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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 30 novembre 2006

75e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 4, précédemment réservé.

Article 4 (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 4, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le garde des sceaux, nous sommes très heureux de votre présence aujourd’hui, alors que nous allons aborder la discussion de l’article 4, précédemment réservé. J’en profite pour rappeler, qu’à la différence du Sénat, notre assemblée examine ce projet de loi de façon très décousue, l’appel des articles étant fonction de l’agenda des ministres. Je me permets tout de même de rappeler qu’il appartient au Gouvernement d’organiser les choses de façon plus rigoureuse.

J’ai sous les yeux une dépêche qui nous avise que la justice française s’apprête à vivre un vendredi immobile, ce qui ne doit pas vous laisser indifférent, monsieur le garde des sceaux !

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Absolument pas !

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cela n’a aucun rapport avec le texte !

M. Jean-Pierre Blazy. Pour la première fois depuis près de cinq ans, avocats et magistrats protesteront demain de façon concomitante. Le rapporteur me répondra certainement que la faute incombe aux syndicats de magistrats, qu’il a quelque peu stigmatisés hier soir ! Les avocats réclament, pour leur part, une revalorisation de l’aide juridictionnelle. Si nous voulons effectivement agir plus fortement dans le domaine de la prévention de la délinquance, cette aide juridictionnelle doit effectivement être revalorisée – nous serons d’ailleurs amenés à évoquer cette question très sensible. De plus, le budget de la justice pour 2007 n’offre guère de perspectives réjouissantes. À l’instar de ce qui est prévu pour les maires, on demande aux différents acteurs d’être plus efficaces sans leur donner aucun moyen supplémentaire.

L’article 4 consacre explicitement dans la loi le rôle du ministère public en matière de prévention de la délinquance. Cette disposition nous paraît inutile et doublement inopportune, puisqu’elle confond prévention de la délinquance et prévention de la récidive. Il est vrai que le traitement des plaintes et des procès-verbaux individuels constitue l’axe majeur de ses missions. Le procureur de la République est également chargé d’appliquer la politique pénale définie par le Gouvernement et, plus généralement, d’apporter sa contribution aux politiques publiques définies par ailleurs.

Dans le cadre de cette politique globale, le projet de loi ajoute une composante supplémentaire, la prévention de la délinquance, mission que le procureur ne peut remplir puisqu’il est démuni de moyens d’action, excepté, bien évidemment, son appréciation de l’opportunité des poursuites. Avant la commission de l’infraction, le parquet n’a jamais vocation à être saisi. La simple intention n’est pas, en principe, punissable. Elle doit être suivie d’un passage à l’acte. Il ne paraît donc pas pertinent d’élargir les missions du procureur de la République en vertu des principes d’interprétation stricte de la loi pénale et de l’égalité des délits et des peines, qui confient à l’autorité judiciaire l’application de la loi pénale et éventuellement de la prévention de la récidive, mais en aucun cas de la prévention de la délinquance.

En outre, s’il n’apparaît pas comme un acteur de premier plan en matière de prévention de la délinquance, le procureur reste un acteur utile dans la mesure où il dispose d’un certain nombre de pouvoirs exercés individuellement – rappel à l’ordre, médiation pénale avec l’accord de la victime –, tous fondés sur son droit d’appréciation de l’opportunité des poursuites. C’est à ce titre qu’il signe des contrats locaux de sécurité ; par conséquent, il est inutile que le texte prévoie la possibilité pour le procureur de signer des conventions avec les autres acteurs puisque cela se fait déjà dans de nombreux ressorts, dans le cadre de la coproduction de la sécurité, qui est une réalité depuis près de dix ans.

Le projet de loi est bavard, monsieur le garde des sceaux !

M. le garde des sceaux. Vous aussi, monsieur le député !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. À la différence du groupe socialiste, le groupe UDF considère que cet article est important. Ayant pour mission principale de poursuivre au nom de la société, le procureur de la République joue un rôle indispensable dans la politique de prévention de la délinquance. On ne peut, en effet, pas dissocier la prévention, donc avant la commission de l’acte, du traitement judiciaire d’un délit. Nous l’évoquions au début de cette discussion : on ne peut séparer prévention et sanction. Il serait donc malsain d’écarter le procureur de la République de la politique de prévention, alors même qu’il doit requérir et demander des sanctions. De façon plus prosaïque et concrète, la mission du procureur est en rapport avec la prévention de la délinquance, puisqu’il est membre de droit du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Cela n’a d’ailleurs jamais soulevé de discussions. Le fait que l’article 4 consacre dans la loi son rôle en matière de prévention de la délinquance ne pose donc aucun problème.

Le procureur de la République dispose surtout d’informations uniques, qu’il est le seul à pouvoir partager avec ses interlocuteurs. Cet article permettra donc, comme nous le souhaitons, de coordonner la politique de prévention de la délinquance. C’est le procureur qui connaît précisément l’évolution des chiffres de la délinquance et le traitement des différents types de poursuites, puisque c’est sa politique pénale qui sera ensuite appliquée. La prévention, monsieur Blazy, ne s’applique pas qu’aux primo- délinquants, mais aussi à des personnes déjà connues des services de la justice. Grâce aux informations que fournira le procureur, nous pourrons intervenir et aider des familles, alors même que des actes ont déjà été commis.

Le procureur est, en conséquence, le bienvenu dans ce dispositif dans la mesure où il peut expliquer les conditions qui favorisent le développement de la délinquance et de la primo-délinquance. De par ses connaissances, il sera un des maillons de la chaîne et jouera un rôle pour prévenir la délinquance ou coproduire de la sécurité, comme vous aimez à le dire. Sa présence ne sera pas négligeable, lorsqu’il s’agira de créer un environnement autour d’un quartier, d’une famille, d’un individu ou parfois d’un groupe d’individus en détresse. Si le procureur de la République n’était pas là, les maires, entre autres, qui sont au centre de ce projet de loi, seraient privés d’informations.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais il est là !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il doit être à leurs côtés. On a besoin de lui pour essayer d’avancer.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Le groupe des députés communistes, je le rappelle, est opposé à ce projet de loi, que nous considérons globalement extrêmement négatif, mais nous ne demandons pas la suppression de l’article 4 car de nombreux maires établissent des contacts avec le procureur de la République, qu’ils considèrent dans certains cas comme un partenaire. On l’appelle quand il y a une difficulté quelconque, pour avoir un échange avec lui, notamment en cas de troubles à l’ordre public, pour étudier avec lui la situation et essayer de trouver les meilleures solutions.

L’Association des maires de France avait d’ailleurs elle-même établi un lien avec le ministère de la justice il y a deux ou trois ans en demandant qu’il y ait des contacts réguliers entre le procureur de la République et les maires, à leur demande. Cela s’est d’ailleurs décliné dans de nombreux départements, dont le mien. Un texte commun avait été envoyé aux maires en les encourageant à établir des contacts avec le procureur de la République lorsque c’était nécessaire.

Nous ne voyons pas dans cet article un élément gênant pour l’exercice de la fonction de maire, et je préfère pour ma part qu’un maire prenne le téléphone et s’adresse au procureur de la République plutôt que de jouer lui-même au shérif. Voilà pourquoi nous n’en demandons pas la suppression.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 675, tendant à supprimer l’article 4.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le défendre.

M. Jean-Pierre Blazy. La pédagogie est l’art de la répétition, et je crois que vous ne m’avez pas bien compris.

Si nous présentons un amendement de suppression, c’est simplement parce que cette disposition est inutile sur le plan juridique. Comme moi, monsieur Lagarde et monsieur Chassaigne, vous avez souligné que les procureurs de la République avaient un rôle important, qu’ils étaient présents dans les CLSPD, qu’ils étaient partie prenante aux contrats locaux de sécurité, mais le problème, c’est que c’est avant tout la prévention de la récidive qui intéresse le Gouvernement, le garde des sceaux et la majorité, alors que ce projet de loi est relatif à la prévention de la délinquance.

Les procureurs sont déjà présents dans les CLSPD, depuis déjà de nombreuses années. Ils sont de plus en plus présents, et même très actifs. Que va apporter cet article de plus, quelle est sa valeur ajoutée ? Aucune sinon mettre l’accent essentiellement sur la prévention de la récidive.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est un élément de la délinquance.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un élément important, bien évidemment,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Essentiel !

M. Jean-Pierre Blazy. …et je ne le sous-estime pas, tant s’en faut.

Les maires ont souvent regretté que les parquets ne soient pas présents dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Dans un département comme le mien, le Val-d’Oise, ils le sont, et nous travaillons en bonne harmonie, en bonne coordination. L’article 4 prévoit que les procureurs pourront signer des conventions, mais ils en ont déjà signé avec les conseils généraux ou avec les maires, au sujet des TIG par exemple, les travaux d’intérêt général, ou des mesures de réparation.

Si je demande la suppression de l’article, c’est parce que c’est une disposition inutile pour la prévention de la délinquance. Il y a déjà des circulaires à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement a été rejeté par la commission.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, je vais répondre brièvement, pour informer l’Assemblée, et je n’y reviendrai pas. En contrepartie, je souhaiterais que les députés utilisent le temps réglementaire, cinq minutes par amendement. En l’occurrence, M. Blazy vient de l’utiliser deux fois pour dire deux fois la même chose.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est pour essayer de vous convaincre !

M. le garde des sceaux. Je vais à mon tour tenter de vous convaincre.

M. Jean-Pierre Blazy. Essayez !

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est très défavorable à la suppression de l’article 4, et j’ai beaucoup apprécié ce qu’ont dit Jean-Christophe Lagarde et mon quasi-voisin du Puy-de-Dôme, André Chassaigne.

Le rôle de coordination que doit jouer le procureur dans un département est très important. Ce n’est d’ailleurs pas le gouvernement actuel qui l’a inventé, c’est à la suite du rapport de M. Bonnemaison, l’un de vos amis, socialiste, qu’on le lui a donné.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous reconnaissez donc que le dispositif existe.

M. le garde des sceaux. Ma propre expérience en la matière est, je crois, parlante. Comme nous le savons tous, il y a eu des violences urbaines l’année dernière. J’ai reçu une fois les élus de la Seine-Saint-Denis avec le préfet, le procureur, le président du tribunal de grande instance, le responsable de la police urbaine, tous les grands responsables, et je suis moi-même allé deux fois à Bobigny. J’ai rencontré la totalité des maires, dont le nombre est légèrement supérieur à la quarantaine. Bien qu’ayant présidé le comité départemental de prévention de la délinquance, j’ai appris des choses. J’ai découvert que le procureur de la République, à la satisfaction de la totalité des élus, qui sont essentiellement communistes ou socialistes, assez peu UMP,…

M. André Chassaigne. Heureusement !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il y a tout de même des UDF !

M. le garde des sceaux. Pas plus !

…avait pris l’initiative de réunir tous les quatre mois l’ensemble des maires du département. Il y a ainsi un travail en profondeur qui est fait.

M. Jean-Pierre Blazy. Qu’apporte donc l’article 4 ? C’est déjà le cas, vous êtes en train de le démontrer d’ailleurs.

M. le garde des sceaux. Le fait de l’inscrire dans la loi rend cette pratique institutionnelle. Reconnaissons que c’est une facette de la responsabilité du procureur qui, il y a une dizaine d’années, ne serait venue à l’idée de personne. Rendons hommage à M. Gilbert Bonnemaison, qui a été l’un des premiers élus à dire que le parquet ne devait pas s’occuper seulement de répression mais aussi de prévention. C’est là où le texte est très cohérent. Le procureur, c’est la base même de la prévention, avec les maires.

Le Gouvernement est totalement opposé à la suppression de cet article, et je vous préviens, monsieur Blazy, que je n’interviendrai plus sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, vous venez de faire une démonstration qui donne de la pertinence à notre amendement.

Vous avez dit, en citant Gilbert Bonnemaison, à qui vous avez rendu hommage, à juste titre, que cela faisait vingt ans qu’une telle démarche avait été initiée. À vrai dire, cela fonctionne plutôt depuis une dizaine d’années, depuis les contrats locaux de sécurité, en 1997.

Vous venez à l’évidence de faire la démonstration que cette disposition est inutile. Certes, la loi va reconnaître ce qui existe déjà, mais elle ne va pas donner une base juridique dont on aurait besoin, puisque ça fonctionne, et de mieux en mieux, à la satisfaction de tous les élus, et de tous bords, nous sommes d’accord.

Il y aura peut-être des progrès à faire, mais la loi ne permettra pas de progresser. L’essentiel, c’est que vous, en tant que garde des sceaux, donniez aux procureurs qui auraient encore quelques réticences les instructions nécessaires pour que, dans les départements, aux côtés des conseils généraux et des maires, ils soient actifs et qu’ils soient effectivement présents dans les CLSPD.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 675.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 677.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le défendre.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un amendement de repli. À défaut de supprimer l’ensemble de l’article, on propose d’en supprimer l’alinéa 2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j’y suis défavorable car cela aboutirait à rendre incohérent l’article 4, et ce n’est évidemment pas ce que nous souhaitons. Je propose donc à mes collègues de le rejeter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 677.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 679.

La parole est à M. Lilian Zanchi, pour le défendre.

M. Lilian Zanchi. L’article 4 prévoit que préfet consultera le procureur avant d’arrêter le plan de prévention de la délinquance.

Vous avez présidé, monsieur le ministre, le conseil départemental de prévention de la délinquance, dans lequel siègent le procureur, le président du tribunal de grande instance, les représentants des collectivités. Après ce que vous venez de dire sur la place du procureur dans la politique de prévention menée sur son territoire, il nous semble important que ce dernier, qui est plutôt votre représentant en la matière, ne soit pas simplement consulté par le préfet, qui représente plutôt le ministère de l’intérieur, mais donne un avis conforme.

C’est pourquoi que nous proposons de rédiger autrement l’article 4, afin que le procureur ait véritablement toute sa place dans l’élaboration du plan départemental de prévention de la délinquance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j’y suis défavorable, car c’est l’État, et donc son représentant dans le département, le préfet, qui assume la responsabilité du plan. C’est la logique du dispositif mis en place.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 679.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 172.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’objectif du projet de loi, comme chacun a pu le constater, est de donner au maire, pivot de la politique de prévention de la délinquance, les informations qui lui permettront d’identifier des situations problématiques en amont et d’apporter des réponses adaptées. Il doit donc être informé des sorties de prison pour éventuellement mettre en œuvre en temps utile un accompagnement adapté. C’est l’objet de cet amendement.

Cet amendement a été débattu en commission à la demande de l’Association des maires des grandes villes de France, dont le président est le sénateur Bockel, parce qu’il était nécessaire que le débat s’instaure. J’attends néanmoins les observations du garde des sceaux. Nous verrons s’il pose un problème. Si c’est le cas, je le retirerai éventuellement.

Il était nécessaire en tout cas que la discussion ait lieu. On sait, en effet, que lorsque certains quartiers sont calmes, c’est parce que les deux ou trois personnes qui posent problème sont incarcérées et que, lorsqu’ils ne le sont plus, c’est parce que ces personnes sont sorties de prison, mais on le constate in situ et il serait peut-être utile d’avoir les informations en amont de façon que les maires, pivots de la prévention de la délinquance, puissent prendre des dispositions.

J’attends les observations du garde des sceaux sur cet amendement. Encore une fois, je le dis de manière très transparente, il nous a été suggéré, et nous avons estimé que le sujet méritait d’être abordé ici.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’objet de cet amendement consiste, pour l’essentiel, à demander à l’administration pénitentiaire de prévenir systématiquement les maires des sorties de prison de personnes domiciliées dans la commune. J’y suis défavorable, autant pour des raisons de principes que pour des raisons pratiques.

Sur le plan des principes, M. Bockel, puisqu’il a inspiré l’amendement, se rend-il compte de la responsabilité absolument incroyable qu’il veut faire endosser aux maires ?

M. Lilian Zanchi. C’est la logique du texte !

M. le garde des sceaux. Imaginez le cas, fort improbable il est vrai, d’une récidive immédiate ou rapide : le juge sera en droit de demander au maire les précautions qu’une fois prévenu il aura prises pour parer le risque de récidive. C’est une proposition totalement irresponsable, et je ne comprends pas comment un maire peut demander une responsabilité aussi dangereuse.

Sur le plan pratique, ce sont 85 000 détenus par an qui sont libérés, parmi lesquels certains n’ont pas de domicile et d’autres refusent d’indiquer leur adresse. Appliquer la mesure supposerait donc qu’on puisse justifier de façon détaillée pourquoi on a ou non donné le nom de tel ou tel détenu.

Vous savez enfin que la loi Perben a déjà assigné aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, la charge de travailler à l’insertion des détenus et de préparer leur sortie de prison, notamment en leur trouvant un logement et si possible un emploi. Chacun doit rester dans son rôle.

Je suis d’autant plus étonné que cet amendement ait été inspiré par Jean-Marie Bockel que les élus de gauche nous ont fait part de leur crainte que le texte présenté par le Gouvernement n’attribue aux maires trop de responsabilités.

M. André Chassaigne. Avec raison !

M. le garde des sceaux. Or cette proposition les accroît considérablement. J’y suis donc défavorable, tant sur le fond, que sur le plan pratique.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Pour avoir participé à la réunion de l’Association des maires des grandes villes de France où cette proposition a été débattue, je peux vous dire qu’elle a été soutenue par l’unanimité de ses membres : elle n’est donc pas conforme au souhait du seul Jean-Marie Bockel, qui l’a soumise aux parlementaires qui siègent sur tous ces bancs au nom de l’Association.

Tout au long de nos débats, nous avons mis l’accent sur le retour d’expérience des maires. Nous connaissons le cas de personnes qui, une fois sorties de prison, reviennent régler leurs comptes avec ceux qui les ont mises en cause et fait condamner, ce nouvel acte de délinquance leur valant de retourner en garde à vue ou en prison le soir même.

M. le garde des sceaux. Et il va faire quoi, le maire ?

M. Lilian Zanchi. Il est bon qu’au moins le maire soit informé, monsieur le ministre, d’autant que cela est conforme à l’esprit du texte. Tous nos débats précédents – il est vrai que vous n’y avez pas participé – ont fait apparaître qu’il s’agissait en permanence d’informer les maires de tout ce qui passe, jusqu’à l’absentéisme scolaire. Je suis content d’entendre vos réserves, monsieur le ministre, mais vous devriez les formuler à l’encontre de l’ensemble du texte, que vous devriez passer au crible de la même logique que vous appliquez à cet amendement. Si le fait d’être informé d’une sortie de prison devait engager la responsabilité du maire, sa responsabilité sera également engagée quand il sera informé qu’un enfant est en absentéisme scolaire, comme le prévoit la loi. Il faudrait que vous vous mettiez au diapason du gouvernement auquel vous appartenez, afin que le discours ne change pas selon les ministres avec lesquels nous débattons, à moins que vous n’assumiez cette incohérence.

Comme l’a bien dit le président Houillon, les maires veulent pouvoir actionner les travailleurs sociaux, pour qu’ils parent au risque de récidive en accompagnant la personne qui sort de prison et en lui permettant d’avoir un retour honnête au sein de la société et dans son quartier. On assure ainsi à cette personne une véritable réinsertion tout en évitant de nouvelles victimes.

Puisque vous parlez des SPIP, monsieur le ministre, je vous rappelle que les crédits de ces services sont en baisse, notamment dans mon département du Rhône. Ils en sont réduits à faire appel aux collectivités locales : ainsi, le conseil municipal de Villeurbanne, dont je suis membre, soutient un service de réinsertion des probationnaires, notamment en employant des personnes qui sortent de prison. Cela prouve que le ministère de la justice fait déjà appel aux collectivités locales pour remédier, par l’emploi et par le logement, à ses défaillances en matière de réinsertion des probationnaires. Nous sommes de fait déjà informés de la sortie de prison de certaines personnes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement sur lequel vous allez parler a bien pour auteur M. Houillon, et non quelque autre, dont j’ai entendu le nom !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je reconnais bien là, monsieur le président, votre souci de la précision. Il importe qu’on n’attribuât pas au seul M. Bockel une volonté qui est partagée, d’après ce que j’ai compris, par l’ensemble des maires des grandes villes de France et un amendement qui est accepté par la commission des lois. Cela étant dit, le groupe de l’UDF et moi-même désapprouvons cet amendement.

Si cet amendement est adopté, je devrai, étant donné le nombre de personnes incarcérées dans mon département, créer un service municipal de probation ! Cela ne me paraît pas conforme à la mission municipale. Autant les maires sont concernés par la lutte contre l’absentéisme scolaire, puisque les écoles et les dispositifs d’accompagnement scolaire, tels que les contrats de réussite éducative, relèvent de leur compétence, autant ils ne le sont pas par les sorties de prison. Je ne veux pas dire par là qu’ils doivent s’en désintéresser, mais qu’ils n’ont pas à être dotés d’une nouvelle responsabilité en la matière, qui leur imposerait de créer un service municipal spécialisé.

Deuxièmement, une telle disposition conduirait inévitablement les communes à constituer des fichiers d’anciens détenus : dans ma commune il n’y a pas d’autre possibilité de suivre les quelques dizaines, voire quelques centaines de personnes qui sont passées un jour ou l’autre par la case Villepinte, c’est-à-dire la maison d’arrêt du département. Habiliter ainsi les maires à ficher des personnes qui ont connu des problèmes avec la justice, c’est risquer d’établir une sorte de second casier judiciaire, dont on voit le danger pour les libertés individuelles.

De toute façon, cette mesure est totalement irréaliste. Pour pouvoir l’appliquer, il faudrait d’abord qu’il n’y ait pas 85 000 sorties de prison par an. La justice est incapable de prévenir les maires d’un tel flux de sorties : elle n’est même pas capable de se prévenir elle-même ! J’ai dû ainsi signaler aux autorités judiciaires et pénitentiaires de Montpellier qu’un de leurs détenus, censé exécuter une peine là-bas et qui, ensuite, avait « embrayé » sur une peine à la prison de Villepinte, se promenait dans les rues de Drancy : du reste, les services judiciaires de Montpellier ignoraient qu’il était sorti de la prison de Montpellier. On imagine combien il va être simple de prévenir les maires.

Les efforts municipaux en matière de lutte contre la récidive et de réinsertion doivent s’inscrire dans le cadre des actions de coordination, dont ce texte confie le pilotage aux maires, en liaison avec les SPIP. Il n’est pas nécessaire que nous les maires soyons informés des sorties de prison : c’est le SPIP qui doit nous dire s’il a besoin de nous dans le cadre des échanges qui auront lieu dans les structures qui seront créées à cette fin.

Je veux enfin attirer votre attention sur un point, monsieur le garde des sceaux : si le maire n’a pas à détenir une telle information, il en va autrement du commissaire de police, notamment dans un département comme le mien. Il arrive en effet – j’en ai encore eu un exemple il y a une dizaine de jours – que, soit à la suite d’erreurs de procédure, soit une fois leur peine exécutée, des détenus reviennent sans même que le commissaire de police, pourtant le principal responsable de la sécurité, soit au courant. À cause de cette lacune, ma ville a failli connaître un début de violences urbaines. Les auteurs présumés d’une infraction grave qui ont envoyé deux personnes à l’hôpital, dont l’une avec plus de trois cents jours d’incapacité temporaire de travail, ont été relâchés sans même que le commissaire soit mis au courant. Il a fallu qu’ils reviennent se pavaner dans leur quartier pour qu’on découvre qu’ils avaient été relâchés. Nous avons besoin, monsieur le garde des sceaux, que vous donniez des instructions très strictes aux magistrats pour que les commissaires soient systématiquement informés.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je partage tout à fait le sentiment que vient d’exprimer Jean-Christophe Lagarde : aujourd’hui, le vrai problème est que la police n’est pas prévenue des sorties de prison.

L’attitude de nos opposants est tout à fait paradoxale : après nous avoir accusés sans relâche de vouloir faire du maire un shérif, ils voudraient qu’on lui donne une responsabilité aussi considérable !

M. Jean-Pierre Blazy. Il s’agit d’une information, pas d’un pouvoir !

M. Lilian Zanchi. Il faut être cohérent !

M. Jacques-Alain Bénisti. Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur Lagarde : il est important d’assister les personnes qui viennent se plaindre auprès de nous des menaces de représailles qu’elles subissent de la part d’anciens détenus, mais je ne vois pas comment le maire pourrait protéger ces victimes éventuelles. C’est là le travail de la police, et non pas du maire. Je suis donc opposé à l’amendement.

Il reviendra au procureur de la République, dans le cadre des contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, d’informer que telle ou telle sortie de prison est susceptible de poser des problèmes et de recommander aux travailleurs sociaux et à certains services de police de les suivre avec la plus grande vigilance.

M. Pierre Hellier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. J’ai dit en présentant l’amendement qu’il était l’occasion de débattre d’une question qui avait été soulevée par une grande association de maires, et non pas par son seul président, même si j’ai cité son nom.

Sans avoir été convaincu par tous les arguments avancés pour repousser cet amendement, je ne peux pas nier que l’aspect pratique pose problème. Quant au fond, il est vrai que ce type de mesure peut nuire à la réinsertion, qui est une préoccupation première. Par ailleurs, on peut s’interroger sur la compatibilité d’une telle mesure avec le respect de la vie privée ou avec la liberté de s’établir là où on le souhaite.

Tout cela mérite d’autant plus réflexion qu’on ne sait pas où va s’installer celui qui sort de prison, et donc quel maire il faut prévenir. On se heurte là à nouveau au respect de certains principes. On peut préférer la solution de M. Lagarde, à savoir que les services de police soient informés : encore faut-il que la personne en cause se réinstalle dans la même commune, ce qui n’a rien d’obligatoire.

Pour toutes ces raisons et le débat ayant eu lieu, monsieur le président, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 172 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi d’amendements portant articles additionnels après l’article 4.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 475.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement n° 475 est important. Il vise en effet à aider les communes qui ont créé ou souhaitent créer une police municipale. Pas plus que les maires, l’État n’ignore les difficultés rencontrées dans le recrutement des policiers municipaux du fait de la concurrence dommageable qui s’établit entre les communes, d’une part, en termes de rémunérations et d’avantages et, d’autre part, en raison du nombre insuffisant de candidats admis aux concours par rapport à la demande importante des maires.

En outre, après sa réussite au concours, le futur fonctionnaire de police municipale accomplit une période de stage d’un an, durant laquelle la mairie qui l’a choisi sur la liste d’aptitude et qui assume sa rémunération ne peut lui confier de fonction de police municipale. Si, en effet, le stagiaire est généralement affecté à ce service pour en découvrir les mécanismes, il ne participe pas aux interventions. Mais une fois qu’il est titularisé, le policier municipal peut demander sa mutation dans une autre commune. Il arrive ainsi que des communes plus attractives que d’autres, comme certaines communes du Sud de la France qui connaissent peu de difficultés, n’accueillent jamais de stagiaires, mais débauchent les fonctionnaires de police municipale des communes qui les ont formés et accueillis à fonds perdus pendant un an.

Il serait logique qu’en contrepartie du stage effectué dans la commune qui l’a choisi sur la liste d’aptitude, le futur fonctionnaire de police municipale s’engage à y travailler durant au moins trois ans. Ce serait là un juste retour de la formation dispensée. Faute d’une telle garantie, certaines communes refusent de prendre des stagiaires – c’est le cas notamment de la ville dont je suis maire, qui a déjà financé à deux reprises, à fonds perdus, des stagiaires qui sont partis dès la fin de leur stage passer dans des communes du Sud-Est de la France des jours plus agréables qu’ils ne pouvaient en espérer Seine-Saint-Denis. Ce département étant malheureusement une bonne école en la matière, il conviendrait qu’en échange de la formation reçue ces fonctionnaires continuent à servir nos collectivités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. M. Lagarde soulève une vraie question. Tous les maires ici présents ont en effet vécu cette triste expérience qui consiste à débourser pour un service de police municipale qui sera immédiatement dépecé.

M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous en savez quelque chose, monsieur le rapporteur !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ne mettez pas en cause Pontoise, dont je n’ai pas parlé. Les débats en la matière sont nombreux et chacun d’entre nous pourrait faire part de son expérience.

Ce problème bien réel a été réglé par le législateur. L’article 23 du projet de loi sur la fonction publique territoriale – qui est du reste le texte dans lequel la disposition proposée trouve le plus naturellement sa place – prévoit le remboursement par la collectivité d’accueil si le fonctionnaire n’a pas accompli trois ans de service au profit de la collectivité qui a assumé les frais de sa formation.

Par ailleurs, l’amendement n° 475 se réfère au code des communes, qui n’existe plus.

Pour ces diverses raisons, et bien que je souscrive pleinement au point de vue de M. Lagarde sur le fond, je propose de rejeter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission, compte tenu des dispositions figurant déjà dans le texte sur la fonction publique territoriale.

J’ajoute que, si un tel dispositif était possible, son application ne devrait pas se limiter aux agents municipaux, mais devrait valoir pour tous les fonctionnaires.

Je le répète, l’amendement n° 475, juridiquement boiteux, est satisfait par l’article 23 du texte sur la fonction publique territoriale qu’a rappelé le président de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Sans préjuger un éventuel retrait de l’amendement, je tiens à témoigner, en tant que maire, des difficultés que nous rencontrons pour fidéliser les policiers municipaux. On ne peut confier aux maires des compétences plus étendues en matière de prévention de la délinquance et de sécurité sans se pencher sur cette question. L’État ne mettant pas à la disposition des territoires qui en ont le plus besoin les effectifs de police nationale ou de gendarmerie nécessaires pour faire face aux réalités de la délinquance, les maires doivent s’efforcer de trouver des réponses, notamment en créant une police municipale, laquelle n’a cependant pas les mêmes compétences, car elle est plus administrative que répressive.

Sans doute un amendement ne suffit-il pas à répondre à la question posée, mais elle mériterait au moins une réflexion de la part du Gouvernement, afin de venir en aide aux maires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Avant de retirer, le cas échéant, l’amendement n° 475, je souhaiterais savoir, monsieur le rapporteur, si le texte dont vous avez évoqué l’article 23 est déjà devenu une loi ou est en passe de le devenir. En d’autres termes, cette disposition est-elle déjà applicable ou, du moins, le sera-t-elle prochainement ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ce texte, qui a déjà fait l’objet d’une lecture au Sénat et à l’Assemblée, n’est pas encore applicable, mais…

M. le garde des sceaux. Ça vient !

M. Philippe Houillon, rapporteur. …son adoption ne devrait a priori pas présenter de difficulté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaitais m’assurer que la navette parlementaire irait jusqu’à son terme. Je puis maintenant retirer l’amendement n° 475.

M. le président. L’amendement n° 475 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 173.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement n° 173, adopté par la commission des lois à l’initiative de M. Mariani – qui a par ailleurs présenté aussi cet amendement en son nom propre, mais n’est pas ici pour le soutenir –, tend à compléter l’article 40-2 du code de procédure pénale, introduit par la loi dite « Perben II ». Aux termes de cet article, le procureur informe les autorités publiques qui lui ont signalé une infraction en application de l’article 40 du code de procédure pénale des poursuites, des mesures alternatives aux poursuites ou, le cas échéant, du classement sans suite qui ont été décidés à la suite de ce signalement. Dans le droit positif, donc, le maire informe le procureur, qui l’informe à son tour des suites données.

Pour compléter ce dispositif d’information, l’amendement n° 173 prévoit que le procureur devra désormais informer le maire de la décision rendue. Aujourd’hui, en effet, le maire, qui a été à l’origine du signalement, n’est pas informé de la décision rendue par la juridiction, ce qui n’est plus guère concevable dès lors que le maire est érigé en animateur et coordonnateur de la politique de prévention de la délinquance dans sa commune.

L’amendement vise donc à faciliter la circulation de l’information judiciaire et à impliquer les autorités publiques, sans pour autant leur confier des missions relevant de la compétence des magistrats ni, bien évidemment, trahir le secret de l’instruction. De fait, une décision de justice est rendue en audience publique et constitue donc un document public.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable. Je demande donc le retrait de l’amendement n° 173.

Cet amendement aurait eu sa raison d’être si nous n’avions déjà modifié, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, l’article 1er du projet de loi, modifiant le code général des collectivités territoriales. Il importe en effet de distinguer le cas où les faits mettent en cause l’ordre public, qui doit donner lieu à information du maire conformément aux modifications apportées par l’article 1er au code général des collectivités territoriales, et la question générale des suites données au dossier de tout citoyen résidant dans une commune, lesquelles, je le dis brutalement, ne regardent pas le maire.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est incroyable d’entendre des choses pareilles !

M. le garde des sceaux. Écoutez donc, cela vous semblera peut-être moins incroyable !

Il faut veiller à préserver le respect dû à tout homme, même condamné. Faire connaître à tout prix la situation de ces personnes ne change, au fond, pas grand-chose. Le fait que tout Français responsable dépositaire d’une parcelle d’autorité publique soit, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, tenu d’informer le Parquet d’un fait délictueux qui lui paraît justifier son intervention n’entraîne pas forcément le droit à réponse que demande l’amendement n° 173 et qui me paraît excessif.

Je ne suis donc pas favorable à cette disposition, qui me semble excessive. Lorsque l’information du maire est légitime, elle est prévue par l’article 1er modifié du projet de loi, qui amende le code général des collectivités territoriales.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je suis toujours attentif aux arguments exposés et prêt à retirer un amendement s’il y a lieu. En l’espèce, toutefois, ce n’est pas le cas, car l’argumentation qui nous a été présentée semble confondre deux choses distinctes.

Tout d’abord, l’article 1er, modifié par le Sénat, traite des informations adressées au maire par le Parquet à propos des troubles à l’ordre public. Le Sénat, je le rappelle, a supprimé la restriction de cette mesure aux troubles « graves » pour la rendre applicable à l’ensemble des troubles à l’ordre public. Nous avons adopté, quant à nous, un amendement prévoyant que le maire est informé des suites judiciaires.

L’amendement n° 173 porte, en revanche, sur le mouvement inverse : conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, le maire informe le Parquet d’une infraction qu’il a constatée. Pourquoi, dans cette hypothèse, la décision subséquente qui sera rendue à la suite des investigations du Parquet ne serait-elle pas portée à la connaissance du maire ?

Il ne s’agit pas, je le répète, contrairement à ce que j’ai entendu dire, que le maire soit informé de tous les jugements concernant les personnes condamnées présentes dans sa commune. D’un côté, le Parquet signale au maire des troubles à l’ordre public puis, conformément à l’amendement que nous avons voté, l’informe des suites judiciaires ; de l’autre côté – et c’est l’objet de l’amendement n° 173 adopté par la commission –, le maire qui a signalé les infractions conformément à l’article 40 du code de procédure pénale doit légitimement être informé des suites de cette procédure, et de cela seulement.

Je ne vois donc, en l’état, aucune raison de retirer cet amendement.

M. le président. Si je comprends bien, monsieur le garde des sceaux, on n’a pas le même point de vue selon qu’on est président de la commission des lois ou ministre. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je ne voulais rien dire d’autre que ce que vient de préciser M. le président de la commission. L’amendement ne porte en effet que sur les faits signalés par le maire, qui doit légitimement être informé des sanctions infligées et des suites de la procédure judiciaire.

Il faut maintenir cet amendement parce qu’il n’a rien à voir avec ceux qui ont été à juste titre retirés par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je soutiens cet amendement et l’argumentation développée par le rapporteur. Évidemment, il ne s’agit pas pour le maire de connaître tous les faits, mais lorsqu’il signale une exaction, des faits délictueux passibles de sanction, il est utile qu’il sache ce qui s’est produit après. Sinon, on se trouverait dans cette situation extraordinairement paradoxale que, la victime n’étant pas le plaignant et n’étant donc pas informée des suites, personne ne le serait. Quand on signale un délit et que celui-ci aboutit à une condamnation, il est donc important que le maire en soit informé pour que la population, si elle l’interroge, obtienne des informations. Faute de quoi, ce serait une condamnation dans la discrétion la plus absolue.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, brièvement et à titre exceptionnel.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, le groupe socialiste ne s’est pas encore exprimé sur cette question.

M. le garde des sceaux. Vous avez déjà beaucoup parlé !

M. le président. Monsieur Blazy, vous savez que sur les amendements, après l’avis de la commission et du Gouvernement, seuls sont tolérés deux orateurs. C’est donc exceptionnellement que je vous donne la parole, et pour une brève intervention.

M. le garde des sceaux. Monsieur le président, il parle ! Il parle !

M. Jean-Pierre Blazy. L’équilibre politique doit tout de même être respecté, monsieur le président.

M. le président. La prochaine fois, vous demanderez la parole plus tôt. Veuillez poursuivre.

M. Jean-Pierre Blazy. S’agissant de l’argumentation, je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit le rapporteur…

M. le garde des sceaux. Alors taisez-vous !

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je demande une suspension de séance parce que le ministre m’a dit de me taire !

M. le président. Monsieur Blazy, ne vous laissez pas interrompre, vous avez la parole.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne tolère pas ce genre de propos ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On ne dit pas à un parlementaire : « Taisez-vous ! ».

M. le garde des sceaux. Mais vous dites vous-même, monsieur Blazy, que vous n’avez rien à dire.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est à vous, pour l’instant, de vous taire, monsieur le ministre.

Je demande une suspension de séance, monsieur le président. Elle est de droit. Je prendrai la parole après.

M. le garde des sceaux. Voyez le résultat de votre libéralisme, monsieur le président !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je voulais donc soutenir l’argumentation de notre rapporteur sur l’amendement n° 173 et le féliciter de ne pas avoir cédé à la pression du ministre, c’est-à-dire de ne pas avoir retiré, cette fois-ci, l’amendement de la commission. J’espère, monsieur le rapporteur, que vous ne le ferez pas et que vous allez tenir jusqu’au bout.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ça dépend de vous !

M. Jean-Pierre Blazy. Car il y a dans ce projet de loi une logique – que ne devrait pas ignorer le garde des sceaux – qui consiste pour l’État à faire du maire le pivot de la prévention de la délinquance, et, pour cela, à se défausser largement sur lui. Mais il faudrait alors commencer par faire en sorte qu’il soit bien informé en toutes circonstances.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Blazy. L’article 4, qui fait du procureur de la République un acteur de la prévention de la délinquance, induit qu’il informe, pas dans n’importe quelle condition bien évidemment, le maire. Si, comme nous l’avons vu, l’information sur les sorties de prison pose problème, il s’agit ici de faits qui ont été dénoncés ou signalés au procureur par le maire. Qu’il y ait donc un retour d’information vers le maire me paraît une nécessité absolue. Il s’agit de fournir une information au maire, non de lui donner un pouvoir supplémentaire. Je ne comprends donc pas du tout l’argument du ministre. Le maire ne sera pas le pivot de la politique publique locale de prévention de la délinquance s’il n’est pas informé. Cela me paraît, comme l’a démontré excellemment le rapporteur,…

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est trop ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Blazy. …une nécessité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’article 25.

Article 25

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 25.

La parole est M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Avec l’article 25, nous abordons la question de la récidive légale.

D’abord j’observe, monsieur le ministre, qu’une loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales a été votée récemment, mais que certains articles n’ont pas encore donné lieu à des textes d’application. Je pense en particulier à l’article 20, qui concerne une question importante, celle du placement sous surveillance électronique, ou encore à l’article 30 relatif au traitement automatisé des données – et d’ailleurs nous attendons toujours l’avis de la CNIL sur ce point ! On voit que même sur un sujet qui concerne la prévention de la récidive, le Gouvernement n’a pas été capable de publier les textes d’application. Mais nous continuons à légiférer, dans une sorte de fuite en avant : on produit des textes, plus exactement des discours, pour l’opinion, à la veille des élections, mais sans résultats concrets sur le terrain.

Nous revenons régulièrement sur ces questions de fichiers, le projet de loi que nous examinons ouvrant la possibilité pour le maire de tenir un registre automatisé des élèves absentéistes. Et vous proposez, avec l’article 25, d’en rajouter sur la loi Perben en aggravant toutes les dispositions de contrôle relatives au fichier national des récidivistes, s’agissant du domicile. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous présenter une évaluation de la loi Perben en cette matière ? Pourquoi aggraver aujourd’hui le dispositif alors même que nous ne disposons pas d’une véritable évaluation, et qu’on a peu de recul ? Les lois Perben ne sont pas si anciennes que cela, c’est cette majorité qui les a votées.

Pourquoi donc légiférer à nouveau sur cette question de la récidive légale ?

Le groupe socialiste aimerait avoir des réponses à ces questions.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Première observation : l’exposé des motifs du projet de loi ne fait aucune référence à cet article relatif au fichier des auteurs d'infractions sexuelles.

Désormais, sur décision de la juridiction ou du juge de l'application des peines, les personnes inscrites sur ce fichier devraient se présenter tous les mois « si la dangerosité de la personne le justifie », ou de façon obligatoire si elles sont en état de récidive légale, auprès du groupement de gendarmerie départemental ou de la direction départementale de la sécurité publique de son domicile.

Aujourd'hui, l'inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles impose cette présentation tous les six mois aux personnes condamnées pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement. J’aurai donc deux questions.

Tout d’abord, si la « dangerosité de la personne » est avérée, ce simple contrôle – puisqu’il ne s’agit que de cela – suffira-t-il à écarter le risque ? Permettez-nous d’en douter. Si une personne est particulièrement dangereuse, nous ne pourrons prévenir le risque d'un autre passage à l'acte simplement en lui demandant de se présenter tous les mois dans un service de police ou de gendarmerie. Une personne cessera d'être dangereuse si elle est soignée. Pour cela, ce sont donc des dispositions curatives qu'il faudrait prévoir et non des mesures de contrôle. Il faut s'interroger sur le sens de la détention dans notre société si, à sa sortie de prison, une personne demeure suffisamment dangereuse pour justifier un tel arsenal de mesures de contrôle – nous en avons d’ailleurs parlé tout à l’heure. Il faut donc aussi s'interroger sur l'accompagnement à la sortie de prison. Sans un tel accompagnement pendant et après la détention, un durcissement des contrôles ne réglera rien. Je tiens enfin à rappeler que les outils informatiques et scientifiques qui existent aujourd'hui sont suffisants pour identifier, en raison de leur passé judiciaire, les personnes susceptibles d'avoir commis une infraction sexuelle.

Seconde interrogation : n’assiste-t-on pas à une étonnante surenchère ? Deux lois, en effet, existent déjà : celle du 9 mars 2004, dite loi « Perben II », qui a créé le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ; celle, plus récente, du 12 décembre 2005 relative à la prévention de la récidive. Et voici qu’aujourd’hui, à peine un an plus tard, on veut durcir encore le dispositif par une forme de surenchère qui, en fait – chacun en conviendra –, est davantage un effet d’annonce qu’une mesure utile et bénéfique.

Avec cette intervention j’aurai aussi défendu, monsieur le président, l’amendement n° 324 tendant à la suppression de l’article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je voudrais poser au rapporteur et au garde des sceaux une brève question d’ordre technique. Le deuxième alinéa de l’article 25 stipule que la décision relative à la présentation tous les mois « est obligatoire si la personne est en état de récidive légale ».

Si j’ai bien compris, il s’agit d’une mesure de sûreté. Pouvez-vous me dire si elle est assimilable à une peine complémentaire ?

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 25.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 151, 324, et 661, tendant à supprimer l’article.

La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour soutenir l’amendement n° 151.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 151 est retiré.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur Chassaigne, vous venez de défendre l’amendement n° 324.

M. André Chassaigne. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour défendre l’amendement n° 661.

M. Jean-Pierre Blazy. J’espère avoir des réponses aux questions que j’ai posées en intervenant sur l’article.

Avec cet amendement, nous proposons de supprimer l’article 25. Je rappelle que la loi Perben II, qui ne date que du 9 mars 2004, a recréé le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles initialement prévu par la loi Guigou de 1998. Ce fichier contient aujourd’hui les empreintes génétiques de délinquants dangereux mais non nécessairement classés « sexuels ».

Parmi les obligations qui découlent de l'inscription à ce fichier figure l'obligation de justifier de son adresse une fois par an ou une fois tous les six mois si la personne a été définitivement condamnée pour un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement.

Le projet de loi prévoit que « si la dangerosité de la personne le justifie, la juridiction de jugement ou […] le juge de l'application des peines peut ordonner que cette présentation interviendra tous les mois ». Cette présentation mensuelle devient obligatoire pour les récidivistes.

Quid, une fois encore, de l’évaluation de la loi de 2004 et de celle de la loi relative à la prévention de la récidive, qui ne date que du 12 décembre 2005 ?

Le caractère automatique pour le juge de l’application des peines de la présentation mensuelle du délinquant récidiviste, ou réputé tel, manifeste une fois de plus la méfiance du Gouvernement à l’égard des juges. C’est bien le problème ! Vous aurez à subir, monsieur le garde des sceaux, les conséquences du malaise que ressent aujourd’hui la justice : ne vous étonnez pas que les magistrats fassent grève ! Mais peut-être y verrez-vous, comme monsieur Bénisti, la main de syndicats de magistrats « gauchistes » !

M. Jacques-Alain Bénisti. Pléonasme !

M. Jean-Pierre Blazy. Il y a un malaise profond dans notre justice, à qui l’on demande toujours plus sans lui en donner les moyens.

Il est facile de faire du droit, d’empiler les dispositions sans se soucier de leur mise en œuvre et de sacrifier ainsi à un discours purement électoraliste. Mais cela donne une loi bavarde, qui ne règle aucun des problèmes qui préoccupent nos concitoyens : ceux-ci, le moment venu, sauront vous juger !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Cet article est important, et j’aimerais en convaincre les députés qui en doutent.

Première observation : il est bien évident que c’est le juge qui décide du pointage tous les trois mois ou tous les six mois. Cette décision n’est pas automatique ; elle appartient à la juridiction concernée.

D’après M. Chassaigne, aller pointer est inutile. Mais, monsieur Chassaigne, quelqu’un qui reste sur le même lieu et qui en justifie sait que, s’il récidive, il a toutes les chances d’être pris. Cette mesure est donc très utile.

Je rappelle à M. Lagarde que l’inscription au FIJAIS est une mesure de police. Aujourd’hui, 33 000 personnes sont inscrites dans ce fichier, dont 23 000 soumises à une obligation de justification d’adresse – ce qui signifie que cette obligation n’est pas automatique. Enfin, le FIJAIS a fait l’objet de plus de 255 000 consultations. Je rappelle aussi que ce régime de contrôle s’applique à des auteurs de crimes ou délits sexuels faisant l’objet d’une peine d’emprisonnement d’au moins dix ans.

L’opinion publique, qui suit nos débats, trouverait-elle anormal qu’une personne ayant été condamnée à une telle peine soit inscrite dans un fichier spécial et qu’elle soit obligée, dans certains cas et tous les six mois – tous les trois mois en cas de récidive –, d’attester qu’elle habite toujours au même endroit ? Ceux qui nous écoutent et le public présent dans les tribunes pourront en juger, comme ils pourront juger votre position, si vous êtes contre une telle mesure.

En tout état de cause, je suis tout à fait opposé à la suppression de cet article.

M. Jérôme Bignon et M. Loïc Bouvard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Comme d’habitude, le ministre est excessif et fait dans la provocation.

Comme je l’ai rappelé, ce fichier n’a pas été créé à votre initiative, mais à celle de Mme Guigou, avec la loi de 1998. Nous n’y sommes donc pas opposés. Lorsque vous êtes arrivés aux affaires en 2002, des délinquants sexuels y étaient déjà inscrits et, depuis, il s’est étoffé. Nous sommes donc d’accord sur son existence. Nous disons simplement qu’il n’est pas opportun d’aggraver le dispositif alors qu’il n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation.

À ce sujet, monsieur le garde des sceaux, vous n’avez pas répondu à ma question sur les textes d’application, tant pour la loi Perben de 2004 que pour celle de 2005. Où en sommes-nous ? Le Gouvernement ne prend pas, comme c’est pourtant sa responsabilité, les textes d’application correspondant aux lois qu’il fait voter. Vous trompez l’opinion ! Celle-ci, en effet, vous entend, dans les tribunes comme ailleurs, mais vous l’abusez : une loi ne devient effective que si les décrets d’application sont adoptés. Elle ne s’applique pas davantage si les moyens pour la mettre en œuvre sur le terrain ne suivent pas ! Or je répète, monsieur le garde des sceaux, que vous ne m’avez pas répondu sur ce point. Daignerez-vous le faire avant la fin de cet après-midi ?

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il faut faire attention à ce que vous dites, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous croyez que ce n’est pas le cas ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Peut-être est-ce l’effet de la fatigue, après dix jours de débats…

M. Jean-Pierre Blazy. C’est vous qui devriez surveiller vos propos !

M. Jacques-Alain Bénisti. Il est clairement précisé dans l’article 25 que « si la dangerosité de la personne le justifie, la juridiction de jugement ou, selon les modalités prévues par l’article 712-6, le juge de l’application des peines peut » – j’insiste sur ce terme – « ordonner que cette présentation interviendra tous les mois. Cette décision est obligatoire si la personne est en état de récidive légale. » Elle s’applique donc à des délinquants sexuels « en état de récidive légale » ! Et vous trouvez que nous allons trop loin ?

M. Jean-Pierre Blazy. Nous demandons une évaluation, c’est tout !

M. Jacques-Alain Bénisti. Après la loi Guigou et la loi Perben, on remet en effet une couche car le délinquant sexuel peut trouver une faille et récidiver.

M. Jean-Pierre Blazy. Il y aura toujours des failles !

M. Jacques-Alain Bénisti. Je le répète, nous parlons de délinquants sexuels. Il ne faut donc pas toucher à l’article 25. Ce dernier, il est vrai, est très contraignant pour les délinquants sexuels, mais si cela permet d’éviter une récidive, notamment sur les enfants, nous aurons, en tant qu’élus, la conscience tranquille.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 324 et 661.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 266.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement de la commission des lois concerne le FNAEG – fichier national automatisé des empreintes génétiques –, qui a été créé par Mme Guigou. Le FIJAIS, lui, monsieur Blazy, a été créé par M. Perben.

M. Jean-Pierre Blazy. Je parlais du FNAEG !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je ne crois pas, mais il s’agissait d’une simple précision sans visée polémique.

La prévention des infractions sexuelles s’appuie non seulement sur le fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles, dont l’article 25 du projet de loi renforce l’efficacité, mais également sur le FNAEG, qui contient les profils génétiques des personnes soupçonnées ou condamnées pour certains crimes ou délits, notamment les infractions sexuelles.

Cet amendement vise précisément à faciliter l’alimentation régulière et rapide du FNAEG, qui en a bien besoin, compte tenu des enjeux. Il vise aussi à permettre que le procureur de la république et le juge d’instruction puissent désormais – comme c’est déjà le cas pour les officiers de police judiciaire – requérir une analyse génétique des prélèvements effectués sur un suspect ou un condamné pour que son profil soit inscrit au FNAEG. Aujourd’hui, curieusement, ils n’en ont pas la possibilité, ce qui induit mécaniquement des retards dans les analyses, puisque, lorsqu’elles sont demandées par un magistrat elles relèvent de l’expertise, qui est plus contraignante et plus coûteuse en termes de frais de justice.

Cet amendement dicté par le bon sens devrait donc être consensuel. Je vous demande de l’adopter.

M. le président. Est-ce votre avis, monsieur le garde des sceaux ?

M. le garde des sceaux. Oui, avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 266.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25, modifié par l'amendement n° 266.

(L'article 25, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 25

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 569, portant article additionnel après l’article 25.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement tend à modifier les articles 706-57, 706-59, 706-60 et 706-61 du code de procédure pénal.

Derrière une rédaction un peu compliquée, la chose est simple. Dans le cadre d’une procédure pénale, la loi prévoit aujourd’hui qu'un témoin, s’il est en danger et hésite à témoigner par crainte d’éventuelles représailles, peut disposer d’un certain nombre de protections. Le paradoxe, c’est que le plaignant ne bénéficie pas des mêmes protections, alors qu’évidemment il peut craindre, lui aussi, des représailles.

Il s’agit donc, avec ce nouvel article, de protéger le plaignant dans les mêmes conditions que le témoin, pour mettre fin à cette loi du silence qui fait que les gens ne déposent parfois plus plainte parce qu’ils ont peur de ce qui pourrait leur arriver.

On a certes besoin du témoin pour faire aboutir une enquête, mais il est encore plus important d’avoir un plaignant, sans quoi l’enquête n’est même pas ouverte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis défavorable, même si l’idée est bonne et que vouloir améliorer le système part d’un bon principe.

Pourtant, il n’est pas possible d’étendre aux plaignants la protection dont bénéficient les témoins. On ne peut, par exemple, dans un cas de dénonciation calomnieuse, assurer l’impunité de la partie civile qui a engagé l’action, en lui permettant de ne communiquer ni son nom ni son adresse.

Il y a donc une différence de nature entre le témoin et le plaignant, et ce que vous proposez, monsieur Lagarde, n’est pas applicable, même si je n’ai pas de critique intellectuelle à formuler sur le fond. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je comprends le souci de M. Lagarde. Pour autant, il s’en souvient sans doute, les deux lois Perben de 2002 et de 2004 permettent à une personne de témoigner sans laisser son adresse au dossier, voire de manière totalement anonyme, sans que son identité apparaisse dans la procédure, afin d’éviter les représailles. Son amendement est donc en partie inutile, mais encore juridiquement difficile, voire impossible, à mettre en œuvre.

Quant aux victimes, l’auteur des faits connaît très souvent déjà leur adresse et leur identité, et il n’y a dès lors aucun intérêt pour elles à demander l’anonymat.

Par ailleurs, si la victime se constitue partie civile, elle devient partie à la procédure de demande de dommages et intérêts, ce qui rend juridiquement impossible son anonymat.

Pour ces différentes raisons, il est préférable de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. On critique mon amendement, tout en admettant qu’il soulève un vrai problème. S’il n’y a plus de plaintes, c’est sans doute très bon pour les statistiques et cela allège les procédures, mais c’est oublier que, dans certains quartiers, s’est instaurée une véritable loi du silence.

Le garde des sceaux fait état de la possibilité qui existe déjà de porter plainte sans laisser son adresse. Mais pensez-vous vraiment qu’une victime habitant tel escalier dans une cité ne peut pas être localisée si elle ne communique pas son adresse ? Même si elle se domicilie au commissariat de police, puisque c’est la procédure, croyez-vous que les auteurs de l'infraction dont elle a été victime ne savent pas où elle habite ?

La non divulgation de l’adresse vaut en cas d’agression dans la rue ; dans le cas, malheureusement de plus en plus répandu, d’une délinquance de voisinage, cela ne sert à rien. Là encore, on me rétorque que l’anonymat total est inutile puisque la victime est connue de son agresseur. Encore faudrait-il qu’il sache de qui, parmi les habitants de la cage d’escalier, émane la plainte.

Par ailleurs, notre rapporteur m’objecte le fait que mon amendement interdit les poursuites ultérieures en cas de dénonciation calomnieuse. C’est un débat que nous avons déjà eu au moment de l’examen de la LSI. J’avais proposé à l’époque que le plaignant puisse déposer sa plainte anonymement, pour échapper aux pressions que les agresseurs – car ils agissent souvent en groupe – exercent non seulement sur lui mais sur tout un quartier. Cela n’empêchait pas que, dans le cas d’une dénonciation calomnieuse, on puisse exercer des poursuites à son encontre, sachant que, de toute façon, le magistrat ou l’officier de police judiciaire connaissait son identité.

Je ne suis pas assez bon juriste pour trouver la solution, et j’en appelle donc aux éminents juristes, au garde des sceaux, au président de la commission des lois et à tous leurs collaborateurs. Car on ne peut tout de même pas continuer, sous prétexte de protéger les droits des délinquants – que mon amendement ne remet d’ailleurs pas en cause, pas plus qu’il ne couvre les dénonciations calomnieuses –, laisser de petits groupes transformer la vie des gens en enfer ! Qu’on ne s’étonne pas ensuite d’avoir des surprises dans les urnes !

Les gens les plus honnêtes, victimes de délinquants dont ils redoutent les représailles pour eux-mêmes, leur famille ou leurs biens, ont le sentiment que l’État ne les défend plus. Les progrès accomplis en manière d’anonymat dans les affaires judiciaires sous cette législature ne sont pas suffisants ; la non divulgation de l’adresse ne résout pas le problème, qui demeure entier pour les plaignants. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Sans être non plus un éminent juriste, je pense évidemment qu’il faut protéger davantage les plaignants et plus encore les témoins impliqués dans une procédure judiciaire ; et l’État doit pour cela se doter de moyens sans conteste répressifs.

Cependant, je ne crois pas qu’il faille se laisser enfermer dans l’idée qu’il ne saurait y avoir d’action publique sans témoignage, fût-il anonyme. C’est certes la logique des pouvoirs publics – et cela ne date pas de cette majorité –, pour lesquels toute action publique repose sur l’existence d’une plainte privée. Mais, à ma connaissance, lorsque la puissance publique possède aujourd’hui des informations sur un délit, elle peut décider d’une enquête préliminaire, menée par la police et placée sous l’autorité directe du parquet dans les cas les plus graves.

N’allons pas dire à nos fonctionnaires de police et de justice qu’ils ne peuvent pas agir sans plainte, ce serait extrêmement dommageable…

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est pourtant le cas pour le viol.

M. Jean-Marie Le Guen. Le rapporteur a sans doute raison, mais pour un viol, il y a les constats médico-légaux.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Tous les maires seront sensibles aux demandes de Jean Christophe Lagarde, car ils ont tous vécu ces situations où des personnes n’osent pas dévoiler les faits délictueux qui se produisent dans leurs cages d’escalier de peur des représailles.

La loi Perben I – grâce d’ailleurs à l’un de mes amendements – offre déjà la possibilité de témoigner ou de porter plainte sous X. C’est assez peu connu, mais, pour ce qui me concerne, j’en informe les habitants de ma commune par le biais du journal municipal.

Le nom d’un plaignant peut donc être protégé du début à la fin de la procédure, et je peux vous garantir qu’aucun officier de police ni aucun magistrat ne violerait cette règle, dès lors que la plainte ou le témoignage sous X ont été acceptés par le procureur ou le substitut.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela vaut pour les crimes, pas pour les délits.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il existe également dans la loi Perben I des dispositions qui accentuent les peines encourues pour représailles sur la victime ou la personne qui a dénoncé l’auteur des faits. Et les magistrats, dans les faits, n’hésitent pas à prononcer de lourdes peines – j’ai des exemples concrets dans ma commune.

M. le président. Monsieur Lagarde, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 569.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je voulais préciser au rapporteur qui m’a interrompu tout à l’heure que, dans le cas d’un viol, l’anonymat de la victime ne pose pas véritablement problème.

Article 26

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, premier orateur inscrit sur l’article 26.

M. André Chassaigne. L’article 26 double de plein droit les délais de réhabilitation pour les personnes condamnées en état de récidive légale.

Rappelons que les conditions de délai de réhabilitation varient en fonction de la gravité de la condamnation : trois ans pour une peine d’amende, cinq ans pour la condamnation unique à une peine d’emprisonnement n’excédant pas un an ou à une peine autre que pécuniaire ou privative de liberté, dix ans pour la condamnation unique à l’emprisonnement n’excédant pas dix ans, ou pour des condamnations multiples n’excédant pas cinq ans au total.

Ces délais sont respectivement portés à six, dix et vingt ans. Pourtant, nous savons que la réhabilitation légale est aujourd’hui exclue pour les condamnations multiples excédant deux ans d’emprisonnement, ou pour les condamnations les plus graves, supérieures à cinq ans ou criminelles. La réhabilitation légale est donc fort heureusement impossible pour les délinquants les plus dangereux.

Monsieur le garde des sceaux, j’ai deux questions à vous poser.

D’abord, pourquoi allonger de manière aussi considérable les délais de réhabilitation qui ne concernent pas les délinquants les plus dangereux ? Ensuite, en quoi l’allongement de ces délais participe-t-il d’une politique de prévention de la délinquance ?

Je pense, au contraire, que ces dispositions, qui constituent une entrave à la réinsertion, vont à l’encontre d’une véritable politique de prévention. En effet, la réhabilitation existe dans notre droit pour favoriser une régénération morale et une véritable réinsertion, en permettant au coupable qui a réparé ses fautes de recouvrer les droits que la condamnation lui avait fait perdre.

Convaincus des effets néfastes d’une telle mesure sur la réinsertion des condamnés, nous demandons la suppression de cet article.

Monsieur le président, en intervenant sur l’article, j’ai également défendu l’amendement n° 325.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe UDF est globalement favorable à cet article, qui allonge les délais de réhabilitation légale en cas de récidive.

On se demande d’ailleurs qui pourrait contester la teneur de cet article, puisque, par définition, la récidive est plus grave que le premier acte délictueux. Comment pourrait-on raisonnablement s’opposer à ce qu’un récidiviste doive faire ses preuves pendant plus longtemps avant d’être éventuellement réhabilité ?

Il est logique que la sanction soit plus lourde à la deuxième faute et que la période pendant laquelle on veut observer la personne pour savoir si elle va recommencer ou non soit plus longue aussi. C’est en quelque sorte un instrument d’évaluation : quand on a trahi deux fois la société, il est normal que celle-ci soit plus méfiante que la première fois.

Mais si nous sommes favorables à ces dispositions, je me demande combien de fois elles seront appliquées. En effet – et je le dis pour que mes propos figurent au Journal officiel –, nombreux sont ceux qui récidivent sans prendre aucun risque, puisque les victimes n’osent pas déposer plainte. Je déplore que notre assemblée ait refusé, à l’unanimité moins une voix – la mienne –, de prendre en compte la situations des personnes qui renoncent à déposer une plainte par peur de représailles. Elles devraient bénéficier des mêmes mesures de protection que les témoins. Et, contrairement à ce qu’a affirmé l’un de nos collègues, cette possibilité n’existe pas dans notre droit, sauf dans des cas exceptionnels, comme le trafic de drogue.

Fort heureusement pour eux, la plupart des maires ne s’occupent pas de crimes tous les jours ! En revanche, pour les délits qui empoisonnent la vie de nos concitoyens, il aurait été très utile de donner aux plaignants la garantie d’être mieux protégés et de voir leur anonymat respecté. Ils sont abandonnés par l’État, et aujourd’hui par notre assemblée.

Il m’est arrivé de devoir menacer des employés municipaux, qui avaient été pris en otage dans l’appartement de l’un d’entre eux, pour qu’ils finissent par déposer plainte. Et je n’en suis pas particulièrement fier en tant qu’élu. J’ai dû également faire déménager celui qui occupait l’appartement afin qu’il n’ait pas à craindre des représailles. Quant au second employé municipal, qui n’habitait pas là, il aurait pu bénéficier de l’anonymat uniquement s’il y avait eu un crime !

Il faut penser à ceux qui sont quasiment pris en otage dans leur quartier par peur de représailles, et il faut que l’État leur donne les moyens juridiques de se défendre.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 325, tendant à supprimer l’article 26.

Cet amendement a déjà été défendu par M. Chassaigne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 325.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 267.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Avec votre autorisation, monsieur le président, je vais présenter en même temps les amendements nos 268, 269, 270, 271, 522, 272 et 523, qui traitent tous de la réhabilitation légale, en m’excusant par avance auprès de mes collègues du caractère technique et fastidieux des observations que je vais développer.

M. le président. Je vous en prie.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Comme cela a été dit, l’article 26 durcit les conditions de la réhabilitation légale en cas de récidive. Il double les délais de réhabilitation légale pour les personnes physiques ou morales condamnées pour des faits commis en état de récidive légale. Il dispose que, désormais, les condamnations réhabilitées ne disparaîtront plus du bulletin n° 1 du casier judiciaire, consultable par les seules autorités judiciaires. Pour être clair, il y a doublement des délais dans l’hypothèse d’une récidive, mais maintien, même en dehors des cas de récidive, des condamnations sur le B1, si bien que la réhabilitation n'interdira plus la prise en compte de la condamnation par les autorités judiciaires en cas de récidive.

L’amendement n° 267 tend à une clarification juridique en matière de réhabilitation de condamnations assorties du sursis.

L’amendement n° 268 rectifie une coordination incomplète, à laquelle procède le II de l'article 26 du projet de loi.

L’amendement n° 269 précise que les condamnations réhabilitées, qui resteront désormais mentionnées au B1 du casier judiciaire, seront accompagnées d'une mention indiquant expressément qu'il s'agit de condamnations réhabilitées. Cette mention permettra aux autorités judiciaires de distinguer entre condamnations non encore réhabilitées et condamnations réhabilitées, qu'elles ne devront prendre en compte que pour la seule appréciation de la récidive. Il s'agit, par cet amendement, de revenir à l'état du droit applicable avant la réforme du code pénal.

L’amendement n° 270 concerne la réhabilitation judiciaire. Il paraît opportun de prévoir que la juridiction qui ordonne une réhabilitation judiciaire puisse décider, si elle l'estime utile, que la condamnation réhabilitée disparaisse totalement du casier judiciaire. En d’autres termes, il s’agit de donner au juge – malgré les dispositions contenues dans ce projet –, la possibilité, dans des cas exceptionnels laissés à son appréciation, de déroger à la règle, c’est-à-dire de décider que la condamnation réhabilitée disparaît totalement du casier judiciaire, puisque cette décision n’est pas automatique.

L’amendement n° 271 fait suite à l'amendement précédent. Il prévoit expressément, dans l'article 798 du code pénal, relatif à la réhabilitation judiciaire, la possibilité d'ordonner la suppression de la condamnation du casier judiciaire – bulletin n° 1.

L’amendement n° 522 complète l’amendement n° 271 et permet à une personne qui a déjà fait l’objet d’une réhabilitation légale automatique et dont la condamnation reste normalement mentionnée au B1, de demander à l’autorité judiciaire la suppression de cette mention, selon les modalités prévues pour la réhabilitation judiciaire.

L’amendement n° 272 concerne l’entrée en vigueur de l'article 26 et a été inspiré par des considérations d’ordre pratique. Les modifications apportées par cet article induisent un important travail de la part du Casier judiciaire national, pour enregistrer et gérer les fiches de condamnation, conformément à ces nouvelles règles juridiques extrêmement complexes. La gestion de ces fiches repose massivement sur l'automatisation permise par l'outil informatique, lequel devra évoluer pour s'adapter aux nouvelles règles, ce qui prendra du temps.

Dans un souci d'efficacité et de sécurité juridique – et compte tenu que 800 000 fiches ont été enregistrées en 2005 pour 9 millions de jugements initiaux en base et plus de 7 millions d'extraits délivrés durant cette même période –, le délai de six mois, initialement proposé, apparaît insuffisant pour mener ce travail à son terme. Il est donc proposé par cet amendement de le porter à un an.

Mon amendement n° 523 complète l’amendement n° 272 et précise qu'à la date d'entrée en vigueur de l'article 26, le doublement des délais de réhabilitation en cas de récidive ne s'appliquera que pour les faits commis après la date de publication de la loi – selon les principes habituels du droit. En revanche, les condamnations figurant toujours au casier à cette date seront maintenues au B1, quelle que soit la date de commission de l'infraction.

Il s'agit d'éviter que ne coexistent pendant une quarantaine d'années deux régimes de réhabilitation différents. Cet amendement fait donc œuvre utile, et je rappelle, pour répondre le cas échéant à une question susceptible d’être posée, que le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité de dispositions d’application des peines.

Je vous prie de m’en excuser, j’ai sans doute été long et ennuyeux…

M. le garde des sceaux. Pas du tout !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre !

Telle est l’économie générale du droit de la réhabilitation que je vous propose d’adopter au travers de ces différents amendements, qui visent à donner au juge la possibilité de faire disparaître, dans des cas exceptionnels, la condamnation du B1.

M. le président. Je précise que les amendements nos 522 et 523 n’ont pas été adoptés par la commission, contrairement aux autres amendements, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ils ont été acceptés par la commission.

M. le garde des sceaux. Les choses ont beaucoup changé !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Non, la commission a adopté les amendements nos 267 à 272 lors de l’examen de l’ensemble du texte, et elle a accepté les amendements nos 522 et 523, qui ont été examinés au titre de l’article 88 de notre règlement, postérieurement aux autres.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur tous ces amendements ?

M. le garde des sceaux. Je constate que le règlement de votre assemblée a changé. J’ignorais cette distinction entre « adopté » et « accepté ».

Quant aux amendements, ils sont très intéressants car ils réparent un oubli du texte. Non seulement le Gouvernement y est favorable, mais, en plus, il exprime sa gratitude.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 267.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 268.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 269.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 270.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 522.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 523.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 26

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 26.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 567.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’y ai déjà fait allusion hier soir : une partie de la population française échappe à certaines sanctions. En effet, certains de nos concitoyens confrontés à des problèmes financiers ou de surendettement disposent de revenus ne représentant pas davantage que ce que le code de la consommation définit comme la quotité insaisissable. En conséquence, ils ne sont pas tenus de payer d’éventuelles contraventions et peuvent commettre un grand nombre d’infractions d’inégale gravité – infraction au code de la route ou à un arrêté municipal, trouble à l’ordre public, tapage nocturne – sans faire l’objet d’une sanction effective. Il en est de même s’agissant d’enfants mineurs dont les parents ont des revenus inférieurs à la fraction insaisissable. Des centaines de milliers de nos concitoyens bénéficient ainsi d’une certaine impunité.

Cet amendement autorise donc à prélever le paiement des contraventions sur la fraction insaisissable. Pour ne pas placer les familles dans une situation dramatique, il est précisé que le paiement peut faire l’objet d’une demande d’échelonnement auprès des services du Trésor public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable. J’ai l’impression, monsieur Lagarde, que nous avons déjà eu cette discussion à propos d’un autre amendement.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’était en effet un des points abordés par un autre amendement qui a été retiré.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Les mêmes causes produisant, dit-on, les mêmes effets, peut-être pourriez-vous retirer également celui-ci.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement en discussion ?

M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement que nous avons examiné hier soir concernait, pour la plus grande part, un tout autre sujet. Nous n’avons donc pas vraiment débattu de cette question, sur laquelle je souhaite que l’Assemblée puisse se prononcer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 567.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 568.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous avons déjà débattu de ce sujet, sur lequel le Gouvernement a d’ailleurs pris des engagements. Nous allons pouvoir vérifier la coordination entre les différents ministres.

Les infractions à un arrêté municipal sont passibles d’une amende de 38 euros. Une sanction aussi légère n’est pas dissuasive : que représente une telle somme pour un commerçant qui ne respecte pas les heures d’ouverture imposées par un arrêté municipal ? Je propose donc qu’une telle infraction soit considérée, en cas de récidive, comme un délit puni de deux mois d’emprisonnement et de 5 000 euros d’amende. Je rappelle que la récidive de la violation d’un arrêté préfectoral est, elle, jugée suffisamment grave pour être assimilée à un délit pénal. Or, quand il s’agit d’un arrêté municipal, la même infraction n’est pas prise au sérieux. Dans ces conditions, à quoi servent les maires et les arrêtés municipaux ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement en discussion ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable, pour des raisons de fond comme de forme : que signifie l’expression « la récidive légale à une infraction prise en vertu d’un arrêté municipal » ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Si on suivait M. Lagarde, la violation d’un arrêté municipal, qui constitue une contravention de première classe, deviendrait un délit en cas de récidive. Or il ne peut y avoir de récidive légale qu’à partir des contraventions de cinquième classe.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai bien compris que l’amendement était mal rédigé, mais vous ne m’avez pas répondu sur le fond.

M. le garde des sceaux. C’est une question de gradation des peines.

M. Jean-Christophe Lagarde. À quoi servent les arrêtés municipaux ? Cessons donc d’en prendre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce texte manque décidément de logique. Il est supposé faire du maire le pivot – ou le centre, ou le chef d’orchestre, ou ce que vous voudrez – des politiques publiques de prévention de la délinquance. Dans ce but, le ministre de l’intérieur cherche à leur transférer toutes sortes de compétences. Mais vous, monsieur le garde des sceaux, vous refusez de leur donner la possibilité de les exercer : ni pouvoirs, ni moyens – vous les refusez même à la justice –, ni informations. Avec vous, les maires n’ont droit à rien.

L’amendement de M. Lagarde ne manque pas de pertinence. Les maires prennent des arrêtés en vertu des pouvoirs de police qui leur sont conférés depuis les débuts de la IIIe République, …

M. Lilian Zanchi. Cent vingt-deux ans !

M. Jean-Pierre Blazy. …mais vous nous expliquez avec candeur, monsieur le garde des sceaux, qu’il n’est pas si grave que cela de violer un arrêté municipal. Et comme ce n’est pas grave, peu importe la récidive !

M. le garde des sceaux. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean-Christophe Lagarde. Violer un arrêté municipal est grave dès la première fois.

M. Jean-Pierre Blazy. Quel message pour ceux qui nous écoutent ! Et dire que, depuis des jours, nous tentons de donner plus de visibilité à l’action municipale en matière de prévention de la délinquance et de sécurité ! N’y aurait-il pas une certaine contradiction entre le discours du Gouvernement et sa politique ?

M. Jean-Marie Le Guen. Une de plus !

M. Jean-Pierre Blazy. Elle semble pourtant échapper au garde des sceaux.

M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.

M. Xavier de Roux. Je ne comprends pas ce que veut dire M. Blazy. Il existe une hiérarchie des normes en droit. Additionnez rien à rien, cela fera toujours rien.

M. Lilian Zanchi. Excellent résumé de ce projet de loi !

M. Xavier de Roux. À moins de modifier totalement notre droit, vous ne pouvez pas donner certains pouvoirs aux maires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous ne cessez pourtant de le répéter : vous refusez les maires shérifs !

M. Jean-Christophe Lagarde. Avec ce qui nous est proposé, ils ne risquent pas de l’être !

M. Xavier de Roux. Le maire ne peut pas dresser des contraventions de cinquième classe. Peut-être souhaitez-vous augmenter considérablement ses pouvoirs de police…

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui !

M. Xavier de Roux. Pourquoi pas ? Mais dans ce cas, déposez un amendement en ce sens, car c’est un autre sujet. En l’état actuel du droit, il ne peut y avoir de récidive légale dans le cas d’une infraction à un arrêté municipal.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour une brève intervention.

M. le garde des sceaux. Oh non ! Décidément, ils aiment ça. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Nous aussi, nous sommes fatigués, monsieur le ministre. Peut-être devrions-nous demander une suspension de séance !

M. Jean-Pierre Blazy. En effet !

Pour en revenir à l’amendement, mon intervention n’avait pour but que de souligner les contradictions du Gouvernement. Je n’approuve pas réellement la proposition de M. Lagarde, bien qu’il pose un vrai problème qui n’est pas résolu. Si ce projet de loi prétend placer le maire au centre de tout en matière de prévention de la délinquance, pour notre part, nous n’en demandons pas tant – ce n’est d’ailleurs pas possible.

M. Xavier de Roux. Il faudrait savoir ce que vous voulez !

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne veux que souligner vos contradictions. Lorsque nous avons en face de nous le ministre délégué – car le ministre de l’intérieur, lui, préfère mener sa campagne présidentielle, annoncer sa candidature, passer à la télévision pour y parler de sécurité plutôt que se présenter devant nous pour défendre ce projet de loi qu’il a mis, dit-il, trois ans à élaborer –, le ministre délégué, disais-je, sans écouter nos appels à la prudence, cherche à donner davantage de moyens aux maires. Le garde des sceaux, lui, cherche le contraire. Mais, comme à son habitude, il n’a que faire de ce que nous disons !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 568.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Avant d’en venir à l’amendement suivant, je vous rappelle, mes chers collègues, que nous ne pouvons pas siéger sous la menace permanente d’une suspension de séance. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. Je n’ai pas demandé de suspension !

M. le président. Au demeurant, si les suspensions sont de droit, elles ne sont autorisées que pour permettre une réunion de groupe. Toute demande qui ne serait pas destinée à cet usage pourrait être refusée par le président.

M. le garde des sceaux. D’autres raisons peuvent être invoquées, notamment la convenance personnelle !

M. le président. Enfin, je vous rappelle que, une fois qu’un amendement a été défendu par son auteur, et que la commission et le Gouvernement ont donné leur avis, seuls deux orateurs peuvent prendre la parole. Bien sûr, cette règle peut souffrir des exceptions quand il s’agit d’un sujet particulièrement important. Cela dit, je vous invite, si vous voulez la parole, à la demander suffisamment tôt, et non après le rapporteur et le ministre.

M. Pierre Hellier. Appliquons le règlement !

M. Jacques-Alain Bénisti. Le président a raison.

M. le président. Chacun a le temps de parler. Les amendements ont été déposés en nombre suffisant pour qu’un député qui n’aurait pas pu s’exprimer sur l’un puisse le faire sur un autre.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 101, qui fait l’objet de trois sous-amendements, nos 273, 546 et 736.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 101.

M. le garde des sceaux. L’amendement n° 101 est important. Chacun le connaît parce qu’il a fait l’objet d’un débat public et médiatique.

M. Jean-Marie Le Guen. Le mot est lâché ! Nous sommes en plein guet-apens médiatique !

M. le garde des sceaux. Je vous demande un instant, monsieur le président, le temps de retrouver l’amendement dans mon dossier…

M. Jean-Pierre Blazy. Pourquoi ne demandez-vous pas une suspension de séance, monsieur le ministre ?

M. le président. Je propose une suspension technique de quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur le garde des sceaux, êtes-vous en mesure maintenant de défendre l’amendement n° 101 ?

M. le garde des sceaux. Cet amendement revêt une importance particulière pour le Gouvernement. Il a pour objet de répondre de façon cohérente, équilibrée et efficace à la multiplication des atteintes dont sont victimes, depuis quelque temps, les forces de l’ordre, les sapeurs-pompiers ou les agents des réseaux de transport public de voyageurs. Il convient en effet d’améliorer les dispositions du code pénal permettant de réprimer ces comportements particulièrement inacceptables.

Cet amendement crée ainsi une infraction spécifique, prévue par un nouvel article 222-14-1, inséré dans le code pénal, de violences volontaires avec arme sur agent de la force publique, sapeur-pompier civil ou militaire ou agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, commise en bande organisée ou avec guet-apens. Cette infraction sera punie de quinze ans de réclusion – au lieu de dix ans d’emprisonnement comme actuellement – si les violences ont entraîné une ITT de plus de huit jours, la sanction pouvant aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité en cas de mort de la victime. Les personnes qui s’attaquent aux forces de l’ordre doivent savoir que, lorsqu’elles tendent une embuscade, elles risquent de comparaître devant une cour d’assises.

La criminalisation est totalement justifiée, en raison de la particulière gravité de ces actes. La bande organisée est en effet une circonstance aggravante traditionnelle, qui a souvent pour conséquence de criminaliser une infraction. Le guet-apens constituera quant à lui une circonstance aggravante nouvelle, mais reprise de l’ancien code pénal et défini par un nouvel article 132-71-1.

L’amendement crée également une infraction spécifique réprimant le fait de tendre une embuscade à des forces de l’ordre, qui sera réprimée sans qu’il soit besoin d’attendre que des violences aient été effectivement commises sur les victimes. Cette infraction obstacle, prévue par un nouvel article 222-15-1, sera à la nouvelle circonstance aggravante de guet-apens ce que l’association de malfaiteurs est à la circonstance de bande organisée.

Je précise que les personnes protégées par ces dispositions sont, d’une façon générale, toutes celles qui sont dépositaires de l’autorité publique, ce qui englobe, outre les policiers et les gendarmes expressément cités, les personnels de l’administration pénitentiaire. Vous comprenez pourquoi j’apporte cette précision.

L’amendement augmente, par ailleurs, le quantum des peines en matière de rébellion, qui passera de six mois à un an d’emprisonnement. Cette aggravation des peines permettra notamment d’appliquer aux mineurs ayant commis des faits de rébellion la nouvelle procédure de présentation immédiate, prévue par le présent projet de loi. Les peines de la rébellion aggravée par l’usage d’une arme ou la réunion sont également augmentées en conséquence.

Cet amendement prévoit enfin une peine d’emprisonnement de deux mois pour la provocation directe à la rébellion – actuellement seulement punie d’une peine d’amende de 7 500 euros –, afin de permettre le placement en garde à vue des personnes présentes lors des interventions de la police et qui incitent les habitants à s’opposer à l’action de celle-ci.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 101 et pour soutenir les sous-amendements nos 273 et 736.

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a émis un avis très favorable à l’amendement n° 101, qui répond à un besoin lié au développement de nouvelles formes de délinquance.

Le sous-amendement n° 273 de la commission a pour objet de préciser que, parmi les dépositaires de l’autorité publique protégés par le dispositif, figure le personnel de l’administration pénitentiaire. Certes, le garde des sceaux vient de rappeler que ce personnel était implicitement inclus dans le dispositif prévu par le Gouvernement, mais, pour éviter toute confusion, il me paraît bon de le mentionner expressément dans le texte.

Quant au sous-amendement n° 736, qui n’a pas été examiné par la commission, il vise à préciser que « l’incapacité totale de travail est, à la demande de la victime ou de la personne poursuivie, constatée par un médecin expert ». L’amendement du Gouvernement augmentant de manière très importante le niveau des peines encourues – dix ans d’emprisonnement si l’incapacité temporaire est inférieure à huit jours, quinze ans de réclusion criminelle si elle est supérieure à huit jours –, il convient, me semble-t-il, d’apporter un minimum de garanties à l’auteur présumé. On sait en effet comment sont parfois établis les certificats médicaux ; l’expertise ordonnée le cas échéant par le magistrat instructeur interviendra à une date où il ne sera peut-être plus techniquement possible d’être certain de la durée et de la pertinence de l’incapacité de travail. Cette garantie me paraît être le pendant nécessaire de l’aggravation de la peine encourue.

M. le président. Avant de donner la parole à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir le sous-amendement n° 546, je précise que celui-ci tombera si le sous-amendement n° 273 est adopté.

Vous avez la parole, monsieur Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Mon sous-amendement va dans le même sens que le sous-amendement n° 273, qui a été adopté par la commission. Il me semble en effet important d’ajouter les personnels pénitentiaires, particulièrement vulnérables, au dispositif prévu par le Gouvernement. Néanmoins, si la rédaction de la commission est meilleure, je retire volontiers mon sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 546 est donc retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 273. J’ai certes bien pris soin de préciser que toute personne dépositaire de l’autorité publique était concernée par l’amendement, mais je ne vous ferai pas reproche de vouloir mentionner expressément les personnels pénitentiaires.

En revanche, le Gouvernement n’est pas favorable au sous-amendement n° 736.

M. Houillon y soulève une question importante, celle de la fiabilité des certificats médicaux qui établissent la durée d’une incapacité totale de travail. Cette durée ayant le plus souvent une incidence sur la qualification des faits, il s’agit d’une question essentielle, surtout lorsque cette durée peut transformer une qualification correctionnelle en une qualification criminelle, comme c’est le cas dans l’hypothèse où des violences commises sur forces de l’ordre avec arme, en bande organisée entraînent une ITT supérieure à huit jours.

Pour autant, la question n’est pas nouvelle. Ainsi, l’extorsion est un délit si l’ITT est de moins de huit jours et un crime si elle est de plus de huit jours. Le crime visé par l’article 312-3 donne régulièrement lieu à des condamnations par des cours d’assises, condamnations qui n’ont jamais soulevé de difficultés : il y en eut une en 2000, huit en 2001 et en 2002, six en 2003 et sept en 2005.


Dans des affaires de ce type, un simple certificat médical n’est pas suffisant pour permettre de qualifier une infraction de crime ou de délit : contrairement à ce que laisse supposer votre sous-amendement, une expertise est systématiquement ordonnée afin de déterminer la durée de l’ITT, et sa fiabilité ne sera pas contestable devant la cour d’assises. Il me semble d’autant moins nécessaire d’inscrire dans la loi la disposition que vous proposez que j’entends renforcer – au moyen de dispositions contenues dans le projet de réforme de la justice – le caractère contradictoire des expertises, ce qui constituera une garantie supplémentaire.

Compte tenu de ces explications, je vous invite à retirer votre sous-amendement n° 736, monsieur le rapporteur.

M. le président. Accédez-vous à cette demande, monsieur le rapporteur ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La réponse que vient de donner M. le garde des sceaux est d’ordre général. À ma connaissance, aucun texte ne prévoit la constatation de l’incapacité dans les conditions que je suggère. Certes, quand l’incapacité sera de plus de huit jours, la qualification criminelle entraînera l’ouverture d’une instruction judiciaire. En ce cas, le magistrat instructeur ordonnera probablement une expertise dont le caractère contradictoire devrait être garanti grâce aux nouvelles dispositions prévues par le projet de réforme de la justice. Cependant combien de temps faudra-t-il pour que le parquet sollicite l’ouverture d’une instruction et qu’un expert soit commis ?

Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le garde des sceaux, dans les faits c’est toujours un simple certificat médical qui constate les blessures subies par la victime,…

M. Pierre Hellier. Bien sûr !

M. Philippe Houillon, rapporteur. …certificat médical qui n’est pratiquement jamais remis en cause. Dans le cas de blessures graves ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de six mois, la vérification peut se faire sans problème. Elle est beaucoup plus difficile quand il s’agit d’une ITT de dix jours constatée par un simple certificat médical : l’expert commis deux mois plus tard ne pourra pas se prononcer sur la durée de l’incapacité. Étant donné la peine encourue, je pense qu’il y a un vrai problème, sur lequel je tenais à attirer l’attention de notre assemblée.

Il en va de même pour les ITT inférieures à huit jours. Les faits relevant de la juridiction correctionnelle, il n’y aura pas d’instruction, mais une citation directe devant le tribunal correctionnel sur la base d’un simple certificat médical. Or la peine légale est tout de même de dix ans ! S’il est juste d’accroître la peine encourue pour protéger les personnels dont nous parlons, par souci d’équilibre la personne qui encourt une peine légale importante doit bénéficier de certaines garanties.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 101, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Le Gouvernement nous propose un amendement sous le coup de l’émotion – que nous partageons – suscitée par les violences commises à l’encontre des policiers. Ces violences se sont multipliées depuis un an : selon les chiffres donnés par le ministre de l’intérieur, plus de 3 500 policiers ont été agressés et blessés dans l’exercice de leur mission depuis le 1er janvier, ce qui est considérable et mérite réflexion.

Cela explique aussi en grande partie le malaise constaté chez les policiers, qui s’est traduit lors des élections professionnelles qui viennent d’avoir lieu.

M. Alain Gest. C’est faux ! C’est un énorme mensonge !

M. Jean-Pierre Blazy. Pas du tout, c’est la réalité, y compris au sein du corps des commissaires de police, où l’on a même assisté à la naissance d’un nouveau syndicat.

Si mon propos n’est pas de vous livrer un nouveau commentaire des résultats des élections professionnelles dans la police nationale, force est de constater que celles-ci sont révélatrices d’un malaise, ce qui n’est guère étonnant si l’on considère l’aggravation de la situation depuis un an.

Comme toujours, le ministre de l’intérieur a réagi de façon excessive face à cette émotion que nous partageons tous. À la mi-octobre, il a annoncé que le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance comporterait des dispositions visant à criminaliser les violences contre les policiers. Pourtant, je rappelle que les atteintes aux fonctionnaires de police, aux militaires de la gendarmerie nationale, ainsi qu’aux sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires constituent déjà des circonstances aggravantes au regard du code pénal. Si ces délits deviennent des crimes, il faudra systématiquement qu’un juge mène une instruction, ce qui augmentera sensiblement le nombre d’affaires traitées aux assises, qui est actuellement de 3 000 par an.

Le garde des sceaux…

M. Jean-Marie Le Guen. Il n’écoute pas !

M. Jean-Pierre Blazy. …nous a indiqué il y a quelques semaines que les affaires de guet-apens représentaient une vingtaine d’affaires par an. Peut-être pourrez-vous nous confirmer ce chiffre, monsieur le garde des sceaux…

M. Jean-Marie Le Guen. Il faudrait pour cela qu’il écoute les orateurs !

M. le président. Je vous en prie !

M. Jean-Pierre Blazy. J’aimerais effectivement être écouté car, sur ce point important, il est souhaitable que nous obtenions des réponses. (M. le garde des sceaux désigne ostensiblement sa montre. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est incroyable !

M. Lilian Zanchi. Quel mépris !

M. Xavier de Roux. Pour être écouté, il faut le mériter !

M. Jean-Pierre Blazy. Il me semble que mon intervention, consistant à argumenter et à poser certaines questions, contribue à ce que nous ayons un débat constructif. En m’exprimant ainsi, je ne fais qu’exercer mon droit…

M. le garde des sceaux. Votre droit, c’est de parler cinq minutes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous n’êtes pas content adressez-vous au président ! Qu’est-ce que c’est que ces façons ! De quel droit voulez-vous faire taire les députés ? C’est une insulte au Parlement !

M. le président. Je vous en prie !

M. le garde des sceaux. Quelle grossièreté !

M. le président. Allons, mes chers collègues ! M. Blazy, et lui seul, a la parole.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais il vous interpelle, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Blazy. La criminalisation des attaques en bande organisée ou en guet-apens est une mesure qui mérite d’être débattue sérieusement.

Je vous demande, monsieur le garde des sceaux, de confirmer le chiffre d’environ vingt affaires de guet-apens par an, qui justifie selon vous que nous légiférions. Qu’il soit bien clair que je ne sous-estime pas la gravité de tels actes, bien au contraire, mais la riposte que vous proposez avec ce nouvel arsenal juridique est-elle proportionnée ? Surtout, sera-t-elle efficace ? Les cours d’assises ne sont pas forcément plus sévères…

M. le garde des sceaux. C’en est trop ! Monsieur le président, je demande le respect du règlement ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est incroyable ! Le Gouvernement demande le respect du règlement de l’Assemblée nationale !

M. Alain Gest. Il en a le droit !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est inconcevable !

M. le président. Je vous en prie ! Seul M. Blazy a la parole.

Monsieur le ministre, je vous prie de me laisser présider comme je l’entends.

Poursuivez, monsieur Blazy ; vous avez suffisamment d’expérience pour ne pas vous laisser interrompre !

M. Jean-Pierre Blazy. Avouez, monsieur le président, qu’il est assez inhabituel de se faire interrompre de la sorte par un ministre ! Je suis victime d’un guet-apens de la part du garde des sceaux !

Les cours d’assises, disais-je, ne sont pas forcément plus sévères. Leurs décisions sont imprévisibles et je ne suis donc pas certain que leur intervention soit un gage d’efficacité.

Par ailleurs, les délais en assises sont très longs, puisqu’elles ne jugent que deux ou trois affaires par session. Même si vous leur accordez plus de moyens pour fonctionner, monsieur le garde des sceaux, votre proposition ne risque-t-elle pas de se traduire par un encombrement judiciaire, ce qui serait contre-productif ?

Enfin, s’agissant d’une décision annoncée à la veille des élections professionnelles, ne faut-il pas y voir essentiellement un signal du ministre de l’intérieur destiné à faire plaisir aux syndicats de la police nationale qui lui sont favorables ? Maintenant que cette échéance est passée, cela a sans doute beaucoup moins d’importance sauf, peut-être, dans le cadre de sa campagne en vue d’autres élections.

M. le garde des sceaux. Rappel au règlement ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Un ministre qui veut faire un rappel au règlement ! C’est nouveau ! Ça vient de sortir.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Chacun doit avoir la possibilité de participer au débat. Je ne trouve pas normal que certains cherchent à empêcher que ce débat aboutisse en gardant la parole aussi longtemps que bon leur semble. Cela me semble contraire au règlement de cette assemblée et je m’en étonne auprès de vous, monsieur le président.

M. Jean-Marie Le Guen. Puisque c’est ainsi, vous n’avez pas fini de nous entendre !

M. le président. Monsieur le ministre, j’accorde les temps de parole en fonction du règlement. M. Blazy s’exprimait contre l’amendement n° 101…

M. le garde des sceaux. Il avait cinq minutes !

M. Jean-Marie Le Guen. Ça continue !

M. le président. …et deux orateurs peuvent encore s’inscrire pour répondre à la commission et au Gouvernement.

S’agissant d’un amendement important, comme vous l’avez souligné vous-même, je veille à ce que chacun des groupes puisse s’exprimer de façon équitable et dans le temps prévu pour le débat. Je continuerai à présider de cette manière.

Par ailleurs je vous informe que M. Jean-Christophe Lagarde vient de déposer un sous-amendement n° 738 à l’amendement n° 101. Ce sous-amendement, qui va être distribué, est recevable. Vous avez la parole pour le soutenir, monsieur Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Au regard de l’article additionnel que tend à introduire l’amendement n° 101, le groupe UDF trouve légitime que l’on prenne particulièrement en considération – cela avait d’ailleurs été fait dans le cadre de la LSI – un certain nombre de professions. Il s’agit notamment de celles qui visent à porter assistance à nos concitoyens – les sapeurs-pompiers civils ou militaires, par exemple – ou à réguler les relations entre ceux-ci. Il faut protéger ceux et celles qui représentent une part de l’autorité qui nous permet de vivre ensemble en assurant le respect des règles communes. Nous avions ainsi défini dans la LSI un certain nombre de professions protégées.

L’amendement n° 101 semble avoir oublié les gardiens d’immeuble dans la liste qu’il propose. La loi prévoit d’ores et déjà que ceux-ci peuvent être protégés au même titre que la police ou les pompiers, mais il n’en est pas fait mention dans cet article additionnel. Chacune des professions citées dans l’amendement est occasionnellement en contact direct sur le terrain avec des individus dangereux et peut faire l’objet d’embuscade ou de guet-apens. Les gardiens d’immeuble entrent tout à fait dans ce cadre.

Du reste, voilà moins de trois semaines, un gardien de ma commune a été agressé. Il faut donc pouvoir protéger les gardiens d’immeuble. Cela est d’autant plus important que, aujourd’hui, nombre d’offices d’HLM peinent à trouver ce type de personnel. J’ai pu personnellement constater qu’un nouveau gardien d’immeuble est immédiatement vu comme une cible parce qu’il vient déranger « l’ordre » établi par certains.

M. Alain Gest. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. Voilà pourquoi il serait bon d’ajouter cette profession à la liste prévue à l’amendement n° 101. C’est une profession respectable, à laquelle, par l’assermentation, on confère une responsabilité et une autorité. Il faut d’autant plus protéger les gardiens d’immeuble qu’ils sont sans doute les plus directement et les plus quotidiennement exposés.

M. le président. Je demanderai l’avis de la commission et du Gouvernement dès que le sous-amendement aura été distribué.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le garde des sceaux, je vous ai connu et apprécié comme président de la commission des lois. Vous étiez à l’époque extrêmement attentif à ce que le Gouvernement ne marche pas sur vos plates-bandes. J’ai aussi le souvenir d’interventions, certes brillantes, mais pas particulièrement courtes !

S’agissant de l’amendement n° 101, et je le dis avec une certaine solennité, je rappelle une phrase que je vous ai souvent entendu prononcer alors que vous étiez président de la commission des lois : « Il faut légiférer en tremblant. » Or cet amendement se place dans une logique purement répressive, justifiée, certes, par de graves événements et notamment le drame de Marseille. Désormais, néanmoins, seront sanctionnées toutes les personnes qui participent à un guet-apens, même sans participation active, même en étant simplement spectateurs. Ainsi, des jeunes qui se laisseraient entraîner, sans être acteurs de l’événement, pourraient être punis de la même peine que les auteurs du délit ou du crime. Cette nouvelle infraction participera-t-elle d’une prévention de la délinquance ?

Cet amendement prévoit aussi d’augmenter les peines en cas de rébellion ou de provocation à la rébellion. Par exemple des personnes présentes lors d’une intervention de police et qui incitent à s’opposer à celle-ci. Monsieur le garde des sceaux, il m’est arrivé d’assister à une intervention particulièrement musclée, que je trouvais injuste. Certes, je n’ai pas réagi avec violence, mais j’ai néanmoins exprimé une forme de mécontentement. Était-ce de la rébellion ? Cela montre qu’il faut mesurer la gravité de vos propositions.

Cet amendement a également pour objet de porter la peine encourue à quinze ans de réclusion criminelle, au lieu de dix, pour les infractions de violences volontaires avec arme sur agent de la force publique, un sapeur-pompier ou un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, commis en bande organisée ou avec guet-apens, ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de plus de huit jours.

Comme le dit l'exposé des motifs de l'amendement : « II faut que les personnes qui s'attaquent aux forces de l'ordre sachent que lorsqu'elles tendent une embuscade, elles risquent de se retrouver devant une cour d'assises ». Concrètement, donc, les personnes suspectées d'avoir commis des violences sur des policiers, des gendarmes et des pompiers seront désormais passibles de la cour d'assises.

Or il faut savoir que la saisine d'une cour d'assises n'est possible que par une juridiction d'instruction après l'élaboration d'un dossier criminel, ce qui demande du temps. Dans les faits, un dossier d'assises n'est jamais jugé avant un an et demi, voire deux ans et demi, après les faits, d'autant que les cours d'assises sont généralement surchargées.

Qu'avons-nous donc à gagner à criminaliser cette infraction, dont le simple but est de faire passer les auteurs présumés devant la cour d'assises ? À faire juger ces auteurs deux ans après les faits ? Quel sera l'effet sur la population, alors que vous veillez tant à ce que les sanctions soient lisibles et immédiates ?

Ajoutons que, malheureusement, les violences contre les policiers sont nombreuses. Si nous décidons ici de les renvoyer toutes devant la cour d'assises, cela va venir encombrer encore plus ces juridictions et, de fait, retarder les dossiers criminels, ceux concernant des viols et des meurtres. Est-ce vraiment cela que vous recherchez, monsieur le garde des sceaux ?

M. le président. Sur le sous-amendement n° 738, je suis saisi par le groupe UDF d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 738 ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné ce sous-amendement puisqu’il n’a pas été déposé en séance.

À titre personnel, et même si je comprends bien le souci qui anime M. Lagarde, j’y suis défavorable car nous ne sommes plus ici dans le registre des personnes dépositaires de l’autorité publique.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et les conducteurs de bus ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Si nous ouvrons la boîte de Pandore,…

M. Jean-Marie Le Guen. Vous l’avez déjà ouverte !

M. Philippe Houillon, rapporteur. …il faudra ajouter à la liste les pharmaciens et les médecins de garde, par exemple.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais oui, et je vais y venir !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il faut bien un critère, sinon, il n’y a plus de limite.

M. Jean-Marie Le Guen. Il y en aura peut-être à votre compassion !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je suis donc défavorable à cet amendement même si je ne suis pas intellectuellement hostile à la préoccupation qu’il exprime.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Les gardiens d’immeuble sont en effet particulièrement exposés. Je comprends donc l’intention de l’auteur de l’amendement. Cependant le rapporteur a raison : si l’on ne fixe pas un critère, il faudra ajouter à la liste les pharmaciens, les médecins, les enseignants et toutes les personnes en contact avec un certain nombre de jeunes.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est bien de ceux-là dont on parle !

M. Lilian Zanchi. Il y a deux poids, deux mesures !

M. le garde des sceaux. Nous visons les personnes dépositaires de l’autorité publique !

M. Jean-Marie Le Guen. Et les conducteurs de bus ?

M. le garde des sceaux. Quand vous appartenez à une société nationale de transport, vous êtes bien détenteur d’une parcelle de l’autorité publique. Nous ne pouvons pas accepter les demandes reconventionnelles qui feraient perdre toute valeur à l’amendement du Gouvernement, lequel se limite aux détenteurs de l’autorité publique.

M. Jean-Marie Le Guen. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

M. le garde des sceaux. Assez de donneurs de leçons !

M. Alain Gest. Absolument !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous en êtes un autre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. On voit bien comment ce texte a évolué au fur et à mesure des faits divers.

Le Gouvernement, secteur ministériel par secteur ministériel, a voulu défendre ses fonctionnaires ou, tout au moins, tenté de répondre à la situation psychologique dans laquelle ceux-ci se trouvaient. Ainsi, le ministre de l’intérieur a tenu à ce que les policiers soient particulièrement protégés. Le garde des sceaux, qui n’a pas voulu être en reste, a ajouté l’administration pénitentiaire. Puis, le ministre des transports a obtenu qu’on inscrive également sur la liste les conducteurs de bus.

Je regrette simplement que tous les ministres n’aient pas jugé utile de présenter cette demande conventionnelle. En effet, pourquoi certains fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique mériteraient-ils une considération plus grande que d’autres personnes exposées ? Le conducteur d’un véhicule appartenant à une société privée n’aura donc pas droit à la même protection que celui d’un réseau de transport public ? Et le médecin du SAMU qui se rend dans un quartier dangereux ne représente-t-il pas lui aussi le service public ?

M. Xavier de Roux. Étendez l’amendement !

M. Jean-Marie Le Guen. Je le proposerai, mais c’est une fuite en avant !

Voilà pourquoi il y a ce que le garde des sceaux appelle des demandes reconventionnelles !

M. Xavier de Roux. Généralisez !

M. le président. Je vous en prie, laissez parler l’orateur.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes en train d’augmenter considérablement les procédures en cour d’assise et d’aggraver les sanctions. Vous voulez les élargir à des groupes…

M. Xavier de Roux. C’est vous qui voulez changer !

M. Jean-Marie Le Guen. …mais il sera très difficile de savoir si tel ou tel jeune a participé ou non à l’action, et cela à un moment où les relations sont particulièrement conflictuelles entre les forces de l’ordre et la jeunesse.

M. Xavier de Roux. Mais que voulez-vous ?

M. Jean-Marie Le Guen. À Lille par exemple, des jeunes qui étaient en procès pour rébellion viennent d’être innocentés grâce à un enregistrement de vidéosurveillance.

D’où vient cette situation très conflictuelle ? La manière dont on utilise les forces de l’ordre contribue à créer des conflits, dans un contexte déjà marqué par la montée de la violence. Cette disposition, censée satisfaire certains, va aboutir à une fausse protection. Et plus les peines encourues seront lourdes, jusqu’à atteindre celles applicables à des crimes beaucoup plus graves, plus on s’éloignera de la nécessaire proportionnalité entre les faits mis en cause et la sanction. Cela est extrêmement grave, y compris pour les personnels concernés.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Après ce que je viens d’entendre, il est utile que j’apporte une précision juridique : nous parlons de réseaux de transport public, et non de transporteurs publics ou privés, ce qui serait effectivement choquant. Une entreprise privée peut appartenir à un réseau de transport public.

M. Patrice Martin-Lalande. Le ramassage scolaire par exemple !

M. le garde des sceaux. C’est seulement dans ce cadre que ses agents sont détenteurs de l’autorité publique, non parce qu’ils appartiennent à une entreprise privée mais parce qu’ils travaillent pour un réseau de transport public.

M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi un réseau de transport et pas EDF ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde puis nous en viendrons aux votes.

M. Jérôme Bignon. Bonne idée, monsieur le président. Il serait temps !

M. Jean-Christophe Lagarde. La logique de l’amendement n’a pas été bien comprise. Le cinquième alinéa de l’amendement n° 101 protège deux catégories de personnes : d’une part, les fonctionnaires de la police nationale, les militaires de la gendarmerie et les autres personnes dépositaires de l’autorité publique, comme l’administration pénitentiaire, d’autre part les personnes qui ont pour mission de secourir – sapeurs-pompiers civils et militaires…

M. Jean-Marie Le Guen. Vous oubliez le SAMU !

M. Jean-Christophe Lagarde. …et les agents d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs.

Si je comprends la nécessité de protéger la police nationale, les militaires, les sapeurs-pompiers civils ou militaires, quelle est la différence fondamentale entre un agent d’un exploitant de réseau de transport public – qui n’est pas forcément le conducteur, mais qui peut être l’employé chargé de réparer le bus ou le train, ou celui qui entretient les voies ferrées – et un gardien d’immeuble ?

Certes, il est légitime de protéger les conducteurs de bus, qui ont beaucoup souffert ces derniers mois, mais les gardiens d’immeuble sont assermentés auprès du préfet de la République afin de pouvoir faire respecter des règles de vie en commun. Ils sont donc bien davantage délégataires de l’autorité publique que les conducteurs d’autobus !

Je souhaite que ce sous-amendement soit adopté. Les gardiens d’immeuble font un métier difficile puisqu’ils veillent au bien commun de milliers de nos concitoyens et sont directement exposés, sauf s’ils ne font pas leur travail : ils pourraient en effet ignorer les produits ou les trafics dont ils ont connaissance, mais ils sont tenus de les dénoncer au regard de leur assermentation. Ce n’est pas le cas d’un conducteur de bus.

Ce sous-amendement n’ouvre pas la boîte de Pandore. Il est simplement cohérent avec les dispositions de la loi relative à la sécurité intérieure que nous avons votée en 2002 et qui reconnaît le rôle particulier des personnes assermentées.

M. le président. Nous allons maintenant procéder aux votes.

Nous commençons par le scrutin public sur le sous-amendement n° 738 qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 273.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 736.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 101 qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 274.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement vise à instituer un « délit obstacle » incriminant la détention ou le transport sans motif légitime de substances incendiaires ou explosives permettant de commettre les infractions de destructions dangereuses pour les personnes réprimées par l’article 322-6 du code pénal. Il s’agit de mieux prévenir les violences urbaines, comme celles survenues à la fin de l’année 2005, qui a été marquée par l’incendie de nombreux bâtiments et véhicules, provoqué notamment par des jets d’essence ou de cocktails Molotov.

En l’état actuel du droit, tant que la destruction n’a pas été commise ou tentée, aucune répression n’est possible. Cette lacune a été constatée par les services enquêteurs et les magistrats à propos des violences de 2005. Les dispositions proposées permettront de réprimer une personne qui, notamment dans un contexte de violences urbaines ou de manifestations violentes, transporte sans aucune raison un bidon d’essence. Naturellement, cela ne vise absolument pas celui qui transporterait un bidon d’essence pour remplir sa tondeuse à gazon ! D’où l’importance…

M. Jean-Marie Le Guen. D’avoir une tondeuse à gazon ! (Sourires.)

M. Philippe Houillon, rapporteur. Généralement, on ne tond pas son gazon la nuit !

Les peines sont aggravées s’il est établi que cette personne a l’intention d’utiliser cette essence pour commettre des destructions ou des atteintes aux personnes. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je ne peux que féliciter le rapporteur de cet amendement qui comble une lacune juridique en permettant la répression, dans le cadre des violences urbaines, d’un certain nombre de comportements potentiellement dangereux. Naturellement, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le Gouvernement réagit aux émeutes urbaines qu’il avait pourtant laissé se développer pendant plusieurs semaines, quand il ne les avait pas suscitées par certains propos provocateurs.

Vous voulez rassurer je ne sais qui en instaurant des peines totalement disproportionnées par rapport à la réalité des faits, ce qui va accroître considérablement l’incompréhension des jeunes. Certes, nous devons être très fermes devant les comportements violents, mais ce n’est pas comme cela que l’on va résoudre le problème des banlieues. Souvenez-vous de ce qui s’est passé il y a vingt ou trente ans, lorsque des groupes politiques, qui n’étaient pas tous d’extrême gauche…

M. Jean-Pierre Blazy. En effet, il y avait le groupe Occident, dont certains ont fait partie !

M. Jean-Marie Le Guen. …avaient choisi d’utiliser la violence, ce qui est très condamnable.

Encourir une peine de dix à quinze ans de prison, alors même que les produits incriminés n’ont pas été utilisés, me paraît totalement disproportionné. Ce texte, loin de traiter les problèmes en profondeur et de prévenir les événements dramatiques que nous avons connus l’année dernière, va augmenter l’incompréhension des jeunes et provoquer des affrontements entre eux et la société. Si certains jeunes se sont laissés aller à des attitudes condamnables, ce texte va les faire basculer dans le grand banditisme. Savez-vous dans quel état on sort après dix ans de prison ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous comprendrez qu’étant élu de Seine-Saint-Denis, département qui fut durement touché au moment des émeutes et qui l’est encore régulièrement, je porte une attention particulière à cet amendement.

On peut comprendre, monsieur le rapporteur, ce qui vous a amené à proposer un tel amendement, mais il présente une grave difficulté. Permettez-moi de parler sinon en expert, en tout cas au regard de l’expérience que j’ai acquise sur ces problèmes.

Dans mon département, des voitures brûlent régulièrement, plus rarement des bâtiments. Or ces violences ne sont pas liées au transport.

La législation que vous nous proposez sera utile lorsque surviendra une crise dans une ville, un département ou une région, mais elle ne prévoit pas de garde-fou. Vous dites, monsieur le rapporteur, que pour justifier le transport d’un bidon d’essence, on peut toujours avoir une tondeuse. Qu’à cela ne tienne, certains en auront une !

M. Lilian Zanchi. Tout le monde a une tondeuse !

M. Jean-Christophe Lagarde. Évidemment non ! Les personnes qui habitent en appartement ne possèdent pas de tondeuse !

M. Lilian Zanchi. On peut faire du bricolage !

M. Jean-Christophe Lagarde. Les jeunes s’adapteront rapidement à cette nouvelle législation. Il s’agit bien d’une loi extraordinaire, qui ne sera utile que dans des circonstances extraordinaires.

C’est la raison pour laquelle je pense que ces dispositions devraient être appliquées seulement après un arrêté du préfet interdisant le transport de tels produits. Autrement dit, lorsque le préfet verrait se développer dans une ville, un quartier ou un département des violences urbaines ou des manifestations violentes, il suffirait – comme les préfets l’ont fait, mais sans condamnations à la clé – qu’il prenne un arrêté. Et si, dans ce contexte, des gens étaient interpellés, alors qu’ils transportent de l’essence – on en a vu certains se balader d’un endroit à l’autre avec des stocks d’essence dans les coffres de voiture, c’est vrai !–, le délit serait avéré.

Sans cette condition, des personnes avec un bidon d’essence achetée à la station-service pour remplir leur tondeuse ou leur tronçonneuse risqueraient d’être interpellées ! Je souhaite donc que cette condition soit incluse dans l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274.

(L'amendement est adopté.)

Article 26 bis

M. le président. Je n’ai plus d’inscrit sur cet article qui ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 26 bis est adopté.)

Avant l’article 27

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 413, portant article additionnel avant l’article 27.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Mon amendement n’a pas été examiné par la commission, mais nous avons longuement débattu de la question et j’avais informé mes collègues que je défendrais cette proposition en séance.

La consommation habituelle et excessive d'alcool constitue un danger aussi grand, si ce n'est plus, pour la sécurité des personnes que l'usage de stupéfiants. Comme pour les usagers de stupéfiants, la société doit avoir pour objectif prioritaire de soigner ces personnes – et non se contenter d'appliquer une répression pénale –, afin d'éviter les situations de récidive qui pourraient déboucher sur des atteintes aux personnes d'une particulière gravité.

Plus de 100 000 condamnations sont prononcées chaque année pour conduite en état alcoolique. L'alcool est présent dans 10 % des accidents corporels sur la route et dans 28 % des accidents mortels.

Par ailleurs, une étude de l'INSERM, publiée en octobre 2006, sur les liens entre violences physiques et sexuelles, alcool et santé mentale a présenté des résultats inquiétants sur les liens entre alcool et faits délictuels. L'INSERM a analysé 2 207 affaires pénales enregistrées en 1999-2000 par le parquet d'un gros tribunal de grande instance de la région parisienne.

L'usage d'alcool lors des faits ou dans les habitudes des auteurs est observé chez plus du tiers d'entre eux. Lorsque les agressions et les violences sont commises par des conjoints, cette proportion atteint la moitié. Dans plus des deux tiers des plaintes pour viols et agressions sexuelles sur majeurs, l'auteur était sous l’emprise de l’alcool lors des faits ou est buveur d'habitude. Les usages de stupéfiants associés aux violences n'apparaissent que secondairement.

C'est pour les viols et agressions sexuelles sur majeurs que l'état éthylique de l'auteur de l'infraction est le plus présent. Viennent ensuite les viols déqualifiés et agressions sexuelles sur mineurs, ainsi que les violences dans les couples où l'alcool peut être relié aux auteurs dans un cas sur deux ; nous avons eu un long débat à ce sujet ce matin. Pour les autres types d'infractions étudiées, l'alcool est présent dans un quart à un tiers des cas.

En matière criminelle, l'état éthylique est encore plus prégnant : 69 % des homicides sont commis par des personnes en état d'ébriété ou par des alcooliques chroniques, ainsi que près de la moitié des incestes.

La France n'est pas un cas à part. Par exemple, la Finlande, qui a baissé d'un tiers ses taxes sur l'alcool à la fin 2003, a connu une croissance de 40 % des homicides en 2004.

J'ai donc estimé indispensable que le projet de loi puisse mettre en œuvre des mesures de prévention en direction des personnes alcooliques.

Le présent amendement, monsieur le garde des sceaux, est une initiative en ce sens. Il est le résultat d’un long débat au sein de la commission des affaires sociales, d’une longue réflexion et d’une longue expérience, et les chiffres que je cite sont issus de travaux scientifiques !

M. le garde des sceaux. Bricoleurs de génie !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Les chercheurs de l’INSERM ne sont pas forcément des bricoleurs ! J’en suis un !

L’amendement tend à appliquer la procédure de l'injonction thérapeutique, mise en place pour les usagers de drogues illicites, aux conducteurs faisant une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques lorsqu'ils sont contrôlés avec au moins 0,8 gramme d'alcool dans le sang. L'injonction thérapeutique ne doit être mise en œuvre que si ces conducteurs sont coupables du seul délit de consommation excessive d'alcool ou d'état d'ébriété manifeste. Il ne saurait, en effet, être question de permettre de ne pas engager des poursuites pénales à l'encontre de ces conducteurs s'ils ont porté atteinte à l'intégrité d'une personne humaine, blessures ou homicide involontaires notamment. Monsieur le garde des sceaux, je fais bien la distinction entre les deux situations.

Le dispositif proposé n'affaiblit pas la répression pénale actuellement en vigueur puisque, dans la majorité des cas de première condamnation pour simple délit de conduite en état alcoolique, la juridiction prononce une peine d'amende et le retrait du permis de conduire. Pour récupérer son permis, le conducteur doit se présenter devant une commission administrative et prouver qu'il s'est soigné de son intoxication alcoolique. Il n'y a donc pas à proprement parler d'obligation de soins. La personne condamnée peut ne pas aller en cure et renoncer à récupérer son permis. On constate d'ailleurs le nombre croissant de personnes conduisant sans permis. Les chiffres sont parlants dans ce domaine.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est vrai !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Le présent amendement permet de ne pas infliger une amende ou une peine de prison – presque jamais prononcée en cas de première infraction simple – au conducteur se soumettant à la mesure d'injonction thérapeutique, mais il veille à maintenir la suspension du permis de conduire de la personne concernée tant que la mesure d'injonction thérapeutique n'a pas été menée à son terme, celui-ci étant apprécié par le médecin relais et le procureur de la République ou, en cas de décision prise par la juridiction de jugement, par le juge de l'application des peines. Elle offre ainsi les meilleures garanties sanitaires et judiciaires.

M. Jean-Pierre Blazy. Le garde des sceaux n’écoute pas !

M. le président. Je vous en prie.

Poursuivez, monsieur Dubernard.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce qui nous rassure c’est qu’il n’y a pas que nous qu’il n’écoute pas !

M. le président. Laissez terminer M. Dubernard qui a déjà dépassé son temps de parole.

M. Jean-Marie Le Guen. Pour une fois que nous entendions quelque chose d’intéressant !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Je répète donc !

Le terme de cette mesure serait apprécié par le médecin relais et le procureur de la République ou, en cas de décision prise par la juridiction de jugement, par le juge de l'application des peines. Elle offre ainsi les meilleures garanties sanitaires et judiciaires.

La procédure de l'injonction thérapeutique a l'avantage de garantir le suivi de ces personnes malades. La contrainte pesant sur elles est forte, aussi bien en termes de suivi sanitaire que de menace pénale si la mesure d'injonction thérapeutique n'est pas menée à son terme : l'action publique est alors engagée contre elles avec la menace d'une d'amende et d'un emprisonnement.

Monsieur le garde des sceaux, le présent amendement offre donc au procureur de la République l'opportunité d'imposer une obligation de soins dès la première infraction pour simple abus de boissons alcooliques. Cette action à visée thérapeutique immédiate doit avoir pour but d'éviter à tout prix la récidive qui pourrait s'accompagner de blessures ou de mort d'hommes.

Par ailleurs, le dispositif d'injonction thérapeutique figurant dans le nouvel article L. 3361-2 du code de la santé publique reprend une faculté dont dispose le juge au titre de la composition pénale en application du 17° de l'article 41-2 du code de procédure pénale créé par l'article 30 du présent projet de loi.

Dernières précisions : pour l'application de l'injonction thérapeutique aux cas d'alcoolisme, il devra être rappelé aux personnes concernées les conséquences de la consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques et celles-ci pourront être traitées ou suivies dans un centre de cure ambulatoire en alcoologie ou dans un centre spécialisé dans le traitement des addictions à l'alcool.

Je vous indique qu’il faut rectifier l’amendement en mettant « notifié » au masculin à la fin du deuxième alinéa du texte proposé pour l’article L. 3361-1.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois n’a pas examiné cet amendement.

Jusqu’à présent, je n’ai eu qu’à me féliciter de l’apport extrêmement constructif à notre texte de l’excellent président Dubernard. Là, je suis un peu perplexe et je me demande sous l’emprise de quel raisonnement (Sourires.) son amendement a été élaboré.

Si je comprends bien, en effet, il vaudra mieux, pour être impuni, être un alcoolique habituel qu’un alcoolique d’occasion ; c’est à peu près ce que dit l’amendement. J’imagine bien que ce n’est pas le but, mais, selon sa rédaction, dans l’hypothèse où un alcoolique habituel attenterait à l’intégrité physique, c’est-à-dire s’il provoquait un accident mortel ou entraînant une incapacité, il serait poursuivi, alors que, dans le cas inverse, il ne le serait pas ; il devrait seulement subir une injonction thérapeutique. Bref, celui qui sortirait d’un mariage un peu trop arrosé sans être un alcoolique habituel serait poursuivi selon le droit commun.

Je suis certain que ce n’est pas l’objectif poursuivi par cet amendement, mais c’est quand même ce à quoi il aboutirait – je vais vous en convaincre – puisqu’il énonce : « Le procureur de la République peut enjoindre la personne faisant une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques et ayant conduit un véhicule terrestre à moteur sous l’influence de l’alcool de se soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique, sous réserve qu’aucun délit d’atteinte à l’intégrité d’une personne humaine ne soit relevé à l’encontre de ce conducteur. »

Cela suppose qu’on conduise habituellement sous l’emprise de l’alcool et qu’on en consomme de manière excessive ou qu’on soit un consommateur habituel.

« La mesure d’injonction thérapeutique prend la forme d’une mesure de soins », dit l’amendement. Cette disposition-là est bonne.

Puis le quatrième alinéa indique : « L’action publique n’est pas exercée à l’égard des personnes concernées par une mesure d’injonction thérapeutique ».

Monsieur le président Dubernard, on ne peut qu’être d’accord sur l’idée de l’injonction thérapeutique, mais votre amendement est rédigé de telle manière que, mécaniquement, il aboutirait au fait que l’action publique ne pourrait pas être exercée contre les personnes qui consomment habituellement de l’alcool de manière excessive et qui conduisent !

Peut-être, avant de se faire arrêter, n’auront-ils pris le volant qu’une seule fois, mais ils peuvent l’avoir pris plusieurs fois. Si l’on diagnostique à ce moment-là que ce sont des alcooliques habituels, l’action publique ne sera pas engagée : c’est bien ce que dit votre amendement, qui n’est donc pas acceptable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. J’espère répondre au président Dubernard de manière concise et claire.

Je lui rends d’abord les armes sur la question de santé publique : il a raison sur tout. Cependant s’il le permet, je ne me situe pas sur ce terrain-là : je réponds d’un strict point de vue juridique.

Le président Dubernard invente un mécanisme nouveau, inconnu de notre droit, une peine qui ne serait prononcée que par le procureur. C’est du jamais vu, c’est sans précédent, et cela pose un sacré problème.

L’article 30 vous donne pourtant satisfaction, monsieur Dubernard, puisqu’il permet de soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique les personnes alcooliques dans le cadre de la procédure de la composition pénale. Cela est très proche de votre idée, mais la proposition du procureur permettra qu’il y ait homologation par le juge du siège. Ainsi, nous revenons dans le droit. C’est cette composition pénale étendue, comportant l’injonction de soins, tant pour les majeurs que pour les mineurs, qui répond à votre souhait. L’article 29 permet en outre une semblable injonction de soins dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve.

En fait, monsieur le président Dubernard, vous avez eu raison d’insister sur les ravages de l’alcoolisme, mais la solution est proposée aux articles 29 et 30, et je souhaiterais que vous retiriez votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 413, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. L’amendement de Jean-Michel Dubernard est à l’honneur du Parlement. Alors que nous traitons des questions de stupéfiants et de prévention de la délinquance, rien, ni dans l’article 29 ni dans l’article 30, ne concerne les problèmes d’alcoolisme.

M. le garde des sceaux. C’est implicite !

M. Jean-Marie Le Guen. Implicite ! On croit rêver !

M. le garde des sceaux. Nous ne faisons pas de la morale ; nous faisons du droit !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le garde des sceaux, l’alcool n’est pas un produit illicite. Cette évidence est l’une des bases du droit ; nous sommes tous d’accord là-dessus, il n’est pas besoin d’être garde des sceaux pour savoir cela.

Cet amendement ne se prononce pas sur la question du caractère illicite de telle ou telle substance − et c’est tout à son honneur −, mais, se plaçant au point de vue de la santé publique et de la prévention, il se demande si un produit est ou n’est pas dangereux pour son consommateur et pour autrui. En l’occurrence, l’alcool l’est, et il est totalement aberrant, à tous points de vue, de traiter de la lutte contre la toxicomanie sans y inclure celle contre l’alcoolisme. Le rapprochement se justifie au contraire par la morbidité, la sinistralité, la mortalité qui sont associées à toutes ces substances, mais aussi parce que les consommateurs mélangent souvent les produits psychoactifs.

J’aurais souhaité que ces sujets soient traités de façon transversale et que, dans le peu qu’il en dit − ou essaie d’en dire −, le Gouvernement ne se limite pas à une simple distinction entre produits licites et produits illicites, mais considère toutes les substances psychoactives qui mettent la personne en danger. Il serait donc logique qu’une rédaction fusionne les deux approches et ne prenne pas le caractère légal ou illégal comme base d’une action publique en la matière.

Par ailleurs, on ne peut organiser la prévention de la délinquance liée à des produits psychoactifs qu’en agissant sur les gens qui ont déjà commis des délits et ont été traduits devant la justice. Une action environnementale s’impose, et elle est fondamentale, mais le projet de loi ne prend pas en compte cette politique d’éducation et de lutte contre les produits psychoactifs. Nous aurons l’occasion d’en reparler à propos des drogues illicites, singulièrement du cannabis, qui nécessitent une autre politique.

L’amendement de Jean-Michel Dubernard est lourd de conséquences, puisque, pour la première fois, il induit avec force une politique en direction des personnes alcooliques ayant commis des délits ; il introduit ainsi dans le projet de loi une dimension qui en était absente. Nous aurions tous gagné à ce que sa rédaction soit plus collective, mais, à ce stade de la discussion, il me paraît fondamental de soutenir l’acte politique qui consiste à inscrire les problèmes de l’alcoolisme dans le cadre des politiques de prévention des comportements délinquants.

C’est pourquoi, même si nous préférerions que cette disposition soit examinée à un autre moment et, peut-être, d’une autre façon ; même si nous croyons possible de l’améliorer, nous sommes favorables à l’article additionnel proposé par Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Pierre Blazy. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Nous avons tous conscience que l’alcool ne peut pas être absent d’un texte sur la prévention de la délinquance.

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Vous avez fait allusion, monsieur le président de la commission des lois, à l’article 30 qui, en effet, fait référence à l’alcool, mais au titre de la compensation pénale.

M. le garde des sceaux. De la « composition » pénale !(Murmures.)

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Oui, de la composition pénale.

M. le garde des sceaux. C’est bien le drame ! On fait du droit, ici ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Mais pour qui se prend-il, celui-là ?

M. Alain Gest. Et vous ?

M. le garde des sceaux. Pour le garde des sceaux !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais, mon pauvre ami, vous ne gardez rien du tout ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Ces propos sont inadmissibles !

M. le président. Monsieur Le Guen, vous n’avez pas la parole. Monsieur Dubernard, ne vous laissez pas interrompre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Pardonnez mon lapsus, mais, en la matière, M. le garde des sceaux nous a habitués à bien mieux ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

D’autre part, les expressions qui ont surpris mon collègue M. Houillon, telle la notion de « consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques » qui figure pourtant dans le code de la route, sont des éléments qui ont à la fois une valeur juridique et une dimension technique. C’est la raison qui me pousse à maintenir mon amendement.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 413.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Article 27

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, inscrit sur l’article.

M. André Chassaigne. L’article 27 est le premier d’une série consacrée à la toxicomanie et à certaines pratiques addictives. Il porte sur la réforme de l’injonction thérapeutique et prévoit que, désormais, elle pourra être prononcée par l’autorité judiciaire. Ce n’est donc plus le seul procureur de la République qui pourra signaler un usager de drogue aux autorités sanitaires, mais cela sera possible à chacun des membres de l’autorité judiciaire, magistrats et parquet. En fait, cet article a pour objet de permettre le prononcé d’une injonction thérapeutique pour une personne mise en examen ou condamnée, à titre de mesure présentencielle, de peine complémentaire ou de mesure d’application, comme le prévoit le prochain article 29.

Il prévoit également la mise en place d’un médecin relais qui sera chargé de réaliser l’examen médical, de mettre en œuvre la mesure d’injonction thérapeutique, d’en proposer les modalités et d’en contrôler le suivi sur le plan sanitaire. La mise en place de ce médecin relais nous paraît plutôt une bonne mesure, qui participerait de la prévention des pratiques addictives. Malheureusement, aucun moyen n’est prévu pour permettre l’application concrète de ce dispositif.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous allez voir, monsieur le garde des sceaux, le bordel que ça va être !

M. le président. Monsieur Le Guen, je vous en prie ! Monsieur Chassaigne, poursuivez.

M. Jean-Marie Le Guen. Excusez-moi, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Je parle dans le désert, c’est une solitude terrible.

M. le président. Vous le savez, vos collègues sont habitués à écouter d’une oreille.

M. André Chassaigne. Entre un collègue qui râle et le ministre qui écrit à je ne sais qui, il est très difficile de se faire entendre.

Selon toute vraisemblance, la mise en place du médecin relais est vouée à l’échec. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le rapporteur de la commission des lois du Sénat qui écrit : « Où trouver des médecins relais volontaires en nombre suffisant ? Comment les financer, alors que le président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies indiquait lors de son audition que la consultation reviendrait à 60 euros. Sachant que trois à quatre consultations par an devraient être envisagées et que cette mesure est désormais étendue aux personnes ayant une consommation habituelle excessive d’alcool, son coût a été évalué entre 15 et 20 millions d’euros. »

Comment une telle mesure sera-t-elle financée pour qu’elle soit concrètement appliquée et ne reste pas lettre morte ? Si vous nous donnez l’assurance, monsieur le garde des sceaux – vous qui êtes si attentif ! –, que les moyens permettant la mise en place de ces médecins relais seront prévus, alors nous retirerons notre amendement. Dans le cas contraire, nous serons contraints de maintenir notre demande de suppression d’un article inapplicable.

M. le président. Nous allons passer à l’examen des amendements.

M. Jean-Pierre Blazy. Ah non ! Ça commence à bien faire !

M. le président. Monsieur Blazy, vous demandez la parole ?

M. Jean-Pierre Blazy. C’est M. Le Guen qui doit s’exprimer !

M. le président. Vous étiez inscrit sur l’article, mais j’avais cru que vous aviez renoncé à votre temps de parole.

M. Jean-Pierre Blazy. Il ne s’agit pas de croire ; il faut vérifier !

M. le président. Je vous en prie, laissez le président présider et prenez la parole quand il vous la donne.

Il est possible de s’inscrire sur un article, même en séance.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis bien inscrit sur l’article 27 ?

M. le président. Tout à fait.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis également inscrit sur les articles 28, 29 et 30, il ne faudra pas l’oublier.

Nous avons déjà évoqué, avec le très important amendement de Jean-Michel Dubernard, la problématique du chapitre VI. Il s’agit à présent d’aborder les questions de toxicomanie.

On aurait pu penser que ces dispositions n’avaient rien à faire dans ce texte, dans la mesure où elles relèvent de la santé publique et non pas simplement de la prévention de la délinquance. Il en va de même pour les dispositions du chapitre V que nous examinerons ce soir et qui touchent à la santé mentale. Je reconnais que, par certains aspects, la toxicomanie a un rapport plus direct avec la délinquance, ne serait-ce que parce que le trafic de stupéfiants, singulièrement de cannabis, entraîne, en aval, des problèmes de délinquance. Je suis persuadé que la consommation de très nombreux produits psychotoxiques et psychoactifs, en particulier du cannabis, est liée à certains comportements violents que nous devons combattre pour éviter que des jeunes ne sombrent dans la délinquance.

Il me semble donc légitime de s’intéresser à ces problèmes de consommation de cannabis.

Je ne sais, monsieur le garde des sceaux, si, ce faisant, je fais du droit, mais il faut savoir que la consommation de cannabis est très élevée dans notre pays, notamment chez les jeunes : plus d’un sur deux en a été un usager et 10 % sont des consommateurs réguliers, c’est-à-dire en ont consommé au moins dix fois dans les trente jours précédents. Ces deux chiffres suffisent à démontrer le caractère massif de la consommation de cannabis, notamment, dans notre pays, avec tout ce que cela signifie.

Face à cette situation, un débat s’est engagé voilà déjà longtemps sur l’inapplication de la loi de 1970 qui tend à rendre illicite et donc à pénaliser la consommation de cannabis. Nous quittons là le domaine de la santé publique, monsieur le garde des sceaux, pour entrer dans celui du droit : voilà une législation répressive qui n’est en rien appliquée par votre ministère. Je ne sais s’il faut s’en féliciter ou regretter que la loi soit ainsi ridiculisée par vos services. D’un côté, on peut s’en satisfaire, car, si l’on en croit les statistiques, un jeune sur deux pourrait, selon le droit en vigueur, tomber sous le coup d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison, mais, d’un autre côté, on ne peut s’en satisfaire, car cela ne peut qu’inciter notre jeunesse à violer le droit, tout en permettant à des trafics de prospérer et d’aggraver ainsi les problèmes de délinquance dont nous parlons.

Le débat a été relancé voilà plus de trois ans par le Gouvernement, avec les déclarations publiques du ministre de la santé, du ministre de l’intérieur et de votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux, qui a conclu qu’il fallait changer cette loi de 1970 et aller vers la contraventionnalisation des peines.

Or aujourd’hui, alors que prétendez faire acte de prévention de la délinquance, voilà que ce qui constituerait sans aucun doute l’un des leviers principaux de la lutte contre la délinquance chez les jeunes, à savoir une véritable politique active contre la consommation de cannabis, est totalement absente du texte. Nous n’allons traiter que d’éléments cosmétiques, de points marginaux, qui n’abordent que de façon secondaire le problème de masse auquel nous sommes confrontés et qui abandonne toute ambition de faire régresser la consommation de cannabis dans notre société. J’y reviendrai à l’occasion de l’examen des amendements et des articles suivants.

M. le président. Nous en venons aux amendements sur l’article 27.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l’amendement n° 114.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Le projet de loi tel qu'adopté par le Sénat, prévoit que l'autorité sanitaire fait procéder, à la demande du médecin relais – dont le rôle est important – à une enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale de la personne interpellée et susceptible d'être soumise à une mesure d'injonction thérapeutique.

Le médecin relais, l'autorité sanitaire et l'autorité judiciaire doivent, dans leur domaine de compétences respectives, travailler conjointement afin que soit pris en compte l'intérêt du bénéficiaire de la mesure. Dans cette perspective, il convient que soient préconisées les mesures indispensables et strictement nécessaires à la satisfaction de cet objectif. Cette question se pose tout particulièrement avec l'enquête, non pas médicale, mais portant sur la vie familiale, professionnelle et sociale de l'intéressé.

Pour éviter toute opposition entre le médecin relais et la DDASS, c’est à l'autorité judiciaire à l'origine de la mesure d'injonction thérapeutique qu’il doit revenir in fine de trancher, au terme des argumentaires fournis par l'un et par l'autre, sur l'opportunité de réaliser cette enquête familiale, professionnelle et sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois a adopté cet amendement auquel elle s’est déclarée très favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement aurait bien entendu été défavorable, s’ils avaient été défendus, aux amendements de suppression de l’article 27 qui réforme en profondeur la mesure d’injonction thérapeutique.

Quant à la loi de 1970, nous faisons, monsieur Le Guen, le même diagnostic. C’est d’ailleurs pourquoi le présent texte prévoit d’agrandir le champ de l’ordonnance pénale pour les adultes, d’étendre la composition pénale aux mineurs et de renouveler le fonctionnement de l’injonction de soins, laquelle peut être demandée à tous les stades de la procédure à l’encontre d’un usager de drogue, ou d’alcool comme l’a souligné le président Dubernard.

Avec ces trois mesures, nous avons, je crois, apporté une réponse pénale à une situation qui, jusqu’à présent, ne donnait lieu qu’à des admonestations ou à des contraventions, ce qui n’avait aucun effet sur les usagers réguliers de drogue. Je suis donc heureux de pouvoir ainsi montrer au président Dubernard combien nous avons progressé.

Pour ce qui est de l’amendement qu’il vient de défendre, le Gouvernement est tout à fait favorable à sa dimension sanitaire et sociale. Il s’agit en effet de santé, et peut-être est-ce d’ailleurs pour cela que j’ai toujours quelques difficultés à comprendre (Sourires) : en cas de désaccord entre l’autorité sanitaire et le médecin relais, celui-ci peut demander à l’autorité judiciaire de se prononcer en dernier ressort sur l’opportunité de la requête.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 275.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Le Gouvernement a donc un avis favorable.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nos collègues, M. Mamère et Mme Billard, avaient déposé sur cet article des amendements que je n’ai pas repris.

M. le président. Vous ne pouviez en tout état de cause pas les reprendre, monsieur Le Guen, dans la mesure où ils n’ont pas été défendus.

M. Jean-Marie Le Guen. Je disais que je ne les avais pas repris, juste pour en faire état, monsieur le président.

M. le président. Je tenais simplement pour ma part à vous rappeler qu’en application de l’article 100 du règlement, un amendement ne peut être repris que si son auteur l’a défendu.

M. Jean-Marie Le Guen. Je tiens néanmoins à insister sur la grande ambiguïté que recèle la notion de médecin relais. Le Gouvernement et la majorité seraient en effet bien inspirés de reprendre plutôt l’idée de coordinateur, comme le proposaient justement ces amendements.

Faire du médecin relais l’interface entre le pouvoir judiciaire et l’autorité médicale, c’est le mettre dans une situation impossible sur le plan déontologique. Qu’une personne joue un rôle, non pas de médecin stricto sensu, mais d’intermédiaire entre les pouvoirs publics –représentant l’ordre social, lequel doit effectivement être défendu – et les intervenants chargés d’appliquer une mesure d’injonction thérapeutique décidée dans le cadre d’une procédure judiciaire, cela me paraît légitime. En revanche, le secret médical ne doit en aucune façon être transgressé.

Si l’intervention d’un médecin relais n’avait pour seul prétexte que de pouvoir s’abstraire du secret médical, une telle atteinte à la déontologie constituerait une grave régression. Et sans même parler de secret médical, on manque suffisamment de médecins pour ne pas leur imposer une charge administrative supplémentaire.

Cette idée de médecin relais a tout simplement vocation à donner une coloration médicale à une peine judiciaire. Ce n’est pas une bonne solution, et j’imagine que mes collègues auront à cœur de réexaminer la question à l’occasion d’une prochaine lecture.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 27, ainsi modifié, est adopté.)

Article 28

M. Le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 28.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. J’y renonce.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. L’idée d’un stage de sensibilisation aux dangers de l’utilisation du cannabis ou d’autres drogues psychoactives illicites est plutôt intéressante, mais elle s’inscrit, là encore, dans le cadre du processus judiciaire. Peut-être conviendrait-il de s’adresser à nos jeunes en aval. Or toute la construction juridique des articles 27 et 28 – qui s’appuient, je le répète, sur une législation inappliquée et inapplicable – repose sur l’illusion que l’on disposera des moyens de nous adresser à ces jeunes qui consomment du cannabis, dans la plus grande illégalité.

Aucun processus judiciaire ne permettra pourtant de traiter 50 % voire même 10 % de nos jeunes. Seule une infime partie des consommateurs sera visée, la plus dépendante j’espère. Cela justifiera, dans tel ou tel cas, une injonction thérapeutique et, dans tel autre cas, une information sur les dangers du cannabis. Néanmoins votre politique n’est pas à la hauteur de ce qu’exige la lutte contre le cannabis.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 28.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour défendre l’amendement n° 663 qui tend à la suppression de cet article.

M. Jean-Pierre Blazy. L’amendement est défendu !

M. le président. La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen pour soutenir l’amendement n° 662.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement vise à contraventionnaliser la consommation de cannabis. Nous ne voulons pas de dépénalisation, ni en droit ni en fait ; or c’est cette dernière qui prévaut aujourd’hui. Telle est d’ailleurs un peu toute la philosophie du texte : prévoir des sanctions sévères, mais dont l’applicabilité fera défaut.

La lutte contre les toxicomanies, en l’occurrence contre le cannabis – puisque c’est essentiellement sa consommation que visent ces articles – ne prend jamais véritablement en compte la dangerosité de cette substance en fonction de son usage. Il ne sert à rien de diaboliser des produits dont la consommation est très grande, quand leur dangerosité tient au moment où ils sont consommés par certaines personnes et dans certaines conditions, ou à leur association à d’autres produits, tout cela de façon abusive.

La politique qui nous est proposée est essentiellement judiciaire. Aucune démarche de santé publique n’est prévue en amont qui permettrait de lutter de façon efficace contre les toxicomanies. Tout au contraire, la politique judiciaire proposée ne peut être qu’inaudible et inappliquée et n’aboutir qu’à une dépénalisation de fait. Le Gouvernement ne s’est pas donné les moyens d’une pénalisation qui soit applicable.

Avec l’amendement n° 662, je propose que nous nous donnions les moyens d’une pénalisation applicable parce que c’est un des éléments d’une véritable politique de santé publique. Même si, nous le savons bien, la prohibition en soi ne nous garantit pas que les produits ne seront pas consommés – cela ne suffit pas –, nous pensons néanmoins que la dépénalisation serait perçue comme un encouragement au laxisme et à une consommation dangereuse, en tout cas dans de très nombreux cas.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, je trouve que l’idée développée par M. le Guen n’est pas absurde du tout. Simplement, j’y vois une difficulté. Si l’usage du cannabis devenait purement contraventionnel, cela empêcherait le placement en garde à vue et l’ouverture d’une instruction, ce qui rendrait difficiles les tentatives de remonter les réseaux. Or on part souvent des consommateurs. Donc, si je ne suis pas hostile à votre idée, je trouve dangereux de se priver d’un outil extrêmement important pour démonter les réseaux.

Par ailleurs l’objectif que vous poursuivez peut être atteint par l’extension de la composition pénale, d’une part, et par l’institution en la matière de l’ordonnance pénale, d’autre part.

Pour toutes ces raisons, je pense qu’il vaudrait mieux rejeter cet amendement en l’état.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je ne vois pas ce qui motive la proposition de M. Le Guen.

Le constat est le suivant : en France, le code est sévère à l’encontre des usagers de drogue mais, dans la réalité, la répression est presque inversement proportionnelle, autrement dit nous n’appliquons pas le code pénal. Si nous passions, dans la loi, du délit à la contravention, cela signifierait en réalité que nous baissons dans l’échelle. Nous enverrions donc un signal contraire à ce que souhaitait M. Dubernard dans un amendement précédent.

Sur le plan technique et juridique, le président Houillon vous a répondu : il vaut mieux l’ordonnance pénale parce qu’elle permet la garde à vue. Si vous placez l’usager en garde à vue, vous pouvez remonter jusqu’aux revendeurs, ce qui n’est pas inutile. De plus, l’ordonnance pénale permet tout à fait d’infliger une amende – on n’est pas obligé d’avoir autre chose qu’une amende dans le cadre de l’ordonnance pénale. Surtout, elle ne donne pas ce sentiment un peu inquiétant de passer du délit à la contravention, autrement dit d’atténuer les sanctions, c'est-à-dire qu’elle correspond à l’esprit même du texte qui cherche à appliquer avec vigueur le code pénal s’agissant des usagers.

Donc avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. L’amendement de M. Le Guen me semble très intéressant. Dans le système actuel, le procureur n’a aucun moyen d’agir car l’injonction thérapeutique est purement délictuelle. Donc, l’objectif de cet amendement me semble aller dans le sens de l’intérêt des victimes.

M. le garde des sceaux. Je crois qu’on se ne comprend pas.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. On ne se comprend pas parce que, à l’évidence, il y a un manque d’intelligence quelque part. (Murmures.)

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 662, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, peut-on savoir à quelle heure vous prévoyez de lever la séance ?

M. le président. Le règlement veut que la séance de l’après-midi soit levée à vingt heures, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Très bien.

Le Gouvernement confirme l’hypocrisie qui est la sienne en matière de lutte contre le trafic des stupéfiants. La loi de 1970 n’est pas appliquée. Sans doute a-t-elle un intérêt pour le ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour les statistiques de la délinquance et l’état 4001.

M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !

M. Jean-Pierre Blazy. En effet, les faits constatés sont immédiatement des faits élucidés. Il y a même plus de faits élucidés que de faits constatés dans cette rubrique, ce qui est formidable, surtout pour les statistiques.

On ne peut cependant pas en rester là quand on connaît les ravages sur les jeunes et les conséquences parfois sur la délinquance.

Après avoir critiqué la loi de 1970, le ministre d’État avait pourtant déclaré qu’il souhaitait la modifier. Or, c’est clair, le Gouvernement a décidé de ne pas le faire.

M. le garde des sceaux. Si : on la modifie avec ce texte !

M. Jean-Pierre Blazy. Non, vous ne la modifiez pas : vous proposez une dépénalisation rampante.

M. le garde des sceaux. C’est le contraire !

M. Jean-Pierre Blazy. Il faut être efficace.

Avec ce qui est proposé par l’amendement, c'est-à-dire le passage à la contravention, il sera au moins possible – à condition, que cette mesure soit mise en œuvre réellement, c'est-à-dire avec des moyens et des instructions qui seront données – de lutter contre les trafics, ce que vous ne faites pas. Vos résultats sont piètres en la matière. 

Certes, monsieur le rapporteur, on ne pourra plus mettre l’usager en garde à vue, mais ce n’est pas à partir des usagers que l’on remonte les réseaux. Pour cela on s’appuie sur les actions de blanchiment. Or, là encore, en matière de lutte contre le blanchiment de l’argent de la drogue, vos résultats sont très minces. Cela étant, tel n’est pas l’objet de notre amendement, qui vise d’abord à limiter et à combattre la consommation de cannabis chez une partie de notre jeunesse.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. J’aimerais convaincre M. Blazy. Que reproche-t-on tous à la loi de 1970 ? Ce n’est pas d’être sévère, mais de l’être trop.

M. Jean-Pierre Blazy. Elle est sévère mais pas appliquée.

M. le garde des sceaux. Comme elle est trop sévère, elle est inappliquée.

M. Jean-Pierre Blazy. Alors, changeons-la !

M. le garde des sceaux. Et elle est inappliquée parce qu’elle est inapplicable.

Avec ce projet de loi, nous proposons un dispositif pénal efficace et, cette fois-ci, applicable. Jusqu’à présent, je n’ai jamais vu la moindre orientation gouvernementale qui essaie de faire comprendre à des usagers de la drogue combien cela est dangereux. Là, nous « inventons » des systèmes nouveaux. Outre l’amende, il pourra y avoir une ordonnance pénale pour les adultes, une composition pénale pour les mineurs, une injonction de soins à tous les stades de la procédure.

Il ne suffit pas de faire de la philosophie pour expliquer que la drogue, c’est mal. Nous voulons faire en sorte qu’il y ait une pénalisation des usagers de la drogue.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est de l’hypocrisie !

M. le garde des sceaux. Vous ne pouvez pas dire que nous n’avons pas pris en compte ce problème, car c’est précisément l’un des objets de ce texte. S’opposer à ce dispositif serait très inquiétant.

M. Pierre Hellier. En effet !

M. le garde des sceaux. Cela voudrait dire que vous récusez l’aspect pédagogique de la lutte contre la drogue. Je sais bien que certains, dans vos rangs, ne sont pas tout à fait sûrs que la drogue soit dangereuse mais j’aimerais que l’Assemblée nationale tout entière soit d’accord pour faire de la lutte contre la toxicomanie une cause nationale parce que la drogue, c’est très mauvais pour la santé publique et pour les personnes. On ne peut pas la tolérer.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est ni à vous ni à l’Assemblée nationale de décider si la drogue est mauvaise. Laissez faire l’INSERM.

M. Jean-Pierre Blazy. Et alors ? La contravention, c’est bien.

M. le garde des sceaux. La contravention nous ferait passer de trop à pas assez. Ce n’est pas l’argent qui compte. Suivre un stage où l’on vous explique que la drogue est mauvaise, même si on vous le fait payer, est beaucoup plus utile que de payer une amende.

M. Pierre Hellier. C’est vrai !

M. le garde des sceaux. Nous voulons faire preuve de pédagogie et, pour cela, nous voulons aller au-delà de la sanction financière. Nos propositions sont tellement plus riches et importantes, tellement plus intelligentes que je m’étonne qu’elles ne suscitent pas l’union sacrée autour d’elles.

M. Pierre Hellier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, à qui ferez-vous croire que le dispositif que vous mettez en place – c'est-à-dire arrestation ou, en tout cas, répression,…

M. Pierre Hellier. Il faut bien une répression quand même !

M. Jean-Marie Le Guen. …comparution devant le juge, injonction thérapeutique et stage éventuel – pourra être réellement appliqué par vos services ?

M. Jean-Pierre Blazy. Avec quels moyens ?

M. Jean-Marie Le Guen. De quels moyens disposeront-ils pour lutter contre une pratique qui concerne 50 % des générations actuelles ?

M. Pierre Hellier. Voilà le discours de Kouchner !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est le discours de qui vous voulez. Est-ce que vous allez amener un jeune sur deux devant un policier, un juge, dans un stage ? Pour lui expliquer quoi ?

M. le garde des sceaux. C’est actuellement le problème.

M. Jean-Marie Le Guen. Non, monsieur le ministre, le problème c’est que les dangers de la drogue ne se discutent pas sur le plan idéologique mais sur un plan scientifique. Vous aurez du mal à envoyer ces cadres de trente-cinq ou quarante ans qui, parfaitement intégrés dans notre société, fument du cannabis une fois par semaine ou une fois par mois, dans un commissariat de police ou devant un juge pour qu’ils se voient notifier une injonction thérapeutique. Cela ne se fera pas : parce que cela n’a pas à se faire ; parce que le danger n’est pas là, car il est chez ces gamins de treize ans, chez ces jeunes qui sont fragilisés au moment de leur adolescence, ou chez les gros consommateurs.

M. Pierre Hellier. Et au volant !

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut mener des politiques ciblées sur les véritables dangers de ce produit. Et vous ne ferez croire à personne que vous arriverez à faire passer devant les services du ministère de la justice un jeune sur deux, ou même un jeune sur dix. Ce n’est pas vrai.

Quant à l’argument selon lequel c’est la garde à vue qui permet de remonter les filières, il ne tient pas. Je peux vous amener, comme chacun d’entre nous dans n’importe quelle circonscription, dans au moins cinq ou six endroits où le trafic s’opère. Si la police a besoin d’arrêter des dealers, qu’elle vienne me demander. Je leur donnerai l’adresse du 159 rue du Château-des-Rentiers, où cela fait vingt ans que ça dure, ou de la cité du Chevaleret ; rien n’y a changé non plus. Si je demandais à notre collègue M. Lagarde les deux ou trois points de vente qui existent dans sa commune, il pourrait certainement nous les indiquer.

M. Pierre Hellier. Chez lui, c’est interdit ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Arrêtons cette hypocrisie qui voudrait nous faire croire que l’on va remonter les réseaux grâce à la personne qui sera prise avec un peu de cannabis sur elle pour son usage personnel. Les réseaux, ils sont là ; les dealers, on les voit : ils sont dans la rue, partout à Paris.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Je maintiens que l’amendement de M. Le Guen est très intéressant. Cependant un problème se pose : si la consommation de cannabis n’est plus un délit, l’injonction thérapeutique ne pourra plus être prononcée.

M. Jean-Marie Le Guen. La récidive reste un délit.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Il faudrait résoudre ce problème pour pouvoir adopter l’amendement. Je compte sur le garde des sceaux pour nous proposer des pistes. (Sourires.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 662.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

L’amendement n° 276 rectifié de la commission est rédactionnel. Il recueille l’accord du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 115 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Le projet de loi renforce les peines en cas d’infraction d’usage illicite de stupéfiant commise par le personnel d’une entreprise de transport. Or ce dispositif doit s’appliquer à tous les salariés impliqués dans la sécurité du transport, y compris les travailleurs intérimaires mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure dont l’objet social n’est pas le transport.

Le présent amendement propose donc de préciser dans la loi que l’infraction s’applique aux travailleurs mis à la disposition d’une entreprise de transport par une entreprise extérieure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Tout à fait favorable, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je poserai deux questions à M. le garde des sceaux.

Un conducteur de bus ou de métro qui aurait consommé du cannabis à Palavas-les-Flots pendant ses vacances et qui serait contrôlé encourrait-il une peine aggravée ? Et qu’est-ce qui justifie qu’un fonctionnaire du ministère de l’intérieur ne serait-il pas, lui aussi soumis, à la même aggravation ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je vous renvoie, monsieur Le Guen, à l’article 28, alinéa 4 qui précise : « Si l’infraction est commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions... »

M. Pierre Hellier. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 115 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement n° 277.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement vise à réintégrer dans le code de la santé publique, où elles ont leur place, les dispositions relatives à la provocation à l’usage de produits stupéfiants dans les établissements scolaires ou les locaux de l’administration lorsque les victimes sont majeures.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. L’article 28, qui vise à renforcer singulièrement la répression, présente bien des aspects, mais nous ne sommes pas très éclairés sur l’intention du Gouvernement s’agissant de la situation particulière des personnes en charge de transports publics. Je suis très étonné de la façon dont on traite ce problème spécifique. Certes, dans la mesure où ces personnes ont la responsabilité de passagers, elles doivent travailler dans des conditions de sécurité maximale. Il faut donc notamment être vigilant quant à leur consommation de produits psycho-actifs.

J’ai quelques difficultés à comprendre. En effet, cela relève de la médecine du travail et de la politique de l’entreprise. Pourquoi faire intervenir la justice et la police dans ces entreprises, comme si la seule politique de prévention possible et efficace était de renforcer les sanctions ? On ne sait d’ailleurs pas très bien ce qui sera réprimé.

Permettez-moi d’être un peu technique, mais quand on traite de tels sujets, il est préférable d’être précis : la présence de gamma GT dans le sang, qui laisse penser que la personne consomme de l’alcool de manière significative, sera-t-elle considérée comme une preuve, ou la présence de THC, qui révèle l’existence de substances cannabiques, conduira-t-elle à sanctionner le conducteur de bus ou de métro qui consomme peut-être chez lui, mais n’a jamais conduit sous l’emprise de cannabis ? La police et la justice interviendront-elles à la demande de l’entreprise ou dans d’autres cas ? Quel sera l’impact de leurs enquêtes et quelles en seront les conséquences sur la prévention, si tant est qu’il y ait prévention ?

Il s’agit une nouvelle fois d’une volonté d’affichage, de précautions excessives, totalement inefficaces, mais dangereuses pour les libertés individuelles.

M. le président. La parole est à M. Pierre Hellier.

M. Pierre Hellier. Une précision s’impose. S’il y a présence de THC, c’est qu’il y a réellement du cannabis dans le sang à cet instant, tandis que l’on peut avoir des gamma GT dans le sang après avoir bu excessivement quelques semaines auparavant. Ce n’est pas pareil. Votre exemple, cher confrère, n’était pas tout à fait bien choisi !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Il faudrait déjà savoir quel taux de THC pose problème. Il y a évidemment des taux de substances cannabiques dans le sang qui ne posent pas de problèmes psychoactifs, qui ne sont pas des traces en soi, de même que l’on peut avoir 0,1 gramme d’alcool dans le sang.

M. le garde des sceaux. L’un est interdit, l’autre non !

M. le président. N’interrompez pas l’orateur, monsieur le garde des sceaux !

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne parle pas de la loi, mais de la personne qui conduit le bus. Le problème n’est pas de la sanctionner parce que c’est la loi, mais parce qu’elle est dangereuse pour la société. Ce n’est pas la même chose ! Nous ne sommes certes pas sur la même planète, je suis d’accord ; nous allons toutefois essayer de nous rencontrer momentanément autour de la discussion de cet article 28.

Il s’agit de savoir comment et pourquoi un conducteur – ou une conductrice – doit être réprimé. Est-ce parce qu’il sera particulièrement dangereux quand il conduira ou parce qu’on le soupçonne d’avoir consommé certaine substance pendant les vacances ? Il n’est, en effet, pas précisé à quel moment a lieu le contrôle. Est-ce pendant ou en dehors de son travail ? Est-ce que le simple fait d’être chauffeur de bus ou de métro expose à une « surpeine » si on consomme du cannabis en dehors de ses heures de travail ? La disproportion est totale et la politique de prévention totalement inefficace !

M. Jean-Pierre Blazy. Qu’en pense Doc Gynéco ? (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen pour défendre l’amendement n° 421.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement tend à ce que le stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants ne soit pas effectué aux frais des personnes concernées. Je ne sais s’il sera jugé opportun, puisque le Gouvernement a de plus en plus l’habitude de faire payer toutes les démarches de santé. Il n’y a donc pas de raison qu’il n’agisse pas de même dans cette circonstance.

Je pense que Doc Gynéco a dû conseiller le Gouvernement sur ce point. Il est vrai que ce dernier a, lui, quelques moyens, surtout quand on sait qu’il ne paie pas ses impôts !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable parce qu’il faut laisser au juge une certaine souplesse. Il doit avoir la possibilité de décider.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 421.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 116.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Le présent amendement de précision propose d’habiliter la police judiciaire à pénétrer dans les lieux de transport collectif, ce qui inclut le transport public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je remercie M. le garde des sceaux d’avoir répondu à ma première question, mais il n’a pas répondu à la seconde : pourquoi les fonctionnaires de police, notamment, ne sont-ils pas concernés par ce renforcement de la répression ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement n° 288.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit de la correction d’une erreur de référence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 288.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 117, deuxième rectification.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à appliquer la peine complémentaire de suspension du permis de conduire aux titulaires de titres de conduite des bateaux de plaisance français à moteur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je pense que M. le garde des sceaux ne m’a pas entendu. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je répète donc : comment se fait-il que les fonctionnaires du ministère de l’intérieur – je n’ose parler de ceux du ministère de la justice – ne soient pas concernés par la disposition que j’ai évoquée ? J’aimerais que vous m’en expliquiez la raison.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je conçois l’insistance de M. Le Guen, mais il serait préférable qu’il lise le texte puisque la réponse y figure en toutes lettres.

Le quatrième aliéna de l’article 28 précise en effet : « Si l’infraction est commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou par le personnel d’une entreprise de transport terrestre, maritime ou aérien, de marchandises ou de voyageurs exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. »

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le garde des sceaux…

M. Alain Gest. Qui a donné la parole à M. Le Guen ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l’amendement n° 118 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Cet amendement a le même objet que le précédent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 119.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Le Guen, défendez-vous l’amendement n° 422 ?

M. Jean-Marie Le Guen. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 422.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi, pour soutenir l’amendement n° 423.

M. Lilian Zanchi. Tout à l’heure, le rapporteur, en réponse à un précédent amendement, a précisé qu’il fallait laisser le juge décider si les frais du stage de sensibilisation étaient, « le cas échéant », laissés à la charge de la personne concernée, tandis que l’alinéa 25, parle, lui, d’obligation d’effectuer, « à ses frais », un tel stage. Il y a donc une petite contradiction entre les différents alinéas de l’article 28. Or cela concerne également la problématique de la sécurité routière. Les conducteurs sont à nouveau touchés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 423.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 424 rectifié.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable. Ces dispositions dont il est proposé la suppression ont été réécrites par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 424 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 289.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination qui tient compte de l’adoption de l’amendement n° 277.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 289.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J’ai vraiment un doute sur ces dispositions. Autant nous admettons tous qu’il faut particulièrement réprimer les dealers qui se postent à la sortie des collèges ou des lycées, autant je crains les conséquences lourdes que cela pourrait avoir sur des lycéens et des collégiens qui consommeraient du cannabis, attitude par ailleurs condamnable, aux alentours de leur établissement, ce qui pourrait être considéré comme de la provocation.

J’insiste : une condamnation sévère pour consommation de cannabis dans une zone scolaire peut avoir des conséquences lourdes sur des jeunes dont on a déjà dit qu’ils étaient en nombre conséquent à consommer une telle drogue.

M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 28, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)