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(La séance est ouverte à vingt et une heures.)
Cet après midi, l’Assemblée a commencé à entendre la défense de l’exception d’irrecevabilité présentée par notre collègue Jean-Pierre Blazy. Celui-ci ayant été victime d’un malaise, c’est M. Jean-Yves Le Bouillonnec qui va poursuivre cet exposé.
Nous espérons que M. Blazy va mieux et nous lui souhaitons de retrouver très rapidement la pleine forme.
Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, mes chers collègues, comme M. Blazy l’a indiqué, ce projet de loi est irrecevable et pas seulement de par les aspects inconstitutionnels qu’il comporte. Ainsi qu’il l’a montré, ce qui est irrecevable, en premier lieu, c’est le bilan des quatre ans d’activité du ministre d’État, place Beauvau.
Si la prévention de la récidive constitue un volet important de la prévention de la délinquance, elle ne saurait s’y substituer. Mais il est plus facile de rebondir sur des faits divers tragiques et de proposer sans cesse de nouvelles sanctions. Le véritable renouveau de la politique de prévention aurait consisté à trouver un point d'équilibre entre les réponses aux causes des comportements déviants, et les réponses concernant à la fois les auteurs mais aussi les victimes, celles-ci devant être placées au cœur de l'action publique.
Nous considérons pour notre part qu'il ne suffit pas d'être dur avec le crime mais qu'il faut aussi être dur avec les causes du crime. Nous estimons qu'aucune prévention ne peut être envisagée sans une action forte contre les inégalités, la pauvreté et la précarité. Elle doit aller de pair avec la lutte contre l'habitat insalubre et l'enclavement des quartiers, et la conduite d'une politique volontariste en matière de présence des services publics et de promotion de la mixité sociale. Il ne faut surtout pas opposer ou séparer la prévention sociale dite primaire, la prévention situationnelle, la dissuasion et la sanction, la sanction qui serait éducative et celle qui ne le serait pas, la priorité à accorder aux individus par rapport aux territoires qui doivent être ciblés, ou l'inverse. Il faut à la fois combattre les comportements violents et agir sur les causes sociales de la violence.
Nous n'avons pas la culture de l'excuse sociale, mais si l'on nie tout rôle à l'environnement social du mineur dans le processus délinquant, alors il faut quand même expliquer pourquoi les délinquants se retrouvent massivement dans certains quartiers et fort peu dans d’autres.
À ce titre, la politique de prévention se doit d'abord d'être interministérielle. Nous estimons d'ailleurs que cette politique doit être directement rattachée au Premier ministre et non pas au ministre de l'intérieur.
La politique de prévention doit aussi passer par la mise en place d'une nouvelle police de proximité. Nous voyons aujourd'hui les conséquences de la suppression de celle-ci. Nous ne sommes plus les seuls à partager ce constat si l’on en croit les récentes déclarations de Dominique de Villepin sur la création d'une police de « tranquillité publique ». Je pense aussi au récent rapport sénatorial dans lequel des élus de toutes tendances préconisent le retour de cette police de proximité. Il n'y a plus que le ministre d’État pour continuer à la caricaturer.
« Trop souvent nous avons laissé s'insinuer l'idée pernicieuse qu'un jeune était un délinquant en puissance » : ces quelques mots prononcés par Michèle Alliot-Marie au dernier conseil national de l'UMP montrent que nous ne sommes pas les seuls à faire ce constat. Si M. Sarkozy refuse d’entendre l'opposition, qu’il écoute au moins son propre camp.
Une large partie de ce texte implique le maire. Nous partageons l'idée selon laquelle le maire doit être le pivot de la prévention de la délinquance. Mais nous ne pouvons pas accepter les dispositions de ce projet de loi. Du reste, les maires eux-mêmes les refusent ! Contrairement à ce que veut faire croire le ministre de l’intérieur, les maires, y compris ceux de la majorité, sont très réservés. L'Association des maires de France ou l'Association des maires des grandes villes de France se font l'écho de ces inquiétudes et réclament l'adoption de certains amendements, amendements que M. Sarkozy a rejetés au Sénat. Est-ce ainsi qu’il prétend répondre aux attentes des maires ?
Le Conseil national des villes, bien que le ministre de l’intérieur ne l’ait pas sollicité, a rendu son avis le 14 novembre 2006. Il réaffirme la nécessité d'une architecture appropriée pour mener à bien l'objectif de prévention de la délinquance. Le maire doit certes devenir le chef d'orchestre de la politique de prévention de la délinquance. Mais cette coordination doit s'exercer dans le respect des compétences dévolues à l'État et à chacune des collectivités territoriales par les lois de décentralisation. Elle nécessite des délégations de compétences et de moyens du conseil général dans les zones urbaines importantes. Elle ne pourra être mise en œuvre sous réserve que les divers organismes qui interviennent bénéficient désormais des moyens territorialisés en phase avec les problématiques locales de la délinquance.
Il y a certes une demande des maires en matière de prévention, mais ce n'est pas ce texte qui va la satisfaire, bien au contraire. Il organise en réalité une défausse de l'État sur le maire en matière de sécurité. Comment les maires pourront-ils réussir là où l'État est défaillant alors qu'ils ne bénéficieront pas de moyens supplémentaires ? Nous le rappelons, le budget de la mission budgétaire « Sécurité », adopté le 7 novembre dernier, ne contient aucun financement supplémentaire pour le projet de loi de prévention de la délinquance. Ce sera un nouveau transfert de charges non financées alors que l'État ne respecte déjà pas ses promesses budgétaires. Les effectifs de policiers, de gendarmes, de magistrats, d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse mais aussi les médecins scolaires et les enseignants ne sont pas au rendez-vous là où ils sont attendus, dans les quartiers.
Nous présenterons un amendement permettant de financer de façon sûre et pérenne le fonds de prévention de la délinquance par une taxe sur les bénéfices de la grande distribution, des compagnies d'assurance et des entreprises de sécurité privée qui prolifèrent depuis de nombreuses années.
Les maires ne veulent pas être des shérifs pas plus que des délégués du procureur ou du préfet. Au niveau local, le maire doit, certes, être un acteur majeur des politiques partenariales de sécurité et de prévention.
Nous présenterons par voie d'amendements des propositions alternatives en matière d'architecture de la politique de prévention de la délinquance. Pour lutter contre la violence et prévenir la délinquance, il faut que la chaîne des acteurs fonctionne dans le respect des compétences de chacun et des engagements pris. C'est tout le contraire du choix fait par M. Sarkozy et qui consiste à se défausser sur les collectivités locales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
À ce sujet, pourquoi le projet de loi relatif à la protection de l'enfance n'a-t-il toujours pas été inscrit à l'ordre du jour ?
En matière de délinquance des mineurs, le ministre de l’intérieur ne nous propose rien de moins que la quatrième réforme de l’ordonnance de 1945 depuis 2002, avec toujours le même fil conducteur : aligner de plus en plus le droit applicable aux mineurs sur celui applicable aux majeurs. Il avance à grand pas vers la fin de la justice des mineurs, même s’il n’ose pas l’avouer. Fidèles à nos principes, nous sommes au contraire attachés à la justice des mineurs et à un traitement différencié pour eux.
M. Sarkozy veut revenir sur ces principes car, selon lui, les mineurs d’aujourd’hui ne seraient plus les mêmes que ceux de 1945…
Ne nous accusez pas de laxisme, et sortons des caricatures. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Sortons des contrevérités que le ministre de l’intérieur entretient à plaisir. Il n’existe aucune impunité pénale systématique en dessous de l’âge de treize ans : tout mineur doté de discernement peut être déclaré coupable d’infractions pénales. C’est beaucoup plus sévère que dans bien des pays européens. En l’état actuel de notre droit, un jeune de seize ans peut être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour un crime.
La misère actuelle de la justice des mineurs est un obstacle majeur à son efficacité et à sa réactivité. Il faut plus de ressources humaines : nous manquons de juges, de greffiers, d’éducateurs et de personnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Les juges pour enfant disposent d’une vaste palette de mesures, mais, faute de moyens, nombre de décisions restent inappliquées. Ce qui importe, c’est de prendre en charge immédiatement le mineur délinquant – c’est ce que nous voulons faire –, ce qui n’est pas la même chose que de prononcer une peine immédiate !
Le texte comporte enfin un volet relatif à la santé mentale et aux hospitalisations d’office. Nous estimons que ce sont des questions de santé publique qu’il convient de traiter en tant que telles dans le cadre d’une grande loi de santé publique et de prévention. L’amalgame entre malades et délinquants est dangereux…
En matière de toxicomanie, M. Sarkozy constate l’hypocrisie de la loi de décembre 1970 – qui n’est pas appliquée – mais il n’en tire pas les conséquences. Faisant le même constat, nous proposerons un amendement tendant à correctionnaliser la consommation de cannabis. Il ne s’agit pas d’engager – comme cela est fait – une dépénalisation rampante, mais d’infliger au consommateur de cannabis une sanction effective, c’est-à-dire une amende au montant approprié.
J’en arrive à la troisième partie de cette intervention, dont l’objet est de démontrer l’irrecevabilité de ce texte au regard de la Constitution, car un certain nombre de mesures qu’il contient sont contraires aux principes fondamentaux des lois de la République. Ainsi, les dispositions tendant à prévenir la délinquance des mineurs heurtent non seulement les principes constitutionnels, mais aussi certains de nos engagements internationaux.
La spécificité de la justice des mineurs est l’un des principes fondamentaux de notre droit pénal, consacré par le Conseil constitutionnel le 11 août 1993. Elle est également inscrite dans les textes internationaux ratifiés par la France. L’article 14, alinéa 4, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose en outre que : « La procédure applicable aux jeunes gens qui ne sont pas encore majeurs au regard de la loi pénale tiendra compte de leur âge et de l’intérêt que présente leur rééducation ». De même, la Convention internationale des droits de l’enfant, dans son article 40, invite les États parties à : « promouvoir l’adoption de lois, de procédures, la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale ».
Or, la nouvelle procédure de présentation immédiate des mineurs devant le juge des enfants ne leur garantit pas le respect des droits de la défense, en raison de la quasi-absence de délai avant la comparution. Il ne faut pas confondre rapidité et précipitation : les délais de cette nouvelle procédure ne permettront pas de procéder à l’enquête de personnalité, pourtant indispensable à un jugement approprié.
La spécificité de la justice des mineurs est également mise en cause puisque vous étendez aux mineurs la composition pénale. Or, avant seize ans, un mineur n’a pas la possibilité de contracter. Pourquoi transposer le « plaider coupable » aux moins de seize ans ? Aucune garantie n’est prévue pour assurer la prise en considération de l’état de minorité du jeune mis en cause. Or, selon l’article 40 de la Convention internationale des droits de l’enfant, un mineur ne peut s’auto-accuser !
La Convention internationale des droits de l’enfant, toujours dans son article 40, préconise de : « prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l’homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés ». Est-il sûr que ce principe soit respecté ?
En vérité, ce sont non seulement les normes internationales qui sont aujourd’hui remises en cause, mais également les fondements mêmes de l’ordonnance de 1945, à savoir la complémentarité entre l’assistance éducative et le pénal.
Faut-il rappeler la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002, qui pose les principes constitutionnels régissant le régime juridique du droit pénal applicable aux mineurs ? Le principe selon lequel « la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » se combine avec l’ordonnance du 2 février 1945, qui n’écarte pas la responsabilité pénale des mineurs et n’exclut pas, en cas de nécessité, que soient prononcées à leur égard des mesures restrictives de liberté, notamment pour les mineurs de plus de treize ans.
Le primat de l’éducatif sur le répressif et l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge sont les contours du principe fondamental reconnu par les lois de la République et mis en évidence par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2002.
Le ministre de l’intérieur méconnaît ces principes : en systématisant les sanctions et les mesures privatives de liberté à l’encontre des mineurs, le risque est pris de priver le juge des enfants de la possibilité d’apprécier librement la pertinence de la sanction, donc de tenir compte de leur personnalité, en violation du principe constitutionnel que je viens d’énoncer. La tentation de considérer un mineur récidiviste comme un majeur est, du point de vue pénal et donc constitutionnel, très révélatrice.
De la même manière, l’article 34 institue une circonstance aggravante lorsque certaines infractions sont commises sous l’emprise manifeste d’un produit stupéfiant ou en état d’ivresse. La commission des lois du Sénat a soulevé le problème de la hiérarchie et de l’individualisation des peines, d’autant que « l’état ou l’emprise manifeste », difficile à apprécier, peut conduire à l’arbitraire.
Cela vaut pour l’ensemble du texte : toutes les peines et les sanctions encourues sont aggravées, ce qui peut poser un problème de proportionnalité. Le Conseil constitutionnel se prononcera, mais qui peut penser que nous sommes encore dans le domaine de la prévention ?
En ce qui concerne les contrôles d’identité dans les transports, le texte propose de donner aux agents habilités par l’exploitant un pouvoir équivalent à celui des agents de police judiciaire adjoints pour relever l’identité des auteurs d’infraction à la police des chemins de fer, ainsi qu’un pouvoir de rétention dans l’attente de l’arrivée des forces de police. Or, ces personnels nommés par les sociétés de transport ne bénéficient d’aucun agrément. Outre le risque de dérives, ces dispositions sont inconstitutionnelles car il y a transfert d’un pouvoir régalien sans aucune garantie.
L’article 6 du projet de loi institue un conseil pour les droits et devoirs des familles. Là encore, la CNIL a estimé que : « Dans la mesure où des informations individuelles sensibles, relevant de l’intimité de la vie privée des familles, seraient ainsi recueillies, traitées et conservées, il appartient au législateur, pour assurer le respect du principe de proportionnalité, de définir précisément les garanties qui devraient être apportées afin qu’un tel dispositif d’accompagnement soit mis en place dans le respect des droits des personnes et, en particulier, le respect de leur vie privée ».
Nous nous interrogeons sur cette volonté de constituer à tout prix des fichiers nouveaux. Un problème nouveau, un nouveau fichier ? Il s'agit bien là, une fois de plus, de mesures d'affichage qui ont bien peu à voir avec une politique de prévention de la délinquance.
Le chapitre relatif à la prévention des actes violents pour soi-même ou pour les autres nous interpelle également, malgré les modifications apportées par le Sénat. Nous l'avons déjà dit, il ne faut pas confondre maladie mentale et délinquance. Certes, le dispositif des sorties d'essai d'établissements psychiatriques a été supprimé par le Sénat. Fort heureusement, car le caractère coercitif et systématique du dispositif violait très certainement le principe constitutionnel d'aller et de venir. Toutefois, les dispositions de l'article 21, qui modifie la procédure applicable aux hospitalisations d'office en transférant du préfet au maire la compétence de principe permettant de détenir la personne pendant une phase d'observation de 72 heures pour juger de son état avant que le préfet confirme ou infirme la mesure conservatoire prise par le maire, se heurtent au risque d'arbitraire. La décision du Conseil constitutionnel des 19 et 20 janvier 1981 pose le principe selon lequel la détention préventive, mesure privative de liberté – comme l'internement en hôpital psychiatrique –, doit être prise pour la période la plus courte possible. Or, trois jours, c'est beaucoup, c'est même plus que la durée classique de garde à vue.
Le projet de loi comporte par ailleurs un certain nombre d’approximations qui pourraient heurter le Conseil constitutionnel. Le pouvoir de proposition du « conseil pour les droits et devoirs des familles » prévu à l'article 6, alinéa 8, proposition faite au maire pour réorienter l'utilisation des prestations familiales, manque de précision.
Le Conseil constitutionnel pourrait bien estimer que le degré de précision exigé par le principe de légalité des délits et des peines en droit pénal pourrait trouver à s'appliquer ici au droit social. Le rappel à l'ordre par le maire, prévu à l'article 8, pose lui aussi problème. Il ne s'agit pas d'une sanction pénale, que le maire n'a d'ailleurs pas le droit de prononcer. Alors de quoi s'agit-il ? Et qu'est-ce que l' « atteinte au bon ordre » ? Ce n'est pas une notion juridique.
Enfin, nous nous interrogeons sur la constitutionnalité de l’article 12 ter, adopté à la suite d'un amendement sénatorial et qui concerne les gens du voyage. En cas de stationnement irrégulier, le maire ou le propriétaire du terrain occupé peut demander au préfet une mise en demeure aux occupants pour quitter les lieux dans un délai qui peut être réduit à 24 heures. Les familles peuvent alors, dans cette même journée, demander son annulation au tribunal administratif, recours qui serait suspensif, le tribunal devant statuer sous trois jours. Sinon ou faute de départ volontaire, le préfet, sur sa seule décision, peut procéder à l'évacuation forcée du terrain.
Cette disposition, si elle était votée, pourrait bien être considérée par le Conseil constitutionnel comme étant contraire à la Constitution du fait de la suppression de l'intervention préalable de l'autorité judiciaire, qui est, en vertu de l'article 66 de la Constitution, garante du respect des libertés individuelles. Cette disposition semble aussi inconstitutionnelle en raison de l'atteinte flagrante au principe d'inviolabilité du domicile, en l’occurrence les caravanes qui constituent l'habitat permanent des gens du voyage et qui pourraient être évacuées sans aucun contrôle de la procédure par le juge judiciaire, comme l’avait déjà rappelé le Conseil constitutionnel en 2003. Enfin, nous craignons que cette disposition marque une rupture de l'égalité des citoyens devant la justice avec une atteinte aux droits de la défense des seuls gens du voyage et avec un délai de recours qui peut varier d'une situation à l'autre, d'un préfet à l'autre, et qui peut être réduit à une seule journée.
Les questions que je viens d'évoquer me paraissent de nature à justifier l'irrecevabilité d'une partie au moins du texte pour méconnaissance des principes fondamentaux de notre Constitution en matière de libertés individuelles et de garantie des droits de la personne.
Un an après les émeutes de 2005, le ministre de l’intérieur persiste et signe. Il ne s'agit pas ou plus de prévenir la violence en intervenant sur les causes, mais il s’agit essentiellement de condamner sans éduquer, en réprimant les seuls effets de cette violence.
J’invite donc mes collègues à voter cette triple irrecevabilité, celle du bilan du ministre de l’intérieur,…
Pour le reste, c’est une évidence, j’appelle au rejet de cette exception d’irrecevabilité.
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’UMP.
S’agissant de l’exception d’irrecevabilité, exposée avant et après l’interruption du dîner, je voudrais apporter un certain nombre d’éléments qui nous amèneront à conclure, sans surprise, à son rejet.
D’abord, une remarque d’ordre général : j’ai trouvé la montée en puissance de cette motion d’irrecevabilité bien laborieuse. Les arguments constitutionnels ont été abordés tard et de façon très parcimonieuse. Si l’on se limitait à cet aspect – pourtant le seul à devoir être traité –, il n’y aurait guère de quoi justifier le vote de cette motion.
Toutefois, vous avez jugé utile de présenter une triple exception d’irrecevabilité, qui témoigne, en fait, de votre incapacité à envisager le texte en termes politiques. En effet, lorsqu’on veut s’attaquer aux racines de la délinquance, comme le projet de loi se propose de le faire, en essayant de mieux cerner les problématiques de prévention et de répression, on entre dans un véritable débat politique. Cette motion nous conforte dans l’idée que nous ne parlons pas des mêmes choses et que, même si nous avons, à de multiples égards, les mêmes valeurs républicaines, certains propos datent, alors que d’autres se veulent non pas seulement modernes, mais tout simplement réalistes et pragmatiques.
Oui, la violence s’est aggravée. Elle s’est déplacée dans sa gravité et dans ses contours parce que nous avons, nous, fait l’effort de mieux la cerner, de mieux la combattre. Mais dans une société comme la nôtre, la violence ne disparaît pas du jour au lendemain : elle nécessite patience, détermination et suite dans les idées. Certaines violences n’ont pas attendu une période récente pour exister. Par exemple, les violences scolaires s’amplifient, c’est une réalité, et l’on en parle également davantage. À cet égard, je voudrais vous faire part d’une anecdote.
Avant d’être député, j’étais à la tête d’un établissement situé en « zone violence », où s’y exerçait – quotidiennement – une violence, qui n’a cessé de s’aggraver entre 1997 et 2002. Huit ans après mon arrivée en 1994, j’ai pu mesurer combien le gouffre s’était creusé. À l’époque, le ministre de l’éducation s’appelait Jack Lang et disait : « la violence s’installe dans le pays, mais, grâce à notre politique, elle n’est pas présente dans l’école » ! Je me souviens de la réaction effarée de mes collègues, de droite comme de gauche, se demandant comment il était possible d’entendre de telles absurdités ! Car la violence à l’école existait, mais elle était niée. Aujourd’hui, elle n’est plus niée, elle est combattue –, il faut accentuer le combat sous toutes ses formes –, et votre argument des emplois-jeunes pour l’éradiquer ne tient pas, étant donné la politique que vous avez menée et les évolutions qui s’en sont suivies.
Contrairement à ce qui a été dit, ce projet de loi n’est pas un nouveau texte de répression, mais un texte de clarification, d’évolution et de responsabilité.
Il reconnaît aux maires leur rôle de pivot. C’est ce que beaucoup, y compris parmi nous, voulaient et font déjà, mais dans des conditions insuffisamment précisées. Ce rôle de pivot est essentiel, mais ne signifie pas que l’État se défausse de ses responsabilités sur les maires. Le Gouvernement l’a dit et le répétera : il n’entend pas se défausser de ses responsabilités en matière de délinquance, il veut simplement que la manière de la prévenir et de la traiter permette à chaque acteur de jouer son rôle dans un partenariat mieux compris, mieux conçu et plus efficace.
Pour cela, des moyens seront mis en place. Le fonds pour la prévention de la délinquance est une nouveauté – vous l’avez pourtant critiqué. Les nouveaux contrats de ville, désormais appelés contrats urbains de cohésion sociale, vont, comme les contrats de ville, inclure les données des contrats locaux de sécurité. Ces avancées font de ce projet de loi, loin de votre caricature, un texte de projection et de mise en cohérence, qui permettra de progresser.
Quant aux ressources humaines, vous et vos collègues avez reconnu, lors de leur examen, que les crédits de la police et de la justice étaient en constante augmentation. Ils permettront d’améliorer la situation. Ce n’est pas avec des rêves idéologiques que l’on règle les problématiques de la prévention et du traitement de la délinquance, mais avec de l’humilité, de l’efficacité et de la persévérance. C’est ce à quoi nous invite ce texte, une raison parmi tant d’autres pour le groupe UMP de ne pas voter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Geoffroy, ce n’est pas l’exception l’irrecevabilité qui a été laborieuse, c’est votre explication de vote : vous êtes resté sans cesse sur la défensive,…
Le 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel rappelait que « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du XXe siècle ».
Incontestablement, et nous aurons à en discuter, le texte ne respecte pas sur ce point les lois de la République, et il nous fait retourner au XIXe siècle !
Le préambule de la déclaration de Genève à la Société des nations en 1924 (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), texte fondamental que vous devriez prendre au sérieux, précise : « les hommes et les femmes de toutes les nations reconnaissent que l'humanité doit donner à l'enfant ce qu'elle a de meilleur ». Ce n’est pas le chemin proposé par le projet de loi.
Vient ensuite, dans l’ordre chronologique, la Convention internationale des droit de l'enfant que la France a ratifiée. Cette Convention dispose notamment, dans son article 40 : « les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement [...] qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société ».
Les différents textes qui ont été adoptés par votre majorité, et celui-ci en particulier, mettent en place des procédures qui tendent au contraire à nier la spécificité du droit des mineurs…
Après le vote de la loi relative à la répression de la récidive, dont les mineurs n’étaient pas exclus, et la création du fichier des auteurs d'infractions sexuelles où ils figurent en bonne place, le mouvement d'alignement de leur traitement sur celui des majeurs se poursuit, dans ce texte, avec l'extension à leur égard de la composition pénale, l'élargissement du contrôle judiciaire ou encore l'introduction de la comparution immédiate.
Bref, le Gouvernement est en contradiction manifeste avec les orientations des textes internationaux que je viens d’évoquer, et je voudrais enfin vous rappeler les principes directeurs des Nations unies pour la prévention de la délinquance juvénile, dits « principes directeurs de Riyad ». Ceux-ci ont été adoptés par l’assemblée générale de l’ONU en 1990 et semblent avoir été perdus de vue par les auteurs de ce projet de loi. Ils précisent qu’« il faudrait reconnaître la nécessité et l'importance d'adopter des politiques de prévention de la délinquance [...] », qui « devraient comporter les éléments suivants : […]
« Conscience que, d'après l'opinion prédominante des experts, qualifier un jeune de “déviant” et de “délinquant” ou de “prédélinquant” contribue souvent au développement chez ce dernier d'un comportement systématiquement répréhensible ».
Manifestement, la France a décidé non seulement d'ignorer ces recommandations, mais d'en prendre le contre-pied.
Pour toutes ces raisons, ajoutées à celles exposées par notre collègue, nous voterons cette exception d'irrecevabilité.
Pour conclure, permettez que je me fasse l'écho de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille,…
C’est tout, sauf ces propos placés sous le signe de la répression qu’a tenus le ministre de l’intérieur au début de nos débats.
C’est tout, sauf cette loi « fourre-tout », par laquelle quatre ministre ont dû se plier aux exigences du ministre d’État, comme nous l’avons entendu lors des débats en commission des lois.
Selon nous, prévenir la délinquance, c’est agir sur les causes profondes de la désocialisation et des discriminations, dont les jeunes sont les premières victimes.
Mais de tout cela, il n’est pas question dans le projet de loi. Celui-ci ne repose sur aucune évaluation de l’arsenal pénal des six textes précédents, de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité de 2002 à celle relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Cet article est celui que nous prononçons en tant qu’officiers d’état civil lors des mariages. Or, tout à l’heure, le ministre d’État a déclaré que l’autorité en matière de santé et de moralité devait appartenir aux maires. Il y a là un glissement,…
Depuis quelques années, nous observons une montée de la délinquance. À cet égard, le projet de loi n’est peut-être pas la panacée, mais il a le mérite de placer le maire au cœur d’un dispositif…
Certes, il reste des inquiétudes et des imperfections, pour lesquelles le groupe UDF proposera des amendements, qui, je l’espère, seront votés, notamment en ce qui concerne la participation de la police municipale aux missions de la police nationale et sur le financement des mesures. Mais au vu de ce que l’on a observé ces dernières années, on ne peut rester inactif : une bonne partie de nos concitoyens attendent des mesures fermes en direction d’une jeunesse qui a tendance à dériver vers la délinquance.
Celles-ci compléteront les politiques qui, comme on l’a rappelé tout à l’heure, sont déjà mises en œuvre, avec la rénovation urbaine, le logement ou le plan de cohésion sociale. Tout cela devrait apporter des solutions à une population laissée pour compte.
J’espère donc que, grâce à ses amendements, le groupe UDF pourra faire adopter des mesures efficaces, afin que le maire devienne le véritable chef d’orchestre du dispositif. Il faudra en prévoir les moyens, notamment financiers. Par ailleurs, la police municipale ne doit pas, demain, faire le travail de la police nationale : ne mélangeons pas les choses, je le dis notamment au nom de tous ceux qui ont su mettre en œuvre des politiques de prévention avec les policiers municipaux.
Tout cela mérite une réflexion de fond comme de forme au cours de nos débats ultérieurs. En tout état de cause, comme je l’ai indiqué, le groupe UDF ne votera pas l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
La parole est à M. Patrick Braouezec.
Loin d'intervenir dans le champ de la prévention, il concerne essentiellement celui de la répression. Il modifie quatorze codes, dont le code pénal – avec 73 articles concernés – et le code de procédure pénale – avec 10 articles. Il concerne aussi deux ordonnances – celle de 1945 bien sûr, mais aussi celle des transports en Île-de-France – et six lois.
Ce projet de loi part du principe que la délinquance des mineurs a fortement augmenté. Or les données statistiques révèlent que ces derniers constituent une part minoritaire dans la délinquance globale et que leur récidive est encore faible. Les chiffres relatifs à la délinquance, qui étayent certains discours alarmistes sur l'explosion de la délinquance des mineurs, ont une fiabilité régulièrement mise en question. Ce n'est pas pour rien que 115 experts ont sollicité la création d'un observatoire indépendant du ministère de l'intérieur. Quand leur demande sera-t-elle entendue ?
Ce texte repose sur quatre orientations, qui relèvent essentiellement d'une politique sécuritaire. Il remet en cause le socle fondateur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui dispose que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits »,...
Libre à vous, madame Franco, de réécrire la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais la rédaction actuelle de son article 1er est celle que je viens de citer !
Le projet de loi met en place une politique d'exclusion des personnes en difficultés scolaire, éducative et/ou sociale, et celles souffrant de problèmes psychiatriques. Il affirme que pour lutter contre l'insécurité, seule la répression est opérante. Les migrants, les chômeurs et, plus largement, une bonne partie des habitants des quartiers populaires, se trouvent particulièrement visés.
Je terminerai par la dernière orientation, qui vise à déqualifier les professionnels de la justice, de l'action sociale et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce secteur de la prévention est désormais détourné de sa mission avec le projet de loi.
Avec la création de fichiers, c'est l'essence même du travail social qui est remise en cause : il est demandé aux professionnels de se transformer en délateurs, ce qui rendra impossible tout travail de prévention, d'éducation et de soin. La relation de confiance, indispensable à un accompagnement thérapeutique, social et éducatif, est mise à mal par l'obligation de croiser les informations recueillies et de participer à des fichages.
Plus globalement, à la lecture de ce projet de loi, sont touchées l'action sociale, l'action éducative et la psychiatrie publique, dont les objectifs sont radicalement transformés.
Ainsi, après avoir articulé la police et la justice dans une même « chaîne pénale », grâce à une succession de lois pénales entièrement vouées depuis quatre ans à lutter contre l'insécurité et dont l’inefficacité est admise au-delà des bancs de gauche de cette assemblée, notamment par un certain nombre de syndicats de la justice et de la police, le Gouvernement attache aujourd'hui, l'action sociale, la psychiatrie et la prévention de la délinquance à cette même chaîne, dont le maillon fort est la police. L'expression « chaîne pénale » n'est d’ailleurs pas de mon fait, je l'emprunte au ministre de l'intérieur, qui l'a utilisée dans la circulaire du 4 février 2004 pour désigner l'assimilation de la justice et de la police dans une même entreprise sécuritaire de tolérance zéro. Je rappelle juste que l’article 66 de notre Constitution définit la justice comme une « autorité indépendante » destinée à garantir les libertés individuelles ; elle ne doit donc pas être au service des initiatives policières.
Or, nous assistons à une remise en cause des institutions mais aussi à une inversion de leurs objectifs. C’est le cas, avec le droit pénal des mineurs, tel que le conçoit l'article 6 de ce projet, emblématique de cette inversion puisqu’il remplace l'action éducative et sociale, l'aide éducative et l'assistance aux familles par la lutte contre l'insécurité.
Depuis 1945, il apparaissait que la responsabilité pénale d'un mineur devait être atténuée par rapport à celle d'un adulte et que les sanctions pénales des enfants devaient être avant tout éducatives. La philosophie qui, à l'époque, avait animé sa rédaction n'était pas, loin s'en faut, révolutionnaire, utopiste ou angélique. Elle relevait, en revanche, d'une démarche humaniste, progressiste, partant du principe que la jeunesse est le bien le plus précieux d'une société, puisque en elle réside son avenir, et que tout jeune, tout adolescent, est un être en construction, par définition accessible aux actions d'éducation et dont on ne peut jamais affirmer qu'il est « irrécupérable ».
Comme le disait le préambule de l'ordonnance du 2 février 1945, créant le droit pénal des mineurs et écrite au retour des camps de concentration par des résistants instruits de la réalité carcérale : « La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ». Aujourd'hui, d'aucuns préfèrent parler de ces mêmes enfants en termes de « racailles », de « sauvages » ou de « de géants noirs des banlieues », comme l’a dit le ministre de l'intérieur lors du conseil des ministres du 28 juin 2006.
La remise en cause de la différence de traitement pénal entre les enfants et les adultes a commencé avec la loi Perben I de septembre 2002, qui a créé des centres fermés pour mineurs s'apparentant à de la prison et a instauré la comparution à délai rapproché, proche de la comparution immédiate, et les sanctions éducatives dès dix ans, qui ressemblent à des sanctions pénales.
Le projet sur la prévention de la délinquance de 2006 termine l'assimilation pénale de l'adolescent à l'adulte, en appliquant à l'enfant de plus de seize ans les mêmes mesures judiciaires qu'au majeur : le « plaider coupable » et les comparutions immédiates ; le contrôle judiciaire et la détention provisoire en matière de délits ; la mesure d'activité de jour, comparable au travail d'intérêt général.
En ce qui concerne la comparution immédiate des mineurs, permettez-moi de préciser que la transposition d'une telle procédure aux mineurs méconnaît la spécificité de l'enfant, tant sur le plan juridique qu'éducatif. En effet, le recours à cette procédure nécessite le consentement de l'intéressé, ce qui est contraire à l’incapacité juridique du mineur.
Les principales mesures prévues par cette loi dite de prévention de la délinquance ne font qu'augmenter l'attirail répressif, dans un fourre-tout dangereux – bien au-delà de la simple question des mineurs – pour la démocratie : nouvelles compétences du procureur en matière de prévention ; pouvoirs coercitifs du maire ; création de fichiers éducatifs et psychiatriques ; garde à vue psychiatrique de 72 heures ; aggravation des sanctions pénales en matière de violences volontaires, d'entrave à la circulation des trains et d'usage de stupéfiants ; légalisation des indicateurs en matière d'infractions sexuelles ; légalisation de la provocation policière en matière de stupéfiants ; durcissement de la sanction en cas de récidive et des conditions permettant la réhabilitation pénale ; extension des pouvoirs pouvant déboucher sur l’arbitraire de la police municipale et des contrôleurs des sociétés de transports en matière de contrôle d'identité et de rétention – et j’en passe. Poursuivant la frénésie législative, ces nouvelles dispositions modifient d'ailleurs des lois qui viennent à peine d'être votées, comme la loi sur la récidive de décembre 2005 ou celle sur l'égalité des chances de mars 2006 !
Ce projet de loi étend au domaine social et sanitaire des mesures imposées depuis cinq ans dans le domaine strictement pénal : le fichage, le contrôle d'identité, la garde à vue et la pénalisation des problèmes sociaux.
À propos du fichage, il me faut remarquer que, depuis cinq ans, chaque loi pénale a créé ou étendu un nouveau fichier. Sous prétexte de démarche scientifique, il s'agit en réalité de cibler des populations dites « criminogènes », sorte d'assignation à origine, grâce à de nouvelles techniques, de préférence venues des Etats-Unis comme le profilage des délinquants, les méthodes de psychologie cognitive, les prélèvements d'ADN, la vidéosurveillance ou les audiences en téléconférence. Rappelons que notre pays ne manque déjà pas de fichiers : le STIC, système de traitement des infractions constatées, concerne 24 millions de personnes – la CNIL a d’ailleurs dénoncé un taux d’erreurs de 25 % dans les données du fichier ; le fichier national des empreintes génétiques, qui contient plus de 270 000 profils génétiques ; le fichier des délinquants sexuels ; celui des demandeurs de visas ; le fichier Éloi, qui recense les personnes hébergeant des étrangers et les visiteurs des étrangers retenus – je pourrais poursuivre l’énumération.
Avec ce projet de loi, la démarche de fichage pénal atteint l'action éducative et sociale, en créant le fichier des élèves de l'éducation nationale, qui sera croisé avec celui des prestations familiales et avec celui des conseils pour les droits et devoirs des familles, sous la « coordination » du maire. Ce dernier coordonnera à la fois les nouveaux fichiers et les professionnels de l'action sociale et éducative, partageant avec eux leur secret professionnel. Mais est-il prévu de demander aux personnes concernées leur accord, avant que des éléments privés de leur vie soient ainsi transmis et partagés ?
Par ailleurs, je rappelle que le Parlement, lors du débat sur la loi du 22 juillet 1992, portant réforme des dispositions générales du code pénal, avait refusé de consacrer la notion de secret partagé. Plusieurs tentatives ont depuis eu lieu, il est vrai, pour y revenir. Pour mémoire, le secret professionnel est l’un des indicateurs de la valeur démocratique de toute société. Notre gouvernement devrait donc se soucier d'être en congruence avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans lequel sont précisées les exceptions rendant possible la levée du secret professionnel ; n'y sont aucunement mentionnées les difficultés sociales, éducatives ou matérielles.
Ce projet touche aussi aux libertés individuelles. En effet, il prévoit, à l’article 46, de généraliser les contrôles d'identité – normalement destinés à la recherche des délinquants – à l'ensemble de la circulation des personnes, en dotant les contrôleurs et agents agréés des entreprises de transport – publiques ou privées – des mêmes pouvoirs que les policiers et en leur permettant même de décider de quasi gardes à vue, ce qui constitue une sérieuse atteinte à la liberté d'aller et de venir. Cette possibilité est aussi octroyée, par l’article 21, au maire, qui pourra décider, même sans avis médical, d'une rétention de 72 heures, si l'ordre public est perturbé par des personnes souffrant de troubles mentaux.
Mais ce n'est pas tout ! Ce projet, qui prétend prévenir la délinquance, ne fait que prévoir de nouvelles sanctions pour les plus démunis, pénalisant la misère au lieu de la soulager. En matière pénale, la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003 avait déjà créé des infractions de la pauvreté : mendiants, prostituées et nomades se voyant punis d'amendes et d'emprisonnement. Ce nouveau projet, combiné avec la loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006, étend les sanctions des populations en difficulté, en abolissant la frontière entre difficultés sociales, absentéisme scolaire et délinquance. Ainsi, ce sont de véritables sanctions judiciaires – suspension des allocations familiales, admonestation, travail d'intérêt général de 30 heures – qui seront prononcées par les autorités administratives contre des familles endettées ou dépassées par l'éducation de leurs enfants, dans une totale confusion des pouvoirs ! Jusqu'à présent, seuls les juges des enfants et les juges des tutelles étaient compétents pour décider, après une procédure contradictoire et l'exercice des droits de la défense, de telles atteintes aux libertés.
Aux termes de l’article 6, en cas de non respect du contrat de responsabilité parentale, c'est désormais le maire lui-même qui sanctionnera les familles, en violation flagrante de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire. Comme le précise Évelyne Sire-Marin, ancienne présidente du syndicat de la magistrature, nous assistons, avec cette transformation du maire en shérif, à une « municipalisation de la justice ».
Il se trouve que ce débat parlementaire débute le jour même où l'Association des maires de France tient son congrès. Ce matin, dans un quotidien, son président, Jacques Pélissard, interrogé à propos du projet de loi, précisait qu'il était « hors de question que les maires jouent un rôle répressif ». « Le pouvoir de sanction relève de l'État à travers ses services de police et de justice », déclarait-il, et les maires « n'ont pas pour mission d'exercer un rôle de sanction ou de tutelle sur les allocations familiales ».
Permettez-moi, à ce propos, de m'étonner des termes, « droits et devoirs », derrière lesquels se profile un relent d'ordre moral reposant sur la dénonciation de familles en situation sociale précaire.
Si ce projet est voté, le pouvoir de police du maire remplacera définitivement l'action sociale, dans un objectif obsessionnel de lutte contre l'insécurité. Une telle perspective ignore délibérément les conditions sociales d'origine ou d'existence pour faire de la responsabilité individuelle la pierre angulaire de la délinquance, du chômage, de la folie, de la misère ou des difficultés éducatives.
Cette ignorance volontaire des causes sociales de la délinquance est une régression considérable par rapport à tous les acquis depuis 1945 en matière de traitement de la délinquance, en vertu desquels, selon le principe de défense sociale, il était prioritaire de combattre la pauvreté et d'améliorer l'éducation pour éradiquer la délinquance.
Ce projet est le signe d'un choix de société au caractère idéologique très fort. Quelques mois après la loi sur l'immigration et l'intégration, dans laquelle de nombreux droits fondamentaux ont été bafoués, le Gouvernement présente un texte qui s'attaque à des droits et des libertés à valeur constitutionnelle, notamment le respect de la vie privée, la dignité et les droits de la défense. Il s'agit non seulement d'un texte d'affichage, dans la perspective des prochaines élections de 2007, mais également d’un texte qui vise la jeunesse tout entière, comme cela avait déjà été le cas lors de l’élection présidentielle de 2002, avec la mise en avant de politiques sécuritaires, notamment à l’encontre des mineurs délinquants.
Ce projet de société repose sur les valeurs de l’économie libérale, dont l’ambition n’est pas de partager les richesses avec l'ensemble de la société mais de laisser une partie de la population sur le bord de la route, sans perspectives d'intégration sociale ou professionnelle. La décennie qui vient de s'écouler a vu s'amplifier l'injustice sociale, le chômage et la précarité, avec leurs atteintes insupportables à la dignité : des parents chômeurs à vie, déclassés et déconsidérés ; une vie indigne dans des logements insalubres ; des expulsions ; un accès à la santé de plus en plus difficile ; une école de moins en moins porteuse d'ascension sociale.
Ces phénomènes se sont durablement installés, créant de véritables poches de misère. Dans ces quartiers populaires, la jeunesse a perdu l'espoir de trouver une place dans la société. Cette absence de perspectives d'avenir, cette perte de lien social et l'exacerbation de l'idéologie individualiste ont eu, et continuent d'avoir, des conséquences particulièrement graves sur les jeunes les plus fragiles de notre société. Leurs réactions désespérées et violentes suscitent des réflexes sécuritaires, alors qu'il faudrait s'attaquer aux causes de la montée de cette violence. Or, au lieu de cela, les victimes du système sont renvoyées à leur propre responsabilité, et les pauvres comme les jeunes sont aujourd'hui lourdement pénalisés s'ils n'acceptent pas de s'engager dans les voies étroites, le plus souvent sans issue, qui leur sont proposées.
C'est pourquoi les politiques libérales menées par votre gouvernement, parce qu'elles génèrent de la souffrance et de la révolte, ont besoin d'un État qui contrôle ces « populations à risque ». Celui-ci se dote, dès lors, de moyens pour réprimer ceux qui se révoltent plutôt que de mener les politiques économiques et sociales qui favoriseraient un emploi pour tous et une place pour chacun. Ainsi, de même qu'une partie de la jeunesse se trouve désormais mise à l'écart, les franges de la population les plus fragiles subissent aujourd'hui différentes formes de pénalisation en lieu et place de l'aide à la réinsertion et de l'accès aux droits fondamentaux que sont le logement, la santé, l’emploi.
De même, l'ensemble des discours stigmatisant les habitants de ce territoire de la République qu'est la Seine-Saint-Denis – et certains l’ont encore fait tout à l’heure –concourt à les marquer du sceau de l'infamie humaine, les excluant ainsi de la communauté nationale. En faisant cela, vous portez une responsabilité lourde, car au lieu de recoudre le territoire, vous en abandonnez des pans entiers. Ce n’est pas parce que le 9-3 est en crise que la société française va mal, mais bien parce qu’il y a une crise de l’État, une crise institutionnelle, une crise sociale et économique que la population la plus fragile de ce département va mal !
Il n’est pas étonnant que la place du travail social dans son ensemble soit fortement remise en question par ces orientations politiques, le contrôle des populations se substituant à l’aide à l’intégration sociale. Cela a commencé par les conseils de sécurité intérieure, initialement créés pour lutter contre le terrorisme, mais qui, sous l'impulsion de ministres de l'intérieur successifs, se sont transformés en machine de guerre gouvernementale contre le nouvel ennemi intérieur : la jeunesse.
C'est dans ce cadre qu'ont été développés les outils répressifs ou de contention à l’encontre des jeunes, mais aussi de leurs parents. Cela s'est poursuivi par des modifications successives de l'ordonnance de février 1945 relative à la justice des mineurs. Modifiée plus d'une vingtaine de fois en soixante ans, cette ordonnance est loin d'être obsolète, comme le clament ses détracteurs. Ces dernières années, les modifications successives de cette ordonnance ont toutes eu pour but d'aligner la justice des mineurs sur celle des majeurs, je l'ai déjà dit. Mais un pas supplémentaire a été franchi avec la nomination massive d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse dans des établissements pénitentiaires pour mineurs, dont les premiers voient le jour cette année.
Derrière le glissement du champ d'intervention de la PJJ entraînant une confusion des champs éducatif et répressif, se cache le projet de rechercher principalement les solutions aux problèmes des mineurs délinquants dans la sphère du carcéral. Cela renvoie à une conception de l'éducation qui s’inspire largement des théories comportementalistes. Il ne s'agit plus d'éduquer, d'accompagner dans la vie réelle et de favoriser l'accès à l'autonomie et à la responsabilité par la confrontation aux échecs et aux succès, il s'agit de redresser la jeunesse. Pure illusion pourtant que de croire que la menace et la contention favorisent l'évolution des adolescents, les aident à intégrer les normes sociales et réparent des enfances fracassées.
Cette jeunesse serait-elle pire et davantage encline à commettre des actes préjudiciables que ne l'a été celle de mon époque, par exemple ? Croyez-vous que la répression, déjà à l'œuvre, permette de réduire le nombre des incivilités ? L'observatoire de la délinquance, institué par le ministre de l'intérieur, vient de communiquer que les violences contre les personnes avaient augmenté de 7,5 % depuis juillet 2005 : la répression n'est donc pas dissuasive. Dès lors, il serait judicieux de prendre le temps de l'analyse et de quelques remises en cause, voire d’une certaine distanciation. Mais il n'en est rien.
Tout cela est extrêmement grave et aboutit à la stigmatisation et à la mise à l’écart de pans entiers de notre société. On parachève ainsi la pénalisation de la pauvreté, à l'oeuvre depuis des années, et le traitement de la délinquance se substitue à l'éducation des mineurs en grande difficulté.
Il importe de nous interroger sur le sens donné aux concepts de prévention et de délinquance. Traditionnellement, la loi pénale considérait les publics vulnérables comme des personnes devant être accompagnées. Aujourd'hui, en stigmatisant des publics fragiles, ce projet les assimile à des délinquants qu'il faut sanctionner ou réprimer. Quand, en préalable à toute loi, sera-t-il procédé à une analyse sémantique des termes visés, de façon à éviter leur amalgame et la généralisation abusive qui ne permet plus de distinguer la prévention du traitement de la délinquance ? En effet, ce projet ouvre la porte à toutes les confusions entre prévention, action éducative, action sociale et action policière. Si les unes et les autres sont nécessaires, il n'en demeure pas moins que chacun doit être identifié dans ses responsabilités et ses missions.
Le Gouvernement eût été bien inspiré de relire les principes directeurs des Nations unies pour la prévention de la délinquance juvénile : « Pour que la prévention de la délinquance juvénile porte ses fruits, il faut que la société tout entière assure le développement harmonieux des adolescents en respectant leur personnalité et en favorisant l'épanouissement des jeunes dès la plus tendre enfance. Les jeunes devraient avoir un rôle actif de partenaires dans la société et ne pas être considérés comme de simples objets de mesures de socialisation et de contrôle. »
C'est ce dernier aspect qui a été privilégié, et ce projet ne porte aucune vision constructive de la jeunesse. Une société qui a peur de ses jeunes est une société malade. Alors, oui, messieurs les ministres, je regrette que ce projet de loi traduise une vision pessimiste des familles et des jeunes. Cette vision alarmiste vous inspire des réponses radicales qui vont accentuer l'exclusion de nombreuses personnes. Avec un tel projet, vous portez un coup violent à la société dans son ensemble et vous continuez votre entreprise de déstabilisation des Françaises et des Français. Après vous être attaqués aux migrants et aux travailleurs, vous vous en prenez aux jeunes et, pis encore, aux enfants. Il eût mieux valu choisir des politiques de fond permettant de s'attaquer durablement à la racine du problème : l'insécurité sociale.
Il serait plus pertinent d’améliorer l'accès à l’emploi pour le plus grand nombre – parents ou jeunes accédant au marché du travail –, à des logements décents et bien desservis, à des infrastructures installées au plus près de l'habitat, de qualité – et gratuites pour ceux qui n'ont pas les moyens –, en matière de loisirs, de culture, de soutien scolaire, de sport. Il vaudrait mieux multiplier les postes de travailleurs sociaux de prévention, ceux de la protection judiciaire de la jeunesse, de l'éducation nationale, de la pédopsychiatrie, des PMI et de la santé scolaire. Il vaudrait mieux développer un véritable partenariat – non au niveau des directions administratives, mais à celui des intervenants directs de terrain – entre PJJ, conseil général, éducation nationale et associations diverses de prévention afin de mener un travail éducatif, social et sanitaire en réseau, en dehors de toute considération d'ordre public et de fichage.
C’est parce que nous refusons ce modèle de société, c’est parce que nous refusons l’amalgame entre pauvreté et délinquance, c’est parce que nous voulons prendre date par rapport à un texte lourd de conséquences pour la démocratie que nous avons déposé cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
Nous enrichissons – mais vous nous le reprochez –l’ordonnance de 1945 afin de diversifier les réponses à la délinquance des mineurs et de l’adapter aux mineurs de 2006. C’est dans cet esprit que nous essayons d’améliorer la coordination des interventions autour des familles en difficulté, que nous créons le conseil des droits et des devoirs des familles, que nous renforçons le suivi de l’assiduité scolaire.
Il nous faut lutter contre la déscolarisation. Comment pouvez-vous nous reprocher de veiller à ce que les gamins soient en classe, plutôt que dans la rue ? (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
En matière pénale, contrairement à ce que vous dites, ce projet ne crée aucune mesure privative de liberté pour les mineurs.
Vous niez que la délinquance des mineurs ait augmenté ces dernières années.
Tel est l’objectif de ce texte : l’égalité des chances pour tous et l’accompagnement des familles les plus en difficulté. C’est cela que vous combattez, monsieur Braouezec, notamment lorsque vous combattez le nouveau positionnement des maires. Tout à l’heure, vous avez pris à témoin le président de l’Association des maires de France : Jacques Pélissard. Or celui-ci n’a fait que réaffirmer le refus des maires de devenir des shérifs. Nous ne le voulons pas non plus, mais qui est le mieux placé pour coordonner l’ensemble des actions auxquelles sont confrontés nos élus locaux, si ce n’est le maire ? C’est lui qui est au carrefour des interventions. Il est le représentant de l’État sur sa commune. Vous qui êtes maire, monsieur Braouezec,…
Nous voulons relever un véritable défi : pour la première fois, c’est l’ensemble des problèmes, de la prévention à la sanction, qui est traité dans un grand texte transversal. Nous ne voulons plus qu’une petite minorité puisse pourrir la vie de toute une population.
Je m’adresse à l’ancien maire de Saint-Denis plutôt qu’au député…
Je suis en total désaccord avec vous quand vous dites que la délinquance vient automatiquement de familles en grande difficulté sociale.
Nous ne faisons pas fi des difficultés rencontrées par les familles : c’est pour y répondre que nous créons le conseil des droits et devoirs des familles. L’aide à la parentalité constitue un des volets du projet de loi, et, contrairement à la caricature que vous en faites, il ne s’agit pas de condamner les parents du délinquant.
Prenons un autre exemple concret – car nous ne devons pas raisonner en termes idéologiques. Dans ma commune, sur 1 517 délits constatés, 75 ont été élucidés, donnant lieu à seulement 23 peines prononcées ! Que répondez-vous aux 1 414 victimes qui n’ont pas obtenu satisfaction ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
La première – et la plus évidente – est l’absence de lien entre l’objet du texte, la prévention, et son contenu. Nous avons dû en lire et relire les articles, tant nous ne pouvions y croire : il n’est nullement question de prévention de la délinquance dans ce projet de loi qui nous ramène deux millénaires en arrière.
Laissez-moi en effet vous lire une excellente définition de la prévention, proposée il y a près de 2 300 ans par un certain Aristote : « éduquons les enfants, nous n’aurons pas à punir les adultes ». Cette voix, vous refusez de l’entendre, comme vous refusez d’entendre celle, plus proche, de Victor Hugo, qui nous invite à ouvrir des écoles afin de pouvoir fermer les prisons.
Ce texte méritait un autre intitulé que celui que le Gouvernement nous propose. Il eût été plus honnête de l’appeler « projet de loi pour la présomption de la délinquance et sa répression », car il se contente de désigner les publics à risques susceptibles de glisser vers la délinquance. Les différents dispositifs proposés n’ont pour objectif que de donner une nouvelle définition du prédélinquant, de désigner celui qui, en raison de sa situation sociale, scolaire, psychologique, familiale, médicale ou de son habitat, doit être regardé comme potentiellement dangereux. Pas pour l’aider, non, mais pour le signaler aux maires, l’inscrire dans un fichier, pour mieux le surveiller en attendant, demain, de le punir parce que l’on en aura a priori décidé ainsi. Rien, strictement rien ne s’apparente à une mesure préventive dans ce texte ! Vous ne cherchez qu’à faire de la répression.
Seconde raison essentielle d’adopter la question préalable : ce texte sera source d’insécurité juridique et fragilisera toute action en direction des publics visés. Selon le Conseil constitutionnel, l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi sont des exigences de valeur constitutionnelle. Quant au Parlement, il doit veiller à assurer aux personnes physiques et morales un environnement juridique décemment stable, intelligible et paisible. Nous en sommes loin, convenons-en. Ces principes, si précieux, sont pour le moins malmenés : dans le domaine de la chaîne pénale – justice et police –, nous en sommes, depuis quatre ans, à la dixième loi sur l’insécurité !
Nous sommes tout aussi loin de l’objectif de clarté de la loi. Déjà, le citoyen était censé ne pas ignorer les lois que nous avons adoptées il y a quelques mois sur la récidive ou les violences au sein du couple. Or un certain nombre de dispositions proposées ici vont venir empiéter sur d’autres textes – loi de programmation pour la cohésion sociale, loi pour l’égalité des chances ou projet de loi réformant la protection de l’enfance, qui reste à examiner par notre assemblée. Toutes ces dispositions vont se chevaucher, se superposer, plutôt que de se compléter. Or toutes concernent les populations les plus vulnérables ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Pour ces raisons, nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Monsieur le président, vous agiterez-vous tout autant lorsque certains, de l’autre côté de l’hémicycle, dépasseront leur temps de parole ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.
Quand je demandais un placement en hôpital psychiatrique, monsieur Bénisti, j’ai toujours su si la personne concernée ressortait ou si elle restait internée. Comme c’était un de mes administrés, je voulais connaître sa situation. Chaque fois que le préfet confirme l’hospitalisation, il m’en informe, de même que le fait le médecin psychiatre chaque fois qu’il décide d’autoriser la sortie d’un patient. Car c’est de lui que relève cette décision, et de nul autre, maire ou préfet. À cet égard, l’exemple que vous nous avez donné était tout sauf pertinent : comment pourriez-vous l’empêcher de décider que le patient doit sortir ou non ?
Par ailleurs, qu’est-ce qu’un projet de loi de prévention de la délinquance ?
Je vous rappelle toutefois, chers collègues, que nous ne votons pas le titre d’une loi…
Le ministre de l’intérieur s’était engagé – à la demande de M. Blazy, si mes souvenirs sont bons – à présenter un texte sur la prévention de la délinquance. On ne peut donc pas affirmer ici qu’il n’y a pas lieu de débattre ou que ce texte ne présente pas de mesures pouvant être utiles, monsieur Le Bouillonnec !
Je vous répondrai avec humilité, cher collègue. Après vous avoir écouté, j’ai cru comprendre qu’en tant que maires, vous obteniez tous les renseignements que vous souhaitiez. Il se trouve que je ne parviens pas, quant à moi, à savoir si une personne que j’ai mise en hospitalisation d’office en est sortie, si ce n’est par courrier du préfet que trois mois plus tard. Soit je suis un mauvais maire,…
J’ai participé, hier, à une réunion entre les maires de Seine-Saint-Denis et le procureur de la République de Bobigny pour discuter d’une procédure de composition pénale, dans le cadre de la médiation pénale, qui ne passerait pas par le juge des enfants et serait donc plus rapide. Ce n’est pas stupide, même si vous la qualifiez de mesure répressive. La prévention de la délinquance dans un département comme le mien – et, je le crois, dans tous les départements de France – a besoin, je le répète, d’un budget de la justice qui soit à la hauteur de ce que demande normalement une grande démocratie occidentale. On ne peut admettre que, dans un département, vingt-cinq éducateurs gèrent, chacun, 250 à 300 personnes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Je vais parler maintenant, non pas en tant que maire, mais en tant qu’ancien surveillant d’externat ou « pion » dans des collèges de Seine-Saint-Denis. Un jeune qui a glissé dans la délinquance n’est pas délinquant à plein-temps. Il se trouve de temps en temps dans un club de foot, dans une association culturelle, dans le service municipal de la jeunesse, chez l’assistante sociale, ou avec la personne qui suit la mesure judiciaire prononcée à son encontre. Le problème, c’est que tous ces gens ne se parlent pas.
La délinquance des quartiers de votre ville, monsieur Braouezec, n’est pas la même que celle que je trouve chez moi. Elle n’a pas les mêmes origines. Je donnais, il y a quelque temps, l’exemple du quartier d’Orgemont, tristement célèbre depuis l’assassinat d’une personne qui photographiait un réverbère et, plus récemment, pour le traquenard tendu aux forces de police. Contrairement au maire d’Épinay, je ne rencontre pas dans ma ville ce genre de problèmes.
Cela ne se passe pas non plus de la même façon au Mirail à Toulouse, dans les quartiers nord de Marseille, ou à Clichy-sous-Bois. On ne peut pas davantage comparer Drancy ou Le Blanc-Mesnil, alors que ces deux villes ne sont séparées que par une voie ferrée.
En tant que maire, j’ai besoin que l’on s’intéresse et que l’on s’adapte à la situation réelle des quartiers de ma commune. Je n’appelle pas cela une absurdité.
On ne peut en tout cas pas affirmer qu’il n’y a pas lieu de débattre, et je voterai donc contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La question préalable n’est pas adoptée.)
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures.)
Pour ce faire, depuis trois ans, les grandes orientations d’une politique globale en faveur des quartiers en difficulté – plan de cohésion sociale, lois sur la rénovation urbaine, sur le logement, sur l’égalité des chances – permettent aux maires, lorsqu’ils le veulent, de contribuer positivement à l’amélioration de la vie des habitants dans les cités.
Toutes ces actions initiées par l’équipe de Jean-Louis Borloo commencent à porter leurs fruits, mais, sur le champ de la délinquance, beaucoup reste à faire.
Aujourd’hui, ce n’est donc pas un nouveau débat que nous engageons.
Ce projet de loi, nous le comprenons tous ici, ne permettra pas de résoudre l’ensemble des difficultés. Néanmoins, il doit être un nouvel outil d’action, notamment pour les maires, pivots de la politique de prévention de la délinquance, en quelque sorte de véritables chefs d’orchestre car, même s’ils ne jouent pas de tous les instruments, ils coordonnent l’esprit d’équipe : eux seuls connaissent, avec leurs partenaires, par leurs contacts et leur proximité, ce que sont en droit d’attendre leurs concitoyens.
Grâce à la création en 2001 d’une équipe de police municipale en partenariat exemplaire avec la police nationale, le taux de délinquance dans ma commune a baissé de plus de 30 % à la suite d’actions menées au plus près des habitants.
Il est essentiel que le maire entretienne de bons rapports avec la police nationale pour que l’on puisse mener à bien une politique de prévention.
Nous sommes pris en otage car l’État, d’une part, ne nous donne pas les moyens d’agir et, d’autre part, n’agit pas toujours lorsque nous lui demandons de le faire.
Je pense sincèrement que la police nationale a un rôle majeur à jouer en redéployant ses moyens au plus près des habitants avec des actions visibles et rassurantes. Je parle ici de présence sur le terrain. Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, la police de proximité et d’îlotage doit être rétablie.
Une politique de sécurité, où la prévention retrouverait toute sa place, est le seul moyen d’établir un lien de confiance et de concertation avec la population et de lutter contre le climat de peur.
Aujourd’hui, l’État semble sous-traiter une grande partie de l’action préventive auprès des maires. Ils doivent pallier, avec leurs effectifs de police municipale et des budgets restreints, les baisses des actions de prévention de la police nationale. Si vous voulez aller dans ce sens, augmentons alors les moyens alloués aux polices municipales – pourquoi pas dans le cadre du fonds de prévention pour la délinquance ?
En ce qui concerne le fonctionnement des CLSPD, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, tous les partenaires – préfets, police nationale, police municipale, éducateurs, animateurs, éducation nationale, mais aussi associations de prévention et services de transports en commun – participent activement à l’élaboration de véritables actions de prévention, et les résultats sont là dans ma commune.
Aussi, je ne voudrais pas que les bons élèves soient sanctionnés par la baisse des effectifs des commissariats et que la police municipale fasse le boulot des autres sous prétexte que c’est elle qui connaît le mieux la sociologie de la ville. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Votre texte parle de prévention. Réfléchissez donc bien à cet aspect important du travail de terrain de la police nationale. N’est-ce pas une solution pour rétablir un dialogue entre jeunes et policiers et éviter ainsi les discours et actes de haine dans les banlieues difficiles ?
Très souvent, dans les quartiers de ma ville, je rencontre des habitants indignés par le sentiment d’impunité qui règne dans certains quartiers.
Dans un premier temps, sans un système répressif adapté, aucune prévention ne peut porter ses fruits. Aucune infraction, quelle que soit sa gravité, ne doit rester impunie. À chaque acte délictuel doit donc correspondre une sanction adaptée pour mettre un terme à ce sentiment d’impunité qui règne dans nos quartiers difficiles.
Comment ne pas être révolté face à certaines remises en liberté de mineurs ? Elles sont parfois abusives et, surtout, sources de récidives. Et quid des délais parfois interminables de prise en charge des mineurs délinquants par les services spécialisés ? Nos concitoyens, vous le savez tous, attendent des réponses fermes. Il s’agit, entre autres – et je ne suis pas le seul à l’exprimer –, d’un problème d’application des peines.
Que se passe-t-il concrètement dans les quartiers qui ont subi des violences urbaines ? On assiste en partie à une aggravation des trafics de stupéfiants, véritable économie souterraine dans les banlieues, qui génère de facto la ghettoïsation de certains quartiers de non-droit, où il est plus facile de dealer que de travailler. Vos propositions en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants vont dans le bon sens. Il n’en demeure pas moins que seule une affectation suffisante d’agents de police nationale sur ces missions est garante de succès.
Les émeutes des banlieues montrent qu’au-delà des groupes de jeunes impliqués dans ces violences, il y a aussi toute une population qui est en décrochage, en perte de repères, en manque de perspectives d’avenir, en déficit de reconnaissance, de respect et d’écoute. C’est pour cela que nous devons tous travailler ensemble afin de résoudre les difficultés et d’accompagner une population qui se sent laissée pour compte.
Usant et abusant de l’exaspération légitime de nos concitoyens face aux actes de délinquance qui pourrissent leur vie quotidienne, ce texte met en place des dispositions aussi inacceptables qu’inefficaces.
Tout d’abord, monsieur le ministre, vous ne proposez rien au plan social pour prévenir l’installation des comportements délinquants, car, je vous le rappelle, on ne naît pas délinquant, on le devient.
Monsieur Carayon, vous pourriez être poli à mon égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous pouvez sortir si la bêtise vous gêne ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’ai une autre préoccupation, celle de la grande délinquance, étonnamment absente de ce texte, qui, pourtant, alimente bien des trafics, manipule beaucoup d’argent, et dont les protagonistes logent dans les beaux quartiers. Je pense par exemple à la délinquance financière, la délinquance « d’en haut » en quelque sorte (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…
On pourrait également citer comme exemple de cette délinquance en col blanc cette grande entreprise française d’électroménager qui a fait faillite en 2001, laissant 3 000 salariés sur le carreau et un trou de plus d’un milliard d’euros.
Pour rééquilibrer ce texte dit de prévention de la délinquance, afin de vous permettre de manifester votre volonté de ne pas réserver la tolérance zéro à quelques-uns, ceux d’en bas, je vous invite à voter les amendements que nous avons déposés sur ce point.
L’un d’eux prévoit notamment de faire figurer le délit de corruption sur la liste des infractions pour lesquelles les moyens procéduraux d’exception prévus par la loi Perben II pourront être utilisés. C’est l’occasion de montrer que la corruption n’est pas une infraction bénigne.
Un autre amendement vise à rendre le Service central de prévention de la corruption indépendant du ministère de la justice et à lui conférer le pouvoir de conduire des enquêtes préliminaires qui pourraient être transmises au Parquet.
Nous proposons d’accorder la même indépendance à la mission interministérielle d’enquête sur les marchés publics, ainsi que le pouvoir de prendre l’initiative d’enquêtes, car, s’il faut sans aucun doute réprimer les voyageurs sans tickets, il doit rester plus grave de truquer un marché public de fourniture d’autobus que de voyager sans titre dans ces mêmes autobus.
Un autre, enfin, vise à prévenir les fraudes aux aides publiques en donnant aux comités d’entreprise l’information nécessaire sur les aides dont bénéficie leur société, ce qui leur permettrait d’alerter les autorités si ces aides ne sont pas utilisées conformément à leur objet.
Nous pensons que c’est un bon moyen de lutter contre les « patrons voyous » dont parle le ministre de l’intérieur, mais qu’il se garde bien de faire sanctionner.
Il est important que tous nos concitoyens, notamment les jeunes, vérifient qu’il n’y a pas deux poids deux mesures, contrairement à ce qu’ils peuvent légitimement croire, et que le Gouvernement n’adapte pas sa politique selon que l’on est puissant ou misérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Je tiens d’ailleurs à vous remercier d’abord d’avoir rendu hommage en commission des lois, au travail de cette commission Prévention et, surtout, d’avoir entendu le message de ces acteurs de terrain qui, malheureusement, n’ont jamais trouvé, jusqu’à maintenant, l’écoute légitime qu’ils étaient en droit d’attendre de la part de leur gouvernant.
Le texte qui nous est présenté est ambitieux, mais aussi réaliste, et il répond pleinement à ces enjeux. Lors de nos travaux nous avons été particulièrement frappés de constater que, malgré le nombre important d’institutions et d’associations qui agissent au quotidien, la communication et le dialogue entre ces derniers étaient difficiles, voire quelquefois inexistants. Votre texte répond à ce dysfonctionnement en instituant une meilleure coordination par la désignation d’un référent et la nomination du maire, comme pilote et animateur de cette politique.
Si nous devons apporter des réponses à nos concitoyens qui subissent au quotidien des nuisances occasionnées par une poignée de mineurs tombés dans la spirale infernale de la délinquance, il faut aussi répondre à ces jeunes en souffrance dont les difficultés s’accumulent parfois depuis leur plus jeune âge.
La législation en vigueur n’est plus adaptée à la délinquance à laquelle nous faisons face. En effet, les mineurs bénéficient d’une immunité presque totale, levée à leur dix-huitième anniversaire, qui les mène malheureusement souvent directement en prison. Cela n’est pas acceptable.
D’autres réponses doivent être trouvées pour prévenir le plus tôt possible la délinquance des mineurs, tout en punissant avec fermeté les actes commis. Il faut envoyer des signaux forts qui mettent fin au sentiment d’impunité qu’ont les mineurs délinquants, sentiment également partagé par la population. Dans ma ville, par exemple, l’année dernière, sur 1 517 délits constatés, 75 seulement ont été élucidés et 23 peines prononcées. Quel message envoyons-nous à ces jeunes ? Et, surtout, quelles réponses donnons-nous aux 1 494 victimes dont les agressions n’ont pas été punies ?
La commission a aussi fait ressortir l’erreur commise depuis des années, d’avoir concentré en un même lieu des milliers de familles dont bon nombre étaient déjà en grandes difficultés d’insertion ou d’intégration.
La politique de prévention doit avoir un objectif d’efficacité, ce qui passe par le renforcement des échanges d’informations entre les différents acteurs qui entourent les jeunes et par la désignation d’un pilote pour mener cette politique.
À ce titre, je ne peux qu’être tout à fait satisfait que le projet de loi reprenne quatorze des vingt-quatre propositions que nous avions formulées dans le rapport de la commission Prévention.
Permettez-moi cependant de regretter que trois autres propositions importantes n’y figurent pas.
La première vise le dépistage précoce des adolescents concernés ; ce serait la base d’une prévention en amont indispensable pour endiguer le plus tôt possible les premiers troubles du comportement qu’ils soient d’ordre médical ou, comme très souvent, d’ordre sociologique.
Vous avez choisi, monsieur le ministre, de placer ces propositions dans un texte sur la protection infantile et je ne manquerai pas de les suivre de près. Sachez simplement qu’il y a urgence et je souhaite ardemment que ce texte puisse être examiné dans les meilleurs délais par la représentation nationale car il est indissociable du reste de nos mesures.
Si de nombreux outils figurent dans ce projet de loi, vous n’avez par retenu la boite à outils, l’ESCALE, l’espace socioculturel et d’aide à l’emploi. Cette plateforme municipale interactive vise à regrouper en un seul lieu l’ensemble des dispositifs de prévention, d’insertion, de réinsertion, d’intégration et d’action socioculturelle, au centre desquels il faut placer la formation et l’emploi, seuls moyens pour un jeune en déshérence de s’en sortir, car 98 % des délinquants ne travaillent pas.
Au travers des actions de remise à niveau scolaire, d’alphabétisation et de socialisation, il s’agit d’aider ces jeunes à reprendre en main leur parcours de citoyen en leur proposant un lieu d’ancrage et de reconstruction, notamment au travers d’un métier et d’un emploi. J’ai déposé un amendement en ce sens. Nous aurons donc l’occasion d’en discuter lors de nos débats.
Enfin…
En effet, la délinquance constitue le problème majeur d’une grande partie de nos compatriotes, qui subissent, dans les quartiers sensibles, cette violence au quotidien. Il me semble que cela aurait été un signal fort que de créer ce secrétariat d’État, car cela aurait clairement marqué non seulement l’importance accordée à ces enjeux, mais aussi la force de l’engagement politique et les moyens alloués pour changer cette tendance qui mine notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je vais essayer de tordre le cou à ce refrain que j’entends depuis 2002, nous accusant, et moi en particulier, de laxisme et d’angélisme. C’est absolument insupportable.
Veuillez poursuivre, madame Lebranchu.
Or je pense qu’une démocratie éclairée, avancée assoit ses fondements sur la justice. Chaque fois qu’elle fait appel à la vengeance, donc à la violence, elle recule. Ce qui me fait peur, c’est que j’ai l’impression que nous reculons.
Le ministre utilise souvent un langage de défi, même s’il ne l’a pas fait ici, bien qu’il en ait été tenté. Or un défi est fait pour être relevé. Et c’est pourquoi vous voyez plus en plus de jeunes encapuchonnés essayer de gagner contre la police ou de se faire arrêter pour gagner une aura… Dans ce jeu permanent du défi, auquel s’ajoute celui de la vengeance, la société ne peut devenir que de plus en plus violente.
Le ministre d’État a aussi dit que l’ordonnance de 1945 ne permettait ni d’arrêter ni de sanctionner les mineurs, ou seulement très longtemps après, ce qui n’a plus de sens. C’est vrai qu’il s’agit d’un des problèmes majeurs, mais il n’est dû ni à l’ordonnance de 1945, ni à la procédure pénale, ni au code pénal. Les magistrats prononcent des sanctions, mais il n’y a plus personne pour les appliquer : soit pour accueillir le jeune, soit pour lui offrir un travail d’intérêt général. Il n’y a pas non plus assez de centres de placement immédiat. Nous les avions créés parce que, parfois, quand un quartier est en difficulté, du fait de quelques personnes, il faut trouver une solution.
Le ministre veut placer les jeunes en internat, mais où sont les internats ? Combien de places y a-t-il ? Que va faire un magistrat qui proposera un travail de jour, avec un internat de nuit ? Un centre de semi-liberté et d’accueil en internat pour les jeunes devait voir le jour à Paris, assurant la scolarité ou l’apprentissage le jour, et l’internat obligatoire la nuit. Ce projet a été déposé fin 2001, mais il n’a toujours pas abouti.
Ce n’est donc pas la peine de proclamer que vous allez placer les mineurs parce que vous ne savez pas où ! Certes il y a des centres éducatifs fermés de plus, mais cela ne suffit pas. Il n’y a toujours qu’une école de la deuxième chance à Beauvais ; elle fonctionne bien. Pourquoi n’y en a-t-il pas eu d’autres ? N’a-t-on pas eu le temps de les réaliser ? En quatre ans, vous auriez pu créer quelques places.
Au lieu de prendre le temps d’expliquer pourquoi cela ne marche pas – parce qu’effectivement la réponse pénale doit venir vite – on corrige. On en arrive alors à la présentation immédiate, sous prétexte que les peines sont actuellement prononcées six mois, voire un an après les inspections.
Selon la loi, elles doivent être prononcées au plus tôt dans les dix jours, et dans les deux mois au plus tard. En fait le problème sera de savoir que faire d’eux une fois la peine prononcée, puisqu’il n’y aura pas de places.
La recrudescence de la violence des jeunes est un constat d’échec, car, après tout, ces enfants sont les nôtres. Je serais même prête à assumer une part dans cet échec : nous avons peut-être manqué du courage de reconnaître que nous avons-nous même trouvé, au début des années 2000, la tâche difficile. Nous savions que nous n’étions pas au bout de nos peines au cas où nous aurions à continuer à exercer les responsabilités après 2002. Nous aurions pu travailler avec vous à trouver des réponses à cette violence, plutôt que de baisser définitivement les bras et nous résigner à enfermer ces jeunes.
Il ne s’agit pas d’angélisme de ma part : je suis la première à penser qu’un jeune qui a commis un crime grave mérite toute la peine prévue. À cet égard je vous rappelle que, pour l’incendie du bus de Marseille, ceux qui ont moins de seize ans encourent déjà quinze ans de prison, et ceux qui sont âgés de seize à dix-huit ans en risquent trente : ce ne sont pas de petites peines.
Quant aux injonctions thérapeutiques, en ce qui concerne les délinquants sexuels notamment, vous lui direz, puisqu’il n’est pas là, qu’il faut parfois attendre plusieurs mois voire plus d’un an, avant qu’elles soient décidées du fait de la pénurie de psychiatres.
Je suis prête, là encore, à partager la responsabilité de cet état de fait : nous aurions dû augmenter le numerus clausus afin d’avoir plus de médecins et de psychiatres. La situation étant ce qu’elle est, multiplier les injonctions thérapeutiques ne revient qu’à accroître les délais sans résultat garanti.
Premièrement, monsieur le ministre, le texte a l’intérêt de faire jouer au maire un rôle de pivot des actions de prévention de la délinquance. Un tel rôle respecte l’essence même de la mission du maire, élu de terrain par hypothèse proche de la population. Investi de la confiance des habitants, il a pour rôle de créer du lien social, ce qui le rend parfaitement à même d’être le coordonnateur de ces actions de prévention de la délinquance. Le texte va donc dans la bonne direction en la matière.
Deuxièmement, pour jouer ce rôle de pivot, le maire doit être informé, et d’abord par le procureur. En ce domaine, mes chers collègues, je vous rappelle que nous avions déjà amélioré le dispositif par la loi du 9 mars 2004 ; mais le système était d’un fonctionnement inégal selon les territoires et les personnes, et l’information des maires n’était pas toujours satisfaisante. Voilà pourquoi, monsieur le président de la commission des lois, je salue les amendements proposés dans ce domaine. Le Sénat a déjà permis une avancée en supprimant la limitation de l’obligation d’informer aux cas d’infractions graves. Le texte de la commission des lois prévoit l’information sans délai des maires en cas de simple trouble à l’ordre public ainsi que la transmission à ceux-ci d’informations sur les suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire de leur commune.
C’est un progrès, mais il faudrait peut-être, monsieur le président de la commission, aller plus loin : à défaut d’une information complète, le maire ne peut pas assurer le rôle de coordination des actions de prévention de la délinquance que lui assigne le texte. Voilà pourquoi je proposerai un amendement prévoyant la possibilité que la nature des informations qui devront être portées à sa connaissance fasse l’objet d’une contractualisation entre le maire et le procureur de la République, à charge pour le maire d’assurer le respect des règles de confidentialité.
Le maire coordonnateur doit également, monsieur le ministre, être informé par les travailleurs sociaux. Ces derniers oublient parfois que nous sommes, nous les maires, officiers de police judiciaire, non pas par délégation du procureur de la République, mais par notre statut même d’élu, par la confiance dont nous sommes investis. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Troisièmement, tout en reconnaissant l’intérêt de certains outils prévus par le texte, nous souhaitons qu’ils soient simplement facultatifs. Le texte impose notamment aux communes de plus de 10 000 habitants l’obligation de créer un conseil des droits et devoirs des familles. Or les communes qui comptent moins de 10 000 habitants affrontent elles aussi des problèmes de délinquance. En outre leur caractère obligatoire risque de faire de ces conseils des coquilles vides.
Mon quatrième point, monsieur le ministre, sera l’affirmation de notre position quant à la nécessité de distinguer prévention et répression. Les maires sont des hommes et des femmes de la prévention, du fait de notre proximité avec la population et de la confiance qu’elle place en nous. Ce serait confondre les rôles et les genres que de faire de nous des hommes et des femmes de la sanction et de la répression.
Monsieur le président, monsieur le ministre, les deux premiers chapitres de ce texte apportent des solutions qui peuvent être intéressantes, sous réserve que les amendements que je viens de décrire rapidement soient adoptés. Cela étant, chers collègues, au-delà des outils juridiques, ce qui compte, c’est la volonté des maires, qui, chaque jour, recousent le tissu social, d’être dans ce domaine de la cohésion sociale et de la prévention de la délinquance des acteurs quotidiens de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il faut noter également que ce débat, intervenant à la fin de la législature, est pour nous tous le moment de dresser le bilan de l’action menée par le Gouvernement depuis plus de quatre ans. Les événements qui se sont déroulés dans les banlieues montrent de façon flagrante l'échec de votre politique de sécurité, si cela était encore nécessaire.
Je vais, pour illustrer mes propos, rappeler les décisions par lesquelles, depuis quatre ans et demi, votre gouvernement ne fait qu'aggraver la situation sociale de nombreux quartiers transformés en ghettos, en proie à une précarité, à un isolement et à une insécurité qui laissent toute la place à la détresse, au découragement des familles et, bien entendu, à la violence.
Vous avez accru la précarité des plus bas salaires ; je pense en particulier aux salariés employés dans les services à la personne. Vous avez supprimé les actions « jeunesse et sport » dans les quartiers. Vous avez transféré la mission d’insertion aux conseils généraux – ce qui n’est pas en soi illégitime – mais sans respecter vos engagements d’en compenser la charge à l'euro près.
Et comme si cela n'était pas suffisant, nous apprenons par la Caisse nationale des allocations familiales votre désengagement progressif des contrats « enfance et jeunesse » signés par les maires, alors qu’ils sont pour eux un outil indispensable de la prévention véritable.
Nous ne cessons de constater, dans l’exercice de nos mandats locaux, le désengagement de l'État du rôle qu’il doit tenir à nos côtés. Celui-ci se limite aujourd’hui à des interventions souvent intempestives, voire autoritaires, qui méconnaissent les réalités locales par défaut de concertation.
Les élus locaux, de gauche comme de droite, s’inquiètent de se voir confier de nouvelles responsabilités en matière de prévention de la délinquance, sans les moyens nécessaires pour les assumer. Ces élus s'inquiètent aussi de l'incohérence des dispositifs que vous envisagez de mettre en place en matière de délimitation des pouvoirs des maires et des présidents de conseil général. En effet ce projet de loi de prévention de la délinquance est, de ce point de vue, en contradiction manifeste avec le projet de loi de réforme de la protection de l'enfance, en cours d'examen, ainsi qu'avec les dispositions de la loi pour l’égalité des chances relatives au contrat de responsabilité parentale et, bien sûr, avec les lois de décentralisation.
Les professionnels de l'action sociale manifestent aussi une vive inquiétude d'être désormais obligés, sans avoir leur mot à dire, de transmettre aux maires des informations confidentielles touchant les personnes dont ils assurent l’accompagnement, au risque de rompre une relation de confiance jusqu'alors préservée grâce à cette confidentialité, seule garante d’une évolution positive des familles et des enfants.
Nous nous interrogeons donc sur deux points.
D’abord, qu’entend ce gouvernement par « politique de prévention de la délinquance » ?
Ensuite, si nous reconnaissons les vertus du débat interne, il nous apparaît pour le moins inquiétant pour un gouvernement que ses ministres ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une formule cohérente concernant les dispositifs de coordination des politiques de prévention de la délinquance menées par les maires en collaboration avec les préfets, et de coordination de l’action sociale relevant de la compétence des conseils généraux.
Sachant qu’une confusion des pouvoirs irait à l’encontre d’une réelle efficacité des politiques menées à l’échelle locale, le groupe socialiste propose donc, avec les amendements qu’il a déposés, une autre conception de la décentralisation, cohérente avec les textes en vigueur :…
Ce texte envisage ainsi, à son article 5, d’imposer aux travailleurs sociaux de communiquer au maire des informations relatives à des personnes dont ils assurent le suivi. Il confie aussi au maire le soin de nommer un coordonnateur chargé de suivre une même personne ou une famille rencontrant des difficultés.
Ces points soulèvent plusieurs interrogations.
D’abord, ces travailleurs sociaux – quelle que soit leur autorité de tutelle – ont-ils leur mot à dire sur l’opportunité de cette transmission ? Bien entendu, votre réponse est négative. Les travailleurs sociaux seraient-ils alors, pour le Gouvernement, incompétents, irresponsables ou inconséquents au point d’être incapables d’évaluer cette opportunité ? Quelle méconnaissance de la réalité !
Pourtant, le projet de loi relatif à la protection de l’enfance – et je regrette, à cet égard, que M. Bas soit parti – comporte en son article 7 une formule instituant un secret professionnel partagé, approuvé par les professionnels. Ce texte, plus consensuel, a fait l’objet d’un travail constructif entre majorité et opposition et a donné lieu à des votes unanimes sur certaines propositions de la majorité et de l’opposition, à l’inverse du texte que nous examinons. Nous nous interrogeons donc sur la raison qui vous conduit à tenter d’imposer dans ce texte un système si décrié et si contesté.
Enfin, la nomination par le maire d’un coordonnateur intervenant auprès d’une personne ou d’une famille, présentée comme relevant de la compétence du maire, n’est-elle pas de nature à contredire le dispositif de l’article 5 du projet de loi réformant la protection de l’enfance, qui prévoit, quelle que soit l’institution qui emploie le travailleur social, la nomination d’un coordonnateur de l’action sociale nommé par le président du conseil général dans l’exercice de ses compétences ? Il y a évidemment entre ces deux textes une contradiction et un risque d’empiétement des compétences.
De surcroît, le décret du 1er septembre 2006 relatif au contrat de responsabilité parentale confirme la coordination de ce dispositif par le président du conseil général. Il va sans dire que cette confusion des pouvoirs induite par votre projet de loi par rapport aux autres textes précités n’est ni dans l’intérêt des élus ni dans celui des personnes suivies au titre des différents dispositifs.
Aussi proposons-nous que soit confirmée la compétence du département en matière d’action sociale. Nous concevons sans peine qu’en certaines circonstances les maires puissent accéder à des informations utiles à l’exercice de leur mission de sécurité publique, mais il n’est pas concevable que le président du conseil général et les professionnels détenant ces informations ne puissent évaluer la pertinence et l’opportunité de transmettre certaines informations au maire.
Nous proposons donc, à cet effet, une procédure selon laquelle le respect des libertés individuelles sera contrôlé par une commission réunissant le président du conseil général, les travailleurs sociaux et les élus locaux, ainsi que les usagers, que l’on oublie trop souvent. Un tel dispositif me semble indispensable dans une société de droit.
Nous avons également jugé indispensable de développer une approche globale de la prévention de la délinquance, raison pour laquelle nous exprimons une vive inquiétude face à l’incertitude du calendrier des travaux parlementaires.
Laissons, s’il vous plaît, l’intelligence citoyenne et le pragmatisme des situations vécues s’exercer entre élus locaux, en fonction des responsabilités qu’ils exercent pleinement. Quant à l’État, comme je l’ai rappelé dans mon introduction, qu’il apporte son soutien et remplisse ses missions, sans se défausser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Aucun pays n’est épargné, et certainement pas la Martinique.
Au cours des quatre dernières semaines, deux jeunes ont été assassinés et huit autres incarcérés à la suite de bagarres à l’arme blanche ; des braquages en série et des vols à main armée ont été commis ; de jeunes adolescentes ont été violées et un agent de la brigade anticriminalité a été agressé et n’a eu la vie sauve que parce que l’arme dirigée contre lui s’est enrayée ; enfin, 4 tonnes de cocaïne ont été saisies au large de nos côtes.
Pour les dix premiers mois de l’année 2006, 17 360 crimes et délits ont été relevés, le nombre des infractions constatées en matière de stupéfiants a déjà augmenté de 16 % et le trafic d’armes se poursuit. Aucun personnage n’est à l’abri, fût-il procureur de la République : celui de Fort-de-France vient d’être bastonné.
De plus, les délinquants mineurs n’ont jamais été aussi nombreux, aussi jeunes, aussi violents, ni aussi répandus, et ce phénomène touche de plus en plus le sexe féminin. La politique mise en place, quels que soient les chiffres avancés, n’a manifestement pas produit les effets escomptés.
Face au désenchantement de ce bilan global, on nous propose un arsenal répressif encore plus blindé.
Il fut un temps où le châtiment était infligé pour causer autant de douleur que la faute. Il y a belle lurette, cependant, que cette démarche du tout-répressif a montré ses limites, au point que le législateur lui-même l’a abandonnée. Il ne s’agit plus de punir pour punir, mais de le faire en insistant fortement sur la régénération du condamné, afin de lui assurer un meilleur retour dans la société. Réprimer, c’est, selon moi, chercher à améliorer ; ce n’est pas là un inconciliable paradoxe. L’échec que nous constatons aujourd’hui tient à ce que cet objectif, qui figure pourtant encore dans les textes, est démenti par les faits.
Dans ce cas, à qui faut-il s’en prendre ? En effet, les jeunes délinquants – pour ne citer qu’eux – ne procèdent pas d’une génération spontanée issue de nulle part : ils sont la résultante négative des actions et des négligences passées. Comment prétendre, alors, briser le cercle pernicieux de la violence et de la répression si les jeunes restent inoccupés, si les associations qui les encadrent ne sont pas aidées, si la formation professionnelle n’est pas soutenue, y compris en prison, si la prévention n’est pas prise en compte très tôt et si la sanction n’est pas appliquée ?
Vouloir traiter les faits délictueux sans traiter franchement les causes, c’est aller à coup sûr vers l’effet inverse.
C’est dire que les moyens coercitifs, certes nécessaires, ne sont pas suffisants en cette matière, délicate entre toutes. Le traitement de la délinquance se situe en effet aux frontières de l’humanité et de l’autorité, ce qui implique nécessairement d’assurer un constant équilibre et une articulation sensée entre les termes du triptyque que constituent la répression, la prévention et la réhabilitation.
Dans ces conditions, une réforme en bonne et due forme de la société semble s’imposer en dernier ressort. La manière de la réaliser demeure une question d’actualité, car les effets destructeurs du délitement des liens sociaux cassent la solidarité, accroissent les inégalités, engendrent les exclusions et renforcent le facteur criminogène.
Ce diagnostic, si utile soit-il, n’est pas une fin en soi : le diagnostic est une chose, mais le traitement de choc en est une autre.
Dois-je rappeler à cet égard que j’avais déposé en févier 2000 une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la prévention et à la lutte contre le trafic des stupéfiants dans les départements d’outre-mer ? Cette requête a été purement et simplement rejetée, au motif – écoutez bien ! – qu’elle « ne pourrait qu’alimenter les suspicions et risquerait, par là même, d’aggraver un contexte économique et social difficile. » Quelle turpitude ! Quelle absurdité !
Lors de la conférence du CARIFORUM de mars 2000, tenue en Guadeloupe sous la présidence du Président de la République, j’avais été personnellement chargé du rapport relatif à la coopération dans le domaine de la prévention et de la lutte contre le trafic de stupéfiants et le blanchiment d’argent dans la Caraïbe. Ce rapport a contribué aux décisions prises depuis. Le 10 mai 2005, j’interpellais ici même le Premier ministre sur l’escalade inquiétante du trafic d’armes à feu et du nombre d’armes trafiquées, qui alimente une violence d’une ampleur exceptionnelle.
À ce jour, la situation reste critique.
Monsieur le ministre, je n’attends pas de miracles, car il s’agit là d’une tâche de longue haleine, qu’il faudra poursuivre sans relâche et qui requiert une prospection de tous les possibles, dont le but final est de retrouver l’homme.
Ce serait là, dans toute sa beauté, une vraie culture du résultat. (Applaudissements sur divers bancs.)
Mon propos se bornera au rôle dévolu au maire, enfin confirmé légalement comme le pivot de la politique de prévention. Ce texte a en effet le grand mérite de clarifier le rôle des maires, clarification d’autant plus nécessaire qu’ils sont en effet, depuis longtemps, en première ligne sur ce sujet.
J’insisterai donc sur la fonction de pilote dévolue au maire – à lui, et non, je le précise, au président de l’intercommunalité –, fonction qui est fondamentale pour une politique efficace de prévention.
Ainsi ont été créés, en 2002, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Vous souhaitez aujourd’hui les renforcer en les rendant obligatoires dans les plus grosses communes, et je souscris à cette proposition. Ces conseils ont permis de nouer entre le maire, la justice, l’enseignement, la police, des liens qui préfigurent une dimension nouvelle contre la violence et l’insécurité.
Le maire est devenu un acteur essentiel d’une politique globale, tant les contrats constituent au plan local l’instrument privilégié de développement des actions de prévention et de sécurité. Il convient, monsieur le ministre, que vous lui donniez les moyens d’action nécessaires à la mise en place de ces nouvelles responsabilités. Mes collègues qui sont maires, et moi-même lorsque je l’ai été, avons eu à déplorer souvent le manque de moyens concrets mis à notre disposition, pas seulement au niveau financier mais aussi pour exercer notre rôle et nos pouvoirs vis-à-vis des autres collectivités territoriales. Tel est l’objet de quelques amendements que j’ai déposé, notamment avec mon collègue Serge Grouard, amendements élaborés en concertation avec l’association des maires des grandes villes de France. Puissiez-vous leur réserver un accueil favorable.
En tout premier lieu, le maire étant le pivot des actions de prévention, il semble préférable de transformer l’obligation prévue dans le texte en matière d’intercommunalité en une libre discipline de l’établissement public de coopération, un libre choix.
Deuxièmement, il est essentiel aussi de renforcer et de clarifier le partenariat entre la commune et le conseil général en déterminant le rôle de chacun. Dans la mesure où le maire se voit transférer les compétences de prévention, il doit avoir à sa disposition l’ensemble des moyens pour rétablir ses prérogatives le plus efficacement possible.
Je pense également que le maire doit pouvoir assurer ce rôle de pivot que lui confère le texte en recevant des informations précises et préalables, certes de l’autorité judiciaire, mais également de l’académie pour mettre en œuvre l’accompagnement social des jeunes en rupture ou qui pourraient le devenir.
Sur le plan technique, notamment s’agissant des systèmes de vidéo-surveillance, qui ont fait leurs preuves, il faut pallier le manque de moyens financiers et juridiques. Il me paraît indispensable de mettre en place une procédure d’autorisation rapide pour pouvoir le plus efficacement possible installer ou étendre des systèmes de vidéo-surveillance.
Je conclurai, monsieur le ministre, sur un problème qui me tient à cœur, et nombreux sont mes collègues qui m’ont suivi sur ce terrain en co-signant une proposition de loi que j’avais déposée au printemps dernier : il s’agit des violences urbaines commises en bandes organisées, lors d’événements qui ont malheureusement tendance à se répéter.
Il ne faut pas confondre les jeunes en général et les délinquants. Une très faible minorité sont délinquants. Or nos concitoyens ne supportent plus de voir ces délinquants, j’emploie bien ce mot, casser, agresser, brûler, maltraiter d’autres personnes, sans risques, pour beaucoup d’entre eux, d’être poursuivis puisque chacun des individus composant le groupe ne peut être tenu pour responsable des violences commises par un ou plusieurs autres membres de cette bande organisée. Cela relève du principe législatif de la responsabilité du fait personnel. Il convient de mettre en œuvre une responsabilité collective.
Il faut commencer par une prévention qui s’oppose aux causes du mal avant de s’attaquer au mal lui-même. Néanmoins cette prévention doit inévitablement s’accompagner d’une politique fermement dissuasive, qui elle-même sera la première des préventions contre la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Les violences urbaines et la délinquance, c’est le problème de tout le monde, que ce soit à gauche ou à droite ; c’est également celui, qu’on le veuille ou non, des journalistes, qui doivent, eux aussi, prendre leurs responsabilités. Les députés, les maires, les enseignants, ne peuvent pas tout faire. Il est bien évident que, ces dernières semaines, on a vu que la surmédiatisation de ce qui s’était passé avait eu des conséquences tout à fait dramatiques. À cet égard je tiens à rendre hommage à nos policiers, à nos sapeurs-pompiers, qui travaillent dans des conditions de plus en plus difficiles. Ils se font agresser, caillasser, insulter. On ne sait plus si ces policiers sont en sécurité lorsqu’ils habitent dans certains quartiers, parce que leur adresse est repérée et que leurs familles sont souvent molestées.
Il faut que la justice prenne, elle aussi, sa part de responsabilité. Le droit est fait pour être appliqué, et lorsqu’un parlementaire vote une loi, on demande à celles et à ceux chargés de la faire appliquer qu’ils ne l’interprètent pas, mais qu’ils l’appliquent dans l’esprit dans lequel elle a été votée.
On parle beaucoup de prévention ou de répression. Même si on ne m’écoute plus sur les bancs de gauche, à cette heure avancée de la nuit (« Si ! Si » sur les bancs du groupe socialiste), j’ai écouté quant à moi un certain nombre d’arguments : si on explique à un automobiliste qu’il faut rouler prudemment, mais que, s’il franchit la ligne blanche ou brûle un stop, ce n’est pas grave, il pourra continuer ; alors on fera peu pour la sécurité routière ; il faut au contraire lui expliquer qu’il doit respecter certaines règles. De même, un jeune a aussi besoin de comprendre qu’il doit respecter certaines règles de vie.
Que n’a-t-on pas dit sur le rôle des maires ? Je suis maire depuis 1983, et je n’ai jamais eu vocation à me transformer en shérif. Je me vois difficilement ainsi. Cependant nous savons tous que, lorsqu’il y a un problème dans la ville, ce n’est pas le préfet ou le procureur que l’on va voir, mais le maire.
On a aussi beaucoup parlé des éducateurs et des travailleurs sociaux. Je n’ai rien contre eux. Je considère simplement qu’il est normal qu’ils rendent des comptes.
Quant au conseil général, je trouve qu’il est un peu éloigné de tout ce dont nous parlons. Bien sûr, tout dépend de la taille des départements, mais lorsqu’on est élu d’un département comme le mien, qui représente 50 % du territoire de la région Île-de-France, on voit que la plupart des conseillers généraux sont tout de même bien étrangers aux problèmes qui se posent dans nos cités. J’ai la faiblesse de penser que le président de l’EPCI en est beaucoup plus proche.
Enfin, il faut bien sûr réformer l’ordonnance de 1945 : nous ne sommes plus en 1945, mais en 2006.
Il faut aussi responsabiliser les parents. Le système d’allocations familiales à points que j’avais préconisé il y a quelques années n’est pas complètement stupide. S’il était en place aujourd’hui, il réglerait manifestement bien des problèmes.
Je conclurai sur la rénovation urbaine.
Le Gouvernement a eu le courage de mettre en place une politique amitieuse en ce domaine. Il est indéniable que, grâce aux projets de rénovation urbaine, on va régler bien des problèmes.
Monsieur le ministre, je voterai avec plaisir ce projet de loi que vous défendez devant l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Si l'on note une baisse de l'insécurité, la population n'en ressent pas les effets car les faits de délinquance sont devenus de plus en plus violents, de plus en plus cruels, certains, pendant longtemps, ayant laissé faire, par laxisme, voire par angélisme : vols avec violence, violences sexuelles, embuscades, braquages, ponctuent régulièrement la vie de nos compatriotes.
Au-delà de ce constat, l’État de droit doit prendre le pas sur l’État de non-droit. Il importe que les atteintes aux biens, les atteintes aux personnes, soient rapidement maîtrisées. Pour les prévenir de façon efficace, vous mettez l'élu local, particulièrement le maire, au cœur de l'action d'où : premièrement, l'importance du droit à l'information ; deuxièmement, l’importance de la coordination entre les différents acteurs de la prévention : famille, acteurs sociaux et médicaux, police, gendarmerie, justice. C'est dire que votre projet de loi a le mérite de tenir compte des réalités actuelles de la délinquance, qui touche de plein fouet une grande partie de notre jeunesse.
Par conséquent, en tant qu’élus responsables et pragmatiques, nous avons le devoir de faire évoluer les dispositifs législatifs afin d’apporter une réponse adaptée, et attendue par une très large majorité de notre population.
Toutefois, monsieur le ministre, je veux appeler votre attention sur ma région, la Guadeloupe, où l'alcool et la drogue font de plus en plus de ravages dans notre jeunesse. Face à une telle situation, l'action des associations, des élus locaux, s'avère particulièrement difficile et limitée. Je rejoins à cet égard les propos tenus ce soir par notre collègue, président du conseil régional de la Martinique, qui vient de décrire ce qui se passe dans sa région, à cause des armes, de la drogue, et aussi de l’alcool. Il faut en effet noter que, en dépit de l'existence de quelques structures d'accueil des jeunes en difficultés, il nous faudrait plus de moyens ciblés sur la prévention, en particulier un centre de désintoxication pour accompagner ceux qui, sous l'effet de la drogue, commettent des actes répréhensibles alors que, actuellement
Ils sont dirigés d’office en psychiatrie bien qu’ils ne relèvent ni de la psychiatrie ni de la prison. Il faudrait aussi un centre de réinsertion, sur le modèle du centre Saint-Jean-Bosco, aujourd’hui fermé mais qui, en son temps, a permis à nombre de nos jeunes de se reconstruire, de se réinsérer.
Monsieur le ministre, une fois de plus, cette législature est marquée par des actes forts de courage, d’engagement et de responsabilité que tout élu se doit de soutenir. C’est pourquoi je voterai votre projet. Je suis maire d’une commune qui connaît beaucoup d’actes de délinquance et dont la population est en émoi. Les jeunes y ont dégradé des maisons de quartier, si bien que les adultes ne veulent plus s’occuper de leur jeunesse. Cependant, comme je le leur ai dit, s’ils renoncent à parler à ces jeunes, tôt ou tard, ils ne pourront plus sortir de chez eux, ni le soir ni le jour, car ils auront laissé le champ libre aux délinquants et aux drogués. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le premier est d’exister : c’est en effet la première fois qu’un gouvernement traite dans un texte unique les aspects les plus divers de la prévention ; et il le fait en fixant non pas des orientations générales, mais des mesures concrètes. La prévention quitte enfin le domaine de l’incantation pour entrer dans celui de l’action.
Le deuxième mérite de la loi est de faire preuve de réalisme. C’est parce que les effets de l’onde de choc de la folie libertaire de mai 1968 ne sont pas encore éteints que nous devons traiter, aujourd’hui encore, la disparition des repères, l’ignorance des règles de la vie en société, le mépris pour la loi et, parfois, l’aversion pour ceux qui l’incarnent.
Prenant en compte l’ensemble de ces éléments, ce texte veut traiter à la fois de l’action sociale et du rappel à la loi.
Pour prévenir la délinquance, l’action sociale est évidemment nécessaire. Elle a tout son sens lorsqu’une dérive est constatée, mais qu’aucun acte de délinquance n’a été commis. Président du conseil général de mon département, je tiens à saluer l’action préventive des travailleurs sociaux. Néanmoins je mesure aussi que, dans les cas les plus difficiles, aucun travailleur social ne peut agir isolément et que seul un réseau peut être efficace. Le réseau, il faut l’animer et le coordonner. Confier cette responsabilité au maire, élu de proximité par excellence, relève du simple bon sens. La solution préconisée par le Gouvernement est la bonne et les précautions prises par le Sénat pour préserver le secret professionnel sont, à mes yeux, tout à fait pertinentes.
Toutefois, si l’action sociale a toute sa place avant qu’un acte de délinquance ait été commis, le rappel à la loi s’impose dès lors qu’une infraction est constatée. Or ce rappel n’est crédible que si la sanction légale est alors appliquée avec toute la rigueur nécessaire. C’est à ce prix que se construisent les repères sans lesquels aucune vie sociale n’est possible.
Certains prétendent que cette fermeté est liberticide. Je n’en crois rien. Ce qui serait liberticide, ce serait au contraire de laisser la délinquance s’installer et le mimétisme de la violence se généraliser. Chacun sait où conduirait ce processus. À terme, on trouverait face à face les caïds d’un côté et l’autodéfense de l’autre.
La vraie question que l’on doit se poser face à ce texte, ce n’est pas de savoir s’il va trop loin, mais au contraire s’il va assez loin. Je veux à ce stade, monsieur le ministre, évoquer la question des peines minimales en cas de récidive. C’est un sujet qui divise, parce qu’il passionne. Raison de plus pour le traiter aussi objectivement et aussi sereinement que possible. Or il n’y a rien de plus objectif que les chiffres. J’en citerai trois : 17 % des délinquants récidivent après une première condamnation, mais ils sont 63 % à récidiver après une deuxième condamnation et, dans nos prisons, 71 % des détenus avaient déjà été condamnés à des peines de prison − ferme ou avec sursis − ou à des travaux d’intérêt général.
Les pays comparables à la France connaissent des situations voisines, mais ils ont réagi plus vite que nous. La plupart d’entre eux, même ceux où la tradition juridique est, comme en France, celle de la liberté d’appréciation du juge dans la détermination de la peine, ont progressivement instauré des peines minimales. C’est le cas des pays anglo-saxons : au Canada, depuis 1977, des peines minimales sont appliquées pour une quarantaine d’infractions ; en Angleterre, la majorité travailliste a fait de même en 1997 en réservant toutefois les peines minimales obligatoires aux cas de récidive.
Les pays anglo-saxons ne sont pas seuls à s’engager dans cette voie. Chez la plupart de nos voisins d’Europe continentale, notamment en Allemagne, en Italie, en Espagne, le code pénal associe à la plupart des infractions une peine minimale et une peine maximale. Que je sache, le Canada, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ne sont pas moins attachés que nous au respect des libertés, à l’indépendance des juges et à la dignité de l’homme.
On fait souvent valoir que l’enjeu de la peine minimale, c’est la liberté du juge. Cela est faux, puisque le juge peut toujours décider de ne pas sanctionner. L’enjeu de la peine minimale est en réalité d’une toute autre nature : c’est d’éviter une récidive, c’est-à-dire de protéger tout à la fois la victime contre son agresseur et le délinquant contre lui-même.
C’est pour cela que nous avons déposé, avec Claude Goasguen, un amendement dont l’objet est d’appliquer une peine minimale lorsque l’infraction sanctionnée constitue une atteinte à la vie ou à l’intégrité de la personne, et qu’il s’agit d’une récidive.
Lorsque, avant de passer à l’acte, un récidiviste saura exactement à quelle sanction minimale il s’expose, lorsqu’il aura mesuré qu’aucune circonstance atténuante ne pourra l’en exonérer, les règles de la vie collective seront alors parfaitement claires. Nul ne pourra être puni par surprise. J’ai pour ma part la conviction que c’est à ce prix que le sentiment d’impunité pourra être éradiqué. Et c’est lorsque le sentiment d’impunité aura disparu que la prévention pourra atteindre sa réelle efficacité. Ce débat mérite, je crois, d’être abordé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Évoquons d’abord les chiffres, sujet délicat, car ils sont souvent incomplets et soumis à de multiples interprétations. Depuis quatre ans, le ministre de l’intérieur trompe nos concitoyens par une présentation subjective de chiffres statistiquement justes, mais politiquement fallacieux.
Ainsi, le dernier communiqué de presse du ministère, daté du 13 novembre 2006 et intitulé Évolution de l’activité des services de la police et de la gendarmerie nationales en octobre 2006, ne donne nullement le détail des chiffres de la délinquance. Ceux qu’il cite ne reflètent que la « proactivité des services », c’est-à-dire les contrôles effectués tous azimuts par les forces de sécurité, sur ordre du ministre, sans permettre aucune analyse de l’évolution de la délinquance dans notre pays.
Ce communiqué énonce par exemple que les « infractions révélées à l’initiative des services » ont augmenté de 16,39 % en un an. Mais de quoi s’agit-il ? Ce sont essentiellement des infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les étrangers représentant, à elles deux, 74 % des mis en cause selon l’observatoire national de la délinquance. C’est une manière simple de faire augmenter artificiellement, par des contrôles faciles, le taux de mises en cause et le taux d’élucidation. Ainsi, le ministre de l’intérieur croit qu’il agit quand il se contente de stigmatiser publiquement les jeunes et les étrangers, les montrant du doigt comme coupables de facto des faits de délinquance.
Le temps est venu de dire la vérité sur les chiffres. Pourquoi le ministre de l’intérieur ne dit-il pas que seuls 11,2 % des mis en cause pour ces infractions sont des mineurs, chiffre en diminution de 7,3 % en 2006 ?
Pourquoi le ministre de l’intérieur ne dit-il pas haut et fort que la part des étrangers mis en cause pour ces infractions se situe seulement à 13 % et est stable depuis quatre ans ?
Pourquoi le ministre de l’intérieur ne dit-il pas à nos concitoyens que, au cours de ces douze derniers mois, si les atteintes aux biens ont diminué de 2,2 %, on enregistre un accroissement de 5,6 % des vols avec violence, de 6,6 % des atteintes volontaires à l’intégrité physique et de 5,8 % des escroqueries et infractions à caractère économique et financier ?
M. le ministre de l’intérieur, absent, devrait se souvenir de ses déclarations de février 2006 : « Cacher les choses ne mène à rien et faire mine de dissimuler la réalité des faits conduit, au bout du compte, à l’immobilisme et à l’inaction. ». Ces propos sont aujourd’hui un commentaire de son bilan.
Nous le savons tous, les évolutions de la criminalité et de la délinquance se mesurent par les plaintes enregistrées auprès des services de sécurité, mais elles ne sauraient refléter, malheureusement, la réalité des actes de délinquance que subissent nos concitoyens. En effet, la peur des représailles et le sentiment d’impunité, d’insécurité et d’inefficacité des plaintes amènent bon nombre de nos concitoyens à se taire.
C’est pourquoi des enquêtes nationales de victimation sont conduites par l’observatoire national de la délinquance et par le forum français pour la sécurité urbaine qui regroupe 140 collectivités locales de gauche comme de droite. Ce dernier, dont je suis administrateur, m’a confié le pilotage national de ces enquêtes qui permettent de mesurer le chiffre noir de la délinquance, c’est-à-dire le nombre de faits de délinquance que subissent réellement nos concitoyens, mais dont certains ne font l’objet d’aucun renvoi, d’aucune plainte aux services de sécurité.
Ces enquêtes constituent une approche complémentaire des statistiques policières de la délinquance. Elles permettent surtout d’élargir le traitement de l’insécurité, de ne plus y accéder seulement à travers la porte de l’auteur des faits, mais également par celle de la victime. Elles cherchent à décrire les rapports entre les victimes et les services de police et de gendarmerie, à situer certaines atteintes aux personnes et aux biens dans leur contexte, à mesurer les conséquences de la victimation dans la vie quotidienne, à évaluer le sentiment d’insécurité et, enfin, à connaître plus précisément les motivations du non-recours aux institutions.
Ces enquêtes de victimation révèlent, par exemple, que, si le taux de plaintes pour cambriolages est de 77 %, il n’est que de 30 % pour les agressions et se situe à moins de 20 % pour les victimes d’agressions sexuelles. Ces quelques chiffres nous montrent l’ampleur des défis que nous devons relever et le chemin qu’il nous reste à parcourir pour briser la loi du silence.
Plus encore, quand nous questionnons les victimes sur les raisons pour lesquelles elles ont ou n’ont pas déclaré l’agression auprès des services de sécurité, nous apprenons que seules 20 % déclarent une agression « parce qu’il faut le faire ». Les autres le font pour « punir les coupables » ou pour « éviter que ça se reproduise ». C’est bien la preuve que, comme nous, comme moi, s’ils souhaitent la punition des coupables, nos concitoyens s’inscrivent davantage dans une logique de prévention que dans une logique de répression. Les raisons qu’évoquent nos concitoyens révèlent bel et bien l’écart entre un discours politico-médiatique sur l’insécurité et l’insécurité elle-même telle qu’elle est perçue par ceux qui la vivent au quotidien.
Par ailleurs, si 11,2 % des actes de délinquance sont commis par des mineurs, ces enquêtes nous révèlent que 12,7 % des mineurs sont victimes d’actes de violences physiques et que c’est la tranche d’âge la plus victimisée. C’est donc bien une politique de prévention et de protection des mineurs qui doit être menée, et non cette politique aveugle de répression que vous nous proposez avec ce texte.
Face à ces constats, le Gouvernement est resté sourd depuis quatre ans. La seule réponse du ministre de l’intérieur à ces cris d’alerte et, parfois, de désespoir, a été de stigmatiser les jeunes vivant dans les quartiers sensibles, en les qualifiant de « racailles » et en déclenchant des opérations policières médiatisées de « nettoyage au Kärcher ». (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le bilan de ces opérations s’est traduit par une hausse de 9 % des violences policières. La population est apeurée par ces actions coups-de-poing pendant que les véritables délinquants continuent à incendier les voitures, les bus et à agresser policiers et sapeurs-pompiers.
Oui, ce texte est hors sujet parce qu’il n’est qu’un fourre-tout répressif propulsant le maire, ainsi que cela découle des articles 5 à 9, contrôleur général en chef des actions sociales, sanitaires et éducatives menées auprès de ses concitoyens. Il est hors sujet parce qu’il fait l'amalgame entre populations défavorisées et populations à risque, comme s'il y avait obligatoirement – voyez à cet égard les articles 12 ter et 44 – un lien de cause à effet entre l’exclusion sociale et les actes de délinquance.
Lorsqu’à Villeurbanne – ville que vous avez visitée récemment – j'étais adjoint au maire, chargé de la prévention et de la sécurité, j'attendais que vous nous présentiez un projet global et clair sur la prévention de la délinquance. Or le projet de loi que nous étudions ne répond en rien aux attentes des élus locaux. Celui que j’appelle de mes vœux devrait, selon moi, reposer sur deux axes.
Le premier, que je qualifierais de prévention réactive, consisterait à condamner les délinquants proportionnellement aux actes commis ; à améliorer encore le taux de réponse pénale, qui est de 75 % pour l'ensemble des affaires poursuivables et de 82 % pour le parquet des mineurs ; à améliorer l'effectivité de la peine et, enfin, à définir un véritable programme de réinsertion sociale.
Le second axe, que j’appellerais la prévention proactive, aurait pour objectif d'empêcher le passage à l'acte. Exigeant un travail de fond, car il appelle des mesures de prévention situationnelle, technique et technologique, il repose sur un accompagnement à la socialisation des jeunes comme des adultes, qu’ils soient auteurs ou victimes. La Grande-Bretagne, par exemple, mène depuis 2003 un programme d'inclusion des jeunes, l'objectif étant qu'au moins 75 % des jeunes ciblés comme ayant un comportement déviant bénéficient d’au moins cinq heures par semaine de l'intervention d'un professionnel.
Mauvaise définition du sujet « prévention », analyse volontairement tronquée des données, réponses confuses et hors sujet, dans le seul but de justifier auprès des Françaises et des Français une politique et des propos toujours plus répressifs du ministre de l’intérieur : votre copie n'est donc pas recevable en l'état, parce que prévenir, ce n'est pas surveiller ; prévenir, ce n'est pas punir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Des moyens conséquents ont été consentis, tant pour le recrutement d’effectifs, compensant la baisse tragique due aux trente-cinq heures, que pour le matériel, donnant ainsi aux forces de l’ordre une nouvelle motivation et une efficacité remarquable ; la plupart du temps aujourd’hui, lorsqu’un acte criminel se produit, ne retrouve-t-on pas dans les meilleurs délais ses auteurs, alors qu’hier le cas était fort rare ?
Cette réussite est à mettre au crédit du ministre de l’intérieur, dont il faut saluer le courage, car il ne se contente pas d’indiquer les objectifs à atteindre : il se donne les moyens d’y parvenir tout en rendant public les résultats obtenus. Aujourd’hui, les faits sont là : non seulement la délinquance ne progresse plus, mais elle recule, même s’il faudra du temps pour aboutir à des résultats plus amples. Toutefois, la délinquance des mineurs reste préoccupante, ce qui n’est pas satisfaisant. Aussi un texte était-il nécessaire pour parachever le travail législatif afin d’obtenir, dans ce domaine également, des résultats concrets.
Pourtant, quelle que soit la qualité des textes que nous aurons votés, il va de soi qu’ils n’ont de sens que s’ils sont appliqués tant à la lettre que dans l’esprit. Or on ne peut que douter d’une telle application à voir des syndicats de magistrats attaquer les lois votées par le Parlement pour les faire invalider.
L’intérêt majeur de ce texte est de reconnaître aux maires le rôle important qui est le leur. Au moment où se réunit le congrès des maires de France, cela a valeur de symbole.
Loin d’en faire des shérifs, comme le prétend une gauche qui s’enthousiasme pour sa candidate, qui n’a d’ailleurs rien trouvé de mieux que de militariser les centres éducatifs pour adolescents, il les consacre comme des sages de la République, chefs de la famille citoyenne de leur commune. Certes, la plupart du temps, les maires jouent déjà, de fait, un rôle d’animateur et de coordonnateur entre les différents partenaires concernés. Désormais, ce rôle sera consacré par la loi, ce qui leur procurera une meilleure protection tout en leur permettant de bénéficier des informations nécessaires à la prévention. Comment pourrait-on s’en offusquer alors que les maires sont officiers de police judiciaire et que ce sont souvent eux qui, du fait de leur connaissance des réalités de leur commune et de leur proximité avec les habitants, fournissent les informations aux autres intervenants ?
J’en viens à un problème qui, sauf dans certains quartiers, peut paraître marginal, celui des chiens dangereux. Il ne fait en effet l’objet d’aucun volet éducatif donc préventif dans le texte, qui m’apparaît de ce fait trop répressif voire uniquement répressif sur ce point. Si l’animal est dangereux, c’est que son propriétaire l’est déjà, volontairement ou inconsciemment.
En conclusion, nous soutiendrons ce texte, parce que c’est ce qu’attendent les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce dernier consacre donc le maire comme animateur et coordonnateur de la politique de prévention de la délinquance. Ceux qui, comme moi, assument cette éminente fonction ne me démentiront pas : c’est vers nous que, naturellement, se tournent nos concitoyens lorsqu’un trouble survient dans la commune.
Que n’avons-nous d’ailleurs entendu à ce propos, y compris ici ! Pourquoi tant de réactions épidermiques à propos des maires, mes chers collègues, alors que la majorité d’entre nous, me semble-t-il, assume cette fonction ?
On dit également, monsieur le ministre, que vous chercheriez à opposer maires et présidents de conseil général. D’aucuns parlent même de transferts de compétences. Il n’en est évidemment rien, et vous le savez bien, mes chers collègues : le partenariat entre les communes et les départements existe de fait depuis longtemps ; il évolue, c’est tout. Enfin, à ceux des détracteurs du projet de loi qui cherchent à opposer le maire et son conseil communal d’action sociale, faut-il rappeler que c’est le maire qui préside ce dernier ?
Le maire a aussi un rôle à jouer avec tous les partenaires impliqués dans le traitement de l’absentéisme scolaire et, en cas de nécessité, dans la suppression des allocations familiales ; je pourrais à cet égard, en ma qualité de maire et donc de pédagogue, vous citer de nombreux exemples.
S’agissant du partage des informations entre le maire, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé et les intervenants des autres services publics, il est nécessaire de clarifier les choses.
Nombre de bonnes initiatives, isolées, sont lancées sur le terrain sans toujours porter de fruits, faute de mise en commun. Le maire pourra désormais, en cas de pluralité d’interventions, nommer, après concertation, un coordonnateur : où est le drame ? La communication entre les différents acteurs intervenant sur le terrain n’est-elle pas essentielle ? Je sais que les travailleurs sociaux, dont je tiens à saluer le travail effectué au quotidien, sont réservés voire hostiles s’agissant du partage avec les maires des informations qu’ils détiennent. Il paraît qu’on les transforme en délateurs. Soyons sérieux ! On ne va pas, pour les faire parler, les soumettre à la question ! Il s’agit simplement d’éviter des situations dramatiques, comme celle que j’ai eue à connaître dans ma circonscription et que M. le ministre d’État a rappelée au Sénat : qui ne se souvient de ce garçon de neuf ans du quartier difficile de Hautepierre, à Strasbourg, mort des suites des mauvais traitements que lui infligeait sa famille, alors même que plusieurs travailleurs sociaux, de différents services, avaient connaissance de la situation ? Une mise en commun de leurs informations aurait pourtant pu éviter ce drame.
Enfin, ce texte répond à l’évolution de la délinquance des mineurs qui, on a pu le constater au fil des ans, a, d'une part, augmenté de 80 % en dix ans et, d'autre part, changé de nature en se diversifiant. Il était donc essentiel de modifier l’ordonnance de 1945 qui n’était plus adaptée aux réalités actuelles, faute de répondre de manière adéquate et graduée aux premières manifestations d’un comportement délictueux de jeunes, qu’il s’agisse du trafic de drogue ou encore du marché souterrain.
Il est nécessaire d'adapter la sanction à la gravité des actes commis par des mineurs. Comment oublier le drame vécu par Mama Galledou, cette jeune femme grièvement brûlée dans l’incendie criminel d’un bus, à Marseille, il y a quelques semaines ?
Notre mission collective est, au fond, de mettre en commun nos compétences afin de permettre à nos concitoyens de vivre sereinement et, pour ce qui nous concerne, de rattraper tous les gamins qui, pour une raison ou une autre, restent au bord du chemin. Oui, la prévention est notre mission fondamentale, et le maire, par sa proximité du terrain, est un acteur majeur d’un partenariat qui se doit d’être efficace et de fonctionner dans un climat de confiance et de sérénité.
Cependant, lorsque toutes les mesures de prévention ont échoué, la répression devient nécessaire, pour protéger la société des auteurs de faits de délinquance. L’émergence de cette nouvelle délinquance appelait des réponses. Monsieur le ministre, votre projet de loi permettra, j’en suis sûr, de les apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Si certains de mes élèves ont fini en prison ou dans la rubrique des faits divers, j’ai retrouvé 70 % d’entre eux dans la vie dite normale, dans tous les secteurs et à tous les échelons de la société. Je suis donc, par expérience, totalement convaincue du besoin de responsabilisation des jeunes, donc de la nécessité de la prévention mais également de la sanction.
Les ados non responsabilisés arrivent, par escalade personnelle, à se construire, à se former contre les parents, contre les directives de la société et si cela semble leur réussir sans conséquences pour eux-mêmes, aucune limite ne leur paraîtra exister.
Néanmoins tout acte à un prix. Nous acceptons et favorisons les prix valorisants, diplômes, médailles, progression sociale. Acceptons le prix de la transgression. Vivre en société et cela dès trois ans, à la crèche, à la maternelle, nécessite une connaissance et une acceptation des règles et des conséquences de leur transgression. Jamais un élève ne m'en a voulu de s’entendre dire que, au-delà de telle limite, son ticket n'est plus valable et de s’en voir appliqué les conséquences.
Par ailleurs, la prévention doit correspondre à l'obligation des devoirs des mineurs, donc des parents. L'obligation de la scolarité doit mener au contrôle et aux sanctions envers les parents. Sans les connaissances scolaires minimales, aucune chance n'existe, que l’on parle ensuite de prévention ou de sanction.
Je veux insister sur l'intervention des maires introduite par ce texte.
Je suis peut-être hors la loi, mais j’interviens déjà, car, connaissant parfaitement les causes des dérapages, je peux justement agir, grâce à l'articulation des services de proximité, dans le domaine de la prévention ou pour que la sanction soit adaptée : réparation des dégâts en cas de tags, contrôle des lieux interdits aux mineurs, rencontre avec les éventuels acteurs de l'environnement social. D'ailleurs, la présence des élus dans les conseils d'administration des établissements scolaires, obligatoire d’après les textes, signifie autre chose, j’espère, que le simple suivi matériel des équipements.
Je veux également évoquer les centres fermés.
Le terme est plus dur que ne l'est le principe. Croire, comme cela s’est produit, que placer ces jeunes sur un navire qui fait le tour du monde est un moyen de leur apprendre la réalité du quotidien est une belle idée, une belle expérience mais ce ne peut être une solution : d’une part cela ne peut concerner que quelques cas ; d'autre part, le retour à la vie citadine, avec des transports moins exotiques et un travail plus astreignant peut-être, s’accompagne d’une déception encore plus traumatisante que si on les avait laissés dans leur quotidien sordide.
La prison traditionnelle non, mais la liberté totale, facteur de récidive, ou un faux environnement idyllique non plus.
L'internat n'a jamais été un bagne, même s’il doit être adapté à des mineurs en danger pour eux et pour les autres. Et puis ne soyons pas misérabilistes, toute la délinquance des jeunes ne vient pas des quartiers ou des banlieues. Nous avons trop lu les textes d’Eugène Sue, de Victor Hugo, d’Émile Zola. (Sourires.)
La loi est la même pour tous les jeunes délinquants et les habitants de ces quartiers que nous traumatisons parfois ont droit à une vie normale.
La récidive en revanche est intolérable. Si un individu mineur ou majeur n'a pas le sens de la responsabilité, il doit être mis en demeure de payer les préjudices qu'il occasionne volontairement car, quand il réitère un acte, il ne peut plus ignorer qu'il est malfaisant. Je suis désolée pour ceux qui croient que la société n'est faite que pour amnistier ou laisser agir les individus qui refusent de saisir une première chance.
Des élus de gauche souhaitaient le permis de conduire et le droit de vote à seize ans. On ne peut affirmer la maturité pour certains actes – la conduite peut engendrer la mort – et considérer l'innocence pour d'autres actes pouvant entraîner la mort, comme les incendies de bus.
Je maintiens que la scolarité obligatoire et contrôlée, l'éducation concertée, la formation et le travail sont les vraies solutions et que les mineurs doivent relever de certaines attitudes responsables, par l’intermédiaire de la prévention ou de sanctions adaptées, et non d'un laxisme démagogique.
Je terminerai par là ou j'ai commencé.
Mes élèves habitaient Perpignan, d’où de tristes échos vous sont parvenus l’année dernière. Je ne leur ai jamais fait de concessions et je sais, car je les rencontre souvent, qu'ils ne regrettent pas l'obligation qu'ils ont eue de reconnaître et d'accepter les règles du jeu.
Je vous livre un dernier exemple d’intervention en tant que maire.
Je convoque, depuis déjà longtemps, les mineurs et leurs parents…
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :
Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;
Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 22 novembre 2006, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton