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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Séance du lundi 6 novembre 2006

35e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

Sécurité sanitaire

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la sécurité sanitaire.

La parole est à M. Gilles Carrez, suppléant M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, suppléant M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, mesdames, messieurs, je dois ce soir m’efforcer de suppléer l’irremplaçable Richard Mallié, qui ne pourra nous rejoindre que dans une heure, car il est retenu par des obligations dans sa circonscription.

Dans un contexte marqué par une succession de crises sanitaires, du risque que représentent les pandémies grippales telles que le SRAS et, plus récemment, la grippe aviaire, à l’épidémie de chikungunya à La Réunion, la consolidation des moyens affectés à la politique de sécurité sanitaire doit être considérée comme une priorité. Les leçons tirées aujourd’hui de l’épisode de la canicule de l’été 2003 le montrent bien.

La politique de sécurité sanitaire sera ainsi dotée en 2007 de 608 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 660 millions d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 3,3 %, qui caractérise les crédits affectés à cette mission interministérielle.

Il convient toutefois de souligner que les dépenses de personnels de la mission sont, pour la plupart d’entre elles, réparties, comme l’année passée, sur des programmes supports. Ceci peut être critiqué à certains égards, mais il faut rappeler que, les personnels n’étant pas très nombreux, ils doivent être polyvalents, ce qui légitime le fait de concentrer une partie des crédits qui leur sont affectés sur des programmes supports.

Concernant l’évaluation de la performance, des progrès considérables ont été accomplis. La démarche de contractualisation entre les agences de sécurité sanitaire et leurs ministères de tutelle se poursuit, à travers la mise en place de contrats d’objectifs et de moyens. On peut toutefois regretter que ces contrats, dont la négociation était déjà en cours en 2005 pour certains, n’aient toujours pas été signés à l’heure actuelle : je pense notamment à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, mais également à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

Je voudrais m’arrêter ici sur le rôle de plus en plus important que prennent les opérateurs des différentes politiques publiques. Nous souhaitons vivement, comme cela a été longuement évoqué lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, que ceux-ci soient parfaitement intégrés dans la démarche de fixation d’objectifs et d’évaluation à partir d’indicateurs, qui est celle de la loi organique. En effet, les politiques publiques ne doivent pas échapper au contrôle vigilant du Parlement au motif qu’elles sont confiées à des opérateurs.

La définition des objectifs et des indicateurs de performances qui leur sont associés s’oriente progressivement vers la mesure de l’efficience des opérateurs, et non de la simple activité de ceux-ci : on ne peut que se réjouir d’un tel progrès, d’autant plus que cette évaluation est aujourd’hui étendue à de nouveaux opérateurs, par exemple à l’Agence de la biomédecine. Néanmoins, on ne peut que déplorer que ni l’Institut national de veille sanitaire ni l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ne fassent actuellement l’objet d’une évaluation, d’autant plus que la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 a transféré de nouvelles compétences à l’AFSSA, qui font d’ailleurs l’objet d’un article rattaché au présent projet de loi de finances, portant création d’une taxe fiscale qui lui est affectée.

Le programme « Veille et sécurité sanitaires », placé sous la responsabilité du directeur général de la santé, affiche une relative stabilité, à hauteur de 105,3 millions d’euros, dont 76 % sont consacrés aux subventions versées aux agences de sécurité sanitaire.

L’Institut national de veille sanitaire bénéficie quant à lui d’une progression de 36 % de sa dotation, qui doit atteindre 55,4 millions d’euros en 2007, pour financer de nouveaux emplois ainsi que sa participation au plan Cancer.

La subvention à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé accuse, quant à elle, une baisse de 67 %, et ceci en raison de la mobilisation de son fonds de roulement pour un montant de 11 millions d’euros.

Les dotations de l’Agence de la biomédecine et de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments restent stables. Elles s’établissent respectivement à 10 millions d’euros et à 6,7 millions d’euros. En revanche, la baisse de près de 29 % de la subvention versée à l’Agence française de sécurité environnementale et du travail est plus préoccupante, et ce malgré la prise en compte de son fonds de roulement, à l’heure où son renforcement devrait être une priorité, comme le préconise le rapport Girard. Le rôle de l’AFSSET doit en effet être renforcé, et notamment au sein de la mise en œuvre du plan national santé-environnement, qui entrera dans sa quatrième année en 2007.

Les crédits de paiement du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui est placé sous la responsabilité du directeur général de l’alimentation, progressent légèrement, de 3,5 %, pour atteindre 555,5 millions d’euros en 2007. Cette hausse est liée, d’une part, à la montée en charge du financement des plans d’urgence contre les épizooties, visant principalement à faire face aux risques d’épidémie d’influenza aviaire, à hauteur de 10,8 millions d’euros en 2007, et, d’autre part, à l’extension l’année prochaine des inspections sanitaires aux élevages porcins, dans le domaine de la prévention et de la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires.

Précisons que 46 % des crédits du programme, soit 257 millions d’euros, correspondent aux dépenses de rémunérations et de fonctionnement des directions départementales des services vétérinaires.

Le programme fait l’objet d’une diminution de près de 40 % en termes d’autorisations d’engagement, en raison de la réforme du service public de l’équarrissage, initiée en 2006, et qui devrait permettre une extinction progressive de la dette accumulée à ce titre. Toutefois, le financement par l’État des nouveaux marchés publics créés à cette occasion, pour un montant de 44 millions d’euros de crédits de paiement, ne permet aucunement la résorption de la dette contractée envers les entreprises d’équarrissage, qui devrait atteindre 75 millions d’euros à la fin 2006. L’effacement de cette dette apparaît dès lors comme une réelle priorité.

Par ailleurs, 51,7 millions d’euros de crédits de paiement seront consacrés au stockage et à l’élimination des farines animales accumulées jusqu’en 2003. Les autorisations d’engagement ouvertes à ce titre affichent une baisse conséquente, de l’ordre de 70 %, liée à l’accélération du déstockage et de l’élimination des farines.

Je tiens à souligner, pour conclure, que le paysage de la veille et de la sécurité sanitaires demeure particulièrement complexe et souffre, du fait de la multitude d’intervenants, d’un manque de coordination. Si des réformes ont déjà été engagées, elles demandent plus que jamais à être poursuivies et finalisées, afin d’assurer une meilleure réactivité face aux crises sanitaires et de renforcer la veille et le suivi, tout en maintenant une expertise de qualité dans un domaine qui suscite une attention croissante de la part de l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs, je souhaite vous faire part de l’intérêt et du plaisir que j’ai à être rapporteure du budget « Sécurité sanitaire », compte tenu du sujet, bien sûr, mais aussi parce que loisir nous est donné de développer un thème de réflexion politique. À ce titre, j’ai choisi de traiter de l’appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens.

Lors de nos travaux en commission, l’un de nos éminents collègues avait laissé planer un doute sur l’opportunité d’utiliser le terme « appropriation ». Pour ma part, je le revendique totalement, car quoi de plus quotidien que des sujets tels que la santé au travail, la santé et l’environnement, les questions que l’on se pose au sujet du don du sang, des prélèvements d’organes, le bien-fondé de la prise de médicaments, la qualité de nos aliments, les fléaux que nous pensons aussi lointains que peu probables, tels que la grippe aviaire ? Ces sujets et bien d’autres, que l’on veut trop souvent techniques ou scientifiques, sont ceux de notre vie quotidienne. Nous devons être citoyens acteurs pour apprendre à les connaître, à les maîtriser et à faire nos choix en connaissance de cause. Aussi, sans occulter l’aspect budgétaire du débat, je vais en faire une brève analyse.

L'augmentation globale des crédits budgétaires de la mission « Sécurité sanitaire » – de l'ordre de 4 % –, que l'on ne peut qu'approuver, recouvre à la fois des évolutions contrastées et des situations préoccupantes. Si l’on peut se féliciter que les crédits concernant le programme « Veille et sécurité sanitaires », qui vise à renforcer la capacité de réponse de l’État aux crises sanitaires, augmentent quelque peu – de l'ordre de 2 % pour les crédits de paiement –, le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui concerne le ministère de l'agriculture, connaît en revanche cette année une diminution très sensible.

Lorsqu'on examine les crédits inscrits par la loi de finances sur le programme « Veille et sécurité sanitaires », on constate que ceux-ci sont essentiellement orientés vers le financement des agences sanitaires – 80,47 millions d'euros sur les 105,25 millions demandés pour le programme « Veille et sécurité sanitaires » correspondent en effet aux subventions aux agences.

Le prélèvement, pour un montant de 11 millions d'euros, sur le fonds de roulement disponible de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ne doit pas se reproduire, notamment pour ne pas compromettre le projet d'investissement informatique de l'établissement.

S'agissant de l'Agence française de sécurité sanitaire alimentaire, on ne peut que se féliciter de la déprécarisation de vingt-deux agents, affectés depuis des années à des activités pérennes relatives à la rage, aux encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles et à l'antibiorésistance. En revanche, il est regrettable qu'il n'ait pas été prévu de reconduire l'effort de renforcement des équipes dédiées à la grippe aviaire.

Je souhaiterais enfin qu'une réflexion soit engagée en 2007 sur l'élargissement des modes de financement de l'AFFSA, sur le modèle de ce qui existe déjà pour l'AFSSAPS, afin de permettre le maintien de ses équipements et de ses infrastructures au niveau exigé par ses missions de référence et les activités de recherche associées.

La situation de l'AFSSET reste extrêmement préoccupante, mais j'y reviendrai. Le docteur Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l’Agence, a déploré que la structure, déjà légère, de l'AFSSET n'ait pas reçu de postes supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2007. Malgré des efforts de sous-traitance avec l'AFSSA, l'absence de nombreux emplois de personnel technique et administratif est toujours à déplorer et le grand désarroi des collaborateurs de l'AFSSET, qui m'a été rapporté au cours des auditions, me semble extrêmement inquiétant pour la poursuite des missions de l'Agence.

Quant à l'Agence de la biomédecine, Mme Carine Camby, sa directrice générale, a tenu à appeler l'attention sur le manque de moyens de l'Agence au regard de ses nouvelles missions. Il est très probable que les sept emplois supplémentaires, sur les dix-huit initialement demandés, ne suffiront pas à faire face à la montée en charge de l'Agence et obligera celle-ci à décaler dans le temps certaines de ses missions.

Par ailleurs, l’Agence de la biomédecine, quoique rattachée au programme « Veille et sécurité sanitaires », n’exerce pas à proprement parler des missions de sécurité sanitaire. Son rôle opérationnel en matière de greffes d’organes, de tissus et de cellules, ne la rattache pas à la notion d’alerte.

En effet, outre la mission que je viens d’évoquer, l’Agence intervient dans quatre domaines de la biologie et de la médecine humaine : la reproduction, l’embryologie et la génétique, la recherche sur l’embryon, et les cellules souches embryonnaires. Dès lors, la proposition, faite en commission par notre collègue Pierre-Louis Fagniez, de faire émarger le budget de l’Agence de la biomédecine, non seulement au budget de la santé, mais aussi à celui de la recherche, me semble tout à fait opportune.

Enfin, mon attention a été appelée sur les problèmes rencontrés depuis quelques années par l'Établissement français du sang pour son approvisionnement. Cette situation est étroitement liée à la sécurité sanitaire, dans la mesure où l'approvisionnement et la réactivité sont liés en cas d’alerte. Comme le récent appel national aux dons ne peut être reproduit chaque année, je pense qu'il sera nécessaire, à court terme, de mettre en place des structures pérennes pour relancer la promotion des dons, et donc d'y affecter des moyens budgétaires importants. En effet, après le drame du sang contaminé, nos concitoyens, et nombre de donneurs, se sont sentis désemparés, voire vexés, face à l’allongement des listes de contre-indications qu’on leur présentait. Il convient certainement d’en approfondir la pédagogie, tant au niveau des professionnels qu’au niveau des publics scolaires. Il faudra peut-être s’appuyer plus encore sur les associations de donneurs de sang.

Je voudrais maintenant m’attarder sur le sujet qui fait l’objet principal du rapport, à savoir l’appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens. Sujet éminemment politique, élément clef de la politique de santé, la sécurité sanitaire, qui peut se définir comme la protection de la santé de l'homme contre les risques induits par le fonctionnement de la société, devient, j'en ai la certitude, un sujet citoyen, une composante fondamentale de notre démocratie sanitaire, toujours à parfaire.

Vache folle, grippe aviaire, canicule, chikungunya, maladies nosocomiales, on voit bien que les sujets de sécurité sanitaire sont de plus en plus au premier plan des préoccupations de tous. Le code de la santé publique, dans son article L. 1110-1, confie même désormais aux « usagers » la mission de contribuer à « la meilleure sécurité sanitaire possible ». Aussi me paraît-il utile de réfléchir aux moyens de mieux responsabiliser les citoyens-usagers du système de santé pour en faire de véritables acteurs de la sécurité sanitaire.

Au regard de cette nécessité d'appropriation de la sécurité sanitaire par tous ses acteurs – citoyens, mais aussi professionnels de santé –, et après avoir procédé à un nombre important d'auditions extrêmement enrichissantes, je suis parvenue à deux conclusions principales.

Les structures existantes sont encore insuffisamment lisibles pour nos concitoyens.

La première conclusion est que, si l'organisation multicentrique de la sécurité sanitaire dont s'est dotée la France en quelques années constitue un acquis indéniable, les structures complexes restent encore trop peu lisibles – M. Carrez l’a également souligné –, tandis que subsistent des problèmes d'autonomie et d'articulation avec les pouvoirs publics.

L'organisation qui s'est mise en place en une quinzaine d'années, en réaction à des crises successives, comporte des acquis indéniables. La philosophie générale sur laquelle elle repose, qui consiste à séparer les fonctions d'expertise – surveillance, veille et évaluation – et celles de gestion de crises – stratégie et décision –, est validée par l'expérience.

Toutefois, le système français demeure complexe et peu lisible, tant pour les citoyens en général que pour les professionnels de santé. Des chevauchements de compétences, des difficultés d'articulation, l'absence de synergie entre les agences et les sujets insuffisamment traités comme la toxicologie, par exemple, sont encore mis en avant.

Je suis particulièrement préoccupée par le fait que l'AFSSET demeure un maillon extrêmement faible du dispositif visant à renforcer la sécurité sanitaire en France. Reconnaissons que l’AFSSET est mal née et qu’elle se développe mal. Le secteur de l'environnement et de la santé au travail souffre sans conteste d'un manque d'expertise propre et reste encore extrêmement fragmenté. L'AFSSET a normalement vocation à être une « tête de réseau », qui a un rôle de coordination en allant chercher la compétence scientifique auprès de partenaires permanents ou ponctuels. Pourtant, les opérateurs rechignent bien souvent à être coordonnés et les tutelles elles-mêmes ne jouent pas toujours le jeu de la coordination. Alors que les risques sanitaires liés à l'environnement inquiètent, légitimement, de plus en plus les Français et que les enjeux en matière de santé au travail sont multiples, il m'apparaît vraiment urgent de reformater l'AFSSET, tant sur le fond qu’en lui allouant des moyens budgétaires supplémentaires.

Enfin, pour terminer sur les structures, j'ai noté que l'autonomie des agences par rapport aux pouvoirs publics restait, dans certains cas, très limitée. Il arrive encore que des ministères manifestent certaines réticences pour se déposséder de leurs anciennes attributions. Il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer la nécessaire autonomie des agences de sécurité sanitaire dans leur champ de compétence. Il me semble néanmoins qu'avant de remodeler le dispositif actuel des agences, comme le propose de façon très stimulante le récent rapport Girard, il est nécessaire de stabiliser un système encore jeune.

La deuxième conclusion du rapport est que des avancées concrètes pourraient contribuer à renforcer la place du citoyen au cœur de la sécurité sanitaire. L'appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens ne saurait en effet se limiter à d'éventuelles réformes de structures pour accroître la présence des citoyens dans les conseils d'administration des agences ou pour leur permettre de les saisir. La mobilisation des citoyens ne se fait pas qu’en période de crise, et la sécurité sanitaire ne se traite pas qu’en période de crise.

Une meilleure appropriation de la sécurité sanitaire par tous les acteurs de la sécurité sanitaire passe à mon sens par quelques mesures concrètes, dont je souhaite vous donner quelques illustrations qui sont, bien entendu, détaillées plus longuement dans le rapport.

Tout d'abord, je souhaite insister sur l'utilité de la prévention. Le citoyen doit s'approprier la sécurité sanitaire bien en amont des crises. Sur le sujet, on ne pourra faire de réels progrès en matière de sécurité sanitaire que si l’on s'appuie, non seulement sur les professionnels de santé, mais aussi sur nos concitoyens.

Prenons l'exemple des infections nosocomiales – que nous avons connu de façon prégnante dans le Nord-Pas-de-Calais avec le clostridium difficile – et de la grippe saisonnière, dont il faut rappeler qu’elle tue encore 7 500 personnes chaque année, alors que de nombreux cas pourraient être évités. Je sais bien que le vaccin est gratuit à partir de soixante-quinze ans. On met en place, à juste titre, des plans pour la grippe aviaire, mais la grippe saisonnière tue encore trop en France.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Nous ne l’oublions pas : les recommandations ont été étendues.

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Je n’en disconviens pas.

Des préconisations simples, comme le renforcement de l'hygiène, sont plus que jamais nécessaires. Elles doivent être faites très largement, non seulement auprès de nos concitoyens, mais aussi auprès des professionnels de santé. Or on observe, dans le secteur hospitalier, un relâchement à ce niveau. C’est un grave problème, alors que des mesures très simples et peu coûteuses permettraient de limiter les dégâts. Dans le secteur hospitalier, en particulier, on confond trop souvent asepsie et hygiène. C’est un sujet très prégnant. Nous devons encourager les campagnes de diffusion s’adressant à un large public, mais aussi rappeler certaines réalités dans les milieux spécialisés.

Par ailleurs, j'appelle à une réflexion sur le sujet de l'antibiorésistance pour que, lors de la délivrance des autorisations de mise sur le marché, les antibiotiques les plus puissants soient réservés à la prescription en milieu hospitalier.

Enfin, il faut d'autant plus recourir à des messages simples de prévention en matière de risque avéré comme la grippe saisonnière que ceux-ci sont également utiles contre les risques potentiels comme la grippe aviaire.

Le déclenchement précoce et transparent de l'alerte, que le citoyen est en droit d’attendre, est un sujet d’importance. La réactivité du dispositif est en effet un enjeu majeur de la sécurité sanitaire. On constate de façon générale un bon déclenchement de l'alerte pour les risques identifiés. Des progrès restent néanmoins à faire pour les risques émergents.

Dans le domaine des risques désormais bien identifiés – canicule, pandémie grippale, grand froid –, de multiples capteurs de risque fonctionnent déjà, pour lesquels le déclenchement de l'alerte est principalement basé sur des modèles épidémiologiques. Ces systèmes ont fait la preuve de leur performance, notamment lors du retour d'un épisode caniculaire exceptionnel à l'été 2006. La préparation à une pandémie de grippe aviaire semble également désormais bien structurée, au moins sur le plan national. À ce titre, je salue la qualité du rapport de la mission parlementaire sur la grippe aviaire, présidée par Jean-Marie Le Guen et dont le rapporteur est Jean-Pierre Door.

La situation semble pourtant nettement moins satisfaisante pour ce qui concerne la capacité à faire face à des événements non prévus. L'épisode récent de l'épidémie de chikungunya à la Réunion illustre les difficultés que peut rencontrer le système de sécurité sanitaire face à des risques non prévus. J’ai été surprise de voir que l’INVS avait fait passer beaucoup de messages sur ce sujet et que l’Établissement français du sang avait, dès le début de 2006, arrêté les prélèvements à la Réunion compte tenu de l’épidémie de chikungunya. Je ne vous fais pas un procès d’intention, parce que je crois que, comme vous, nous aurions été confrontés aux mêmes difficultés, mais ces signaux n’ont pas été captés. De même, le cri d’alarme de la sénatrice de la Réunion n’a pas appelé l’attention…

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux, madame, et j’aurai l’occasion de vous répondre !

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Mon propos n’est pas polémique.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ma réponse ne le sera pas non plus ! Nous n’avons pas attendu Mme Hoarau pour agir !

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Elle portait une appréciation qui relevait sans doute plus de l’intuition que de l’argumentation scientifique. En fait, on ne savait pas à l’époque que le virus avait muté. Je m’en suis longuement entretenue avec le DRoussin, il faut savoir capter les messages des guetteurs et être sensible à une organisation qui ne soit pas seulement scientifique : il faut savoir être réceptif. Je ne veux pas engager de polémique, car je pense que cela se serait passé de la même façon si nous avions été aux responsabilités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas le débat !

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Certes, mais je tiens à souligner que nous avons encore beaucoup de mal à capter des messages importants quand le risque n’est pas encore identifié.

C’est d’ailleurs tout le débat du déclenchement et de la gestion de l’alerte en matière de crise sanitaire. Nous devons mener cette réflexion en commun. Loin de moi l’idée de polémiquer sur ce sujet.

En matière de crise sanitaire, le message envoyé aux politiques ne suffit pas. Il convient de favoriser la transparence en travaillant sur la « pédagogie du risque », selon l’expression de Bernard Kouchner. L’information transmise doit toutefois être nécessairement accompagnée d’un devoir d’écoute et de débat pour s’assurer que le message a été reçu, et bien reçu, car il faut limiter le risque de l’alarmisme.

Quoi qu’il en soit, en l’état de nos connaissances actuelles, il demeure extrêmement difficile de faire des prévisions sur les maladies émergentes, d’où la grande importance d’anticiper et de lancer rapidement des missions de recherche sur les risques émergents pour développer les actions de veille sanitaire. Il est, de plus, nécessaire en la matière de disposer d’une expertise et d’une recherche citoyenne. Pour maîtriser les risques, il faut d’abord les connaître. Face à un danger avéré ou potentiel, le recours à la recherche et à l’expertise scientifique est indispensable. En premier lieu, le renforcement de l’interface entre la surveillance et la recherche est nécessaire. L’enjeu est de susciter la recherche adéquate et de contribuer ainsi à l’amélioration d’une évaluation des risques. Il peut s’agir de disposer de connaissances pour concevoir des modélisations ou développer par la recherche de nouveaux tests biologiques qui seront un apport pour la surveillance. L’affaire du sang contaminé ou celle de l’amiante ont montré que la responsabilité de l’État pour carence fautive pouvait être engagée. Dès lors, l’État se retrouve dans l’obligation de rechercher les risques. Il importe de créer les conditions d’une mobilisation plus forte sur la recherche appliquée quand l’accent est encore trop souvent mis en France sur la recherche fondamentale. La recherche appliquée est un sujet de première priorité politique.

M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, madame Génisson.

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. En second lieu, l’expertise joue un rôle central dans le dispositif des agences sanitaires. Il importe dès lors de s’assurer de la compétence, de l’indépendance et de la transparence de l’expert. À cet effet, les procédures d’appels d’offres doivent être préférées à la cooptation pour la sélection des experts. Par ailleurs, il est capital de mieux reconnaître la fonction d’expertise dans les carrières universitaires. Les domaines de l’expertise et de la politique de recherche ne doivent pas, en définitive, relever uniquement des scientifiques. Il est souhaitable que les parlementaires s’emparent davantage de ces sujets au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Enfin, le citoyen doit de façon générale être mieux associé à la sécurité sanitaire sur le terrain. Tout indique en effet que la réaction citoyenne est d’autant plus adaptée que la préparation a lieu à froid. Cette mobilisation citoyenne est reconnue par tous tant au niveau des recommandations des parlementaires que de l’action gouvernementale. Par exemple, s’agissant de la mise en place du plan de prévention de la grippe aviaire, nous avons, les uns et les autres, apporté notre contribution à l’édifice. Sur ce sujet précis, tout semble maintenant bien élaboré sur le plan national. Toutefois, et nous en avons d’ailleurs souvent discuté, monsieur le ministre, il est essentiel que cela se concrétise aussi par la mise en place d’un certain nombre d’exercices de terrain qui mobilisent les uns et les autres.

Si les sujets de déclenchement et de transmission de l’alerte, de la recherche appliquée et de l’expertise restent encore à approfondir, je tiens à saluer l’attention portée aux préoccupations de sécurité sanitaire par les pouvoirs publics et en tout premier lieu par vous-même, monsieur le ministre. Il faut acter l’augmentation globale des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2007 et des efforts notables réalisés en matière de préparation à une pandémie de grippe aviaire, même s’il convient encore de les traduire dans les comportements de terrain.

Au-delà des réformes structurelles qu’il me semble nécessaire de mettre en œuvre pour améliorer le système français, les crédits affectés à la sécurité sanitaire demeurent cependant insuffisants. Aussi, à titre personnel, je considère, tout comme mon groupe politique, que la meilleure façon de vous rendre service, monsieur le ministre, est d’émettre un avis négatif sur ce budget afin de renforcer votre dialogue avec Bercy.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est trop subtil pour moi ! (Sourires.)

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles. Mais soyez rassuré, monsieur le ministre, quoi que je me sois trouvée convaincante, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, au nom du légitime soutien qu’une majorité doit à son gouvernement, a adopté le budget de la sécurité sanitaire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. C’est une bonne nouvelle !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, suppléant M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour la sécurité et la qualité sanitaires de l’alimentation.

Mme Geneviève Gaillard, suppléant M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour la sécurité et la qualité sanitaires de l’alimentation. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, je supplée avec plaisir Jean Gaubert, car ce domaine m’est également assez cher.

Si l’on peut se féliciter qu'en France la sécurité alimentaire soit entrée dans les mœurs, comme en témoignent les réactions très positives des professionnels et des consommateurs aux différents et récents avis de l'AFSSA sur l'influenza aviaire, la confiance du public dans les institutions et les mécanismes de gestion des crises ne peut être aujourd’hui encore considérée comme acquise.

Grâce à une mobilisation sans faille des personnels de l'AFSSA et du ministère de l'agriculture pour produire une expertise et des contrôles de qualité et contribuer à la fluidité de l'information sur la situation sanitaire, la confiance progresse, certes, mais elle est aussi très régulièrement ébranlée par des affaires, comme celle qui a révélé fin août la présence de riz OGM non autorisé dans du riz importé des États-Unis dans l'Union européenne.

Face à la multiplicité des enjeux de la sécurité alimentaire et compte tenu de sa place tenue dans les préoccupations de nos concitoyens, on ne peut que regretter qu'une fois de plus les dotations du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » pour 2007 ne soient pas à la hauteur des responsabilités et des attentes dans ce domaine. En effet, si la priorité donnée à la politique de sécurité sanitaire dans l'action du ministère de l’agriculture et de la pêche est bien confirmée pour 2007, avec une hausse de crédits de 3,5 %, la vigilance reste de mise du fait du maintien d'un risque élevé sur l’influenza aviaire, de l'existence de foyers de fièvre catarrhale sur notre territoire et, parallèlement, du renforcement de la réglementation communautaire en matière de sécurité alimentaire à l'occasion de l'entrée en vigueur du « paquet hygiène ». Je signalerai à cet égard que de nombreuses hausses de crédits au sein du programme – notamment celles concernant la lutte contre les salmonelles et la trichine du porc figurant dans l'action 03 – résultent en fait d'obligations communautaires.

Par ailleurs, la hausse des crédits pour 2007 est moitié moindre que la hausse enregistrée l'an passé. En outre, lorsque l'on sait qu'au cours de l'exercice 2006 le programme a fait l'objet d'un gel de crédits de 4,5 %, on ne peut que s'interroger sur ce qu'il restera de cette hausse après régulation. En effet, les mises en réserve de crédits pour 2006 ont eu de très fortes répercussions, notamment sur les crédits de fonctionnement des directions départementales des services vétérinaires, pourtant fortement sollicitées, depuis des années, et sur le budget de l'AFSSA déjà très contraint. Afin de ne pas amputer de manière disproportionnée la subvention pour charges de service public de l'Agence, les autres actions du programme 206 ont en effet dû subir un taux de gel supérieur à 4,5 %, ce qui a entraîné une diminution importante des crédits finançant le recrutement de vacataires dans les directions départementales des services vétérinaires, afin d'assurer des missions de prophylaxie animale, d'identification des animaux et de contrôle dans les abattoirs. On sait très bien qu’on agit moins en matière de prophylaxie qu’il y a quelques années et que, dans les abattoirs, d’ailleurs moins nombreux, les inspections ne sont plus les mêmes. Ces missions sont toutefois extrêmement importantes et il est indispensable, si nous voulons nous prémunir convenablement contre les risques, de pérenniser un certain nombre de postes. Par ailleurs, les crédits de l’AFSSA ont néanmoins été gelés à hauteur de 2 %, soit environ 830 000 euros en moins, alors même que la direction de l'Agence estimait qu'il manquait déjà 400 000 euros dans la loi de finances pour 2006 pour qu'elle boucle son budget.

Au titre des principales remarques qu’inspire le projet de loi de finances pour 2007, je tiens tout d'abord à signaler que les hausses de crédits constatées correspondent essentiellement à un effet de rattrapage, notamment sur les moyens consacrés de la lutte contre les maladies animales – action 02. Jean Gaubert, dans son avis sur le projet loi de finances pour 2006, avait d'ailleurs dénoncé la sous-dotation des postes de dépenses relatifs à la grippe aviaire et à la tremblante du mouton, lesquels ont par la suite dû faire l'objet d'importantes ouvertures de crédits en cours d’année.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. C’est à cela que sert la LOLF !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure pour avis suppléante de la commission des affaires économiques, pour la sécurité et la qualité sanitaires de l’alimentation. Quant aux baisses de crédits, elles concernent essentiellement les moyens des services déconcentrés de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et les crédits de l'AFSSA, lesquels continuent de stagner. La situation de l'action 01 relative à la protection des végétaux, également en baisse, est quelque peu différente, puisque la diminution des crédits résulte d'un transfert de charges vers un autre programme du ministère, rassemblant les moyens des services régionaux de la protection des végétaux.

Pour ce qui concerne les moyens des DDSV et de l'AFSSA, l'évolution constatée contredit pour le moins les objectifs affichés en matière de contrôle et d'expertise. Les premiers enregistrent ainsi une hausse quasi nulle de l'action 06 à hauteur de 0,69 % et, pour l'AFSSA, la hausse affichée de 9 % de l’action 04 correspond en réalité à des transferts et à des augmentations inéluctables de charges en termes de personnels. Des postes, concernant essentiellement la communication, ont été créés à l’AFSSA cette année. Mais, pour faire face au pic de l’influenza aviaire, le pôle de compétences de Ploufragan a recruté une seule personne sur une année, rémunérée, semble-t-il, par le ministère de la santé. Cinq autres ont été « récupérées » sur le fonctionnement normal du laboratoire de Ploufragan, que je connais bien.

La dotation du ministère de l'agriculture se situe donc exactement au même niveau qu'en 2006 et ne permettra pas à l'Agence de financer des mesures nouvelles ou de retrouver des capacités d'autofinancement pour lancer les investissements qu'elle juge indispensables.

Enfin, je tiens à signaler également la baisse des crédits consacrés à l'élimination des farines animales et au service public de l’équarrissage – action 05 –, dossiers qui, au-delà de leurs aspects financiers, n'ont toujours pas trouvé de solutions pérennes. En effet, depuis 2004, l'État est obligé d'abonder en cours d'année les crédits consacrés au service public de l'équarrissage à des niveaux supérieurs à ceux des dotations inscrites en loi de finances initiale. Cette année, c'est le nouvel Office de l'élevage qui a été sollicité, à hauteur de 16 millions d'euros. Cependant, alors que l'on peut d’ores et déjà anticiper un déficit du même ordre pour 2007, aucune solution n'est pour l'heure envisagée par le Gouvernement. Une réévaluation du taux de la taxe d'abattage devrait vraisemblablement intervenir en cours d'année, mais sera-t-elle suffisante ? Ponctionner le budget des offices agricoles, alors même que la loi d'orientation agricole leur a confié de nouvelles missions dans un cadre resserré et que le ministère de l'agriculture et de la pêche en a profité pour leur imposer des mesures d'économies particulièrement sévères, ne paraît pas être une option viable sur le long terme.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne puisse terminer mon propos sans évoquer notre réseau de vétérinaires sanitaires et ruraux, qui font de notre pays un modèle en termes de gestion, de prévention et de découverte des maladies animales, avec l’influence que l’on sait sur la santé de nos compatriotes. Ces vétérinaires sanitaires – et vous le savez parfaitement pour avoir participé aux rencontres nationales vétérinaires à Pau – attendent un peu plus de reconnaissance. Ils souhaitent une amélioration de leurs conditions de vie dans des zones rurales quelquefois éloignées. Je vous demande donc, en leur nom, de faire le maximum.

J’aimerais aussi obtenir quelques réponses sur la formation que vous pourrez proposer aux vétérinaires urbains en matière de mandat sanitaire. Des crises comme celle de l’influenza aviaire peuvent se reproduire du jour au lendemain ; vous aurez alors besoin de ces vétérinaires sanitaires pour assurer un bon diagnostic, et donc lutter efficacement contre ces maladies.

Je ne peux pas ne pas parler de la recherche, de la recherche appliquée en particulier, qui souffre depuis des années.

Je voudrais aussi parler du contrôle de la présence d’antibiotiques dans les viandes. Vous avez certainement lu comme moi un certain nombre de rapports qui suggèrent qu’il peut y avoir des choses pas très claires. Or nous n’avons pas avancé dans ce domaine. Cela peut avoir un impact sur l’antibiorésistance de nos concitoyens, et il faudrait mettre l’accent sur ces problèmes.

Enfin, pour avoir de bons vétérinaires sanitaires, il faut une formation vétérinaire à la hauteur des enjeux. Je sais que vous envisagez des solutions. Une commission doit être créée mais, de grâce, faites vite ! Sinon, les vétérinaires français ne pourront plus assurer les missions de service public qui sont les leurs aujourd’hui.

Mes chers collègues, au vu de l’ensemble des éléments que je viens de vous exposer, vous comprendrez que le rapporteur pour avis, Jean Gaubert, n’ait pas souhaité inviter la représentation nationale à apporter son soutien à l’adoption des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » consacrés au programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». Je vous signale néanmoins que la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a pour sa part émis un avis favorable.

M. le président. Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits.

La parole est à M. Jea n-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la sécurité sanitaire constitue un problème majeur de santé publique, à l’échelon de la planète.

Avec l’apparition de l’épidémie de sida, puis la vache folle, la grippe aviaire, le SRAS, le chikungunya, l’opinion publique a compris que le risque épidémique était un enjeu majeur de santé publique, et l’apparition d’une tuberculose multirésistante constitue actuellement une menace certes peu médiatisée, mais certainement très grave, d’autant que le mode de vie moderne, la rapidité et le volume des flux touristiques constituent un facteur indéniable de dissémination de maladies épidémiques. Ce n’est pas le seul. Le bioterrorisme constitue un risque majeur dont nous devons nous préoccuper en anticipant sur des actions dont il est difficile de cerner les formes.

La prise de conscience du caractère majeur du risque épidémique et de l’absolue nécessité d’anticiper la survenance de dangers qui ne sont qu’imparfaitement connus est récente. Les conséquences que nous devons en tirer au niveau de l’organisation de notre système sont difficiles à percevoir, mais certainement importantes.

La difficulté du travail auquel je me suis livré ces deux dernières années n’a pas été de convaincre le Gouvernement d’agir. Il est convaincu depuis le début, et la législature écoulée aura été celle de la remise à niveau de l’administration sanitaire dans le domaine de la veille et de l’alerte.

Surtout, nous avons vu se dégager ces deux dernières années, avec la mise en œuvre d’une politique destinée à prévenir une pandémie grippale grave, une politique innovante de mobilisation de l’ensemble des moyens de l’État, sous l’égide des deux ministères, celui de la santé et celui de l’agriculture.

Nous débattons ce soir des crédits de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire ». Le budget que vous présentez, messieurs les ministres, est incontestablement bon. Il l’est d’abord car il ne recherche pas les effets d’annonces. Nous avons souvent vu, en effet, des progressions spectaculaires de crédits qui n’étaient que de l’affichage. Les crédits, qui se montent à 660 millions d’euros, soit 15 % pour le programme « Veille et sécurité sanitaires » et 85 % pour le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », sont en augmentation de 4 %, ce qui représente un effort indéniable.

La politique de sécurité sanitaire engagée depuis quelques années déjà se poursuit et, qu’il s’agisse de l’alerte ou de la réactivité des pouvoirs publics, des progrès considérables ont été accomplis. Des réponses ont toujours été apportées par l’Institut national de veille sanitaire et par l’AFSSA quand il le fallait, nous l’avons constaté récemment lors des crises de l’influenza aviaire ou du chikunguya.

Oui, la France s’est dotée en quelques années d’un acquis indéniable en matière d’organisation. J’ai pu le mesurer en étudiant l’évolution du plan de lutte contre la grippe aviaire. Avec les moyens mis à votre disposition et une administration sanitaire un peu débordée, vous avez construit un remarquable système de veille, d’alerte et de réponse aux crises.

Une fois n’est pas coutume, je partage toutefois l’avis de Mme Génisson sur la complexité de ces structures, qui rendent par exemple difficile la lecture des budgets. La multiplication des agences correspond sans doute à une nécessité, mais elle peut être facteur de coûts et de doublons si nous n’y prenons pas garde. Le sénateur honoraire, le professeur Claude Huriet, rapporteur de la loi sur la veille sanitaire, l’évoquait il y a quelques jours encore en préconisant un conseil national de sécurité sanitaire présidé par le Premier ministre, qui aurait pour mission la coordination et la cohérence des actions.

Je crois qu’il faut agir dans la transparence et engager une réflexion globale sur les missions de vos ministères et le rôle des agences pour que chacun se voie assigner une place définie et que l’État continue à assumer ses fonctions régaliennes.

À vrai dire, si nous sommes conscients du travail accompli pour franchir un seuil et obtenir une mobilisation des collectivités locales, et en particulier des communes et donc des citoyens, qui sont par nature en première ligne, il faut probablement concevoir un système de gestion de crise plus décentralisé, et c’est peut-être là que se situe le prochain défi à relever.

Le comité d’éthique qui a été récemment installé est exemplaire et important pour mieux accaparer l’opinion publique, mais je redoute qu’à force d’attendre dans le désert des Tartares, et peut-être le virus humanisé, nous n’assistions à une démobilisation lente des acteurs concernés, qui ont fait sous votre impulsion un travail formidable.

C’est pourquoi j’ai envie de vous proposer, à travers la création d’une structure atypique, de pérenniser dans la durée votre travail. Les exercices et les réflexions se sont multipliés et ont mis en évidence la complexité et l’inadaptation des structures administratives françaises actuelles qui font que les moyens matériels et humains les plus importants sont entre les mains des collectivités territoriales ou de l’armée, insuffisamment associées aux réflexions en cours.

La mise en cohérence de l’outil administratif dont nous disposons n’est probablement pas optimale. Par exemple, les pouvoirs juridiques appartiennent aux préfets des départements, mais l’échelon administratif de programmation et de gestion hospitalière se situe au niveau régional.

En outre, la réflexion sur les procédures pour associer les citoyens à la prévention et à la gestion des risques ne peut pas toujours être conduite depuis Paris car les problématiques sont totalement différentes en milieu très urbanisé et en zone rurale.

Après avoir beaucoup réfléchi sur ces questions, en particulier en rédigeant avec la sénatrice Marie-Christine Blandin un rapport sur le risque épidémique et en étant le rapporteur de la mission d’information sur la grippe aviaire, je vous propose d’engager une démarche originale s’appuyant sur un échelon d’administration qui est peu usité, mais qui me paraît le plus adapté pour gérer le risque épidémique : la zone de défense.

La réforme « Armées 2000 » a fait coïncider les circonscriptions civiles et militaires et, aujourd’hui, la France est divisée en sept zones de défense en métropole. La zone de défense est un cadre administratif de préparation et de planification des mesures de défense à caractère non militaire mais, en cas de crise, elle deviendrait le cadre opérationnel d’emploi des moyens, et les pouvoirs du préfet de zone pourraient être étendus par décision du Premier ministre. Dans l’exercice de ses attributions, le préfet de zone est assisté par un comité de défense de zone, mais il n’existe aucun organisme dédié au risque sanitaire majeur tel que celui d’une pandémie.

Aussi nous a-t-il semblé que le risque épidémique ou biologique devait être placé, en termes de préparation de crise, sur le même plan que les autres menaces majeures. Les institutions existantes, et en particulier le Haut conseil de santé publique, ne sont pas nécessairement qualifiées pour appréhender le risque épidémique dans ses aspects autres que médicaux. Or une pandémie humaine grave implique la mobilisation de tous les moyens dans tous les secteurs, du transport en passant par l’éducation, le maintien de l’ordre et l’activité des services publics. Nous ne voyons pas quel organisme pourrait aujourd’hui réunir l’ensemble des acteurs concernés.

Aussi, dans cette perspective, je vous propose de créer dans chaque zone un conseil de zone chargé de l’analyse et de la préparation du risque épidémique ou biologique. Il faudrait que le secrétariat des conseils de zone soit assuré par un médecin qui serait intégré dans l’organigramme de l’administration préfectorale, ce qui permettrait de créer une structure permanente de préparation à la crise sanitaire, laquelle pourrait agir dans la durée, en particulier pour coordonner et harmoniser les actions de sensibilisation à conduire en direction des personnels médicaux et de l’opinion publique. Il serait également mieux placé que ne l’est l’administration sanitaire pour effectuer le recensement des moyens des autres administrations de l’État, en particulier des armées et des collectivités locales.

L’état d’esprit que traduit cette proposition, que j’ai étudiée également avec le professeur François Bricaire, est celui d’inscrire dans la durée des efforts remarquables engagés par le Gouvernement par la mise en place d’une administration sanitaire exclusivement dédiée à la gestion des crises graves dans toutes leurs dimensions.

Le comité d’éthique que vous avez créé est également très important et nécessaire pour mieux mobiliser l’opinion publique.

Avant de conclure, je voudrais évoquer le problème de la traçabilité du médicament. La loi doit permettre d’identifier la source d’un problème de qualité ou de vérifier la provenance d’un produit d’origine douteuse. Ce principe a été imposé par la FDA sur le marché américain et existe en France pour le médicament vétérinaire. La corruption, dénoncée par l’OMS à Genève, les contrefaçons, les fraudes sont aussi un problème au regard de la sécurité sanitaire car c’est un vecteur possible de tous les dangers, y compris épidémiques. Une traçabilité sans reproche du médicament doit être comprise comme un instrument de santé publique. Il faudra, je pense, s’en préoccuper.

Bien entendu, messieurs les ministres, le groupe UMP donne un avis très favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurité sanitaire ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais d’abord élever une protestation solennelle : on vient de m’annoncer l’évacuation scandaleuse par trente policiers – trente, c’est à souligner puisqu’on doit examiner demain le budget de la police – d'un travailleur en grève de la faim parce qu’il a été licencié en dépit de la grande qualité de son travail, reconnue par son patron lui-même. Je trouve cela si déplorable, monsieur le président, que je n’ai pas pu m’empêcher de vous le dire : quelle situation pourrait être pire que celle-là ?

Nous examinons aujourd’hui le budget de la mission « Sécurité sanitaire » dans un contexte plus serein que l'an passé. Ce budget est dans ses grandes tendances en augmentation de plus de 3 % pour 2007. Mais ce fait peut être diversement apprécié.

Nous apprécions certes les augmentations des moyens consacrés à certaines actions relevant de cette mission : je pense notamment aux crédits de l'action « Veille, surveillance, expertise et alerte », en augmentation de 23,9 %, ou à ceux de l'action « Gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises », en augmentation de 53,8 %. En effet, la lutte et la prévention contre les différents risques épidémiologiques ou épizootiques, comme la grippe aviaire ou le chikungunya, exigent des moyens.

Inversement, nous déplorons la diminution sensible des crédits consacrés à la « Production et la mise en œuvre de règles, de recommandations, de décisions et autres dispositifs » en matière de veille et de sécurité sanitaires. À quoi sert de renforcer la veille si on ne débloque pas les moyens nécessaires pour mettre en œuvre ces actions ?

Nous n'acceptons pas non plus la faiblesse des budgets des différentes agences. Si les moyens accordés à l'INVS sont en hausse, la stabilité de ceux accordés à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail, l’AFSSET, et, plus grave encore, la baisse importante des crédits pour l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, ne sont pas acceptables.

Le financement de cette agence fait d’ailleurs problème. Le rapport de la mission d'information du Sénat sur le médicament a d'ailleurs souligné que les taxes, droits et redevances représentent aujourd'hui près de 80 % de ses recettes. Autrement dit, c'est essentiellement l'industrie pharmaceutique qui finance l'AFSSAPS. Cette agence est de ce fait dans une situation paradoxale, ses revenus étant fonction du nombre de dossiers qu'elle traite, selon une logique de rentabilité financière. Il est légitime de s'interroger, comme le fait la mission d’information du Sénat, sur la licéité de cette dépendance et sur ses incidences sur la transparence, la qualité et la rigueur scientifique qu’on est en droit d’attendre des travaux de l’Agence. Ces interrogations sont encore renforcées par la diminution prévue de ses crédits et une nouvelle politique du médicament qui fait qu’arrive chaque jour sur le marché des médicaments sans réel apport thérapeutique, mais simplement destinés à gonfler les marges des laboratoires.

Concernant l'AFSSET, il est impératif d'améliorer son fonctionnement, notamment en accordant aux représentants des salariés un droit de saisine en matière d'études, de recherche, d'expertise et d'évaluation. Au-delà, c'est le rôle même de l’AFSSET qui doit être renforcé. Nous souscrivons de ce point de vue aux recommandations formulées dans ce sens par différents rapports parlementaires : il convient d'en faire une véritable agence de moyens dans ses domaines de compétences. Dans cet objectif, il faudrait que l' AFSSET puisse être saisie de l'ensemble des demandes d'études sur ces sujets, quitte à en confier ensuite le traitement à d'autres structures. Beaucoup d’autres domaines doivent être ouverts à l'étude : je vous mets encore une fois en garde, monsieur le ministre, contre les conséquences de l’usage des éthers de glycol, qui ne fait pas encore l’objet d’une mission d’information, malgré notre demande. Je vous répète encore une fois que nous aurons à faire face à un drame encore plus grave que celui de l’amiante, afin que mon avertissement soit consigné et qu’on connaisse votre responsabilité en la matière.

M. le président. Il est temps de conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je le sais, monsieur le président.

Les conséquences de ce drame sur la santé des travailleurs risquent d’être pires que celles du scandale de l’amiante.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous ne sommes pas restés inactifs dans ce domaine !

M. Maxime Gremetz. Pourquoi alors avoir refusé la création d’une commission d’enquête sur ce sujet en même temps que sur celui de l’amiante ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J’espère, monsieur le président, que vous ne prenez pas en compte les interruptions dont je suis l’objet pour calculer mon temps de parole ?

M. le président. C’est vous qui les provoquez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. L'an passé, à l'occasion de l'examen du budget de programme, la directrice de l'AFSSET avait indiqué que l'Agence avait le plus grand mal à recruter les professionnels dont elle a besoin, notamment des toxicologues et des médecins du travail, en raison d'une grille statutaire peu attractive par rapport aux rémunérations proposées par les entreprises privées et les centres antipoison. Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que l'AFSSET paye une vacation journalière d'expert 67 euros, contre 300 euros pour l'Agence européenne.

M. le président. Concluez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je vous en prie, monsieur le président, je termine.

M. le président. Si vous ne concluez pas, je vous retire la parole, monsieur Gremetz : votre temps de parole est épuisé depuis longtemps.

M. Maxime Gremetz. C’est votre habitude.

M. le président. Je vous retire la parole, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, le groupe communiste ne votera pas votre budget…

M. le président. Vos propos ne sont plus enregistrés, monsieur Gremetz.

La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous n'avons qu'une ambition pour la veille et la sécurité sanitaires : être en mesure d’anticiper davantage pour être en capacité de réagir mieux encore.

L'émergence, ou la réémergence, de risques, infectieux ou non, nous incite à préparer au mieux notre système sanitaire. C’est pourquoi la dotation budgétaire du programme « Veille et sécurité sanitaires » connaît cette année une augmentation de 2,1 %, avec 105 millions d'euros.

Les agences de sécurité sanitaire ont vocation à assurer l’expertise fiable et indépendante que suppose une bonne exécution de ces missions. Je veux réaffirmer, par une dotation renforcée de 80,5 millions d'euros, en progression de 4,9 %, les missions qui sont les leurs. Vous avez souligné, monsieur le rapporteur général, la nécessité de veiller à la cohérence entre les missions de ces agences et dans les relations qu’elles entretiennent avec le ministère. Je tiens à vous indiquer à ce propos que je tiendrais les engagements formulés l’an dernier : fin 2006, des contrats d’objectifs et de moyens seront signés avec l’AFSSAPS, avec l’Établissement français du sang, l’EFS, et avec l’INVS, ainsi qu’avec l’AFSSA – et j’associe Dominique Bussereau à cette annonce – au printemps 2007 au plus tard. Nous exauçons ainsi un souhait qui a été formulé à différentes reprises.

En tout état de cause, nous ne pourrons faire reculer les crises sanitaires sans nous battre également sur le terrain de la connaissance. Vous avez évoqué, madame Génisson, la question de la recherche, que nous ne saurions limiter à la recherche fondamentale.

Notre expérience de la crise, qu'il s'agisse du chikungunya, de la dengue ou de la canicule, nous a prouvé la nécessité d’améliorer encore l'alerte et la veille. C'est dans cet esprit que nous avons décidé de renforcer tout spécialement cette année le rôle de l'INVS, en créant neuf emplois et en augmentant sa subvention : comme vous l’avez souligné, monsieur Carrez, celle-ci passe de 40,7 millions d'euros à 55,4 millions d'euros. Ce renforcement concerne d'abord les sentinelles de terrain que sont les cellules interrégionales d'épidémiologie. Nous accentuerons spécialement cet effort pour l’outre-mer.

Le système d'alerte sera aussi conforté en métropole, notamment la surveillance entomologique dans le Sud-Est de la France et le traitement des moustiques, qui peuvent être vecteurs de maladies infectieuses. Afin d’améliorer l'efficience de l’ensemble de notre système de veille sanitaire, j'ai chargé, en mars dernier, le professeur Girard d’une mission de réflexion et de proposition. Je veux, à partir de ses conclusions – je partage en cela votre avis, monsieur Door – nous doter d'outils et de moyens permettant de déclencher, à partir de signaux faibles, une alerte précoce et de planifier les mesures à mettre en œuvre en cas d'apparition de la menace.

Il est indéniable, madame Génisson, que nous devons avoir la volonté constante d'optimiser notre système d'alerte. Je puis d'ores et déjà vous indiquer qu’avant la fin du mois je présenterai de façon détaillée la fonction d'analyse stratégique des risques sanitaires que préconisait le professeur Girard. En outre, une concertation interministérielle concernant l'évolution globale des agences, que vous avez également évoquée, monsieur le rapporteur général, est en cours.

Cette volonté d'expertise et de prévention des risques sanitaires explique également l'importance que Dominique Bussereau et moi-même attachons à l'AFSSA, dont nous avons pu apprécier la pertinence des avis dans la gestion de l'épizootie aviaire : elle bénéficiera d'une subvention de 6,6 millions d'euros. De même, ce projet de loi de finances doit permettre le renforcement de l'expertise dans le champ des produits de santé : l'AFSSAPS se voit ainsi renforcée par la création de sept nouveaux emplois. Je veux vous rassurer, monsieur Gremetz : c'est bien l'État qui finance l'activité de l'Agence, en lui affectant le produit de prélèvements obligatoires dont il lui délègue la perception, ainsi qu’une subvention en provenance du budget général.

Je pense comme vous, monsieur Door, qu’il faut rendre obligatoire la traçabilité des médicaments sur l'ensemble de la chaîne de distribution, dans le but, entre autres, de lutter contre la contrefaçon : nous avons déjà évoqué ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mes services y travaillent activement, en lien avec l'AFSSAPS, et les textes sortiront dès 2007.

En 2007, l'Agence de la biomédecine doit poursuivre sa montée en charge dans les nouvelles missions qui lui ont été attribuées par la loi de bioéthique du 6 août 2004, tout en pérennisant ses efforts dans le domaine de la greffe. C'est dans cet objectif que sept nouveaux emplois lui sont attribués, ainsi qu’une subvention de dix millions d'euros du ministère de la santé, ce qui représente une augmentation de 5 % par rapport à l'an dernier. En outre, comme vous l’avez noté, monsieur le rapporteur général, l'évaluation de l'activité de cette agence a été améliorée. Elle sera ainsi à même d’assurer les différentes missions qui relèvent de sa compétence.

De même qu’on ne peut avoir une seule priorité en termes de santé publique, aucun risque touchant à la sécurité sanitaire ne peut être négligé. L'importance de la surveillance de ces risques sanitaires, notamment ceux qui sont liés au travail et à l'environnement, se trouve réaffirmée avec la mise en œuvre du plan national santé environnement, le PNSE. À travers lui, nous portons une attention renouvelée aux risques environnementaux et à ceux liés aux accidents domestiques. Ce plan sera doté en 2007 de 19,3 millions d'euros.

Les moyens accordés à l’Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, montrent qu’avec Gérard Larcher, nous faisons de la santé au travail une priorité. En effet, madame Génisson, les effectifs de cette agence sont passés de douze emplois en 2002 à 84 aujourd'hui. En 2007, l'agence bénéficiera de dix emplois supplémentaires, et vingt personnes ont été spécialement recrutées pour travailler sur les questions de santé au travail.

Parallèlement à la mission « Veille et sécurité sanitaires », nous mettons en œuvre des moyens diversifiés et convergents pour gérer les urgences, les situations exceptionnelles et les crises sanitaires majeures.

Par définition, une réponse à une crise doit être adaptée, et 1'ajustement financier qui en découle n'a pas forcément vocation à être inscrit dans une loi de finances initiale – à moins d’avoir l’arrogance de prétendre qu’on peut tout prévoir et tout anticiper ! Je veux clairement rappeler que l’État a été, est, et sera toujours au rendez-vous d’une menace ou d'une crise sanitaires, qui constituent des sujets d'ordre public : nous l’avons démontré cette année encore.

Je pense en tout premier lieu aux épidémies du chikungunya et de la dengue. Des financements exceptionnels ont été immédiatement ouverts en 2006 pour lutter contre ces deux virus. Au total, ce sont 27 millions d’euros qui ont été affectés à des actions de prévention et de protection de la population et à des actions de lutte contre le moustique à la Réunion et Mayotte.

À ce sujet, madame Génisson, je n’ai nullement l’intention de polémiquer avec vous. D’ailleurs, s’il est difficile de refaire tout l’historique de l’épidémie de chikungunya, j’ai pu constater, pour m’être rendu à quatre reprises sur l’île de la Réunion, que sur place il n’y a jamais eu le début du commencement de la moindre polémique.

Là-bas, nous avons toujours voulu tirer les enseignements des événements.

Il n’est pas possible non plus, madame Génisson, de vouloir tirer quelques conclusions que ce soit de l’arrêt de prélèvements sanguins par l’EFS à la Réunion le 23 janvier 2006, alors que les premiers signes du Chikungunya ont été observés en mars 2005. Nous avons certainement besoin de mieux interpréter les « signaux faibles » pour pouvoir mettre en place une alerte encore plus précoce, mais ce n’est certainement pas à partir des conclusions tirées en janvier 2006 que nous aurions pu avoir des indications sur la progression de cette épidémie qui avait commencé, je le répète, en mars 2005.

C’est d’ailleurs à partir de ces signaux que des moyens ont progressivement été engagés sur place, à ma demande. Il n’en demeure pas moins que personne n’avait prévu – parce que personne, pas même les scientifiques, ne pouvait le prévoir – qu’une épidémie de chikungunya frapperait la Réunion dans de telles proportions à partir du mois de février 2006. Du reste, bien que l’Institut Pasteur ait montré que le virus avait muté et malgré les enseignements tirés de l’épidémie, on compte aujourd’hui en Inde, selon les statistiques officielles, 1,3 million de personnes touchées par le chikungunya. Ainsi, tant que nous pourrons renforcer notre système de veille et d’alerte, nous devrons le faire.

Pour 2007, nous avons donc décidé de renforcer, comme nous nous y étions engagés, les services de lutte anti-vectorielle outre-mer. Je viens d’installer à la Réunion, le 30 octobre, un nouveau service de lutte anti-vectorielle qui compte déjà 145 personnes et qui en comptera 150 début 2007 et 220 d’ici 2008. Cette initiative sans précédent est une façon de tirer les leçons des événements. Pendant vingt ans en effet, tant à gauche qu’à droite, on a baissé la garde en pensant que l’éradication du paludisme rendrait inutile un service de prophylaxie. On en voit les conséquences, même s’il ne saurait être question de laisser croire qu’on pourrait éradiquer complètement le moustique sur l’île de la Réunion – comme d’ailleurs à Mayotte ou dans tout autre territoire.

Je tiens également à souligner qu’en métropole, afin de répondre à la situation exceptionnelle d’hyper-endémie de méningite en Seine-Maritime, 35 millions d’euros vont être ouverts par le collectif budgétaire 2006 pour la prise en charge d’une campagne de vaccination spécifique.

Nous savons non seulement répondre à une crise sanitaire, mais nous voulons aussi anticiper autant que possible les risques sanitaires émergents. Je pense bien entendu au plan gouvernemental de lutte contre la pandémie de grippe aviaire, qui nous permet déjà de doter la France d’importants moyens de protection – masques FFP2 pour les professionnels de santé ou masques anti-projections pour les malades éventuels – et de médicaments antiviraux, tout en ayant soin de réserver une certaine quantité de vaccins pandémiques, alors même que nous avons déjà tenu à nous doter de vaccins prépandémiques.

Mme Génisson et M. Door ont très justement souligné que ce qui importe aujourd’hui est de progresser dans la mobilisation de la société civile autour de ces nouvelles problématiques. Le fait que de nombreux experts internationaux reconnaissent que la France est l’un des pays les mieux préparés ne doit pas nous faire nous contenter de ce constat et nous arrêter là. Tant que nous pourrons améliorer ce plan, nous le ferons.

J’ai donc décidé de constituer un comité d’initiative et de vigilance civique, présidé par le Dr Xavier Emmanuelli, conformément au souhait exprimé par le Président de la République et par les parlementaires – par exemple M. Le Guen ou vous-même, monsieur Door.

Outre le plan grippe aviaire, je pense aussi au Plan Biotox, qui comprend deux volets : le plan « variole » et le plan « peste-charbon-tularémie ».

Pour que l’État ait toute sa place dans l’effort de préparation et de lutte contre les risques sanitaires, nous avons aussi proposé la création du Fonds de prévention des risques sanitaires, que votre assemblée a adoptée en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ce fonds, qui aura le statut d’établissement public de l’État, se substitue au fonds de concours destiné à financer le plan Biotox et d’autres situations sanitaires exceptionnelles comme la grippe aviaire.

Mesdames et messieurs les députés, le programme « veille et sécurité sanitaires » est un appui important à une politique de gestion et d’anticipation des risques sanitaires que je veux globale et renforcée. Préparer la France aux nouveaux risques émergents, d’un point de vue tant logistique que sociétal, est une ambition qui, je le sais, dépasse largement les clivages politiques – ce qui est assez rare pour que j’aie à cœur de le souligner aujourd’hui. Voilà aussi pourquoi le Gouvernement sollicite le vote du Parlement sur ce budget qui revêt une grande importance pour la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je remercie les rapporteurs d’avoir présenté le volet sanitaire des missions relevant du ministère de l’agriculture dans le projet de loi de finances pour 2007.

Avant de répondre aux observations qui ont été faites et d’évoquer les crédits en eux-mêmes, je tiens tout d’abord à rappeler les enjeux de la sécurité sanitaire de l’alimentation et contribuer ainsi, comme y invite M. Richard Mallié dans son rapport, à éclaircir le « paysage de la sécurité sanitaire », qu’il trouve encore – et M. Carrez a relayé ce jugement à la tribune –particulièrement complexe.

Le premier enjeu dont nous devons tenir compte est l’augmentation des risques sanitaires. L’année 2006, vous le savez, n’a pas épargné cette politique publique : l’influenza aviaire que beaucoup d’entre vous ont évoquée et la fièvre catarrhale ovine ont mobilisé et mobilisent nos services.

L’action du ministère de l’agriculture et de la pêche se caractérise par une présence opérationnelle quotidienne sur le terrain des services vétérinaires et des services de la protection des végétaux pour assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires. Cette présence et cette action constituent une première réponse à la préoccupation exprimée par Mme Catherine Génisson d’une bonne information et d’une bonne communication auprès de nos concitoyens en matière de prévention sanitaire.

Pour 2007, j’ai souhaité qu’un effort particulier de surveillance soit réalisé en matière d’influenza aviaire, compte tenu de la situation que nous avons connue l’an dernier. J’y reviendrai.

Deuxième enjeu : accompagner l’évolution du rôle des services de contrôle sanitaire. La qualité de ses services vétérinaires et de ses services de la protection des végétaux a fait de la France un pays reconnu sur le plan international pour son système de veille sanitaire. L’entrée en vigueur au 1er janvier 2006 du « Paquet hygiène », soulignée dans le rapport pour avis de M. Gaubert cité par Mme Gaillard, nous a fait passer d’une culture de moyens à une culture du résultat, plus pragmatique et plus efficace. Nous nous donnons les moyens, madame Gaillard, de poursuivre en 2007 nos objectifs de prévention et de gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires. Ces nouveaux moyens mobilisés nous permettront de faire face à nos obligations communautaires.

J’en viens au programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ».

Les priorités budgétaires pour 2007 ont été rendues plus lisibles – du moins, je le souhaite – grâce à l’architecture simple qui a été donnée à ce programme.

M. Mallié a regretté dans son rapport, relayé par M. Carrez, le maintien d’un découpage qui fait échapper à ce programme les crédits de fonctionnement de la Direction générale de l’alimentation – la DGAL – ou ceux des services régionaux de la protection des végétaux. Il y a certes là matière à réflexion, mais il ne nous en faudra pas moins stabiliser les contours du programme après une première année de mise en œuvre.

Les crédits mobilisés permettent de répondre aux ambitions que nous nous sommes fixées grâce à une augmentation globale de près de 3,5 %. Ainsi, avec un total de 555,5 millions d’euros de crédits de paiements, l’augmentation de ce programme est de près de 19 millions d’euros.

Contrairement donc aux craintes de Mme Génisson, il n’y a pas de baisse – bien au contraire !

Peut-être cette réflexion lui avait-elle été suggérée par la lecture des autorisations d’engagement, mais il faut préciser que celles-ci ne sont en forte baisse que parce que ne sont pas reconduites en 2007 des autorisations d’engagement dites « autorisations d’engagement-dettes » et que 132 millions d’euros d’autorisations d’engagement prévues en 206 pour le marché du service public de l’équarrissage n’ont pas lieu d’être renouvelés, le marché ayant été passé pour trois ans.

Les principales augmentations sont les suivantes :

Les crédits de la lutte contre les maladies animales progressent de 11,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 9,62 millions d’euros en crédits de paiement, avec la mise en place des crédits permettant d’augmenter le niveau de surveillance en matière d’influenza aviaire. Cette augmentation doit répondre à la préoccupation de Mme Génisson et à celle qu’exprime l’excellent rapport de Jean-Pierre Door.

La prévention et la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires voient leurs crédits augmenter de 7,4 millions d’euros, afin de répondre au mieux aux exigences communautaires. L’effort porte plus particulièrement sur la lutte contre les salmonelles et sur le dépistage des trichines chez les porcs. Je souligne à l’intention de M. Gaubert, qui l’a relevé dans son rapport, qu’il est important d’avoir su dégager des moyens à cette fin.

Comme l’a rappelé Xavier Bertrand, les crédits alloués à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments connaissent une augmentation importante. Il est exact que, comme l’indique M. Gaubert dans son rapport, cette augmentation provient pour partie d’un nouveau périmètre des emplois de l’agence, mais cela correspond précisément à une volonté du Gouvernement de consolider ces moyens en personnel.

De plus, l’AFSSA bénéficiera d’une dotation supplémentaire de plus de 4 millions d’euros permettant à cet établissement de mieux inscrire son action dans la durée. Avec une dotation à l’AFSSA de 49 millions d’euros, on ne peut donc pas dire, comme l’ont fait Mme Génisson et Mme Gaillard, que les crédits sont en stagnation : l’effort augmente, et c’est tout à fait légitime.

Pour compléter cet effort, il sera d’ailleurs permis à l’AFSSA de percevoir une taxe pour ses nouvelles missions d’autorisation et d’homologation de produits et je présenterai tout à l’heure, à cet égard, trois amendements groupés du Gouvernement à l’article 52. Enfin, le contrat d’objectifs et de moyens sera prêt au début de l’année 2007.

Comme l’a relevé M. Richard Mallié dans son rapport, les évolutions à la baisse observées pour les crédits destinés à la prévention et à la gestion des risques inhérents à la production végétale résultent de modifications de périmètre. En effet, l’ensemble des crédits de fonctionnement des services régionaux de la protection des végétaux faisant l’objet d’un transfert vers le programme « fonction support » de ces services, ce double mouvement se traduit par un maintien des moyens.

Le service public de l’équarrissage fera demain l’objet d’un débat au Sénat, à la demande du rapporteur général et de la commission des finances du Sénat, qui l’ont souhaité à la suite du rapport de la Cour des comptes. C’est, vous l’avez tous relevé, un dossier complexe. Ce service est financé de façon équilibrée en 2007 et la fiabilité au plan sanitaire est assurée. Il reste cependant à accomplir dans ce domaine des avancées, que nous évoquerons demain devant la Haute Assemblée, comme j’aurai l’honneur de vous en rendre compte lors de la discussion du budget du ministère.

La dotation du ministère dans ce domaine est reconduite, avec 44 millions d’euros, et elle est complétée par le produit de la taxe d’abattage, pour 90 millions d’euros, par une contribution des éleveurs de porcs et de volaille pour 4 millions d’euros, comme vous l’avez rappelé, et enfin par une participation de l’Office de l’élevage, qui assure maintenant la gestion du service.

S’agissant du stockage et de l’élimination des farines animales, sujet sur lequel j’ai été interrogé voici quelques jours en commission des affaires économiques par M. Dosé, l’accélération du déstockage intervenue en 2006 va permettre de réduire les sommes consacrées au paiement des loyers des entrepôts et de consacrer ainsi 27,7 millions d’euros aux opérations de déstockage sur les 51,7 millions d’euros de crédits de paiement prévus. Les autorisations d’engagement permettront de programmer 300 000 tonnes de déstockage pour 39 millions d’euros et, pour les stocks encore abrités dans des locaux, le renouvellement de loyers pour 10 millions d’euros.

Pour ce qui est enfin des effectifs de ce programme, j’ai souhaité que les crédits destinés à assurer le financement des personnels non titulaires soient globalement maintenus afin de préserver la capacité de mobilisation des services. Il s’agit là d’un effort particulier, car il n’est pas question de priver de moyens les services vétérinaires, comme M. Gaubert en exprime la crainte dans son rapport, mais bien de consolider ces moyens. Vous rappelez à juste titre, madame Gaillard – et c’est là le message que nous avons entendu à Pau –, que nous avons besoin de tous les vétérinaires : ceux des villes et ceux des champs, ceux du public et ceux du privé, ainsi que des vétérinaires sanitaires. Une revalorisation a été mise en œuvre ces dernières années et nous devons accentuer le rôle des vétérinaires en faveur de la sécurité sanitaire des aliments. Nous leur avons donné de nouvelles missions, de nouvelles visites, et donc de nouveaux moyens de travail sur le terrain.

Mesdames et messieurs les députés, le volume des moyens accordés à cette politique démontre que le Gouvernement accorde aux enjeux de la sécurité sanitaire de l’alimentation et aux exigences internationales que nous assumons la place qu’ils méritent.

Je vous demande donc de bien vouloir vous prononcer favorablement sur ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

La première question est posée par M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Desallangre. La sécurité sanitaire répond à l’une des inquiétudes de nos concitoyens, qui souhaitent vivre dans un environnement et consommer des produits qui ne puissent nuire à notre santé.

Je cite votre bleu budgétaire : « Les consommateurs et plus largement les citoyens exigent des productions agricoles saines et sûres. » Cela paraît une évidence, mais comment concilier cette affirmation de principe et le comportement du Gouvernement en la matière ? Comment affirmer que la sécurité est une priorité et rester silencieux sur les OGM, qui pourraient mettre directement en cause le caractère « sain et sûr » des productions agricoles ? Où sont, dans votre budget, les études d’impact sur les disséminations et sur les effets sur l’homme et l’animal de l’ingestion d’OGM ?

Vous aviez l’occasion d’ouvrir le débat et d’engager ces études d’impact dans le cadre de la transposition de la directive européenne, mais votre majorité ne veut pas de texte législatif sur les OGM, car elle ne veut pas de débat : vous avez trop peur de l’avis d’un peuple qui, plein de bon sens, se prononcerait massivement – s’il était consulté ! – contre leur utilisation totale tant que leur innocuité et l’absence de dissémination ne sont pas démontrées. L’application raisonnée du principe de précaution suppose l’évaluation préalable des risques d’effets directs et indirects, immédiats et différés, avant toute mise sur le marché.

Il ne servirait cependant à rien pour notre santé d’interdire la culture des OGM chez nous si nous n’étions pas capables d’empêcher leur importation sur notre territoire. À ce titre les infractions se sont multipliées.

Cet été, du riz transgénique a été retrouvé dans les rayons des grandes surfaces ; du colza transgénique a été vendu par Monsanto, mais aussi du maïs. Et qu’en est-il des importations d’animaux nourris aux OGM ? Êtes-vous capable d’empêcher effectivement l’entrée sur notre sol des substances prohibées ? Il semblerait que ce ne soit pas réellement le cas puisque la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes a révélé que, sur soixante-neuf échantillons, dix-sept contenaient des OGM. La situation est encore plus préoccupante concernant les animaux, qui peuvent être nourris aux OGM sans que le consommateur en soit informé.

Dans ces conditions, toute levée du moratoire, même partielle, serait inacceptable, car potentiellement dangereuse pour la sécurité sanitaire. Le traitement par le Gouvernement de cette question de sécurité sanitaire n’est absolument pas à la hauteur des enjeux. Pourquoi donc, monsieur le ministre, votre budget est-il si laconique sur cette question ?

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Desallangre, je vous remercie de cette question, d’autant plus que les OGM ont été au cœur de l’actualité du week-end. Je voudrais rappeler très rapidement plusieurs points.

D’abord, vous savez que l’Union européenne s’est dotée d’un des systèmes réglementaires d’encadrement des OGM parmi les plus stricts du monde, subordonnant toute utilisation en milieu confinée à une autorisation préalable. Il y a eu la mise en place de la traçabilité dès 2003, et l’étiquetage obligatoire des produits destinés à la consommation humaine ou animale a permis de lever au niveau communautaire le moratoire que nous avions demandé, avec quatre autres pays membres, en juin 1999.

Les autorisations sont actuellement délivrées au cas par cas,…

M. Maxime Gremetz. Vous avouez !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. …sur la base des conclusions de la commission d’évaluation des risques pour la santé publique et pour l’environnement. Le Gouvernement n’est donc ni pour ni contre les OGM :…

M. Maxime Gremetz. Si, vous êtes pour !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. …nous appliquons le principe constitutionnel de précaution. C’est un principe d’action, et je voudrais vous détailler les moyens que nous utilisons. D’abord nous nous donnons les moyens d’accroître nos connaissances sur les risques et les incertitudes ; nous devons donc poursuivre la recherche et ceux qui s’attaquent aux expérimentations en cours le font de manière tout à fait illégale et scandaleuse. En outre, nous sécurisons cette recherche par des évaluations du risque indépendantes – c’est la bio-vigilance – ; nous sécurisons la mise en production des OGM au moyen de la traçabilité ; nous laissons le libre choix aux consommateurs par l’étiquetage, et, pour les agriculteurs, nous mettons en place les outils économiques de couverture des préjudices par l’intermédiaire d’un fonds financé par les producteurs d’OGM mais également par les fabricants de semences. Enfin, nous contrôlons – vous y avez fait allusion, monsieur le député – les lots de semence importés de pays tiers pour vérifier la conformité des étiquetages et des documents d’accompagnement. Ces actions sont menées en toute transparence.

Deux remarques d’actualité. La première, c’est qu’un projet de loi a été élaboré, qui reprend l’excellent travail de la mission d’information parlementaire présidée par votre collègue Jean-Yves Le Déaut. Nous verrons bien, en fonction du calendrier parlementaire, quand ce projet de loi pourra être discuté. J’ajoute que ce qui s’est passé ce week-end en Gironde est tout à fait scandaleux. (« En effet ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On a attaqué une propriété privée et détruit pour 360 000 euros de production chez un agriculteur. Celui-ci a réagi avec une violence tout à fait scandaleuse, mais chacun sait que malheureusement la violence entraîne la violence. Enfin, j’observe qu’une candidate à la Présidence de la République, censée respecter l’autorité de la loi et son application dans ce pays, a osé dire que cette action destructrice était légale et qu’elle la soutenait : je trouve ça scandaleux, et je voulais le dire devant la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Colombier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de renforcer l'organisation de la prévention et la capacité de réaction de notre société en cas d'émergence d'une crise sanitaire.

L'épisode de crise aviaire que nous avons vécu il y a quelques mois s'inscrit dans un contexte plus global de recrudescence des épizooties au niveau mondial au cours des dix dernières années. Cette recrudescence doit être analysée comme un phénomène potentiellement durable, même si le déferlement médiatique qui a provoqué une psychose chez les consommateurs lors de la crise aviaire est retombé. Notre société est très anxiogène – nous le savons. Les crises sanitaires entraînent la méfiance et la précaution. C'est tout à fait logique et normal. Malheureusement, les peurs, lorsqu'elles sont disproportionnées, et parfois injustifiées, peuvent avoir des conséquences importantes, notamment sur le plan économique. Les pertes pour la filière avicole sont estimées en 2006 à 300 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 6 milliards.

Aujourd'hui, bien que l'on puisse percevoir certains indices d'une confiance retrouvée de la part du consommateur, l'équilibre n'est pas pour autant rétabli dans la filière avicole. C'est l'avenir de tout un secteur d'activité, l'emploi de milliers d'hommes et de femmes, et la survie de nombreuses exploitations et entreprises qui sont menacés.

Au moment de la crise, le Gouvernement a été très actif en débloquant notamment des aides financières importantes et vitales. Par ailleurs, au niveau sanitaire, un plan de pandémie grippale adapté et pertinent a été mis en place grâce à l'efficacité et à l'implication des services de l'État. En effet, nous avons la chance en France de disposer d'un maillage vétérinaire remarquable qu'il faut préserver et renforcer.

Cependant, nous ne pouvons pas nous permettre de rompre en très peu de temps la confiance que le monde agricole tisse patiemment avec les consommateurs en misant sur la recherche de la qualité, et ce juste à partir de quelques signes avant-coureurs. Dès lors, je souhaite, monsieur le ministre de l’agriculture, que vous indiquiez à la représentation nationale, d'une part, les moyens que vous engagez pour renforcer la veille sanitaire et les mesures de prévention dans ce domaine, et, d'autre part, que vous adressiez un geste fort en direction de la filière avicole, qui reste durement touchée par cette crise.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je vous remercie, monsieur Colombier, d’avoir posé une telle question, car elle rappelle que cette maladie qui a atteint notre pays il y a un an a entraîné des conséquences économiques considérables, la fermeture d’une partie de nos marchés à l’exportation, et que toute la filière avicole a souffert de cette épizootie.

Sur le plan de la veille sanitaire, nous augmentons nos moyens pour pouvoir maintenir une vigilance constante sur le terrain, en particulier pour financer les visites sanitaires dans les élevages des zones à risques.

La filière a souffert. Il était donc légitime que la solidarité nationale s’exerce par un soutien financier, en amont et en aval, à l’égard des éleveurs et des entreprises. Pour les 440 entreprises françaises concernées en aval – entreprises d’abattage, de transformation, de commerce de gros –, j’ai mis en place avec Gérard Larcher des mesures de chômage partiel, et, avec Jean-François Copé, des mesures d’abaissement des charges sociales et de report des charges de la Mutualité sociale agricole. 11 millions d’euros ont été débloqués pour venir en aide à de très grandes entreprises exportatrices touchées de plein fouet par la fermeture d’une partie de nos marchés, et cette action de soutien concerne 1 200 salariés. Au total, le soutien financier de l’État au titre de la solidarité nationale représente 63,5 millions d’euros :…

M. Jean-Pierre Door. C’est bien !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. …un peu plus de la moitié pour les éleveurs, et le reste pour l’aval.

Nous avons souhaité que l’Europe soit solidaire puisque nous n’étions pas les seuls à souffrir. Elle a un peu traîné les pieds. Elle a mis du temps, mais a fini tout de même, au mois d’avril, par nous octroyer des mesures complémentaires qui vont nous permettre de diminuer nos financements dans certaines filières et de les augmenter pour d’autres, en particulier celle des dindes, qui a beaucoup souffert sur le plan des ventes.

J’ai précisé toutes ces mesures, monsieur Colombier, lors du dernier Conseil des ministres, et annoncé que nous mettrions en œuvre une nouvelle enveloppe de 15 millions d’euros de crédits d’État complétée par des crédits de l’Union européenne, qui sera consacrée à des soutiens complémentaires. J’ajoute, et je les en remercie, que les collectivités territoriales, régions et départements, quelles que soient les tendances politiques, ont parfaitement joué le jeu de la solidarité et ont ajouté leurs enveloppes à celle de l’État.

La consommation et les prix sont revenus au niveau de l’an passé, c’est-à-dire que nous sommes dans une situation de retour à la normale. Les consommateurs ont joué le jeu parce que, comme le faisaient remarquer tout à l’heure les rapporteurs, ils ont eu confiance dans l’engagement des éleveurs et dans la sécurité sanitaire de notre pays, dans la mobilisation et dans la vigilance de tous les acteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Sécurité sanitaire »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Sécurité sanitaire ».

(Les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » sont adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant l’article 52 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Sécurité sanitaire ».

Article 52

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 100 rectifié.

La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche, pour le soutenir.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, m’autorisez-vous à soutenir en même temps les amendements nos 101 et 102 ?

M. le président. Bien entendu !

Vous avez la parole, monsieur le ministre, pour soutenir ces trois amendements.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Ces trois amendements visent à donner à l’AFSSA des moyens supplémentaires.

L’amendement n° 100 rectifié apporte une précision rédactionnelle en incluant dans la liste des produits pour lesquels une demande peut donner lieu au paiement de la taxe les adjuvants aux produits et aux préparations phytopharmaceutiques.

L’amendement n° 101 tend à élargir la fourchette des tarifs de la taxe de 40 000 euros à 200 000 euros – au lieu de 80 000 euros à 100 000 euros – pour les demandes d’inscription d’une nouvelle substance active sur la liste communautaire des substances actives. Dans cette fourchette, le montant précis de la taxe sera fixé par arrêté ministériel.

L’amendement n° 102 vise à tirer les conséquences d’un amendement qui a été adopté en première partie du projet de loi de finances et qui a supprimé l’existence des droits antérieurement perçus. Ainsi, l’alinéa 21 de l’article 52 est supprimé. Par souci de simplification administrative, l’amendement n° 102 prévoit l’affectation intégrale de la nouvelle taxe à l’AFSSA, et non 86,5 % comme initialement prévu. Cette taxe devrait apporter 6,4 millions d’euros à l’AFSSA, agence dont nous avons tous évoqué tout à l’heure les besoins.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements.

M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. La commission n’a pas examiné ces amendements. Je vais donc donner mon avis à titre personnel.

L’amendement n° 100 rectifié vise à clarifier l’application de la taxe fiscale affectée à l’AFSSA par le présent article. Avis favorable.

S’agissant de l’amendement n° 101, je serai par contre un peu plus réservé, en raison de l’ampleur de l’élargissement de la fourchette proposé. Je suis donc favorable à titre personnel, mais un peu réservé tout de même.

M. Maxime Gremetz. Vous êtes favorable tout en étant réservé !

M. Richard Mallié, rapporteur spécial. Monsieur Gremetz, vous voulez qu’on soit normands, alors nous sommes normands. (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. C’est « peut-être bien que oui, peut-être bien que non » !

M. Richard Mallié, rapporteur spécial. Quant à l’amendement n° 102, il résout un problème de constitutionnalité manifeste. Il transfère l’intégralité des recettes de la taxe à l’AFSSA, ce qui est une bonne chose. Même si cette nouvelle taxe nous paraît tout de même un peu lourde, j’émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le rapporteur spécial, j’espère lever vos réserves en soulignant que la fourchette de tarifs mentionnée donne un cadre, mais que le tarif sera fixé par arrêté ministériel après examen des dossiers, en tenant compte de la nature de la demande et de la complexité de l’évaluation.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je n’ai pas compris quel avis donnait le rapporteur à titre personnel. Il a dit qu’il était d’accord mais réservé. Pour ma part, je suis réservé et pas d’accord, parce qu’on ne fixe pas dans la loi un plancher et un plafond sans savoir ce qu’il adviendra par la suite, le Gouvernement décidant seul ce qui lui conviendra le mieux ! Au moins, quand on fixe précisément un chiffre, on sait de quoi on parle ! Comme je suis Picard et non pas Normand, je vous le dis très clairement : c’est non.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Moi aussi, je suis Picard !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 52, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 52, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la sécurité sanitaire.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à une prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mardi 7 novembre 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3424, de M. Jean-Claude Lenoir.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Sécurité ; sécurité civile :

Rapport spécial, n° 3363, annexe 30, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Rapport spécial, n° 3363, annexe 31, de M. Georges Ginesta, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Avis, n° 3367, tome X, de M. Philippe Folliot, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées ;

Avis, n° 3368, tome VII, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3368, tome VIII, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Administration générale et territoriale de l’État :

Rapport spécial, n° 3363, annexe 2, de M. Jean-Pierre Gorges, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Avis, n° 3368, tome I, de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)