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(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
J’ai sous les yeux une dépêche qui nous avise que la justice française s’apprête à vivre un vendredi immobile, ce qui ne doit pas vous laisser indifférent, monsieur le garde des sceaux !
L’article 4 consacre explicitement dans la loi le rôle du ministère public en matière de prévention de la délinquance. Cette disposition nous paraît inutile et doublement inopportune, puisqu’elle confond prévention de la délinquance et prévention de la récidive. Il est vrai que le traitement des plaintes et des procès-verbaux individuels constitue l’axe majeur de ses missions. Le procureur de la République est également chargé d’appliquer la politique pénale définie par le Gouvernement et, plus généralement, d’apporter sa contribution aux politiques publiques définies par ailleurs.
Dans le cadre de cette politique globale, le projet de loi ajoute une composante supplémentaire, la prévention de la délinquance, mission que le procureur ne peut remplir puisqu’il est démuni de moyens d’action, excepté, bien évidemment, son appréciation de l’opportunité des poursuites. Avant la commission de l’infraction, le parquet n’a jamais vocation à être saisi. La simple intention n’est pas, en principe, punissable. Elle doit être suivie d’un passage à l’acte. Il ne paraît donc pas pertinent d’élargir les missions du procureur de la République en vertu des principes d’interprétation stricte de la loi pénale et de l’égalité des délits et des peines, qui confient à l’autorité judiciaire l’application de la loi pénale et éventuellement de la prévention de la récidive, mais en aucun cas de la prévention de la délinquance.
En outre, s’il n’apparaît pas comme un acteur de premier plan en matière de prévention de la délinquance, le procureur reste un acteur utile dans la mesure où il dispose d’un certain nombre de pouvoirs exercés individuellement – rappel à l’ordre, médiation pénale avec l’accord de la victime –, tous fondés sur son droit d’appréciation de l’opportunité des poursuites. C’est à ce titre qu’il signe des contrats locaux de sécurité ; par conséquent, il est inutile que le texte prévoie la possibilité pour le procureur de signer des conventions avec les autres acteurs puisque cela se fait déjà dans de nombreux ressorts, dans le cadre de la coproduction de la sécurité, qui est une réalité depuis près de dix ans.
Le projet de loi est bavard, monsieur le garde des sceaux !
Le procureur de la République dispose surtout d’informations uniques, qu’il est le seul à pouvoir partager avec ses interlocuteurs. Cet article permettra donc, comme nous le souhaitons, de coordonner la politique de prévention de la délinquance. C’est le procureur qui connaît précisément l’évolution des chiffres de la délinquance et le traitement des différents types de poursuites, puisque c’est sa politique pénale qui sera ensuite appliquée. La prévention, monsieur Blazy, ne s’applique pas qu’aux primo- délinquants, mais aussi à des personnes déjà connues des services de la justice. Grâce aux informations que fournira le procureur, nous pourrons intervenir et aider des familles, alors même que des actes ont déjà été commis.
Le procureur est, en conséquence, le bienvenu dans ce dispositif dans la mesure où il peut expliquer les conditions qui favorisent le développement de la délinquance et de la primo-délinquance. De par ses connaissances, il sera un des maillons de la chaîne et jouera un rôle pour prévenir la délinquance ou coproduire de la sécurité, comme vous aimez à le dire. Sa présence ne sera pas négligeable, lorsqu’il s’agira de créer un environnement autour d’un quartier, d’une famille, d’un individu ou parfois d’un groupe d’individus en détresse. Si le procureur de la République n’était pas là, les maires, entre autres, qui sont au centre de ce projet de loi, seraient privés d’informations.
L’Association des maires de France avait d’ailleurs elle-même établi un lien avec le ministère de la justice il y a deux ou trois ans en demandant qu’il y ait des contacts réguliers entre le procureur de la République et les maires, à leur demande. Cela s’est d’ailleurs décliné dans de nombreux départements, dont le mien. Un texte commun avait été envoyé aux maires en les encourageant à établir des contacts avec le procureur de la République lorsque c’était nécessaire.
Nous ne voyons pas dans cet article un élément gênant pour l’exercice de la fonction de maire, et je préfère pour ma part qu’un maire prenne le téléphone et s’adresse au procureur de la République plutôt que de jouer lui-même au shérif. Voilà pourquoi nous n’en demandons pas la suppression.
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le défendre.
Si nous présentons un amendement de suppression, c’est simplement parce que cette disposition est inutile sur le plan juridique. Comme moi, monsieur Lagarde et monsieur Chassaigne, vous avez souligné que les procureurs de la République avaient un rôle important, qu’ils étaient présents dans les CLSPD, qu’ils étaient partie prenante aux contrats locaux de sécurité, mais le problème, c’est que c’est avant tout la prévention de la récidive qui intéresse le Gouvernement, le garde des sceaux et la majorité, alors que ce projet de loi est relatif à la prévention de la délinquance.
Les procureurs sont déjà présents dans les CLSPD, depuis déjà de nombreuses années. Ils sont de plus en plus présents, et même très actifs. Que va apporter cet article de plus, quelle est sa valeur ajoutée ? Aucune sinon mettre l’accent essentiellement sur la prévention de la récidive.
Les maires ont souvent regretté que les parquets ne soient pas présents dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Dans un département comme le mien, le Val-d’Oise, ils le sont, et nous travaillons en bonne harmonie, en bonne coordination. L’article 4 prévoit que les procureurs pourront signer des conventions, mais ils en ont déjà signé avec les conseils généraux ou avec les maires, au sujet des TIG par exemple, les travaux d’intérêt général, ou des mesures de réparation.
Si je demande la suppression de l’article, c’est parce que c’est une disposition inutile pour la prévention de la délinquance. Il y a déjà des circulaires à ce sujet.
Le rôle de coordination que doit jouer le procureur dans un département est très important. Ce n’est d’ailleurs pas le gouvernement actuel qui l’a inventé, c’est à la suite du rapport de M. Bonnemaison, l’un de vos amis, socialiste, qu’on le lui a donné.
…avait pris l’initiative de réunir tous les quatre mois l’ensemble des maires du département. Il y a ainsi un travail en profondeur qui est fait.
Le Gouvernement est totalement opposé à la suppression de cet article, et je vous préviens, monsieur Blazy, que je n’interviendrai plus sur ce sujet.
Vous avez dit, en citant Gilbert Bonnemaison, à qui vous avez rendu hommage, à juste titre, que cela faisait vingt ans qu’une telle démarche avait été initiée. À vrai dire, cela fonctionne plutôt depuis une dizaine d’années, depuis les contrats locaux de sécurité, en 1997.
Vous venez à l’évidence de faire la démonstration que cette disposition est inutile. Certes, la loi va reconnaître ce qui existe déjà, mais elle ne va pas donner une base juridique dont on aurait besoin, puisque ça fonctionne, et de mieux en mieux, à la satisfaction de tous les élus, et de tous bords, nous sommes d’accord.
Il y aura peut-être des progrès à faire, mais la loi ne permettra pas de progresser. L’essentiel, c’est que vous, en tant que garde des sceaux, donniez aux procureurs qui auraient encore quelques réticences les instructions nécessaires pour que, dans les départements, aux côtés des conseils généraux et des maires, ils soient actifs et qu’ils soient effectivement présents dans les CLSPD.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le défendre.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Lilian Zanchi, pour le défendre.
Vous avez présidé, monsieur le ministre, le conseil départemental de prévention de la délinquance, dans lequel siègent le procureur, le président du tribunal de grande instance, les représentants des collectivités. Après ce que vous venez de dire sur la place du procureur dans la politique de prévention menée sur son territoire, il nous semble important que ce dernier, qui est plutôt votre représentant en la matière, ne soit pas simplement consulté par le préfet, qui représente plutôt le ministère de l’intérieur, mais donne un avis conforme.
C’est pourquoi que nous proposons de rédiger autrement l’article 4, afin que le procureur ait véritablement toute sa place dans l’élaboration du plan départemental de prévention de la délinquance.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Cet amendement a été débattu en commission à la demande de l’Association des maires des grandes villes de France, dont le président est le sénateur Bockel, parce qu’il était nécessaire que le débat s’instaure. J’attends néanmoins les observations du garde des sceaux. Nous verrons s’il pose un problème. Si c’est le cas, je le retirerai éventuellement.
Il était nécessaire en tout cas que la discussion ait lieu. On sait, en effet, que lorsque certains quartiers sont calmes, c’est parce que les deux ou trois personnes qui posent problème sont incarcérées et que, lorsqu’ils ne le sont plus, c’est parce que ces personnes sont sorties de prison, mais on le constate in situ et il serait peut-être utile d’avoir les informations en amont de façon que les maires, pivots de la prévention de la délinquance, puissent prendre des dispositions.
J’attends les observations du garde des sceaux sur cet amendement. Encore une fois, je le dis de manière très transparente, il nous a été suggéré, et nous avons estimé que le sujet méritait d’être abordé ici.
Sur le plan des principes, M. Bockel, puisqu’il a inspiré l’amendement, se rend-il compte de la responsabilité absolument incroyable qu’il veut faire endosser aux maires ?
Sur le plan pratique, ce sont 85 000 détenus par an qui sont libérés, parmi lesquels certains n’ont pas de domicile et d’autres refusent d’indiquer leur adresse. Appliquer la mesure supposerait donc qu’on puisse justifier de façon détaillée pourquoi on a ou non donné le nom de tel ou tel détenu.
Vous savez enfin que la loi Perben a déjà assigné aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, la charge de travailler à l’insertion des détenus et de préparer leur sortie de prison, notamment en leur trouvant un logement et si possible un emploi. Chacun doit rester dans son rôle.
Je suis d’autant plus étonné que cet amendement ait été inspiré par Jean-Marie Bockel que les élus de gauche nous ont fait part de leur crainte que le texte présenté par le Gouvernement n’attribue aux maires trop de responsabilités.
Tout au long de nos débats, nous avons mis l’accent sur le retour d’expérience des maires. Nous connaissons le cas de personnes qui, une fois sorties de prison, reviennent régler leurs comptes avec ceux qui les ont mises en cause et fait condamner, ce nouvel acte de délinquance leur valant de retourner en garde à vue ou en prison le soir même.
Comme l’a bien dit le président Houillon, les maires veulent pouvoir actionner les travailleurs sociaux, pour qu’ils parent au risque de récidive en accompagnant la personne qui sort de prison et en lui permettant d’avoir un retour honnête au sein de la société et dans son quartier. On assure ainsi à cette personne une véritable réinsertion tout en évitant de nouvelles victimes.
Puisque vous parlez des SPIP, monsieur le ministre, je vous rappelle que les crédits de ces services sont en baisse, notamment dans mon département du Rhône. Ils en sont réduits à faire appel aux collectivités locales : ainsi, le conseil municipal de Villeurbanne, dont je suis membre, soutient un service de réinsertion des probationnaires, notamment en employant des personnes qui sortent de prison. Cela prouve que le ministère de la justice fait déjà appel aux collectivités locales pour remédier, par l’emploi et par le logement, à ses défaillances en matière de réinsertion des probationnaires. Nous sommes de fait déjà informés de la sortie de prison de certaines personnes.
Si cet amendement est adopté, je devrai, étant donné le nombre de personnes incarcérées dans mon département, créer un service municipal de probation ! Cela ne me paraît pas conforme à la mission municipale. Autant les maires sont concernés par la lutte contre l’absentéisme scolaire, puisque les écoles et les dispositifs d’accompagnement scolaire, tels que les contrats de réussite éducative, relèvent de leur compétence, autant ils ne le sont pas par les sorties de prison. Je ne veux pas dire par là qu’ils doivent s’en désintéresser, mais qu’ils n’ont pas à être dotés d’une nouvelle responsabilité en la matière, qui leur imposerait de créer un service municipal spécialisé.
Deuxièmement, une telle disposition conduirait inévitablement les communes à constituer des fichiers d’anciens détenus : dans ma commune il n’y a pas d’autre possibilité de suivre les quelques dizaines, voire quelques centaines de personnes qui sont passées un jour ou l’autre par la case Villepinte, c’est-à-dire la maison d’arrêt du département. Habiliter ainsi les maires à ficher des personnes qui ont connu des problèmes avec la justice, c’est risquer d’établir une sorte de second casier judiciaire, dont on voit le danger pour les libertés individuelles.
De toute façon, cette mesure est totalement irréaliste. Pour pouvoir l’appliquer, il faudrait d’abord qu’il n’y ait pas 85 000 sorties de prison par an. La justice est incapable de prévenir les maires d’un tel flux de sorties : elle n’est même pas capable de se prévenir elle-même ! J’ai dû ainsi signaler aux autorités judiciaires et pénitentiaires de Montpellier qu’un de leurs détenus, censé exécuter une peine là-bas et qui, ensuite, avait « embrayé » sur une peine à la prison de Villepinte, se promenait dans les rues de Drancy : du reste, les services judiciaires de Montpellier ignoraient qu’il était sorti de la prison de Montpellier. On imagine combien il va être simple de prévenir les maires.
Les efforts municipaux en matière de lutte contre la récidive et de réinsertion doivent s’inscrire dans le cadre des actions de coordination, dont ce texte confie le pilotage aux maires, en liaison avec les SPIP. Il n’est pas nécessaire que nous les maires soyons informés des sorties de prison : c’est le SPIP qui doit nous dire s’il a besoin de nous dans le cadre des échanges qui auront lieu dans les structures qui seront créées à cette fin.
Je veux enfin attirer votre attention sur un point, monsieur le garde des sceaux : si le maire n’a pas à détenir une telle information, il en va autrement du commissaire de police, notamment dans un département comme le mien. Il arrive en effet – j’en ai encore eu un exemple il y a une dizaine de jours – que, soit à la suite d’erreurs de procédure, soit une fois leur peine exécutée, des détenus reviennent sans même que le commissaire de police, pourtant le principal responsable de la sécurité, soit au courant. À cause de cette lacune, ma ville a failli connaître un début de violences urbaines. Les auteurs présumés d’une infraction grave qui ont envoyé deux personnes à l’hôpital, dont l’une avec plus de trois cents jours d’incapacité temporaire de travail, ont été relâchés sans même que le commissaire soit mis au courant. Il a fallu qu’ils reviennent se pavaner dans leur quartier pour qu’on découvre qu’ils avaient été relâchés. Nous avons besoin, monsieur le garde des sceaux, que vous donniez des instructions très strictes aux magistrats pour que les commissaires soient systématiquement informés.
L’attitude de nos opposants est tout à fait paradoxale : après nous avoir accusés sans relâche de vouloir faire du maire un shérif, ils voudraient qu’on lui donne une responsabilité aussi considérable !
Il reviendra au procureur de la République, dans le cadre des contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, d’informer que telle ou telle sortie de prison est susceptible de poser des problèmes et de recommander aux travailleurs sociaux et à certains services de police de les suivre avec la plus grande vigilance.
Sans avoir été convaincu par tous les arguments avancés pour repousser cet amendement, je ne peux pas nier que l’aspect pratique pose problème. Quant au fond, il est vrai que ce type de mesure peut nuire à la réinsertion, qui est une préoccupation première. Par ailleurs, on peut s’interroger sur la compatibilité d’une telle mesure avec le respect de la vie privée ou avec la liberté de s’établir là où on le souhaite.
Tout cela mérite d’autant plus réflexion qu’on ne sait pas où va s’installer celui qui sort de prison, et donc quel maire il faut prévenir. On se heurte là à nouveau au respect de certains principes. On peut préférer la solution de M. Lagarde, à savoir que les services de police soient informés : encore faut-il que la personne en cause se réinstalle dans la même commune, ce qui n’a rien d’obligatoire.
Pour toutes ces raisons et le débat ayant eu lieu, monsieur le président, je retire l’amendement.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 475.
En outre, après sa réussite au concours, le futur fonctionnaire de police municipale accomplit une période de stage d’un an, durant laquelle la mairie qui l’a choisi sur la liste d’aptitude et qui assume sa rémunération ne peut lui confier de fonction de police municipale. Si, en effet, le stagiaire est généralement affecté à ce service pour en découvrir les mécanismes, il ne participe pas aux interventions. Mais une fois qu’il est titularisé, le policier municipal peut demander sa mutation dans une autre commune. Il arrive ainsi que des communes plus attractives que d’autres, comme certaines communes du Sud de la France qui connaissent peu de difficultés, n’accueillent jamais de stagiaires, mais débauchent les fonctionnaires de police municipale des communes qui les ont formés et accueillis à fonds perdus pendant un an.
Il serait logique qu’en contrepartie du stage effectué dans la commune qui l’a choisi sur la liste d’aptitude, le futur fonctionnaire de police municipale s’engage à y travailler durant au moins trois ans. Ce serait là un juste retour de la formation dispensée. Faute d’une telle garantie, certaines communes refusent de prendre des stagiaires – c’est le cas notamment de la ville dont je suis maire, qui a déjà financé à deux reprises, à fonds perdus, des stagiaires qui sont partis dès la fin de leur stage passer dans des communes du Sud-Est de la France des jours plus agréables qu’ils ne pouvaient en espérer Seine-Saint-Denis. Ce département étant malheureusement une bonne école en la matière, il conviendrait qu’en échange de la formation reçue ces fonctionnaires continuent à servir nos collectivités.
Ce problème bien réel a été réglé par le législateur. L’article 23 du projet de loi sur la fonction publique territoriale – qui est du reste le texte dans lequel la disposition proposée trouve le plus naturellement sa place – prévoit le remboursement par la collectivité d’accueil si le fonctionnaire n’a pas accompli trois ans de service au profit de la collectivité qui a assumé les frais de sa formation.
Par ailleurs, l’amendement n° 475 se réfère au code des communes, qui n’existe plus.
Pour ces diverses raisons, et bien que je souscrive pleinement au point de vue de M. Lagarde sur le fond, je propose de rejeter cet amendement.
J’ajoute que, si un tel dispositif était possible, son application ne devrait pas se limiter aux agents municipaux, mais devrait valoir pour tous les fonctionnaires.
Je le répète, l’amendement n° 475, juridiquement boiteux, est satisfait par l’article 23 du texte sur la fonction publique territoriale qu’a rappelé le président de la commission.
Sans doute un amendement ne suffit-il pas à répondre à la question posée, mais elle mériterait au moins une réflexion de la part du Gouvernement, afin de venir en aide aux maires.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 173.
Pour compléter ce dispositif d’information, l’amendement n° 173 prévoit que le procureur devra désormais informer le maire de la décision rendue. Aujourd’hui, en effet, le maire, qui a été à l’origine du signalement, n’est pas informé de la décision rendue par la juridiction, ce qui n’est plus guère concevable dès lors que le maire est érigé en animateur et coordonnateur de la politique de prévention de la délinquance dans sa commune.
L’amendement vise donc à faciliter la circulation de l’information judiciaire et à impliquer les autorités publiques, sans pour autant leur confier des missions relevant de la compétence des magistrats ni, bien évidemment, trahir le secret de l’instruction. De fait, une décision de justice est rendue en audience publique et constitue donc un document public.
Cet amendement aurait eu sa raison d’être si nous n’avions déjà modifié, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, l’article 1er du projet de loi, modifiant le code général des collectivités territoriales. Il importe en effet de distinguer le cas où les faits mettent en cause l’ordre public, qui doit donner lieu à information du maire conformément aux modifications apportées par l’article 1er au code général des collectivités territoriales, et la question générale des suites données au dossier de tout citoyen résidant dans une commune, lesquelles, je le dis brutalement, ne regardent pas le maire.
Il faut veiller à préserver le respect dû à tout homme, même condamné. Faire connaître à tout prix la situation de ces personnes ne change, au fond, pas grand-chose. Le fait que tout Français responsable dépositaire d’une parcelle d’autorité publique soit, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, tenu d’informer le Parquet d’un fait délictueux qui lui paraît justifier son intervention n’entraîne pas forcément le droit à réponse que demande l’amendement n° 173 et qui me paraît excessif.
Je ne suis donc pas favorable à cette disposition, qui me semble excessive. Lorsque l’information du maire est légitime, elle est prévue par l’article 1er modifié du projet de loi, qui amende le code général des collectivités territoriales.
Tout d’abord, l’article 1er, modifié par le Sénat, traite des informations adressées au maire par le Parquet à propos des troubles à l’ordre public. Le Sénat, je le rappelle, a supprimé la restriction de cette mesure aux troubles « graves » pour la rendre applicable à l’ensemble des troubles à l’ordre public. Nous avons adopté, quant à nous, un amendement prévoyant que le maire est informé des suites judiciaires.
L’amendement n° 173 porte, en revanche, sur le mouvement inverse : conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, le maire informe le Parquet d’une infraction qu’il a constatée. Pourquoi, dans cette hypothèse, la décision subséquente qui sera rendue à la suite des investigations du Parquet ne serait-elle pas portée à la connaissance du maire ?
Il ne s’agit pas, je le répète, contrairement à ce que j’ai entendu dire, que le maire soit informé de tous les jugements concernant les personnes condamnées présentes dans sa commune. D’un côté, le Parquet signale au maire des troubles à l’ordre public puis, conformément à l’amendement que nous avons voté, l’informe des suites judiciaires ; de l’autre côté – et c’est l’objet de l’amendement n° 173 adopté par la commission –, le maire qui a signalé les infractions conformément à l’article 40 du code de procédure pénale doit légitimement être informé des suites de cette procédure, et de cela seulement.
Je ne vois donc, en l’état, aucune raison de retirer cet amendement.
Il faut maintenir cet amendement parce qu’il n’a rien à voir avec ceux qui ont été à juste titre retirés par le rapporteur.
Je demande une suspension de séance, monsieur le président. Elle est de droit. Je prendrai la parole après.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
(L'amendement est adopté.)
La parole est M. Jean-Pierre Blazy.
D’abord j’observe, monsieur le ministre, qu’une loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales a été votée récemment, mais que certains articles n’ont pas encore donné lieu à des textes d’application. Je pense en particulier à l’article 20, qui concerne une question importante, celle du placement sous surveillance électronique, ou encore à l’article 30 relatif au traitement automatisé des données – et d’ailleurs nous attendons toujours l’avis de la CNIL sur ce point ! On voit que même sur un sujet qui concerne la prévention de la récidive, le Gouvernement n’a pas été capable de publier les textes d’application. Mais nous continuons à légiférer, dans une sorte de fuite en avant : on produit des textes, plus exactement des discours, pour l’opinion, à la veille des élections, mais sans résultats concrets sur le terrain.
Nous revenons régulièrement sur ces questions de fichiers, le projet de loi que nous examinons ouvrant la possibilité pour le maire de tenir un registre automatisé des élèves absentéistes. Et vous proposez, avec l’article 25, d’en rajouter sur la loi Perben en aggravant toutes les dispositions de contrôle relatives au fichier national des récidivistes, s’agissant du domicile. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous présenter une évaluation de la loi Perben en cette matière ? Pourquoi aggraver aujourd’hui le dispositif alors même que nous ne disposons pas d’une véritable évaluation, et qu’on a peu de recul ? Les lois Perben ne sont pas si anciennes que cela, c’est cette majorité qui les a votées.
Pourquoi donc légiférer à nouveau sur cette question de la récidive légale ?
Le groupe socialiste aimerait avoir des réponses à ces questions.
Désormais, sur décision de la juridiction ou du juge de l'application des peines, les personnes inscrites sur ce fichier devraient se présenter tous les mois « si la dangerosité de la personne le justifie », ou de façon obligatoire si elles sont en état de récidive légale, auprès du groupement de gendarmerie départemental ou de la direction départementale de la sécurité publique de son domicile.
Aujourd'hui, l'inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles impose cette présentation tous les six mois aux personnes condamnées pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement. J’aurai donc deux questions.
Tout d’abord, si la « dangerosité de la personne » est avérée, ce simple contrôle – puisqu’il ne s’agit que de cela – suffira-t-il à écarter le risque ? Permettez-nous d’en douter. Si une personne est particulièrement dangereuse, nous ne pourrons prévenir le risque d'un autre passage à l'acte simplement en lui demandant de se présenter tous les mois dans un service de police ou de gendarmerie. Une personne cessera d'être dangereuse si elle est soignée. Pour cela, ce sont donc des dispositions curatives qu'il faudrait prévoir et non des mesures de contrôle. Il faut s'interroger sur le sens de la détention dans notre société si, à sa sortie de prison, une personne demeure suffisamment dangereuse pour justifier un tel arsenal de mesures de contrôle – nous en avons d’ailleurs parlé tout à l’heure. Il faut donc aussi s'interroger sur l'accompagnement à la sortie de prison. Sans un tel accompagnement pendant et après la détention, un durcissement des contrôles ne réglera rien. Je tiens enfin à rappeler que les outils informatiques et scientifiques qui existent aujourd'hui sont suffisants pour identifier, en raison de leur passé judiciaire, les personnes susceptibles d'avoir commis une infraction sexuelle.
Seconde interrogation : n’assiste-t-on pas à une étonnante surenchère ? Deux lois, en effet, existent déjà : celle du 9 mars 2004, dite loi « Perben II », qui a créé le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ; celle, plus récente, du 12 décembre 2005 relative à la prévention de la récidive. Et voici qu’aujourd’hui, à peine un an plus tard, on veut durcir encore le dispositif par une forme de surenchère qui, en fait – chacun en conviendra –, est davantage un effet d’annonce qu’une mesure utile et bénéfique.
Avec cette intervention j’aurai aussi défendu, monsieur le président, l’amendement n° 324 tendant à la suppression de l’article.
Si j’ai bien compris, il s’agit d’une mesure de sûreté. Pouvez-vous me dire si elle est assimilable à une peine complémentaire ?
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 151, 324, et 661, tendant à supprimer l’article.
La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour soutenir l’amendement n° 151.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur Chassaigne, vous venez de défendre l’amendement n° 324.
Avec cet amendement, nous proposons de supprimer l’article 25. Je rappelle que la loi Perben II, qui ne date que du 9 mars 2004, a recréé le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles initialement prévu par la loi Guigou de 1998. Ce fichier contient aujourd’hui les empreintes génétiques de délinquants dangereux mais non nécessairement classés « sexuels ».
Parmi les obligations qui découlent de l'inscription à ce fichier figure l'obligation de justifier de son adresse une fois par an ou une fois tous les six mois si la personne a été définitivement condamnée pour un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement.
Le projet de loi prévoit que « si la dangerosité de la personne le justifie, la juridiction de jugement ou […] le juge de l'application des peines peut ordonner que cette présentation interviendra tous les mois ». Cette présentation mensuelle devient obligatoire pour les récidivistes.
Quid, une fois encore, de l’évaluation de la loi de 2004 et de celle de la loi relative à la prévention de la récidive, qui ne date que du 12 décembre 2005 ?
Le caractère automatique pour le juge de l’application des peines de la présentation mensuelle du délinquant récidiviste, ou réputé tel, manifeste une fois de plus la méfiance du Gouvernement à l’égard des juges. C’est bien le problème ! Vous aurez à subir, monsieur le garde des sceaux, les conséquences du malaise que ressent aujourd’hui la justice : ne vous étonnez pas que les magistrats fassent grève ! Mais peut-être y verrez-vous, comme monsieur Bénisti, la main de syndicats de magistrats « gauchistes » !
Il est facile de faire du droit, d’empiler les dispositions sans se soucier de leur mise en œuvre et de sacrifier ainsi à un discours purement électoraliste. Mais cela donne une loi bavarde, qui ne règle aucun des problèmes qui préoccupent nos concitoyens : ceux-ci, le moment venu, sauront vous juger !
Première observation : il est bien évident que c’est le juge qui décide du pointage tous les trois mois ou tous les six mois. Cette décision n’est pas automatique ; elle appartient à la juridiction concernée.
D’après M. Chassaigne, aller pointer est inutile. Mais, monsieur Chassaigne, quelqu’un qui reste sur le même lieu et qui en justifie sait que, s’il récidive, il a toutes les chances d’être pris. Cette mesure est donc très utile.
Je rappelle à M. Lagarde que l’inscription au FIJAIS est une mesure de police. Aujourd’hui, 33 000 personnes sont inscrites dans ce fichier, dont 23 000 soumises à une obligation de justification d’adresse – ce qui signifie que cette obligation n’est pas automatique. Enfin, le FIJAIS a fait l’objet de plus de 255 000 consultations. Je rappelle aussi que ce régime de contrôle s’applique à des auteurs de crimes ou délits sexuels faisant l’objet d’une peine d’emprisonnement d’au moins dix ans.
L’opinion publique, qui suit nos débats, trouverait-elle anormal qu’une personne ayant été condamnée à une telle peine soit inscrite dans un fichier spécial et qu’elle soit obligée, dans certains cas et tous les six mois – tous les trois mois en cas de récidive –, d’attester qu’elle habite toujours au même endroit ? Ceux qui nous écoutent et le public présent dans les tribunes pourront en juger, comme ils pourront juger votre position, si vous êtes contre une telle mesure.
En tout état de cause, je suis tout à fait opposé à la suppression de cet article.
Comme je l’ai rappelé, ce fichier n’a pas été créé à votre initiative, mais à celle de Mme Guigou, avec la loi de 1998. Nous n’y sommes donc pas opposés. Lorsque vous êtes arrivés aux affaires en 2002, des délinquants sexuels y étaient déjà inscrits et, depuis, il s’est étoffé. Nous sommes donc d’accord sur son existence. Nous disons simplement qu’il n’est pas opportun d’aggraver le dispositif alors qu’il n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation.
À ce sujet, monsieur le garde des sceaux, vous n’avez pas répondu à ma question sur les textes d’application, tant pour la loi Perben de 2004 que pour celle de 2005. Où en sommes-nous ? Le Gouvernement ne prend pas, comme c’est pourtant sa responsabilité, les textes d’application correspondant aux lois qu’il fait voter. Vous trompez l’opinion ! Celle-ci, en effet, vous entend, dans les tribunes comme ailleurs, mais vous l’abusez : une loi ne devient effective que si les décrets d’application sont adoptés. Elle ne s’applique pas davantage si les moyens pour la mettre en œuvre sur le terrain ne suivent pas ! Or je répète, monsieur le garde des sceaux, que vous ne m’avez pas répondu sur ce point. Daignerez-vous le faire avant la fin de cet après-midi ?
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
La prévention des infractions sexuelles s’appuie non seulement sur le fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles, dont l’article 25 du projet de loi renforce l’efficacité, mais également sur le FNAEG, qui contient les profils génétiques des personnes soupçonnées ou condamnées pour certains crimes ou délits, notamment les infractions sexuelles.
Cet amendement vise précisément à faciliter l’alimentation régulière et rapide du FNAEG, qui en a bien besoin, compte tenu des enjeux. Il vise aussi à permettre que le procureur de la république et le juge d’instruction puissent désormais – comme c’est déjà le cas pour les officiers de police judiciaire – requérir une analyse génétique des prélèvements effectués sur un suspect ou un condamné pour que son profil soit inscrit au FNAEG. Aujourd’hui, curieusement, ils n’en ont pas la possibilité, ce qui induit mécaniquement des retards dans les analyses, puisque, lorsqu’elles sont demandées par un magistrat elles relèvent de l’expertise, qui est plus contraignante et plus coûteuse en termes de frais de justice.
Cet amendement dicté par le bon sens devrait donc être consensuel. Je vous demande de l’adopter.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 25, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.
Derrière une rédaction un peu compliquée, la chose est simple. Dans le cadre d’une procédure pénale, la loi prévoit aujourd’hui qu'un témoin, s’il est en danger et hésite à témoigner par crainte d’éventuelles représailles, peut disposer d’un certain nombre de protections. Le paradoxe, c’est que le plaignant ne bénéficie pas des mêmes protections, alors qu’évidemment il peut craindre, lui aussi, des représailles.
Il s’agit donc, avec ce nouvel article, de protéger le plaignant dans les mêmes conditions que le témoin, pour mettre fin à cette loi du silence qui fait que les gens ne déposent parfois plus plainte parce qu’ils ont peur de ce qui pourrait leur arriver.
On a certes besoin du témoin pour faire aboutir une enquête, mais il est encore plus important d’avoir un plaignant, sans quoi l’enquête n’est même pas ouverte.
Pourtant, il n’est pas possible d’étendre aux plaignants la protection dont bénéficient les témoins. On ne peut, par exemple, dans un cas de dénonciation calomnieuse, assurer l’impunité de la partie civile qui a engagé l’action, en lui permettant de ne communiquer ni son nom ni son adresse.
Il y a donc une différence de nature entre le témoin et le plaignant, et ce que vous proposez, monsieur Lagarde, n’est pas applicable, même si je n’ai pas de critique intellectuelle à formuler sur le fond. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
Quant aux victimes, l’auteur des faits connaît très souvent déjà leur adresse et leur identité, et il n’y a dès lors aucun intérêt pour elles à demander l’anonymat.
Par ailleurs, si la victime se constitue partie civile, elle devient partie à la procédure de demande de dommages et intérêts, ce qui rend juridiquement impossible son anonymat.
Pour ces différentes raisons, il est préférable de retirer cet amendement.
Le garde des sceaux fait état de la possibilité qui existe déjà de porter plainte sans laisser son adresse. Mais pensez-vous vraiment qu’une victime habitant tel escalier dans une cité ne peut pas être localisée si elle ne communique pas son adresse ? Même si elle se domicilie au commissariat de police, puisque c’est la procédure, croyez-vous que les auteurs de l'infraction dont elle a été victime ne savent pas où elle habite ?
La non divulgation de l’adresse vaut en cas d’agression dans la rue ; dans le cas, malheureusement de plus en plus répandu, d’une délinquance de voisinage, cela ne sert à rien. Là encore, on me rétorque que l’anonymat total est inutile puisque la victime est connue de son agresseur. Encore faudrait-il qu’il sache de qui, parmi les habitants de la cage d’escalier, émane la plainte.
Par ailleurs, notre rapporteur m’objecte le fait que mon amendement interdit les poursuites ultérieures en cas de dénonciation calomnieuse. C’est un débat que nous avons déjà eu au moment de l’examen de la LSI. J’avais proposé à l’époque que le plaignant puisse déposer sa plainte anonymement, pour échapper aux pressions que les agresseurs – car ils agissent souvent en groupe – exercent non seulement sur lui mais sur tout un quartier. Cela n’empêchait pas que, dans le cas d’une dénonciation calomnieuse, on puisse exercer des poursuites à son encontre, sachant que, de toute façon, le magistrat ou l’officier de police judiciaire connaissait son identité.
Je ne suis pas assez bon juriste pour trouver la solution, et j’en appelle donc aux éminents juristes, au garde des sceaux, au président de la commission des lois et à tous leurs collaborateurs. Car on ne peut tout de même pas continuer, sous prétexte de protéger les droits des délinquants – que mon amendement ne remet d’ailleurs pas en cause, pas plus qu’il ne couvre les dénonciations calomnieuses –, laisser de petits groupes transformer la vie des gens en enfer ! Qu’on ne s’étonne pas ensuite d’avoir des surprises dans les urnes !
Les gens les plus honnêtes, victimes de délinquants dont ils redoutent les représailles pour eux-mêmes, leur famille ou leurs biens, ont le sentiment que l’État ne les défend plus. Les progrès accomplis en manière d’anonymat dans les affaires judiciaires sous cette législature ne sont pas suffisants ; la non divulgation de l’adresse ne résout pas le problème, qui demeure entier pour les plaignants. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
Cependant, je ne crois pas qu’il faille se laisser enfermer dans l’idée qu’il ne saurait y avoir d’action publique sans témoignage, fût-il anonyme. C’est certes la logique des pouvoirs publics – et cela ne date pas de cette majorité –, pour lesquels toute action publique repose sur l’existence d’une plainte privée. Mais, à ma connaissance, lorsque la puissance publique possède aujourd’hui des informations sur un délit, elle peut décider d’une enquête préliminaire, menée par la police et placée sous l’autorité directe du parquet dans les cas les plus graves.
N’allons pas dire à nos fonctionnaires de police et de justice qu’ils ne peuvent pas agir sans plainte, ce serait extrêmement dommageable…
La loi Perben I – grâce d’ailleurs à l’un de mes amendements – offre déjà la possibilité de témoigner ou de porter plainte sous X. C’est assez peu connu, mais, pour ce qui me concerne, j’en informe les habitants de ma commune par le biais du journal municipal.
Le nom d’un plaignant peut donc être protégé du début à la fin de la procédure, et je peux vous garantir qu’aucun officier de police ni aucun magistrat ne violerait cette règle, dès lors que la plainte ou le témoignage sous X ont été acceptés par le procureur ou le substitut.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Rappelons que les conditions de délai de réhabilitation varient en fonction de la gravité de la condamnation : trois ans pour une peine d’amende, cinq ans pour la condamnation unique à une peine d’emprisonnement n’excédant pas un an ou à une peine autre que pécuniaire ou privative de liberté, dix ans pour la condamnation unique à l’emprisonnement n’excédant pas dix ans, ou pour des condamnations multiples n’excédant pas cinq ans au total.
Ces délais sont respectivement portés à six, dix et vingt ans. Pourtant, nous savons que la réhabilitation légale est aujourd’hui exclue pour les condamnations multiples excédant deux ans d’emprisonnement, ou pour les condamnations les plus graves, supérieures à cinq ans ou criminelles. La réhabilitation légale est donc fort heureusement impossible pour les délinquants les plus dangereux.
Monsieur le garde des sceaux, j’ai deux questions à vous poser.
D’abord, pourquoi allonger de manière aussi considérable les délais de réhabilitation qui ne concernent pas les délinquants les plus dangereux ? Ensuite, en quoi l’allongement de ces délais participe-t-il d’une politique de prévention de la délinquance ?
Je pense, au contraire, que ces dispositions, qui constituent une entrave à la réinsertion, vont à l’encontre d’une véritable politique de prévention. En effet, la réhabilitation existe dans notre droit pour favoriser une régénération morale et une véritable réinsertion, en permettant au coupable qui a réparé ses fautes de recouvrer les droits que la condamnation lui avait fait perdre.
Convaincus des effets néfastes d’une telle mesure sur la réinsertion des condamnés, nous demandons la suppression de cet article.
Monsieur le président, en intervenant sur l’article, j’ai également défendu l’amendement n° 325.
On se demande d’ailleurs qui pourrait contester la teneur de cet article, puisque, par définition, la récidive est plus grave que le premier acte délictueux. Comment pourrait-on raisonnablement s’opposer à ce qu’un récidiviste doive faire ses preuves pendant plus longtemps avant d’être éventuellement réhabilité ?
Il est logique que la sanction soit plus lourde à la deuxième faute et que la période pendant laquelle on veut observer la personne pour savoir si elle va recommencer ou non soit plus longue aussi. C’est en quelque sorte un instrument d’évaluation : quand on a trahi deux fois la société, il est normal que celle-ci soit plus méfiante que la première fois.
Mais si nous sommes favorables à ces dispositions, je me demande combien de fois elles seront appliquées. En effet – et je le dis pour que mes propos figurent au Journal officiel –, nombreux sont ceux qui récidivent sans prendre aucun risque, puisque les victimes n’osent pas déposer plainte. Je déplore que notre assemblée ait refusé, à l’unanimité moins une voix – la mienne –, de prendre en compte la situations des personnes qui renoncent à déposer une plainte par peur de représailles. Elles devraient bénéficier des mêmes mesures de protection que les témoins. Et, contrairement à ce qu’a affirmé l’un de nos collègues, cette possibilité n’existe pas dans notre droit, sauf dans des cas exceptionnels, comme le trafic de drogue.
Fort heureusement pour eux, la plupart des maires ne s’occupent pas de crimes tous les jours ! En revanche, pour les délits qui empoisonnent la vie de nos concitoyens, il aurait été très utile de donner aux plaignants la garantie d’être mieux protégés et de voir leur anonymat respecté. Ils sont abandonnés par l’État, et aujourd’hui par notre assemblée.
Il m’est arrivé de devoir menacer des employés municipaux, qui avaient été pris en otage dans l’appartement de l’un d’entre eux, pour qu’ils finissent par déposer plainte. Et je n’en suis pas particulièrement fier en tant qu’élu. J’ai dû également faire déménager celui qui occupait l’appartement afin qu’il n’ait pas à craindre des représailles. Quant au second employé municipal, qui n’habitait pas là, il aurait pu bénéficier de l’anonymat uniquement s’il y avait eu un crime !
Il faut penser à ceux qui sont quasiment pris en otage dans leur quartier par peur de représailles, et il faut que l’État leur donne les moyens juridiques de se défendre.
Cet amendement a déjà été défendu par M. Chassaigne.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
L’amendement n° 267 tend à une clarification juridique en matière de réhabilitation de condamnations assorties du sursis.
L’amendement n° 268 rectifie une coordination incomplète, à laquelle procède le II de l'article 26 du projet de loi.
L’amendement n° 269 précise que les condamnations réhabilitées, qui resteront désormais mentionnées au B1 du casier judiciaire, seront accompagnées d'une mention indiquant expressément qu'il s'agit de condamnations réhabilitées. Cette mention permettra aux autorités judiciaires de distinguer entre condamnations non encore réhabilitées et condamnations réhabilitées, qu'elles ne devront prendre en compte que pour la seule appréciation de la récidive. Il s'agit, par cet amendement, de revenir à l'état du droit applicable avant la réforme du code pénal.
L’amendement n° 270 concerne la réhabilitation judiciaire. Il paraît opportun de prévoir que la juridiction qui ordonne une réhabilitation judiciaire puisse décider, si elle l'estime utile, que la condamnation réhabilitée disparaisse totalement du casier judiciaire. En d’autres termes, il s’agit de donner au juge – malgré les dispositions contenues dans ce projet –, la possibilité, dans des cas exceptionnels laissés à son appréciation, de déroger à la règle, c’est-à-dire de décider que la condamnation réhabilitée disparaît totalement du casier judiciaire, puisque cette décision n’est pas automatique.
L’amendement n° 271 fait suite à l'amendement précédent. Il prévoit expressément, dans l'article 798 du code pénal, relatif à la réhabilitation judiciaire, la possibilité d'ordonner la suppression de la condamnation du casier judiciaire – bulletin n° 1.
L’amendement n° 522 complète l’amendement n° 271 et permet à une personne qui a déjà fait l’objet d’une réhabilitation légale automatique et dont la condamnation reste normalement mentionnée au B1, de demander à l’autorité judiciaire la suppression de cette mention, selon les modalités prévues pour la réhabilitation judiciaire.
L’amendement n° 272 concerne l’entrée en vigueur de l'article 26 et a été inspiré par des considérations d’ordre pratique. Les modifications apportées par cet article induisent un important travail de la part du Casier judiciaire national, pour enregistrer et gérer les fiches de condamnation, conformément à ces nouvelles règles juridiques extrêmement complexes. La gestion de ces fiches repose massivement sur l'automatisation permise par l'outil informatique, lequel devra évoluer pour s'adapter aux nouvelles règles, ce qui prendra du temps.
Dans un souci d'efficacité et de sécurité juridique – et compte tenu que 800 000 fiches ont été enregistrées en 2005 pour 9 millions de jugements initiaux en base et plus de 7 millions d'extraits délivrés durant cette même période –, le délai de six mois, initialement proposé, apparaît insuffisant pour mener ce travail à son terme. Il est donc proposé par cet amendement de le porter à un an.
Mon amendement n° 523 complète l’amendement n° 272 et précise qu'à la date d'entrée en vigueur de l'article 26, le doublement des délais de réhabilitation en cas de récidive ne s'appliquera que pour les faits commis après la date de publication de la loi – selon les principes habituels du droit. En revanche, les condamnations figurant toujours au casier à cette date seront maintenues au B1, quelle que soit la date de commission de l'infraction.
Il s'agit d'éviter que ne coexistent pendant une quarantaine d'années deux régimes de réhabilitation différents. Cet amendement fait donc œuvre utile, et je rappelle, pour répondre le cas échéant à une question susceptible d’être posée, que le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité de dispositions d’application des peines.
Je vous prie de m’en excuser, j’ai sans doute été long et ennuyeux…
Telle est l’économie générale du droit de la réhabilitation que je vous propose d’adopter au travers de ces différents amendements, qui visent à donner au juge la possibilité de faire disparaître, dans des cas exceptionnels, la condamnation du B1.
Quant aux amendements, ils sont très intéressants car ils réparent un oubli du texte. Non seulement le Gouvernement y est favorable, mais, en plus, il exprime sa gratitude.
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 567.
Cet amendement autorise donc à prélever le paiement des contraventions sur la fraction insaisissable. Pour ne pas placer les familles dans une situation dramatique, il est précisé que le paiement peut faire l’objet d’une demande d’échelonnement auprès des services du Trésor public.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.
Les infractions à un arrêté municipal sont passibles d’une amende de 38 euros. Une sanction aussi légère n’est pas dissuasive : que représente une telle somme pour un commerçant qui ne respecte pas les heures d’ouverture imposées par un arrêté municipal ? Je propose donc qu’une telle infraction soit considérée, en cas de récidive, comme un délit puni de deux mois d’emprisonnement et de 5 000 euros d’amende. Je rappelle que la récidive de la violation d’un arrêté préfectoral est, elle, jugée suffisamment grave pour être assimilée à un délit pénal. Or, quand il s’agit d’un arrêté municipal, la même infraction n’est pas prise au sérieux. Dans ces conditions, à quoi servent les maires et les arrêtés municipaux ?
L’amendement de M. Lagarde ne manque pas de pertinence. Les maires prennent des arrêtés en vertu des pouvoirs de police qui leur sont conférés depuis les débuts de la IIIe République, …
Pour en revenir à l’amendement, mon intervention n’avait pour but que de souligner les contradictions du Gouvernement. Je n’approuve pas réellement la proposition de M. Lagarde, bien qu’il pose un vrai problème qui n’est pas résolu. Si ce projet de loi prétend placer le maire au centre de tout en matière de prévention de la délinquance, pour notre part, nous n’en demandons pas tant – ce n’est d’ailleurs pas possible.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 101.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
Monsieur le garde des sceaux, êtes-vous en mesure maintenant de défendre l’amendement n° 101 ?
Cet amendement crée ainsi une infraction spécifique, prévue par un nouvel article 222-14-1, inséré dans le code pénal, de violences volontaires avec arme sur agent de la force publique, sapeur-pompier civil ou militaire ou agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, commise en bande organisée ou avec guet-apens. Cette infraction sera punie de quinze ans de réclusion – au lieu de dix ans d’emprisonnement comme actuellement – si les violences ont entraîné une ITT de plus de huit jours, la sanction pouvant aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité en cas de mort de la victime. Les personnes qui s’attaquent aux forces de l’ordre doivent savoir que, lorsqu’elles tendent une embuscade, elles risquent de comparaître devant une cour d’assises.
La criminalisation est totalement justifiée, en raison de la particulière gravité de ces actes. La bande organisée est en effet une circonstance aggravante traditionnelle, qui a souvent pour conséquence de criminaliser une infraction. Le guet-apens constituera quant à lui une circonstance aggravante nouvelle, mais reprise de l’ancien code pénal et défini par un nouvel article 132-71-1.
L’amendement crée également une infraction spécifique réprimant le fait de tendre une embuscade à des forces de l’ordre, qui sera réprimée sans qu’il soit besoin d’attendre que des violences aient été effectivement commises sur les victimes. Cette infraction obstacle, prévue par un nouvel article 222-15-1, sera à la nouvelle circonstance aggravante de guet-apens ce que l’association de malfaiteurs est à la circonstance de bande organisée.
Je précise que les personnes protégées par ces dispositions sont, d’une façon générale, toutes celles qui sont dépositaires de l’autorité publique, ce qui englobe, outre les policiers et les gendarmes expressément cités, les personnels de l’administration pénitentiaire. Vous comprenez pourquoi j’apporte cette précision.
L’amendement augmente, par ailleurs, le quantum des peines en matière de rébellion, qui passera de six mois à un an d’emprisonnement. Cette aggravation des peines permettra notamment d’appliquer aux mineurs ayant commis des faits de rébellion la nouvelle procédure de présentation immédiate, prévue par le présent projet de loi. Les peines de la rébellion aggravée par l’usage d’une arme ou la réunion sont également augmentées en conséquence.
Cet amendement prévoit enfin une peine d’emprisonnement de deux mois pour la provocation directe à la rébellion – actuellement seulement punie d’une peine d’amende de 7 500 euros –, afin de permettre le placement en garde à vue des personnes présentes lors des interventions de la police et qui incitent les habitants à s’opposer à l’action de celle-ci.
Le sous-amendement n° 273 de la commission a pour objet de préciser que, parmi les dépositaires de l’autorité publique protégés par le dispositif, figure le personnel de l’administration pénitentiaire. Certes, le garde des sceaux vient de rappeler que ce personnel était implicitement inclus dans le dispositif prévu par le Gouvernement, mais, pour éviter toute confusion, il me paraît bon de le mentionner expressément dans le texte.
Quant au sous-amendement n° 736, qui n’a pas été examiné par la commission, il vise à préciser que « l’incapacité totale de travail est, à la demande de la victime ou de la personne poursuivie, constatée par un médecin expert ». L’amendement du Gouvernement augmentant de manière très importante le niveau des peines encourues – dix ans d’emprisonnement si l’incapacité temporaire est inférieure à huit jours, quinze ans de réclusion criminelle si elle est supérieure à huit jours –, il convient, me semble-t-il, d’apporter un minimum de garanties à l’auteur présumé. On sait en effet comment sont parfois établis les certificats médicaux ; l’expertise ordonnée le cas échéant par le magistrat instructeur interviendra à une date où il ne sera peut-être plus techniquement possible d’être certain de la durée et de la pertinence de l’incapacité de travail. Cette garantie me paraît être le pendant nécessaire de l’aggravation de la peine encourue.
Vous avez la parole, monsieur Huyghe.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements ?
En revanche, le Gouvernement n’est pas favorable au sous-amendement n° 736.
M. Houillon y soulève une question importante, celle de la fiabilité des certificats médicaux qui établissent la durée d’une incapacité totale de travail. Cette durée ayant le plus souvent une incidence sur la qualification des faits, il s’agit d’une question essentielle, surtout lorsque cette durée peut transformer une qualification correctionnelle en une qualification criminelle, comme c’est le cas dans l’hypothèse où des violences commises sur forces de l’ordre avec arme, en bande organisée entraînent une ITT supérieure à huit jours.
Pour autant, la question n’est pas nouvelle. Ainsi, l’extorsion est un délit si l’ITT est de moins de huit jours et un crime si elle est de plus de huit jours. Le crime visé par l’article 312-3 donne régulièrement lieu à des condamnations par des cours d’assises, condamnations qui n’ont jamais soulevé de difficultés : il y en eut une en 2000, huit en 2001 et en 2002, six en 2003 et sept en 2005.
Dans des affaires de ce type, un simple certificat médical n’est pas suffisant pour permettre de qualifier une infraction de crime ou de délit : contrairement à ce que laisse supposer votre sous-amendement, une expertise est systématiquement ordonnée afin de déterminer la durée de l’ITT, et sa fiabilité ne sera pas contestable devant la cour d’assises. Il me semble d’autant moins nécessaire d’inscrire dans la loi la disposition que vous proposez que j’entends renforcer – au moyen de dispositions contenues dans le projet de réforme de la justice – le caractère contradictoire des expertises, ce qui constituera une garantie supplémentaire.
Compte tenu de ces explications, je vous invite à retirer votre sous-amendement n° 736, monsieur le rapporteur.
Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le garde des sceaux, dans les faits c’est toujours un simple certificat médical qui constate les blessures subies par la victime,…
Il en va de même pour les ITT inférieures à huit jours. Les faits relevant de la juridiction correctionnelle, il n’y aura pas d’instruction, mais une citation directe devant le tribunal correctionnel sur la base d’un simple certificat médical. Or la peine légale est tout de même de dix ans ! S’il est juste d’accroître la peine encourue pour protéger les personnels dont nous parlons, par souci d’équilibre la personne qui encourt une peine légale importante doit bénéficier de certaines garanties.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
Cela explique aussi en grande partie le malaise constaté chez les policiers, qui s’est traduit lors des élections professionnelles qui viennent d’avoir lieu.
Si mon propos n’est pas de vous livrer un nouveau commentaire des résultats des élections professionnelles dans la police nationale, force est de constater que celles-ci sont révélatrices d’un malaise, ce qui n’est guère étonnant si l’on considère l’aggravation de la situation depuis un an.
Comme toujours, le ministre de l’intérieur a réagi de façon excessive face à cette émotion que nous partageons tous. À la mi-octobre, il a annoncé que le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance comporterait des dispositions visant à criminaliser les violences contre les policiers. Pourtant, je rappelle que les atteintes aux fonctionnaires de police, aux militaires de la gendarmerie nationale, ainsi qu’aux sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires constituent déjà des circonstances aggravantes au regard du code pénal. Si ces délits deviennent des crimes, il faudra systématiquement qu’un juge mène une instruction, ce qui augmentera sensiblement le nombre d’affaires traitées aux assises, qui est actuellement de 3 000 par an.
Le garde des sceaux…
Je vous demande, monsieur le garde des sceaux, de confirmer le chiffre d’environ vingt affaires de guet-apens par an, qui justifie selon vous que nous légiférions. Qu’il soit bien clair que je ne sous-estime pas la gravité de tels actes, bien au contraire, mais la riposte que vous proposez avec ce nouvel arsenal juridique est-elle proportionnée ? Surtout, sera-t-elle efficace ? Les cours d’assises ne sont pas forcément plus sévères…
Monsieur le ministre, je vous prie de me laisser présider comme je l’entends.
Poursuivez, monsieur Blazy ; vous avez suffisamment d’expérience pour ne pas vous laisser interrompre !
Les cours d’assises, disais-je, ne sont pas forcément plus sévères. Leurs décisions sont imprévisibles et je ne suis donc pas certain que leur intervention soit un gage d’efficacité.
Par ailleurs, les délais en assises sont très longs, puisqu’elles ne jugent que deux ou trois affaires par session. Même si vous leur accordez plus de moyens pour fonctionner, monsieur le garde des sceaux, votre proposition ne risque-t-elle pas de se traduire par un encombrement judiciaire, ce qui serait contre-productif ?
Enfin, s’agissant d’une décision annoncée à la veille des élections professionnelles, ne faut-il pas y voir essentiellement un signal du ministre de l’intérieur destiné à faire plaisir aux syndicats de la police nationale qui lui sont favorables ? Maintenant que cette échéance est passée, cela a sans doute beaucoup moins d’importance sauf, peut-être, dans le cadre de sa campagne en vue d’autres élections.
S’agissant d’un amendement important, comme vous l’avez souligné vous-même, je veille à ce que chacun des groupes puisse s’exprimer de façon équitable et dans le temps prévu pour le débat. Je continuerai à présider de cette manière.
Par ailleurs je vous informe que M. Jean-Christophe Lagarde vient de déposer un sous-amendement n° 738 à l’amendement n° 101. Ce sous-amendement, qui va être distribué, est recevable. Vous avez la parole pour le soutenir, monsieur Lagarde.
L’amendement n° 101 semble avoir oublié les gardiens d’immeuble dans la liste qu’il propose. La loi prévoit d’ores et déjà que ceux-ci peuvent être protégés au même titre que la police ou les pompiers, mais il n’en est pas fait mention dans cet article additionnel. Chacune des professions citées dans l’amendement est occasionnellement en contact direct sur le terrain avec des individus dangereux et peut faire l’objet d’embuscade ou de guet-apens. Les gardiens d’immeuble entrent tout à fait dans ce cadre.
Du reste, voilà moins de trois semaines, un gardien de ma commune a été agressé. Il faut donc pouvoir protéger les gardiens d’immeuble. Cela est d’autant plus important que, aujourd’hui, nombre d’offices d’HLM peinent à trouver ce type de personnel. J’ai pu personnellement constater qu’un nouveau gardien d’immeuble est immédiatement vu comme une cible parce qu’il vient déranger « l’ordre » établi par certains.
La parole est à M. André Chassaigne.
S’agissant de l’amendement n° 101, et je le dis avec une certaine solennité, je rappelle une phrase que je vous ai souvent entendu prononcer alors que vous étiez président de la commission des lois : « Il faut légiférer en tremblant. » Or cet amendement se place dans une logique purement répressive, justifiée, certes, par de graves événements et notamment le drame de Marseille. Désormais, néanmoins, seront sanctionnées toutes les personnes qui participent à un guet-apens, même sans participation active, même en étant simplement spectateurs. Ainsi, des jeunes qui se laisseraient entraîner, sans être acteurs de l’événement, pourraient être punis de la même peine que les auteurs du délit ou du crime. Cette nouvelle infraction participera-t-elle d’une prévention de la délinquance ?
Cet amendement prévoit aussi d’augmenter les peines en cas de rébellion ou de provocation à la rébellion. Par exemple des personnes présentes lors d’une intervention de police et qui incitent à s’opposer à celle-ci. Monsieur le garde des sceaux, il m’est arrivé d’assister à une intervention particulièrement musclée, que je trouvais injuste. Certes, je n’ai pas réagi avec violence, mais j’ai néanmoins exprimé une forme de mécontentement. Était-ce de la rébellion ? Cela montre qu’il faut mesurer la gravité de vos propositions.
Cet amendement a également pour objet de porter la peine encourue à quinze ans de réclusion criminelle, au lieu de dix, pour les infractions de violences volontaires avec arme sur agent de la force publique, un sapeur-pompier ou un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, commis en bande organisée ou avec guet-apens, ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de plus de huit jours.
Comme le dit l'exposé des motifs de l'amendement : « II faut que les personnes qui s'attaquent aux forces de l'ordre sachent que lorsqu'elles tendent une embuscade, elles risquent de se retrouver devant une cour d'assises ». Concrètement, donc, les personnes suspectées d'avoir commis des violences sur des policiers, des gendarmes et des pompiers seront désormais passibles de la cour d'assises.
Or il faut savoir que la saisine d'une cour d'assises n'est possible que par une juridiction d'instruction après l'élaboration d'un dossier criminel, ce qui demande du temps. Dans les faits, un dossier d'assises n'est jamais jugé avant un an et demi, voire deux ans et demi, après les faits, d'autant que les cours d'assises sont généralement surchargées.
Qu'avons-nous donc à gagner à criminaliser cette infraction, dont le simple but est de faire passer les auteurs présumés devant la cour d'assises ? À faire juger ces auteurs deux ans après les faits ? Quel sera l'effet sur la population, alors que vous veillez tant à ce que les sanctions soient lisibles et immédiates ?
Ajoutons que, malheureusement, les violences contre les policiers sont nombreuses. Si nous décidons ici de les renvoyer toutes devant la cour d'assises, cela va venir encombrer encore plus ces juridictions et, de fait, retarder les dossiers criminels, ceux concernant des viols et des meurtres. Est-ce vraiment cela que vous recherchez, monsieur le garde des sceaux ?
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 738 ?
À titre personnel, et même si je comprends bien le souci qui anime M. Lagarde, j’y suis défavorable car nous ne sommes plus ici dans le registre des personnes dépositaires de l’autorité publique.
Le Gouvernement, secteur ministériel par secteur ministériel, a voulu défendre ses fonctionnaires ou, tout au moins, tenté de répondre à la situation psychologique dans laquelle ceux-ci se trouvaient. Ainsi, le ministre de l’intérieur a tenu à ce que les policiers soient particulièrement protégés. Le garde des sceaux, qui n’a pas voulu être en reste, a ajouté l’administration pénitentiaire. Puis, le ministre des transports a obtenu qu’on inscrive également sur la liste les conducteurs de bus.
Je regrette simplement que tous les ministres n’aient pas jugé utile de présenter cette demande conventionnelle. En effet, pourquoi certains fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique mériteraient-ils une considération plus grande que d’autres personnes exposées ? Le conducteur d’un véhicule appartenant à une société privée n’aura donc pas droit à la même protection que celui d’un réseau de transport public ? Et le médecin du SAMU qui se rend dans un quartier dangereux ne représente-t-il pas lui aussi le service public ?
Voilà pourquoi il y a ce que le garde des sceaux appelle des demandes reconventionnelles !
D’où vient cette situation très conflictuelle ? La manière dont on utilise les forces de l’ordre contribue à créer des conflits, dans un contexte déjà marqué par la montée de la violence. Cette disposition, censée satisfaire certains, va aboutir à une fausse protection. Et plus les peines encourues seront lourdes, jusqu’à atteindre celles applicables à des crimes beaucoup plus graves, plus on s’éloignera de la nécessaire proportionnalité entre les faits mis en cause et la sanction. Cela est extrêmement grave, y compris pour les personnels concernés.
Si je comprends la nécessité de protéger la police nationale, les militaires, les sapeurs-pompiers civils ou militaires, quelle est la différence fondamentale entre un agent d’un exploitant de réseau de transport public – qui n’est pas forcément le conducteur, mais qui peut être l’employé chargé de réparer le bus ou le train, ou celui qui entretient les voies ferrées – et un gardien d’immeuble ?
Certes, il est légitime de protéger les conducteurs de bus, qui ont beaucoup souffert ces derniers mois, mais les gardiens d’immeuble sont assermentés auprès du préfet de la République afin de pouvoir faire respecter des règles de vie en commun. Ils sont donc bien davantage délégataires de l’autorité publique que les conducteurs d’autobus !
Je souhaite que ce sous-amendement soit adopté. Les gardiens d’immeuble font un métier difficile puisqu’ils veillent au bien commun de milliers de nos concitoyens et sont directement exposés, sauf s’ils ne font pas leur travail : ils pourraient en effet ignorer les produits ou les trafics dont ils ont connaissance, mais ils sont tenus de les dénoncer au regard de leur assermentation. Ce n’est pas le cas d’un conducteur de bus.
Ce sous-amendement n’ouvre pas la boîte de Pandore. Il est simplement cohérent avec les dispositions de la loi relative à la sécurité intérieure que nous avons votée en 2002 et qui reconnaît le rôle particulier des personnes assermentées.
Nous commençons par le scrutin public sur le sous-amendement n° 738 qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 28
Nombre de suffrages exprimés 24
Majorité absolue 13
Pour l’adoption 3
Contre 21
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 273.
(Le sous-amendement est adopté.)
(Le sous-amendement est adopté.)
(Il est procédé au scrutin.)
L’Assemblée nationale a adopté.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 274.
En l’état actuel du droit, tant que la destruction n’a pas été commise ou tentée, aucune répression n’est possible. Cette lacune a été constatée par les services enquêteurs et les magistrats à propos des violences de 2005. Les dispositions proposées permettront de réprimer une personne qui, notamment dans un contexte de violences urbaines ou de manifestations violentes, transporte sans aucune raison un bidon d’essence. Naturellement, cela ne vise absolument pas celui qui transporterait un bidon d’essence pour remplir sa tondeuse à gazon ! D’où l’importance…
Les peines sont aggravées s’il est établi que cette personne a l’intention d’utiliser cette essence pour commettre des destructions ou des atteintes aux personnes. Tel est l’objet de cet amendement.
Vous voulez rassurer je ne sais qui en instaurant des peines totalement disproportionnées par rapport à la réalité des faits, ce qui va accroître considérablement l’incompréhension des jeunes. Certes, nous devons être très fermes devant les comportements violents, mais ce n’est pas comme cela que l’on va résoudre le problème des banlieues. Souvenez-vous de ce qui s’est passé il y a vingt ou trente ans, lorsque des groupes politiques, qui n’étaient pas tous d’extrême gauche…
Encourir une peine de dix à quinze ans de prison, alors même que les produits incriminés n’ont pas été utilisés, me paraît totalement disproportionné. Ce texte, loin de traiter les problèmes en profondeur et de prévenir les événements dramatiques que nous avons connus l’année dernière, va augmenter l’incompréhension des jeunes et provoquer des affrontements entre eux et la société. Si certains jeunes se sont laissés aller à des attitudes condamnables, ce texte va les faire basculer dans le grand banditisme. Savez-vous dans quel état on sort après dix ans de prison ?
On peut comprendre, monsieur le rapporteur, ce qui vous a amené à proposer un tel amendement, mais il présente une grave difficulté. Permettez-moi de parler sinon en expert, en tout cas au regard de l’expérience que j’ai acquise sur ces problèmes.
Dans mon département, des voitures brûlent régulièrement, plus rarement des bâtiments. Or ces violences ne sont pas liées au transport.
La législation que vous nous proposez sera utile lorsque surviendra une crise dans une ville, un département ou une région, mais elle ne prévoit pas de garde-fou. Vous dites, monsieur le rapporteur, que pour justifier le transport d’un bidon d’essence, on peut toujours avoir une tondeuse. Qu’à cela ne tienne, certains en auront une !
C’est la raison pour laquelle je pense que ces dispositions devraient être appliquées seulement après un arrêté du préfet interdisant le transport de tels produits. Autrement dit, lorsque le préfet verrait se développer dans une ville, un quartier ou un département des violences urbaines ou des manifestations violentes, il suffirait – comme les préfets l’ont fait, mais sans condamnations à la clé – qu’il prenne un arrêté. Et si, dans ce contexte, des gens étaient interpellés, alors qu’ils transportent de l’essence – on en a vu certains se balader d’un endroit à l’autre avec des stocks d’essence dans les coffres de voiture, c’est vrai !–, le délit serait avéré.
Sans cette condition, des personnes avec un bidon d’essence achetée à la station-service pour remplir leur tondeuse ou leur tronçonneuse risqueraient d’être interpellées ! Je souhaite donc que cette condition soit incluse dans l’amendement.
(L'amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'article 26 bis est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.
La consommation habituelle et excessive d'alcool constitue un danger aussi grand, si ce n'est plus, pour la sécurité des personnes que l'usage de stupéfiants. Comme pour les usagers de stupéfiants, la société doit avoir pour objectif prioritaire de soigner ces personnes – et non se contenter d'appliquer une répression pénale –, afin d'éviter les situations de récidive qui pourraient déboucher sur des atteintes aux personnes d'une particulière gravité.
Plus de 100 000 condamnations sont prononcées chaque année pour conduite en état alcoolique. L'alcool est présent dans 10 % des accidents corporels sur la route et dans 28 % des accidents mortels.
Par ailleurs, une étude de l'INSERM, publiée en octobre 2006, sur les liens entre violences physiques et sexuelles, alcool et santé mentale a présenté des résultats inquiétants sur les liens entre alcool et faits délictuels. L'INSERM a analysé 2 207 affaires pénales enregistrées en 1999-2000 par le parquet d'un gros tribunal de grande instance de la région parisienne.
L'usage d'alcool lors des faits ou dans les habitudes des auteurs est observé chez plus du tiers d'entre eux. Lorsque les agressions et les violences sont commises par des conjoints, cette proportion atteint la moitié. Dans plus des deux tiers des plaintes pour viols et agressions sexuelles sur majeurs, l'auteur était sous l’emprise de l’alcool lors des faits ou est buveur d'habitude. Les usages de stupéfiants associés aux violences n'apparaissent que secondairement.
C'est pour les viols et agressions sexuelles sur majeurs que l'état éthylique de l'auteur de l'infraction est le plus présent. Viennent ensuite les viols déqualifiés et agressions sexuelles sur mineurs, ainsi que les violences dans les couples où l'alcool peut être relié aux auteurs dans un cas sur deux ; nous avons eu un long débat à ce sujet ce matin. Pour les autres types d'infractions étudiées, l'alcool est présent dans un quart à un tiers des cas.
En matière criminelle, l'état éthylique est encore plus prégnant : 69 % des homicides sont commis par des personnes en état d'ébriété ou par des alcooliques chroniques, ainsi que près de la moitié des incestes.
La France n'est pas un cas à part. Par exemple, la Finlande, qui a baissé d'un tiers ses taxes sur l'alcool à la fin 2003, a connu une croissance de 40 % des homicides en 2004.
J'ai donc estimé indispensable que le projet de loi puisse mettre en œuvre des mesures de prévention en direction des personnes alcooliques.
Le présent amendement, monsieur le garde des sceaux, est une initiative en ce sens. Il est le résultat d’un long débat au sein de la commission des affaires sociales, d’une longue réflexion et d’une longue expérience, et les chiffres que je cite sont issus de travaux scientifiques !
L’amendement tend à appliquer la procédure de l'injonction thérapeutique, mise en place pour les usagers de drogues illicites, aux conducteurs faisant une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques lorsqu'ils sont contrôlés avec au moins 0,8 gramme d'alcool dans le sang. L'injonction thérapeutique ne doit être mise en œuvre que si ces conducteurs sont coupables du seul délit de consommation excessive d'alcool ou d'état d'ébriété manifeste. Il ne saurait, en effet, être question de permettre de ne pas engager des poursuites pénales à l'encontre de ces conducteurs s'ils ont porté atteinte à l'intégrité d'une personne humaine, blessures ou homicide involontaires notamment. Monsieur le garde des sceaux, je fais bien la distinction entre les deux situations.
Le dispositif proposé n'affaiblit pas la répression pénale actuellement en vigueur puisque, dans la majorité des cas de première condamnation pour simple délit de conduite en état alcoolique, la juridiction prononce une peine d'amende et le retrait du permis de conduire. Pour récupérer son permis, le conducteur doit se présenter devant une commission administrative et prouver qu'il s'est soigné de son intoxication alcoolique. Il n'y a donc pas à proprement parler d'obligation de soins. La personne condamnée peut ne pas aller en cure et renoncer à récupérer son permis. On constate d'ailleurs le nombre croissant de personnes conduisant sans permis. Les chiffres sont parlants dans ce domaine.
Poursuivez, monsieur Dubernard.
Le terme de cette mesure serait apprécié par le médecin relais et le procureur de la République ou, en cas de décision prise par la juridiction de jugement, par le juge de l'application des peines. Elle offre ainsi les meilleures garanties sanitaires et judiciaires.
La procédure de l'injonction thérapeutique a l'avantage de garantir le suivi de ces personnes malades. La contrainte pesant sur elles est forte, aussi bien en termes de suivi sanitaire que de menace pénale si la mesure d'injonction thérapeutique n'est pas menée à son terme : l'action publique est alors engagée contre elles avec la menace d'une d'amende et d'un emprisonnement.
Monsieur le garde des sceaux, le présent amendement offre donc au procureur de la République l'opportunité d'imposer une obligation de soins dès la première infraction pour simple abus de boissons alcooliques. Cette action à visée thérapeutique immédiate doit avoir pour but d'éviter à tout prix la récidive qui pourrait s'accompagner de blessures ou de mort d'hommes.
Par ailleurs, le dispositif d'injonction thérapeutique figurant dans le nouvel article L. 3361-2 du code de la santé publique reprend une faculté dont dispose le juge au titre de la composition pénale en application du 17° de l'article 41-2 du code de procédure pénale créé par l'article 30 du présent projet de loi.
Dernières précisions : pour l'application de l'injonction thérapeutique aux cas d'alcoolisme, il devra être rappelé aux personnes concernées les conséquences de la consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques et celles-ci pourront être traitées ou suivies dans un centre de cure ambulatoire en alcoologie ou dans un centre spécialisé dans le traitement des addictions à l'alcool.
Je vous indique qu’il faut rectifier l’amendement en mettant « notifié » au masculin à la fin du deuxième alinéa du texte proposé pour l’article L. 3361-1.
Jusqu’à présent, je n’ai eu qu’à me féliciter de l’apport extrêmement constructif à notre texte de l’excellent président Dubernard. Là, je suis un peu perplexe et je me demande sous l’emprise de quel raisonnement (Sourires.) son amendement a été élaboré.
Si je comprends bien, en effet, il vaudra mieux, pour être impuni, être un alcoolique habituel qu’un alcoolique d’occasion ; c’est à peu près ce que dit l’amendement. J’imagine bien que ce n’est pas le but, mais, selon sa rédaction, dans l’hypothèse où un alcoolique habituel attenterait à l’intégrité physique, c’est-à-dire s’il provoquait un accident mortel ou entraînant une incapacité, il serait poursuivi, alors que, dans le cas inverse, il ne le serait pas ; il devrait seulement subir une injonction thérapeutique. Bref, celui qui sortirait d’un mariage un peu trop arrosé sans être un alcoolique habituel serait poursuivi selon le droit commun.
Je suis certain que ce n’est pas l’objectif poursuivi par cet amendement, mais c’est quand même ce à quoi il aboutirait – je vais vous en convaincre – puisqu’il énonce : « Le procureur de la République peut enjoindre la personne faisant une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques et ayant conduit un véhicule terrestre à moteur sous l’influence de l’alcool de se soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique, sous réserve qu’aucun délit d’atteinte à l’intégrité d’une personne humaine ne soit relevé à l’encontre de ce conducteur. »
Cela suppose qu’on conduise habituellement sous l’emprise de l’alcool et qu’on en consomme de manière excessive ou qu’on soit un consommateur habituel.
« La mesure d’injonction thérapeutique prend la forme d’une mesure de soins », dit l’amendement. Cette disposition-là est bonne.
Puis le quatrième alinéa indique : « L’action publique n’est pas exercée à l’égard des personnes concernées par une mesure d’injonction thérapeutique ».
Monsieur le président Dubernard, on ne peut qu’être d’accord sur l’idée de l’injonction thérapeutique, mais votre amendement est rédigé de telle manière que, mécaniquement, il aboutirait au fait que l’action publique ne pourrait pas être exercée contre les personnes qui consomment habituellement de l’alcool de manière excessive et qui conduisent !
Peut-être, avant de se faire arrêter, n’auront-ils pris le volant qu’une seule fois, mais ils peuvent l’avoir pris plusieurs fois. Si l’on diagnostique à ce moment-là que ce sont des alcooliques habituels, l’action publique ne sera pas engagée : c’est bien ce que dit votre amendement, qui n’est donc pas acceptable.
Je lui rends d’abord les armes sur la question de santé publique : il a raison sur tout. Cependant s’il le permet, je ne me situe pas sur ce terrain-là : je réponds d’un strict point de vue juridique.
Le président Dubernard invente un mécanisme nouveau, inconnu de notre droit, une peine qui ne serait prononcée que par le procureur. C’est du jamais vu, c’est sans précédent, et cela pose un sacré problème.
L’article 30 vous donne pourtant satisfaction, monsieur Dubernard, puisqu’il permet de soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique les personnes alcooliques dans le cadre de la procédure de la composition pénale. Cela est très proche de votre idée, mais la proposition du procureur permettra qu’il y ait homologation par le juge du siège. Ainsi, nous revenons dans le droit. C’est cette composition pénale étendue, comportant l’injonction de soins, tant pour les majeurs que pour les mineurs, qui répond à votre souhait. L’article 29 permet en outre une semblable injonction de soins dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve.
En fait, monsieur le président Dubernard, vous avez eu raison d’insister sur les ravages de l’alcoolisme, mais la solution est proposée aux articles 29 et 30, et je souhaiterais que vous retiriez votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
Cet amendement ne se prononce pas sur la question du caractère illicite de telle ou telle substance − et c’est tout à son honneur −, mais, se plaçant au point de vue de la santé publique et de la prévention, il se demande si un produit est ou n’est pas dangereux pour son consommateur et pour autrui. En l’occurrence, l’alcool l’est, et il est totalement aberrant, à tous points de vue, de traiter de la lutte contre la toxicomanie sans y inclure celle contre l’alcoolisme. Le rapprochement se justifie au contraire par la morbidité, la sinistralité, la mortalité qui sont associées à toutes ces substances, mais aussi parce que les consommateurs mélangent souvent les produits psychoactifs.
J’aurais souhaité que ces sujets soient traités de façon transversale et que, dans le peu qu’il en dit − ou essaie d’en dire −, le Gouvernement ne se limite pas à une simple distinction entre produits licites et produits illicites, mais considère toutes les substances psychoactives qui mettent la personne en danger. Il serait donc logique qu’une rédaction fusionne les deux approches et ne prenne pas le caractère légal ou illégal comme base d’une action publique en la matière.
Par ailleurs, on ne peut organiser la prévention de la délinquance liée à des produits psychoactifs qu’en agissant sur les gens qui ont déjà commis des délits et ont été traduits devant la justice. Une action environnementale s’impose, et elle est fondamentale, mais le projet de loi ne prend pas en compte cette politique d’éducation et de lutte contre les produits psychoactifs. Nous aurons l’occasion d’en reparler à propos des drogues illicites, singulièrement du cannabis, qui nécessitent une autre politique.
L’amendement de Jean-Michel Dubernard est lourd de conséquences, puisque, pour la première fois, il induit avec force une politique en direction des personnes alcooliques ayant commis des délits ; il introduit ainsi dans le projet de loi une dimension qui en était absente. Nous aurions tous gagné à ce que sa rédaction soit plus collective, mais, à ce stade de la discussion, il me paraît fondamental de soutenir l’acte politique qui consiste à inscrire les problèmes de l’alcoolisme dans le cadre des politiques de prévention des comportements délinquants.
C’est pourquoi, même si nous préférerions que cette disposition soit examinée à un autre moment et, peut-être, d’une autre façon ; même si nous croyons possible de l’améliorer, nous sommes favorables à l’article additionnel proposé par Jean-Michel Dubernard.
D’autre part, les expressions qui ont surpris mon collègue M. Houillon, telle la notion de « consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques » qui figure pourtant dans le code de la route, sont des éléments qui ont à la fois une valeur juridique et une dimension technique. C’est la raison qui me pousse à maintenir mon amendement.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 24
Nombre de suffrages exprimés 24
Majorité absolue 13
Pour l’adoption 8
Contre 16
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
Il prévoit également la mise en place d’un médecin relais qui sera chargé de réaliser l’examen médical, de mettre en œuvre la mesure d’injonction thérapeutique, d’en proposer les modalités et d’en contrôler le suivi sur le plan sanitaire. La mise en place de ce médecin relais nous paraît plutôt une bonne mesure, qui participerait de la prévention des pratiques addictives. Malheureusement, aucun moyen n’est prévu pour permettre l’application concrète de ce dispositif.
Selon toute vraisemblance, la mise en place du médecin relais est vouée à l’échec. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le rapporteur de la commission des lois du Sénat qui écrit : « Où trouver des médecins relais volontaires en nombre suffisant ? Comment les financer, alors que le président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies indiquait lors de son audition que la consultation reviendrait à 60 euros. Sachant que trois à quatre consultations par an devraient être envisagées et que cette mesure est désormais étendue aux personnes ayant une consommation habituelle excessive d’alcool, son coût a été évalué entre 15 et 20 millions d’euros. »
Comment une telle mesure sera-t-elle financée pour qu’elle soit concrètement appliquée et ne reste pas lettre morte ? Si vous nous donnez l’assurance, monsieur le garde des sceaux – vous qui êtes si attentif ! –, que les moyens permettant la mise en place de ces médecins relais seront prévus, alors nous retirerons notre amendement. Dans le cas contraire, nous serons contraints de maintenir notre demande de suppression d’un article inapplicable.
Il est possible de s’inscrire sur un article, même en séance.
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
Nous avons déjà évoqué, avec le très important amendement de Jean-Michel Dubernard, la problématique du chapitre VI. Il s’agit à présent d’aborder les questions de toxicomanie.
On aurait pu penser que ces dispositions n’avaient rien à faire dans ce texte, dans la mesure où elles relèvent de la santé publique et non pas simplement de la prévention de la délinquance. Il en va de même pour les dispositions du chapitre V que nous examinerons ce soir et qui touchent à la santé mentale. Je reconnais que, par certains aspects, la toxicomanie a un rapport plus direct avec la délinquance, ne serait-ce que parce que le trafic de stupéfiants, singulièrement de cannabis, entraîne, en aval, des problèmes de délinquance. Je suis persuadé que la consommation de très nombreux produits psychotoxiques et psychoactifs, en particulier du cannabis, est liée à certains comportements violents que nous devons combattre pour éviter que des jeunes ne sombrent dans la délinquance.
Il me semble donc légitime de s’intéresser à ces problèmes de consommation de cannabis.
Je ne sais, monsieur le garde des sceaux, si, ce faisant, je fais du droit, mais il faut savoir que la consommation de cannabis est très élevée dans notre pays, notamment chez les jeunes : plus d’un sur deux en a été un usager et 10 % sont des consommateurs réguliers, c’est-à-dire en ont consommé au moins dix fois dans les trente jours précédents. Ces deux chiffres suffisent à démontrer le caractère massif de la consommation de cannabis, notamment, dans notre pays, avec tout ce que cela signifie.
Face à cette situation, un débat s’est engagé voilà déjà longtemps sur l’inapplication de la loi de 1970 qui tend à rendre illicite et donc à pénaliser la consommation de cannabis. Nous quittons là le domaine de la santé publique, monsieur le garde des sceaux, pour entrer dans celui du droit : voilà une législation répressive qui n’est en rien appliquée par votre ministère. Je ne sais s’il faut s’en féliciter ou regretter que la loi soit ainsi ridiculisée par vos services. D’un côté, on peut s’en satisfaire, car, si l’on en croit les statistiques, un jeune sur deux pourrait, selon le droit en vigueur, tomber sous le coup d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison, mais, d’un autre côté, on ne peut s’en satisfaire, car cela ne peut qu’inciter notre jeunesse à violer le droit, tout en permettant à des trafics de prospérer et d’aggraver ainsi les problèmes de délinquance dont nous parlons.
Le débat a été relancé voilà plus de trois ans par le Gouvernement, avec les déclarations publiques du ministre de la santé, du ministre de l’intérieur et de votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux, qui a conclu qu’il fallait changer cette loi de 1970 et aller vers la contraventionnalisation des peines.
Or aujourd’hui, alors que prétendez faire acte de prévention de la délinquance, voilà que ce qui constituerait sans aucun doute l’un des leviers principaux de la lutte contre la délinquance chez les jeunes, à savoir une véritable politique active contre la consommation de cannabis, est totalement absente du texte. Nous n’allons traiter que d’éléments cosmétiques, de points marginaux, qui n’abordent que de façon secondaire le problème de masse auquel nous sommes confrontés et qui abandonne toute ambition de faire régresser la consommation de cannabis dans notre société. J’y reviendrai à l’occasion de l’examen des amendements et des articles suivants.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l’amendement n° 114.
Le médecin relais, l'autorité sanitaire et l'autorité judiciaire doivent, dans leur domaine de compétences respectives, travailler conjointement afin que soit pris en compte l'intérêt du bénéficiaire de la mesure. Dans cette perspective, il convient que soient préconisées les mesures indispensables et strictement nécessaires à la satisfaction de cet objectif. Cette question se pose tout particulièrement avec l'enquête, non pas médicale, mais portant sur la vie familiale, professionnelle et sociale de l'intéressé.
Pour éviter toute opposition entre le médecin relais et la DDASS, c’est à l'autorité judiciaire à l'origine de la mesure d'injonction thérapeutique qu’il doit revenir in fine de trancher, au terme des argumentaires fournis par l'un et par l'autre, sur l'opportunité de réaliser cette enquête familiale, professionnelle et sociale.
Quant à la loi de 1970, nous faisons, monsieur Le Guen, le même diagnostic. C’est d’ailleurs pourquoi le présent texte prévoit d’agrandir le champ de l’ordonnance pénale pour les adultes, d’étendre la composition pénale aux mineurs et de renouveler le fonctionnement de l’injonction de soins, laquelle peut être demandée à tous les stades de la procédure à l’encontre d’un usager de drogue, ou d’alcool comme l’a souligné le président Dubernard.
Avec ces trois mesures, nous avons, je crois, apporté une réponse pénale à une situation qui, jusqu’à présent, ne donnait lieu qu’à des admonestations ou à des contraventions, ce qui n’avait aucun effet sur les usagers réguliers de drogue. Je suis donc heureux de pouvoir ainsi montrer au président Dubernard combien nous avons progressé.
Pour ce qui est de l’amendement qu’il vient de défendre, le Gouvernement est tout à fait favorable à sa dimension sanitaire et sociale. Il s’agit en effet de santé, et peut-être est-ce d’ailleurs pour cela que j’ai toujours quelques difficultés à comprendre (Sourires) : en cas de désaccord entre l’autorité sanitaire et le médecin relais, celui-ci peut demander à l’autorité judiciaire de se prononcer en dernier ressort sur l’opportunité de la requête.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
Faire du médecin relais l’interface entre le pouvoir judiciaire et l’autorité médicale, c’est le mettre dans une situation impossible sur le plan déontologique. Qu’une personne joue un rôle, non pas de médecin stricto sensu, mais d’intermédiaire entre les pouvoirs publics –représentant l’ordre social, lequel doit effectivement être défendu – et les intervenants chargés d’appliquer une mesure d’injonction thérapeutique décidée dans le cadre d’une procédure judiciaire, cela me paraît légitime. En revanche, le secret médical ne doit en aucune façon être transgressé.
Si l’intervention d’un médecin relais n’avait pour seul prétexte que de pouvoir s’abstraire du secret médical, une telle atteinte à la déontologie constituerait une grave régression. Et sans même parler de secret médical, on manque suffisamment de médecins pour ne pas leur imposer une charge administrative supplémentaire.
Cette idée de médecin relais a tout simplement vocation à donner une coloration médicale à une peine judiciaire. Ce n’est pas une bonne solution, et j’imagine que mes collègues auront à cœur de réexaminer la question à l’occasion d’une prochaine lecture.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 27, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
Aucun processus judiciaire ne permettra pourtant de traiter 50 % voire même 10 % de nos jeunes. Seule une infime partie des consommateurs sera visée, la plus dépendante j’espère. Cela justifiera, dans tel ou tel cas, une injonction thérapeutique et, dans tel autre cas, une information sur les dangers du cannabis. Néanmoins votre politique n’est pas à la hauteur de ce qu’exige la lutte contre le cannabis.
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour défendre l’amendement n° 663 qui tend à la suppression de cet article.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La lutte contre les toxicomanies, en l’occurrence contre le cannabis – puisque c’est essentiellement sa consommation que visent ces articles – ne prend jamais véritablement en compte la dangerosité de cette substance en fonction de son usage. Il ne sert à rien de diaboliser des produits dont la consommation est très grande, quand leur dangerosité tient au moment où ils sont consommés par certaines personnes et dans certaines conditions, ou à leur association à d’autres produits, tout cela de façon abusive.
La politique qui nous est proposée est essentiellement judiciaire. Aucune démarche de santé publique n’est prévue en amont qui permettrait de lutter de façon efficace contre les toxicomanies. Tout au contraire, la politique judiciaire proposée ne peut être qu’inaudible et inappliquée et n’aboutir qu’à une dépénalisation de fait. Le Gouvernement ne s’est pas donné les moyens d’une pénalisation qui soit applicable.
Avec l’amendement n° 662, je propose que nous nous donnions les moyens d’une pénalisation applicable parce que c’est un des éléments d’une véritable politique de santé publique. Même si, nous le savons bien, la prohibition en soi ne nous garantit pas que les produits ne seront pas consommés – cela ne suffit pas –, nous pensons néanmoins que la dépénalisation serait perçue comme un encouragement au laxisme et à une consommation dangereuse, en tout cas dans de très nombreux cas.
Par ailleurs l’objectif que vous poursuivez peut être atteint par l’extension de la composition pénale, d’une part, et par l’institution en la matière de l’ordonnance pénale, d’autre part.
Pour toutes ces raisons, je pense qu’il vaudrait mieux rejeter cet amendement en l’état.
Le constat est le suivant : en France, le code est sévère à l’encontre des usagers de drogue mais, dans la réalité, la répression est presque inversement proportionnelle, autrement dit nous n’appliquons pas le code pénal. Si nous passions, dans la loi, du délit à la contravention, cela signifierait en réalité que nous baissons dans l’échelle. Nous enverrions donc un signal contraire à ce que souhaitait M. Dubernard dans un amendement précédent.
Sur le plan technique et juridique, le président Houillon vous a répondu : il vaut mieux l’ordonnance pénale parce qu’elle permet la garde à vue. Si vous placez l’usager en garde à vue, vous pouvez remonter jusqu’aux revendeurs, ce qui n’est pas inutile. De plus, l’ordonnance pénale permet tout à fait d’infliger une amende – on n’est pas obligé d’avoir autre chose qu’une amende dans le cadre de l’ordonnance pénale. Surtout, elle ne donne pas ce sentiment un peu inquiétant de passer du délit à la contravention, autrement dit d’atténuer les sanctions, c'est-à-dire qu’elle correspond à l’esprit même du texte qui cherche à appliquer avec vigueur le code pénal s’agissant des usagers.
Donc avis défavorable.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
Le Gouvernement confirme l’hypocrisie qui est la sienne en matière de lutte contre le trafic des stupéfiants. La loi de 1970 n’est pas appliquée. Sans doute a-t-elle un intérêt pour le ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour les statistiques de la délinquance et l’état 4001.
On ne peut cependant pas en rester là quand on connaît les ravages sur les jeunes et les conséquences parfois sur la délinquance.
Après avoir critiqué la loi de 1970, le ministre d’État avait pourtant déclaré qu’il souhaitait la modifier. Or, c’est clair, le Gouvernement a décidé de ne pas le faire.
Avec ce qui est proposé par l’amendement, c'est-à-dire le passage à la contravention, il sera au moins possible – à condition, que cette mesure soit mise en œuvre réellement, c'est-à-dire avec des moyens et des instructions qui seront données – de lutter contre les trafics, ce que vous ne faites pas. Vos résultats sont piètres en la matière.
Certes, monsieur le rapporteur, on ne pourra plus mettre l’usager en garde à vue, mais ce n’est pas à partir des usagers que l’on remonte les réseaux. Pour cela on s’appuie sur les actions de blanchiment. Or, là encore, en matière de lutte contre le blanchiment de l’argent de la drogue, vos résultats sont très minces. Cela étant, tel n’est pas l’objet de notre amendement, qui vise d’abord à limiter et à combattre la consommation de cannabis chez une partie de notre jeunesse.
Avec ce projet de loi, nous proposons un dispositif pénal efficace et, cette fois-ci, applicable. Jusqu’à présent, je n’ai jamais vu la moindre orientation gouvernementale qui essaie de faire comprendre à des usagers de la drogue combien cela est dangereux. Là, nous « inventons » des systèmes nouveaux. Outre l’amende, il pourra y avoir une ordonnance pénale pour les adultes, une composition pénale pour les mineurs, une injonction de soins à tous les stades de la procédure.
Il ne suffit pas de faire de la philosophie pour expliquer que la drogue, c’est mal. Nous voulons faire en sorte qu’il y ait une pénalisation des usagers de la drogue.
Quant à l’argument selon lequel c’est la garde à vue qui permet de remonter les filières, il ne tient pas. Je peux vous amener, comme chacun d’entre nous dans n’importe quelle circonscription, dans au moins cinq ou six endroits où le trafic s’opère. Si la police a besoin d’arrêter des dealers, qu’elle vienne me demander. Je leur donnerai l’adresse du 159 rue du Château-des-Rentiers, où cela fait vingt ans que ça dure, ou de la cité du Chevaleret ; rien n’y a changé non plus. Si je demandais à notre collègue M. Lagarde les deux ou trois points de vente qui existent dans sa commune, il pourrait certainement nous les indiquer.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 19
Nombre de suffrages exprimés 16
Majorité absolue 9
Pour l’adoption 6
Contre 10
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
L’amendement n° 276 rectifié de la commission est rédactionnel. Il recueille l’accord du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Le présent amendement propose donc de préciser dans la loi que l’infraction s’applique aux travailleurs mis à la disposition d’une entreprise de transport par une entreprise extérieure.
Un conducteur de bus ou de métro qui aurait consommé du cannabis à Palavas-les-Flots pendant ses vacances et qui serait contrôlé encourrait-il une peine aggravée ? Et qu’est-ce qui justifie qu’un fonctionnaire du ministère de l’intérieur ne serait-il pas, lui aussi soumis, à la même aggravation ?
(L’amendement est adopté.)
J’ai quelques difficultés à comprendre. En effet, cela relève de la médecine du travail et de la politique de l’entreprise. Pourquoi faire intervenir la justice et la police dans ces entreprises, comme si la seule politique de prévention possible et efficace était de renforcer les sanctions ? On ne sait d’ailleurs pas très bien ce qui sera réprimé.
Permettez-moi d’être un peu technique, mais quand on traite de tels sujets, il est préférable d’être précis : la présence de gamma GT dans le sang, qui laisse penser que la personne consomme de l’alcool de manière significative, sera-t-elle considérée comme une preuve, ou la présence de THC, qui révèle l’existence de substances cannabiques, conduira-t-elle à sanctionner le conducteur de bus ou de métro qui consomme peut-être chez lui, mais n’a jamais conduit sous l’emprise de cannabis ? La police et la justice interviendront-elles à la demande de l’entreprise ou dans d’autres cas ? Quel sera l’impact de leurs enquêtes et quelles en seront les conséquences sur la prévention, si tant est qu’il y ait prévention ?
Il s’agit une nouvelle fois d’une volonté d’affichage, de précautions excessives, totalement inefficaces, mais dangereuses pour les libertés individuelles.
Il s’agit de savoir comment et pourquoi un conducteur – ou une conductrice – doit être réprimé. Est-ce parce qu’il sera particulièrement dangereux quand il conduira ou parce qu’on le soupçonne d’avoir consommé certaine substance pendant les vacances ? Il n’est, en effet, pas précisé à quel moment a lieu le contrôle. Est-ce pendant ou en dehors de son travail ? Est-ce que le simple fait d’être chauffeur de bus ou de métro expose à une « surpeine » si on consomme du cannabis en dehors de ses heures de travail ? La disproportion est totale et la politique de prévention totalement inefficace !
(L'amendement est adopté.)
Je pense que Doc Gynéco a dû conseiller le Gouvernement sur ce point. Il est vrai que ce dernier a, lui, quelques moyens, surtout quand on sait qu’il ne paie pas ses impôts !
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement est adopté.)
Le quatrième aliéna de l’article 28 précise en effet : « Si l’infraction est commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou par le personnel d’une entreprise de transport terrestre, maritime ou aérien, de marchandises ou de voyageurs exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. »
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement est adopté.)
J’insiste : une condamnation sévère pour consommation de cannabis dans une zone scolaire peut avoir des conséquences lourdes sur des jeunes dont on a déjà dit qu’ils étaient en nombre conséquent à consommer une telle drogue.
(L'article 28, ainsi modifié, est adopté.)
Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :
Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;
Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton