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(La séance est ouverte à quinze heures.)
Nous commençons par une question du groupe socialiste.
Tels étaient, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, vos propos il y a moins de deux mois. Or, les premiers résultats du troisième trimestre de 2006, que l’INSEE publie aujourd’hui, les infirment totalement, illustrant le fossé entre votre discours et la réalité subie par les Français.
Au troisième trimestre, la croissance est malheureusement égale à zéro. D’autres indicateurs ne se portent pas mieux : la création d’emplois n’augmente que de 0,1 %, la consommation ne tire plus la croissance, l’investissement des entreprises ralentit et le commerce extérieur se dégrade. Telle est la triste réalité. Ni l’héritage du passé, ni les 35 heures, ni bien sûr les congés de nos concitoyens ne constituent des explications sérieuses de cette situation. Celle-ci résulte en réalité d’une politique qui aggrave les inégalités et affaiblit le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Je souhaiterais donc vous poser des questions précises, qui appellent des réponses claires : ne tournez pas, monsieur le ministre, autour du pot, comme vous savez si bien le faire.
Pour commencer, je vous confirme qu’au premier semestre, comme l’a indiqué l’INSEE, la France a fait la course en tête en ce qui concerne la croissance (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste),…
L’INSEE a également confirmé que la croissance au deuxième trimestre s’établissait à 1,2 %, soit – je le dis pour tous ceux qui nous regardent – le plus fort taux de progression en Europe. (« Zéro ! » sur divers bancs du groupe socialiste.)
Il est vrai que les économistes attendaient, comme nous-mêmes, une croissance de 0,5 ou 0,6 % pour le troisième trimestre, en sus de ce 1,2 %. La raison de cette révision à la baisse a été donnée ce matin : les entreprises ont déstocké (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) car il leur a fallu, je le répète, « digérer » la très forte accélération de l’activité économique.
La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui, les prévisions de l’ensemble des économistes, de la Banque centrale, de la Banque de France, de l’INSEE ou du Trésor se situent entre 0,6 et 0,8 % pour le quatrième trimestre – tendance confirmée par les chiffres publiés ce matin.
La session extraordinaire du mois de septembre dernier a commencé par un débat, voulu par le Gouvernement comme par les groupes politiques, sur la situation au Liban, pays meurtri par un conflit qui a duré de longues semaines.
La France a pris toute sa part dans l'arrêt des hostilités et pour un règlement du conflit au Liban. L'action de notre pays en faveur de la paix, son rôle essentiel au sein de la FINUL, témoignent de la place qu'occupe le Liban dans le cœur des Français.
Aujourd'hui, nous savons que la paix est particulièrement fragile, que l'urgence va à la reconstruction d’un Liban meurtri, détruit, où les conditions de vie s’avèrent extrêmement difficiles pour la population.
La France a un rôle essentiel à jouer pour le renforcement de la paix et la reconstruction du Liban. C’est aussi l'une des préoccupations de l'Europe, qui s'interroge sur l'opportunité de créer une institution financière nouvelle en faveur de tout le bassin méditerranéen : la participation de celle-ci à la reconstruction du Liban serait le moyen de concrétiser notre solidarité.
Au nom du groupe Union pour la démocratie française, je poserai une simple question : quelle initiative concrète le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour contribuer à maintenir de façon concrète la paix au Liban, mais aussi pour contribuer à la reconstruction du pays ?
En premier lieu, la mise en œuvre immédiate de la résolution 1701 de l’ONU se fait correctement. Je veux parler du retrait des forces israéliennes – à l’exception de Ghajar –, du déploiement de l’armée libanaise au sud Liban et de celui de la FINUL, en particulier de sa marine, sous commandement allemand.
Deuxième constat : il reste deux points noirs. D’une part les survols israéliens, qui portent atteinte à la souveraineté du Liban, et de l’autre le non-respect de l’embargo sur les armes à destination du Hezbollah, qui doit nous mobiliser très directement. L’un ne va pas sans l’autre : c’est la seule solution pour rester dans l’esprit de la résolution 1701 que nous avons fait voter au conseil de sécurité de l’ONU le 12 août dernier.
Reste l’essentiel : l’accord politique, dont la résolution 1701 contient les germes. Je pense notamment à la région des fermes de Sheba et au désarmement des milices, y compris du Hezbollah.
Aussi le Président de la République, Jacques Chirac, a-t-il proposé la tenue d’une conférence internationale consacrée à la reconstruction du Liban. Cette conférence se tiendra au cours de la dernière semaine du mois de janvier 2007.
Il nous faut être au rendez-vous pour que le Liban recouvre sa liberté, son indépendance, et que l’État de droit y soit rétabli. C’est pourquoi nous devons, plus que jamais, soutenir le gouvernement de Fouad Siniora. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Leur problème à tous tient en une question : comment répondre aux attentes des populations, satisfaire des besoins de plus en plus criants au regard des difficultés sociales grandissantes ?
Leurs inquiétudes, qu'ils soient de gauche ou de droite, sont liées au rétrécissement des moyens, année après année. Les collectivités territoriales sont étranglées par l'accumulation de charges nouvelles non compensées et l'insuffisance de recettes :…
Leurs interrogations portent sur la nature des recettes à mobiliser en l'absence d'une réforme de la fiscalité locale. Chaque collectivité est en recherche de moyens, mais à la fin, les contribuables locaux doivent toujours davantage mettre la main à la poche, ainsi que l'usager, comme l'automobiliste avec l'augmentation de la TIPP annoncée dans de nombreuses régions pour faire face aux charges nouvelles non compensées.
Quant aux propositions, elles sont nombreuses. Je n’en citerai qu’une seule, émanant de l'Association nationale des élus communistes et républicains, (« Ah » ! sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui propose une réforme de la taxe professionnelle en mettant en place une taxation des actifs financiers. Cette taxation concernerait essentiellement le secteur bancaire et les assurances, avec l'objectif d'obtenir des moyens nouveaux, notamment au profit d'une réelle péréquation.
Ma question, monsieur le ministre, est donc la suivante : quel chantier avez-vous ouvert pour une réforme de la fiscalité locale et quelle est votre appréciation sur la proposition de taxer les actifs financiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Contrairement à ce qui est dit ici ou là, monsieur Chassaigne, beaucoup de maires apprécient que l’État soit à leurs côtés au quotidien.
Il l’est, par exemple, à travers les préfets, les sous-préfets, les responsables des services déconcentrés de l’État et les comptables publics ; il l’est aussi à travers le concours financier qu’il apporte. Je veux rappeler que, là encore, les dotations de l’État aux collectivités – en particulier aux communes – sont au rendez-vous, aussi bien sur la DGF que sur l’ensemble des dégrèvements. L’État est aujourd’hui le premier contribuable local.
Enfin, monsieur Chassaigne, vous comprendrez que je ne puisse pas tout à fait vous rejoindre sur la proposition communiste. Je me suis fait, en vous écoutant, une remarque habituelle, c’est que vous ne changerez jamais ! Pour la gauche, il n’y a qu’une manière de régler les problèmes : augmenter les impôts ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) C’est exactement l’inverse de notre philosophie. On doit être capable demain de faire de la bonne gestion, comme le font les communes et comme le fait l’État, en maîtrisant les dépenses publiques et en baissant les impôts, et non en faisant l’inverse, comme c’est souvent le cas dans les régions et les départements tenus par les socialistes et les communistes. Les électeurs, qui sont aussi des contribuables, sauront faire la différence dans quelques mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J'associe à cette question tous les parlementaires de notre majorité parlementaire du Languedoc-Roussillon, et les nombreux élus des territoires d'outre-mer, en particulier les maires de la Guadeloupe, qui ont dénoncé « ce racisme dégoûtant » et demandé réparation de cet affront.
Nous avons, une nouvelle fois, le mardi 14 novembre, en Languedoc-Roussillon, entendu et subi les outrances d’un président de région socialiste, qui s'était déjà discrédité en insultant les harkis, qualifiés de sous-hommes (« Hou » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.), et qui ajoute un nouvel épisode à un dossier politiquement déjà bien lourd.
Les observations déplacées sur la personnalité, l'origine et la couleur des footballeurs de l'équipe de France dénotent non seulement une dérive intellectuelle, ségrégationniste et raciste, qui suffirait amplement à justifier notre émotion et notre question, mais également – et accessoirement – une méconnaissance indigente de ce qu'est aujourd'hui le sport de haut niveau dans le monde.
Au-delà de ces considérations sportives marginales, ce que nous attendons aujourd'hui, c'est la condamnation d'une attitude humainement et philosophiquement inqualifiable. Monsieur le ministre est-il concevable et supportable que de tels comportements et de telles déclarations puissent rester impunis ? Quelle mesure entendez-vous prendre pour sanctionner des débordements qui font honte au Languedoc-Roussillon et à toute la communauté nationale ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Permettez-moi de vous raconter l’expérience que j’ai vécue hier. J’ai représenté le Gouvernement à l’Institut de France et j’ai assisté à la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques. Étaient également présents des élèves d’un lycée de Seine-Saint-Denis, auxquels le secrétaire perpétuel a rendu hommage, saluant la présence sous la Coupole, symbole de la France depuis tant de siècles, de jeunes issus de l’immigration. Il y a eu un tonnerre d’applaudissements. Ce tonnerre d’applaudissements m’a ému, d’une émotion que chacun peut ressentir, et me semble être un heureux contrepoint aux propos de Georges Frêche.
La sélection équipe de France s’appuie sur un seul critère : être le meilleur.
Le procureur général près la cour d’appel de Montpellier a décidé d’ouvrir une enquête afin de déterminer si les propos de M. Frêche relèvent ou non du code pénal.
En attendant, je voudrais rappeler à l’Assemblée nationale qu’il n’existe, dans l’équipe de France, qu’une couleur, c’est le bleu ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Outre la douleur morale de voir souffrir son bébé, le coût d'un tel déplacement – environ 6 000 euros – est, la plupart du temps, insurmontable pour les familles réunionnaises, surtout lorsque l'opération ou les contrôles se reproduisent plusieurs fois dans l'année. En effet, si la sécurité sociale prend en charge l'accompagnement médical du bébé, le conseil régional, quant à lui, peut assumer, au titre de la continuité territoriale, 50 % du prix du billet d'avion d'un parent, une fois par an. Les aides du conseil général ne peuvent répondre à l'urgence des situations et au désarroi des familles. Celles-ci, malgré l'aide des associations, s'endettent alors lourdement, et les drames sont nombreux. Pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, quelle solution vous envisagez pour libérer ces parents des soucis matériels, afin qu'ils puissent être pleinement aux côtés de leur nourrisson dans des situations aussi douloureuses ?
J’ai donc décidé que, désormais, toute personne de moins de dix-huit ans, pourrait bénéficier pour un rapatriement en métropole de deux accompagnants : un accompagnant médical et un accompagnant familial. L’âge de l’enfant ne doit pas être discriminant ; en bas âge ou plus âgé, il a dans tous les cas besoin d’un suivi médical, mais surtout de la présence de l’un de ses proches. En matière de santé, en effet, tout n’est pas seulement affaire de soins, mais dépend également de l’environnement familial.
Cette mesure s’appliquera à l’ensemble des collectivités d’outre-mer, car il s’agit d’un service et d’une garantie dont doit s’acquitter la collectivité à l’égard de tous. C’est une question de justice sociale et d’équité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
La conférence internationale de Nairobi a suscité l’espoir que de nouveaux engagements soient pris pour la réduction des gaz à effet de serre. En même temps que cette conférence se déroulaient les négociations au titre de la convention des parties au traité de Rio, signé par 189 des 192 membres de Nations unies et la deuxième réunion des parties au protocole de Kyoto, ratifié, lui, par 156 pays.
La France mène une politique volontariste sur la scène nationale, et notre position doit nous permettre de mobiliser l’ensemble de nos partenaires internationaux. Aussi, madame la ministre, face à l’urgence de la situation et aux enjeux vitaux pour l’environnement, pouvez-vous nous faire part des propositions que vous avez défendues à Nairobi, au nom de la France, et nous dire quel bilan vous tirez de cette conférence ?
Les pays ayant ratifié le protocole de Kyoto, y compris les pays en développement, ont reconnu la nécessité de diviser au moins par deux les émissions de gaz à l’échelle mondiale, ce qui est décisif pour la mise en place d’objectifs postérieurs à 2012.
Autre avancée significative : le protocole de Kyoto sera totalement revu en 2008, c'est-à-dire au moment où la France présidera l’Union européenne et pourra donc jouer les premiers rôles dans la révision globale du dispositif.
J’ai également signé deux accords bilatéraux pour favoriser les projets de mécanismes de développement propre, l’un avec la Corée du Sud, l’autre avec le Gabon ; un troisième accord est en cours de négociations avec le Sénégal. Il s’agit de favoriser les investissements propres de nos entreprises dans les pays en développement, ce qui est essentiel, car la réussite de l’ensemble du dispositif passe par un développement durable dans ces pays.
J’ai également défendu le projet de la taxe carbone, annoncée par le Premier ministre le 13 novembre dernier. Cette taxe viserait les importations de produits industriels en provenance des pays qui refuseraient de s’engager sur l’après-2012. Elle a suscité, sachez-le, beaucoup d’intérêt de la part de nos partenaires.
Enfin, à la demande du Président de la République, j’ai annoncé l'organisation à Paris, en février prochain, d’une grande conférence internationale sur l’environnement.
Monsieur le député, le bilan de cette conférence est positif. Beaucoup reste encore à faire, mais la France est entièrement engagée dans ce combat essentiel pour le devenir de la planète. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Au-delà des déclarations de bonnes intentions pour lesquelles ce gouvernement fait preuve d'un indéniable talent, force est de constater que la politique de cohésion sociale est devenue un véritable miroir aux alouettes, un affichage médiatique qui ne résiste pas à l'épreuve des faits.
Où est en effet la politique de cohésion sociale, quand les associations qui œuvrent dans nos quartiers et nos communes sont en butte aux pires difficultés, à la suite des coupes claires que vous leur avez infligées, leur laissant comme seul recours les collectivités locales ?
Où est la politique de cohésion sociale, quand les CAF se retirent des contrats petite enfance et autres dispositifs d'accompagnement, laissant les élus locaux seuls face aux plans de financement, alors que vous ne cessez de stigmatiser les hausses de la fiscalité locale ?
Où est la politique de cohésion sociale, quand l'État se désengage de la politique d'accès à l'emploi pour nos concitoyens les plus éloignés du marché du travail que sont les allocataires du RMI, laissant les départements assumer seuls les contrats d'avenir en faveur de ces publics ? En effet, vous avez, par une imposture magistrale, décidé de sortir du calcul de la compensation au titre de la TIPP, les RMIstes passant en contrat d'avenir et que, comble de l'absurde, vous annoncez parallèlement une bonification pour les départements qui ont les politiques d'insertion les plus offensives, alors qu'en réalité plus un département signe de contrats d'avenir plus la compensation de l’État diminue.
Monsieur le ministre, entendez-vous enfin cesser cette politique sociale en carton-pâte, dont c’est en réalité le contribuable local qui assume le coût, ou préférez-vous que les élus locaux, las de dénoncer vos impostures, décident purement et simplement de siffler la fin de cette partie de dupes en refusant, pour les départements par exemple, de signer dorénavant tout contrat d'avenir, ce qui aurait pour corollaire de fermer encore davantage les portes du retour à l'emploi pour nos concitoyens les plus fragilisés, que vos politiques laissent sur le bord de la route ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Vous parlez de recul, alors qu’en réalité, nous avons doublé ces crédits en direction des associations et des habitants des quartiers, qui en bénéficieront sur le terrain, au plus près de leurs préoccupations. Là où vous consacriez 10 millions d’euros au titre de l’article 40, nous sommes aujourd’hui à 120 millions d’euros par an. Nous avons tout simplement changé d’échelle !
Pour ce qui est du handicap et du vieillissement, vous vous étiez contentés de lancer des missions et d’élaborer des projets : nous avons eu, nous, le courage d’affecter plus de 400 millions au budget de Philippe Bas pour la petite enfance, et plus de 165 millions d’euros pour le handicap. Voilà la réalité des chiffres (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et nos concitoyens en constateront les effets au quotidien. (Applaudissements sur plusieurs les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)
La plupart des régions socialistes ont lancé une grande offensive contre le Gouvernement mais aussi contre les Français, en augmentant abusivement les prix du gazole et de l’essence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour quelle raison ?
Monsieur le ministre, de quelle façon allez-vous répondre à cette nouvelle offensive socialiste ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – M.Augustin Bonrepaux se lève, quitte sa place et réclame la parole.)
La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.
Certains nous opposent le coût des transferts de compétences. Or, pour financer ces transferts, l’État a fait un chèque de 1,4 milliard d’euros (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste), correspondant au coût estimé par la commission chargée de leur évaluation. On a ensuite prétendu qu’il fallait financer les personnels des lycées, les fameux TOS. Mais pourquoi les régions dépenseraient-elles plus que l’État, un an plus tard et dans les mêmes conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’appelle votre attention sur la dernière perle de Georges Frêche, président de la région Languedoc-Roussillon. Je le cite : « Ce n’est pas avec des discussions sur le budget et la TIPP que vous influencez l’électeur, qui n’y comprend rien et s’en moque comme de l’an quarante. » C’est un parfait résumé de la pensée socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Dans ce département, ce sont mille emplois qui ont été perdus en quelques mois et mille autres qui sont aujourd’hui en danger, alors que le taux de chômage, à 13 %, dépasse la moyenne nationale depuis des décennies. Chaque jour, trois habitants quittent notre département. Les Ardennes traversent une nouvelle fois une crise économique majeure. Autrefois, nous avons dû affronter des crises industrielles importantes touchant le textile et la fonderie, crises qui avaient trouvé une réponse dans le développement du secteur de l’équipement automobile.
On voit aujourd’hui la fragilité de ce secteur, soumis à une concurrence impitoyable. Dans un tel contexte, comment répondre à l’inquiétude justifiée des Ardennais ? Les 320 salariés des ateliers Thomé-Génot, récemment touchés par la crise, se sont vu proposer d’entrer dans le dispositif ambitieux du contrat de transition professionnel, expérimenté dans une partie du département. Certes, ils vont bénéficier d'un encadrement important, du maintien de leur salaire, de formation et d’un suivi individualisé. Mais, dans cette épreuve, c’est une véritable solidarité nationale que les Ardennais espèrent…
Les Ardennaises et les Ardennais nous écoutent et attendent des mesures qui leur redonneront l'espoir. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer celles que vous pouvez déjà leur proposer, dans l’attente du plan de redynamisation mis à l’étude par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons vécu ensemble les difficultés auxquelles ont été confrontés les ateliers Thomé-Génot. Je vous rappelle la longue réunion qui s’est tenue le 10 novembre dernier – elle a duré plus de trois heures…
Un mot, enfin, sur le secteur de l’automobile et des équipementiers, qui souffre dans notre pays. À la demande du Premier ministre, le Gouvernement s’attache à définir un ambitieux plan de soutien à ces activités, que nous présenterons, avec l’ensemble des professionnels et des constructeurs français, dans les prochaines semaines. Dans ce domaine comme dans les autres, il n’y a pas de fatalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il n’appartient pas aux membres du Gouvernement de se défouler sur les présidents socialistes des régions parce qu’ils sont incapables de justifier leur politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) M. Copé aurait dû avoir l’honnêteté de rappeler ce dont il se glorifiait il y a quelque temps, à savoir que c’est le gouvernement de M. Raffarin qui a permis aux collectivités territoriales d’utiliser la TIPP pour accroître leurs recettes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’en viens à ma question, qui s’adresse à M. le Premier ministre. Les sapeurs-pompiers professionnels sont en grève et ils manifestent aux portes de notre assemblée. Vous avez une lourde responsabilité dans le déclenchement de ce mouvement, monsieur le Premier ministre. En effet, en juillet dernier, vous avez instauré une nouvelle bonification indiciaire que les départements et les conseils généraux auraient dû payer sans compensation. Vous n’aviez pas mesuré les conséquences financières de votre décision et vous avez dû l’annuler, ce qui a provoqué la colère des sapeurs-pompiers professionnels, car, dans le même temps, monsieur le Premier ministre, vous n’avez donné aucune suite à la reconnaissance de la dangerosité de leur métier, telle qu’elle figure pourtant dans la loi de 2004. Votre ministre de l’intérieur fait de belles déclarations devant les sapeurs-pompiers, mais il est incapable de traduire ses paroles en actes pour satisfaire leurs légitimes revendications. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ma question est simple. Comment allez-vous sortir de l’impasse dans laquelle vous vous êtes fourvoyé ? Comment allez-vous compenser les conséquences financières de vos décisions pour éviter qu’elles ne pèsent, une fois de plus, sur les contribuables locaux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Je tiens d’ailleurs à rendre hommage, car il me semble que vous avez oublié de le faire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) à leur sang-froid et à la qualité de leur engagement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Que veulent les organisations syndicales ? Trois choses : une bonification indiciaire, l’application du protocole Jacob et l’ouverture de discussions sur la fin de carrière.
Que leur avons-nous proposé ?
Plusieurs années de négociations internationales ont abouti, en juin 2005, au choix du site de Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, pour implanter le réacteur. Sa construction devrait commencer en 2008 et s’achever dans une dizaine d’années, la mise en exploitation étant attendue pour 2018.
Comme l’a souligné ce matin le Président de la République, ce projet est une main tendue aux générations futures, un geste de solidarité et de responsabilité, une victoire de l’intérêt général. Le choix du site de Cadarache, qui se trouve dans ma circonscription, témoigne quant à lui de la qualité et de la compétitivité de nos équipes et de notre environnement.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles seront les retombées de ce traité sur la recherche française et sur notre économie, notamment en termes d’emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Comment avons-nous réussi à obtenir l’implantation d’ITER à Cadarache ? Grâce à l’Europe, d’abord, dont l’influence a été décisive face aux États-Unis et au Japon. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Grâce à l’excellence de la recherche française ensuite : si elle n’avait pas été jugée comme une des plus performantes au monde dans ce domaine majeur de la recherche contemporaine, jamais ITER n’aurait été implanté sur notre sol. C’est donc une victoire pour notre pays, une victoire pour l’Europe, mais aussi une victoire pour l’avenir du monde ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Or son avenir se voit menacé par un projet concurrent nommé ASTECH : il s’agirait de constituer, cette fois en Île-de-France, un autre pôle de compétitivité généraliste et de rang mondial dans le domaine de l’aéronautique et de l’espace. Une labellisation d’ASTECH irait à l’encontre de la logique industrielle qui a présidé à la création des pôles de compétitivité.
Elle conduirait en outre à aggraver la dépendance des établissements provinciaux par rapport à leurs sièges parisiens, en totale contradiction avec l’esprit de notre politique de décentralisation et d’aménagement du territoire.
Pourquoi, monsieur le ministre, créer un nouveau pôle de compétitivité mondial s’il risque de porter préjudice à l’emploi et de nuire au rayonnement international de notre industrie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)
La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.
Pour la première fois, en effet, Thierry Breton et moi avons présenté un projet de loi de finances avec un déficit en baisse, puisqu’il s’élèvera à 41,7 milliards, soit une réduction de 5,3 milliards par rapport au solde de 2006 et surtout plus de 15 milliards d’euros de mieux qu’en 2003. Quant à la dette, elle diminuera d’un point en 2007 après avoir baissé de deux points cette année. Elle représentera, en conséquence, 63,6 % du PIB. Les impôts diminuent tout comme la dépense publique. Pour la première fois, la dépense de l’État va baisser…
Enfin, Thierry Breton et moi avons été très attentifs à un certain nombre de demandes formulées par votre assemblée. Je pense, en particulier aux 110 millions dégagés au profit des anciens combats des ex-territoires français et, dans un autre registre, aux 100 millions d’euros de crédits dégagés pour le FNADT, après les 25 millions débloqués au mois d’août dernier, pour répondre aux préoccupations des élus locaux.
Je n’oublie pas non plus que 2007 est l’année de la mise en œuvre d’une très grande réforme fiscale, laquelle concerne la taxe professionnelle, l’impôt sur le revenu et la fiscalité sur les plus-values. Nous avons, ainsi, sur l’ensemble de la mandature, largement modifié le paysage fiscal français en allégeant les impôts d’État, mais aussi et surtout, en modernisant notre système fiscal, ce qui est de nature à créer les conditions de la croissance économique à son rythme actuel, bon indicateur pour le moral des Français, monsieur Roy, mais aussi pour la consommation, l’investissement et les exportations. Ce n’est pas à vous que je rappellerai, car je sais que vous vous en réjouissez, même si vous ne partagez pas les mêmes opinions politiques, que la croissance continue d’augmenter de manière ininterrompue depuis maintenant de très nombreux trimestres, jusqu’à ce troisième trimestre au cours duquel nous avons dû observer une pause assez compréhensible au regard de la situation économique globale.
Nous avons eu à cœur, sur tous ces sujets, de faire bouger les lignes et de veiller scrupuleusement à rester cohérents avec nos valeurs : celles de la bonne gestion, de l’esprit de responsabilité et surtout de l’efficacité publique. En effet, les Français attendent que nous parvenions ensemble aux résultats. Cela tombe très bien, car, dans quelques mois, à l’occasion des élections présidentielles, nous pourrons, à travers ce budget, démontrer que l’on peut mieux gérer l’administration publique tout en diminuant la dépense de l’État, les impôts, en maîtrisant les déficits, et naturellement, en désendettant le pays, bref en travaillant pour l’avenir de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Si, comme je le souhaite, nous maintenons ces principes au cours de la prochaine législature, le déficit du budget de l’État sera à zéro en 2012. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cet objectif est absolument indispensable pour l’avenir de nos finances publiques.
Le projet de budget pour 2007 marque une nouvelle étape dans la maîtrise des dépenses publiques, laquelle se limite à 0, 8 %, soit, en termes de progression, 1 % de moins que l’inflation.
En résumé, je serai tenté de faire une comparaison. Ce dernier budget de la législature est l’exacte antithèse du budget de 2002 et c’est tout à l’honneur de notre majorité ! C’était indispensable au redressement de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avons tout fait pour éviter qu’en 2007 se reproduisent les effets du budget calamiteux de 2002 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)…
Je tiens enfin, messieurs les ministres, à saluer la qualité du travail accompli ensemble, votre sens du dialogue, votre ouverture puisqu’un certain nombre d’amendements d’origine parlementaire ont été adoptés. Je remercie vos collaborateurs pour leur participation, leur disponibilité, et la qualité de leur travail. Je voudrais également remercier tous les collègues pour leur présence et, en particulier le président Méhaignerie, ainsi que Michel Bouvard, très actif dans tous les débats diurnes et nocturnes. Je remercie également les présidents de séance qui ont veillé à ce que nos différents débats dans cet hémicycle soient constructifs et se déroulent harmonieusement. Merci enfin à la presse qui a rendu compte de nos travaux et à l’ensemble des services de l’Assemblée.
La commission des finances vous invite, bien entendu, à voter cet excellent budget. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il poursuit, en l’amplifiant, la politique que nous menons en faveur de l’emploi et dont nous mesurons les résultats depuis 2006. Il en va de même dans le domaine de la recherche, des infrastructures et, plus largement dans celui de la recherche de la compétitivité des entreprises de notre pays. Les engagements des lois de programmation sont tenus, particulièrement en matière de sécurité et de défense.
Ce budget de confiance est crédible et crée, lui-même, un climat de confiance. Il est prudent, car l’amélioration de la conjoncture reste encore fragile. Comme en témoigne ce projet de loi de finances, le chemin à parcourir est encore long.
S’agissant de la maîtrise de la dépense, des efforts ont été réalisés, mais force est de constater, lorsque l’on regarde les documents budgétaires transmis par les différents ministères, que la tentation de répondre aux problèmes en augmentant la dépense est toujours présente et qu’il reste beaucoup à faire. C’est une question de politique budgétaire, de choix politique. Tout ne se résout pas par la dépense publique. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Pour la réforme fiscale aussi, le cap a été tenu, y compris pour la taxe professionnelle, ce qui n’a pas été simple, la réforme de l’imposition forfaitaire annuelle permettant d’exonérer 65 000 petites entreprises.
Le projet de budget pour 2007 démontre notre capacité à baisser les prélèvements obligatoires. C’est notre choix politique, et il faut poursuivre dans cette voie.
Au total, la baisse des déficits nous permettra assez rapidement d’atteindre le déficit stabilisant puis l’équilibre de nos finances publiques, ce qui est un objectif normal même s’il paraît encore ambitieux.
Pour la dette, des progrès ont été réalisés, acte en soit donné au Gouvernement, même si un certain nombre de questions doivent être encore résolues, et je pense aux enjeux de la dette ferroviaire.
Le progrès de notre politique budgétaire se démontre dans la durée, et, à droite comme à gauche, on doit pouvoir en convenir. C’est l’enjeu de la mise en œuvre de la LOLF, exigence maintes fois rappelée par Michel Bouvard. Si ambitieux soient les changements que nous avons voulus, on peut voir, au-delà des clivages politiques, qu’il n’y a pas de grand chambardement, mais des progrès constants à réaliser, s’agissant en particulier de la politique de performance. On le verra davantage encore dans les budgets à venir. En tout cas, l’exigence de la performance dans l’exécution budgétaire doit toujours être rappelée.
Un long chemin a été accompli depuis 2002. L’exécution budgétaire de 2006 est une exécution de qualité, qui témoigne de la qualité de la préparation du budget pour 2007.
À ce moment de la législature, après avoir traversé des années de conjoncture internationale difficile et alors que nous savons combien les contraintes internes sont fortes, mesurons que les budgets que nous avons votés au fil de la législature auront contribué à mettre le pays en mouvement et à répondre aux problèmes des Français.
Comme le disait fort justement à l’instant le rapporteur général, ce que nous pouvons tout simplement mais assez fièrement constater, c’est que la situation de notre pays est meilleure que celle que la précédente majorité nous avait laissée.
Ce budget est-il aussi bel et bon que vous le dites ?
Ce budget confirme et accentue la politique conduite depuis juin 2002, qui est à la fois ultralibérale, injuste et inefficace, qui accentue profondément les inégalités entre nos concitoyens et qui, d’une certaine façon, a amputé leur pouvoir d’achat. La pression fiscale, contrairement à ce que vous annoncez, a plutôt augmenté pour un grand nombre de nos concitoyens. Certes, elle a baissé pour quelques milliers d’entre eux, mais au détriment du plus grand nombre.
La croissance française patine depuis 2002, alternant le pire, en 2002, avec le médiocre ou le passable. Au mieux, la France atteint son potentiel, sans jamais le dépasser, à l’inverse de ce qui s’est passé sous la précédente législature et, monsieur le ministre de l’économie et des finances, nous ne pouvons pas être satisfaits de la réponse que vous nous avez donnée sur les mauvais résultats de la croissance au troisième trimestre de 2006. Si nous comparons nos résultats à ceux obtenus par nos principaux partenaires, nous sommes très en deçà de la moyenne européenne.
La discussion budgétaire a peu changé le projet de budget que vous nous avez présenté. Sur le problème de la cristallisation des pensions d’ailleurs, la projection d’un film ou l’intervention de l’épouse du Président de la République ont peut-être eu davantage d’impact que les propos que nous avons tenus à l’Assemblée nationale…
Je crois que la discipline s’est imposée avec beaucoup de force au groupe UMP, monsieur le ministre du budget. Vous avez même refusé un certain nombre d’assouplissements nécessaires à la mauvaise réforme de la taxe professionnelle, alors même que beaucoup de membres de la majorité en voient les effets extrêmement négatifs et pervers sur le terrain, ce qui ne va pas sans poser des problèmes à un grand nombre de collectivités territoriales. Vous avez refusé des solutions proposées par le président de l’Association des maires de France. Je pense que ce refus était particulièrement mal venu.
Sur les recettes, j’ai déjà dit l’essentiel en évoquant la concrétisation de la réforme de l’impôt sur le revenu votée l’année dernière. On enregistre de nouvelles baisses de l’impôt sur le revenu, et de l’impôt de solidarité sur la fortune, particulièrement ciblées sur un petit nombre de nos concitoyens.
Quant aux dépenses, le groupe socialiste a démontré que nous n’avions pas tout à fait les mêmes priorités, monsieur le ministre. Il y a beaucoup de maquillage et d’affichage dans le projet que vous nous présentez. Des députés de la majorité comme de l’opposition ont pu démontrer que la dépense augmentait en fait beaucoup plus que vous ne le disiez et que, sans les artifices auxquels vous avez eu recours, le résultat ne serait pas celui que vous présentez.
Au niveau des priorités, nous regrettons l’insuffisance des crédits en direction du logement, du transport, de la politique de la ville, de l’aménagement du territoire, de l’emploi, autant de secteurs que nous considérons comme essentiels.
Nous savons parfaitement que ce budget n’a pas vocation à être exécuté. Nous souhaitons bien sûr que, grâce à l’alternance, une nouvelle majorité le corrige, en présentant sans tarder un collectif budgétaire, pour introduire plus de justice fiscale.
Pour toutes ces raisons, messieurs les ministres, le groupe socialiste votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Pour le groupe UDF, la parole est à M. Charles de Courson.
Premier constat : le secteur public en général et l’État en particulier continuent à dépenser trop.
En cinq ans, le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale se sera accru de plus d’un point de la richesse nationale, portant la France au deuxième rang des pays développés avec encore 52,9 % de la richesse nationale consacrés à la dépense publique en 2007 contre 51,6 % en 2001. Alors que les grands pays développés réduisaient le poids de leurs dépenses publiques, la France continuait à l’aggraver et ne commençait à le réduire, lentement, que les deux dernières années.
Les dépenses de l’État n’augmentent pas, comme le prétend le Gouvernement, de 0,8 % en 2007, soit 2,2 milliards, mais de 2,9 %, soit de 10,5 milliards, si l’on tient compte des prélèvements sur recettes, des dégrèvements et remboursements sur tiers, des débudgétisations, des fonds de concours et des dépenses fiscales.
Même les effectifs publics n’ont pas diminué entre 2001 et 2006, puisque la réduction de 5 000 à 6 000 emplois par an dans le budget de l’État a été compensée par la création de 10 000 à 11 000 emplois par an dans les organismes dépendant de l’État. En 2007, la prévision de réduction de 15 000 emplois dans le budget de l’État, ce qui était un progrès, puisque c’était presque trois fois plus que la moyenne des quatre années précédentes, est compensée aux deux tiers par plus de 10 000 créations d’emplois dans les organismes dépendant de l’État.
Deuxième constat : en dépit de baisses d’impôt financées à crédit et socialement déséquilibrées, la pression fiscale et sociale s’est accrue de presque un point de richesse nationale. Elle est passée de 42,8 % de la richesse nationale en 2001 à 43,7 % en 2007. En fait, le Gouvernement n’a pas baissé les impôts et cotisations sociales, il a freiné une hausse spontanée très forte.
Troisième constat : la réduction des déficits publics n’a pas constitué une priorité pour le Gouvernement.
Comme le rapport Carrez l’a montré, seulement 6 % des plus-values de recettes fiscales ont été consacrées à la réduction des déficits entre 2002 et 2007. Globalement, les déficits publics ne se réduisent que très lentement, de l’ordre de 2 milliards par an : 50 milliards en 2005, 48 en 2006 et 46 en 2007. Le déficit prévisionnel de l’État, avec 41,6 milliards en 2007, est pour plus de la moitié un déficit de fonctionnement. Avec un tel rythme, il faudra encore vingt-trois ans pour revenir à l’équilibre.
Quatrième constat : la dette publique ne cesse de croître.
De 2001 à 2005, le poids de la dette dans la richesse nationale n’a cessé de progresser, pour atteindre 66,6 %. La baisse de deux points en 2006 sera entièrement imputable à 35 milliards d’euros de cessions d’actifs et d’opérations de trésorerie et non à la réduction des déficits publics. En 2007, les deux tiers de la réduction, faible, d’un point de richesse nationale, seront dus à 18 milliards de cessions d’actifs et d’opérations de trésorerie. On est bien loin du respect de nos engagements européens.
Face à ce quadruple constat, l’UDF rappelle, à temps et à contretemps, que seule la réalisation des quatre grandes réformes – assurance maladie, retraites, État et collectivités territoriales –, est susceptible de permettre le redressement à moyen terme des finances publiques. Fidèle aux engagements qu’elle a pris devant les électeurs en 2002 de réduire les dépenses publiques, les déficits, la pression fiscale et sociale et l’endettement public, elle ne votera pas, pour la deuxième fois, le projet de loi de finances. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le résultat de vos cinq années de gouvernement ce sont : une aggravation sans précédent des inégalités, une précarité accrue, un endettement supplémentaire des ménages. En face, il y a l’insolent enrichissement d’une caste de nantis, à laquelle vous réservez l’essentiel des cadeaux fiscaux. Ainsi, en cinq ans, vous aurez fait 23 milliards d’euros de cadeaux aux plus riches, soit l’équivalent de la moitié du déficit budgétaire. La Cour des comptes elle-même a relevé que l’essentiel des allégements fiscaux a bénéficié à une toute petite minorité de Français, les plus aisés.
Dans le même temps, vous avez augmenté les impôts les plus injustes tels que la CSG, les taxes et forfaits de toute nature, sans parler des hausses de prix qui ont alourdi les dépenses obligatoires des ménages, comme l’énergie, le logement et les médicaments, dont beaucoup ont été déremboursés.
Les transferts de charges vers les collectivités locales, sans contreparties financières suffisantes, ont, quant à eux, accru une fiscalité locale particulièrement injuste. Lisez à ce sujet le rapport du sénateur UMP Doligé, il en fait la démonstration. Vous avez, de fait, contribué à l’aggravation des prélèvements obligatoires de 0,6 % en cinq ans, en déplaçant les prélèvements des plus riches vers les couches moins aisées et les couches moyennes.
Vous êtes les champions du gaspillage de l’argent public. C’est la Cour des comptes qui le dit lorsqu’elle explique que, sur les 20 milliards d’euros de cadeaux de cotisations sociales patronales, 17 milliards ne servent à rien pour l’emploi.
Le transfert de l’argent public vers la sphère privée a un coût social terrible : l’État est devenu le plus grand casseur d’emplois et il dégrade les services publics. Par ailleurs, le nombre de RMIstes a augmenté de plus de 10 %. En 2005, ce sont 100 000 personnes de plus qui ont dû percevoir les minima sociaux. La précarité de l’emploi a augmenté de 10 % en deux ans et le pouvoir d’achat des salariés ne cesse de diminuer depuis trois ans. En dix ans, le SMIC a certes été multiplié par deux, mais les dividendes l’ont été par neuf. Quant au nombre de retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté, il a augmenté de 63 % sur la même période.
Vous invoquez la dette pour freiner les revendications des salariés. Or, la dette, c’est vous qui l’avez accrue de huit points en quatre ans. Rappelons que, malgré tout, elle reste inférieure à celle des pays de la zone euro et de l’OCDE.
Enfin, il y a une autre vérité qui vous fâche, c’est lorsque nous disons que vous oubliez une masse considérable de ressources sous-fiscalisées. La revue Capital du mois dernier nous explique que les profits croissent plus vite que les salaires, l’inflation et le PIB, et que les dividendes croissent davantage que les profits. En plus, ils sont moins taxés que les salaires. Voilà la réalité ! On ne peut pas mieux décrire le parasitisme d’une caste qui s’enrichit sur le travail du plus grand nombre, sans commune mesure avec l’évolution des richesses du pays.
Oui, de l’argent, il y en a, et il coule à flots ! Il est temps de taxer les plus-values boursières, à commencer par celles, scandaleuses, de Total – cela rapporterait 20 milliards d’euros. Il est temps de taxer, à 1 %, les actifs financiers, qui ont augmenté de 107 % en dix ans – cela rapporterait 35 milliards d’euros – et de réorienter les 20 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales gaspillés.
Oui, de l’argent, il y en a pour le pouvoir d’achat, l’emploi, la recherche, l’éducation, la protection sociale et 1’environnement, bref tout ce qui, en accroissant les capacités humaines, fait progresser les richesses réelles d’un pays, assure sa croissance et son efficacité économique et soutient l’emploi. Mais, cette année encore, les moyens consacrés à l’emploi, au logement, à l’éducation, aux transports sont en baisse. Le décalage entre vos discours et la réalité est abyssal.
Je n’en donnerai que deux exemples concrets. À l’heure de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées, quelle décision majeure avez-vous prise ? Celle de réduire brutalement de 20 % les crédits alloués à la rémunération des stagiaires des centres spécialisés.
Par ailleurs, l’État se désengage du financement de L’AFPA – l’Association pour la formation professionnelle des adultes – en totale contradiction avec les engagements pris par l’État et les affirmations du Premier ministre.
Messieurs les ministres, nous voterons contre ce budget (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui creuse les inégalités et qui, pour tenter de faire oublier les cadeaux aux riches, cherche à opposer entre elles les différentes catégories sociales que votre politique pénalise.
Nous appelons nos concitoyens à se rassembler pour une autre répartition des richesses, pour une politique nouvelle de justice fiscale et de progrès social.
Devant ce flot d’argent, au profit de quelques-uns, ce n’est pas le moment d’en rabattre, il faut au contraire promouvoir une nouvelle politique de gauche qui soit à la hauteur des attentes et des besoins de l’immense majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
(Il est procédé au scrutin.)
L’Assemblée nationale a adopté l’ensemble du projet de loi de finances pour 2007.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq.)
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.
Ne nous cachons pas la vérité : en dépit des actions engagées et des efforts consentis depuis trente ans, par tous les gouvernements, il reste beaucoup à faire pour que la violence recule sur l'ensemble de notre territoire.
Je le dis d'autant plus fermement que nous avons engagé, depuis quatre ans et demi, un effort sans précédent pour la sécurité des Français. Nous avons obtenu des résultats incontestables et incontestés. Je ne me lasserai pas de rappeler la vérité, qui ne peut faire mal qu’à ceux qui ne veulent pas l’entendre : entre 1997 et 2002, la délinquance, telle qu’elle est mesurée par un outil statistique qui est le même depuis le lendemain de la guerre, a augmenté de 14 %. (« Voilà la vérité ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est d’ailleurs cette augmentation qui avait valu au Parti socialiste une déroute électorale sans précédent et son absence au deuxième tour de l’élection présidentielle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il devait bien y avoir une raison ! Ceux à qui les Français ont infligé une telle sanction ne sont pas les mieux placés pour nous dire ce qu’il faut faire…
Depuis 2002, 6 200 fonctionnaires de police supplémentaires ont été recrutés.
J'ai également voulu améliorer l’organisation des services, parce que la place des gendarmes et des policiers est sur le terrain, pas dans les bureaux !
Nous avons donné à la police scientifique et technique les moyens de travailler efficacement, pour passer de la culture de l’aveu à la culture de la preuve. Nous avons développé le fichier national des empreintes génétiques.
Le Parti socialiste s’était pourtant opposé à ma proposition de développer ce fichier au nom de la protection des libertés individuelles. Il oubliait que la première liberté à protéger est celle de la victime potentielle des killers en série, des violeurs multirécidivistes que nous n’avions pas les moyens de confondre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Tel est le but de la dimension de prévention de notre politique de sécurité.
Je me demande d’ailleurs pourquoi ceux qui me pressaient de définir une politique de prévention en 2002 avaient omis de la proposer aux Français entre 1997 et 2002 !
Nous sommes aujourd’hui confrontés à des actes gratuits et sauvages, tels que l’incendie d’un bus qui a eu lieu à Marseille voici un mois.
Par respect pour cette jeune fille et pour sa famille, vous pourriez écouter. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Cet événement n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu.
Si on excuse aujourd’hui la violence, il faut s’attendre à trouver demain la barbarie.
Nous sommes au pied du mur. Il faut adapter la sanction à la gravité de l’acte. Si nous ne le faisons pas, nous exposons la société à des actes encore plus graves et nous ne rendons aucun service à ceux qui sont tentés par une telle escalade.
Le premier pilier de ce projet de loi est donc une modification de l’ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, que je vous propose avec le garde des sceaux.
Aujourd’hui, sous prétexte que des délinquants sont mineurs, il faut attendre leur majorité pour réagir.
Refuser de sanctionner à la hauteur de la gravité de l’acte commis sous prétexte qu’il s’agit d’un mineur, c’est abandonner ce mineur sur le chemin de la délinquance la plus violente et la plus barbare. C’est une complicité de la part de la société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Notre devoir est de donner la priorité aux victimes, qui ne sont pas une catégorie de gens à part et qui ne nous concerneraient pas !
C’est pour répondre à cette violence de plus en plus dure et de plus en plus gratuite, capable de conduire les plus jeunes jusqu’au crime, que je vous demande des sanctions adaptées aux mineurs d’aujourd’hui, qui n’ont rien à voir avec ceux de 1945. Je ne cesserai jamais de me battre pour faire comprendre cette réalité, que comprennent déjà l’immense majorité des Français.
Qui, dans cet hémicycle, pourrait prétendre qu’un adolescent d’aujourd’hui doit être traité comme un adolescent d’après-guerre ? Chacun de nous peut le vérifier tous les jours autour de lui : ni l’éducation, ni les repères sociaux ne sont les mêmes. Des actes de plus en plus graves sont commis par des mineurs, le plus souvent sûrs de leur impunité. Des « grands frères », ou supposés tels, font commettre des délits à leur place par les plus jeunes. Doit-on faire comme si on ne le savait pas ? Il faut que la société française ouvre les yeux sur cette violence de plus en plus jeune, de plus en plus grande et de plus en plus gratuite. L’ordonnance de 1945, même si elle a été retouchée à plusieurs reprises, n’intègre pas cette réalité d’aujourd’hui. Le résultat, c’est un sentiment d’impunité qui pousse les plus jeunes à s’enfoncer dans la voie d’une délinquance dont on ne revient pas, ou dont on ne revient qu’après avoir causé de tels dégâts que leurs conséquences sont insurmontables.
Faute de réponse appropriée, nous ne faisons que répéter des mesures – ce qui est mauvais, car n’importe quelle mesure ne peut être qu’affaiblie par la répétition. En outre, ces mesures sont inadaptées, car elles sont calibrées pour répondre à des incivilités – c’est le cas par exemple de l’admonestation ou de la remise à parents. Ces fausses réponses sont sans commune mesure avec les faits commis, comme on le constate par exemple en cas d’agressions à main armée, de viols ou de crimes. Elles ont même l’effet inverse du but recherché, en ce qu’elles décrédibilisent l’action de la police et de la justice. Elles contribuent à la perte du respect de l’autorité, qui pèse lourdement sur la cohésion de notre société. Il n’y a pas de société libre quand il n’y a pas d’autorité ni de respect. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Pour enrayer ce mouvement, nous devons agir dans trois directions.
Nous devons, d’abord, diversifier les réponses à la délinquance des mineurs pour les adapter aussi étroitement que possible à leur âge et aux actes commis : pour un enfant de onze ans, cela sera une obligation de devoirs scolaires ; pour un jeune soumis au caïdat dans son quartier, ce pourra être un éloignement de son milieu pour une durée fixée par la justice.
Enfin, la délinquance des mineurs doit recevoir une réponse rapide, ce que facilitera la diversification des mesures. Il faut, notamment, répondre vite aux actes les plus graves. Pour des comportements particulièrement graves, dont les auteurs sont des mineurs de plus de 16 ans, la procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs doit pouvoir être décidée, avec l’accord du mineur lui-même ou de ses représentants légaux. Pour des jeunes qui ont commis à plusieurs reprises des actes graves, la réponse ne doit plus être une convocation qui intervient six mois plus tard ! Que penser d’une société et d’un système d’autorité qui, à la suite d’un fait grave, mettent six mois à convoquer un mineur pour une éventuelle admonestation ? Que peut penser ce mineur à la huitième admonestation qu’il reçoit pour la huitième répétition des mêmes actes ? C’est une démission de notre société, qui crée l’impunité ; c’est une forme de complicité devant une jeunesse en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cette réforme de l’ordonnance de 1945 a un objectif : apporter une réponse à chaque acte de délinquance. Elle n’en respecte pas moins les principes fondateurs du texte : la spécificité du traitement des mineurs et la priorité donnée aux mesures éducatives. L’éducation, au demeurant, n’interdit en rien la fermeté. Celle-ci n’est pas le contraire de l’éducation. On peut même penser qu’elle en est un élément. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Jusqu’à présent, les politiques menées par tous les gouvernements se sont adressées à des quartiers ou à des catégories en difficulté dans leur globalité. Cette logique du zonage n’est pas celle qui nous inspire dans ce texte. Nous voulons nous adresser à des femmes, à des hommes et à des situations qui sont divers par nature. C’est plus difficile, mais c’est indispensable.
Par exemple, la lutte contre l’absentéisme scolaire est un phénomène dont nous n’avons pas encore pris la mesure.
Cette démarche de mobilisation générale est nouvelle dans notre droit. Elle nécessite deux changements majeurs. D’abord, s’adapter aux réalités du terrain – c’est le contraire d’une logique de guichet. Ensuite, travailler en équipe – c’est le contraire de la logique des corps. Toutes tendances confondues, en effet, les maires ne cessent de se plaindre de cette double logique.
Je précise d’emblée, pour éviter de faux débats, que le maire ne deviendra ni un shérif, ni un procureur, car aucun pouvoir de sanction ou de coercition ne lui est confié.
En revanche, le maire ne peut pas rester, si on le respecte, un simple spectateur. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
En outre, le maire sera le président du conseil des droits et devoirs des familles. La création de ce conseil est inspirée par l'expérience : en milieu rural, convoquer des parents, cela paraît naturel, en ville ce n'est pas le cas (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),…
Dès lors, le conseil sera le cadre d'une compétence nouvelle pour le maire, graduée – j'insiste sur ce mot – en fonction de la gravité des faits et du profil des familles. L'objectif sera d'aider, pas simplement de punir. Toute la gamme des interventions est donc prévue, sachant que jamais le maire n'aura à se substituer à la police ou à la justice.
Le maire pourra ainsi faire un rappel à l'ordre, sans pour cela se substituer au procureur de la République ; il pourra proposer un accompagnement parental ; il pourra saisir le président du conseil général en vue d'établir un contrat de responsabilité parentale ; il pourra demander au directeur de la CAF de mettre en place un dispositif d'accompagnement assurant une utilisation des prestations familiales conforme à l'intérêt de l'enfant, ce qui est une nouveauté formidable quand on sait la difficulté qu’ont parfois les maires à obtenir de certaines CAF le moindre renseignement ; enfin, le maire pourra saisir, conjointement avec le directeur de la CAF, le juge des enfants en vue de la mise en œuvre de mesures mettant sous tutelle les prestations familiales, en cas de difficultés graves et persistantes dans leur gestion. Pour bénéficier des prestations familiales, il faut un certificat de scolarité. Les familles qui n’en ont pas doivent signaler que leurs enfants ne vont pas à l’école. Si elles ne le signalent pas, elles se font complices de l’absentéisme scolaire de leurs enfants, donc complices de leur handicap pour l’avenir. Quand une famille n’assure pas l’éducation de ses enfants, il est normal de mettre sous tutelle les allocations familiales qui étaient prévues pour assurer leur éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dans tous les cas, le maire pourra toujours saisir le procureur de la République en cas de mise en danger de la santé, de la sécurité, de la moralité ou de l'éducation des enfants mineurs.
Je tiens à préciser que les compétences des départements ne seront en aucune façon diminuées. Le président du conseil général reste le chef de file en matière d'aide sociale. Le maire peut exercer son action en matière d'aide sociale facultative, mais le département reste responsable de la protection de l'enfance et continuera d'exercer pleinement cette responsabilité. Mais si certaines communes le souhaitent, elles pourront demander à exercer ces compétences par convention avec le département.
La nouvelle méthode d'action que nous souhaitons encourager sur le terrain passe aussi, et c’est un sujet très important, par une meilleure coordination du travail social,…
Nous ne souffrons pas d'un manque de travailleurs sociaux ; nous souffrons d’un manque de coordination entre les travailleurs sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il arrive même parfois que des enfants en meurent. Ce n’est pas une question de gauche ou de droite, ce devrait être une impérieuse nécessité pour chacun d’entre nous que d’obliger des gens qui travaillent pour les mêmes enfants à se parler, à échanger les informations et à donner la priorité à l’intérêt de l’enfant (Mêmes mouvements), et non au statut de tel ou tel. Ce dispositif a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les professionnels du travail social. Il est organisé de manière minutieuse. Si une personne ou une famille fait l'objet de plusieurs interventions, le maire désignera parmi les intervenants un coordonnateur du travail social. Ce coordonnateur sera son interlocuteur, il assurera l'efficacité et la continuité de l'action des travailleurs sociaux, il organisera la circulation de l'information entre eux, et rendra compte au maire de ce que celui-ci doit connaître pour l'exercice de ses compétences. Dans tous les cas, le respect du secret professionnel sera garanti, mais le maire disposera de l’information qui lui est indispensable pour exercer ses compétences.
Enfin, j'ajoute que ce dispositif de secret partagé est complémentaire de celui prévu par le projet de loi relatif à la protection de l'enfance. À cet égard, je remercie les commissions des lois et des affaires sociales d'avoir proposé des amendements qui précisent cette articulation. C'est aussi dans ce projet de loi sur la protection de l'enfance que se trouve une autre mesure importante : le dépistage précoce des troubles du comportement chez l'enfant. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne vois aucune raison de laisser un enfant qui a des troubles du comportement seul face à sa souffrance. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Oui, nous ne devons pas hésiter à adapter notre droit lorsqu'il apparaît de façon évidente qu'il n'est plus en phase avec les réalités. Je trouve insupportable de se retrancher derrière des textes anciens pour constater que des accidents mortels sont causés par l'usage de la drogue, que des crimes sont commis par des malades psychiatriques trop tôt sortis de l'hôpital. Nous n'avons pas à tolérer cela sans réagir.
Je vais prendre un premier exemple : la loi de 1970 sur la toxicomanie. J’affirme que cette loi est devenue un tigre de papier, qu’elle est parfaitement inapplicable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Deuxième exemple : les maladies psychiatriques, lorsqu’elles ont des conséquences sur la vie des autres ou sur l'ordre public.
Il ne s'agit certes pas, dans le cadre de ce projet de loi, de réformer la médecine psychiatrique ni l'ensemble des procédures d'hospitalisation sous contrainte. Il ne s'agit en aucun cas d'assimiler les malades psychiatriques à des délinquants…
C’est pourquoi, avec le ministre de la santé, nous avons souhaité préciser la répartition des responsabilités en matière d’hospitalisation d’office : le maire intervient pour prendre la première décision d’hospitalisation parce qu’il est le plus proche,…
Nous voulons aussi qu’un fichier national des données administratives soit institué pour vérifier, par exemple, que l’on ne délivre pas une autorisation de port d’armes à quelqu’un qui a fait l’objet d’une hospitalisation d’office. Aujourd’hui, il n’y a aucun fichier. C’est incroyable : on a peur des fichiers, mais pas des gens à qui l’on délivre une autorisation de port d’armes alors qu’ils ont été hospitalisés d’office dans un service psychiatrique ! C’est naturellement l’inverse qu’il faut faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Exclamations prolongées sur les bancs du groupe socialiste.)
Je me réjouis que, sur le fond, ces propositions fassent l’objet d’un consensus. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Ces mesures sont attendues par les professionnels de la psychiatrie (« Non ! » sur les mêmes bancs), par les maires, par les acteurs de terrain. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi de les présenter dans le cadre de ce projet de loi. C’est le contenu des dispositions législatives qui importe en premier lieu, plus que leur place dans telle loi plutôt que dans telle autre.
Cela dit, j’ai entendu les interrogations qui se sont exprimées…
Je remercie la commission des lois d’avoir très utilement complété le projet de loi sur ce point, pour faciliter la fermeture des sites internet causant un trouble à l’ordre public ou pour lutter contre le développement des jeux d’argent en ligne, qui sont un vecteur privilégié pour le blanchiment et comportent un risque d’addiction pour les publics les plus fragiles.
Le projet de loi comporte d’autres mesures protectrices pour nos concitoyens. À l’initiative du président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, le sénateur Hérisson, une importante réforme des procédures d’évacuation forcée des gens du voyage, en cas de stationnement illicite, vous est proposée.
Permettez-moi, pour conclure, de vous dire dans quel esprit j’aborde le débat qui s’ouvre aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Je soumets ce projet de loi à la représentation nationale en ayant la conviction que les parlementaires que vous êtes vont l’améliorer.
Pour l’essentiel, le Gouvernement marquera son accord avec les amendements proposés par le président Houillon, rapporteur de la commission des lois, et par le président Dubernard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je tiens d’ores et déjà à les remercier pour le travail considérable qu’ils ont bien voulu effectuer.
Le premier concerne le financement. La politique de prévention de la délinquance doit disposer d’un vrai levier financier. C’est à cela que doit servir le Fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Le deuxième sujet est la lutte contre la délinquance routière. Depuis 2002, les Français ont changé leur comportement. Plus de 8 500 vies ont été sauvées et 110 000 blessés épargnés. Nous devons poursuivre dans cette voie. Le permis à points et le déploiement des radars ont incité chacun d’entre nous à mieux respecter les règles du code de la route. Mais certains ajustements paraissent nécessaires. L’amendement que vous propose le Gouvernement consiste à raccourcir le délai de récupération d’un point perdu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les conducteurs commettant une infraction entraînant le retrait d’un seul point le récupéreront au terme du délai d’un an − et non plus de trois ans − s’ils ne commettent pas de nouvelle infraction. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dans le même esprit, nous proposons que le conducteur disposant d’un permis probatoire de six points bénéficie d’une augmentation progressive de ses points jusqu’à douze. Le ministre des transports, Dominique Perben, vous présentera cette réforme. J’ai tenu à ce que nous soyons attentifs à ne pas confondre la fermeté, nécessaire à la compréhension d’une politique, avec le harcèlement.
Nous devons mettre un terme à cette spirale de violences. Il faut les réprimer plus sévèrement. Il faut cesser de considérer l’agression contre les forces de l’ordre comme une simple circonstance aggravante parmi d’autres. Une nouvelle échelle des peines est nécessaire, pour traduire devant la cour d’assises les auteurs des agressions les plus graves. Si on ne le fait pas, on n’arrivera pas à endiguer la surenchère des violences contre la police, contre la gendarmerie, contre les pompiers, contre les agents de la pénitentiaire ou contre tout détenteur de l’autorité publique. Ce choix est entre nos mains. À nous de l’assumer. C’est l’objet de l’amendement que vous présentera le garde des sceaux.
C’est dans le même esprit que j’aborde la question de l’excuse de minorité. Nous devons réfléchir à la meilleure manière de concilier le principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs avec l’exigence de répression des actes les plus graves. Aujourd’hui, l’excuse de minorité consiste à diviser les peines par deux. Certes, en droit, les juges ont aujourd’hui la faculté, à titre exceptionnel, de ne pas retenir l’excuse pour les mineurs âgés de plus de seize ans. Dans les faits, ils ne le font presque jamais…
Il ne faut pas craindre de heurter certains conservatismes, surtout s’ils viennent de gauche, certains corporatismes – qui n’ont pas lieu d’être lorsqu’il s’agit du sort de victimes –, certaines habitudes et certains conformismes de la pensée. Car l'enjeu, nous le connaissons : il s'agit de construire une société apaisée, c’est-à-dire non pas une société faible, mais une société qui n’accepte pas que certains de ses membres violent systématiquement la loi.
Pour atteindre cet objectif, le plus large rassemblement est nécessaire. Si les républicains que nous sommes, de droite comme de gauche, ne s’y appliquent pas, il ne faudra pas se plaindre alors que les extrémismes de tous bords se saisissent de tous ces problèmes pour en appeler au peuple souverain.
Je me faisais cette réflexion en allant voir à l’hôpital Mama Galledou – à qui je souhaite dédier ce texte –, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
Depuis mon arrivée à la Chancellerie, j'ai rencontré un grand nombre de personnes qui luttent contre la délinquance et, plus récemment, les acteurs de terrain de Seine-Saint-Denis : le préfet, les magistrats, les services de police, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, puis une partie des élus de ce département. Le 7 novembre dernier, l'ensemble des procureurs généraux et des procureurs de la République, les préfets et les recteurs ont été réunis pour examiner les moyens de mieux coordonner leurs actions. Enfin, vendredi dernier, je me suis rendu en Seine-Saint-Denis pour participer à un conseil départemental de prévention de la délinquance. J'ai poursuivi la rencontre que j'avais eue avec les élus de ce département en septembre, en réunissant une douzaine d'autres maires.
J'ai été frappé par leur unanimité à dénoncer certaines situations qu'ils ont du mal à maîtriser. Au-delà des clivages politiques, ils ont affirmé leur besoin d'informations sur les suites judiciaires données à telle ou telle affaire qui s'est déroulée dans leur commune et qui concerne leurs administrés.
Analysant la délinquance des mineurs, ils ont souligné que celle-ci est avant tout constituée par un noyau dur de multirécidivistes, qui reviennent dans leurs cités en sortant du tribunal. Ils ont ajouté que ceux qui commettent des délits graves sont de plus en plus jeunes, que leur passage à l'acte est souvent très violent, que le nombre des vols à la tire et à la portière explose et que les agressions contre les forces de l'ordre deviennent de plus en plus fréquentes.
Enfin, ils m'ont fait part de leur inquiétude en précisant qu'en Seine-Saint-Denis, 15 000 enfants sont déscolarisés et que leur absence de l'école, qui atteint parfois jusqu'à vingt jours par mois, conduit directement à la délinquance.
Face au découragement ou à la colère de certains, je suis convaincu que si la loi ne peut tout résoudre, le projet de loi que vous allez examiner aujourd'hui apporte des réponses à chacun, en renforçant la lutte contre la délinquance des mineurs, en combattant la banalisation de la consommation de drogues qui conduit au trafic, en diversifiant la réponse pénale, grâce à la création de nouvelles infractions.
La délinquance des mineurs n'est pas une fatalité et n'est pas non plus le fruit du renoncement de l'État à exercer son autorité.
Elle constitue une priorité que les magistrats ont prise en compte, en s'efforçant d'apporter une réponse pénale à la fois systématique, rapide et graduée. Quelques chiffres illustrent cette volonté : en 2005, plus de 168 000 affaires concernant les mineurs ont été traitées par l'ensemble des parquets ; le taux de réponse pénale est en constante progression, passant de 77,7 % en 2000 à 85,5 % aujourd'hui.
Je voudrais vous présenter les mesures qui me semblent les plus significatives pour répondre à la délinquance des mineurs.
Il faut d'abord lutter contre le sentiment d'impunité qui se développe chez certains mineurs. (« Très bien ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La fin de l'impunité passe par des procédures judiciaires plus rapides. C'est pourquoi un dispositif de présentation immédiate des mineurs de seize à dix-huit ans, encadré par des conditions précises, sera institué.
Actuellement, un mineur dispose d'un délai de dix jours à un mois avant sa comparution devant le tribunal pour enfants dans le cadre de la procédure de jugement à délai rapproché. Le projet de loi prévoit la possibilité d'y renoncer, permettant de ce fait de le juger à la première audience utile. Ainsi, un mineur interpellé le matin pourra comparaître dans l'après-midi, si le tribunal pour enfants est en mesure de se réunir.
Mettre fin au sentiment d'impunité, c'est permettre au parquet de développer encore davantage les alternatives aux poursuites, qui évitent les classements secs. La composition pénale, applicable jusqu'à présent aux majeurs, le sera aux mineurs de treize à dix-huit ans.
Parmi les maires que j’ai rencontrés en Seine-Saint-Denis, certains m’ont fait part de la réaction négative de l’opinion publique devant la vue d’un mineur de retour dans la cité jouer au caïd...
Cependant, je n’oublie pas que la réinsertion des jeunes passe aussi par l'insertion professionnelle. L'obligation de suivre une mesure d'activité de jour, telle qu'elle est créée par le nouveau texte, prend en compte cet impératif : qu’il s’agisse, par exemple, d’un stage professionnalisant ou d’un stage d’insertion, tout travail est préférable à l’inaction.
Pour tout consommateur de drogues, je souhaite renforcer le dispositif des injonctions thérapeutiques, car celui qui est confronté à la drogue a besoin d'un suivi médical.
L'injonction thérapeutique pourra être prononcée comme modalité d'exécution d'une peine. Elle prendra la forme d'une mesure de soins ou de surveillance médicale. Elle sera étendue aux personnes ayant commis une infraction dont les circonstances révèlent une addiction aux boissons alcoolisées. L'injonction pourra permettre de traiter la cause de cette délinquance afin d'éviter son renouvellement. Toutefois, il faut aller plus loin que la mesure de soin.
L'usage de stupéfiants ou l'abus d'alcool ne doit plus jamais constituer une excuse lorsqu'il aboutit à la commission d'une infraction. L’excuse trop souvent entendue devant les tribunaux correctionnels du « Mais, monsieur le président, j’avais bu un coup de trop ! » n’aura plus cours. Cette période de tolérance est révolue.
Commettre une infraction sous l'emprise d'un produit stupéfiant ou en état d'ivresse manifeste constituera une circonstance aggravante. Il en sera de même pour le délit de provocation à l'usage de stupéfiants se déroulant aux abords d'un établissement scolaire ou bien encore dans les locaux de l'administration.
S'agissant des violences urbaines, je souhaite diversifier la réponse pénale par la création de nouvelles infractions et le renforcement de certaines sanctions.
Une infraction spécifique sera créée en cas de violences volontaires graves sur les agents de la force publique, commise avec arme en bande organisée ou avec guet-apens, qui sera punie de quinze ans de réclusion criminelle. Il faut que ceux qui s'attaquent aux forces de l'ordre, aux agents de l'administration pénitentiaire, aux sapeurs-pompiers, aux agents des transports publics, sachent qu’ils risquent, lorsqu'ils tendent un guet-apens ou s'organisent pour exercer des violences, de se retrouver devant une cour d'assises.
Je veux également aggraver les sanctions en cas de rébellion, en faisant passer le quantum de la peine applicable de six mois à un an d'emprisonnement : cette aggravation des peines permettra notamment d'appliquer aux mineurs ayant commis des faits de rébellion la nouvelle procédure de présentation immédiate.
C'est pourquoi, comme me l'ont demandé les élus de Seine-Saint-Denis, je souhaite que nous donnions un nouvel élan à la peine de travail d'intérêt général.
Par ailleurs, le projet de loi n'oublie pas les victimes puisqu'il crée une peine de sanction-réparation, qui obligera le condamné à indemniser sa victime sous le contrôle du procureur de la République ou de son représentant. Son non-respect sera sanctionné par une peine d'emprisonnement dont la durée aura été préalablement fixée par la juridiction de jugement.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui, et qui a été adopté en première lecture au Sénat le 21 septembre, met en place des procédures renouvelées, permettant aux différents acteurs de partager l’information grâce à des procédures efficaces qui garantissent un juste équilibre entre la sécurité de nos concitoyens et le respect du droit des malades. Aujourd’hui en effet, on observe trop souvent un système cloisonné dans lequel les différents acteurs de la prévention de la délinquance éprouvent des difficultés à dialoguer ensemble.
Personne ne souhaite que s’établisse une confusion entre délinquance et santé mentale. D’ailleurs, le rapport Garraud sur la prise en charge des patients dangereux, qui vient d’être remis au Premier ministre, établit une distinction claire entre dangerosité psychiatrique et dangerosité criminologique. Nous devons cependant reconnaître que certains troubles psychiatriques ne sont pas étrangers à certains comportements violents.
Même si les dispositifs de prise en charge médicale des malades atteints de troubles mentaux produisent indéniablement leurs effets, il est manifeste que nous devons concentrer nos efforts sur l’amélioration de la coordination entre l’autorité judiciaire et le système de soins pour aboutir à un traitement efficace de la délinquance associée à des troubles psychiques. Il faut tout simplement que les gens se parlent pour éviter toute rupture dans la continuité des soins.
Un premier axe de cette réforme concerne les hospitalisations d’office. Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance prévoit ainsi une clarification des procédures de prise en charge des personnes atteintes de souffrance psychiatrique qui peuvent menacer directement la sécurité d’autrui. Désormais, une personne présentant un danger réel pour la société doit être prise en charge dans le cadre de la procédure d’« hospitalisation des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public » et non plus, comme c’était le cas auparavant, dans le cadre de l’hospitalisation à la demande d’un tiers.
De manière générale, le projet de loi consacre aussi le rôle du maire en tant qu’acteur central de la prévention de la délinquance des personnes atteintes de troubles psychiques en liaison avec le préfet et les autorités judiciaires. Il tire ainsi toutes les conséquences de la situation actuelle car, aujourd’hui, c’est le maire qui, dans 60 % des cas, est à l’origine de la décision en urgence de l’hospitalisation d’office. La loi lui donnera l’autorité de prononcer ces hospitalisations d’office en dehors de l’urgence. Cette procédure simplifie non seulement le dispositif existant mais il donne également des garanties nouvelles plus protectrices des droits de la personne.
En premier lieu, la notion de notoriété publique, qui pouvait motiver une hospitalisation d’office, est supprimée. Désormais le maire devra référer dans les vingt-quatre heures de la mesure d’hospitalisation d’office au représentant de l’État dans le département, à charge pour ce dernier de l’infirmer ou de la confirmer sur la base d’un examen psychiatrique.
En second lieu, l’exigence d’un certificat médical dans les soixante-douze heures qui suivent la décision d’hospitalisation d’office offre une possibilité supplémentaire de réexaminer la situation de la personne puisque, actuellement, les certificats sont établis à J + 1 et à J + 15.
Par ailleurs, les données concernant les hospitalisations d’office sont parcellaires et recueillies uniquement au niveau départemental. Il est en effet impossible aujourd’hui de disposer d’informations sur les hospitalisations intervenues dans un autre département que celui dans lequel a lieu la demande d’hospitalisation d’office.
La création d’un traitement national des données à caractère administratif améliore ainsi le suivi sanitaire des personnes hospitalisées d’office. Sa mise en place s’accompagne de garanties importantes afin de préserver le secret médical, puisque seules les données administratives seront consignées.
Ce traitement national bénéficiera bien entendu des dispositions prévues par la loi Informatique et libertés, et notamment du contrôle de la CNIL.
Enfin, le projet de loi prévoit la possibilité pour le représentant de l’État de recourir à une expertise médicale effectuée par un psychiatre n’appartenant pas à l’établissement de santé d’accueil du malade. Cette disposition garantit le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation et permet de conforter la décision du représentant de l’État.
Nous avons également entendu les interrogations de la communauté psychiatrique et des associations de familles et d’usagers quant à la nécessité d’une approche globale de ces sujets dans un texte qui serait porté par le ministère de la santé. Avec M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, nous proposons au Parlement d’habiliter le Gouvernement à réviser par ordonnance l’ensemble de la loi de 1990, sur laquelle la concertation avec les professionnels est d’ores et déjà engagée. Nous avons fixé deux nouveaux rendez-vous avec les représentants des professionnels de santé et les associations de patients, à la fin du mois de novembre et le 13 décembre, pour poursuivre cette concertation.
Cette réforme globale comprendra, outre les éléments précédemment énoncés, la clarification de la notion de tiers ; la dissociation entre le caractère obligatoire du soin, c'est-à-dire la décision administrative prononçant l'obligation de soins, et les modalités d'exécution des soins sans consentement : je pense à l’hospitalisation complète ou à la prise en charge en ambulatoire. L'évaluation clinique dans les soixante-douze heures qui suivent l’admission sera améliorée afin de définir les modalités de prise en charge les plus pertinentes et de les adapter. De même, la composition et le fonctionnement des commissions départementales de l'hospitalisation psychiatrique seront réformés.
Cette réforme attendue sera menée dans la concertation.
Le dernier point que je voulais aborder concerne la rénovation du dispositif de l'injonction thérapeutique. Auparavant, chacun s’accorde à le reconnaître, il manquait un véritable suivi médical et une réelle coordination entre le monde judiciaire et le monde sanitaire. Le dispositif de l’injonction thérapeutique rénové s'appuiera sur la mise en place de médecins relais qui joueront le rôle d'interface entre l'autorité judiciaire et le médecin soignant. Le médecin relais met en œuvre l'injonction thérapeutique en proposant ses modalités, il contrôle son application et, le cas échéant, il donne un avis motivé sur l'opportunité médicale de cette mesure à l’autorité judiciaire. Ces médecins relais pourront être formés grâce à la formation médicale continue et au déploiement du plan addictologie que je viens de présenter. Ce sont 6,5 millions d'euros qui seront ainsi consacrés à cette mesure.
M. le ministre d’État a évoqué tout à l’heure les différentes modalités envisagées, et notamment le dépôt d’un amendement au projet de loi qui sera étudié jeudi prochain à l’Assemblée nationale. Je tiens à ce propos à saluer le travail de M. Dubernard.
Cependant, les événements nous rappellent en permanence que l'effort doit être maintenu, amplifié et diversifié. Ils ne font que révéler une réalité que beaucoup d'élus locaux pouvaient déjà ressentir : la transformation de la délinquance. Celle-ci devient de plus en plus violente et est le fait de personnes de plus en plus jeunes.
Face à ce véritable phénomène de société, il serait vain de croire que la solution pourrait venir des seules forces de police et de gendarmerie, qui ont déjà fourni des efforts remarquables, même s'il est toujours possible et souhaitable d'améliorer le cadre de leur action.
Ainsi, la voie qu'il faut maintenant poursuivre est celle d'une approche différente de la délinquance, une approche qui prenne en compte l'ensemble des facteurs susceptibles de la générer. Il convient de mettre en œuvre une véritable politique de prévention de la délinquance, et pour cela, il faut considérer que cette politique concerne non seulement la police et la justice, mais l'ensemble des acteurs sociaux, qu'ils soient publics ou non.
Si chacun s'accorde sur la priorité à accorder à la prévention de la délinquance, de nombreuses divisions persistent sur les modalités concrètes de sa mise en œuvre. Ainsi, compte tenu du nombre d'acteurs concernés, il était primordial d'organiser leur coordination.
Prendre en compte les réalités de la délinquance d'aujourd'hui dans toutes ses facettes, tel est l'objectif, ambitieux, de ce projet de loi qui sera complété, le moment venu, par le projet de loi relatif à l’accueil et à la protection de l’enfance, déjà adopté par le Sénat en juin 2006.
Quelques mots tout d'abord sur le diagnostic.
La sécurité était la priorité, légitime, de la majorité élue en 2002. De fait, les réformes annoncées ont été mises en œuvre, les moyens promis ont été débloqués, les forces de sécurité ont été remobilisées.
Le bilan de cette politique est d'ailleurs flatteur. Ainsi, alors qu'entre 1997 et 2002, la délinquance globale avait connu une hausse de 18 %, la baisse a atteint depuis 8,5 %.
Au-delà du bilan statistique, ces évolutions indiquent une claire réorientation de l'action policière, davantage focalisée sur la recherche des auteurs d'infraction. Manifestement, la présence policière est dorénavant mieux adaptée aux heures et aux lieux de la délinquance, comme le montre par exemple la très forte baisse de 21 % de la délinquance de voie publique.
Pourtant, si les chiffres globaux de la délinquance marquent un recul, ils ne doivent pas cacher deux phénomènes très préoccupants : les actes de délinquance sont le fait d'auteurs de plus en plus jeunes et de plus en plus violents.
Première tendance : les actes commis sont de plus en plus violents.
Les violences « non crapuleuses », c'est-à-dire celles qui n'ont pas pour objet principal l'accaparement d'un bien, augmentent de près de 10 % sur un an, tandis que le nombre de mis en cause dans ces affaires s'accroît de près de 13 %.
Seconde tendance : les actes sont le fait de mineurs de plus en plus jeunes.
En 2005, plus de 190 000 mineurs ont été interpellés, soit 18 % des personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie. Ce chiffre représente une hausse de 5 % par rapport à 2004.
Les délinquants mineurs n’ont jamais été aussi jeunes, aussi réitérants et aussi violents. Nous constatons un rajeunissement de l'âge d'entrée des mineurs dans la délinquance : tandis que la part des mineurs de seize à dix-huit ans régresse régulièrement, celle des quatorze-seize ans reste stable et celle des moins de treize ans augmente. Les mineurs de moins de seize ans représentent la moitié des mineurs mis en cause. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que la gravité des actes est liée à la précocité de leurs auteurs.
Ces mineurs sont aussi de plus en plus violents. Au premier semestre 2006, près de 26 600 mineurs ont été mis en cause pour atteintes volontaires à l’intégrité physique,…
Face à des phénomènes complexes, la réponse ne peut être que variée et modulée selon les caractéristiques des faits et la personnalité des auteurs, notamment des mineurs.
Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance s’inscrit pleinement dans une démarche visant à prendre toute la mesure des transformations de la délinquance, à appréhender la notion de prévention dans toutes ses dimensions. En témoigne le fait que pas moins de cinq ministres défendent ce texte devant le Parlement ou que ses dispositions modifient tant le code pénal et le code de procédure pénale que le code général des collectivités territoriales, le code de l’action sociale et des familles, et le code de l’éducation, mais aussi le code de l’urbanisme ou le code rural et le code de la santé publique.
Je ne peux, dans le temps qui m’est imparti, détailler toutes les dispositions du projet de loi. Nous aurons l’occasion de débattre de chaque article au cours des deux semaines d’examen du texte. Je m’attacherai donc à présenter uniquement les principales dispositions du texte.
Premier axe : le rôle du maire, qui devient animateur et coordonnateur des politiques de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune.
Le maire cumule deux qualités particulièrement utiles dans le cadre de la prévention de la délinquance : la proximité et la polyvalence. Proche des habitants, il doit tout d’abord répondre à leurs attentes, qui sont très fortes dans le domaine de la sécurité, et il peut le faire car il connaît bien sa population et son territoire. De plus, la généralité des compétences de la commune permet au maire d’agir dans l’ensemble du spectre de la prévention, en prenant en compte à la fois les considérations sociales, éducatives et urbanistiques.
J’ai pu constater, en entendant leurs représentants, que les maires sont très demandeurs d’un rôle de médiateur et de fédérateur aux yeux d’une population qui les considère comme plus facilement abordables. Dans le même temps, ils sont très désireux que leur rôle ne fasse pas l’objet d’une confusion avec celui des forces de sécurité et celui de la justice. Les maires ne cherchent pas à participer au dispositif répressif de lutte contre la délinquance, mais ils veulent obtenir davantage de moyens d’information pour jouer dans sa plénitude leur rôle de coordination.
Le présent projet de loi est fondé sur cette recherche d’équilibre entre reconnaissance du rôle du maire dans la prévention de la délinquance et refus d’en faire un « shérif ». L’Association des maires de France et l’Association des maires des grandes villes de France considèrent que le projet de loi est parvenu à ce difficile équilibre, et elles s’en félicitent, compte tenu de l’importance des attentes des populations en matière de prévention de la délinquance. Symboliquement, l’article 1er du projet de loi institue le maire comme le coordinateur et l’animateur de la politique de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune. Cette disposition ne fera en fait que consacrer le rôle que bien des maires exercent déjà dans la pratique,…
En tant que coordinateurs, les maires pourront s’appuyer sur des instances partenariales. Ainsi, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance sont généralisés puisqu’ils sont rendus obligatoires dans les communes de plus de 10 000 habitants.
Par ailleurs, le projet de loi crée également, dans les communes de plus de 10 000 habitants, un nouvel organe de la commune : le conseil pour les droits et devoirs des familles. Ce conseil sera composé d’élus, de représentants de l’État et d’acteurs de terrain. Il sera un lieu d’échange avec les familles en difficulté afin de les aider à trouver des solutions concrètes aux problèmes qu’elles rencontrent. La commission a cependant estimé que le succès de cette instance reposera sur l’implication des communes. Il est donc préférable de laisser chaque commune décider elle-même de la création d’un tel conseil. M. le ministre d’État a exprimé tout à l’heure son accord sur cette disposition adoptée par la commission des lois.
De nombreux moyens d’information sont par ailleurs donnés aux maires afin que ceux-ci disposent d’une vue d’ensemble sur toutes les problématiques liées à la prévention de la délinquance, en vue de proposer des réponses adaptées en amont.
Ainsi, le maire a été placé au cœur du dispositif de secret professionnel partagé institué par le projet de loi dans le domaine de la prévention de la délinquance. L’efficacité de l’action sociale souffre en effet moins d’un manque d’intervenants qualifiés que d’un défaut de coordination de leur action et d’une carence dans l’utilisation de l’information existante. C’est pourquoi l’article 5 du projet de loi autorise les professionnels de l’action sociale à partager les informations dont ils disposent sur une personne ou une famille qui connaît une aggravation de ses difficultés. Afin que ces informations soient utilisées au mieux, le maire sera chargé de nommer un coordonnateur qui aura un double rôle : à la fois animer l’équipe de travailleurs sociaux intervenant autour d’une même personne, pour optimiser les différentes interventions, et informer les personnes susceptibles d’avoir besoin de la connaître afin d’apporter une réponse adaptée, à savoir le maire et le président du conseil général.
Le projet de loi permettra également d’étoffer l’information du maire sur l’absentéisme scolaire.
Les sources d’information du maire concernant plus directement la délinquance sont également étoffées, par exemple celles relatives aux troubles à l’ordre public commis sur le territoire de sa commune. Désormais, le projet de loi prévoit une information du maire par la police et la gendarmerie nationales sur l’ensemble des infractions causant un trouble à l’ordre public, et non plus simplement celles que les services en question considèrent comme « graves ».
Le projet de loi crée enfin des procédures permettant aux maires de jouer tout leur rôle dans la prévention de la délinquance. Dans le domaine social, un nouvel outil est crée, celui de l’accompagnement parental, procédure à la disposition du maire pour agir en amont au bénéfice des familles qui connaissent des difficultés dans l’éducation de leurs enfants.
En outre, le maire pourra dorénavant saisir le juge des enfants en cas de mauvaise utilisation des prestations familiales.
Enfin, le rôle de médiation du maire dans le domaine de la lutte contre les incivilités sera renforcé par la consécration législative donnée à la pratique courante du « rappel à l’ordre » par le maire. Il s’agit non pas d’associer le maire à l’appareil répressif, mais de favoriser au contraire une gestion non pénale de certains actes de délinquance, compte tenu de l’autorité morale dont dispose le maire.
Pour être efficace, la réponse pénale aux actes des mineurs doit être systématique, car la certitude de la sanction constitue le seul moyen de lutter contre le sentiment d’impunité et de produire un réel effet dissuasif. Elle doit aussi être adaptée à l’âge et à la personnalité des mineurs, ce qui suppose une large palette de mesures. Enfin, elle doit être rapide car, dans certains cas, l’instruction n’est pas indispensable et seule une réponse rapide peut avoir un effet pédagogique à l’égard tant de l’auteur des faits que des autres mineurs qui pourraient être tentés de l’imiter. Le projet de loi répond à ces exigences.
En deuxième lieu, il apporte une réponse mieux adaptée à la personnalité des mineurs grâce à l’extension de la palette des mesures pouvant être prononcées par le juge des enfants. Le projet crée quatre nouvelles sanctions éducatives, dont l’une est le placement dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation habilité permettant la mise en œuvre d’un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel. Le projet prévoit un placement pour une durée d’un mois. La commission des lois a adopté, à mon initiative, un amendement permettant de moduler jusqu’à trois mois la durée de ce placement en fonction de l’âge du mineur.
La justice des mineurs doit concilier deux objectifs qui peuvent se révéler contradictoires : fournir une réponse rapide dans l’intérêt de la victime et du mineur, tout en permettant l’organisation d’une investigation sur la situation de l’intéressé.
La procédure de comparution immédiate prévue par le code de procédure pénale n’est pas applicable aux mineurs. Il existe, en revanche, une procédure « rapide » qui s’applique d’ores et déjà aux mineurs : il s’agit de la procédure dite de « jugement à délai rapproché », qui a été instaurée en 2002. Elle permet au procureur de la République de saisir directement le tribunal pour enfants aux fins de jugement dans un délai de dix jours à un mois.
Le projet de loi lui substitue une « procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs » qui reprend les principaux aspects de la procédure de jugement à délai rapproché en opérant deux aménagements substantiels :
L’élargissement de son champ d’application par l’abaissement des quantums de peine encourue dont le niveau conditionne la mise en œuvre de la procédure ;
Son accélération, l’application du délai minimal de dix jours pouvant être écartée, sous la double condition de l’accord exprès du mineur et de son avocat et de l’absence d’opposition des représentants légaux qui auront été préalablement convoqués. Ce projet met donc en œuvre tous les moyens de protection.
La présentation immédiate permettra, dans les grands tribunaux pour enfants qui tiennent une audience par jour, de juger un mineur dans la journée même de sa présentation au procureur.
Ce projet, on le voit, propose des réformes de l’ordonnance de 1945 qui vont dans le bon sens. Il n’était bien évidemment pas question, à quelques mois d’échéances électorales, de procéder à une réforme d’ampleur dans la précipitation.
Notre pays ne saurait en effet se passer d’une grande réflexion sur les nouveaux visages de la délinquance des mineurs et sur les moyens de la contenir, réflexion qui passera, à mon sens, par une refonte d’ensemble de l’ordonnance de 1945, texte vieilli auquel de multiples modifications ont fait perdre toute cohérence globale et qui ne répond plus aux principes posés par les conventions internationales.
Les mineurs de 2006 ne sont plus les mineurs d’il y a soixante ans et le texte qui précise les modalités particulières d’application des procédures pénales aux mineurs doit prendre la mesure de ces évolutions profondes. Nous devons comprendre les phénomènes à l’œuvre pour trouver les réponses adaptées à des adolescents en perte de repères, souvent manipulés par des adultes peu scrupuleux, qui utilisent l’excuse de minorité comme bouclier, des jeunes capables de commettre des actes d’une violence inouïe, comme en témoigne tristement l’affaire du bus de Marseille.
La réflexion que nous allons engager ne devra éluder ni le problème crucial constitué par le noyau dur de multirécidivistes, pour lesquels les réponses pénales apportées aujourd’hui sont totalement inefficaces, ni la question de la maturité pénale.
C’est tout notre système qui est à revoir, car on ne peut apporter la même réponse à des jeunes qui passent le cap de l’adolescence en commettant un ou deux petits délits, et à des jeunes multirécidivistes ou multiréitérants, qui nécessitent de fait un accompagnement spécifique, éventuellement élargi à la famille dans son ensemble.
Il faut aussi pouvoir traiter le problème des bandes. En effet, alors que la délinquance des mineurs est souvent le produit d’une action de groupe, la réponse judiciaire, à ce jour, est individuelle.
Il est également nécessaire de trouver une réponse judiciaire adaptée à une petite fraction des mineurs – 5 à 10 % de ceux qui sont mis en cause –, qui mettent aujourd’hui l’institution en difficulté. Si la majorité des adolescents délinquants n’a affaire qu’une seule fois à la justice des mineurs, il existe un petit noyau dur de jeunes multirécidivistes et multiréitérants, pour lesquels des réponses adaptées n’ont pas encore été trouvées.
Toutes les pistes doivent être explorées pour que nous puissions traiter pleinement ce problème crucial. Pour l’immédiat, la commission des lois a adopté ce matin deux amendements, l’un relatif à l’excuse de minorité, le second à la motivation des décisions de justice.
Le premier, sans remettre en cause le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, vise à étendre pour les juges les possibilités d’y déroger, dans le cas de mineurs de seize à dix-huit ans qui auraient commis, en état de récidive légale, un crime ou un délit constituant une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne.
Le second amendement prévoit, pour les majeurs, la motivation expresse par les juges, en matière correctionnelle, du choix de la peine prononcée, lorsque l’infraction est commise en état de récidive légale ou de réitération. Il s’agit simplement de donner une plus grande lisibilité aux décisions de justice, dans un souci de pédagogie, tant à l’égard des personnes condamnées que des victimes, tout en laissant une totale liberté aux juges dans le choix de la peine.
J’aborde maintenant deux sujets sur lesquels le président Jean-Michel Dubernard, excellent rapporteur pour avis, dont je salue le travail,…
Ce projet de loi cherche à traiter l’ensemble des facettes de la délinquance. Or les comportements addictifs sont souvent à l’origine de violences ou de désocialisation. Compte tenu de l’importance de la consommation de drogues en France, notamment par les mineurs, il y a lieu d’être inquiet. D’où les dispositions incluses dans le projet de loi, que détaillera le rapporteur pour avis.
Le second sujet concerne la réforme de l’hospitalisation d’office des malades mentaux dangereux pour l’ordre public. Certes, même dangereux, ce ne sont pas, en tant que tels, des délinquants. Pourtant, plusieurs drames, comme celui de Nanterre en 2002 ou celui de Pau en 2004, sont venus rappeler la réalité de la dangerosité de certains malades psychiatriques et de l’inadaptation de nos procédures, dont chacun réclame la réforme depuis plusieurs années.
Sur le fond, la commission des lois considère que les mesures proposées par le projet de loi sont judicieuses. Elles répondent en effet à des difficultés concrètes : elles vont dans le sens du droit des malades et rendent le dispositif plus soucieux des considérations d’ordre public. La commission des lois les a donc naturellement adoptées.
Avant de conclure, je tiens à évoquer un amendement du Gouvernement, que la commission a examiné cet après-midi. Il concerne la mise en œuvre de la réforme du permis à points, annoncée par le Premier ministre le 8 novembre dernier.
Le renforcement des contrôles a eu d’incontestables résultats positifs sur les chiffres de la sécurité routière, mais il a également pu susciter quelques incompréhensions. Le Gouvernement nous propose donc des modifications à la marge, visant à assouplir le régime du permis à points, notamment en faisant passer d’un à trois ans le délai permettant de retrouver un point lorsqu’aucune autre infraction n’a été commise entre-temps.
La commission a approuvé ces modifications, tout en souhaitant qu’elles bénéficient à l’ensemble des personnes concernées, en application du principe d’application immédiate de la loi répressive plus douce, et par souci d’égalité.
Telles sont les principales dispositions de ce projet, que votre commission des lois a approuvé, et que je vous propose d’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La société française ne peut pas se laisser submerger par l’idée que la montée de la violence est inéluctable et qu’il faut s’habituer à vivre avec elle. D’où la nécessité d’une nouvelle approche de la lutte contre la délinquance.
Cette violence atteint tous les Français, des plus jeunes aux plus âgés. L’absentéisme scolaire n’est pas un signe de délinquance, mais c’est un signal d’alerte qui doit amener les familles, les intervenants sociaux et les maires à intervenir. De même, dès leur plus jeune âge, les enfants doivent être protégés de la banalisation de la violence, du racisme, de la drogue et de la pornographie, qui peut être le fait de produits électroniques prenant la forme de jeux ou être véhiculée par Internet.
Ce projet de loi ne traduit pas une obsession sécuritaire.
Malgré les efforts entrepris, des parties de notre territoire national restent en déshérence. L’environnement urbain et les conditions de vie dans certains quartiers sont tellement dégradés que leurs habitants subissent tous les jours une forme de violence, qu’ils ont tendance à extérioriser en retour pour réagir à ce cadre de vie désespérant.
Il reste beaucoup à faire pour améliorer la vie dans les cités et éviter que les habitants de ces quartiers dits sensibles aient l’impression d’être des laissés-pour-compte de la République. Est-il normal que certains quartiers soient devenus des sortes de déserts du lien social ? Les petits commerces ont progressivement fermé et, en tout premier lieu, les cafés, dont l’utilité sociale est pourtant indéniable.
Je ne voudrais pas donner une vision trop pessimiste des banlieues françaises, car de gros efforts ont été faits par Jean-Louis Borloo dans le cadre de la politique de cohésion sociale. Mais cette politique ne portera ses fruits que lentement. La restructuration immobilière des quartiers sensibles prendra du temps, comme les efforts menés en faveur des zones franches urbaines pour encourager l’initiative économique et enclencher ainsi un cercle vertueux permettant aux habitants de ces quartiers de retrouver confiance et de se mobiliser pour favoriser la création d’emplois.
La lutte contre la délinquance repose sur deux piliers équilibrés : une politique de sanction efficace, avec une palette de mesures permettant d’adapter les sanctions à la gravité des infractions, et une politique de prévention s’attaquant très concrètement à toutes les souffrances sociales, qui sont autant de sources potentielles de violence.
Comment réussir à inverser le cours des choses, alors qu’un sentiment d’abattement, voire d’impuissance, gagne tant d’élus locaux, tant de travailleurs sociaux et tant de professionnels de l’éducation nationale ?
Ce que j’apprécie avant tout dans ce projet de loi est son approche pragmatique : il tient compte des expérimentations locales qui ont fait leur preuve et s’appuie sur les dispositifs sociaux existants. Si, auparavant, tant d’efforts sont restés vains, c’est parce qu’il n’y a pas eu, jusqu’à présent, de politique de prévention en tant que telle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qui s’attaque à la racine du mal et envisage les difficultés dans leur globalité.
Messieurs les ministres, vous proposez d’abord une nouvelle méthode, une démarche consistant à s’adresser directement aux personnes lorsqu’elles rencontrent ou vont rencontrer des situations difficiles. Cela implique de faire appel à une autre organisation, pour dépasser certaines pesanteurs culturelles qui imprègnent notre administration, notamment la logique du guichet et celle du cloisonnement. Car, si ces principes ont permis aux services de l’État de répondre à beaucoup de besoins depuis des décennies, ils ont trouvé leurs limites. Ils ont fait merveille dans une société où l’on se tournait vers l’État dans des cas bien précis : pour une allocation, une subvention ou un conseil. Mais ce qui a changé, c’est que toute une partie de la société – je pense notamment aux plus vulnérables – s’est littéralement détournée des services sociaux, pendant que les spécialistes de l’accompagnement social continuaient de l’attendre dans des bureaux.
Le projet de loi doit être l’occasion d’une réflexion en profondeur sur l’évolution des services sociaux. Cette nécessité a d’ailleurs été soulignée en 2005 dans le rapport de l’IGAS sur l’intervention sociale.
Centré sur une prise en charge individuelle des personnes en difficulté, le travail social a du mal à sortir de cette approche et à faire le lien avec le travail social collectif, qui est essentiellement assuré par des associations, dans le cadre de la prévention spécialisée. Il faut repenser, revoir et réformer le travail social.
Je vous renvoie aux propos pleins de sens de M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l’ODAS, qui, auditionné dans le cadre de la mission d’information parlementaire sur la famille et les droits des enfants, a déclaré notamment que les professionnels avaient du mal à appréhender une démarche collective. C’est indéniable. Mettons-nous à leur place !
Au total, il est nécessaire de revoir leur mode d’action, de le rendre plus collectif et de favoriser davantage le travail en équipe.
Le projet de loi est particulièrement novateur quand il propose de revoir la répartition des compétences entre collectivités locales selon les spécificités de chacune. Des délégations de compétences librement négociées permettront de rapprocher les services publics de l’usager.
Ainsi, à Angers, les services judiciaires n'ont pu déceler, en dépit de leur bonne volonté, la gravité de la situation d'abandon dans laquelle se trouvaient des enfants maltraités. Ce qui vaut pour ces derniers vaut aussi pour les mineurs en voie de marginalisation : un accompagnement social renforcé des familles pourrait être beaucoup plus efficace et aider les parents en difficulté à assumer leur autorité parentale.
Le projet de loi cherche donc à répondre aux faiblesses les plus criantes de nos politiques publiques, en apportant quatre changements importants.
Premier changement : il vise à rapprocher la prise de décision du citoyen, au plus près du terrain, même si ce n'est pas la tradition de l'administration française. Nous souhaitons ainsi organiser la prévention de la délinquance autour des maires. Parce qu’ils sont les premiers informés et les premiers sollicités, c'est autour d'eux que toutes les compétences doivent s'articuler. Quelles que soient leurs opinions, les maires se mobilisent lorsque quelque chose de grave se passe et ce sont eux qui connaissent le mieux les acteurs locaux.
Deuxième changement : le travail en réseau sera favorisé par la création d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance dans les communes de plus de 10 000 habitants. (« Cela existe déjà ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Aujourd'hui, la protection maternelle et infantile, qui dépend du département, s'occupe de la santé jusqu'à l'âge de six ans ; la médecine scolaire, qui dépend de l'État, est alors censée prendre le relais ; le maire est responsable de l'obligation scolaire et le conseil général de l'aide sociale à l'enfance ; la protection judiciaire de la jeunesse intervient en direction des jeunes en danger ou déjà délinquants. À aucun moment, ces personnes ne se rencontrent pour travailler ensemble. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Un jeune en difficulté les rencontrera tous, mais successivement. Or personne ne pourra prendre seul en charge ses difficultés et il est parfois vital de partager certaines informations concernant sa vie.
Le projet de loi prévoit donc le partage de l'information entre professionnels, dans le respect du secret professionnel. Je juge, en outre, très utile la désignation, parmi les professionnels de l'action sociale, d’un coordonnateur chargé de donner de la cohérence aux différentes interventions auprès d'un même jeune ou d'une même famille et de faire l'interface entre les travailleurs sociaux et les élus chargés des problèmes sociaux et de l'assistance éducative.
Troisième changement : l'exigence de présence sur le terrain. Le renforcement du rôle des maires ne conduit pas à un désengagement de l'État. Celui-ci reste, bien entendu, responsable de la prévention de la délinquance, dont les préfets élaborent les plans départementaux. Même si le maire devient le pivot des dispositifs, l'État doit toujours être présent dans les quartiers pour aider, orienter et répondre. Beaucoup d'habitants des quartiers sensibles n'identifient l'État qu'à la police. Des délégués de l'État doivent donc pouvoir être présents dans les quartiers. Ce changement de culture est d’ailleurs en train de s'opérer. Les préfets et les sous-préfets doivent aller eux-mêmes sur le terrain.
Quatrième changement : la responsabilisation des personnes. Il faut sortir des logiques d'assistance et de sanction qui sont actuellement les seules mises en œuvre. Ainsi, pour aider les parents d'enfants en difficulté, des « conseils pour les devoirs et droits des familles », présidés par le maire ou son représentant, seront institués dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Ce dispositif existe déjà dans certaines communes, mais il était jusqu’à présent dépourvu de base légale.
Autre innovation du projet de loi, l’intérêt tout particulier qu’il porte aux victimes. Au risque de paraître quelque peu angélique, je veux dire d'abord que certains jeunes en voie de marginalisation sont autant des victimes que des délinquants potentiels. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La permissivité de notre société, l'absence de réaction face à certains comportements conduisent certains jeunes qui ne sont pas sanctionnés pour des conduites à risque à glisser sans bruit vers la délinquance.
L’un des premiers signaux de marginalisation est à l'évidence l'absentéisme scolaire, que le ministre d’État a évoqué dans cet hémicycle et lors de son audition par la commission. Le projet de loi donne donc au maire, qui est responsable du recensement des enfants en âge d'être scolarisés, les moyens de remplir sa mission, en autorisant la création d'un fichier automatisé des enfants scolarisés dans la commune et en permettant à l'inspecteur d'académie de lui signaler ceux pour lesquels un absentéisme important a été relevé.
Les enfants sont également victimes de la montée de la violence dans les établissements scolaires ou à proximité de ces bâtiments. Aussi, je me félicite que la circulaire interministérielle du 16 août 2006 sur la prévention de la délinquance et la lutte contre la violence en milieu scolaire ait prévu que chaque établissement scolaire devrait établir un plan de prévention de la violence. Ces établissements, qui sont en relation avec un correspondant « sécurité » au sein de la police ou de la gendarmerie, feront également l'objet d'un diagnostic de sécurité pour éviter les incursions violentes d'éléments étrangers.
Le projet de loi vise à protéger une autre catégorie de victimes : les enfants sollicités par internet ou attirés par des produits électroniques à caractère pornographique, violent, raciste ou incitant à l'usage de stupéfiants. Le système administratif d'encadrement de la commercialisation des cassettes vidéo, des DVD, des boîtiers et des cartes de jeux électroniques n'a pas fait la preuve de son efficacité. Il faut donc le modifier, en commençant par supprimer une commission consultative complètement dépassée par les dizaines de milliers de produits électroniques qu'elle doit expertiser chaque année.
Vous proposez, messieurs les ministres, de réformer la loi du 17 juin 1998, afin de donner au ministre de l'intérieur le pouvoir d'interdire, sans procédure d'expertise inutile, les supports électroniques qui nuisent à la santé de la jeunesse. En outre, le projet de loi donne aux familles les moyens d'évaluer la dangerosité des documents contenus dans les supports électroniques vidéo et de jeux en fonction de l'âge de leur utilisateur, en prévoyant la mise en place d'une signalétique, laquelle était demandée depuis plusieurs années par les familles et par de nombreux professionnels.
Par ailleurs, le projet de loi s'attaque directement à une délinquance pernicieuse, car diffuse, sans visage et souvent méconnue des parents : les sollicitations sexuelles faites aux mineurs de quinze ans par internet ou via des forums de discussion accessibles par un téléphone portable. Les chiffres cités dans une étude menée par une équipe de l'université du New Hampshire, aux États-Unis, font froid dans le dos. Il fallait donc agir et vous avez choisi la solution la plus directe pour éliminer au maximum cette délinquance. Le texte vise en effet à sanctionner pénalement les propositions sexuelles faites à un mineur de quinze ans au moyen d'un service de communication électronique et à autoriser la police judiciaire à participer sous des noms d'emprunt aux échanges électroniques, à prendre des contacts, à conserver des contenus illicites en vue de rassembler les preuves et à rechercher et à déférer à la justice les auteurs d'infractions. La gravité de la menace impose de prendre ces mesures exceptionnelles. La commission des affaires culturelles les a approuvées et vous proposera de parfaire le dispositif technique.
Ce projet de loi vise également à améliorer l'efficacité des politiques contre les drogues illicites, en donnant une place centrale à la dimension sanitaire de la lutte contre la drogue, en généralisant la procédure de l'injonction thérapeutique, qui pourrait être décidée à tous les stades de la procédure, et en instituant un médecin relais, véritable interface médicale entre l'usager de drogue interpellé et l'autorité judiciaire. Le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants est également une mesure intéressante.
Au-delà de l'usage illégal de stupéfiants, il nous a paru important d'aborder, dans le projet de loi, la question de l'alcoolisme. Les victimes des délinquants sous l'emprise de l'alcool sont trop nombreuses : 69 % des homicides et près de la moitié des incestes sont commis par des personnes en état d'ébriété.
En ce qui concerne les soins sous contrainte apportés aux patients atteints de troubles mentaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), les ministres se sont exprimés et ont dit les choses telles qu’elles sont. La société ne peut rester impuissante devant des crimes ou des délits très graves commis par des personnes souffrant ou ayant souffert de troubles mentaux. Le projet de loi cherche à trouver des réponses pragmatiques à ces problèmes très complexes. Il s'agit en effet de parvenir à un équilibre délicat entre la prise en charge sanitaire des malades mentaux dans le respect de leur dignité et la prise en compte des exigences de la sécurité publique, qui peut conduire à des décisions attentatoires à la liberté individuelle du patient.
Les dispositions des articles 18 à 24 du projet de loi, loin d'être attentatoires aux droits des patients, leur apportent au contraire de nouvelles garanties : l'hospitalisation d'office décidée en urgence ne pourra plus être justifiée sous prétexte que la « notoriété publique » atteste de la dangerosité d'une personne ; un avis médical sera toujours nécessaire pour éclairer la prise de décision de l'autorité administrative ; le maire, ou le commissaire de police à Paris, devient l'autorité responsable de la décision initiale d'internement, sur le fondement d'un avis ou d'un certificat médical d'un psychiatre ; sa décision doit être confirmée dans les soixante-douze heures par le préfet, qui est informé de l'hospitalisation dans les vingt-quatre heures, après expertise médicale. Il s’agit là de véritables garanties, qui permettront d’éviter certains abus que l’on a pu connaître par le passé.
Le projet de loi clarifie également les critères justifiant une hospitalisation d'office. En outre, les modalités de contrôle et de suivi des personnes hospitalisées sont renforcées par une information systématique des maires en cas de sorties d'essai, la création d'un fichier national rassemblant pendant six ans les informations administratives relatives aux personnes internées d'office, le renforcement du suivi médical du patient et la mise en place d'une période de diagnostic s'étendant sur soixante-douze heures, lors de l'hospitalisation.
Malgré ces avancées, je comprends l'émotion suscitée par ce texte chez les professionnels de la santé mentale, chez les patients et leurs familles, qui comprennent, mais regrettent que des dispositions relatives à l'hospitalisation sous contrainte soient insérées dans un texte relatif à la sécurité publique.
Le Gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour parvenir à une réforme globale de la loi du 27 juin 1990 en retenant, compte tenu des délais, la voie de l'habilitation à légiférer par ordonnance. Cette dernière sera négociée avec l'ensemble de la profession et les associations de patients. Le ministre de la santé nous a même annoncé la date des principales réunions.
Pour que cette réforme attendue depuis plus de dix ans voie enfin le jour, un projet de loi de ratification de l’ordonnance sera déposé avant la fin de la législature. Je vous remercie, messieurs les ministres, de nous avoir donné ces informations précises. Nous pourrons ainsi réformer la loi de 1990, en intégrant dans un texte plus global les dispositions très importantes qui figurent dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, où elles ont aujourd’hui toute leur place. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
Revenons sur ses vicissitudes. Le 14 janvier 2003, vous déclariez, monsieur le ministre d’État : « Il doit y avoir une politique de prévention de la violence. J’annonce une volonté nouvelle de faire bouger les choses collectivement avec, dans les semaines qui viennent, des objectifs et un calendrier. »
Le 4 septembre de la même année, vous annonciez votre intention de présenter dans les deux mois un projet de loi sur la prévention de la délinquance.
Le 20 novembre 2003, vous déclariez que « la prévention n’est pas une politique secondaire, c’est une priorité nationale pour mettre un terme à la progression de la délinquance des mineurs. Pour la première fois en France, le Parlement va pouvoir débattre de cette question, car il nous faut dans cette matière une définition partagée. »
Le 13 octobre 2005, vous disiez encore : « De retour aux affaires, je proposerai ce plan début décembre. »
Finalement, ce n’est qu’en janvier 2006 que le Premier ministre a installé le comité interministériel de prévention de la délinquance, un comité qui s’est réuni deux fois au cours du premier semestre de l’année.
Pourquoi cette si longue attente ? De toute évidence, ce temps n’a pas été mis à profit pour la concertation, notamment avec les organismes consultatifs. Ainsi, le Conseil national des villes, dont je suis membre, a dû s’autosaisir, alors que la prévention de la délinquance est au nombre de ses compétences au titre de la politique de la ville.
Quoi qu’il en soit, sachant qu’une quinzaine de décrets d’application devront être préparés, nul ne peut sérieusement penser que ce texte a vocation à être appliqué. Ces doutes sont d’autant plus fondés qu’un certain nombre de textes réglementaires relatifs à vos précédentes lois en matière de sécurité ne sont pas encore publiés – notamment une partie des textes concernant les fichiers dans la loi pour la sécurité intérieure et la loi Perben II. Nous ne disposons pas non plus d’une évaluation sérieuse de la mise en œuvre de l’arsenal pénal créé depuis 2002.
Malgré les enjeux, l’objectif n’est donc pas de faire une loi qui sera appliquée. Le fond comme la forme nous montrent que nous sommes dans une logique d’affichage dont la visée est uniquement électoraliste. Cette profession de foi du candidat Sarkozy ne saurait masquer l’échec bien réel du ministre Sarkozy dans sa lutte contre l’insécurité, un échec aujourd’hui évident pour nos concitoyens.
Je défends cette exception d’irrecevabilité au nom du groupe socialiste car j’estime ce projet de loi irrecevable, et pas uniquement par ses aspects inconstitutionnels.
Ce qui est irrecevable en premier lieu, monsieur le ministre d’État, c’est votre bilan après quatre ans place Beauvau. Comme vous aimez à le dire, jugeons donc sur les résultats. Le constat est clair : depuis quatre ans, les lois Sarkozy et Perben ont été adoptées, mais la violence, elle, s’est aggravée et enracinée.
Votre agitation médiatique ne peut le masquer : l’insécurité générale s’est accrue, nous restons sur les hauts plateaux de la délinquance. Vous répétez sans cesse que vous faites mieux que ce que nous avions fait en matière de délinquance générale...
Une fois de plus, je m’alarme à cette tribune de l’augmentation des violences contre les personnes. Mois après mois, je constate cette montée de la violence et votre échec à la réguler. Selon les derniers chiffres de l’Observatoire national de la délinquance, en octobre, ces violences ont augmenté de 10 % sur les douze derniers mois – 10 % ! – et les atteintes aux personnes ont progressé, elles, de 6,6 %.
Vous semblez faire peu de cas de ce que je dis, monsieur le ministre...
Nous le savons tous, les violences scolaires s’intensifient également : 82 000 faits graves ont été recensés dans les collèges et lycées publics en 2005-2006, et neuf agressions de personnels de l’éducation nationale se produisent chaque jour. Les résultats ne sont pas plus probants concernant la délinquance des mineurs : entre 2001 et 2006, la hausse du nombre de mineurs mis en cause a été de plus de 4 %.
Vous préférez vous gargariser du taux d’élucidation, artificiellement gonflé par la comptabilisation des infractions au droit du séjour des étrangers et de celles liées aux stupéfiants. Mais je constate toujours un taux très bas pour les vols de voiture et les cambriolages, ces délits qui empoisonnent au quotidien la vie des Français.
Encore plus inquiétant : un climat de tension latente est durablement installé dans certains quartiers abandonnés après la suppression de la police de proximité. L’actualité nous le rappelle hélas quotidiennement et de façon tragique, comme cela a été le cas dernièrement à Marseille. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous constatons aussi la multiplication des agressions prenant pour cible des policiers : selon les chiffres que vous venez d’annoncer, il y en aurait eu 3 662 depuis le début de l’année. Nous saluons le travail des policiers et nous déplorons ce chiffre terrible. Mais si celui-ci continue d’augmenter, ce n’est pas parce que les policiers vont dans les quartiers, comme vous le prétendez – la police de proximité le faisait, elle –, mais bien parce que vous avez échoué à juguler la violence. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Qu’a fait la droite depuis quatre ans, alors qu’explose la violence ?
Aujourd’hui, vous nous présentez enfin le texte promis depuis quatre ans. Cependant, ce n’est pas un texte de prévention, mais un nouveau texte répressif, un texte irrecevable.
L’échéance de 2007 approchant, vous poursuivez votre fuite en avant électoraliste pour nous proposer une sixième loi depuis la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002. Des lois toutes répressives, qui n’ont fait l’objet d’aucune évaluation et sur lesquelles nous n’avons aucun recul pour légiférer à nouveau.
Une nouvelle fois, par cette gesticulation législative, c’est moins d’État social et plus d’État pénal que vous nous proposez. Ce texte répressif et fourre-tout, qui aborde à la fois le rôle des maires, la santé mentale, la toxicomanie, la justice des mineurs, l’éducation et la procédure pénale, cherche à leurrer et entretient la confusion. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
L’efficacité de la lutte contre la violence appelle pourtant une démarche globale fondée sur la précocité de la prévention et de la sanction, une approche globale à l’opposé des « coups » médiatiques que vous affectionnez.
Là réside un désaccord majeur : si la prévention de la récidive constitue un volet important de la prévention de la délinquance, elle ne saurait s’y substituer. Certes, il est plus facile de rebondir sur des faits divers tragiques et de proposer sans cesse de nouvelles sanctions. (À ce moment, M. Jean-Pierre Blazy, pris d’un malaise, doit quitter la tribune.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu à vingt et une heures.
Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :
Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;
Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton