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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 21 novembre 2006 

58e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Souhaits de bienvenue
à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, nous souhaitons la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Chine-France de l’Assemblée nationale de la République populaire de Chine, conduite par son président M. Shi. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

Questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

croissance économique

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. « La croissance forte est au rendez-vous. Tout porte à croire que notre économie continuera de progresser aux troisième et quatrième trimestres de cette année. »

Tels étaient, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, vos propos il y a moins de deux mois. Or, les premiers résultats du troisième trimestre de 2006, que l’INSEE publie aujourd’hui, les infirment totalement, illustrant le fossé entre votre discours et la réalité subie par les Français.

Au troisième trimestre, la croissance est malheureusement égale à zéro. D’autres indicateurs ne se portent pas mieux : la création d’emplois n’augmente que de 0,1 %, la consommation ne tire plus la croissance, l’investissement des entreprises ralentit et le commerce extérieur se dégrade. Telle est la triste réalité. Ni l’héritage du passé, ni les 35 heures, ni bien sûr les congés de nos concitoyens ne constituent des explications sérieuses de cette situation. Celle-ci résulte en réalité d’une politique qui aggrave les inégalités et affaiblit le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Je souhaiterais donc vous poser des questions précises, qui appellent des réponses claires : ne tournez pas, monsieur le ministre, autour du pot, comme vous savez si bien le faire.

M. le président. Posez vos questions, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Pouvez-vous, oui ou non, nous confirmer le chiffre de la croissance de notre pays au troisième trimestre de 2006 ? Pouvez-vous par ailleurs situer ses performances par rapport à nos principaux partenaires Allemagne, Italie, Grande-Bretagne ou Espagne ? Sommes-nous moins bons ou meilleurs qu’eux ?

M. le président. Merci, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. J’en termine, monsieur le président. Compte tenu de la réalité des chiffres, comment pouvez-vous conclure, monsieur le ministre, que tout va bien pour la France et les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vais essayer, notamment pour tous ceux qui nous suivent, de reprendre les choses dans l’ordre, car votre question, monsieur Migaud, était un peu confuse : vous nous avez habitués à mieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour commencer, je vous confirme qu’au premier semestre, comme l’a indiqué l’INSEE, la France a fait la course en tête en ce qui concerne la croissance (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste),

M. le président. Écoutez la réponse !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …puisque les chiffres du premier trimestre ont été revus à la hausse. En tendance annualisée, la croissance est donc de 3,4 % pour le premier semestre. C’est la réalité, même si elle vous déplaît ! (Mêmes mouvements.)

L’INSEE a également confirmé que la croissance au deuxième trimestre s’établissait à 1,2 %, soit – je le dis pour tous ceux qui nous regardent – le plus fort taux de progression en Europe. (« Zéro ! » sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai !

M. Maxime Gremetz. Zéro !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Au troisième trimestre, contrairement à ce que vous prétendez, la croissance n’a pas été nulle : elle a été identique à celle du deuxième trimestre, en maintenant une progression de 1,2 % par rapport au premier trimestre. Notre économie a en effet eu à « digérer » la formidable accélération du début d’année.

Il est vrai que les économistes attendaient, comme nous-mêmes, une croissance de 0,5 ou 0,6 % pour le troisième trimestre, en sus de ce 1,2 %. La raison de cette révision à la baisse a été donnée ce matin : les entreprises ont déstocké (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) car il leur a fallu, je le répète, « digérer » la très forte accélération de l’activité économique.

La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui, les prévisions de l’ensemble des économistes, de la Banque centrale, de la Banque de France, de l’INSEE ou du Trésor se situent entre 0,6 et 0,8 % pour le quatrième trimestre – tendance confirmée par les chiffres publiés ce matin.

M. Maxime Gremetz. Faux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous le savez, la consommation se maintient comme jamais.

M. Maxime Gremetz. Encore faux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il nous reste, c’est vrai, des réformes structurelles à faire, et notre pays est encore pénalisé par deux boulets : les 35 heures et l’héritage de la dette, que vous n’avez pas soldé de 1997 à 2002, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et auquel nous nous sommes attelés.

M. Augustin Bonrepaux et M. Patrick Roy. Cela fait cinq ans que vous êtes au pouvoir !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tel est l’héritage que l’ancienne majorité nous a laissé. Malgré cela, nous réussirons à faire entre 2 et 2,5 % de croissance en 2006 ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Liban

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Michel Hunault. Ma question concerne la situation au Liban.

La session extraordinaire du mois de septembre dernier a commencé par un débat, voulu par le Gouvernement comme par les groupes politiques, sur la situation au Liban, pays meurtri par un conflit qui a duré de longues semaines.

La France a pris toute sa part dans l'arrêt des hostilités et pour un règlement du conflit au Liban. L'action de notre pays en faveur de la paix, son rôle essentiel au sein de la FINUL, témoignent de la place qu'occupe le Liban dans le cœur des Français.

Aujourd'hui, nous savons que la paix est particulièrement fragile, que l'urgence va à la reconstruction d’un Liban meurtri, détruit, où les conditions de vie s’avèrent extrêmement difficiles pour la population.

La France a un rôle essentiel à jouer pour le renforcement de la paix et la reconstruction du Liban. C’est aussi l'une des préoccupations de l'Europe, qui s'interroge sur l'opportunité de créer une institution financière nouvelle en faveur de tout le bassin méditerranéen : la participation de celle-ci à la reconstruction du Liban serait le moyen de concrétiser notre solidarité.

Au nom du groupe Union pour la démocratie française, je poserai une simple question : quelle initiative concrète le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour contribuer à maintenir de façon concrète la paix au Liban, mais aussi pour contribuer à la reconstruction du pays ?

M. Maxime Gremetz. Et pour exiger le retrait des troupes israéliennes !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. En ce qui concerne la situation au Liban, monsieur Hunault, trois constats s’imposent.

En premier lieu, la mise en œuvre immédiate de la résolution 1701 de l’ONU se fait correctement. Je veux parler du retrait des forces israéliennes – à l’exception de Ghajar –, du déploiement de l’armée libanaise au sud Liban et de celui de la FINUL, en particulier de sa marine, sous commandement allemand.

Deuxième constat : il reste deux points noirs. D’une part les survols israéliens, qui portent atteinte à la souveraineté du Liban, et de l’autre le non-respect de l’embargo sur les armes à destination du Hezbollah, qui doit nous mobiliser très directement. L’un ne va pas sans l’autre : c’est la seule solution pour rester dans l’esprit de la résolution 1701 que nous avons fait voter au conseil de sécurité de l’ONU le 12 août dernier.

Reste l’essentiel : l’accord politique, dont la résolution 1701 contient les germes. Je pense notamment à la région des fermes de Sheba et au désarmement des milices, y compris du Hezbollah.

Aussi le Président de la République, Jacques Chirac, a-t-il proposé la tenue d’une conférence internationale consacrée à la reconstruction du Liban. Cette conférence se tiendra au cours de la dernière semaine du mois de janvier 2007.

Il nous faut être au rendez-vous pour que le Liban recouvre sa liberté, son indépendance, et que l’État de droit y soit rétabli. C’est pourquoi nous devons, plus que jamais, soutenir le gouvernement de Fouad Siniora. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

fiscalité locale

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, le congrès des maires commence ses travaux aujourd'hui. Comme chaque année, les élus locaux sont nombreux à se retrouver pour écouter et échanger. Ils « montent » à Paris avec leurs problèmes, leurs inquiétudes, leurs interrogations, mais aussi leurs propositions.

Leur problème à tous tient en une question : comment répondre aux attentes des populations, satisfaire des besoins de plus en plus criants au regard des difficultés sociales grandissantes ?

Leurs inquiétudes, qu'ils soient de gauche ou de droite, sont liées au rétrécissement des moyens, année après année. Les collectivités territoriales sont étranglées par l'accumulation de charges nouvelles non compensées et l'insuffisance de recettes :…

M. Yves Bur. C’est faux !

M. André Chassaigne. …dotations de l'État trop limitées, taxe professionnelle scandaleusement plafonnée, foncier non bâti en voie de suppression ou encore péréquation très insuffisante. En 2004, les collectivités se trouvaient en déficit pour la première fois depuis près de dix ans.

Leurs interrogations portent sur la nature des recettes à mobiliser en l'absence d'une réforme de la fiscalité locale. Chaque collectivité est en recherche de moyens, mais à la fin, les contribuables locaux doivent toujours davantage mettre la main à la poche, ainsi que l'usager, comme l'automobiliste avec l'augmentation de la TIPP annoncée dans de nombreuses régions pour faire face aux charges nouvelles non compensées.

Quant aux propositions, elles sont nombreuses. Je n’en citerai qu’une seule, émanant de l'Association nationale des élus communistes et républicains, (« Ah » ! sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui propose une réforme de la taxe professionnelle en mettant en place une taxation des actifs financiers. Cette taxation concernerait essentiellement le secteur bancaire et les assurances, avec l'objectif d'obtenir des moyens nouveaux, notamment au profit d'une réelle péréquation.

Ma question, monsieur le ministre, est donc la suivante : quel chantier avez-vous ouvert pour une réforme de la fiscalité locale et quelle est votre appréciation sur la proposition de taxer les actifs financiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Alors que se tient leur congrès, vous comprendrez que je commence par saluer, de façon un peu plus positive que vous, le travail exceptionnel des maires de France (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française). J’en sais quelque chose : nous sommes bien heureux, les uns et les autres, de leur présence, de leur action et de leur engagement, toutes sensibilités confondues, au service de la République et de ses institutions.

Contrairement à ce qui est dit ici ou là, monsieur Chassaigne, beaucoup de maires apprécient que l’État soit à leurs côtés au quotidien.

Il l’est, par exemple, à travers les préfets, les sous-préfets, les responsables des services déconcentrés de l’État et les comptables publics ; il l’est aussi à travers le concours financier qu’il apporte. Je veux rappeler que, là encore, les dotations de l’État aux collectivités – en particulier aux communes – sont au rendez-vous, aussi bien sur la DGF que sur l’ensemble des dégrèvements. L’État est aujourd’hui le premier contribuable local.

Enfin, monsieur Chassaigne, vous comprendrez que je ne puisse pas tout à fait vous rejoindre sur la proposition communiste. Je me suis fait, en vous écoutant, une remarque habituelle, c’est que vous ne changerez jamais ! Pour la gauche, il n’y a qu’une manière de régler les problèmes : augmenter les impôts ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) C’est exactement l’inverse de notre philosophie. On doit être capable demain de faire de la bonne gestion, comme le font les communes et comme le fait l’État, en maîtrisant les dépenses publiques et en baissant les impôts, et non en faisant l’inverse, comme c’est souvent le cas dans les régions et les départements tenus par les socialistes et les communistes. Les électeurs, qui sont aussi des contribuables, sauront faire la différence dans quelques mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

rÉcentes déclarations du président de la région Languedoc-Roussillon

M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc, pour le groupe UMP.

M. Paul-Henri Cugnenc. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et concerne les récentes déclarations honteuses du président de la région Languedoc-Roussillon qui stigmatise « une trop forte proportion de noirs clans le Onze tricolore ». (Huées sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J'associe à cette question tous les parlementaires de notre majorité parlementaire du Languedoc-Roussillon, et les nombreux élus des territoires d'outre-mer, en particulier les maires de la Guadeloupe, qui ont dénoncé « ce racisme dégoûtant » et demandé réparation de cet affront.

Nous avons, une nouvelle fois, le mardi 14 novembre, en Languedoc-Roussillon, entendu et subi les outrances d’un président de région socialiste, qui s'était déjà discrédité en insultant les harkis, qualifiés de sous-hommes (« Hou » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.), et qui ajoute un nouvel épisode à un dossier politiquement déjà bien lourd.

Les observations déplacées sur la personnalité, l'origine et la couleur des footballeurs de l'équipe de France dénotent non seulement une dérive intellectuelle, ségrégationniste et raciste, qui suffirait amplement à justifier notre émotion et notre question, mais également – et accessoirement – une méconnaissance indigente de ce qu'est aujourd'hui le sport de haut niveau dans le monde.

M. Richard Mallié. Qu’on le démissionne d’office !

M. Paul-Henri Cugnenc. Qui oserait s'appuyer sur des critères aussi spécieux pour expliquer que le sprint américain et l'ensemble de l'équipe olympique des États-Unis ne respectent pas les quotas de M. Frêche ? Qui viendrait nous expliquer que l'équipe de rugby des Springboks d’Afrique du Sud avantage outrageusement et injustement les Afrikaners de race blanche ?

Au-delà de ces considérations sportives marginales, ce que nous attendons aujourd'hui, c'est la condamnation d'une attitude humainement et philosophiquement inqualifiable. Monsieur le ministre est-il concevable et supportable que de tels comportements et de telles déclarations puissent rester impunis ? Quelle mesure entendez-vous prendre pour sanctionner des débordements qui font honte au Languedoc-Roussillon et à toute la communauté nationale ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je partage complètement votre émotion, et les propos du président de la région Languedoc-Roussillon ont blessé tous les Français.

Permettez-moi de vous raconter l’expérience que j’ai vécue hier. J’ai représenté le Gouvernement à l’Institut de France et j’ai assisté à la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques. Étaient également présents des élèves d’un lycée de Seine-Saint-Denis, auxquels le secrétaire perpétuel a rendu hommage, saluant la présence sous la Coupole, symbole de la France depuis tant de siècles, de jeunes issus de l’immigration. Il y a eu un tonnerre d’applaudissements. Ce tonnerre d’applaudissements m’a ému, d’une émotion que chacun peut ressentir, et me semble être un heureux contrepoint aux propos de Georges Frêche.

La sélection équipe de France s’appuie sur un seul critère : être le meilleur.

Le procureur général près la cour d’appel de Montpellier a décidé d’ouvrir une enquête afin de déterminer si les propos de M. Frêche relèvent ou non du code pénal.

En attendant, je voudrais rappeler à l’Assemblée nationale qu’il n’existe, dans l’équipe de France, qu’une couleur, c’est le bleu ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

accompagnement des enfants d’outre-mer hospitalisés en Métropole

M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax, pour le groupe UMP.

M. Bertho Audifax. Monsieur le ministre de la santé, lors de votre dernier passage à la Réunion, je vous ai alerté sur les difficultés que rencontrent les parents d'enfants en très bas âge lorsque ceux-ci doivent subir des opérations chirurgicales graves en métropole.

Outre la douleur morale de voir souffrir son bébé, le coût d'un tel déplacement – environ 6 000 euros – est, la plupart du temps, insurmontable pour les familles réunionnaises, surtout lorsque l'opération ou les contrôles se reproduisent plusieurs fois dans l'année. En effet, si la sécurité sociale prend en charge l'accompagnement médical du bébé, le conseil régional, quant à lui, peut assumer, au titre de la continuité territoriale, 50 % du prix du billet d'avion d'un parent, une fois par an. Les aides du conseil général ne peuvent répondre à l'urgence des situations et au désarroi des familles. Celles-ci, malgré l'aide des associations, s'endettent alors lourdement, et les drames sont nombreux. Pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, quelle solution vous envisagez pour libérer ces parents des soucis matériels, afin qu'ils puissent être pleinement aux côtés de leur nourrisson dans des situations aussi douloureuses ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Je me souviens, monsieur Audifax, que vous avez évoqué, lors de ma visite à la Réunion, le cas précis d’un enfant qui devait être hospitalisé en métropole et qui ne pouvait y être accompagné que par un membre du corps médical. Vous m’avez aussi parlé du parcours du combattant que doivent affronter les parents, pour trouver des aides leur permettant de financer leur déplacement.

J’ai donc décidé que, désormais, toute personne de moins de dix-huit ans, pourrait bénéficier pour un rapatriement en métropole de deux accompagnants : un accompagnant médical et un accompagnant familial. L’âge de l’enfant ne doit pas être discriminant ; en bas âge ou plus âgé, il a dans tous les cas besoin d’un suivi médical, mais surtout de la présence de l’un de ses proches. En matière de santé, en effet, tout n’est pas seulement affaire de soins, mais dépend également de l’environnement familial.

Cette mesure s’appliquera à l’ensemble des collectivités d’outre-mer, car il s’agit d’un service et d’une garantie dont doit s’acquitter la collectivité à l’égard de tous. C’est une question de justice sociale et d’équité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Bilan de la confÉrence de Nairobi

M. le président. La parole est à M. Robert Lamy, pour le groupe UMP.

M. Robert Lamy. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. La 12e conférence internationale sur le climat vient de prendre fin à Nairobi, sous l’égide de l’ONU. Deux cents pays y ont participé, avec pour objectif de renforcer les dispositions contre le réchauffement de la planète. Le rapport de l’économiste Nicholas Stern, rendu public au début du mois de novembre, dévoile les impacts sociaux et économiques dévastateurs du réchauffement climatique. Celui de Christian de Boissieu, qui reprend les vingt-huit propositions du groupe « Facteur 4 » mis en place par le Gouvernement, arrive aux mêmes conclusions.

La conférence internationale de Nairobi a suscité l’espoir que de nouveaux engagements soient pris pour la réduction des gaz à effet de serre. En même temps que cette conférence se déroulaient les négociations au titre de la convention des parties au traité de Rio, signé par 189 des 192 membres de Nations unies et la deuxième réunion des parties au protocole de Kyoto, ratifié, lui, par 156 pays.

La France mène une politique volontariste sur la scène nationale, et notre position doit nous permettre de mobiliser l’ensemble de nos partenaires internationaux. Aussi, madame la ministre, face à l’urgence de la situation et aux enjeux vitaux pour l’environnement, pouvez-vous nous faire part des propositions que vous avez défendues à Nairobi, au nom de la France, et nous dire quel bilan vous tirez de cette conférence ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur Lamy, à l’occasion de la conférence de Nairobi, j’ai appelé, au nom du Président de la République, les États parties à prendre des engagements ambitieux pour combattre la menace que fait peser le changement climatique sur la planète.

Les pays ayant ratifié le protocole de Kyoto, y compris les pays en développement, ont reconnu la nécessité de diviser au moins par deux les émissions de gaz à l’échelle mondiale, ce qui est décisif pour la mise en place d’objectifs postérieurs à 2012.

Autre avancée significative : le protocole de Kyoto sera totalement revu en 2008, c'est-à-dire au moment où la France présidera l’Union européenne et pourra donc jouer les premiers rôles dans la révision globale du dispositif.

J’ai également signé deux accords bilatéraux pour favoriser les projets de mécanismes de développement propre, l’un avec la Corée du Sud, l’autre avec le Gabon ; un troisième accord est en cours de négociations avec le Sénégal. Il s’agit de favoriser les investissements propres de nos entreprises dans les pays en développement, ce qui est essentiel, car la réussite de l’ensemble du dispositif passe par un développement durable dans ces pays.

J’ai également défendu le projet de la taxe carbone, annoncée par le Premier ministre le 13 novembre dernier. Cette taxe viserait les importations de produits industriels en provenance des pays qui refuseraient de s’engager sur l’après-2012. Elle a suscité, sachez-le, beaucoup d’intérêt de la part de nos partenaires.

Enfin, à la demande du Président de la République, j’ai annoncé l'organisation à Paris, en février prochain, d’une grande conférence internationale sur l’environnement.

Monsieur le député, le bilan de cette conférence est positif. Beaucoup reste encore à faire, mais la France est entièrement engagée dans ce combat essentiel pour le devenir de la planète. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

cohésion sociale

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, pour le groupe socialiste.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'emploi, du travail, de la cohésion sociale et des solidarités.

Au-delà des déclarations de bonnes intentions pour lesquelles ce gouvernement fait preuve d'un indéniable talent, force est de constater que la politique de cohésion sociale est devenue un véritable miroir aux alouettes, un affichage médiatique qui ne résiste pas à l'épreuve des faits.

Où est en effet la politique de cohésion sociale, quand les associations qui œuvrent dans nos quartiers et nos communes sont en butte aux pires difficultés, à la suite des coupes claires que vous leur avez infligées, leur laissant comme seul recours les collectivités locales ?

Où est la politique de cohésion sociale, quand les CAF se retirent des contrats petite enfance et autres dispositifs d'accompagnement, laissant les élus locaux seuls face aux plans de financement, alors que vous ne cessez de stigmatiser les hausses de la fiscalité locale ?

Où est la politique de cohésion sociale, quand l'État se désengage de la politique d'accès à l'emploi pour nos concitoyens les plus éloignés du marché du travail que sont les allocataires du RMI, laissant les départements assumer seuls les contrats d'avenir en faveur de ces publics ? En effet, vous avez, par une imposture magistrale, décidé de sortir du calcul de la compensation au titre de la TIPP, les RMIstes passant en contrat d'avenir et que, comble de l'absurde, vous annoncez parallèlement une bonification pour les départements qui ont les politiques d'insertion les plus offensives, alors qu'en réalité plus un département signe de contrats d'avenir plus la compensation de l’État diminue.

Monsieur le ministre, entendez-vous enfin cesser cette politique sociale en carton-pâte, dont c’est en réalité le contribuable local qui assume le coût, ou préférez-vous que les élus locaux, las de dénoncer vos impostures, décident purement et simplement de siffler la fin de cette partie de dupes en refusant, pour les départements par exemple, de signer dorénavant tout contrat d'avenir, ce qui aurait pour corollaire de fermer encore davantage les portes du retour à l'emploi pour nos concitoyens les plus fragilisés, que vos politiques laissent sur le bord de la route ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. La caricature est bien loin de la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je vais reprendre les chiffres que vous avez cités, car, à l’évidence, nous n’en faisons pas la même lecture. La cohésion sociale et la politique de la ville, toutes lignes budgétaires confondues, ne bénéficiaient que de 800 millions en 2002, contre 1,6 milliard aujourd’hui.

Vous parlez de recul, alors qu’en réalité, nous avons doublé ces crédits en direction des associations et des habitants des quartiers, qui en bénéficieront sur le terrain, au plus près de leurs préoccupations. Là où vous consacriez 10 millions d’euros au titre de l’article 40, nous sommes aujourd’hui à 120 millions d’euros par an. Nous avons tout simplement changé d’échelle !

M. Augustin Bonrepaux. C’est faux !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. En ce qui concerne le RMI, un partage plus clair des compétences entre l’État et les départements était nécessaire. Le Gouvernement a donc prévu des compensations pour l’ensemble des départements, pour un montant de 4,9 milliards (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste), sans compter la dotation supplémentaire de 500 millions par an, décidée par le Premier ministre. (« Mensonge ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous en prie !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je peux comprendre que ces chiffres vous dérangent !

Pour ce qui est du handicap et du vieillissement, vous vous étiez contentés de lancer des missions et d’élaborer des projets : nous avons eu, nous, le courage d’affecter plus de 400 millions au budget de Philippe Bas pour la petite enfance, et plus de 165 millions d’euros pour le handicap. Voilà la réalité des chiffres (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et nos concitoyens en constateront les effets au quotidien. (Applaudissements sur plusieurs les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

hausse de la TIPP

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Soisson. Je m’adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

La plupart des régions socialistes ont lancé une grande offensive contre le Gouvernement mais aussi contre les Français, en augmentant abusivement les prix du gazole et de l’essence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour quelle raison ?

M. Augustin Bonrepaux. Parce que vous avez décentralisé en masse !

M. Jean-Pierre Soisson. La semaine dernière, M. Bonrepaux nous a expliqué qu’il s’agissait de compenser les effets de la réforme de la taxe professionnelle, votée par le Parlement. Or nous avons voulu protéger les entreprises en limitant cette taxe à 3,5 % du montant de la valeur ajoutée.

M. Augustin Bonrepaux. Vous avez protégé les plus riches d’entre elles !

M. Jean-Pierre Soisson. Cette taxe avait augmenté en Bourgogne de 75 %. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. C’est déraisonnable !

M. Jean-Pierre Soisson. Les régions ont décidé de se servir de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, que l’État a transférée aux régions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), avec une possibilité de modulation des taux à compter de 2007. Ces régions ont augmenté les taux autant qu’elles le pouvaient légalement, poussant abusivement à la hausse les prix de l’essence et du pétrole. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est vous qui en êtes les responsables !

M. Jean-Pierre Soisson. Huit conseils régionaux ont déjà délibéré, dont, hier, celui de Bourgogne, et c’est pourquoi mon collègue Jean-Paul Anciaux s’associe à ma question. Quelle est la réalité, monsieur Bonrepaux ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce que les régions ne peuvent plus prendre aux entreprises par le biais de la taxe professionnelle, elles le prélèvent sur tous les Français.

M. le président. Monsieur Soisson, veuillez poser votre question !

M. Jean-Pierre Soisson. Décidément, vous, les socialistes, vous aimez l’impôt pour l’impôt, et ce, pour la vie entière ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et vous nous le prouvez au fil des textes !

Monsieur le ministre, de quelle façon allez-vous répondre à cette nouvelle offensive socialiste ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – M.Augustin Bonrepaux se lève, quitte sa place et réclame la parole.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux, retournez vous asseoir ! (« Laissez-le répondre ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Soisson. Les gesticulations de M. Bonrepaux m’amusent beaucoup !

M. le président. Je vous en prie, nous ne sommes pas au cirque, mais à l’Assemblée nationale ! Monsieur Bonrepaux, veuillez regagner votre place !

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Soisson, je partage, bien sûr, votre consternation face à cette augmentation abusive de la TIPP. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut savoir que les régions qui l’ont votée vont prélever 500 millions d’euros dans la poche des automobilistes. (« Hou ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Certains nous opposent le coût des transferts de compétences. Or, pour financer ces transferts, l’État a fait un chèque de 1,4 milliard d’euros (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste), correspondant au coût estimé par la commission chargée de leur évaluation. On a ensuite prétendu qu’il fallait financer les personnels des lycées, les fameux TOS. Mais pourquoi les régions dépenseraient-elles plus que l’État, un an plus tard et dans les mêmes conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Ces propos sont scandaleux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme vous l’avez montré, monsieur Soisson, la réalité est très simple : les socialistes, comme les communistes, commencent par augmenter les impôts et ils discutent après ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ils l’ont bien montré avec leurs augmentations scandaleuses de la taxe professionnelle, ce qui nous a conduits à la réformer ! Et, ne l’oublions pas, ils ont fait de même avec la carte grise, qui s’est vue appliquer une hausse de 13 % en 2005 et de 17 % en 2006. Et voilà qu’ils recommencent avec la TIPP ! Ils ne pourront pas continuer éternellement à agir ainsi.

J’appelle votre attention sur la dernière perle de Georges Frêche, président de la région Languedoc-Roussillon. Je le cite : « Ce n’est pas avec des discussions sur le budget et la TIPP que vous influencez l’électeur, qui n’y comprend rien et s’en moque comme de l’an quarante. » C’est un parfait résumé de la pensée socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Quelle insulte !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour ma part, je pense exactement l’inverse. Les contribuables français, qui sont aussi des citoyens, diront un jour ou l’autre leur fait aux socialistes. Et puisqu’on parle de « jurys populaires », commencez donc par Georges Frêche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes un escroc !

M. le président. Monsieur Emmanuelli, calmez-vous !

chômage dans les Ardennes

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe UMP.

Mme Bérengère Poletti. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’industrie et, s’agissant du département des Ardennes, j’y associe Jean-Luc Warsmann.

Dans ce département, ce sont mille emplois qui ont été perdus en quelques mois et mille autres qui sont aujourd’hui en danger, alors que le taux de chômage, à 13 %, dépasse la moyenne nationale depuis des décennies. Chaque jour, trois habitants quittent notre département. Les Ardennes traversent une nouvelle fois une crise économique majeure. Autrefois, nous avons dû affronter des crises industrielles importantes touchant le textile et la fonderie, crises qui avaient trouvé une réponse dans le développement du secteur de l’équipement automobile.

On voit aujourd’hui la fragilité de ce secteur, soumis à une concurrence impitoyable. Dans un tel contexte, comment répondre à l’inquiétude justifiée des Ardennais ? Les 320 salariés des ateliers Thomé-Génot, récemment touchés par la crise, se sont vu proposer d’entrer dans le dispositif ambitieux du contrat de transition professionnel, expérimenté dans une partie du département. Certes, ils vont bénéficier d'un encadrement important, du maintien de leur salaire, de formation et d’un suivi individualisé. Mais, dans cette épreuve, c’est une véritable solidarité nationale que les Ardennais espèrent…

M. Jacques Desallangre. Ils peuvent compter sur vous, comme d’habitude !

Mme Bérengère Poletti.…un nouvel élan, un plan ambitieux et réaliste, pour développer rapidement de nouvelles entreprises. L'économie ardennaise doit en effet se diversifier.

Les Ardennaises et les Ardennais nous écoutent et attendent des mesures qui leur redonneront l'espoir. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer celles que vous pouvez déjà leur proposer, dans l’attente du plan de redynamisation mis à l’étude par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Madame la députée, votre département des Ardennes souffre…

M. Henri Emmanuelli. Dites plutôt qu’il est sinistré !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.…car, après les difficultés du textile et de la fonderie, sont venues celles du secteur de l’équipement automobile. Le conseil général, les parlementaires et le Gouvernement se sont mobilisés et des réponses ont déjà été apportées. Parmi les sept sites de contrats de transition professionnels, figure le secteur de Charleville-Mézières. Des contrats territoriaux, pour un montant de 45 millions d’euros, ont été préparés l’an passé, et deux importants dossiers de l’ANRU concernent Charleville-Mézières et Sedan.

Nous avons vécu ensemble les difficultés auxquelles ont été confrontés les ateliers Thomé-Génot. Je vous rappelle la longue réunion qui s’est tenue le 10 novembre dernier – elle a duré plus de trois heures…

M. Maxime Gremetz. Quel en est le résultat ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.…où, ensemble, nous avons évoqué l’objectif fixé, avec l’aval du Premier ministre, de Thierry Breton et de François Loos : « zéro chômeur en douze mois » ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Ce sont les repreneurs américains qui vous ont promis cela ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Hier soir, nous avons abouti à un accord entre toutes les parties, grâce à la mobilisation de l’ensemble des collectivités territoriales et de l’État. Plus largement, priorité sera donnée à l’élaboration d’un plan de redynamisation des Ardennes. François Loos a désigné M. Pierre-François Couture comme délégué spécial à la redynamisation économique des Ardennes et vous signerez avant la fin de l’année un contrat avec l’Agence française pour les investissements internationaux. Le Premier ministre nous a autorisés à préparer, avec le conseil général, pour le prochain CIACT, ce plan de revitalisation du territoire. La mise en service du TGV Est, l’année prochaine, et les liaisons autoroutières vers le Benelux, contribueront à la revitalisation des Ardennes.

Un mot, enfin, sur le secteur de l’automobile et des équipementiers, qui souffre dans notre pays. À la demande du Premier ministre, le Gouvernement s’attache à définir un ambitieux plan de soutien à ces activités, que nous présenterons, avec l’ensemble des professionnels et des constructeurs français, dans les prochaines semaines. Dans ce domaine comme dans les autres, il n’y a pas de fatalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Sapeurs-pompiers

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste.

M. Bernard Derosier. Monsieur le président, vous avez eu raison de rappeler que nous participons à une séance de questions au Gouvernement. Mais vous devriez dire à nos collègues qu’il ne s’agit pas d’interpeller les députés socialistes.

M. le président. Je l’ai indiqué, monsieur Derosier.

M. Bernard Derosier. Et je vous en remercie.

Il n’appartient pas aux membres du Gouvernement de se défouler sur les présidents socialistes des régions parce qu’ils sont incapables de justifier leur politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) M. Copé aurait dû avoir l’honnêteté de rappeler ce dont il se glorifiait il y a quelque temps, à savoir que c’est le gouvernement de M. Raffarin qui a permis aux collectivités territoriales d’utiliser la TIPP pour accroître leurs recettes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’en viens à ma question, qui s’adresse à M. le Premier ministre. Les sapeurs-pompiers professionnels sont en grève et ils manifestent aux portes de notre assemblée. Vous avez une lourde responsabilité dans le déclenchement de ce mouvement, monsieur le Premier ministre. En effet, en juillet dernier, vous avez instauré une nouvelle bonification indiciaire que les départements et les conseils généraux auraient dû payer sans compensation. Vous n’aviez pas mesuré les conséquences financières de votre décision et vous avez dû l’annuler, ce qui a provoqué la colère des sapeurs-pompiers professionnels, car, dans le même temps, monsieur le Premier ministre, vous n’avez donné aucune suite à la reconnaissance de la dangerosité de leur métier, telle qu’elle figure pourtant dans la loi de 2004. Votre ministre de l’intérieur fait de belles déclarations devant les sapeurs-pompiers, mais il est incapable de traduire ses paroles en actes pour satisfaire leurs légitimes revendications. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Démago !

M. Bernard Derosier. Les représentants syndicaux ont été reçus il y a quelques jours par le ministre des collectivités locales, mais il n’est rien ressorti de ces discussions.

Ma question est simple. Comment allez-vous sortir de l’impasse dans laquelle vous vous êtes fourvoyé ? Comment allez-vous compenser les conséquences financières de vos décisions pour éviter qu’elles ne pèsent, une fois de plus, sur les contribuables locaux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Hortefeux, halte au feu !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Je rappelle que les sapeurs-pompiers se divisent en trois groupes : les 11 800 pompiers militaires de Paris et de Marseille ; les 204 000 pompiers bénévoles que l’on côtoie quotidiennement dans les zones rurales…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Volontaires, pas bénévoles !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …– volontaires et bénévoles – ; et les 36 000 pompiers professionnels auxquels vous faites allusion.

Je tiens d’ailleurs à rendre hommage, car il me semble que vous avez oublié de le faire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) à leur sang-froid et à la qualité de leur engagement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Donnez-leur plutôt des sous !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je rappelle que onze d’entre eux ont péri au feu cette année.

Que veulent les organisations syndicales ? Trois choses : une bonification indiciaire, l’application du protocole Jacob et l’ouverture de discussions sur la fin de carrière.

Que leur avons-nous proposé ?

M. Christian Paul. Rien !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Si vous le pensez, c’est que vous êtes très mal informé, y compris par vos propres amis, car le président de l’Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton, est inclus dans ce « nous ». En sa présence et en celle du président de la conférence nationale des services d’incendie et de secours, Éric Doligé, nous avons proposé aux représentants des sapeurs-pompiers le rétablissement de la nouvelle bonification indiciaire et son extension à 50 % de sapeurs-pompiers supplémentaires – ce qui n’est pas négligeable –, une réévaluation de leur échelle indiciaire et l’ouverture de discussions sur la fin de carrière. Ni M. Lebreton, ni M. Doligé, ni moi ne pouvions aller plus loin, et les discussions ont effectivement été suspendues.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas M. Lebreton qui est en cause, c’est vous, et vos promesses !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Mais il est une chose que vous ne pouviez pas savoir : ce matin, une organisation syndicale importante m’a proposé, sans doute au nom de l’intersyndicale, la reprise des négociations. J’y suis prêt, comme le sont Claudy Lebreton et Éric Doligé. Ma porte est ouverte, à condition que soient mises sur la table la situation particulière des sapeurs-pompiers et la préservation du service public, et que l’on n’oublie pas que ce sont les contribuables qui, au bout du compte, assumeront le coût des mesures nouvelles. Ces trois critères sont indissociables, car réduire les inégalités ne doit pas conduire à créer plus d’injustice. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ITER

M. le président. La parole est à Mme Maryse Joissains-Masini, pour le groupe UMP.

Mme Maryse Joissains-Masini. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche et concerne un projet fédérateur. La Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, l’Inde, le Japon, la Russie et l’Union européenne ont en effet signé, ce matin à l’Élysée, le traité ITER, projet de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire doté d’un budget de plus de 10 milliards d’euros, qui vise à fournir dans plusieurs décennies une énergie propre et illimitée.

Plusieurs années de négociations internationales ont abouti, en juin 2005, au choix du site de Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, pour implanter le réacteur. Sa construction devrait commencer en 2008 et s’achever dans une dizaine d’années, la mise en exploitation étant attendue pour 2018.

Comme l’a souligné ce matin le Président de la République, ce projet est une main tendue aux générations futures, un geste de solidarité et de responsabilité, une victoire de l’intérêt général. Le choix du site de Cadarache, qui se trouve dans ma circonscription, témoigne quant à lui de la qualité et de la compétitivité de nos équipes et de notre environnement.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles seront les retombées de ce traité sur la recherche française et sur notre économie, notamment en termes d’emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le traité qui a été signé ce matin à l’Élysée revêt en effet une importance considérable. D’abord, en raison de l’enjeu économique qu’il représente pour votre région. La construction du réacteur nécessitera en effet plus de 5 milliards d’euros et générera 1 900 emplois directs et indirects. Son fonctionnement fera l’objet d’investissements de même ampleur et entraînera la création d’environ 3 500 emplois. Ensuite, parce que pour la première fois, l’Union européenne et six autres pays, rassemblant plus de la moitié de la population mondiale, ont mis leurs moyens en commun pour explorer une piste de recherche porteuse d’espoirs extraordinaires. Ce qui est en jeu, c’est en effet l’énergie de demain, une énergie inépuisable qui ne générerait ni gaz à effet de serre ni déchets d’aucune sorte.

Comment avons-nous réussi à obtenir l’implantation d’ITER à Cadarache ? Grâce à l’Europe, d’abord, dont l’influence a été décisive face aux États-Unis et au Japon. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Grâce à l’excellence de la recherche française ensuite : si elle n’avait pas été jugée comme une des plus performantes au monde dans ce domaine majeur de la recherche contemporaine, jamais ITER n’aurait été implanté sur notre sol. C’est donc une victoire pour notre pays, une victoire pour l’Europe, mais aussi une victoire pour l’avenir du monde ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

pôles de compétitivité dans le secteur aÉronautique

M. le président. La parole est à M. Hugues Martin, pour le groupe UMP.

M. Hugues Martin. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, Aerospace Valley fait partie des six pôles de compétitivité mondiaux labellisés par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 12 juillet 2005. Dédié à l’aéronautique, l’espace et les systèmes embarqués, et employant près de 94 000 salariés, ce pôle joue un rôle essentiel dans le développement des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. Il permet au Sud-Ouest de rester au premier rang mondial dans le secteur de l’aéronautique civile, de renforcer sa place de leader européen pour les avions militaires et l’espace et d’innover en matière de systèmes embarqués. Son développement est déterminant pour l’avenir de la filière aéronautique, qui affronte une période difficile.

Or son avenir se voit menacé par un projet concurrent nommé ASTECH : il s’agirait de constituer, cette fois en Île-de-France, un autre pôle de compétitivité généraliste et de rang mondial dans le domaine de l’aéronautique et de l’espace. Une labellisation d’ASTECH irait à l’encontre de la logique industrielle qui a présidé à la création des pôles de compétitivité.

M. Jean Glavany. Il a raison !

M. Hugues Martin. La coexistence, sur notre territoire national, de deux pôles mondiaux regroupant les mêmes secteurs d’activité aurait en effet pour conséquence de réduire leur visibilité internationale et, à terme, de faire perdre à Aerospace Valley sa place de leader et d’acteur incontournable sur la scène internationale.

Elle conduirait en outre à aggraver la dépendance des établissements provinciaux par rapport à leurs sièges parisiens, en totale contradiction avec l’esprit de notre politique de décentralisation et d’aménagement du territoire.

Pourquoi, monsieur le ministre, créer un nouveau pôle de compétitivité mondial s’il risque de porter préjudice à l’emploi et de nuire au rayonnement international de notre industrie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, …

M. le président. Vous avez failli dire « monsieur le président » … Ce n’est pourtant pas dans vos habitudes !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le président, …

M. le président. Merci, j’attendais ce moment !

Mme Nadine Morano. C’est archinul !

Mme Martine David. C’est un véritable rappel à l’ordre !

M. Jean Glavany. Ça chauffe entre sarkozystes et chiraquiens !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Hugues Martin, avec la candidature d’ASTECH se pose cette question simple : la France peut-elle se permettre d’avoir deux pôles de compétitivité dans l’aéronautique et l’espace, impliquant les mêmes groupes industriels et développant les mêmes projets de recherche ?

M. Jean Glavany. La réponse est non !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Loin de toute posture idéologique (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), je suis favorable à tout projet innovant susceptible de renforcer la position de la France dans la compétition internationale. Mais je suis opposé à ceux qui entraîneraient une dispersion des initiatives et des financements et, à terme, à un désengagement des acteurs concernés.

M. Jean Glavany. Pour une fois qu’il dit quelque chose d’intelligent !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avec Aerospace Valley, une formidable synergie a été trouvée entre les centres universitaires, les laboratoires de recherche publics et privés, les grands groupes industriels tournés vers l’innovation et les centaines de PME qui contribuent à l’attractivité de l’Aquitaine et de la région Midi-Pyrénées. Ce pôle est ainsi devenu un leader dans le domaine de l’aéronautique. Je l’ai expliqué à ceux qui portent le projet ASTECH en Île-de-France : le Gouvernement est favorable à une mise en réseau, à une complémentarité, mais il s’oppose à ce que deux pôles de compétitivité soient en concurrence. Je vous confirme ce que j’ai dit au maire de Toulouse, à celui de Bordeaux, au président de la communauté d’agglomération du Grand Toulouse, M. Douste-Blazy, ou au président de la région Midi-Pyrénées, Martin Malvy : Aerospace Valley restera le seul pôle aéronautique mondial de France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Très bien !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

loi de finances pour 2007

Explications de vote et vote
sur l’ensemble d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2007.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, avec Thierry Breton, nous vous adressons nos remerciements. La discussion parlementaire sur le projet de loi de finances pour 2007 s’est achevée dans la nuit de vendredi à samedi. Souvent passionnante – et à certains moments passionnée, ce qui est légitime –, elle a été pour nous l’occasion de faire ensemble le point sur les grandes orientations budgétaires qui caractériseront l’année à venir. Sur ce point, je remercie tout particulièrement le président Pierre Méhaignerie et le rapporteur général, Gilles Carrez, pour leur contribution extrêmement précieuse. J’associerai l’ensemble des parlementaires de la commission des finances qui ont été, comme il se doit, aux premières loges, et dont les observations et aussi les critiques ont, à l’évidence, permis d’enrichir cette discussion.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ils n’ont toutefois fort heureusement pas renchéri la dépense publique, ce dont je me réjouis !

Pour la première fois, en effet, Thierry Breton et moi avons présenté un projet de loi de finances avec un déficit en baisse, puisqu’il s’élèvera à 41,7 milliards, soit une réduction de 5,3 milliards par rapport au solde de 2006 et surtout plus de 15 milliards d’euros de mieux qu’en 2003. Quant à la dette, elle diminuera d’un point en 2007 après avoir baissé de deux points cette année. Elle représentera, en conséquence, 63,6 % du PIB. Les impôts diminuent tout comme la dépense publique. Pour la première fois, la dépense de l’État va baisser…

M. Patrick Roy. Et le moral des Français aussi !

M. le président. Monsieur Roy, vous n’avez pas la parole.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …non pas du fait de décisions idéologiques, mais notamment des audits que nous avons fait réaliser ministère par ministère.

Enfin, Thierry Breton et moi avons été très attentifs à un certain nombre de demandes formulées par votre assemblée. Je pense, en particulier aux 110 millions dégagés au profit des anciens combats des ex-territoires français et, dans un autre registre, aux 100 millions d’euros de crédits dégagés pour le FNADT, après les 25 millions débloqués au mois d’août dernier, pour répondre aux préoccupations des élus locaux.

Je n’oublie pas non plus que 2007 est l’année de la mise en œuvre d’une très grande réforme fiscale, laquelle concerne la taxe professionnelle, l’impôt sur le revenu et la fiscalité sur les plus-values. Nous avons, ainsi, sur l’ensemble de la mandature, largement modifié le paysage fiscal français en allégeant les impôts d’État, mais aussi et surtout, en modernisant notre système fiscal, ce qui est de nature à créer les conditions de la croissance économique à son rythme actuel, bon indicateur pour le moral des Français, monsieur Roy, mais aussi pour la consommation, l’investissement et les exportations. Ce n’est pas à vous que je rappellerai, car je sais que vous vous en réjouissez, même si vous ne partagez pas les mêmes opinions politiques, que la croissance continue d’augmenter de manière ininterrompue depuis maintenant de très nombreux trimestres, jusqu’à ce troisième trimestre au cours duquel nous avons dû observer une pause assez compréhensible au regard de la situation économique globale.

Nous avons eu à cœur, sur tous ces sujets, de faire bouger les lignes et de veiller scrupuleusement à rester cohérents avec nos valeurs : celles de la bonne gestion, de l’esprit de responsabilité et surtout de l’efficacité publique. En effet, les Français attendent que nous parvenions ensemble aux résultats. Cela tombe très bien, car, dans quelques mois, à l’occasion des élections présidentielles, nous pourrons, à travers ce budget, démontrer que l’on peut mieux gérer l’administration publique tout en diminuant la dépense de l’État, les impôts, en maîtrisant les déficits, et naturellement, en désendettant le pays, bref en travaillant pour l’avenir de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, mes chers collègues, le projet de budget pour 2007, que la commission des finances vous invite à voter, est un bon et même un excellent budget. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il met en œuvre les principes de bonne gestion que nous avons dégagés au cours de cette législature et qui garantissent une exécution sans surprise : la fiabilité, la prudence des prévisions de recettes ; le strict respect du plafond de dépenses que nous avons voté ; enfin, la réduction constante et systématique du déficit, en particulier grâce à l’affectation obligatoire des éventuels surplus de recettes liés à la croissance.

Si, comme je le souhaite, nous maintenons ces principes au cours de la prochaine législature, le déficit du budget de l’État sera à zéro en 2012. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cet objectif est absolument indispensable pour l’avenir de nos finances publiques.

Le projet de budget pour 2007 marque une nouvelle étape dans la maîtrise des dépenses publiques, laquelle se limite à 0, 8 %, soit, en termes de progression, 1 % de moins que l’inflation.

M. Patrick Roy. On n’a pas dû lire le même texte !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je tiens, de plus, à souligner à quel point nous devons, pour l’ensemble de nos finances publiques, dégager dès à présent des marges de manœuvre, pour provisionner dès maintenant les effets du vieillissement inéluctable de la population. Et, chers collègues, ce n’est absolument pas faire de l’idéologie que de le rappeler. C’est de la simple lucidité.

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne vous en apercevez que maintenant ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est même un engagement moral, comme le précisait à l’instant M. le ministre, vis-à-vis des générations qui nous suivent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous auriez pu y penser il y a cinq ans !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, c’est un bon budget en matière fiscale, puisqu’il confirme les deux réformes importantes : celle de l’impôt sur le revenu et celle de la taxe professionnelle, qui permettront de renforcer la compétitivité de nos entreprises…

M. Augustin Bonrepaux. Et vous asphyxiez les collectivités locales !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et l’activité de nos concitoyens dans un véritable souci de justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En résumé, je serai tenté de faire une comparaison. Ce dernier budget de la législature est l’exacte antithèse du budget de 2002 et c’est tout à l’honneur de notre majorité ! C’était indispensable au redressement de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avons tout fait pour éviter qu’en 2007 se reproduisent les effets du budget calamiteux de 2002 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux. On verra l’année prochaine !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …à l’origine du dérapage durable de nos finances publiques !

Je tiens enfin, messieurs les ministres, à saluer la qualité du travail accompli ensemble, votre sens du dialogue, votre ouverture puisqu’un certain nombre d’amendements d’origine parlementaire ont été adoptés. Je remercie vos collaborateurs pour leur participation, leur disponibilité, et la qualité de leur travail. Je voudrais également remercier tous les collègues pour leur présence et, en particulier le président Méhaignerie, ainsi que Michel Bouvard, très actif dans tous les débats diurnes et nocturnes. Je remercie également les présidents de séance qui ont veillé à ce que nos différents débats dans cet hémicycle soient constructifs et se déroulent harmonieusement. Merci enfin à la presse qui a rendu compte de nos travaux et à l’ensemble des services de l’Assemblée.

La commission des finances vous invite, bien entendu, à voter cet excellent budget. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Hervé Mariton. Le groupe de l’Union pour un mouvement populaire approuvera volontiers le projet de budget pour 2007 qui définit des priorités et sert une volonté politique qui répond aux besoins du pays.

Il poursuit, en l’amplifiant, la politique que nous menons en faveur de l’emploi et dont nous mesurons les résultats depuis 2006. Il en va de même dans le domaine de la recherche, des infrastructures et, plus largement dans celui de la recherche de la compétitivité des entreprises de notre pays. Les engagements des lois de programmation sont tenus, particulièrement en matière de sécurité et de défense.

Ce budget de confiance est crédible et crée, lui-même, un climat de confiance. Il est prudent, car l’amélioration de la conjoncture reste encore fragile. Comme en témoigne ce projet de loi de finances, le chemin à parcourir est encore long.

S’agissant de la maîtrise de la dépense, des efforts ont été réalisés, mais force est de constater, lorsque l’on regarde les documents budgétaires transmis par les différents ministères, que la tentation de répondre aux problèmes en augmentant la dépense est toujours présente et qu’il reste beaucoup à faire. C’est une question de politique budgétaire, de choix politique. Tout ne se résout pas par la dépense publique. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour la réforme fiscale aussi, le cap a été tenu, y compris pour la taxe professionnelle, ce qui n’a pas été simple, la réforme de l’imposition forfaitaire annuelle permettant d’exonérer 65 000 petites entreprises.

Le projet de budget pour 2007 démontre notre capacité à baisser les prélèvements obligatoires. C’est notre choix politique, et il faut poursuivre dans cette voie.

Au total, la baisse des déficits nous permettra assez rapidement d’atteindre le déficit stabilisant puis l’équilibre de nos finances publiques, ce qui est un objectif normal même s’il paraît encore ambitieux.

Pour la dette, des progrès ont été réalisés, acte en soit donné au Gouvernement, même si un certain nombre de questions doivent être encore résolues, et je pense aux enjeux de la dette ferroviaire.

Le progrès de notre politique budgétaire se démontre dans la durée, et, à droite comme à gauche, on doit pouvoir en convenir. C’est l’enjeu de la mise en œuvre de la LOLF, exigence maintes fois rappelée par Michel Bouvard. Si ambitieux soient les changements que nous avons voulus, on peut voir, au-delà des clivages politiques, qu’il n’y a pas de grand chambardement, mais des progrès constants à réaliser, s’agissant en particulier de la politique de performance. On le verra davantage encore dans les budgets à venir. En tout cas, l’exigence de la performance dans l’exécution budgétaire doit toujours être rappelée.

Un long chemin a été accompli depuis 2002. L’exécution budgétaire de 2006 est une exécution de qualité, qui témoigne de la qualité de la préparation du budget pour 2007.

À ce moment de la législature, après avoir traversé des années de conjoncture internationale difficile et alors que nous savons combien les contraintes internes sont fortes, mesurons que les budgets que nous avons votés au fil de la législature auront contribué à mettre le pays en mouvement et à répondre aux problèmes des Français.

Comme le disait fort justement à l’instant le rapporteur général, ce que nous pouvons tout simplement mais assez fièrement constater, c’est que la situation de notre pays est meilleure que celle que la précédente majorité nous avait laissée.

M. Patrick Roy. Les Français ne s’en rendent pas compte !

M. Hervé Mariton. Par conséquent, très simplement, très volontairement et, au fond, assez fièrement, le groupe UMP votera le budget qui lui est proposé pour 2007. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Messieurs les ministres, nous parvenons aujourd’hui à la fin d’un exercice convenu, trop convenu sûrement, et la procédure d’examen du projet de loi de finances initiale nous paraît de plus en plus dépassée. Je suis de ceux qui pensent que nous ne pouvons pas exiger de l’État plus de transparence, de visibilité et d’efficacité sans réformer nous-mêmes profondément nos méthodes de travail, et il faut reconnaître que, de ce point de vue, notre assemblée dispose d’une marge de progression immense. Nous disposons d’un certain nombre de pouvoirs, nous les exerçons peu, et je crois que nous manquons tous de volonté.

Ce budget est-il aussi bel et bon que vous le dites ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui !

M. Didier Migaud. Non, malheureusement, et ce sera la raison de notre vote.

Ce budget confirme et accentue la politique conduite depuis juin 2002, qui est à la fois ultralibérale, injuste et inefficace, qui accentue profondément les inégalités entre nos concitoyens et qui, d’une certaine façon, a amputé leur pouvoir d’achat. La pression fiscale, contrairement à ce que vous annoncez, a plutôt augmenté pour un grand nombre de nos concitoyens. Certes, elle a baissé pour quelques milliers d’entre eux, mais au détriment du plus grand nombre.

La croissance française patine depuis 2002, alternant le pire, en 2002, avec le médiocre ou le passable. Au mieux, la France atteint son potentiel, sans jamais le dépasser, à l’inverse de ce qui s’est passé sous la précédente législature et, monsieur le ministre de l’économie et des finances, nous ne pouvons pas être satisfaits de la réponse que vous nous avez donnée sur les mauvais résultats de la croissance au troisième trimestre de 2006. Si nous comparons nos résultats à ceux obtenus par nos principaux partenaires, nous sommes très en deçà de la moyenne européenne.

La discussion budgétaire a peu changé le projet de budget que vous nous avez présenté. Sur le problème de la cristallisation des pensions d’ailleurs, la projection d’un film ou l’intervention de l’épouse du Président de la République ont peut-être eu davantage d’impact que les propos que nous avons tenus à l’Assemblée nationale…

M. Jacques Godfrain. Respectez les anciens combattants !

M. Didier Migaud. …et, d’une certaine façon, on peut le regretter.

Je crois que la discipline s’est imposée avec beaucoup de force au groupe UMP, monsieur le ministre du budget. Vous avez même refusé un certain nombre d’assouplissements nécessaires à la mauvaise réforme de la taxe professionnelle, alors même que beaucoup de membres de la majorité en voient les effets extrêmement négatifs et pervers sur le terrain, ce qui ne va pas sans poser des problèmes à un grand nombre de collectivités territoriales. Vous avez refusé des solutions proposées par le président de l’Association des maires de France. Je pense que ce refus était particulièrement mal venu.

Sur les recettes, j’ai déjà dit l’essentiel en évoquant la concrétisation de la réforme de l’impôt sur le revenu votée l’année dernière. On enregistre de nouvelles baisses de l’impôt sur le revenu, et de l’impôt de solidarité sur la fortune, particulièrement ciblées sur un petit nombre de nos concitoyens.

Quant aux dépenses, le groupe socialiste a démontré que nous n’avions pas tout à fait les mêmes priorités, monsieur le ministre. Il y a beaucoup de maquillage et d’affichage dans le projet que vous nous présentez. Des députés de la majorité comme de l’opposition ont pu démontrer que la dépense augmentait en fait beaucoup plus que vous ne le disiez et que, sans les artifices auxquels vous avez eu recours, le résultat ne serait pas celui que vous présentez.

Au niveau des priorités, nous regrettons l’insuffisance des crédits en direction du logement, du transport, de la politique de la ville, de l’aménagement du territoire, de l’emploi, autant de secteurs que nous considérons comme essentiels.

Nous savons parfaitement que ce budget n’a pas vocation à être exécuté. Nous souhaitons bien sûr que, grâce à l’alternance, une nouvelle majorité le corrige, en présentant sans tarder un collectif budgétaire, pour introduire plus de justice fiscale.

Pour toutes ces raisons, messieurs les ministres, le groupe socialiste votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale le scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de finances.

Pour le groupe UDF, la parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’issue du débat sur la cinquième et dernière loi de finances de la législature, le groupe UDF porte un quadruple diagnostic sur cinq années de gestion des finances publiques.

Premier constat : le secteur public en général et l’État en particulier continuent à dépenser trop.

En cinq ans, le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale se sera accru de plus d’un point de la richesse nationale, portant la France au deuxième rang des pays développés avec encore 52,9 % de la richesse nationale consacrés à la dépense publique en 2007 contre 51,6 % en 2001. Alors que les grands pays développés réduisaient le poids de leurs dépenses publiques, la France continuait à l’aggraver et ne commençait à le réduire, lentement, que les deux dernières années.

Les dépenses de l’État n’augmentent pas, comme le prétend le Gouvernement, de 0,8 % en 2007, soit 2,2 milliards, mais de 2,9 %, soit de 10,5 milliards, si l’on tient compte des prélèvements sur recettes, des dégrèvements et remboursements sur tiers, des débudgétisations, des fonds de concours et des dépenses fiscales.

Même les effectifs publics n’ont pas diminué entre 2001 et 2006, puisque la réduction de 5 000 à 6 000 emplois par an dans le budget de l’État a été compensée par la création de 10 000 à 11 000 emplois par an dans les organismes dépendant de l’État. En 2007, la prévision de réduction de 15 000 emplois dans le budget de l’État, ce qui était un progrès, puisque c’était presque trois fois plus que la moyenne des quatre années précédentes, est compensée aux deux tiers par plus de 10 000 créations d’emplois dans les organismes dépendant de l’État.

Deuxième constat : en dépit de baisses d’impôt financées à crédit et socialement déséquilibrées, la pression fiscale et sociale s’est accrue de presque un point de richesse nationale. Elle est passée de 42,8 % de la richesse nationale en 2001 à 43,7 % en 2007. En fait, le Gouvernement n’a pas baissé les impôts et cotisations sociales, il a freiné une hausse spontanée très forte.

Troisième constat : la réduction des déficits publics n’a pas constitué une priorité pour le Gouvernement.

Comme le rapport Carrez l’a montré, seulement 6 % des plus-values de recettes fiscales ont été consacrées à la réduction des déficits entre 2002 et 2007. Globalement, les déficits publics ne se réduisent que très lentement, de l’ordre de 2 milliards par an : 50 milliards en 2005, 48 en 2006 et 46 en 2007. Le déficit prévisionnel de l’État, avec 41,6 milliards en 2007, est pour plus de la moitié un déficit de fonctionnement. Avec un tel rythme, il faudra encore vingt-trois ans pour revenir à l’équilibre.

Quatrième constat : la dette publique ne cesse de croître.

De 2001 à 2005, le poids de la dette dans la richesse nationale n’a cessé de progresser, pour atteindre 66,6 %. La baisse de deux points en 2006 sera entièrement imputable à 35 milliards d’euros de cessions d’actifs et d’opérations de trésorerie et non à la réduction des déficits publics. En 2007, les deux tiers de la réduction, faible, d’un point de richesse nationale, seront dus à 18 milliards de cessions d’actifs et d’opérations de trésorerie. On est bien loin du respect de nos engagements européens.

Face à ce quadruple constat, l’UDF rappelle, à temps et à contretemps, que seule la réalisation des quatre grandes réformes – assurance maladie, retraites, État et collectivités territoriales –, est susceptible de permettre le redressement à moyen terme des finances publiques. Fidèle aux engagements qu’elle a pris devant les électeurs en 2002 de réduire les dépenses publiques, les déficits, la pression fiscale et sociale et l’endettement public, elle ne votera pas, pour la deuxième fois, le projet de loi de finances. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un débat budgétaire qui aura permis de démontrer que le Gouvernement conduit une politique en complète inadéquation avec les exigences et les urgences de la vie de millions de nos concitoyens.

Le résultat de vos cinq années de gouvernement ce sont : une aggravation sans précédent des inégalités, une précarité accrue, un endettement supplémentaire des ménages. En face, il y a l’insolent enrichissement d’une caste de nantis, à laquelle vous réservez l’essentiel des cadeaux fiscaux. Ainsi, en cinq ans, vous aurez fait 23 milliards d’euros de cadeaux aux plus riches, soit l’équivalent de la moitié du déficit budgétaire. La Cour des comptes elle-même a relevé que l’essentiel des allégements fiscaux a bénéficié à une toute petite minorité de Français, les plus aisés.

Dans le même temps, vous avez augmenté les impôts les plus injustes tels que la CSG, les taxes et forfaits de toute nature, sans parler des hausses de prix qui ont alourdi les dépenses obligatoires des ménages, comme l’énergie, le logement et les médicaments, dont beaucoup ont été déremboursés.

Les transferts de charges vers les collectivités locales, sans contreparties financières suffisantes, ont, quant à eux, accru une fiscalité locale particulièrement injuste. Lisez à ce sujet le rapport du sénateur UMP Doligé, il en fait la démonstration. Vous avez, de fait, contribué à l’aggravation des prélèvements obligatoires de 0,6 % en cinq ans, en déplaçant les prélèvements des plus riches vers les couches moins aisées et les couches moyennes.

Vous êtes les champions du gaspillage de l’argent public. C’est la Cour des comptes qui le dit lorsqu’elle explique que, sur les 20 milliards d’euros de cadeaux de cotisations sociales patronales, 17 milliards ne servent à rien pour l’emploi.

M. Michel Bouvard. C’est la conséquence des 35 heures !

M. Jean-Claude Sandrier. Voilà un exemple parmi d’autres du gaspillage que vous faites de l’argent public !

Le transfert de l’argent public vers la sphère privée a un coût social terrible : l’État est devenu le plus grand casseur d’emplois et il dégrade les services publics. Par ailleurs, le nombre de RMIstes a augmenté de plus de 10 %. En 2005, ce sont 100 000 personnes de plus qui ont dû percevoir les minima sociaux. La précarité de l’emploi a augmenté de 10 % en deux ans et le pouvoir d’achat des salariés ne cesse de diminuer depuis trois ans. En dix ans, le SMIC a certes été multiplié par deux, mais les dividendes l’ont été par neuf. Quant au nombre de retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté, il a augmenté de 63 % sur la même période.

Vous invoquez la dette pour freiner les revendications des salariés. Or, la dette, c’est vous qui l’avez accrue de huit points en quatre ans. Rappelons que, malgré tout, elle reste inférieure à celle des pays de la zone euro et de l’OCDE.

Enfin, il y a une autre vérité qui vous fâche, c’est lorsque nous disons que vous oubliez une masse considérable de ressources sous-fiscalisées. La revue Capital du mois dernier nous explique que les profits croissent plus vite que les salaires, l’inflation et le PIB, et que les dividendes croissent davantage que les profits. En plus, ils sont moins taxés que les salaires. Voilà la réalité ! On ne peut pas mieux décrire le parasitisme d’une caste qui s’enrichit sur le travail du plus grand nombre, sans commune mesure avec l’évolution des richesses du pays.

M. Maxime Gremetz. Écoutez bien !

M. Jean-Claude Sandrier. Tout est subordonné au dogme de l’élite politico-financière du libre-échange, ce qui est dévastateur.

Oui, de l’argent, il y en a, et il coule à flots ! Il est temps de taxer les plus-values boursières, à commencer par celles, scandaleuses, de Total – cela rapporterait 20 milliards d’euros. Il est temps de taxer, à 1 %, les actifs financiers, qui ont augmenté de 107 % en dix ans – cela rapporterait 35 milliards d’euros – et de réorienter les 20 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales gaspillés.

Oui, de l’argent, il y en a pour le pouvoir d’achat, l’emploi, la recherche, l’éducation, la protection sociale et 1’environnement, bref tout ce qui, en accroissant les capacités humaines, fait progresser les richesses réelles d’un pays, assure sa croissance et son efficacité économique et soutient l’emploi. Mais, cette année encore, les moyens consacrés à l’emploi, au logement, à l’éducation, aux transports sont en baisse. Le décalage entre vos discours et la réalité est abyssal.

Je n’en donnerai que deux exemples concrets. À l’heure de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées, quelle décision majeure avez-vous prise ? Celle de réduire brutalement de 20 % les crédits alloués à la rémunération des stagiaires des centres spécialisés.

Par ailleurs, l’État se désengage du financement de L’AFPA – l’Association pour la formation professionnelle des adultes – en totale contradiction avec les engagements pris par l’État et les affirmations du Premier ministre.

Messieurs les ministres, nous voterons contre ce budget (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui creuse les inégalités et qui, pour tenter de faire oublier les cadeaux aux riches, cherche à opposer entre elles les différentes catégories sociales que votre politique pénalise.

Nous appelons nos concitoyens à se rassembler pour une autre répartition des richesses, pour une politique nouvelle de justice fiscale et de progrès social.

Devant ce flot d’argent, au profit de quelques-uns, ce n’est pas le moment d’en rabattre, il faut au contraire promouvoir une nouvelle politique de gauche qui soit à la hauteur des attentes et des besoins de l’immense majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je vais mettre aux voix par scrutin public l’ensemble du projet de loi de finances pour 2007.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté l’ensemble du projet de loi de finances pour 2007.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

prévention de la délinquance

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur – cher Philippe Houillon –, monsieur le rapporteur pour avis – cher Jean-Michel Dubernard –, mesdames et messieurs les députés, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui est l'expression d'une conviction : la France a besoin d'une véritable politique de prévention de la délinquance.

Ne nous cachons pas la vérité : en dépit des actions engagées et des efforts consentis depuis trente ans, par tous les gouvernements, il reste beaucoup à faire pour que la violence recule sur l'ensemble de notre territoire.

Je le dis d'autant plus fermement que nous avons engagé, depuis quatre ans et demi, un effort sans précédent pour la sécurité des Français. Nous avons obtenu des résultats incontestables et incontestés. Je ne me lasserai pas de rappeler la vérité, qui ne peut faire mal qu’à ceux qui ne veulent pas l’entendre : entre 1997 et 2002, la délinquance, telle qu’elle est mesurée par un outil statistique qui est le même depuis le lendemain de la guerre, a augmenté de 14 %. (« Voilà la vérité ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est d’ailleurs cette augmentation qui avait valu au Parti socialiste une déroute électorale sans précédent et son absence au deuxième tour de l’élection présidentielle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il devait bien y avoir une raison ! Ceux à qui les Français ont infligé une telle sanction ne sont pas les mieux placés pour nous dire ce qu’il faut faire…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous devrions nous taire peut-être ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …quand on sait quel en a été le résultat : une augmentation de la délinquance de 14 % de 1997 à 2002 !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Rendez-vous dans six mois !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Selon le même indicateur d’évolution de la délinquance, auquel rien n’a été changé, pas une décimale, pas une virgule, montre que depuis 2002 nous l'avons fait reculer de 9 %. C’est une réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. –« Manipulation ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne pouvez pas changer de disque ?

M. Michel Herbillon. Ça vous gêne qu’on rappelle les faits !

M. Jean-Marc Ayrault. Et l’augmentation de 27 % des faits de violence non crapuleuse ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Si je rappelle cette amélioration, c’est parce qu’il est légitime de rendre compte de l’action que nous avons conduite grâce aux moyens que vous avez accordés à la police et à la gendarmerie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et les émeutes de l’année dernière ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Si cette diminution de 9 % de la délinquance n’est pas suffisante, cela vaut toujours mieux que son augmentation de 14 %. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. Parlez-nous de l’augmentation de 27 % des violences !

M. le président. Monsieur Blazy, vous aurez tout le temps de vous exprimer.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’y viens.

Depuis 2002, 6 200 fonctionnaires de police supplémentaires ont été recrutés.

M. Jean-Pierre Blazy. Pas dans les banlieues ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cent de moins dans ma circonscription !

M. Jean-Pierre Blazy. Pas en Seine Saint-Denis ! Pas dans le Val d’Oise !

M. Jean-Marie Le Guen. À Neuilly !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous avons réalisé tous les grands projets d'équipements. Quand je suis arrivé à la tête du ministère de l’intérieur, les fonctionnaires de police et de gendarmerie ne disposaient même pas d’un gilet pare-balles individuel : ils devaient récupérer celui, trempé de sueur, du fonctionnaire qu’ils relevaient.

M. Yves Bur. C’était ça, la police de proximité.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous avons renouvelé l’équipement en uniformes, l’armement, les communications sécurisées.

J'ai également voulu améliorer l’organisation des services, parce que la place des gendarmes et des policiers est sur le terrain, pas dans les bureaux !

M. Jean-Pierre Blazy. Ils ne sont pourtant pas sur le terrain des banlieues !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous avons conduit, avec l’accord de toutes les organisations syndicales, la réforme des corps et carrières de la police nationale. Nous avons mené à bien le redéploiement des services de police et de gendarmerie, attendu depuis soixante-deux ans. Nous avons créé la main courante informatisée pour la police, qui permet de mesurer le temps passé par un fonctionnaire au commissariat ou sur le terrain.

Nous avons donné à la police scientifique et technique les moyens de travailler efficacement, pour passer de la culture de l’aveu à la culture de la preuve. Nous avons développé le fichier national des empreintes génétiques.

M. Jean-Pierre Blazy. Que nous avions créé !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En 2002, le fichier national des empreintes génétiques comptait 4 024 empreintes.

M. Jean-Pierre Blazy. Évidemment, il venait d’être créé !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il en compte aujourd'hui 350 000. Cette montée en puissance a permis de confondre 5 300 coupables.

Le Parti socialiste s’était pourtant opposé à ma proposition de développer ce fichier au nom de la protection des libertés individuelles. Il oubliait que la première liberté à protéger est celle de la victime potentielle des killers en série, des violeurs multirécidivistes que nous n’avions pas les moyens de confondre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Derosier. Voilà vos alliés !

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle caricature !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel amalgame sordide !

M. Michel Herbillon. C’est la vérité !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ces efforts sans précédent ont donc produit des résultats. Il faut aujourd’hui les amplifier.

Tel est le but de la dimension de prévention de notre politique de sécurité.

M. Jean-Pierre Blazy. Il est bien temps d’en parler !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Depuis 2002, on me somme, sur les bancs de l’opposition, de définir une telle politique.

Je me demande d’ailleurs pourquoi ceux qui me pressaient de définir une politique de prévention en 2002 avaient omis de la proposer aux Français entre 1997 et 2002 !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous le faisions !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cette politique, je vous la propose aujourd’hui à tous, sur tous les bancs de votre assemblée. La société française, dans son ensemble, n’a pas été assez ferme. Or une politique de prévention n’a aucun sens si elle ne permet pas de dissuader d’abord par la fermeté. (« Au Kärcher ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Si la fermeté fait défaut, il ne sert à rien de vouloir corriger toutes les injustices de la vie pour arrêter la délinquance. La sanction reste indispensable et doit être plus ferme. La tolérance des dernières décennies, qu’elle tienne à de la générosité, à de la naïveté ou simplement, hélas, à de la négligence, a permis une véritable escalade dans la violence.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à des actes gratuits et sauvages, tels que l’incendie d’un bus qui a eu lieu à Marseille voici un mois.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est aujourd’hui que ça se passe, et pas sous la législature précédente ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Six mineurs ont bloqué l’entrée d’un bus, y sont montés, ont délibérément aspergé d’essence une jeune fille et ont allumé le feu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Par respect pour cette jeune fille et pour sa famille, vous pourriez écouter. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est honteux ! C’est de la récupération !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, vous n’avez pas la parole !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cette jeune fille a été brûlée à plus de 62 %.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est sous ce gouvernement que cela se produit !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cet acte ignoble a choqué tous les Français et aucune voix ne s’est élevée pour demander de la clémence. Il est très important que la société réagisse de façon unanime pour mettre des bornes à la violence.

M. André Schneider. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il faut éviter à tout prix la contagion de tels actes : la preuve en est, hélas, que l’on a arrêté à Lille, dès le lendemain de l’agression de Marseille, des jeunes qui voulaient brûler un bus. Lorsqu’on leur a demandé les raisons de leur acte, ils ont répondu que c’était pour faire « comme à Marseille ».

Cet événement n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu.

M. Jean-Marie Le Guen. Quelle finesse d’analyse !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ces derniers mois, une bande de jeunes a séquestré, torturé et tué un jeune homme pour de l’argent. L’an passé, un père de famille a été abattu devant sa femme et sa fille parce qu’il prenait des photos dans un quartier. Un retraité a été frappé à mort devant chez lui par des voyous dont il avait simplement croisé le regard. Tous ces événements – tous récents et sans lien entre eux – n’ont pas été des faits divers, mais des pas franchis dans la sauvagerie.

Si on excuse aujourd’hui la violence, il faut s’attendre à trouver demain la barbarie.

M. Frédéric Dutoit. Personne n’excuse la violence !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il faut mettre un terme à cette violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous sommes au pied du mur. Il faut adapter la sanction à la gravité de l’acte. Si nous ne le faisons pas, nous exposons la société à des actes encore plus graves et nous ne rendons aucun service à ceux qui sont tentés par une telle escalade.

Le premier pilier de ce projet de loi est donc une modification de l’ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, que je vous propose avec le garde des sceaux.

Aujourd’hui, sous prétexte que des délinquants sont mineurs, il faut attendre leur majorité pour réagir.

Mme Marylise Lebranchu. Mais non !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cela revient, en fait, à prendre sans le dire une décision grave : celle de les laisser dériver sans retour vers une vie totalement déstructurée. Lors des débats sur ce texte au Sénat, la gauche n’a cessé de m’objecter qu’il fallait laisser sa chance au mineur, qui n’est pas un adulte. Pour moi, laisser sa chance à un jeune, ce n’est certainement pas le laisser dériver !

M. Jean-Pierre Blazy. Pour nous non plus !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Or, depuis dix ans, la délinquance des mineurs a augmenté de 80 %. La vie de ces mineurs est gâchée, comme l’est celle de leurs victimes.

Refuser de sanctionner à la hauteur de la gravité de l’acte commis sous prétexte qu’il s’agit d’un mineur, c’est abandonner ce mineur sur le chemin de la délinquance la plus violente et la plus barbare. C’est une complicité de la part de la société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Notre devoir est de donner la priorité aux victimes, qui ne sont pas une catégorie de gens à part et qui ne nous concerneraient pas !

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle évidence !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Lorsqu’on a dû expliquer, comme je l’ai fait, pendant des années à des victimes et à des familles dévastées que personne n’a pas pu éviter leur malheur, on comprend ce que le mot « victime » veut dire. La victime n’est pas un malchanceux lointain qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment, le mauvais jour : ce peut être un jour chacun d’entre nous, un de nos parents, un de nos enfants. La victime, c’est une vie brisée, mutilée, une famille détruite, et cela peut être le fait d’un mineur comme par d’un majeur. La priorité absolue des pouvoirs publics doit être la protection des victimes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

C’est pour répondre à cette violence de plus en plus dure et de plus en plus gratuite, capable de conduire les plus jeunes jusqu’au crime, que je vous demande des sanctions adaptées aux mineurs d’aujourd’hui, qui n’ont rien à voir avec ceux de 1945. Je ne cesserai jamais de me battre pour faire comprendre cette réalité, que comprennent déjà l’immense majorité des Français.

Qui, dans cet hémicycle, pourrait prétendre qu’un adolescent d’aujourd’hui doit être traité comme un adolescent d’après-guerre ? Chacun de nous peut le vérifier tous les jours autour de lui : ni l’éducation, ni les repères sociaux ne sont les mêmes. Des actes de plus en plus graves sont commis par des mineurs, le plus souvent sûrs de leur impunité. Des « grands frères », ou supposés tels, font commettre des délits à leur place par les plus jeunes. Doit-on faire comme si on ne le savait pas ? Il faut que la société française ouvre les yeux sur cette violence de plus en plus jeune, de plus en plus grande et de plus en plus gratuite. L’ordonnance de 1945, même si elle a été retouchée à plusieurs reprises, n’intègre pas cette réalité d’aujourd’hui. Le résultat, c’est un sentiment d’impunité qui pousse les plus jeunes à s’enfoncer dans la voie d’une délinquance dont on ne revient pas, ou dont on ne revient qu’après avoir causé de tels dégâts que leurs conséquences sont insurmontables.

Faute de réponse appropriée, nous ne faisons que répéter des mesures – ce qui est mauvais, car n’importe quelle mesure ne peut être qu’affaiblie par la répétition. En outre, ces mesures sont inadaptées, car elles sont calibrées pour répondre à des incivilités – c’est le cas par exemple de l’admonestation ou de la remise à parents. Ces fausses réponses sont sans commune mesure avec les faits commis, comme on le constate par exemple en cas d’agressions à main armée, de viols ou de crimes. Elles ont même l’effet inverse du but recherché, en ce qu’elles décrédibilisent l’action de la police et de la justice. Elles contribuent à la perte du respect de l’autorité, qui pèse lourdement sur la cohésion de notre société. Il n’y a pas de société libre quand il n’y a pas d’autorité ni de respect. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour enrayer ce mouvement, nous devons agir dans trois directions.

Nous devons, d’abord, diversifier les réponses à la délinquance des mineurs pour les adapter aussi étroitement que possible à leur âge et aux actes commis : pour un enfant de onze ans, cela sera une obligation de devoirs scolaires ; pour un jeune soumis au caïdat dans son quartier, ce pourra être un éloignement de son milieu pour une durée fixée par la justice.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela existe déjà !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ensuite, il faut pouvoir apporter une réponse plus ferme. À cette fin, le garde des sceaux a voulu créer l’avertissement judiciaire et l’obligation de réparer le dommage causé, auxquels il faudra adjoindre le placement extérieur dans un internat scolaire, qui peut être indispensable pour replacer le mineur dans un environnement sain et stable.

Enfin, la délinquance des mineurs doit recevoir une réponse rapide, ce que facilitera la diversification des mesures. Il faut, notamment, répondre vite aux actes les plus graves. Pour des comportements particulièrement graves, dont les auteurs sont des mineurs de plus de 16 ans, la procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs doit pouvoir être décidée, avec l’accord du mineur lui-même ou de ses représentants légaux. Pour des jeunes qui ont commis à plusieurs reprises des actes graves, la réponse ne doit plus être une convocation qui intervient six mois plus tard ! Que penser d’une société et d’un système d’autorité qui, à la suite d’un fait grave, mettent six mois à convoquer un mineur pour une éventuelle admonestation ? Que peut penser ce mineur à la huitième admonestation qu’il reçoit pour la huitième répétition des mêmes actes ? C’est une démission de notre société, qui crée l’impunité ; c’est une forme de complicité devant une jeunesse en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cette réforme de l’ordonnance de 1945 a un objectif : apporter une réponse à chaque acte de délinquance. Elle n’en respecte pas moins les principes fondateurs du texte : la spécificité du traitement des mineurs et la priorité donnée aux mesures éducatives. L’éducation, au demeurant, n’interdit en rien la fermeté. Celle-ci n’est pas le contraire de l’éducation. On peut même penser qu’elle en est un élément. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Les enseignants le savent !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Vient un moment où la société française doit reconnaître que ce n’est pas parce qu’un jeune se construit en disant « non » qu’on doit lui dire systématiquement « oui » : ce serait une autre forme de démission.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est M. Prudhomme qui parle !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. La deuxième innovation majeure de ce texte est la définition d’une nouvelle méthode de travail sur le terrain, autour d’un acteur essentiel : le maire.

Jusqu’à présent, les politiques menées par tous les gouvernements se sont adressées à des quartiers ou à des catégories en difficulté dans leur globalité. Cette logique du zonage n’est pas celle qui nous inspire dans ce texte. Nous voulons nous adresser à des femmes, à des hommes et à des situations qui sont divers par nature. C’est plus difficile, mais c’est indispensable.

Par exemple, la lutte contre l’absentéisme scolaire est un phénomène dont nous n’avons pas encore pris la mesure.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous le découvrez maintenant ? Vous venez d’arriver ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Selon un document récent de l’éducation nationale, dans un établissement sur dix, la proportion d’élèves absentéistes, c’est-à-dire absents une semaine par mois, est de 10 % à 16 %. C’est devenu un véritable fléau, faute de réponse appropriée.

M. Jean-Pierre Blazy. Parlez-en au ministre de l’éducation nationale !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce que les socialistes anglais ont eu le courage de faire, peut-être les socialistes français pourraient-ils l’entendre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Ayrault. Qu’avez-vous fait ?

M. Yves Fromion. Et vous ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Aujourd’hui, c’est bien le maire qui est responsable du recensement des enfants en âge d’être scolarisés. Mais il ne peut pas assurer cette mission, faute d’information.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est la tâche de l’éducation nationale !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il faut donc donner au maire la possibilité de centraliser toutes les informations disponibles relatives à l’obligation scolaire des enfants de la commune, qu’elles proviennent de la CAF ou de l’éducation nationale.

M. René Couanau. Tout à fait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Notre objectif est simple : il s’agit de mobiliser tous les acteurs de terrain autour du maire,…

M. Jean-Pierre Blazy. Nous le faisons déjà ! C’est à cela que sert la veille éducative !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …qui sera le pivot de la politique de prévention, pour partager l’information et agir de manière concertée.

Cette démarche de mobilisation générale est nouvelle dans notre droit. Elle nécessite deux changements majeurs. D’abord, s’adapter aux réalités du terrain – c’est le contraire d’une logique de guichet. Ensuite, travailler en équipe – c’est le contraire de la logique des corps. Toutes tendances confondues, en effet, les maires ne cessent de se plaindre de cette double logique.

Mme Patricia Adam. C’est à l’État qu’il faut le dire, pas aux collectivités !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Au cœur du nouveau dispositif, il faut une autorité qui puisse tenir un rôle double et irremplaçable : être à la fois l’interlocuteur des publics en difficulté et des acteurs de la prévention.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme si ce n’était déjà pas le cas !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous insultez les maires !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il n’y a pas d’hésitation à avoir – la réalité suffit à le montrer – : seul le maire peut jouer ce rôle central.

Je précise d’emblée, pour éviter de faux débats, que le maire ne deviendra ni un shérif, ni un procureur, car aucun pouvoir de sanction ou de coercition ne lui est confié.

En revanche, le maire ne peut pas rester, si on le respecte, un simple spectateur. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. Il ne l’est pas !

M. le président. Monsieur Blazy, vous allez vous exprimer tout à l’heure à la tribune, un peu de patience.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il faut que le maire ait les moyens juridiques d'agir afin que son action soit reconnue, non seulement par les citoyens mais également par les autres institutions. Il ne s'agit pas qu’il se substitue à la police ou à la justice, mais qu’il anime la prévention de la délinquance. L'article 1er du projet de loi précise donc que le maire « anime et coordonne » la politique de prévention de la délinquance, dans le respect des compétences du préfet et de l'autorité judiciaire.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. Christophe Caresche. Voilà qui ne coûte pas cher !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Comment le maire exercera-t-il ces responsabilités ? Il ne sera pas seul.

Mme Patricia Adam. Il est temps !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. D'abord, nous proposons de rendre obligatoires les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés par les maires depuis juillet 2002, dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants.

En outre, le maire sera le président du conseil des droits et devoirs des familles. La création de ce conseil est inspirée par l'expérience : en milieu rural, convoquer des parents, cela paraît naturel, en ville ce n'est pas le cas (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),…

M. Jean-Pierre Blazy. Mais si, on le fait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et évidemment encore moins dans les grandes villes, où naturellement on ne peut pas le faire.

M. Christophe Caresche. C’est de la provocation !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais nous le faisons !

M. le président. Monsieur le Bouillonnec, veuillez laisser s’exprimer M. le ministre d’État.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ils ont si peu fait dans le passé, monsieur le président, qu’il est normal qu’ils parlent aujourd’hui. C’est d’ailleurs la seule chose qui leur reste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) De très nombreux maires de communes urbaines ont exprimé le souhait d'avoir un cadre formel pour rappeler aux parents leurs devoirs en tant qu’éducateurs de leurs enfants et proposer des mesures d’accompagnement. On ne peut pas laisser chaque maire inventer sa propre structure.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cette tâche est très délicate. La composition du conseil et ses modalités de fonctionnement seront définies par le maire, en concertation avec ses partenaires. Chaque conseil définira également son mode d'intervention auprès des familles, dans le respect de la libre administration des collectivités locales.

Mme Patricia Adam. Encore heureux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J'ajoute que je suis favorable à l'amendement prévoyant que le conseil des droits et devoirs des familles soit créé par une délibération du conseil municipal car, pour que les conseils puissent valablement fonctionner, il faut que les maires aient véritablement envie de s'impliquer. Et la décision du conseil municipal sera un acte solennel qui renforcera l’autorité de ces conseils.

Dès lors, le conseil sera le cadre d'une compétence nouvelle pour le maire, graduée – j'insiste sur ce mot – en fonction de la gravité des faits et du profil des familles. L'objectif sera d'aider, pas simplement de punir. Toute la gamme des interventions est donc prévue, sachant que jamais le maire n'aura à se substituer à la police ou à la justice.

Le maire pourra ainsi faire un rappel à l'ordre, sans pour cela se substituer au procureur de la République ; il pourra proposer un accompagnement parental ; il pourra saisir le président du conseil général en vue d'établir un contrat de responsabilité parentale ; il pourra demander au directeur de la CAF de mettre en place un dispositif d'accompagnement assurant une utilisation des prestations familiales conforme à l'intérêt de l'enfant, ce qui est une nouveauté formidable quand on sait la difficulté qu’ont parfois les maires à obtenir de certaines CAF le moindre renseignement ; enfin, le maire pourra saisir, conjointement avec le directeur de la CAF, le juge des enfants en vue de la mise en œuvre de mesures mettant sous tutelle les prestations familiales, en cas de difficultés graves et persistantes dans leur gestion. Pour bénéficier des prestations familiales, il faut un certificat de scolarité. Les familles qui n’en ont pas doivent signaler que leurs enfants ne vont pas à l’école. Si elles ne le signalent pas, elles se font complices de l’absentéisme scolaire de leurs enfants, donc complices de leur handicap pour l’avenir. Quand une famille n’assure pas l’éducation de ses enfants, il est normal de mettre sous tutelle les allocations familiales qui étaient prévues pour assurer leur éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans tous les cas, le maire pourra toujours saisir le procureur de la République en cas de mise en danger de la santé, de la sécurité, de la moralité ou de l'éducation des enfants mineurs.

M. Jean-Pierre Blazy. Où est la nouveauté ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. À cet égard, j'ajoute que je suis favorable à ce que le procureur soit tenu d'informer les maires, à leur demande, des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire communal. Je n’apprécie pas que le journaliste local soit mieux informé que le maire, élu du suffrage universel, de la réalité d’un délit commis sur le territoire communal ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) À quoi cela sert-il de prétendre respecter les maires, élus du suffrage universel, si on les considère incapables de bénéficier d’une information que le localier, lui, a obtenue ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le Gouvernement a changé d’avis ! Il y a deux ans, votre majorité avait rejeté cet amendement !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je remercie le président Houillon d'avoir présenté un amendement extrêmement important auquel le Gouvernement donnera un avis favorable. Ce que nous voulons, c'est donner aux maires des instruments gradués leur permettant de passer la main à d'autres autorités. Ils doivent, pour cela, être pleinement informés.

Je tiens à préciser que les compétences des départements ne seront en aucune façon diminuées. Le président du conseil général reste le chef de file en matière d'aide sociale. Le maire peut exercer son action en matière d'aide sociale facultative, mais le département reste responsable de la protection de l'enfance et continuera d'exercer pleinement cette responsabilité. Mais si certaines communes le souhaitent, elles pourront demander à exercer ces compétences par convention avec le département.

Mme Patricia Adam. Mais c’est déjà le cas !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C'est une grande responsabilité. Certaines communes, si elles sont équipées pour le faire, notamment avec les CCAS, ou si elles estiment qu'elles sont les mieux placées pour intervenir, pourront demander à exercer ces compétences, naturellement en accord avec le département – monsieur Lagarde, je vous plains parce que je connais l’ouverture de certains départements sur ce point. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce type de conventions existe déjà, par exemple, pour l'insertion des bénéficiaires du RMI ou l'aide aux familles en difficulté. Désormais, la délégation de compétences pourra se faire en tout ou partie, ce qui la rendra beaucoup plus accessible.

La nouvelle méthode d'action que nous souhaitons encourager sur le terrain passe aussi, et c’est un sujet très important, par une meilleure coordination du travail social,…

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes bien placé pour en parler !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …donc par un partage du secret professionnel. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi ? Parce que, faute de communication, la coordination du travail social ne peut pas se faire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous ne souffrons pas d'un manque de travailleurs sociaux ; nous souffrons d’un manque de coordination entre les travailleurs sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il arrive même parfois que des enfants en meurent. Ce n’est pas une question de gauche ou de droite, ce devrait être une impérieuse nécessité pour chacun d’entre nous que d’obliger des gens qui travaillent pour les mêmes enfants à se parler, à échanger les informations et à donner la priorité à l’intérêt de l’enfant (Mêmes mouvements), et non au statut de tel ou tel. Ce dispositif a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les professionnels du travail social. Il est organisé de manière minutieuse. Si une personne ou une famille fait l'objet de plusieurs interventions, le maire désignera parmi les intervenants un coordonnateur du travail social. Ce coordonnateur sera son interlocuteur, il assurera l'efficacité et la continuité de l'action des travailleurs sociaux, il organisera la circulation de l'information entre eux, et rendra compte au maire de ce que celui-ci doit connaître pour l'exercice de ses compétences. Dans tous les cas, le respect du secret professionnel sera garanti, mais le maire disposera de l’information qui lui est indispensable pour exercer ses compétences.

Enfin, j'ajoute que ce dispositif de secret partagé est complémentaire de celui prévu par le projet de loi relatif à la protection de l'enfance. À cet égard, je remercie les commissions des lois et des affaires sociales d'avoir proposé des amendements qui précisent cette articulation. C'est aussi dans ce projet de loi sur la protection de l'enfance que se trouve une autre mesure importante : le dépistage précoce des troubles du comportement chez l'enfant. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne vois aucune raison de laisser un enfant qui a des troubles du comportement seul face à sa souffrance. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Vaxès. Quel rapport avec la délinquance ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Et je dis que ceux qui ne sont pas capables de porter atteinte à l’immobilisme ambiant, refusant d’apporter une réponse à des enfants qui souffrent, sous prétexte qu’ils sont jeunes (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), sont les coupables, par complicité, de la souffrance d’enfants qu’on amène à dix-huit ans sans jamais s’être préoccupé de leurs problèmes ! Voilà ce que nous ne voulons plus ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il faut agir le plus tôt possible pour être le plus efficace possible.

M. Jean-Pierre Blazy. Avec quels moyens ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J'en viens au troisième apport de notre projet de loi : une meilleure protection de nos concitoyens dans leur vie quotidienne, pour écarter la violence.

Oui, nous ne devons pas hésiter à adapter notre droit lorsqu'il apparaît de façon évidente qu'il n'est plus en phase avec les réalités. Je trouve insupportable de se retrancher derrière des textes anciens pour constater que des accidents mortels sont causés par l'usage de la drogue, que des crimes sont commis par des malades psychiatriques trop tôt sortis de l'hôpital. Nous n'avons pas à tolérer cela sans réagir.

Je vais prendre un premier exemple : la loi de 1970 sur la toxicomanie. J’affirme que cette loi est devenue un tigre de papier, qu’elle est parfaitement inapplicable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Et alors, qu’avez-vous fait ?

M. Jean-Pierre Blazy. Vous n’avez qu’à réformer le « tigre de papier » !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Face à la réalité, celle d'une consommation croissante de cannabis, qui touche aujourd'hui 3,5 millions de Français, et de plus en plus de jeunes, l'usage simple de stupéfiants est un délit réprimé par une année d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende.

M. Jean-Pierre Blazy. Faites appliquer la loi !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le résultat, c’est qu'en pratique, cette mesure n'est jamais appliquée parce qu’elle est parfaitement disproportionnée. Qui accepterait que l’usage du cannabis puisse être sanctionné d’un an d’emprisonnement ?

M. Jean-Marie Le Guen. Ça fait trois ans que vous dites ça, mais vous n’agissez pas !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Dès lors nous choisissons d'être moins durs en théorie pour être enfin efficaces en pratique. Nous introduisons donc, dans le traitement de l'infraction d'usage de drogue, la composition pénale pour les mineurs et la procédure de l'ordonnance pénale pour les majeurs. Ces procédures, qui sont assorties de toutes les garanties des droits de la défense, allient efficacité et respect, monsieur le garde des sceaux, du principe de la proportionnalité.

M. Jean-Pierre Blazy. Certainement pas ! C’est du vent !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cette réforme, mise au point minutieusement avec le ministre de la santé, que je salue, donne aussi une place centrale aux soins, avec la généralisation de l'injonction thérapeutique, l'organisation de stages de sensibilisation aux dangers des stupéfiants,…

M. Jean-Pierre Blazy. Ça existe déjà !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …la mise en place de médecins relais. Nous ne pouvons plus rester sans réagir devant ce fléau qu’est la consommation de cannabis.

Deuxième exemple : les maladies psychiatriques, lorsqu’elles ont des conséquences sur la vie des autres ou sur l'ordre public.

Il ne s'agit certes pas, dans le cadre de ce projet de loi, de réformer la médecine psychiatrique ni l'ensemble des procédures d'hospitalisation sous contrainte. Il ne s'agit en aucun cas d'assimiler les malades psychiatriques à des délinquants…

M. Jean-Marie Le Guen. Ben voyons !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …mais d'éviter, autant que nous le pouvons, les drames liés aux maladies mentales. Une hospitalisation d'office, une sortie à l'essai, ce sont des décisions extrêmement graves.

C’est pourquoi, avec le ministre de la santé, nous avons souhaité préciser la répartition des responsabilités en matière d’hospitalisation d’office : le maire intervient pour prendre la première décision d’hospitalisation parce qu’il est le plus proche,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça existe déjà !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …ce qu’il fait déjà dans 60 % des cas, mais il agit sur des justifications médicales précises, sous le contrôle du préfet qui doit confirmer la décision au cours d’un « sas d’observation » de soixante-douze heures permettant un examen approfondi par les psychiatres.

Nous voulons aussi qu’un fichier national des données administratives soit institué pour vérifier, par exemple, que l’on ne délivre pas une autorisation de port d’armes à quelqu’un qui a fait l’objet d’une hospitalisation d’office. Aujourd’hui, il n’y a aucun fichier. C’est incroyable : on a peur des fichiers, mais pas des gens à qui l’on délivre une autorisation de port d’armes alors qu’ils ont été hospitalisés d’office dans un service psychiatrique ! C’est naturellement l’inverse qu’il faut faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Exclamations prolongées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est n’importe quoi ! Quel amalgame incroyable ! Créer un nouveau fichier national sous ce prétexte-là !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En ce qui concerne les sorties à l’essai, il nous paraît indispensable que le maire de la ville de résidence de l’intéressé soit informé. Aujourd’hui, la majorité des hospitalisations d’office est prononcée par le maire : or celui-ci n’est pas informé des suites de l’hospitalisation qu’il a décidée.

M. Claude Goasguen. Jamais !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est invraisemblable. Là encore, il ne s’agit pas d’inquisition, mais de la protection minimale que nous devons à tous les citoyens.

Je me réjouis que, sur le fond, ces propositions fassent l’objet d’un consensus. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Ces mesures sont attendues par les professionnels de la psychiatrie (« Non ! » sur les mêmes bancs), par les maires, par les acteurs de terrain. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi de les présenter dans le cadre de ce projet de loi. C’est le contenu des dispositions législatives qui importe en premier lieu, plus que leur place dans telle loi plutôt que dans telle autre.

Cela dit, j’ai entendu les interrogations qui se sont exprimées…

M. Jean-Pierre Blazy. Ah, quand même !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …sur le choix de ce vecteur législatif et non pas sur la réalité de ces mesures. Le Gouvernement est sensible à la proposition du président Dubernard (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et le ministre de la santé présentera donc, jeudi 23 novembre, lors de l’examen du projet de loi relatif aux professions de santé, un amendement du Gouvernement l’habilitant à prendre par ordonnance une réforme globale de la loi de 1990 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),…

M. Jean-Pierre Blazy. Et voilà la manip !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …dont le contenu fait actuellement l’objet d’une concertation approfondie avec les professionnels. Parallèlement, nous continuerons à débattre des articles 18 à 24 du projet de loi de prévention de la délinquance.

M. Jean-Marie Le Guen. Quelle simplicité ! Quelle transparence !

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle confusion ! C’est abracadabrantesque !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le Gouvernement s’engage à les disjoindre à la fin de la discussion de ce projet, en commission mixte paritaire, si l’ordonnance a pu être prise d’ici là.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vive le Parlement !

M. Jean-Marie Le Guen. Incroyable ! Le Parlement a bien travaillé !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. L’essentiel est de faire avancer cette réforme attendue depuis dix ans.

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle magouille ! Ce n’est pas à l’honneur du Parlement !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’en viens au troisième exemple d’adaptation nécessaire : la lutte contre la délinquance sur internet. L’évolution des nouvelles technologies est plus rapide que celle de notre droit. C’est pourquoi nous introduisons dans le projet de loi des mesures permettant de protéger les mineurs contre les méfaits du démarchage sexuel sur internet par des adultes.

Je remercie la commission des lois d’avoir très utilement complété le projet de loi sur ce point, pour faciliter la fermeture des sites internet causant un trouble à l’ordre public ou pour lutter contre le développement des jeux d’argent en ligne, qui sont un vecteur privilégié pour le blanchiment et comportent un risque d’addiction pour les publics les plus fragiles.

Le projet de loi comporte d’autres mesures protectrices pour nos concitoyens. À l’initiative du président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, le sénateur Hérisson, une importante réforme des procédures d’évacuation forcée des gens du voyage, en cas de stationnement illicite, vous est proposée.

M. Jean-Marie Le Guen. Et une petite louche pour les gens du voyage ! Ils n’avaient encore eu droit à rien ! Il n’y a personne d’autre à stigmatiser ? (« Si, vous ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Les gens du voyage ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres Français : ni plus ni moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. Et les patrons voyous ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Les gens du voyage n’ont pas le droit d’occuper indûment des terrains qui ne leur appartiennent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est tout de même pas vous qui avez inventé cela !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Dans ce cas, le préfet pourra les faire évacuer, sous le contrôle du juge administratif.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les pauvres, les fous, les bohémiens ! Qui d’autre ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je tiens à la disposition de ces messieurs du parti socialiste la volumineuse correspondance des maires socialistes qui me demandent d’agir quand un de leurs terrains est occupé de façon illicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les maires socialistes ressemblent à tous les autres quand ils sont confrontés à l’exaspération de leurs concitoyens qui ne comprennent pas que les honnêtes gens doivent respecter la loi alors que d’autres ne le font pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Parce que, par définition, les gens du voyage ne respectent pas la loi ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Si vous ne voulez pas voter ce texte, ne le votez pas, mais vous en assumerez les conséquences devant les Français et devant les autres élus de votre parti ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est Le Pen qui va y gagner !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. De même, le Sénat a eu raison de poser la question des troubles de voisinage, qui peuvent perturber un quartier entier sans que personne puisse réagir efficacement.

M. Jean-Pierre Blazy. Et les halls d’immeuble ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Enfin, les sénateurs ont eu raison d’introduire dans le projet de loi de nouveaux instruments de lutte contre les chiens dangereux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui ! Il restait les chiens !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’ajoute, d’un mot, que la création du service volontaire citoyen de la police nationale relève de cette même logique. Il s’agit de créer, au quotidien, une passerelle entre les fonctionnaires de la police nationale et la population.

Permettez-moi, pour conclure, de vous dire dans quel esprit j’aborde le débat qui s’ouvre aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Je soumets ce projet de loi à la représentation nationale en ayant la conviction que les parlementaires que vous êtes vont l’améliorer.

Pour l’essentiel, le Gouvernement marquera son accord avec les amendements proposés par le président Houillon, rapporteur de la commission des lois, et par le président Dubernard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je tiens d’ores et déjà à les remercier pour le travail considérable qu’ils ont bien voulu effectuer.

M. Jean-Marie Le Guen. Ça, c’est bien vrai !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’évoquerai donc cinq sujets qui me paraissent devoir être soulignés.

Le premier concerne le financement. La politique de prévention de la délinquance doit disposer d’un vrai levier financier. C’est à cela que doit servir le Fonds interministériel de prévention de la délinquance.

M. Jean-Pierre Blazy. Un fonds sans fond !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Un amendement du Gouvernement permettra d’en préciser l’architecture, au sein de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, les sources de financement et les modalités de répartition de crédit. C’est un instrument essentiel.

Le deuxième sujet est la lutte contre la délinquance routière. Depuis 2002, les Français ont changé leur comportement. Plus de 8 500 vies ont été sauvées et 110 000 blessés épargnés. Nous devons poursuivre dans cette voie. Le permis à points et le déploiement des radars ont incité chacun d’entre nous à mieux respecter les règles du code de la route. Mais certains ajustements paraissent nécessaires. L’amendement que vous propose le Gouvernement consiste à raccourcir le délai de récupération d’un point perdu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les conducteurs commettant une infraction entraînant le retrait d’un seul point le récupéreront au terme du délai d’un an − et non plus de trois ans − s’ils ne commettent pas de nouvelle infraction. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans le même esprit, nous proposons que le conducteur disposant d’un permis probatoire de six points bénéficie d’une augmentation progressive de ses points jusqu’à douze. Le ministre des transports, Dominique Perben, vous présentera cette réforme. J’ai tenu à ce que nous soyons attentifs à ne pas confondre la fermeté, nécessaire à la compréhension d’une politique, avec le harcèlement.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est donc qu’il y avait du harcèlement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Troisième sujet : nous devons mieux répondre aux violences dont sont victimes les forces de l’ordre. Depuis le début de l’année, 3 662 policiers ont été agressés dans l’exercice de leurs fonctions. Dans le même temps, des pompiers doivent intervenir dans certains quartiers sous la protection des forces de l’ordre. Les agents des transports publics sont eux aussi menacés.

Nous devons mettre un terme à cette spirale de violences. Il faut les réprimer plus sévèrement. Il faut cesser de considérer l’agression contre les forces de l’ordre comme une simple circonstance aggravante parmi d’autres. Une nouvelle échelle des peines est nécessaire, pour traduire devant la cour d’assises les auteurs des agressions les plus graves. Si on ne le fait pas, on n’arrivera pas à endiguer la surenchère des violences contre la police, contre la gendarmerie, contre les pompiers, contre les agents de la pénitentiaire ou contre tout détenteur de l’autorité publique. Ce choix est entre nos mains. À nous de l’assumer. C’est l’objet de l’amendement que vous présentera le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. En effet.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je voudrais faire une dernière remarque, après avoir pris connaissance de plusieurs amendements très intéressants qui concernent la question des peines prononcées et celle de l’excuse de minorité. Il me paraît naturel que la représentation nationale puisse en débattre sans tabou. Si le débat est interdit dans l’hémicycle, où se tiendra-t-il ? Dans la rue ? Je comprends fort bien que l’on puisse poser la question de la durée des peines. J’observe que le code pénal − pardon de rappeler cette évidence − définit des peines encourues et laisse au juge le soin de prononcer une peine dont la durée peut être inférieure à celle encourue. Personne ne songe à remettre en cause le principe de l’individualisation des peines. C’est même tout le contraire.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est anticonstitutionnel !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mais qui pourrait nier qu’il convient de réprimer plus fermement et, surtout, plus certainement celui qui commet pour la deuxième, la troisième ou la quatrième fois une agression violente contre les personnes ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Ça s’appelle la récidive et c’est déjà prévu par la loi !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’entends bien que nous avons fait un premier pas dans cette direction, l’année dernière, lors de l’adoption de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Mais j’ai la faiblesse de penser que cette loi, pour importante qu’elle soit, n’a pas entièrement répondu à la question de la lisibilité des peines.

Mme Patricia Adam. La confiance règne !

M. Jean-Pierre Blazy. Cette loi date de l’année dernière ! Soyez patient !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Faut-il définir une peine minimale, dite « peine plancher » ? J’ai eu l’occasion de dire mon sentiment à cet égard. Je suis persuadé qu’il faudra le faire un jour. Mais je ne suis pas certain que tous les esprits soient mûrs pour cela. Aussi devons-nous chercher une solution qui puisse faire consensus.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. D’autres options existent. J’en citerai une, qui me paraît extrêmement intéressante : face à un récidiviste, le tribunal correctionnel serait tenu de motiver le choix de la peine lorsqu’il décide de prononcer une peine d’une durée inférieure à celle qui est encourue. Autrement dit : le législateur fixe une peine, le juge a la faculté de l’adapter à la baisse, mais il doit alors s’en expliquer par une motivation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quoi de plus transparent ? Quoi de plus simple ? Quoi de plus compréhensible pour les délinquants comme pour les victimes ? Quoi de plus conforme, enfin, au principe constitutionnel de l’individualisation des peines ? Le moins qu’on puisse attendre de son application, c’est qu’elle s’accompagne d’une motivation individuelle de la peine prononcée.

C’est dans le même esprit que j’aborde la question de l’excuse de minorité. Nous devons réfléchir à la meilleure manière de concilier le principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs avec l’exigence de répression des actes les plus graves. Aujourd’hui, l’excuse de minorité consiste à diviser les peines par deux. Certes, en droit, les juges ont aujourd’hui la faculté, à titre exceptionnel, de ne pas retenir l’excuse pour les mineurs âgés de plus de seize ans. Dans les faits, ils ne le font presque jamais…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est facultatif !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et retiennent l’excuse de minorité. Le législateur vote la loi et le juge l’applique, mais le législateur entend que la loi qu’il a votée soit effectivement appliquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est donc le juge qui est dans le collimateur !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Comment s’étonner, dès lors, que des mineurs de seize ou dix-sept ans puissent commettre des actes de barbarie en ayant un sentiment de parfaite impunité ? Les Français ne le supportent plus et ils ont raison. Lorsqu’un mineur de seize ou dix-sept ans porte atteinte à l’intégrité d’une personne et qu’il récidive, il doit être puni comme s’il était majeur. Quand on est victime, que ce soit d’un mineur ou d’un majeur, le résultat est le même.

M. Jean-Marie Le Guen. Quel raisonnement !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Telle est, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, la présentation que je voulais faire devant vous de ce texte.

Il ne faut pas craindre de heurter certains conservatismes, surtout s’ils viennent de gauche, certains corporatismes – qui n’ont pas lieu d’être lorsqu’il s’agit du sort de victimes –, certaines habitudes et certains conformismes de la pensée. Car l'enjeu, nous le connaissons : il s'agit de construire une société apaisée, c’est-à-dire non pas une société faible, mais une société qui n’accepte pas que certains de ses membres violent systématiquement la loi.

Pour atteindre cet objectif, le plus large rassemblement est nécessaire. Si les républicains que nous sommes, de droite comme de gauche, ne s’y appliquent pas, il ne faudra pas se plaindre alors que les extrémismes de tous bords se saisissent de tous ces problèmes pour en appeler au peuple souverain.

M. Camille de Rocca Serra. Bien sûr !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Si nous n’avons pas ce courage, d’autres, aux valeurs qui ne sont pas les nôtres, s’empareront en effet de ces questions et proposeront au peuple excédé des solutions qui ne peuvent être celles de la République. (« Très juste ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Il ne faut pas que les maires donnent leur signature à Le Pen !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Tel est l’enjeu qui s’offre à nous, et telle est notre responsabilité. Que pèsent nos habitudes face à cet enjeu ?

Je me faisais cette réflexion en allant voir à l’hôpital Mama Galledou – à qui je souhaite dédier ce texte –, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quelle honte ! C’est lamentable !

M. Philippe Vitel. Un peu de respect, mon cher collègue !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. ...cette jeune fille de vingt-six ans d’origine sénégalaise qui avait réussi ses examens, et dont j’ai rencontré les parents, remarquables de dignité. Pourquoi ces grandes voix, qui trouvent si souvent des excuses aux délinquants, n’ont-elles pas eu un mot pour elle,...

Mme Marylise Lebranchu. Au contraire !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. ...alors qu’elle se trouve aujourd’hui entre la vie et la mort ? (« Honteux ! » et vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.– Mmes et MM. les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent vivement.)

M. Rodolphe Thomas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Pierre Blazy. Pourquoi s’en vont-ils tous ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance répond aux attentes et aux souhaits des acteurs locaux de terrain et des élus, et les dispositions nouvelles qu'il contient apportent des solutions efficaces et opérationnelles aux problèmes posés par la délinquance.

Depuis mon arrivée à la Chancellerie, j'ai rencontré un grand nombre de personnes qui luttent contre la délinquance et, plus récemment, les acteurs de terrain de Seine-Saint-Denis : le préfet, les magistrats, les services de police, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, puis une partie des élus de ce département. Le 7 novembre dernier, l'ensemble des procureurs généraux et des procureurs de la République, les préfets et les recteurs ont été réunis pour examiner les moyens de mieux coordonner leurs actions. Enfin, vendredi dernier, je me suis rendu en Seine-Saint-Denis pour participer à un conseil départemental de prévention de la délinquance. J'ai poursuivi la rencontre que j'avais eue avec les élus de ce département en septembre, en réunissant une douzaine d'autres maires.

J'ai été frappé par leur unanimité à dénoncer certaines situations qu'ils ont du mal à maîtriser. Au-delà des clivages politiques, ils ont affirmé leur besoin d'informations sur les suites judiciaires données à telle ou telle affaire qui s'est déroulée dans leur commune et qui concerne leurs administrés.

Analysant la délinquance des mineurs, ils ont souligné que celle-ci est avant tout constituée par un noyau dur de multirécidivistes, qui reviennent dans leurs cités en sortant du tribunal. Ils ont ajouté que ceux qui commettent des délits graves sont de plus en plus jeunes, que leur passage à l'acte est souvent très violent, que le nombre des vols à la tire et à la portière explose et que les agressions contre les forces de l'ordre deviennent de plus en plus fréquentes.

Mme Maryse Joissains-Masini. C’est vrai !

M. le garde des sceaux. Ils ont souhaité que les mineurs soient sanctionnés dès le premier délit et ont rappelé que ce qui importe, c'est la rapidité de la sanction et l'effectivité de la peine, c’est-à-dire son exécution.

Mme Maryse Joissains-Masini. Très bien !

M. le garde des sceaux. Évoquant la banalisation de la consommation et du trafic de drogues parmi les jeunes, ils ont indiqué que certains organisent des ventes à 150 mètres du commissariat et fument du cannabis dans la cour de leur collège, insistant sur le fait que le sentiment d'impunité qui se répand ainsi contribue au développement de la délinquance.

Enfin, ils m'ont fait part de leur inquiétude en précisant qu'en Seine-Saint-Denis, 15 000 enfants sont déscolarisés et que leur absence de l'école, qui atteint parfois jusqu'à vingt jours par mois, conduit directement à la délinquance.

Face au découragement ou à la colère de certains, je suis convaincu que si la loi ne peut tout résoudre, le projet de loi que vous allez examiner aujourd'hui apporte des réponses à chacun, en renforçant la lutte contre la délinquance des mineurs, en combattant la banalisation de la consommation de drogues qui conduit au trafic, en diversifiant la réponse pénale, grâce à la création de nouvelles infractions.

La délinquance des mineurs n'est pas une fatalité et n'est pas non plus le fruit du renoncement de l'État à exercer son autorité.

Elle constitue une priorité que les magistrats ont prise en compte, en s'efforçant d'apporter une réponse pénale à la fois systématique, rapide et graduée. Quelques chiffres illustrent cette volonté : en 2005, plus de 168 000 affaires concernant les mineurs ont été traitées par l'ensemble des parquets ; le taux de réponse pénale est en constante progression, passant de 77,7 % en 2000 à 85,5 % aujourd'hui.

Je voudrais vous présenter les mesures qui me semblent les plus significatives pour répondre à la délinquance des mineurs.

Il faut d'abord lutter contre le sentiment d'impunité qui se développe chez certains mineurs. (« Très bien ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La fin de l'impunité passe par des procédures judiciaires plus rapides. C'est pourquoi un dispositif de présentation immédiate des mineurs de seize à dix-huit ans, encadré par des conditions précises, sera institué.

Actuellement, un mineur dispose d'un délai de dix jours à un mois avant sa comparution devant le tribunal pour enfants dans le cadre de la procédure de jugement à délai rapproché. Le projet de loi prévoit la possibilité d'y renoncer, permettant de ce fait de le juger à la première audience utile. Ainsi, un mineur interpellé le matin pourra comparaître dans l'après-midi, si le tribunal pour enfants est en mesure de se réunir.

M. Jacques-Alain Bénisti. Excellent !

M. le garde des sceaux. J’ai lu, ici ou là, que cela pouvait choquer certains esprits. Il suffit pourtant d’en appeler au bon sens : quand un père de famille punit son propre fils, renvoie-t-il à trois mois la privation de sortir le samedi soir ou lui interdit-il de sortir dès le samedi qui suit le jour de l’infraction ? (« Très juste ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mettre fin au sentiment d'impunité, c'est permettre au parquet de développer encore davantage les alternatives aux poursuites, qui évitent les classements secs. La composition pénale, applicable jusqu'à présent aux majeurs, le sera aux mineurs de treize à dix-huit ans.

M. Yves Bur. Bravo !

M. le garde des sceaux. Mettre fin au sentiment d'impunité, c'est, comme le prévoit le projet de loi, limiter le nombre d'admonestations et de remises aux parents. C'est aussi pouvoir éloigner durant quelques semaines un mineur dès l'âge de dix ans d'un milieu délinquant. La mise en internat, à l’autre bout de la France,...

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. le garde des sceaux. ...d’un mineur qui perturbe la vie de tous dans une cité, est une bonne réponse sur le plan pédagogique et qui n’a rien de répressive. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Maryse Joissains-Masini. Bravo !

M. Yves Bur. C’est un acte courageux !

M. le garde des sceaux. Mettre fin au sentiment d'impunité, c'est s'assurer que la peine prononcée sera exécutée. À partir de janvier 2007, des bureaux d'exécution des peines pour mineurs seront installés dans toutes les juridictions...

M. Jean-Pierre Blazy. Pourquoi avoir attendu quatre ans ? Qui est au Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. ... pour faire en sorte que, dès la sortie de l'audience ou du cabinet du juge, le mineur soit pris en charge et commence à exécuter sa peine.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. le garde des sceaux. Mettre fin au sentiment d'impunité, c'est enfin faire en sorte que les maires soient informés des suites données à une affaire lorsqu'ils le demandent, comme nous l'avons fait récemment en faveur des chefs d'établissement scolaire qui signalent des faits au parquet.

Parmi les maires que j’ai rencontrés en Seine-Saint-Denis, certains m’ont fait part de la réaction négative de l’opinion publique devant la vue d’un mineur de retour dans la cité jouer au caïd...

M. André Schneider. Quand il n’est pas porté en triomphe !

M. le garde des sceaux. ...en laissant croire à ses camarades qu’il n’a subi aucune sanction de la part des juges, alors qu’il a été puni avec sursis, peut-être avec mise à l’épreuve, avec injonction de soins ou travail d’intérêt général. Demain, avec la sanction portée à la connaissance du maire, les gens sauront que, dans des cas analogues, l’impunité n’aura pas été la réponse de la justice. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cependant, je n’oublie pas que la réinsertion des jeunes passe aussi par l'insertion professionnelle. L'obligation de suivre une mesure d'activité de jour, telle qu'elle est créée par le nouveau texte, prend en compte cet impératif : qu’il s’agisse, par exemple, d’un stage professionnalisant ou d’un stage d’insertion, tout travail est préférable à l’inaction.

M. Yves Fromion. Très juste !

M. le garde des sceaux. Agir contre la délinquance, c'est aussi œuvrer contre la banalisation de la consommation de stupéfiants et de leur commerce, activité qui concerne aussi bien les mineurs que les majeurs.

Pour tout consommateur de drogues, je souhaite renforcer le dispositif des injonctions thérapeutiques, car celui qui est confronté à la drogue a besoin d'un suivi médical.

L'injonction thérapeutique pourra être prononcée comme modalité d'exécution d'une peine. Elle prendra la forme d'une mesure de soins ou de surveillance médicale. Elle sera étendue aux personnes ayant commis une infraction dont les circonstances révèlent une addiction aux boissons alcoolisées. L'injonction pourra permettre de traiter la cause de cette délinquance afin d'éviter son renouvellement. Toutefois, il faut aller plus loin que la mesure de soin.

L'usage de stupéfiants ou l'abus d'alcool ne doit plus jamais constituer une excuse lorsqu'il aboutit à la commission d'une infraction. L’excuse trop souvent entendue devant les tribunaux correctionnels du « Mais, monsieur le président, j’avais bu un coup de trop ! » n’aura plus cours. Cette période de tolérance est révolue.

Commettre une infraction sous l'emprise d'un produit stupéfiant ou en état d'ivresse manifeste constituera une circonstance aggravante. Il en sera de même pour le délit de provocation à l'usage de stupéfiants se déroulant aux abords d'un établissement scolaire ou bien encore dans les locaux de l'administration.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il était temps !

M. le garde des sceaux. Je souhaite également rendre la réponse pénale plus diversifiée et plus systématique en matière de consommation de drogues, en permettant l'utilisation de l'ordonnance pénale pour les majeurs et de la composition pénale pour les mineurs.

S'agissant des violences urbaines, je souhaite diversifier la réponse pénale par la création de nouvelles infractions et le renforcement de certaines sanctions.

Une infraction spécifique sera créée en cas de violences volontaires graves sur les agents de la force publique, commise avec arme en bande organisée ou avec guet-apens, qui sera punie de quinze ans de réclusion criminelle. Il faut que ceux qui s'attaquent aux forces de l'ordre, aux agents de l'administration pénitentiaire, aux sapeurs-pompiers, aux agents des transports publics, sachent qu’ils risquent, lorsqu'ils tendent un guet-apens ou s'organisent pour exercer des violences, de se retrouver devant une cour d'assises.

M. Yves Fromion. Très bien ! Il faut être ferme !

M. le garde des sceaux. Je souhaite également que l'on puisse punir les embuscades,...

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy. Comme à l’UMP ?

M. le garde des sceaux. ...alors même qu'elles n'ont pas atteint leur cible, et étendre la répression à tous ceux qui les organisent. Cette nouvelle infraction permettra de sanctionner tous ceux qui se trouvent sur le lieu de l'embuscade, s'il est démontré qu'ils ont participé à sa préparation.

Je veux également aggraver les sanctions en cas de rébellion, en faisant passer le quantum de la peine applicable de six mois à un an d'emprisonnement : cette aggravation des peines permettra notamment d'appliquer aux mineurs ayant commis des faits de rébellion la nouvelle procédure de présentation immédiate.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. le garde des sceaux. Enfin, ceux qui appellent à l'émeute et qui incitent les habitants d'un quartier à s'opposer à l'action de la police doivent pouvoir être sanctionnés d'une peine d'emprisonnement de deux mois, et non pas d'une simple peine d'amende, ce qui permettra notamment de les placer en garde à vue.

Mme Christine Boutin. Et alors ?

M. le garde des sceaux. Comme vous le voyez, notre détermination à faire appliquer la loi et à protéger ceux qui la servent est totale.

M. Yves Fromion. Bravo !

M. le garde des sceaux. Cependant, cette politique dynamique ne peut prospérer que si nous cherchons à rendre nos sanctions plus éducatives.

C'est pourquoi, comme me l'ont demandé les élus de Seine-Saint-Denis, je souhaite que nous donnions un nouvel élan à la peine de travail d'intérêt général.

Mme Maryse Joissains-Masini. Très bien !

M. le garde des sceaux. Le projet de loi prévoit la possibilité d'accomplir des TIG au sein de structures gérées par des personnes morales de droit privé exerçant des missions de service public, comme les bailleurs sociaux – les HLM – ou les entreprises de transports en commun. Les maires ici présents mesurent sans doute la portée pratique d’une telle évolution.

Par ailleurs, le projet de loi n'oublie pas les victimes puisqu'il crée une peine de sanction-réparation, qui obligera le condamné à indemniser sa victime sous le contrôle du procureur de la République ou de son représentant. Son non-respect sera sanctionné par une peine d'emprisonnement dont la durée aura été préalablement fixée par la juridiction de jugement.

M. Dino Cinieri. Bravo !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça va tout régler !

M. le garde des sceaux. Enfin, je vous rappelle que ce projet de loi institue l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale qui permettra d'aider les parents de délinquants éprouvant des difficultés dans l'éducation de leurs enfants.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. le garde des sceaux. Mesdames et messieurs les députés, sans remettre en cause les principes fondateurs de notre justice des mineurs ou de notre procédure pénale, le projet de loi que nous vous proposons aujourd'hui permettra d'améliorer le dispositif de lutte contre la délinquance. Il complétera utilement les textes adoptés ces dernières années dans le domaine de la justice et de la sécurité.

M. Jean-Pierre Blazy. Où est la prévention dans tout ça ?

M. le garde des sceaux. Résultat d'un travail interministériel intense,…

M. Jean-Pierre Blazy. Ah oui ! Trois ans qu’on en parle !

M. le garde des sceaux. …ce projet de loi a été nourri de la concertation établie avec tous les partenaires impliqués dans les politiques de prévention de la délinquance et des multiples expérimentations mises en œuvre dans les quartiers les plus difficiles.

M. Jean-Pierre Blazy. Il n’y a pas de prévention dans ce texte !

M. le garde des sceaux. Il nous permettra de répondre aux aspirations de nos concitoyens à la tranquillité et à la sécurité.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. le garde des sceaux. C’est pour cela que vous avez été élus et c’est pour cela que nous vous proposons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de prévention de la délinquance entend apporter une réponse globale et cohérente aux problèmes de l’insécurité. Pour la première fois en effet, les déterminants de la délinquance sont abordés dans leur globalité mais également dans toute leur complexité.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui, et qui a été adopté en première lecture au Sénat le 21 septembre, met en place des procédures renouvelées, permettant aux différents acteurs de partager l’information grâce à des procédures efficaces qui garantissent un juste équilibre entre la sécurité de nos concitoyens et le respect du droit des malades. Aujourd’hui en effet, on observe trop souvent un système cloisonné dans lequel les différents acteurs de la prévention de la délinquance éprouvent des difficultés à dialoguer ensemble.

Personne ne souhaite que s’établisse une confusion entre délinquance et santé mentale. D’ailleurs, le rapport Garraud sur la prise en charge des patients dangereux, qui vient d’être remis au Premier ministre, établit une distinction claire entre dangerosité psychiatrique et dangerosité criminologique. Nous devons cependant reconnaître que certains troubles psychiatriques ne sont pas étrangers à certains comportements violents.

Même si les dispositifs de prise en charge médicale des malades atteints de troubles mentaux produisent indéniablement leurs effets, il est manifeste que nous devons concentrer nos efforts sur l’amélioration de la coordination entre l’autorité judiciaire et le système de soins pour aboutir à un traitement efficace de la délinquance associée à des troubles psychiques. Il faut tout simplement que les gens se parlent pour éviter toute rupture dans la continuité des soins.

M. Jean-Pierre Blazy. En effet.

M. le ministre de la santé et des solidarités. La nécessité de réviser la loi de juin 1990 sur les soins sans consentement fait désormais l’objet d’un consensus chez les professionnels et les représentants des familles et des usagers de la santé mentale.

Un premier axe de cette réforme concerne les hospitalisations d’office. Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance prévoit ainsi une clarification des procédures de prise en charge des personnes atteintes de souffrance psychiatrique qui peuvent menacer directement la sécurité d’autrui. Désormais, une personne présentant un danger réel pour la société doit être prise en charge dans le cadre de la procédure d’« hospitalisation des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public » et non plus, comme c’était le cas auparavant, dans le cadre de l’hospitalisation à la demande d’un tiers.

De manière générale, le projet de loi consacre aussi le rôle du maire en tant qu’acteur central de la prévention de la délinquance des personnes atteintes de troubles psychiques en liaison avec le préfet et les autorités judiciaires. Il tire ainsi toutes les conséquences de la situation actuelle car, aujourd’hui, c’est le maire qui, dans 60 % des cas, est à l’origine de la décision en urgence de l’hospitalisation d’office. La loi lui donnera l’autorité de prononcer ces hospitalisations d’office en dehors de l’urgence. Cette procédure simplifie non seulement le dispositif existant mais il donne également des garanties nouvelles plus protectrices des droits de la personne.

En premier lieu, la notion de notoriété publique, qui pouvait motiver une hospitalisation d’office, est supprimée. Désormais le maire devra référer dans les vingt-quatre heures de la mesure d’hospitalisation d’office au représentant de l’État dans le département, à charge pour ce dernier de l’infirmer ou de la confirmer sur la base d’un examen psychiatrique.

En second lieu, l’exigence d’un certificat médical dans les soixante-douze heures qui suivent la décision d’hospitalisation d’office offre une possibilité supplémentaire de réexaminer la situation de la personne puisque, actuellement, les certificats sont établis à J + 1 et à J + 15.

Par ailleurs, les données concernant les hospitalisations d’office sont parcellaires et recueillies uniquement au niveau départemental. Il est en effet impossible aujourd’hui de disposer d’informations sur les hospitalisations intervenues dans un autre département que celui dans lequel a lieu la demande d’hospitalisation d’office.

M. Yves Fromion. Eh oui !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Or cette information peut être utile, voire indispensable pour évaluer l’état psychiatrique d’un patient dont on ne connaît pas les antécédents. Le cloisonnement de l’information constitue bien souvent un obstacle à la prévention de la récidive.

La création d’un traitement national des données à caractère administratif améliore ainsi le suivi sanitaire des personnes hospitalisées d’office. Sa mise en place s’accompagne de garanties importantes afin de préserver le secret médical, puisque seules les données administratives seront consignées.

Ce traitement national bénéficiera bien entendu des dispositions prévues par la loi Informatique et libertés, et notamment du contrôle de la CNIL.

Enfin, le projet de loi prévoit la possibilité pour le représentant de l’État de recourir à une expertise médicale effectuée par un psychiatre n’appartenant pas à l’établissement de santé d’accueil du malade. Cette disposition garantit le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation et permet de conforter la décision du représentant de l’État.

Nous avons également entendu les interrogations de la communauté psychiatrique et des associations de familles et d’usagers quant à la nécessité d’une approche globale de ces sujets dans un texte qui serait porté par le ministère de la santé. Avec M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, nous proposons au Parlement d’habiliter le Gouvernement à réviser par ordonnance l’ensemble de la loi de 1990, sur laquelle la concertation avec les professionnels est d’ores et déjà engagée. Nous avons fixé deux nouveaux rendez-vous avec les représentants des professionnels de santé et les associations de patients, à la fin du mois de novembre et le 13 décembre, pour poursuivre cette concertation.

Cette réforme globale comprendra, outre les éléments précédemment énoncés, la clarification de la notion de tiers ; la dissociation entre le caractère obligatoire du soin, c'est-à-dire la décision administrative prononçant l'obligation de soins, et les modalités d'exécution des soins sans consentement : je pense à l’hospitalisation complète ou à la prise en charge en ambulatoire. L'évaluation clinique dans les soixante-douze heures qui suivent l’admission sera améliorée afin de définir les modalités de prise en charge les plus pertinentes et de les adapter. De même, la composition et le fonctionnement des commissions départementales de l'hospitalisation psychiatrique seront réformés.

Cette réforme attendue sera menée dans la concertation.

Le dernier point que je voulais aborder concerne la rénovation du dispositif de l'injonction thérapeutique. Auparavant, chacun s’accorde à le reconnaître, il manquait un véritable suivi médical et une réelle coordination entre le monde judiciaire et le monde sanitaire. Le dispositif de l’injonction thérapeutique rénové s'appuiera sur la mise en place de médecins relais qui joueront le rôle d'interface entre l'autorité judiciaire et le médecin soignant. Le médecin relais met en œuvre l'injonction thérapeutique en proposant ses modalités, il contrôle son application et, le cas échéant, il donne un avis motivé sur l'opportunité médicale de cette mesure à l’autorité judiciaire. Ces médecins relais pourront être formés grâce à la formation médicale continue et au déploiement du plan addictologie que je viens de présenter. Ce sont 6,5 millions d'euros qui seront ainsi consacrés à cette mesure.

M. le ministre d’État a évoqué tout à l’heure les différentes modalités envisagées, et notamment le dépôt d’un amendement au projet de loi qui sera étudié jeudi prochain à l’Assemblée nationale. Je tiens à ce propos à saluer le travail de M. Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, nous n'avons qu'un objectif : mieux assurer les soins dus aux personnes atteintes de troubles psychiatriques tout en garantissant, à elles comme à la société tout entière, une protection plus grande. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Rodolphe Thomas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le ministre d’État, messieurs les ministres, mes chers collègues, ainsi que l’attendaient nos concitoyens, la France s'est engagée depuis quatre ans et demi dans une politique résolue de lutte contre l'insécurité. Cette politique a connu des résultats incontestables, mettant fin à la dégradation continue des chiffres de la délinquance entre 1997 et 2002.

Cependant, les événements nous rappellent en permanence que l'effort doit être maintenu, amplifié et diversifié. Ils ne font que révéler une réalité que beaucoup d'élus locaux pouvaient déjà ressentir : la transformation de la délinquance. Celle-ci devient de plus en plus violente et est le fait de personnes de plus en plus jeunes.

Face à ce véritable phénomène de société, il serait vain de croire que la solution pourrait venir des seules forces de police et de gendarmerie, qui ont déjà fourni des efforts remarquables, même s'il est toujours possible et souhaitable d'améliorer le cadre de leur action.

Ainsi, la voie qu'il faut maintenant poursuivre est celle d'une approche différente de la délinquance, une approche qui prenne en compte l'ensemble des facteurs susceptibles de la générer. Il convient de mettre en œuvre une véritable politique de prévention de la délinquance, et pour cela, il faut considérer que cette politique concerne non seulement la police et la justice, mais l'ensemble des acteurs sociaux, qu'ils soient publics ou non.

Si chacun s'accorde sur la priorité à accorder à la prévention de la délinquance, de nombreuses divisions persistent sur les modalités concrètes de sa mise en œuvre. Ainsi, compte tenu du nombre d'acteurs concernés, il était primordial d'organiser leur coordination.

Prendre en compte les réalités de la délinquance d'aujourd'hui dans toutes ses facettes, tel est l'objectif, ambitieux, de ce projet de loi qui sera complété, le moment venu, par le projet de loi relatif à l’accueil et à la protection de l’enfance, déjà adopté par le Sénat en juin 2006.

Quelques mots tout d'abord sur le diagnostic.

La sécurité était la priorité, légitime, de la majorité élue en 2002. De fait, les réformes annoncées ont été mises en œuvre, les moyens promis ont été débloqués, les forces de sécurité ont été remobilisées.

Le bilan de cette politique est d'ailleurs flatteur. Ainsi, alors qu'entre 1997 et 2002, la délinquance globale avait connu une hausse de 18 %, la baisse a atteint depuis 8,5 %.

M. Jean-Pierre Blazy. Ça remonte !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cette baisse…

M. Jean-Pierre Blazy. Qui ne concerne pas les violences !

M. Philippe Houillon, rapporteur. …résulte incontestablement de l'action déterminée des services de la police et de la gendarmerie, comme le montre la hausse de 25 à 33 % du taux d'élucidation, l’augmentation du nombre de personnes mises en cause ou de gardes à vue, ou encore celle des faits révélés par l'action des services.

Au-delà du bilan statistique, ces évolutions indiquent une claire réorientation de l'action policière, davantage focalisée sur la recherche des auteurs d'infraction. Manifestement, la présence policière est dorénavant mieux adaptée aux heures et aux lieux de la délinquance, comme le montre par exemple la très forte baisse de 21 % de la délinquance de voie publique.

Pourtant, si les chiffres globaux de la délinquance marquent un recul, ils ne doivent pas cacher deux phénomènes très préoccupants : les actes de délinquance sont le fait d'auteurs de plus en plus jeunes et de plus en plus violents.

Première tendance : les actes commis sont de plus en plus violents.

Les violences « non crapuleuses », c'est-à-dire celles qui n'ont pas pour objet principal l'accaparement d'un bien, augmentent de près de 10 % sur un an, tandis que le nombre de mis en cause dans ces affaires s'accroît de près de 13 %.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est énorme !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Le nombre de faits constatés de coups et violences volontaires augmente lui aussi, signe que les services de police et de gendarmerie réceptionnent plus systématiquement les plaintes qui sont déposées par les victimes.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est le revers de la médaille !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Les violences à dépositaires de l'autorité connaissent quant à elles un accroissement sans précédent : après avoir augmenté de 7,6 % entre 2004 et 2005, elles ont connu une hausse de 25 % au premier semestre 2006, cette évolution étant liée aux manifestations qui se sont déroulées en mars-avril 2006.

Seconde tendance : les actes sont le fait de mineurs de plus en plus jeunes.

En 2005, plus de 190 000 mineurs ont été interpellés, soit 18 % des personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie. Ce chiffre représente une hausse de 5 % par rapport à 2004.

Les délinquants mineurs n’ont jamais été aussi jeunes, aussi réitérants et aussi violents. Nous constatons un rajeunissement de l'âge d'entrée des mineurs dans la délinquance : tandis que la part des mineurs de seize à dix-huit ans régresse régulièrement, celle des quatorze-seize ans reste stable et celle des moins de treize ans augmente. Les mineurs de moins de seize ans représentent la moitié des mineurs mis en cause. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que la gravité des actes est liée à la précocité de leurs auteurs.

M. Hervé Novelli. Tout à fait !

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’augmentation du niveau de violence des jeunes est donc liée très directement à leur entrée plus précoce dans la délinquance.

Ces mineurs sont aussi de plus en plus violents. Au premier semestre 2006, près de 26 600 mineurs ont été mis en cause pour atteintes volontaires à l’intégrité physique,…

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Philippe Houillon, rapporteur. …soit une augmentation de près de 20 % par rapport à l’année dernière à la même époque, taux de progression trois fois supérieur à celui mesuré pour les majeurs mis en cause.

M. Hervé Novelli. C’est énorme !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Face à l’augmentation de ces violences dites non crapuleuses, que l’on peut qualifier de « gratuites », on voit bien que la réponse ne saurait être uniquement policière. Elle doit être protéiforme, non seulement pénale, mais aussi sociale et éducative.

Face à des phénomènes complexes, la réponse ne peut être que variée et modulée selon les caractéristiques des faits et la personnalité des auteurs, notamment des mineurs.

Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance s’inscrit pleinement dans une démarche visant à prendre toute la mesure des transformations de la délinquance, à appréhender la notion de prévention dans toutes ses dimensions. En témoigne le fait que pas moins de cinq ministres défendent ce texte devant le Parlement ou que ses dispositions modifient tant le code pénal et le code de procédure pénale que le code général des collectivités territoriales, le code de l’action sociale et des familles, et le code de l’éducation, mais aussi le code de l’urbanisme ou le code rural et le code de la santé publique.

Je ne peux, dans le temps qui m’est imparti, détailler toutes les dispositions du projet de loi. Nous aurons l’occasion de débattre de chaque article au cours des deux semaines d’examen du texte. Je m’attacherai donc à présenter uniquement les principales dispositions du texte.

Premier axe : le rôle du maire, qui devient animateur et coordonnateur des politiques de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune.

Le maire cumule deux qualités particulièrement utiles dans le cadre de la prévention de la délinquance : la proximité et la polyvalence. Proche des habitants, il doit tout d’abord répondre à leurs attentes, qui sont très fortes dans le domaine de la sécurité, et il peut le faire car il connaît bien sa population et son territoire. De plus, la généralité des compétences de la commune permet au maire d’agir dans l’ensemble du spectre de la prévention, en prenant en compte à la fois les considérations sociales, éducatives et urbanistiques.

J’ai pu constater, en entendant leurs représentants, que les maires sont très demandeurs d’un rôle de médiateur et de fédérateur aux yeux d’une population qui les considère comme plus facilement abordables. Dans le même temps, ils sont très désireux que leur rôle ne fasse pas l’objet d’une confusion avec celui des forces de sécurité et celui de la justice. Les maires ne cherchent pas à participer au dispositif répressif de lutte contre la délinquance, mais ils veulent obtenir davantage de moyens d’information pour jouer dans sa plénitude leur rôle de coordination.

Le présent projet de loi est fondé sur cette recherche d’équilibre entre reconnaissance du rôle du maire dans la prévention de la délinquance et refus d’en faire un « shérif ». L’Association des maires de France et l’Association des maires des grandes villes de France considèrent que le projet de loi est parvenu à ce difficile équilibre, et elles s’en félicitent, compte tenu de l’importance des attentes des populations en matière de prévention de la délinquance. Symboliquement, l’article 1er du projet de loi institue le maire comme le coordinateur et l’animateur de la politique de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune. Cette disposition ne fera en fait que consacrer le rôle que bien des maires exercent déjà dans la pratique,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Philippe Houillon, rapporteur. …mais qui bénéficiera désormais d’une légitimité incontestable.

En tant que coordinateurs, les maires pourront s’appuyer sur des instances partenariales. Ainsi, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance sont généralisés puisqu’ils sont rendus obligatoires dans les communes de plus de 10 000 habitants.

Par ailleurs, le projet de loi crée également, dans les communes de plus de 10 000 habitants, un nouvel organe de la commune : le conseil pour les droits et devoirs des familles. Ce conseil sera composé d’élus, de représentants de l’État et d’acteurs de terrain. Il sera un lieu d’échange avec les familles en difficulté afin de les aider à trouver des solutions concrètes aux problèmes qu’elles rencontrent. La commission a cependant estimé que le succès de cette instance reposera sur l’implication des communes. Il est donc préférable de laisser chaque commune décider elle-même de la création d’un tel conseil. M. le ministre d’État a exprimé tout à l’heure son accord sur cette disposition adoptée par la commission des lois.

De nombreux moyens d’information sont par ailleurs donnés aux maires afin que ceux-ci disposent d’une vue d’ensemble sur toutes les problématiques liées à la prévention de la délinquance, en vue de proposer des réponses adaptées en amont.

Ainsi, le maire a été placé au cœur du dispositif de secret professionnel partagé institué par le projet de loi dans le domaine de la prévention de la délinquance. L’efficacité de l’action sociale souffre en effet moins d’un manque d’intervenants qualifiés que d’un défaut de coordination de leur action et d’une carence dans l’utilisation de l’information existante. C’est pourquoi l’article 5 du projet de loi autorise les professionnels de l’action sociale à partager les informations dont ils disposent sur une personne ou une famille qui connaît une aggravation de ses difficultés. Afin que ces informations soient utilisées au mieux, le maire sera chargé de nommer un coordonnateur qui aura un double rôle : à la fois animer l’équipe de travailleurs sociaux intervenant autour d’une même personne, pour optimiser les différentes interventions, et informer les personnes susceptibles d’avoir besoin de la connaître afin d’apporter une réponse adaptée, à savoir le maire et le président du conseil général.

Le projet de loi permettra également d’étoffer l’information du maire sur l’absentéisme scolaire.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cette information se justifie compte tenu des compétences dont le maire dispose déjà en matière de contrôle de l’obligation scolaire. L’article 9 autorisera les maires à mettre en place des traitements automatisés contenant des informations en provenance des caisses d’allocations familiales et de l’éducation nationale.

Les sources d’information du maire concernant plus directement la délinquance sont également étoffées, par exemple celles relatives aux troubles à l’ordre public commis sur le territoire de sa commune. Désormais, le projet de loi prévoit une information du maire par la police et la gendarmerie nationales sur l’ensemble des infractions causant un trouble à l’ordre public, et non plus simplement celles que les services en question considèrent comme « graves ».

M. Claude Goasguen. C’est très important !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Trop souvent, l’implication des procureurs de la République est inégale sur le territoire national, certains d’entre eux n’apportant pas aux maires qui le demandent les informations concernant les suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire de la commune. La commission proposera donc que les procureurs transmettent aux maires, à leur demande, des informations sur les suites judiciaires données aux actes de délinquance commis sur le territoire de leur commune.

Le projet de loi crée enfin des procédures permettant aux maires de jouer tout leur rôle dans la prévention de la délinquance. Dans le domaine social, un nouvel outil est crée, celui de l’accompagnement parental, procédure à la disposition du maire pour agir en amont au bénéfice des familles qui connaissent des difficultés dans l’éducation de leurs enfants.

En outre, le maire pourra dorénavant saisir le juge des enfants en cas de mauvaise utilisation des prestations familiales.

Enfin, le rôle de médiation du maire dans le domaine de la lutte contre les incivilités sera renforcé par la consécration législative donnée à la pratique courante du « rappel à l’ordre » par le maire. Il s’agit non pas d’associer le maire à l’appareil répressif, mais de favoriser au contraire une gestion non pénale de certains actes de délinquance, compte tenu de l’autorité morale dont dispose le maire.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Le souci de mieux lutter contre la délinquance des mineurs constitue le second axe fondamental du projet de loi. Face à des violences de plus en plus graves qui sont le fait de mineurs de plus en plus jeunes, les instruments actuels de prévention et de répression semblent très largement dépassés.

Pour être efficace, la réponse pénale aux actes des mineurs doit être systématique, car la certitude de la sanction constitue le seul moyen de lutter contre le sentiment d’impunité et de produire un réel effet dissuasif. Elle doit aussi être adaptée à l’âge et à la personnalité des mineurs, ce qui suppose une large palette de mesures. Enfin, elle doit être rapide car, dans certains cas, l’instruction n’est pas indispensable et seule une réponse rapide peut avoir un effet pédagogique à l’égard tant de l’auteur des faits que des autres mineurs qui pourraient être tentés de l’imiter. Le projet de loi répond à ces exigences.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Philippe Houillon, rapporteur. En premier lieu, il apporte une réponse plus systématique grâce au plus grand recours aux mesures alternatives aux poursuites et à l’instauration de la composition pénale pour les mineurs.

En deuxième lieu, il apporte une réponse mieux adaptée à la personnalité des mineurs grâce à l’extension de la palette des mesures pouvant être prononcées par le juge des enfants. Le projet crée quatre nouvelles sanctions éducatives, dont l’une est le placement dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation habilité permettant la mise en œuvre d’un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel. Le projet prévoit un placement pour une durée d’un mois. La commission des lois a adopté, à mon initiative, un amendement permettant de moduler jusqu’à trois mois la durée de ce placement en fonction de l’âge du mineur.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Philippe Houillon, rapporteur. En troisième lieu, le projet de loi apporte une réponse pénale plus rapide grâce à l’instauration de la procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs.

La justice des mineurs doit concilier deux objectifs qui peuvent se révéler contradictoires : fournir une réponse rapide dans l’intérêt de la victime et du mineur, tout en permettant l’organisation d’une investigation sur la situation de l’intéressé.

La procédure de comparution immédiate prévue par le code de procédure pénale n’est pas applicable aux mineurs. Il existe, en revanche, une procédure « rapide » qui s’applique d’ores et déjà aux mineurs : il s’agit de la procédure dite de « jugement à délai rapproché », qui a été instaurée en 2002. Elle permet au procureur de la République de saisir directement le tribunal pour enfants aux fins de jugement dans un délai de dix jours à un mois.

Le projet de loi lui substitue une « procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs » qui reprend les principaux aspects de la procédure de jugement à délai rapproché en opérant deux aménagements substantiels :

L’élargissement de son champ d’application par l’abaissement des quantums de peine encourue dont le niveau conditionne la mise en œuvre de la procédure ;

Son accélération, l’application du délai minimal de dix jours pouvant être écartée, sous la double condition de l’accord exprès du mineur et de son avocat et de l’absence d’opposition des représentants légaux qui auront été préalablement convoqués. Ce projet met donc en œuvre tous les moyens de protection.

La présentation immédiate permettra, dans les grands tribunaux pour enfants qui tiennent une audience par jour, de juger un mineur dans la journée même de sa présentation au procureur.

Ce projet, on le voit, propose des réformes de l’ordonnance de 1945 qui vont dans le bon sens. Il n’était bien évidemment pas question, à quelques mois d’échéances électorales, de procéder à une réforme d’ampleur dans la précipitation.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est pourtant l’impression que cela donne !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Mais la discussion du projet de loi peut être l’occasion d’amorcer une réflexion qui devra se poursuivre en 2007.

Notre pays ne saurait en effet se passer d’une grande réflexion sur les nouveaux visages de la délinquance des mineurs et sur les moyens de la contenir, réflexion qui passera, à mon sens, par une refonte d’ensemble de l’ordonnance de 1945, texte vieilli auquel de multiples modifications ont fait perdre toute cohérence globale et qui ne répond plus aux principes posés par les conventions internationales.

Les mineurs de 2006 ne sont plus les mineurs d’il y a soixante ans et le texte qui précise les modalités particulières d’application des procédures pénales aux mineurs doit prendre la mesure de ces évolutions profondes. Nous devons comprendre les phénomènes à l’œuvre pour trouver les réponses adaptées à des adolescents en perte de repères, souvent manipulés par des adultes peu scrupuleux, qui utilisent l’excuse de minorité comme bouclier, des jeunes capables de commettre des actes d’une violence inouïe, comme en témoigne tristement l’affaire du bus de Marseille.

M. Jacques-Alain Bénisti. Hélas !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cette réflexion devra, à mon sens, être guidée par deux exigences : se conformer aux règles posées par les conventions internationales et aborder spécifiquement la question des multirécidivistes.

La réflexion que nous allons engager ne devra éluder ni le problème crucial constitué par le noyau dur de multirécidivistes, pour lesquels les réponses pénales apportées aujourd’hui sont totalement inefficaces, ni la question de la maturité pénale.

C’est tout notre système qui est à revoir, car on ne peut apporter la même réponse à des jeunes qui passent le cap de l’adolescence en commettant un ou deux petits délits, et à des jeunes multirécidivistes ou multiréitérants, qui nécessitent de fait un accompagnement spécifique, éventuellement élargi à la famille dans son ensemble.

Il faut aussi pouvoir traiter le problème des bandes. En effet, alors que la délinquance des mineurs est souvent le produit d’une action de groupe, la réponse judiciaire, à ce jour, est individuelle.

Il est également nécessaire de trouver une réponse judiciaire adaptée à une petite fraction des mineurs – 5 à 10 % de ceux qui sont mis en cause –, qui mettent aujourd’hui l’institution en difficulté. Si la majorité des adolescents délinquants n’a affaire qu’une seule fois à la justice des mineurs, il existe un petit noyau dur de jeunes multirécidivistes et multiréitérants, pour lesquels des réponses adaptées n’ont pas encore été trouvées.

Toutes les pistes doivent être explorées pour que nous puissions traiter pleinement ce problème crucial. Pour l’immédiat, la commission des lois a adopté ce matin deux amendements, l’un relatif à l’excuse de minorité, le second à la motivation des décisions de justice.

Le premier, sans remettre en cause le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, vise à étendre pour les juges les possibilités d’y déroger, dans le cas de mineurs de seize à dix-huit ans qui auraient commis, en état de récidive légale, un crime ou un délit constituant une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

Le second amendement prévoit, pour les majeurs, la motivation expresse par les juges, en matière correctionnelle, du choix de la peine prononcée, lorsque l’infraction est commise en état de récidive légale ou de réitération. Il s’agit simplement de donner une plus grande lisibilité aux décisions de justice, dans un souci de pédagogie, tant à l’égard des personnes condamnées que des victimes, tout en laissant une totale liberté aux juges dans le choix de la peine.

J’aborde maintenant deux sujets sur lesquels le président Jean-Michel Dubernard, excellent rapporteur pour avis, dont je salue le travail,…

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Merci, monsieur le président.

M. Philippe Houillon, rapporteur. …reviendra probablement dans son intervention : la lutte contre la toxicomanie et la réforme de l’hospitalisation d’office.

Ce projet de loi cherche à traiter l’ensemble des facettes de la délinquance. Or les comportements addictifs sont souvent à l’origine de violences ou de désocialisation. Compte tenu de l’importance de la consommation de drogues en France, notamment par les mineurs, il y a lieu d’être inquiet. D’où les dispositions incluses dans le projet de loi, que détaillera le rapporteur pour avis.

Le second sujet concerne la réforme de l’hospitalisation d’office des malades mentaux dangereux pour l’ordre public. Certes, même dangereux, ce ne sont pas, en tant que tels, des délinquants. Pourtant, plusieurs drames, comme celui de Nanterre en 2002 ou celui de Pau en 2004, sont venus rappeler la réalité de la dangerosité de certains malades psychiatriques et de l’inadaptation de nos procédures, dont chacun réclame la réforme depuis plusieurs années.

Sur le fond, la commission des lois considère que les mesures proposées par le projet de loi sont judicieuses. Elles répondent en effet à des difficultés concrètes : elles vont dans le sens du droit des malades et rendent le dispositif plus soucieux des considérations d’ordre public. La commission des lois les a donc naturellement adoptées.

Avant de conclure, je tiens à évoquer un amendement du Gouvernement, que la commission a examiné cet après-midi. Il concerne la mise en œuvre de la réforme du permis à points, annoncée par le Premier ministre le 8 novembre dernier.

Le renforcement des contrôles a eu d’incontestables résultats positifs sur les chiffres de la sécurité routière, mais il a également pu susciter quelques incompréhensions. Le Gouvernement nous propose donc des modifications à la marge, visant à assouplir le régime du permis à points, notamment en faisant passer d’un à trois ans le délai permettant de retrouver un point lorsqu’aucune autre infraction n’a été commise entre-temps.

La commission a approuvé ces modifications, tout en souhaitant qu’elles bénéficient à l’ensemble des personnes concernées, en application du principe d’application immédiate de la loi répressive plus douce, et par souci d’égalité.

Telles sont les principales dispositions de ce projet, que votre commission des lois a approuvé, et que je vous propose d’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les ministres, mes chers collègues, après l’intervention si pertinente d’un juriste aussi éminent que M. Philippe Houillon,…

M. Philippe Houillon, rapporteur. Merci !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. …laissez-moi prendre un peu de champ pour expliquer pourquoi ce texte, qui a fait l’objet de tant de caricatures, est nécessaire.

La société française ne peut pas se laisser submerger par l’idée que la montée de la violence est inéluctable et qu’il faut s’habituer à vivre avec elle. D’où la nécessité d’une nouvelle approche de la lutte contre la délinquance.

M. Jean-Louis Dumont. C’est de la provocation !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Plutôt que de perfectionner les moyens de réprimer la violence et la délinquance, mieux vaut s’attaquer aux multiples facteurs qui contribuent à leur banalisation sous toutes ses formes.

Cette violence atteint tous les Français, des plus jeunes aux plus âgés. L’absentéisme scolaire n’est pas un signe de délinquance, mais c’est un signal d’alerte qui doit amener les familles, les intervenants sociaux et les maires à intervenir. De même, dès leur plus jeune âge, les enfants doivent être protégés de la banalisation de la violence, du racisme, de la drogue et de la pornographie, qui peut être le fait de produits électroniques prenant la forme de jeux ou être véhiculée par Internet.

Ce projet de loi ne traduit pas une obsession sécuritaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Au contraire, il cherche à répondre avec pragmatisme aux différents problèmes sociaux générateurs de violence. Il est complémentaire d’autres politiques, particulièrement de celles en faveur des quartiers sensibles. La politique de la ville et les outils mis en place par la loi de programmation pour la cohésion sociale sont, en effet, des éléments majeurs pour la prévention de la violence.

Malgré les efforts entrepris, des parties de notre territoire national restent en déshérence. L’environnement urbain et les conditions de vie dans certains quartiers sont tellement dégradés que leurs habitants subissent tous les jours une forme de violence, qu’ils ont tendance à extérioriser en retour pour réagir à ce cadre de vie désespérant.

Il reste beaucoup à faire pour améliorer la vie dans les cités et éviter que les habitants de ces quartiers dits sensibles aient l’impression d’être des laissés-pour-compte de la République. Est-il normal que certains quartiers soient devenus des sortes de déserts du lien social ? Les petits commerces ont progressivement fermé et, en tout premier lieu, les cafés, dont l’utilité sociale est pourtant indéniable.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous êtes au pouvoir depuis quatre ans et demi. Vous pouviez agir !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Les services publics ne brillent pas par leur présence et les derniers symboles concrets de la solidarité nationale – les centres sociaux ou les maisons de quartier – ont du mal à survivre.

Je ne voudrais pas donner une vision trop pessimiste des banlieues françaises, car de gros efforts ont été faits par Jean-Louis Borloo dans le cadre de la politique de cohésion sociale. Mais cette politique ne portera ses fruits que lentement. La restructuration immobilière des quartiers sensibles prendra du temps, comme les efforts menés en faveur des zones franches urbaines pour encourager l’initiative économique et enclencher ainsi un cercle vertueux permettant aux habitants de ces quartiers de retrouver confiance et de se mobiliser pour favoriser la création d’emplois.

La lutte contre la délinquance repose sur deux piliers équilibrés : une politique de sanction efficace, avec une palette de mesures permettant d’adapter les sanctions à la gravité des infractions, et une politique de prévention s’attaquant très concrètement à toutes les souffrances sociales, qui sont autant de sources potentielles de violence.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous faites erreur en parlant de prévention à propos de ce projet de loi !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Les premières victimes de la violence sont précisément les habitants de ces quartiers, puisque les gymnases, les entreprises et les moyens de transport détruits représentent pour eux autant de services en moins.

Comment réussir à inverser le cours des choses, alors qu’un sentiment d’abattement, voire d’impuissance, gagne tant d’élus locaux, tant de travailleurs sociaux et tant de professionnels de l’éducation nationale ?

Ce que j’apprécie avant tout dans ce projet de loi est son approche pragmatique : il tient compte des expérimentations locales qui ont fait leur preuve et s’appuie sur les dispositifs sociaux existants. Si, auparavant, tant d’efforts sont restés vains, c’est parce qu’il n’y a pas eu, jusqu’à présent, de politique de prévention en tant que telle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qui s’attaque à la racine du mal et envisage les difficultés dans leur globalité.

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr ! Dans ce texte, vous inventez tout : la police, par exemple. Nous avons affaire à des génies !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. La politique de la ville et les politiques sociales, aussi nécessaires soient-elles, ne constituent pas, en tant que telles une politique de prévention, car elles répondent à des logiques sectorielles, sans aucun mécanisme de coordination. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Messieurs les ministres, vous proposez d’abord une nouvelle méthode, une démarche consistant à s’adresser directement aux personnes lorsqu’elles rencontrent ou vont rencontrer des situations difficiles. Cela implique de faire appel à une autre organisation, pour dépasser certaines pesanteurs culturelles qui imprègnent notre administration, notamment la logique du guichet et celle du cloisonnement. Car, si ces principes ont permis aux services de l’État de répondre à beaucoup de besoins depuis des décennies, ils ont trouvé leurs limites. Ils ont fait merveille dans une société où l’on se tournait vers l’État dans des cas bien précis : pour une allocation, une subvention ou un conseil. Mais ce qui a changé, c’est que toute une partie de la société – je pense notamment aux plus vulnérables – s’est littéralement détournée des services sociaux, pendant que les spécialistes de l’accompagnement social continuaient de l’attendre dans des bureaux.

Le projet de loi doit être l’occasion d’une réflexion en profondeur sur l’évolution des services sociaux. Cette nécessité a d’ailleurs été soulignée en 2005 dans le rapport de l’IGAS sur l’intervention sociale.

Centré sur une prise en charge individuelle des personnes en difficulté, le travail social a du mal à sortir de cette approche et à faire le lien avec le travail social collectif, qui est essentiellement assuré par des associations, dans le cadre de la prévention spécialisée. Il faut repenser, revoir et réformer le travail social.

Je vous renvoie aux propos pleins de sens de M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l’ODAS, qui, auditionné dans le cadre de la mission d’information parlementaire sur la famille et les droits des enfants, a déclaré notamment que les professionnels avaient du mal à appréhender une démarche collective. C’est indéniable. Mettons-nous à leur place !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est fou !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Leur formation doit être revue et leur mission repensée entièrement. Ce n’est pas les agresser que de le constater. Elles doivent être adaptées à la situation actuelle.

Au total, il est nécessaire de revoir leur mode d’action, de le rendre plus collectif et de favoriser davantage le travail en équipe.

M. Jean-Marie Le Guen. Super !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Il ne saurait être question de contester le rôle des travailleurs sociaux tel qu’il est conçu aujourd’hui. Mais nos travailleurs sociaux sont les seuls en Europe à entretenir un rapport exclusivement individuel avec les familles, alors qu’il faudrait impliquer le travail social dans le suivi de groupes d’habitants. Inspirons-nous des exemples étrangers. En France, le travailleur social est essentiellement axé sur la réparation ; ailleurs, il anime et travaille en réseau autour des familles, pour permettre de structurer des réseaux de solidarité de proximité.

Le projet de loi est particulièrement novateur quand il propose de revoir la répartition des compétences entre collectivités locales selon les spécificités de chacune. Des délégations de compétences librement négociées permettront de rapprocher les services publics de l’usager.

M. Jean-Marie Le Guen. Génial !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Il faut préserver la responsabilité des départements en matière de solidarité organisée, et confier aux communes la prévention primaire et le développement social. On pourrait d’ailleurs réfléchir aux possibilités de déléguer aux grandes villes, à titre expérimental, la protection maternelle et infantile, les services sociaux spécialisés et la médecine scolaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Toujours plus !

M. Jean-Marie Le Guen. La médecine scolaire dépendra du maire ? Formidable !

M. Jean-Pierre Blazy. De toute façon, elle est sinistrée.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. C’est un sujet que je connais bien, monsieur Le Guen, pour avoir été adjoint aux affaires sociales de Lyon, ainsi qu’adjoint aux affaires scolaires. Regardez ce que nous avons fait dans ce domaine : vous verrez que c’est un exemple à suivre, qui pourrait être appliqué dans nombre de grandes villes.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. Celles des Hauts-de-Seine, par exemple ? Attention : vos propos risquent d’être mal interprétés.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Il faut reconnaître que la taille des départements de la région parisienne n’est guère compatible avec la proximité. Pourtant, des progrès considérables ont été réalisés. Amplifier le rôle du maire et du président du conseil général, en cas de difficultés éducatives ou de carence de l’autorité parentale, est une nécessité. On observe aujourd’hui un recours trop systématique à la justice.

M. Jean-Marie Le Guen. Sur ce point, nous sommes d’accord !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. En effet, au lieu de conserver la responsabilité du dossier, le travailleur social préfère en quelque sorte se dédouaner en alertant la justice, qui elle-même est si embouteillée qu’elle ne peut traiter effectivement la question.

Ainsi, à Angers, les services judiciaires n'ont pu déceler, en dépit de leur bonne volonté, la gravité de la situation d'abandon dans laquelle se trouvaient des enfants maltraités. Ce qui vaut pour ces derniers vaut aussi pour les mineurs en voie de marginalisation : un accompagnement social renforcé des familles pourrait être beaucoup plus efficace et aider les parents en difficulté à assumer leur autorité parentale.

Le projet de loi cherche donc à répondre aux faiblesses les plus criantes de nos politiques publiques, en apportant quatre changements importants.

Premier changement : il vise à rapprocher la prise de décision du citoyen, au plus près du terrain, même si ce n'est pas la tradition de l'administration française. Nous souhaitons ainsi organiser la prévention de la délinquance autour des maires. Parce qu’ils sont les premiers informés et les premiers sollicités, c'est autour d'eux que toutes les compétences doivent s'articuler. Quelles que soient leurs opinions, les maires se mobilisent lorsque quelque chose de grave se passe et ce sont eux qui connaissent le mieux les acteurs locaux.

Deuxième changement : le travail en réseau sera favorisé par la création d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance dans les communes de plus de 10 000 habitants. (« Cela existe déjà ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Aujourd'hui, la protection maternelle et infantile, qui dépend du département, s'occupe de la santé jusqu'à l'âge de six ans ; la médecine scolaire, qui dépend de l'État, est alors censée prendre le relais ; le maire est responsable de l'obligation scolaire et le conseil général de l'aide sociale à l'enfance ; la protection judiciaire de la jeunesse intervient en direction des jeunes en danger ou déjà délinquants. À aucun moment, ces personnes ne se rencontrent pour travailler ensemble. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Un jeune en difficulté les rencontrera tous, mais successivement. Or personne ne pourra prendre seul en charge ses difficultés et il est parfois vital de partager certaines informations concernant sa vie.

Le projet de loi prévoit donc le partage de l'information entre professionnels, dans le respect du secret professionnel. Je juge, en outre, très utile la désignation, parmi les professionnels de l'action sociale, d’un coordonnateur chargé de donner de la cohérence aux différentes interventions auprès d'un même jeune ou d'une même famille et de faire l'interface entre les travailleurs sociaux et les élus chargés des problèmes sociaux et de l'assistance éducative.

Troisième changement : l'exigence de présence sur le terrain. Le renforcement du rôle des maires ne conduit pas à un désengagement de l'État. Celui-ci reste, bien entendu, responsable de la prévention de la délinquance, dont les préfets élaborent les plans départementaux. Même si le maire devient le pivot des dispositifs, l'État doit toujours être présent dans les quartiers pour aider, orienter et répondre. Beaucoup d'habitants des quartiers sensibles n'identifient l'État qu'à la police. Des délégués de l'État doivent donc pouvoir être présents dans les quartiers. Ce changement de culture est d’ailleurs en train de s'opérer. Les préfets et les sous-préfets doivent aller eux-mêmes sur le terrain.

Quatrième changement : la responsabilisation des personnes. Il faut sortir des logiques d'assistance et de sanction qui sont actuellement les seules mises en œuvre. Ainsi, pour aider les parents d'enfants en difficulté, des « conseils pour les devoirs et droits des familles », présidés par le maire ou son représentant, seront institués dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Ce dispositif existe déjà dans certaines communes, mais il était jusqu’à présent dépourvu de base légale.

Autre innovation du projet de loi, l’intérêt tout particulier qu’il porte aux victimes. Au risque de paraître quelque peu angélique, je veux dire d'abord que certains jeunes en voie de marginalisation sont autant des victimes que des délinquants potentiels. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La permissivité de notre société, l'absence de réaction face à certains comportements conduisent certains jeunes qui ne sont pas sanctionnés pour des conduites à risque à glisser sans bruit vers la délinquance.

L’un des premiers signaux de marginalisation est à l'évidence l'absentéisme scolaire, que le ministre d’État a évoqué dans cet hémicycle et lors de son audition par la commission. Le projet de loi donne donc au maire, qui est responsable du recensement des enfants en âge d'être scolarisés, les moyens de remplir sa mission, en autorisant la création d'un fichier automatisé des enfants scolarisés dans la commune et en permettant à l'inspecteur d'académie de lui signaler ceux pour lesquels un absentéisme important a été relevé.

Les enfants sont également victimes de la montée de la violence dans les établissements scolaires ou à proximité de ces bâtiments. Aussi, je me félicite que la circulaire interministérielle du 16 août 2006 sur la prévention de la délinquance et la lutte contre la violence en milieu scolaire ait prévu que chaque établissement scolaire devrait établir un plan de prévention de la violence. Ces établissements, qui sont en relation avec un correspondant « sécurité » au sein de la police ou de la gendarmerie, feront également l'objet d'un diagnostic de sécurité pour éviter les incursions violentes d'éléments étrangers.

Le projet de loi vise à protéger une autre catégorie de victimes : les enfants sollicités par internet ou attirés par des produits électroniques à caractère pornographique, violent, raciste ou incitant à l'usage de stupéfiants. Le système administratif d'encadrement de la commercialisation des cassettes vidéo, des DVD, des boîtiers et des cartes de jeux électroniques n'a pas fait la preuve de son efficacité. Il faut donc le modifier, en commençant par supprimer une commission consultative complètement dépassée par les dizaines de milliers de produits électroniques qu'elle doit expertiser chaque année.

Vous proposez, messieurs les ministres, de réformer la loi du 17 juin 1998, afin de donner au ministre de l'intérieur le pouvoir d'interdire, sans procédure d'expertise inutile, les supports électroniques qui nuisent à la santé de la jeunesse. En outre, le projet de loi donne aux familles les moyens d'évaluer la dangerosité des documents contenus dans les supports électroniques vidéo et de jeux en fonction de l'âge de leur utilisateur, en prévoyant la mise en place d'une signalétique, laquelle était demandée depuis plusieurs années par les familles et par de nombreux professionnels.

Par ailleurs, le projet de loi s'attaque directement à une délinquance pernicieuse, car diffuse, sans visage et souvent méconnue des parents : les sollicitations sexuelles faites aux mineurs de quinze ans par internet ou via des forums de discussion accessibles par un téléphone portable. Les chiffres cités dans une étude menée par une équipe de l'université du New Hampshire, aux États-Unis, font froid dans le dos. Il fallait donc agir et vous avez choisi la solution la plus directe pour éliminer au maximum cette délinquance. Le texte vise en effet à sanctionner pénalement les propositions sexuelles faites à un mineur de quinze ans au moyen d'un service de communication électronique et à autoriser la police judiciaire à participer sous des noms d'emprunt aux échanges électroniques, à prendre des contacts, à conserver des contenus illicites en vue de rassembler les preuves et à rechercher et à déférer à la justice les auteurs d'infractions. La gravité de la menace impose de prendre ces mesures exceptionnelles. La commission des affaires culturelles les a approuvées et vous proposera de parfaire le dispositif technique.

Ce projet de loi vise également à améliorer l'efficacité des politiques contre les drogues illicites, en donnant une place centrale à la dimension sanitaire de la lutte contre la drogue, en généralisant la procédure de l'injonction thérapeutique, qui pourrait être décidée à tous les stades de la procédure, et en instituant un médecin relais, véritable interface médicale entre l'usager de drogue interpellé et l'autorité judiciaire. Le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants est également une mesure intéressante.

Au-delà de l'usage illégal de stupéfiants, il nous a paru important d'aborder, dans le projet de loi, la question de l'alcoolisme. Les victimes des délinquants sous l'emprise de l'alcool sont trop nombreuses : 69 % des homicides et près de la moitié des incestes sont commis par des personnes en état d'ébriété.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est exact !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Il est indispensable d'associer une réponse sanitaire à la répression des délits d'atteinte à l'intégrité des personnes, mais il faut que nous réfléchissions tous ensemble à ce qu’il serait possible de faire dans ce domaine. En tout cas, le projet de loi contient deux dispositions importantes. Tout d’abord, une mesure de composition pénale pourra prévoir une injonction thérapeutique pour les consommateurs habituels et excessifs de boissons alcoolisées ; ensuite, un délit sera considéré comme aggravé lorsque la personne l’aura commis en état éthylique. Toutefois, la prévention de la délinquance passe également par des mesures sanitaires, comme le permet l'injonction thérapeutique. Nous y reviendrons en examinant les amendements avant l'article 27.

En ce qui concerne les soins sous contrainte apportés aux patients atteints de troubles mentaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), les ministres se sont exprimés et ont dit les choses telles qu’elles sont. La société ne peut rester impuissante devant des crimes ou des délits très graves commis par des personnes souffrant ou ayant souffert de troubles mentaux. Le projet de loi cherche à trouver des réponses pragmatiques à ces problèmes très complexes. Il s'agit en effet de parvenir à un équilibre délicat entre la prise en charge sanitaire des malades mentaux dans le respect de leur dignité et la prise en compte des exigences de la sécurité publique, qui peut conduire à des décisions attentatoires à la liberté individuelle du patient.

Les dispositions des articles 18 à 24 du projet de loi, loin d'être attentatoires aux droits des patients, leur apportent au contraire de nouvelles garanties : l'hospitalisation d'office décidée en urgence ne pourra plus être justifiée sous prétexte que la « notoriété publique » atteste de la dangerosité d'une personne ; un avis médical sera toujours nécessaire pour éclairer la prise de décision de l'autorité administrative ; le maire, ou le commissaire de police à Paris, devient l'autorité responsable de la décision initiale d'internement, sur le fondement d'un avis ou d'un certificat médical d'un psychiatre ; sa décision doit être confirmée dans les soixante-douze heures par le préfet, qui est informé de l'hospitalisation dans les vingt-quatre heures, après expertise médicale. Il s’agit là de véritables garanties, qui permettront d’éviter certains abus que l’on a pu connaître par le passé.

Le projet de loi clarifie également les critères justifiant une hospitalisation d'office. En outre, les modalités de contrôle et de suivi des personnes hospitalisées sont renforcées par une information systématique des maires en cas de sorties d'essai, la création d'un fichier national rassemblant pendant six ans les informations administratives relatives aux personnes internées d'office, le renforcement du suivi médical du patient et la mise en place d'une période de diagnostic s'étendant sur soixante-douze heures, lors de l'hospitalisation.

Malgré ces avancées, je comprends l'émotion suscitée par ce texte chez les professionnels de la santé mentale, chez les patients et leurs familles, qui comprennent, mais regrettent que des dispositions relatives à l'hospitalisation sous contrainte soient insérées dans un texte relatif à la sécurité publique.

M. Jean-Pierre Blazy. Ils ne le comprennent pas vraiment. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Le Gouvernement n'a jamais eu l'intention d'assimiler les personnes placées sous le régime de l'hospitalisation d'office à des délinquants : ce sont avant tout des malades qui ont besoin d'une prise en charge sanitaire.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. J'estime qu'il est très urgent de parvenir à une réforme globale des soins psychiatriques, en révisant la loi du 27 juin 1990.

M. Jean-Pierre Blazy. Il aurait fallu le faire plus tôt !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Les familles de patients et les syndicats professionnels du secteur attendent cette réforme depuis 1997.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est vous qui êtes au pouvoir depuis 2002 !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Ce que vous n’avez pas fait, nous le ferons avant la fin de la législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il reste six mois !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Nous avons en effet obtenu du Gouvernement qu’il s’engage à régler dans les prochains mois l'ensemble de ces questions, qu’elles soient liées à l'ordre public ou qu’elles portent sur les aspects sanitaires des soins de santé mentale. Le ministre de l’intérieur et celui de la santé vous l’ont confirmé.

Le Gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour parvenir à une réforme globale de la loi du 27 juin 1990 en retenant, compte tenu des délais, la voie de l'habilitation à légiférer par ordonnance. Cette dernière sera négociée avec l'ensemble de la profession et les associations de patients. Le ministre de la santé nous a même annoncé la date des principales réunions.

M. Jean-Pierre Blazy. Et que devient le Parlement ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Si vous aviez agi, nous n’aurions pas besoin de légiférer par ordonnance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Les professionnels pourront discuter des problèmes de fond, tels que la réforme de l'hospitalisation à la demande d'un tiers, la création d'une obligation de soins qui pourrait se dérouler dans le cadre ambulatoire et le renforcement des prérogatives de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques.

Pour que cette réforme attendue depuis plus de dix ans voie enfin le jour, un projet de loi de ratification de l’ordonnance sera déposé avant la fin de la législature. Je vous remercie, messieurs les ministres, de nous avoir donné ces informations précises. Nous pourrons ainsi réformer la loi de 1990, en intégrant dans un texte plus global les dispositions très importantes qui figurent dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, où elles ont aujourd’hui toute leur place. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous commençons enfin l’examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Enfin, dis-je, car, promis à maintes et maintes reprises depuis 2002, ce projet de loi est finalement déposé quelques mois avant les élections.

Revenons sur ses vicissitudes. Le 14 janvier 2003, vous déclariez, monsieur le ministre d’État : « Il doit y avoir une politique de prévention de la violence. J’annonce une volonté nouvelle de faire bouger les choses collectivement avec, dans les semaines qui viennent, des objectifs et un calendrier. »

Le 4 septembre de la même année, vous annonciez votre intention de présenter dans les deux mois un projet de loi sur la prévention de la délinquance.

Le 20 novembre 2003, vous déclariez que « la prévention n’est pas une politique secondaire, c’est une priorité nationale pour mettre un terme à la progression de la délinquance des mineurs. Pour la première fois en France, le Parlement va pouvoir débattre de cette question, car il nous faut dans cette matière une définition partagée. »

Le 13 octobre 2005, vous disiez encore : « De retour aux affaires, je proposerai ce plan début décembre. »

Finalement, ce n’est qu’en janvier 2006 que le Premier ministre a installé le comité interministériel de prévention de la délinquance, un comité qui s’est réuni deux fois au cours du premier semestre de l’année.

Pourquoi cette si longue attente ? De toute évidence, ce temps n’a pas été mis à profit pour la concertation, notamment avec les organismes consultatifs. Ainsi, le Conseil national des villes, dont je suis membre, a dû s’autosaisir, alors que la prévention de la délinquance est au nombre de ses compétences au titre de la politique de la ville.

Quoi qu’il en soit, sachant qu’une quinzaine de décrets d’application devront être préparés, nul ne peut sérieusement penser que ce texte a vocation à être appliqué. Ces doutes sont d’autant plus fondés qu’un certain nombre de textes réglementaires relatifs à vos précédentes lois en matière de sécurité ne sont pas encore publiés – notamment une partie des textes concernant les fichiers dans la loi pour la sécurité intérieure et la loi Perben II. Nous ne disposons pas non plus d’une évaluation sérieuse de la mise en œuvre de l’arsenal pénal créé depuis 2002.

Malgré les enjeux, l’objectif n’est donc pas de faire une loi qui sera appliquée. Le fond comme la forme nous montrent que nous sommes dans une logique d’affichage dont la visée est uniquement électoraliste. Cette profession de foi du candidat Sarkozy ne saurait masquer l’échec bien réel du ministre Sarkozy dans sa lutte contre l’insécurité, un échec aujourd’hui évident pour nos concitoyens.

Je défends cette exception d’irrecevabilité au nom du groupe socialiste car j’estime ce projet de loi irrecevable, et pas uniquement par ses aspects inconstitutionnels.

Ce qui est irrecevable en premier lieu, monsieur le ministre d’État, c’est votre bilan après quatre ans place Beauvau. Comme vous aimez à le dire, jugeons donc sur les résultats. Le constat est clair : depuis quatre ans, les lois Sarkozy et Perben ont été adoptées, mais la violence, elle, s’est aggravée et enracinée.

Votre agitation médiatique ne peut le masquer : l’insécurité générale s’est accrue, nous restons sur les hauts plateaux de la délinquance. Vous répétez sans cesse que vous faites mieux que ce que nous avions fait en matière de délinquance générale...

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce n’est pas difficile !

M. Jean-Pierre Blazy. ...alors que le niveau de celle-ci est aujourd’hui aussi élevé qu’il y a six ans, avant le pic de 2001-2002 dont je conviens qu’il a bel et bien existé. Ainsi, 3 775 838 crimes et délits ont été constatés en 2005, contre 3 777 849 en 2000. Il n’y a pas lieu de tirer une grande gloire de cette évolution !

Une fois de plus, je m’alarme à cette tribune de l’augmentation des violences contre les personnes. Mois après mois, je constate cette montée de la violence et votre échec à la réguler. Selon les derniers chiffres de l’Observatoire national de la délinquance, en octobre, ces violences ont augmenté de 10 % sur les douze derniers mois – 10 % ! – et les atteintes aux personnes ont progressé, elles, de 6,6 %.

Vous semblez faire peu de cas de ce que je dis, monsieur le ministre...

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mais si, je vous écoute !

M. Jean-Pierre Blazy. D’après les documents mêmes de votre ministère, les violences gratuites ont connu une hausse de 27,5 % depuis que vous êtes au pouvoir. Vous vous êtes toutefois bien gardé de le rappeler tout à l’heure !

Nous le savons tous, les violences scolaires s’intensifient également : 82 000 faits graves ont été recensés dans les collèges et lycées publics en 2005-2006, et neuf agressions de personnels de l’éducation nationale se produisent chaque jour. Les résultats ne sont pas plus probants concernant la délinquance des mineurs : entre 2001 et 2006, la hausse du nombre de mineurs mis en cause a été de plus de 4 %.

Vous préférez vous gargariser du taux d’élucidation, artificiellement gonflé par la comptabilisation des infractions au droit du séjour des étrangers et de celles liées aux stupéfiants. Mais je constate toujours un taux très bas pour les vols de voiture et les cambriolages, ces délits qui empoisonnent au quotidien la vie des Français.

Encore plus inquiétant : un climat de tension latente est durablement installé dans certains quartiers abandonnés après la suppression de la police de proximité. L’actualité nous le rappelle hélas quotidiennement et de façon tragique, comme cela a été le cas dernièrement à Marseille. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Arlette Franco. Alors, que faut-il faire ?

M. Jean-Pierre Blazy. Au sujet de cette affaire, votre compassion pour la victime – une compassion que nous éprouvons également – ne doit pas constituer le prétexte à un numéro aussi lamentable que celui auquel vous vous êtes livré à la fin de votre intervention, indigne d’un ministre de la République. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je ne reviendrai pas sur le constat fait par le préfet Cordet en Seine-Saint-Denis, mais la situation dans les banlieues reste explosive.

Nous constatons aussi la multiplication des agressions prenant pour cible des policiers : selon les chiffres que vous venez d’annoncer, il y en aurait eu 3 662 depuis le début de l’année. Nous saluons le travail des policiers et nous déplorons ce chiffre terrible. Mais si celui-ci continue d’augmenter, ce n’est pas parce que les policiers vont dans les quartiers, comme vous le prétendez – la police de proximité le faisait, elle –, mais bien parce que vous avez échoué à juguler la violence. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Arlette Franco. La police de proximité ne servait à rien !

Mme Maryse Joissains-Masini. Les policiers ne sont pas des assistants sociaux !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous préférez parler de renvoyer les agresseurs devant les assises, ce dont la majorité des syndicats ne veut pas. Il y a déjà eu des aggravations de peines pour les agressions de policiers et de pompiers et, de toute évidence, elles ont été inefficaces. Comment peut-on penser que la menace de la cour d’assises sera réellement dissuasive ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Par ailleurs, quels moyens supplémentaires prévoyez-vous pour les cours d’assises déjà surchargées ?

Qu’a fait la droite depuis quatre ans, alors qu’explose la violence ?

Mme Maryse Joissains-Masini. Elle a travaillé !

M. Jean-Pierre Blazy. Elle a abandonné toute politique de prévention. Votre gouvernement a méthodiquement démantelé les actions existantes : réduction des budgets des services publics, suppression de milliers d’emplois-jeunes dans les quartiers et de milliers de postes de surveillants et d’aides éducateurs dans les écoles, moyens coupés aux associations. L’action de l’ensemble des acteurs de la prévention en a été profondément déstabilisée. Les promesses de votre gouvernement, qui semblait redécouvrir la prévention par la voix de son Premier ministre après les émeutes du mois de novembre, ont fait long feu. Nous subissons en réalité les conséquences de l’abandon de toute politique de prévention depuis 2002.

Aujourd’hui, vous nous présentez enfin le texte promis depuis quatre ans. Cependant, ce n’est pas un texte de prévention, mais un nouveau texte répressif, un texte irrecevable.

L’échéance de 2007 approchant, vous poursuivez votre fuite en avant électoraliste pour nous proposer une sixième loi depuis la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002. Des lois toutes répressives, qui n’ont fait l’objet d’aucune évaluation et sur lesquelles nous n’avons aucun recul pour légiférer à nouveau.

Une nouvelle fois, par cette gesticulation législative, c’est moins d’État social et plus d’État pénal que vous nous proposez. Ce texte répressif et fourre-tout, qui aborde à la fois le rôle des maires, la santé mentale, la toxicomanie, la justice des mineurs, l’éducation et la procédure pénale, cherche à leurrer et entretient la confusion. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’efficacité de la lutte contre la violence appelle pourtant une démarche globale fondée sur la précocité de la prévention et de la sanction, une approche globale à l’opposé des « coups » médiatiques que vous affectionnez.

Là réside un désaccord majeur : si la prévention de la récidive constitue un volet important de la prévention de la délinquance, elle ne saurait s’y substituer. Certes, il est plus facile de rebondir sur des faits divers tragiques et de proposer sans cesse de nouvelles sanctions. (À ce moment, M. Jean-Pierre Blazy, pris d’un malaise, doit quitter la tribune.)

M. le président. Je propose à l’Assemblée d’interrompre ses travaux afin que notre collègue puisse se remettre.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu à vingt et une heures.

ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)