’action publique : les mesures dont nous avons débattu ne sont pas encore derrière nous. Au-delà même de leur examen par le Sénat, il nous reste à les faire entrer le plus rapidement possible dans le quotidien des Français. C’est ainsi que nous assurerons l’avenir de notre protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – M. Jean Dionis du Séjour applaudit également.)
Dès lors, il appartiendra à ceux qui auront la responsabilité de gouverner la France à partir de 2007 de trouver les 27 milliards d’euros nécessaires pour boucler les comptes sociaux de l’année et combler le passif de 2006 et celui de 2005. À l’horizon 2009, ce chiffre sera même 40 milliards d’euros, selon l’hypothèse la plus optimiste de la Cour des comptes !
Cette situation financière n’est pourtant pas l’effet d’une générosité abusive. Notre politique familiale laisse en effet toujours de côté 2 millions d’enfants pauvres, ainsi que ce million d’enfants qui auraient dû, selon M. Raffarin, pouvoir bénéficier d’une couverture universelle, et qui ne l’ont toujours pas.
Vous laissez également de côté la question des retraites. Celui-là même qui fut à l’origine de la prétendue réforme de 2002 est le premier, aujourd’hui, à en dénoncer les insuffisances. La réforme Fillon est en effet en pleine débâcle : le déficit de l’assurance vieillesse se creuse à un rythme beaucoup plus élevé que prévu. Pourquoi ? Parce que les Français n’ont pas confiance dans cette réforme et essaient, dans la mesure du possible, de profiter au maximum de leurs droits. Pendant ce temps, l’État ne fait pas son devoir : il abandonne le fonds de réserve pour les retraites, levier sur lequel devait pourtant s’appuyer la puissance publique pour assurer la pérennisation de nos régimes par répartition et faire en sorte que les petites pensions soient versées. Le Gouvernement laisse ainsi aux seuls assurés sociaux la responsabilité de procéder aux ajustements nécessaires.
Quant à l’accès aux soins, l’actualité nous rappelle à quel point il est rendu plus difficile, que ce soit pour des raisons financières, avec la généralisation des dépassements, ou géographiques. À cet égard, les élus locaux que sont beaucoup d’entre nous ne peuvent se contenter de votre promesse que les collectivités locales pourront financer des bourses pour les étudiants en médecine, quand l’urgence commande d’avoir une offre sanitaire de premier secours infiniment plus dynamique que celle que vous mettez en place ! Des pratiques d’exclusion sociale se développent au sein même de l’exercice médical, comme on le voit quand des patients bénéficiant de la CMU ou de l’aide médicale d’État sont exclus des consultations médicales.
Tout cela laisse un goût amer. Au-delà des cavaliers budgétaires, notamment au sujet de l’hôtellerie-restauration – bien évidemment, le Conseil constitutionnel devra se prononcer sur votre tentative de retour en arrière –, je souhaite insister sur le vote symbolique de ces 200 millions d’euros en plus pour l’ONDAM de ville. Pour avoir été saisis par un syndicat médical, nous savons tous, ici, de quel marchandage il résulte. On vous demandait 500 millions, vous en avez donné 200 millions. Est-ce avec cette somme que l’on pourra répondre aux demandes corporatistes d’une partie du corps médical, s’il est jugé légitime d’y répondre ? Je n’en sais rien. Mais que l’on ne nous fasse pas croire que l’on résoudra ainsi le problème des affections longue durée, et notamment du diabète, ou celui de l’accès aux soins ! C’est manquer de responsabilité et de considération pour les personnes concernées. Nous devons juger durement ce type de comportement.
Dès le mois de juin prochain, mes chers collègues, vous verrez le comité d’alerte se saisir du dépassement des dépenses d’assurance maladie, qui interviendra immanquablement, quelle que soit la volonté du législateur. Pour toutes ces raisons, nous refusons de voter ce texte, et nous saisirons le Conseil constitutionnel si, par malheur, nos collègues de la majorité persévèrent dans l’erreur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le contexte, cette année, est bien particulier : un quinquennat s'achève, au cours duquel le Gouvernement et l'UMP ont eu les pleins pouvoirs. Qu'en ont-ils fait ? Après la réforme des retraites en 2003 et celle de l'assurance maladie en 2004, il nous avait été annoncé que l'équilibre serait atteint en 2007. Nous en sommes loin, hélas !
Le déficit devrait être financé par l’emprunt. Vous avez d'ailleurs prévu une ligne de trésorerie de 28 milliards d'euros pour le régime général. Ce montant est-il raisonnable ?
L'État n'honore pas ses dettes. Il doit 5 milliards à la protection sociale, ne compense pas les 2,6 milliards d'exonérations de cotisations qu'il décide et demande en plus, dans l'article 21, de ne pas compenser de nouvelles exonérations. Est-ce sérieux ?
Les prévisions seront-elles tenues ? L'objectif des dépenses d'assurance maladie sera probablement dépassé. L'ONDAM n'est toujours pas établi sur des bases médicales. Certes, il a été abondé de 200 millions, mais il demeure très volontariste – pour ne pas dire irréaliste. Alors que son augmentation a été fixée à 0,9 % en 2006, il sera dépassé de 700 millions, malgré une forte baisse des indemnités journalières et les mesures de maîtrise comptable prises en septembre – baisse du tarif des cliniques de 3 %, gel de crédits hospitaliers et mesures concernant le médicament. La diminution des indemnités journalières se ralentit depuis quelques semaines. Elle sera certainement moindre en 2007. Surtout, certaines mesures sont très attendues : l’équivalence du tarif des consultations pour les généralistes et les spécialistes – puisque la médecine générale est devenue une spécialité –, la deuxième phase de la CCAM technique, la mise en œuvre de la CCAM clinique, le secteur optionnel… Les professions paramédicales, notamment les infirmières, attendent la prise en compte de leur niveau d'étude dans le cadre du LMD, la revalorisation des soins infirmiers et celle des frais de déplacement.
Les établissements connaissent presque tous des difficultés financières sérieuses : les cliniques, après la baisse de 3 % des tarifs, et les hôpitaux, dont le besoin de financement s’élève à 800 millions.
La T2A était très attendue, mais sa mise en œuvre technocratique s'avère d'une telle complexité – multiples forfaits manquant de transparence, contrats d'objectifs signés sous la contrainte – que tout le monde déchante.
Monsieur le ministre, n'allez-vous pas tuer une bonne idée ? Alors que notre système de soins est trop orienté vers le curatif, vous avez refusé le vote d'une ligne individualisée pour la prévention et l'éducation à la santé. Avec le vote de sous-objectifs, vous figez l'un des défauts majeurs de notre système avec ses séparations entre prévention et soins, ville et établissements, sanitaire et médico-social. L'UDF réclame au contraire des enveloppes régionales.
Maintiendrez-vous le pouvoir d'achat des retraites ? Après la réforme de 2003, le déficit s’élèvera à 3,5 milliards en 2007 pour atteindre, c’est une prévision, 5 milliards en 2009. Il faudra donc revoir cette réforme avec, comme le demandait l’UDF en 2003, la mise en œuvre d'un régime par points et la mise en extinction des régimes spéciaux.
En conclusion, à la fin du quinquennat et après les réformes des retraites et de l'assurance maladie, rien n'est aujourd’hui réglé. Alors que l'équilibre avait été annoncé pour 2007, le déficit, en réalité de 10,7 milliards pour toutes les branches, n'est pas financé. Notre système de santé connaît toujours une triple crise financière, organisationnelle et morale. La réforme du financement de notre protection sociale, pour qu'il pèse moins sur le coût du travail dans une économie mondialisée, n'a pas été amorcée. Les débats n'ont pas permis de prendre en compte nos suggestions et nos amendements. C'est pourquoi, les députés UDF ne voteront pas cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
De même, M. le ministre de la santé, au congrès d'un syndicat de médecins, en septembre dernier, déclarait : « A un moment ou à un autre, il faudra se poser la question du financement de la protection sociale ». Mais force est de constater que ce moment n'est pas venu...
Face à ces choix, les déficits chroniques vont perdurer. Toutes les branches aujourd'hui sont dans le rouge, à l’exception de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, car vous laissez le patronat sous-déclarer les accidents du travail et les maladies professionnelles pour ne pas augmenter ses cotisations. L'absence de ressources suffisantes favorisera encore un peu plus les dérives inquiétantes portant atteinte aux principes de solidarité et d'universalité de notre système en matière de santé, vieillesse et famille.
Les moyens pour l'hôpital public restent insuffisants face aux besoins et sont sources de préoccupations de plus en plus vives de la part des soignants comme de l'ensemble du personnel dont les conditions de travail ne cessent de se dégrader.
Les CHU auront besoin, à eux seuls, de 240 millions d'euros.
Ce texte est également inacceptable parce qu'il sert de véhicule à un véritable cavalier législatif contre les droits des salariés du secteur de l'hôtellerie-restauration. Par une manœuvre peu scrupuleuse et au mépris du dialogue social comme de l'intérêt du monde du travail, vous avez sacralisé dans la loi l'accord minoritaire de 2004 de cette branche, pourtant cassé par le Conseil d'État parce que illégal.
Enfin, ce texte est inacceptable par la suspicion méprisante qu'il instaure à l'égard des plus fragiles avec l'arsenal législatif censé lutter contre la fraude « organisée et généralisée », cependant que M. le ministre déclare lui-même qu'il n'en connaît pas le montant annuel, faute de statistiques !
Demander des justificatifs et les adapter, si besoin, pour empêcher la fraude, c'est normal, c'est légitime, surtout quand il s'agit d'argent public. C'est votre devoir, messieurs les ministres – et le nôtre –, et vous disposez déjà des moyens pour le faire. Mais vous avez fait adopter un amendement qui introduit la notion de « train de vie», comprenant, outre les véhicules, les biens immobiliers, le nombre et le coût des voyages à l'étranger !
Décidément, l'empreinte que laissera cette majorité n'est pas glorieuse (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) : …
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)
Pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Jean-Pierre Door.
Après le projet de loi portant réforme des retraites en 2003, la réforme de l’assurance maladie, en 2004, restera un acquis incontestable de cette législature.
Le redressement est spectaculaire, puisque, en trois ans, le déficit de la branche maladie sera divisé par deux, passant de 8 milliards en 2005 à moins de 4 milliards en 2007.
Au titre des mesures essentielles adoptées par notre assemblée, je tiens aussi à citer la création d’un observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée,…
L’ambition de ce texte est de réduire le déficit de 10 à 8 milliards d’euros pour le régime général et de 6 à 3,9 milliards pour la branche maladie. Notre ambition est d’assurer l’avenir et de donner à la sécurité sociale cet avenir que les Français attendent.
(Il est procédé au scrutin.)
Le projet de loi est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)
La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour l’aide publique au développement et pour les prêts à des États étrangers.
Celle-ci s’est fixé des objectifs ambitieux, non seulement en termes de moyens mis en œuvre puisque les pays riches doivent dépenser l’équivalent de 0,7 % de leur revenu national brut en aide publique au développement, mais aussi en termes de résultats sur la réduction de la pauvreté, avec les objectifs du millénaire, qui devraient être atteints en 2015.
Toutefois, il semble qu’elle ne parviendra pas à atteindre les objectifs du millénaire. L’Afrique n’arrive pas à se sortir de la pauvreté, des pandémies et du sous-développement. Le rapport publié hier, lundi 30 octobre, par la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, montre qu’il n’y a pas d’amélioration en termes d’alimentation depuis dix ans : 854 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde, dont 820 millions dans les pays en développement.
Le drame se joue aux frontières du sud de l’Europe, où la misère se heurte à l’absence de politiques européenne et française. Ce n’est pas par la force que nous endiguerons la pauvreté. En ce sens, le Président de la République a raison de dire que la solution aux problèmes posés par l’immigration réside non pas dans la fermeture des frontières mais dans le développement des pays du Sud, à terme évidemment. Simplement, une fois de plus, si le diagnostic est juste, il ne se concrétise pas par des moyens à la hauteur de l’enjeu.
Le Président de la République s’est engagé à ce que le niveau d’aide publique au développement atteigne 0,5 % du revenu national brut en 2007 et 0,7 % en 2012, soit l’objectif fixé par les Nations unies. Effectivement, la contribution française totale à l’APD devrait représenter 0,5 % du revenu national brut en 2007, soit 9,2 milliards d’euros. J’aimerais pouvoir me réjouir de cette progression, mais une analyse plus fine en révèle le caractère quelque peu artificiel.
L’ensemble des dépenses considérées par le comité d’aide au développement, CAD, de l’OCDE comme de l’aide publique au développement recouvrent un champ plus large que la seule mission « Aide publique au développement ». Cette mission représente un tiers des dépenses d’APD. Si les crédits de paiement augmentent de 4,7 % pour s’établir à 3,12 milliards d’euros, les autorisations d’engagement diminuent d’un tiers, ce qui n’augure rien de bon pour l’avenir. La mission « Aide publique au développement » est composée de deux programmes dont l’un dépend du ministère des affaires étrangères et l’autre du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ces deux programmes étant placés sous votre autorité, madame la ministre, avec l’instance de coordination du CICID.
Les crédits du premier, le programme « Solidarité à l’égard des pays en développement », augmentent principalement du fait de l’augmentation de la contribution au Fonds mondial pour le sida, la tuberculose et le paludisme, de 75 millions d’euros, et d’une augmentation des dépenses de personnel consécutive à une erreur de comptabilisation dans la loi de finances pour 2006, augmentation de 40 millions d’euros.
Les deux programmes de cette mission comportent des subventions à l’Agence française de développement, l’AFD. Alors que celle-ci a été désignée opérateur-pivot de l’aide publique au développement, elle sera l’objet de restrictions budgétaires en 2007. La baisse des crédits de paiement pour les subventions-projets, pour les bonifications de prêts ainsi que pour l’indemnisation des annulations de dette devra être compensée par des prélèvements sur le résultat de l’AFD, qui n’est d’ailleurs pas suffisant pour combler le manque de crédits.
À côté de cette mission, il y a le compte spécial « Prêts à des États étrangers », dont nous examinons également les crédits aujourd’hui. Il devrait être à l’équilibre en 2007, les remboursements compensant les crédits de paiement.
S’agissant à la fois de la mission « Aide publique au développement », du compte spécial et de l’Agence française de développement, la croissance des dépenses de l’aide-projet et de l’aide-programme résulte essentiellement de celle des prêts, au détriment des dons. Les prêts génèrent des montants d’aide publique très importants pour un coût budgétaire limité. L’augmentation du volume des prêts permet donc au Gouvernement d’afficher une hausse très importante de l’aide alors que l’impact des prêts pour les pays récipiendaires en termes de développement n’est bien sûr pas le même que celui des dons.
Par ailleurs, sont déclarées en aide publique au développement des dépenses qui figurent dans d’autres missions, notamment les dépenses d’écolage et d’accueil des réfugiés, dont on peut douter de l’impact en termes de développement pour les pays concernés. Or les dépenses d’accueil des réfugiés devraient représenter 440 millions d’euros en 2007 et les dépenses d’écolage 932 millions d’euros, soit 15 % des dépenses d’aide publique au développement.
Certes, le fameux CAD de l’OCDE permet la comptabilisation de ce type de dépenses, mais il n’est pas certain que la France respecte les critères prévus. J’ajoute que rares sont les pays qui déclarent leurs dépenses d’écolage à l’OCDE. Admettant qu’il est impossible de savoir si les études suivies en France par les étrangers contribuent au développement de son pays ou au nôtre, la France serait bien inspirée de renoncer à déclarer les coûts correspondants en aide publique au développement.
Enfin – et ce n’est pas le moins important – le montant des annulations de dette s’élève à 2 milliards d’euros en 2007. Or, dès à présent, ce montant semble très surestimé. J’ai, en effet, le sentiment, madame la ministre, qu’une part importante de ce montant résulte d’annulations dont la réalisation dès 2007 est plus qu’incertaine, notamment celles en faveur de la Côte d’Ivoire et de la République démocratique du Congo. Je ne suis pas certain qu’à l’automne prochain ces programmes d’annulation seront parvenus à terme.
D’autre part, les annulations de créances commerciales garanties par la Coface représentent 60 % des annulations de dette comptabilisées en aide publique au développement, soit plus de 1,2 milliard d’euros. De la même façon que les prêts qui les ont fait naître n’ont pas été déclarés comme aide publique au développement – ils résultent d’une politique de soutien aux exportations françaises –, il me semble que leur annulation ne devrait pas, elles non plus, être considérée comme de l’aide publique au développement.
S’agissant des annulations de dette, la commission des finances vous proposera d’adopter un amendement, qui n’est pas capital, mais qui a sa logique, visant à augmenter le plafond d’autorisation. Compte tenu des annulations massives de dette accordées au Nigeria et à l’Irak, le plafond de 11,1 milliards d’euros prévu depuis 2004 sera atteint plus rapidement que ne l’envisageait le Gouvernement. Il est donc nécessaire d’augmenter ce plafond, et, plutôt que d’attendre la loi de finances rectificative pour le voter à la sauvette, faisons-le dès maintenant puisque les chiffres sont d’ores et déjà connus.
En définitive, le Gouvernement a beau se targuer de la prétendue satisfaction des Français à l’égard de la politique d’aide publique au développement de la France, ce n’est pas une preuve de son efficacité. Il se vante d’avoir atteint l’objectif de 0,5 % du revenu national brut en dépenses d’APD, alors qu’il ne s’agit là – j’en ai donné quelques exemples – que d’un agrégat comptable dans lequel une bonne partie des dépenses ne contribuent pas directement au développement des pays concernés. Mieux vaudrait, dans ces circonstances, se pencher sur l’efficacité de l’aide.
Car la question est bien là : quel est l’impact de nos dépenses d’aide publique au développement pour les pays qui en bénéficient ? Le rapport du Conseil d’analyse économique de septembre 2006, intitulé La France et l’aide publique au développement, a montré les faiblesses de notre politique d’aide publique au développement en lui reprochant la dispersion excessive des centres de décision, des objets de l’aide, et l’insuffisance de l’aide bilatérale. Au lieu d’évoquer des sondages, mieux vaudrait s’intéresser à ce rapport !
Ce budget ne prépare pas l’action de la France en matière d’APD sur le moyen terme. Compte tenu de la répartition des dépenses d’APD, l’objectif de 0,7 % du revenu national brut en 2012 sera extrêmement difficile à atteindre. En effet, le montant affiché de 9,2 milliards d’euros de dépenses d’APD en 2007 n’est obtenu que grâce aux annulations de dette, qui vont nécessairement décroître avec la fin de l’initiative du Club de Paris pour les pays pauvres très endettés, les PPTE, et grâce à l’augmentation du volume des prêts, qui ont un coût budgétaire très faible, mais dont les remboursements généreront des flux d’APD négatifs.
L’interrogation porte donc sur la capacité à dégager les crédits nécessaires pour prendre le relais des annulations de dette. Cette interrogation est encore repoussée grâce à la comptabilisation d’annulations dont la réalisation est pour le moins incertaine en 2007. Alors que l’augmentation des dépenses d’APD affichées en 2007 est uniquement imputable aux dépenses multilatérales – ce qui n’est pas un mal en soi –, il est indispensable que la France se redonne également des marges de manœuvre en matière d’aide bilatérale, afin de préparer sa politique d’aide au développement dans les années à venir. » Le problème se posera pour le futur gouvernement, quel qu’il soit.
Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je ne voterai pas ce budget. Toutefois, j’indique que la commission des finances, pour sa part, a adopté les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte spécial « Prêts à des États étrangers ». Je vous demande donc, en son nom, d’émettre un vote favorable à leur adoption.
Cette fin de législature marque un moment heureux en ce domaine et votre rapporteur est, si je peux me permettre de le dire, un député heureux, car les engagements qui ont été pris au nom de la France, notamment par le Président de la République, sont devenus une réalité.
Nous sommes donc aujourd’hui dans une phase exemplaire par rapport au reste de la communauté internationale. J’ai pu le constater hier encore à Rome, à la FAO avec d’autres représentants d’Alliés contre la faim : la position de la France dans ce domaine sort renforcée de la politique que vous avez menée depuis quelques années, madame la ministre.
Je ne reviens pas sur les chiffres ; ils sont éloquents. Bien sûr, et sans vouloir être désagréable avec mon prédécesseur à cette tribune, on trouvera toujours des esprits chagrins pour les critiquer. Mais derrière cet aspect comptable de l’aide au développement, dont le périmètre respecte parfaitement les critères internationaux fixés par l’OCDE, se cachent des réalités politiques au sens noble du terme et humaines. Vous les connaissez, madame la ministre, vous qui allez très souvent dans ces pays, à la rencontre des femmes et des hommes qui se battent pour améliorer leur sort avec votre soutien et celui de la maison que vous dirigez.
Grâce à l’action du Président de la République la France a marqué des points au cours des dernières années, c’est indéniable, qu’il s’agisse de l’allégement de la dette, du rapport Landau, de la contribution sur les billets d’avion – UNITAID –, de l’initiative sur la vaccination… Toutes ces initiatives sont à l’honneur de notre pays.
Humainement, on ne peut que constater l’engagement sans faille des Français pour les pays du Sud. En ma qualité de président des Volontaires du progrès, je peux vous dire qu’ils sont des milliers de jeunes à vouloir nous rejoindre pour agir contre la pauvreté au Sud. Nous recevons près de 20 000 lettres par an. Aucun de ces jeunes n’hésite à partir – souvent dans des conditions difficiles, loin du confort –dans les plus petits villages du Mali, du Cameroun ou du Burkina. Et pour moi, ces milliers volontaires valent autant que les millions d’euros de crédits dont nous débattons aujourd’hui.
Il y a cinquante ans, un journaliste, Raymond Cartier, disait qu’il fallait préférer la Corrèze au Zambèze. Quelle erreur ! C’est un temps révolu. Le Président de la République a démontré que l’on pouvait être corrézien et s’engager pour l’Afrique ! Et dans ma commune de Millau, je constate que l’aide apportée à nos amis de Bamako compte pour nos concitoyens.
J’en viens à la question de la dette, déjà évoquée par M. Emmanuelli.
En janvier dernier, la commission des affaires étrangères a repoussé une proposition de nos collègues communistes tendant à créer une commission d’enquête sur la question de la dette. Nous avions jugé à l’époque que cette procédure n’était pas adaptée mais qu’une réflexion sur ce sujet était nécessaire. Dans le cadre de mon rapport pour avis, j’ai souhaité traiter de cette question de manière approfondie afin de montrer clairement qu’il n’y avait aucun tabou en la matière, mais qu’une commission d’enquête n’était pas indispensable.
La dette des pays du Sud représente 2 800 milliards de dollars ce qui, vous en conviendrez, est énorme. Néanmoins il faut nuancer les choses quand on voit que la Chine est endettée à hauteur de 250 milliards de dollars, le Brésil pour 222 milliards, la Russie pour 197 milliards, l’Argentine pour 169 milliards, tous pays qui ne comptent pas parmi les moins avancés.
C’est la catégorie des pays pauvres très endettés, les PPTE qui préoccupe le plus ; ils sont tous ou presque situés en Afrique subsaharienne. Certains de ces pays ont accumulé une dette qui représente six fois leur revenu national brut. Le service de la dette est une charge telle qu’elle retire à ces États toute marge de manœuvre pour payer des médecins, des personnels de santé, des instituteurs dont ils ont cruellement besoin pour lutter contre la pauvreté. J’entends pourtant dire que l’aide publique au développement ne passerait pas par la diminution de la dette publique de ces pays alors que cette dette les empêche d’engager des dépenses en matière.
Des initiatives importantes ont été engagées par les pays occidentaux, comme l’initiative PPTE, en 1996, sous l’impulsion de la France, ou l’initiative de Gleneagles, l’an passé, sous l’égide du G8 et du Royaume-Uni. Mais tout cela paraît évidemment insuffisant aux ONG, qui ont engagé une vaste mobilisation sur cette question.
Je crois que certaines de leurs critiques ne manquent pas de justesse. Il est vrai que le montant des annulations devrait être plus élevé et il peut apparaître choquant, par exemple, que les pays du Sud aient à rembourser l’équivalent de onze fois la dette qu’ils avaient contractée de 1980 alors même que le volume global de leur endettement n’a été multiplié que par cinq dans le même temps.
La question demeure toutefois complexe. Des annulations de dette trop massives et immédiates conduiraient à mettre en difficulté des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale. Est-ce souhaitable ? Elles n’empêcheraient pas les pays en développement d’emprunter à nouveau, notamment auprès de pays peu scrupuleux comme la Chine qui multiplie les prêts à des conditions peu avantageuses, souvent en contrepartie de la livraison de matières premières, dans des pays qui ont des relations difficiles avec les institutions financières comme l’Angola ou le Soudan.
Il ne suffit d’ailleurs pas d’annuler les dettes ; il faut aussi s’assurer que les marges de manœuvre nouvellement acquises par les pays endettés sont bien utilisées pour lutter contre la pauvreté.
C’est pourquoi, en s’inspirant de ce qui a été mis en place par le président de notre commission, M. Édouard Balladur, pour les négociations d’adhésion avec la Turquie, il me semblerait utile de créer un groupe de suivi permanent de l’aide au développement et de la dette.
Je crois aussi à l’utilité d’associer les ONG à ce travail.
Je crois aussi à l'utilité d'associer les ONG à ce travail. Même si elles sont parfois maximalistes sur certains points et se positionnent souvent sur le terrain moral, elles fournissent un énorme travail d'expertise. On pourrait instituer une sorte de forum sur ces questions qui permettrait aux ONG d'intervenir régulièrement, de poser les bonnes questions afin d’avoir les bonnes réponses et d'échanger leurs expériences avec celle des parlementaires.
Cette organisation et cette méthode nouvelles sur un sujet qui intéresse de plus en plus l'opinion pourraient d'ailleurs bénéficier d’un suivi dans le cadre d'une loi d'orientation et de programmation sur cinq ans relative à l'aide, conformément à une demande ancienne des parlementaires et au vœu exprimé par plusieurs ministres de la coopération. Cette loi-cadre offrirait une véritable vision à long terme ; elle permettrait de donner plus de visibilité à notre action et ainsi de mieux définir nos stratégies.
Voilà, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les quelques réflexions que je voulais vous livrer, au terme d’une législature qui aura vu notre effort en faveur des pays en développement augmenter sans interruption.
Il reste certainement beaucoup à accomplir dans le domaine de la santé, de l'alimentation, de l'épargne des migrants – sujet qui m'est cher et qui commence enfin à susciter une attention justifiée –, du codéveloppement, sur lequel je suis en train de travailler avec notre collègue Cazenave. Je pense aussi à la question de l'accès à l'énergie, qui handicape de plus en plus les pays africains dépourvus d'hydrocarbures. Le travail ne manque pas, les bonnes volontés non plus.
En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, à voter les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dès leur accession au pouvoir, le Président de la République et son gouvernement ont exprimé de louables intentions. Qui n’approuverait l’objectif de réduire la fracture sociale internationale, dont un discours martelé pendant cinq ans assurait que c’était la volonté française ? Cela fait bien longtemps que la communauté des pays du monde a fait sien cet objectif, pour deux raisons essentielles. La première est éthique : le sous-développement, comme le mal-développement, est un scandale moral. Nous connaissons tous ses déclinaisons tragiques ; nous avons tous à l'esprit des images insupportables de femmes, d'hommes, d'enfants, victimes de catastrophes naturelles ou de désastres sanitaires, d'êtres humains condamnés à vivre dans des conditions inacceptables.
Mais le sous-développement comme le mal-développement sont également à l'origine de graves déséquilibres sociaux et politiques. Ils nourrissent les désordres de toute nature, guerres civiles, conflits interétatiques, corruption, mouvements migratoires incontrôlés. Aider le tiers-monde, c'est donc aussi, comme le président François Mitterrand a eu l'occasion de le dire, s'aider soi-même. Les ambitions assignées en 1976 aux peuples les plus riches par la Conférence des nations unies sur le commerce et le développement, la CNUCED, et par l'ONU en 2000, au titre des objectifs du millénaire, relèvent du bon sens, éthique autant que politique.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? La France et les nations en situation de favoriser le décollage des pays les plus nécessiteux ont-elles fait ce qu'elles pouvaient faire ? Ont-elles réduit l'écart, ou du moins contribué à mettre les moins favorisés sur la voie du progrès économique et social ? L’examen des attentes définies par la feuille de route des objectifs du millénaire permet de mesurer à quel point l’horizon du développement est encore éloigné pour les pays du sud.
Le premier objectif était de ramener le nombre de pauvres en 2015 à la moitié de ce qu'il était en 2000. Or le Programme des nations unies pour le développement, le PNUD, fait en 2005 le constat de la résistance de la pauvreté, 40 % de l'humanité vivant toujours avec moins de deux dollars par jour.
Le deuxième était d’en finir avec l'analphabétisme dans les mêmes délais. Or, au rythme actuel, 47 millions d'enfants ne seront toujours pas scolarisés en 2015. II manque pour réaliser cette ambition 18 millions d'instituteurs.
L'égalité entre hommes et femmes, objectif numéro trois, passe par l'école. Or la statistique nous apprend que 60 % des enfants non scolarisés sont des fillettes, et qu'en 2005, sur 880 millions de personnes qui ne savent ni lire, ni écrire, les deux tiers sont des femmes,
La réduction de la mortalité infantile était le quatrième objectif. Or, loin de diminuer, elle est en augmentation dans quatorze des pays les plus pauvres. Si la tendance actuelle se poursuit et si l'effort engagé pour réaliser cet objectif n° 4 reste ce qu'il est, ce n'est pas en 2015 mais en 2050 que ce fléau sera éradiqué.
L’objectif n° 5 est l'amélioration de la santé des mères par la réduction des trois quarts de la mortalité maternelle. La tâche s'avère difficile en Afrique, qui concentre la moitié des décès enregistrés dans le monde, tandis que des pays comme le Nicaragua ont décidé de rétablir la pénalisation de l'interruption de grossesse.
L’objectif du millénaire n° 6 recommande une mobilisation forte pour tenter de contenir la progression du sida, en particulier en Afrique. Mais, faute de moyens, la pandémie continue de progresser. Si les conditions actuelles perdurent, elle pourrait toucher 90 millions d'individus en 2025.
L’objectif n° 7 concerne le développement durable, l'accès à l'eau potable et au tout-à-l'égout. Les chiffres là aussi sont particulièrement inquiétants, puisqu'on estime à 650 millions le nombre de personnes qui n'auront toujours pas l'eau potable à domicile en 2015, et à plus de deux milliards celles qui ne seront toujours pas connectées à un réseau d'évacuation des eaux usées.
L’objectif n° 8 enfin englobe les conditions économiques générales du développement, la dette et le contexte commercial. Or, en dépit d'annonces répétées, l'endettement des pays du sud se perpétue, même si le fardeau financier pesant sur les pays les moins avancés, les PMA, s’est allégé à la suite d’initiatives diverses. En revanche, les pays à revenu moyen ou pays émergents peinent à s'en sortir en raison de leur difficulté d'accès aux marchés des pays du nord.
Ce bilan n'est pas pessimiste, mes chers collègues : il est tout simplement véridique. Ses réalités s’imposent à tous ceux qui prétendent affronter le défi redoutable du mal-développement. La France n'est bien entendu pas seule en cause, mais en rappelant ces quelques vérités, je souhaitais inciter à une réflexion collective. L'enveloppe consacrée à la coopération par la France comme par les pays membres de l'OCDE est un préalable incontournable. Mais prétendre que la France et ses partenaires développés remplissent leurs devoirs sous prétexte qu’ils se rapprochent au fil des ans de l'objectif de 0,7 % du PIB consacré à l'aide, recommandé par la CNUCED depuis 1976, n'a en soi guère de sens. La qualité de l'effort et son ciblage géographique, importent bien davantage. L'aide française touche-t-elle pour l'essentiel les pays les plus pauvres, les PMA ? L’aide publique au développement, l’APD, de la France permet-elle de s'attaquer aux inégalités et de faciliter l'accès aux droits humains fondamentaux ? L'aide de notre pays contribue-t-elle à favoriser l'accès aux services publics essentiels, l'eau, l'électricité, la santé et l'éducation ?
Le Center for global Development, organisation non gouvernementale américaine qui n'a rien de socialiste, a publié le 14 août un audit de la qualité de l'aide accordée aux pays pauvres par vingt-et-un pays considérés comme riches. Ce classement peut bien sûr être discuté, comme toute tentative de cet ordre. Mais il a le mérite de mesurer relativement l'effort en matière d'aide et de coopération consenti par ces vingt-et-un pays. La France aurait reculé du quinzième rang, qu’elle occupait en 2005, à la dix-huitième place en 2006. Sept critères ont été retenus par cette association : le volume de l'aide publique au développement, l'accessibilité au marché des pays riches pour les produits des pays pauvres, les investissements réalisés dans les pays en voie de développement, la politique à l'égard des migrants de ces pays résidant dans les pays riches, la protection de la biodiversité, la contribution au maintien de la paix, la diffusion des technologies.
La place de la France en queue de peloton, quoique surprenante, n’est pas tout à fait incompréhensible. La France a été jugée peu généreuse, l'aide française étant attribuée de plus en plus à des pays émergents. La part opérationnelle de plus en plus grande prise par l'Agence française de développement, institution à caractère bancaire, reflète cette tendance : l'APD française dérive de plus en plus vers le terrain du commerce extérieur. Les annulations de dettes commerciales ne font que conforter cette orientation. L'aide sanitaire, abondée de 200 millions d'euros en 2007, est une bonne chose, à condition de rappeler qu'elle ne doit rien à la solidarité de l'État, puisqu'elle est financée par les passagers des compagnies aériennes, désormais assujettis à une taxe de solidarité sur les billets d'avions, ce qui est une bonne chose. La France a été par ailleurs jugée peu accueillante aux productions agricoles des pays du sud…
Je souhaite enfin signaler une interrogation plus fondamentale sur le sens donné, par la majorité et son gouvernement, à la relation entretenue par la France avec les pays du sud. La France fait-elle la charité à « ses pauvres », ou entend-elle construire, au delà de l'aide, un nouveau partenariat mutuellement profitable ? Certaines tentatives de réhabilitation de la colonisation, une immigration prétendument choisie, la multiplication des entraves à l'entrée dans notre pays d'intellectuels, d’étudiants, de responsables africains, ont créé un doute que ne parvient plus à compenser le discours présidentiel sur la fracture sociale mondiale.
Quant au rapport sur les activités de la France au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale, déposé devant le Parlement à la suite d’une initiative du groupe socialiste, en application de l’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998, il nous est remis de plus en plus tardivement.
Je voudrais, pour terminer, évoquer le classement de la France en ce qui concerne les contributions françaises aux organismes spécialisés au sein même de l’ONU. C’est un document du Gouvernement qui nous a été remis au moment où nous partions, avec le président Balladur, aux Nations unies.
Il faut continuer l’effort engagé. Nous sommes le premier pays européen contributeur et c’est une bonne chose. Il faudrait arriver à agir de manière plus organisée, notamment avec l’Union européenne.
J’ai également noté l’extrême qualité de notre corps diplomatique, de nos ambassadeurs, de nos ambassades, et leur très vive implication dans tous les projets de développement concernant les pays où les intérêts de la France sont représentés. On pourrait cependant − ce n’est pas leur faire injure que de le dire − consentir un effort plus grand : ils ont les moyens intellectuels et une excellente connaissance du terrain ; si nous leur accordons des moyens financiers, ils pourront agir beaucoup plus fortement.
Il faut également rendre hommage à l’ensemble de la représentation française non officielle. Tous les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune ont parlé des ONG. Quant à moi, je les ai découvertes et ai pu constater que, en ce domaine comme en d’autres, on trouve de tout. Il faut reconnaître que la grande majorité de ces organisations accomplit un excellent travail. Mais elles souffrent d’une insuffisante coordination entre elles. En outre, leur action dépend souvent d’une personnalité, homme ou femme : lorsque, au bout d’un certain nombre d’années, celle-ci se décourage, c’est un peu tout ce qui a été élaboré qui s’effondre avec son départ. Il faudrait créer une relation beaucoup plus forte entre notre représentation diplomatique et ces ONG, sans oublier les experts : la France dispose de quelques grands organismes, tels l’INRA ou le CNRS, qui sont très bien représentés aux côtés des entreprises. Une meilleure coordination de tous ces efforts nous permettrait d’obtenir de très grands résultats.
Enfin, un phénomène est appelé à avoir une importance capitale pour l’avenir et la stabilité du monde : le décrochage sans précédent que l’on constate dans les campagnes et dans les montagnes. Si John Steinbeck devait réécrire aujourd’hui Les Raisins de la colère, quinze volumes ne lui suffiraient pas : c’est par centaines de milliers que des hommes et des femmes quittent leurs territoires pour aller vers des villes illusoires,…
Il faut donc poursuivre le travail engagé. L’image de la France s’est confortée, elle est bien perçue, pour toutes les raisons que j’ai indiquées. Nous devons nous organiser et ne pas oublier la francophonie, à laquelle je sais que vous êtes très attachée, madame la ministre. Elle représente un moyen d’action moderne. Partout, à tous les niveaux, nous sommes dépassés par l’anglais. Les Anglais parlent beaucoup mais se servent et ne font pas toujours ce qu’ils devraient. Il faut que le français revienne, non pas par esprit franchouillard, mais parce que nous savons aider les autres à s’organiser. Comme disait la vieille maxime, « il vaut mieux aider quelqu’un à pêcher un poisson que lui en offrir un ».
Madame la ministre, j’ai eu l’occasion de vous voir à l’œuvre. Je sais que vous êtes personnellement appréciée. Nos ambassadeurs le sont également. Sans doute passe-t-on parfois un peu de temps à critiquer, mais il faut aussi savoir reconnaître que, grâce à sa représentation, la France est bien placée dans le monde. Il faut continuer dans cette voie et renforcer nos efforts : c’est vital pour le monde de demain et pour nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Sans doute, madame la ministre, vous avez, comme moi, lu la presse du matin et vu ce grand titre effrayant dans Les Échos : 700 millions d’êtres humains souffrent de la faim dans un monde qui ne cesse de s’enrichir.
Alors que nous discutons aujourd’hui des crédits de la mission « Aide publique au développement », je voudrais vous faire part de mes vives préoccupations. Je veux vous rappeler, madame la ministre, la nécessité de diffuser au Parlement le rapport sur les activités de la France au sein des institutions financières internationales dans un délai raisonnable afin que les parlementaires soient en mesure d’effectuer leur contrôle sur l’activité gouvernementale. Cela n’a pas été le cas cette année, ce qui est pour le moins regrettable. Dites-moi si je me trompe. Vous pouvez constater et vérifier.
Je suis très préoccupé de constater le peu d’importance que le Gouvernement accorde au principe de transparence. Une transmission tardive des documents budgétaires au Parlement atteste du peu de considération du Gouvernement pour le contrôle parlementaire de l’ensemble des activités gouvernementales et ne permet pas de garantir la transparence et la visibilité de la politique de coopération internationale de la France.
En ce qui concerne le projet de loi de finances lui-même, je déplore le manque d’informations relatives aux volumes d’aides françaises allouées aux différents secteurs relatifs à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement − santé, éducation, accès à l’eau. Il me paraît invraisemblable de voter sur les crédits d’APD sans avoir une vision claire de la ventilation sectorielle de l’aide française. L’« aide au développement », cela ne veut rien dire. À quoi ça sert ? À qui ça sert ? Est-ce que ça va bien dans le sens que nous souhaitons ?
En matière de coopération sanitaire, par exemple, vous avez récemment annoncé, madame Girardin, que l'aide devrait atteindre plus de 700 millions d'euros en 2007 dans ce secteur, soit plus de 7,5 % du total des crédits d’aide publique au développement de la France. Un tel chiffre peut sembler plutôt positif. En réalité, force est de constater que cette hausse s’explique principalement par les contributions de la France à des initiatives internationales pour des programmes verticaux centrés sur des maladies ou sur des interventions spécifiques, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’Alliance GAVI, UNITAID ou encore l’IFFIm.
Il ne suffit pas de parler de chiffres. Encore faut-il étudier ce qui se cache derrière.
Renforcer les systèmes publics de santé et remédier à la pénurie de personnel soignant sont des actions qui constituent des préalables indispensables au succès de toute politique sanitaire dans les pays du Sud, en particulier en Afrique subsaharienne. Or nous allons jusqu’à chercher des médecins étrangers, dont les compétences sont remarquables, parce que nous n’en avons pas formé assez, pour les employer y compris dans nos hôpitaux publics en les sous-payant. J’ai eu l’occasion d’en rencontrer comme vous peut-être, madame la ministre, ou comme M. Xavier Bertrand, sans doute, lorsqu’ils ont manifesté devant l’Assemblée nationale.
Il est fondamental que la France augmente de manière significative – je le dis sans démagogie – son aide bilatérale pour la santé et accepte d'en consacrer une part substantielle au renforcement des systèmes de santé et, plus spécifiquement, à l'appui des politiques nationales de renforcement des ressources humaines dans le secteur.
Le Gouvernement serait sur ce point bien inspiré de suivre les recommandations de l'OMS en consacrant au moins 50 % de son aide sanitaire à ce renforcement des systèmes de santé, la moitié de ce montant étant dévolu aux ressources humaines, qu’il s’agisse du soutien à la formation, de la revalorisation salariale ou de l'augmentation des effectifs.
L'aide publique au développement est essentielle si l’on ne veut pas laisser un grand nombre de pays et de peuples de plus en plus en marge du reste de l'humanité. Je ne peux donc que regretter qu'elle soit insuffisante. Au moins devrait-elle s’accompagner, dans un souci d'efficacité, de profondes réformes structurelles de l'économie mondiale.
Il faut que la France intervienne plus systématiquement sur le plan international afin de garantir à ces pays des prix équitables et rémunérateurs pour leurs matières premières et leurs produits agricoles leur permettant de développer réellement leurs économies. Ils n’ont que faire de la charité : ils ne font pas de la mendicité.
La France doit ainsi jeter les bases d'une nouvelle coopération libérée de tout esprit de domination et de tout paternalisme, pour construire une dynamique fondée sur le respect mutuel et l'avantage réciproque. C’est impossible, nous dit-on. Regardez donc la Bolivie, qui a nationalisé ! Les grandes multinationales, qui dominaient tout et qui menaçaient de partir en cas de nationalisation, sont toutes venues quêter des accords de coopération. C’était le bon sens, et voilà une vraie coopération, sur un pied d’égalité !
Malheureusement, madame la ministre, l'action du Gouvernement n'est ni adaptée, ni assez vigoureuse. Les crédits ne correspondent pas aux exigences. Depuis que je fais de la politique, j’entends parler, comme pour la culture, de 1 % du budget de l’État pour le développement. Aujourd’hui, nous en sommes toujours à le réclamer.
Madame la ministre, j’espère que vous avez entendu mon message, un message d’espoir et de responsabilité. Je parle d’autant plus librement, sans démagogie ni promesses électorales, que ce n’est pas ce budget qui fera les élections.
Pourtant, j’ai été surprise de constater qu’aucune allusion n’y est faite dans le projet annuel de performance qui accompagne le projet de loi de finances pour 2007, alors même que les objectifs du millénaire pour le développement constituent la feuille de route de l’aide publique française au développement et que trois de ces objectifs, les OMD 4, 5 et 6, concernent directement la santé. Ne pourrait-on envisager que la santé, à l’instar de l’éducation de base – les indicateurs 1 et 2 de l’OMD 1 –, fasse l’objet d’une référence explicite au sein des objectifs et indicateurs de performance ?
Je le crois d’autant plus nécessaire que je lis dans le document budgétaire de votre ministère, à la page 65 : « L’amélioration de l’accès à l’éducation de base joue un rôle essentiel de par ses incidences sur la démographie, la santé et la mobilité sociale, l’amélioration de la condition et du statut des femmes. » Je connais votre volonté, madame la ministre, de prendre en compte ces questions, et je tiens à saluer, en particulier, vos efforts et ceux de votre ministère en faveur de la santé des femmes. J’en veux pour preuve la récente mise en place d’une plate-forme « genre et développement », que nous appelions de nos vœux, ou encore le soutien financier à des programmes spécifiques et novateurs comme celui de Kollo, au Niger, ou celui qui, en voie d’adoption à l’UNFPA, consacre notamment tout un volet à la lutte contre les fistules obstétricales, fléau qui illustre la difficile condition de la femme africaine.
Je sais que vos services travaillent également à la rédaction d’une stratégie « Santé des femmes dans les pays en voie de développement », inspirée du bilan des actions menées en ce domaine par la France, mais aussi par ses partenaires depuis quelques années. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que notre pays afficherait clairement sa volonté et sa différence en nommant ce travail « Santé et droits des femmes », affirmant ainsi que l’accès aux soins est conditionné par le libre exercice par les femmes de leurs droits, notamment en matière de santé reproductive ? Pouvez-vous également me confirmer que cette stratégie, qui pourrait utilement orienter nos futures actions, sera bien rédigée prochainement et que vous pourrez la présenter en CICID avant la fin du premier trimestre 2007 ?
Par ailleurs, les efforts importants consentis par la France à travers les canaux de financement multilatéraux pour la santé me semblent, pour être relayés sur le terrain, devoir s’accompagner d’un renforcement de l’aide bilatérale en matière de santé. Dans le projet de budget pour 2007, l’Agence française de développement ne consacre que 60 millions d’euros de dons au secteur de la santé. La stratégie sectorielle santé rédigée en 2004 et validée par le CICID de mai 2005 fixait comme objectif l’alignement sur la moyenne des pays de l’OCDE, soit 11 %. Pour y parvenir était préconisée une augmentation de la part santé, hors VIH, de 50 millions d’euros en moyenne par an pendant trois ans à partir de 2006. Les deux tiers de cette APD santé concernent le sida, notamment du fait de notre soutien important au Fonds mondial. Pourtant, aucun lien n’est fait aujourd’hui entre le VIH, la santé sexuelle et la santé de la procréation, dont il est pourtant une composante.
Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre, sur l’augmentation prévue par le CICID ? Celle-ci reste-t-elle d’actualité et, dans l’affirmative, concernera-t-elle en priorité le canal bilatéral et la santé hors VIH ? Dans son enveloppe de dons, l’AFD, dont vous avez la tutelle, ne pourrait-elle par ailleurs augmenter la part consacrée à la santé afin d’atteindre cet objectif prioritaire ?
Nous nous félicitons que la nouvelle LLOF permette enfin au Parlement de voter plus de 80 % des crédits budgétaires qui concourent à l’APD. Cependant, le contrôle de l’utilisation de ces fonds par nos partenaires continue à nous poser problème. La préférence accordée aux aides programmes sectorielles, qui comportent des avantages évidents, comme la responsabilisation de nos partenaires, complique le suivi de l’utilisation de ces fonds. Au Niger, par exemple, on peut estimer qu’un tiers du soutien français à la politique de santé devrait être affecté à la santé de la procréation. Si cet engagement est à peu près contrôlable au niveau central, j’ai pu constater qu’il ne l’est absolument pas au niveau opérationnel, celui des districts de santé, du fait de la récente décentralisation. Il faudra donc trouver des solutions pour pouvoir contrôler a posteriori l’utilisation des budgets votés et mis en œuvre dans le cadre des aides programmes sectorielles.
Enfin, madame la ministre, la représentation nationale dans sa grande majorité souhaite depuis plusieurs années obtenir une loi de programmation pluriannuelle pour rendre notre APD plus prévisible pour nos partenaires du Sud, pour garantir que l’objectif de 0,7 % sera atteint en 2012 et appliquer les stratégies adoptées en CICID.
J’en fais le vœu, sachant combien vous avez vous-même à cœur que l’effort entrepris depuis 2002 se poursuive et s’amplifie, cet effort qui place la France en tête des pays européens par le volume de son APD et en tête des pays du G8 pour la part du revenu national brut qui y est consacrée.
Conscients, madame la ministre, que près de trois milliards de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, les députés du groupe de l’UMP se félicitent de l’effort budgétaire consenti de façon constante par le Gouvernement et saluent votre implication comme celle de votre ministère. Ils s’honorent que la France ait pris l’initiative de la taxe de solidarité sur les transports aériens et vous apportent leur confiance et leur soutien.
Pour toutes ces raisons, nous sommes fiers de voter aujourd’hui les crédits de la mission « « Aide publique au développement » pour 2007 que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dois-je rappeler ici – ces chiffres sont connus, mais il faut, je crois, les répéter – qu’en 1950 l’Afrique comptait 250 millions d’habitants, qu’aujourd’hui ils sont 1 milliard et qu’au rythme actuel de la croissance démographique, qui va jusqu’à trois points par an, ils seront 1,5 milliard dans quelques années, en 2040 ou 2050, et cela en dépit de toutes les difficultés que rencontre ce continent ?
Face à cette réalité, vous nous présentez, madame la ministre, un budget qui s’améliore – je regrette d’ailleurs que certains de nos collègues occultent ces chiffres – puisque, cette fois-ci, 0,5 % du revenu national brut est consacré à l’APD et que nous tendons vers 0,7 % en 2012. Ce n’est pas encore assez, j’en conviens, mais c’est un progrès à saluer, car, faut-il le rappeler, nous étions en 2001-2002 à 0,32 %.
La France est certes en tête du G8. La mission que vous nous présentez a deux programmes pour lesquels les crédits de paiements sont en augmentation de 5 % sur 2006. Malheureusement, et je souhaiterais avoir quelques explications de votre part, madame, nous constatons une baisse des autorisations d’engagements sensible, pour pratiquement 2 milliards d’euros.
L’aide publique au développement, on ne la fait pas pour les beaux yeux des uns et des autres, il faut être clair. Ce n’est pas de la mendicité, ce n’est pas l’aumône, c’est la survie même de la stabilité du monde, notre survie face à cette rupture que je viens de décrire. Comment pourrait-on vivre en toute sérénité alors même qu’à deux heures d’avion un continent part à la dérive ?
Je voudrais à ce propos poser deux questions macro-économiques.
La première porte sur le véhicule choisi pour notre APD : multilatéral ou bilatéral. Des critiques ont été formulées tout à l’heure sur le fait que nous ne ferions pas suffisamment d’efforts dans un certain nombre de postes onusiens. C’est peut-être vrai, mais je voudrais quand même souligner que l’aide multilatérale n’est pas plus efficiente et que nous avons aussi une stratégie d’influence à préserver et à développer. Je regrette que, trop souvent, nous faisions des choix multilatéraux qui rendent notre aide anonyme, qui la coulent dans un moule dans lequel nous n’avons pas de retour politique, alors même que nous consentons des efforts financiers très importants.
Or, dans le programme dont vous avez plus particulièrement la charge, madame la ministre, c’est-à-dire la solidarité à l’égard des pays en voie de développement, pour 41 % vous favorisez le véhicule multilatéral. Il convient de s’interroger sur cette stratégie.
La seconde question que je voudrais soulever sera sans doute jugée plus iconoclaste, mais il faut, parfois, avoir le courage de parler fort. Il y a vingt ou trente ans, on a entendu dire que la Corrèze devait venir avant le Zambèze. Eh bien, aujourd’hui, je pose la question : faut-il véritablement privilégier l’Europe et ignorer l’Afrique alors que le jeu du monde, la stratégie du monde se joue sur l’Afrique ?
Nous consacrons pratiquement jusqu’à 44 milliards par an au niveau européen à des fonds structurels pour des pays qui reçoivent par ailleurs énormément d’investissements privés. Bien sûr, cela aide, et il ne s’agit pas de supprimer tous ces fonds structurels mais je voudrais rappeler que, pendant la période 2007-2013, nous allons consacrer 340 milliards à des fonds structurels à des pays qui sont en train de se développer parce qu’ils ont la culture pour se développer alors même que le FED, à travers votre budget, n’est abondé que de 22 milliards. C’est, aujourd’hui, une faute géostratégique, une faute historique, de privilégier les fonds européens au détriment de l’aide publique au développement. Nous sommes en train de passer à côté de l’histoire. Je rappelle que, sur la période 2000-2006, la France a été contributrice nette pour 25 milliards d’euros. J’ose dire que cet argent eût été mieux employé dans l’aide publique au développement en Afrique.
Je voudrais maintenant parler d’une initiative que j’avais prise il y a déjà quelques mois et qui était la création d’un plan épargne-retour pour les étrangers qui désirent rentrer dans leur pays d’origine pour y créer une activité, avec des possibilités de retour, car, pour que le dispositif soit attractif, il ne s’agit pas de les faire partir sans entretenir de relations. Je voudrais vous remettre cette proposition de loi, madame la ministre, qui pourrait permettre à un certain nombre d’émigrés établis chez nous d’épargner, sur la structure du plan épargne-logement, en vue de créer une activité dans leur pays. Bien évidemment, l’Agence publique au développement viendrait abonder en crédits de développement et d’accompagnement. Il faut faire preuve d’imagination car le temps presse.
Voilà en peu de mots ce que je voulais dire. Je conclurai en répétant que notre survie passe par l’aide publique au développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
L’appauvrissement de certains pays a été accéléré par leur ouverture à la concurrence, qui a déstabilisé leur économie et leur marché de l’emploi. L’ethnocentrisme qui amène les pays riches à identifier la modernité à leur modèle de développement a accentué cette dérive. Il y a plus de trente ans déjà, les élevages industriels implantés en Côte d’Ivoire par Interagra – le groupe de M. Doumeng – ont ruiné l’économie vivrière du pays.
Fernand Braudel notait que différentes formes d’économies coexistent la plupart du temps dans un même espace : l’économie capitaliste, l’économie de marché et l’économie d’autosubsistance. On aurait pu s’inspirer de ce constat pour veiller à ce que le développement des deux premières ne se fasse qu’au rythme où elles peuvent distribuer les revenus qu’assurait la troisième. Or ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées au cours des dernières décennies. Au point où nous en sommes arrivés, il semble indispensable, pour acclimater ces sociétés à l’économie de marché, de les restabiliser en renforçant leur tissu de très petites, de petites ou de moyennes entreprises. Car, dans ces pays comme dans les nôtres, ce sont elles qui créent le plus d’emplois, y compris de faible qualification.
Dans le même temps, parce que l’on émigre le plus souvent pour fuir la misère, se pose avec de plus en plus d’acuité le problème de la maîtrise des flux migratoires. L’ampleur prise par ces derniers menace l’équilibre des pays d’accueil tout en privant de leurs cadres les pays d’origine. L’intérêt des uns comme des autres est de se concerter pour mettre en œuvre une politique d’immigration qui réduise les mouvements de populations tout en concourrant au développement des pays sources.
Tel est l’objet, entre autres, de notre politique d’aide publique au développement. La France est, en la matière, exemplaire, cela a été dit. Conformément à l’objectif fixé par le Président de la République, elle y consacrera en 2007 0,5 % de son revenu national brut.
Permettez-moi à cette occasion, madame la ministre, de saluer l’intelligence et la détermination avec laquelle vous concevez cette politique, la mettez en œuvre et souhaitez la concentrer pour la rendre à la fois plus lisible et plus efficace.
Personnellement, je comprendrais bien qu’à l’intérieur de cette enveloppe globale de l’aide publique au développement soit progressivement accrue la part de l’aide aux personnes, c’est-à-dire au codéveloppement, par rapport à celle dont bénéficient les gouvernements. Conçu et lancé à l’initiative de la France, le codéveloppement mérite, dès qu’il aura fait ses preuves, de passer du stade expérimental à une application plus large. Non seulement il permet de contourner les dysfonctionnements de gouvernances parfois improbables, mais il répond aussi de manière à la fois humaine et efficace à la nécessité de maîtriser les problèmes nés des flux migratoires. En valorisant les liens qui se tissent entre la France et les pays d’origine des migrants, il contribue enfin au rayonnement de notre influence dans ces pays.
Le 19 juin dernier, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, après avoir reconnu le rôle des migrants dans le développement de leur région d’origine, a décidé de soutenir davantage leurs initiatives, qu’il s’agisse du transfert de leur épargne ou de celui de leurs savoir-faire. Ces orientations et propositions ont été retenues à la conférence de Rabat des 10 et 11 juillet 2006.
Pour s’en tenir aux seuls transferts d’épargne des migrants vers leur pays d’origine, leurs montants pourraient, selon les estimations de la Banque mondiale, atteindre 220 milliards de dollars en 2006, soit plus du double des chiffres de l’aide publique au développement. Or ils ne sont investis qu’à hauteur de 10 % dans des projets productifs.
Puis-je donc vous demander, madame la ministre, quelles actions vous envisagez de prendre dans ce domaine pour mieux faire participer ces fonds considérables au développement des pays dont sont originaires leurs détenteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il faut voir les choses en face : l’augmentation de l’aide française est réelle depuis 2002, et c’est bien une véritable rupture de la politique française qui s’est produite à cette date puisque, sous la législature précédente, cette aide avait fortement diminué et était passée de 0,47 % en 1996 à 0,31 % en 2001.
Je ne reviendrai pas en détail sur chacune de ces dépenses, je me concentrerai sur la plus importante, que l’on appelle les « écolages », c’est-à-dire l’accueil gratuit d’étudiants étrangers en France. Cette gratuité est une caractéristique de notre système universitaire et je souhaiterais que l’on se garde de toute polémique en la matière, car s’il est vrai que le nombre d’étudiants étrangers a fortement augmenté en France ces dernières années, c’est à la suite d’une politique constante lors des deux dernières législatures. J’y vois la preuve d’un consensus politique au sein de notre pays pour qu’en matière de flux migratoires, l’approche ne soit plus purement sécuritaire.
Afficher le chiffre de ces écolages, c’est également pour le Gouvernement faire acte de transparence. Cette transparence est récente, puisqu’elle n’a été introduite que sous la présente législature, à la suite d’un travail difficile de recensement. Mais c’était important, car je crois utile que vous sachiez, lorsque vous votez les crédits des universités françaises, qu’environ 8 %, soit 900 millions d’euros, serviront à former des migrants qui viennent étudier en France pour y acquérir des compétences essentielles à leur pays d’origine.
Par ailleurs, toujours pour répondre à M. Loncle, je précise que la part des allégements de dette dans notre aide représente un montant décroissant, en réduction de 800 millions d’euros entre 2006 et 2007.
Nous ne comptons donc pas sur eux pour réaliser notre objectif de 0,5 % en 2007.
Ces annulations sont d’ailleurs tout à fait bénéfiques pour le développement. Qui oserait en douter ? Prenons un seul exemple, le Nigeria. Voilà un pays qui dispose d’importantes ressources pétrolières et qui se passe volontiers de l’aide internationale. C’est justement grâce à ces allégements de dette que le gouvernement nigérian a prévu d’augmenter les dépenses de santé et d’éducation des plus pauvres de 1 milliard de dollars par an.
Je pourrais également évoquer les contrats de désendettement-développement pour lesquels la France réaffecte les allégements de dette directement à des projets de développement, comme au Cameroun.
J’ai par ailleurs noté, monsieur Godfrain, les propositions que vous faites en matière de suivi des annulations de dette. Je partage votre conviction concernant l’importance de ce sujet, tant pour les contribuables français, qui fournissent des efforts financiers importants, que pour les pays débiteurs, pour qui les annulations de dette représentent une aide précieuse. Le Gouvernement a d’ores et déjà engagé des efforts pour fournir au Parlement une information plus complète et plus détaillée sur ce sujet, comme votre rapport le souligne.
Pour conclure sur le chiffrage de notre aide, je vous rappelle que l’objectif de 0,5 % sera atteint en 2007 sans prendre en compte la contribution de solidarité sur les billets d’avion que vous avez votée l’an dernier. Il en va de même pour tous les transferts, y compris budgétaires, non comptabilisés dans l’aide publique au développement. Je pense en particulier aux 110 millions d’euros supplémentaires qui seront attribués aux anciens combattants.
S’agissant de la contribution sur les billets d’avions, je voudrais souligner que sa mise en place a déclenché une dynamique internationale. L’introduction de nouveaux prélèvements ne va de soi dans aucun pays, et c’est déjà un succès qu’à peine quelques mois après l’instauration, le 1er juillet, de sa version française, quarante-cinq pays se soient engagés sur cette voie. Je souhaite vivement que cette mobilisation diplomatique française sans précédent se poursuive dans la durée.
La France est ainsi en tête des pays européens par le volume de son aide et en tête du G8 par la part de richesse nationale qui y est consacrée. Il convient de le faire savoir et de rendre notre effort plus visible sur le terrain. Sur ce point, vous avez parfaitement raison, monsieur Myard. C’est pourquoi une préoccupation majeure du Gouvernement est que toutes les actions financées par la France soient regroupées sous un logo unique, quel que soit le canal qu’elles empruntent.
« Mettre en œuvre les objectifs du Millénaire adoptés par les Nations Unies », qui visent à réduire la pauvreté de moitié dans le monde d’ici à 2015 ;
« Promouvoir le développement à travers les idées et le savoir-faire français ». C’est là un objectif d’influence de consacrer des sommes importantes à des dépenses réalisées en faveur de pays étrangers.
Ces deux objectifs sont aussi ceux de la partie culturelle de l’aide au développement. Je suis souvent interrogée sur l’inscription de ce type de crédits dans notre aide. C’est pourtant ce que prévoient les règles de l’OCDE, et c’est justifié sur le fond.
Premièrement, l’aide culturelle contribue au développement. La production artistique est non seulement une source de revenus directe pour les plus pauvres, mais également un moyen de renforcer l’identité des peuples et de contribuer indirectement à leur développement économique. C’est d’ailleurs pourquoi nous nous sommes engagés à développer ce type de coopération à l’occasion de la récente signature de la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle.
Deuxièmement, la coopération culturelle vise, comme le reste de notre aide au développement, un objectif d’influence qu’il est aisé de percevoir. À cet égard, la promotion de la langue française partout dans le monde – je sais que c’est un souci permanent de M. Myard – est bien un objectif essentiel pour nous.
Ainsi, j’ai signé au cours de l’année écoulée une vingtaine de documents cadres de partenariat, les DCP, qui constituent de véritables plans d’action conclus sur cinq ans entre la France et les pays que nous aidons. Ces documents permettent de concentrer notre aide pour la rendre plus efficace et plus lisible. Ils concernent tous les opérateurs français, comme vous le souhaitez, monsieur Lassalle, qu’il s’agisse de l’AFD, du CIRA ou des ONG. Nous avons totalement répondu à cette préoccupation.
Les DCP permettent également de rendre notre aide plus prévisible sur le moyen terme. Mais cela doit se faire de manière souple. C’est pourquoi j’ai demandé à nos ambassadeurs, qui sont en charge de la négociation et du suivi de l’application de ces documents, d’en réaliser une revue annuelle. J’ai moi-même prévu de me rendre en janvier prochain au Cambodge pour examiner l’application du premier DCP que j’avais signé il y a un an.
Cette politique allie en conséquence continuité et adaptation. C’est dans cet esprit que nous l’infléchissons au cours cette année 2006. Je voudrais en souligner cinq aspects.
Premièrement, les objectifs du Millénaire pour le développement restent le but premier de notre politique de développement. C’est pour les atteindre que nous avons mis l’accent, lors du dernier comité interministériel pour la coopération internationale et le développement – le CICID du 19 juin 2006 –, sur le concept de biens publics mondiaux, en établissant trois priorités : la lutte contre les maladies transmissibles, la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité. La perte de ces biens publics mondiaux touchera en effet les pays les plus pauvres encore plus durement que nous.
Deuxièmement, le développement de ces pays est la seule solution à long terme au problème des migrations incontrôlées. C’est pourquoi le Gouvernement, en juin dernier, a établi un plan d’action détaillé en ce sens. Le codéveloppement constitue effectivement, monsieur Guibal, une piste prometteuse. En réponse à votre demande sur le transfert d’épargne des migrants, je peux vous apporter les précisions suivantes.
Nous souhaitons tout d’abord diminuer le coût de transfert de l’épargne des migrants, notamment en favorisant la concurrence entre opérateurs et en utilisant les nouvelles technologies comme le mandat électronique. J’espère aussi être en mesure de lancer avant la fin de l’année un site internet de comparaison des frais de transfert, qui correspond à une demande des associations de migrants et qui, grâce à la transparence accrue du marché qui en résultera, aura un impact sur les coûts.
Un autre axe d’effort consiste à orienter l’épargne des migrants vers des investissements productifs. Actuellement, 10 % seulement de cette épargne sont dirigés vers de tels investissements. La création, en juin de cette année, d’un compte d’épargne codéveloppement au bénéfice des travailleurs étrangers résidant en France dont vous avez été, monsieur Godfrain, l’un des promoteurs, répond à cet objectif.
La création d’une mutuelle d’épargne et de crédit au Sénégal et au Mali permet également l’accès des migrants à des prêts se situant entre micro-crédit et prêt bancaire classique, et qui font aujourd’hui défaut.
Troisièmement, l’Afrique restera notre priorité, avec les deux tiers de notre aide bilatérale. Son développement doit se construire sur la base du secteur privé, pour lequel le dernier CICID a annoncé une initiative d’un milliard d’euros sur trois ans. Tous ces efforts commencent à porter leurs fruits, puisque le taux de croissance économique du continent africain progresse et atteindra 5 à 6 % par an sur la période 2005-2007.
Quatrièmement, le développement nécessite une amélioration de la gouvernance de ces pays. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté une stratégie en la matière au sein de l’Union européenne. Nous avons examiné celle de la Banque mondiale lors de la réunion que nous avons tenue à Singapour en septembre et nous adopterons une stratégie française avant la fin de l’année.
Cinquièmement, je suis d’accord avec vous, madame Martinez, monsieur Gremetz, un effort particulier doit être réalisé pour notre politique bilatérale en matière de santé. Nous avons en effet très sensiblement augmenté nos contributions multilatérales à ce secteur. Il convient désormais d’adapter notre politique bilatérale à cette nouvelle donne, ainsi qu’à la croissance du phénomène migratoire. Là encore, nous adopterons une nouvelle stratégie avant la fin de l’année, et c’est bien notre intention d’augmenter également notre aide bilatérale en la matière.
Quant à la fixation d’objectifs de performance en matière de santé, que vous évoquez également, madame Martinez, elle a fait l’objet d’un examen approfondi et n’a pas été écartée par principe. Elle se heurte cependant à la difficulté, voire l’impossibilité, de construire des indicateurs d’impact et de performance à l’échelle de l’action d’un seul pays donateur, compte tenu notamment de la complexité des politiques et des actions de santé et de la multiplicité des intervenants.
Enfin, madame Martinez, je partage vos préoccupations face aux risques nouveaux de régression des droits des femmes que l’on observe de plus en plus. Je souhaite que toutes nos actions de coopération prennent désormais en compte systématiquement la question de l’égalité des sexes, ce que l’on appelle « le genre ». L’expérience montre en effet que cette démarche contribue à renforcer l’efficacité de notre aide.
J’ai créé, comme vous l’avez rappelé, un groupe de travail chargé de la mise en place de cette approche nouvelle qui vise à inclure la promotion de la femme et l’égalité des sexes dans les programmes de coopération, et à mettre en œuvre une évaluation effective de cette politique.
Je m’efforce également de sensibiliser les acteurs non étatiques à cette question du genre et de renforcer dans ce but l’appui aux ONG, aux collectifs et aux collectivités territoriales qui doivent pouvoir intégrer cette dimension dans leur action de coopération.
Mesdames, messieurs les députés, le projet de budget qui vous est soumis pour 2007 reflète l’augmentation continue des moyens de cette politique, qui dépassent pour la première fois les 3 milliards d’euros. L’augmentation de ces crédits est en partie financée par un versement de dividendes de l’Agence française de développement. Il est possible que ceux-ci soient encore supérieurs à ce qui était prévu dans le cadre de la préparation de ce budget. Si cela se confirmait, mon objectif serait que ces ressources supplémentaires soient affectées aux dons projets de l’AFD, au cas où, comme le suggère l’un de vos rapporteurs, l’augmentation déjà importante de 9,2 % que nous avons prévue pour les crédits de paiement de ces dons projets se révèlerait insuffisante en cours d’année.
Ce projet de budget reflète également les objectifs de notre aide, notamment l’équilibre, tellement souhaité par M. Myard, entre aide multilatérale, pour laquelle nous poursuivons les efforts engagés, et aide bilatérale, pour laquelle un effort accru est réalisé.
Nous augmenterons bien nos contributions au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme de 75 millions d’euros. Nous resterons premiers contributeurs au Fonds européen de développement et au Fonds africain de développement. Et nous porterons nos contributions aux Nations Unies de 50 millions d’euros en 2004 à 110 millions d’euros en 2007, dont 90 millions d’euros de contributions non affectées et 20 millions d’euros de contributions affectées.
Ainsi, avec des dotations supplémentaires de 84 millions d’euros pour les contrats de désendettement et développement et de plus de 50 millions d’euros pour les dons pour les projets du Fonds de solidarité prioritaire et de l’Agence française de développement, nous augmentons notre aide bilatérale de plus de 130 millions d’euros.
Nous prévoyons également d’augmenter de plus de 200 millions d’euros le volume de décaissement de prêts, en étant bien entendu très sélectifs pour éviter les crises de surendettement que l’on a connues dans le passé.
Ainsi, avec plus de 300 millions d’euros d’aide bilatérale supplémentaire pour nos projets de terrain en 2007, on observe les premiers effets de la politique volontariste que je vous avais présentée l’an dernier.
L’augmentation de l’aide au développement a ainsi porté dans un premier temps en majorité, j’en conviens, sur des contributions multilatérales, dont les décaissements sont plus rapides. Dans le même temps, nous avons lancé de nouveaux projets bilatéraux, qui commencent maintenant à générer des décaissements et des volumes d’aide accrus.
S’agissant spécifiquement des autorisations d’engagement, je m’étonne, monsieur Emmanuelli, qu’un membre de la commission des finances tel que vous regrette que leur niveau ne soit pas supérieur. La diminution des autorisations d’engagement que vous observez entre 2006 et 2007 est essentiellement apparente : elle tient au fait que plusieurs opérations exceptionnelles, par exemple celle que nous réalisons tous les trois ans pour reconstituer les fonds multilatéraux financiers, ont été réalisées en 2006. Abstraction faite de ces éléments exceptionnels, nous avons maintenu nos engagements au niveau déjà élevé atteint en 2006. Par souci de rigueur budgétaire, nous avons en revanche accru les crédits de paiement correspondant à ces autorisations d’engagement.
Dans le cadre de cette aide bilatérale, je voudrais mettre en avant trois priorités. Nous prévoyons tout d’abord de consentir un effort particulier en faveur des organisations non gouvernementales. Nous allons également privilégier les projets mis en œuvre par nos ambassades, comme vous le souhaitez, monsieur Lassalle. Enfin, comme beaucoup d’entre vous l’ont demandé lors de mon audition en commission, nous entendons renforcer les moyens humains. Au total, après deux décennies durant lesquelles ceux-ci ont décru, nous aurons stabilisé nos effectifs d’assistance technique à 1 300 personnes dès 2006, et nous prévoyons une augmentation de 2 200 à 2 500 volontaires dès 2007.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, nous tenons nos engagements en matière d’augmentation de l’aide. Je souligne que l’appui du Parlement a été décisif à cet égard. J’y vois un signe fort de l’attachement de notre pays dans son ensemble à une forte générosité à l’égard des plus pauvres. C’est d’ailleurs ce que confirme le résultat d’un récent sondage : 61 % des Français considèrent qu’il faut augmenter l’aide aux plus pauvres, même en cas de difficultés budgétaires.
Permettez-moi de faire aujourd’hui devant vous le vœu que les orientations prises depuis cinq ans donnent lieu dans l’avenir à une mobilisation consensuelle. Nous nous sommes engagés avec nos partenaires européens à atteindre l’objectif de 0,7 % de notre aide d’ici à 2012, ce qui nécessitera de l’augmenter chaque année de plus d’un milliard d’euros supplémentaire.
Je note votre souci de programmer cet effort sur le long terme. Mme Martinez, M. Godfrain et M. Loncle ont émis le souhait d’une loi de programmation, souci que, bien sûr, je partage.
La parole est à M. Martine Aurillac.
Le programme « Solidarité à l’égard des pays en développement » contribue à réaliser l’objectif de 0,5 % du RNB que nous nous assignons. Si c’est surtout l’aide multilatérale qui en profite, l’aide bilatérale, vous l’avez souligné, ne régresse pas, heureusement. Elle augmente même de 50 millions, auxquels s’ajoutent, pour 122 millions, les ressources de l’Agence française de développement. Comme l’a souhaité le Président de la République, les organisations de solidarité internationale en bénéficient particulièrement, puisque plus de 16 millions supplémentaires entrent dans le cadre du FSP.
Selon quels critères s’effectuent la répartition et l’affectation de ces fonds ? De quelle la manière le contrôle en est-il assuré ?
Je profite de votre question pour vous indiquer que nous porterons cette contribution, tous opérateurs et instruments confondus, de 109 millions d’euros pour 2006 à 157 millions pour 2007. Cette augmentation représente le quasi-doublement des volumes transitant par les ONG entre 2004 et 2007.
Pour les seuls crédits de la mission d’appui à l’action internationale des ONG, mon ministère prévoit de porter ses contributions de 47,2 millions d’euros en 2006 à 74,7 millions en 2007, en partie sur le fonds de solidarité prioritaire, en partie sur d’autres types de crédits. Il va de soi que cette augmentation sera assortie d’une exigence forte quant à la qualité des projets et à leur adéquation avec la politique française.
S’agissant des crédits de mon ministère, les orientations seront les suivantes. Nous favoriserons la concertation et développerons le partenariat entre l’État et les acteurs français non gouvernementaux, qu’il s’agisse des ONG, des syndicats ou des fondations. Nous contribuerons à la structuration des sociétés civiles du sud. Nous encouragerons la sensibilisation au développement de l’opinion publique française. Nous mettrons en œuvre les projets de codéveloppement, en particulier avec les organisations de solidarité issues de l’immigration. Nous renforcerons les moyens d’accompagnement du volontariat. Enfin, sur le plan géographique, nous continuerons à donner la priorité à l’Afrique subsaharienne, en particulier aux pays les moins avancés, tout en conservant un niveau fort d’intervention dans les pays en crise, en particulier au Liban, à Haïti, en Afghanistan et au Sud Soudan.
Je les mets aux voix.
(Les crédits sont adoptés.)
Je le mets aux voix.
(L'article 42 est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Celui-ci est régulièrement relevé chaque fois que la France prend un engagement dans ce domaine, ce qui a eu lieu pour la dernière fois dans l’article 116 de la loi de finances rectificative pour 2004, qui a relevé le plafond du dispositif de Toronto, sur lequel s’imputent aujourd’hui la plupart des annulations de dettes, à 11,1 milliards d’euros. Or d’autres annulations massives de dettes doivent intervenir, puisque certaines ont déjà été accordées au Nigeria ou à l’Irak. Le plafond de 11,1 milliards va par conséquent s’avérer insuffisant.
La rectification intervient ordinairement dans la loi de finances rectificative, alors que nous pouvons parfaitement l’anticiper lorsque nous votons la loi de finances initiale. La commission des finances a donc souhaité qu’une telle décision intervienne désormais dans ce cadre et, non plus à la sauvette et dans l’indifférence générale, à l’occasion de la loi de finances rectificative.
La commission, qui a délibéré, a adopté cet amendement.
Sur le plan juridique, il est indifférent qu’une telle mention soit désormais inscrite en loi de finances initiale plutôt qu’en loi de finances rectificative. Il est également logique que nous en discutions lorsque nous examinons la mission « Aide publique au développement » et, plus largement, les chiffres de l’APD, que j’ai eu l’occasion de commenter en détail.
Sur le plan technique, l’amendement est justifié par la nécessité de relever le plafond créé par l’article 40 de la loi de finances rectificative pour 1988, comme cela a été le cas à plusieurs reprises, notamment, pour la dernière fois, en 2004. Fin 2005, en effet, le plafond d’annulation était consommé à hauteur de 9,2 milliards d’euros. Or, comme je l’ai indiqué, nous pouvons anticiper que la mise en œuvre des engagements de la France entraînera des annulations de dettes pour un montant d’environ 3 milliards d’euros en 2006 et de 2 milliards en 2007, notamment au bénéfice du Congo, de la République démocratique du Congo, du Mali, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Nigeria et de l’Irak.
Le Gouvernement est donc favorable à un relèvement du plafond de 3,5 milliards d’euros, comme le propose l’amendement, afin de pouvoir faire face, avec une petite marge de sécurité d’environ 10 %, aux annulations de dettes que nous pouvons anticiper sur 2006 et 2007.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Celui-ci a cité dans son discours une ONG américaine totalement inconnue, comme il en naît des centaines chaque jour. Bien évidemment, celle-ci a pris position contre la politique française. Je regrette qu’un orateur répercute de tels propos à la tribune de l’Assemblée nationale française.
Deuxièmement, M. Loncle a évoqué les critiques américaines relatives à l’inclusion des crédits militaires dans les crédits pour le développement. J’affirme clairement que les interventions militaires françaises s’effectuent à la demande des pays où elles s’effectuent et que nos soldats y sont considérés comme ceux de la paix. Étant donné qu’il ne peut y avoir de développement sans paix civile, la présence de nos militaires est une garantie de développement local.
Enfin, ce rapport, rédigé à 6 000 kilomètres d’ici, met en cause la politique migratoire de la France. Je ne suis pas sûr que les États-Unis mènent actuellement une action de codéveloppement de nature à humaniser leur politique migratoire.
Je regrette d’avoir dû faire cette mise au point concernant la source même des informations dont nous, parlementaires français, avons besoin.
Néanmoins, je suis heureux que M. Godfrain ait évoqué un des aspects que j’ai soulignés et sur lequel Mme la ministre ne m’a pas apporté d’éclaircissements suffisants. Je veux parler de la part croissante des opérations de maintien de la paix dans le budget d’aide publique au développement. Notre présence militaire en Afrique ne relève pas de la philosophie qu’exprimait à l’instant M. Godfrain.
Le débat se poursuivra, sur ce point comme sur tant d’autres, mais cette attaque en règle d’une ONG, fût-elle américaine, ne me paraît pas justifiée.
Une ONG, qu’elle soit américaine ou d’une autre nationalité, peut bien décider un jour d’ajouter de nouveaux critères, comme celui de la sécurité – dans le détail duquel nous pourrions d’ailleurs entrer…
Manifestement, vous êtes gênés que la France soit bien placée.
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Dans mon rapport, j’ai posé un certain nombre de questions auxquelles j’ai le regret de vous dire – puisque M. Godfrain a cru devoir répondre à M. Loncle, et c’est son droit – que vous n’avez pas répondu. Vous m’avez fait une leçon de droit budgétaire sur les crédits d’engagement, vous étonnant qu’un membre de la commission des finances puisse regretter que ces crédits diminuent d’un tiers. Oui, je le regrette, et je continue à penser que le prochain gouvernement devra procéder à une remise à niveau si nous voulons rester dans les normes.
Par ailleurs, il est tout à fait exact que les frais d’écolage figurent dans les critères du CAD – je l’ai d’ailleurs écrit dans mon rapport –, mais il est tout aussi exact que la plupart des pays européens ne les comptent pas dans l’aide publique au développement. Or 840 millions d’euros, cela fait beaucoup !
Enfin, en réponse à ma question sur les annulations de dettes garanties par la Coface, vous avez évoqué le laxisme des gouvernements des années 1980, que j’étais censé soutenir. Tout d’abord, j’appartenais à ces gouvernements. Ensuite, je ne vois pas en quoi cela répond à ma question. Je répète que, lorsque ces crédits ont été accordés, nous n’avons pas compté les soutiens aux entreprises comme de l’aide publique. Là encore, ce n’est pas ce gouvernement qui a inventé ce dispositif, mais je me demande s’il s’agit réellement d’aide publique au développement.
Pour toutes ces raisons, et contrairement à l’autosatisfaction de la majorité au cours de ces débats, je ne suis pas convaincu que l’aide publique au développement représente 0,5 % du revenu brut national.
Enfin, je n’ai pas non plus obtenu de réponse lorsque je me suis interrogé sur le respect des annulations de dettes actuelles. Cela m’étonnerait beaucoup que nous puissions constater, au mois de septembre ou d’octobre prochains, que les annulations prévues ont été réalisées. Ce n’est pas vous faire offense : il s’agit simplement de tenir compte de la lourdeur des procédures ou de la complexité des situations, et je pense à la Côte-d’Ivoire.
État D
Je les mets aux voix.
(Les crédits de la mission « Prêts à des États étrangers » sont adoptés.)
La suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 est renvoyée à la prochaine séance.
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341.
Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
Action extérieure de l’État :
Rapport spécial, n° 3363, annexe I, de M. Jérôme Chartier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,
Avis, n° 3364, tome I, de M. Patrick Bloche, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
Avis, n° 3366, tome I, de M. Hervé de Charette, au nom de la commission des affaires étrangères,
Avis, n° 3366, tome II, de M. François Rochebloine, au nom de la commission des affaires étrangères.
Santé :
Rapport spécial, n° 3363, annexe XXIX, de M. Gérard Bapt, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,
Avis, n° 3364, tome VIII, de M. Michel Heinrich, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton