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(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.
Notre responsabilité aujourd'hui est de mener ce projet de loi à son terme. Il s'intègre plus largement dans l'action conduite par le Gouvernement pour relever les grands défis environnementaux du XXIe siècle tels que les relations « santé-environnement » ou encore le changement climatique, dont l'impact se fait hélas directement sentir dans le domaine de l'eau.
Les deux dernières canicules, la répétition des périodes de sécheresse ou encore les fortes inondations, tant en France qu'à l'étranger, montrent combien les modifications du climat ont des conséquences qui touchent directement notre vie quotidienne. Pourtant, ce ne sont que les prémices d'évolutions plus significatives dont les conséquences écologiques, économiques, sociales et sanitaires pourraient être extrêmement graves. Aussi devons-nous sans attendre nous adapter aux évolutions prévisibles, par exemple en trouvant des solutions pour mieux gérer les sécheresses et les inondations. Le projet de loi que vous allez examiner y contribue directement en donnant une assise législative à plusieurs mesures prévues dans le plan de gestion de la rareté de l'eau que j'ai lancé en octobre 2005, ainsi que dans le plan de relance de lutte contre les inondations que j'ai annoncé le 12 juillet dernier. Il parachève également un travail très important de réforme de la politique de l'eau accompli par le Gouvernement depuis 2002 et dont les résultats sont concrets.
La loi de 2003 relative à la prévention des risques nous a permis de mettre en place un dispositif complet de prévision des inondations, de lancer une quarantaine de plans d'action par bassin versant pour la prévention des inondations et d'accroître l'information des nouveaux acquéreurs et locataires de logements. La loi de programme pour l'outre-mer de 2003 a, quant à elle, créé les offices de l'eau dans les départements d'outre-mer qui ne bénéficiaient pas jusque-là du dispositif des agences de l'eau. La loi de 2004 portant transposition de la directive-cadre sur l'eau nous permet aujourd'hui de respecter parfaitement le calendrier de mise en œuvre de cette directive. La loi d'orientation relative à la politique de santé publique de 2004 a simplifié les procédures de création de périmètres de captage, permettant ainsi de doubler le rythme de leur mise en place. La loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux renforce la protection des zones humides. Enfin, la réforme de la police de l'eau est achevée avec la mise en place dans les départements d'un service unique de police de l'eau, au lieu de cinq ou six services auparavant.
Les questions environnementales doivent être abordées à des échelles appropriées. Seule une action internationale nous permettra d’agir sur le changement climatique et seule une Europe forte nous permettra de peser sur ces sujets dans le concert des nations. C'est notamment la raison pour laquelle la France, sous l'impulsion du Président de la République, milite aux côtés de l'Union européenne pour la création d'une organisation des Nations unies pour l'environnement, ce qui se traduit notamment par l'organisation d'une conférence internationale début février. C'est aussi et surtout la raison pour laquelle notre politique de l'eau doit être cohérente avec nos ambitions au sein de l'Union européenne.
Le présent texte a ainsi pour objet de bâtir les outils nécessaires pour atteindre les objectifs fixés collectivement dans le cadre de la politique européenne de l'eau.
Nous avons trop souvent tendance à vivre ces engagements, auxquels les gouvernements successifs ont librement souscrit, comme une contrainte.
Nous le savons tous, la France est comptable devant la Commission européenne de la bonne mise en œuvre des directives, et c'est un objectif prioritaire que le Gouvernement s'est assigné. À ce propos, la loi relative à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire, promulguée le 27 octobre 2005, a permis de résorber tout le retard de transposition des directives environnementales. Le nombre de contentieux européens en matière d'eau a été réduit de moitié en un an. Nous pouvons nous féliciter du classement du contentieux relatif à la qualité de l'eau potable distribuée en Bretagne et des progrès accomplis vers la solution définitive de celui de l'étang de Berre. Nos efforts doivent maintenant porter sur les affaires en cours, certaines d'entre elles, je le rappelle, exposant la France à des sanctions financières lourdes et à très brève échéance. C'est le cas, par exemple, en matière d’assainissement puisque nous accusons un retard de huit ans dans la mise en œuvre de la directive relative aux eaux résiduaires urbaines. C'est aussi un risque très fort en ce qui concerne le respect de la norme de cinquante milligrammes de nitrates par litre dans les eaux des rivières destinées à la production d'eau potable.
C'est dans cet esprit que le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques nous permettra de renforcer nos outils pour mieux préserver les ressources en eau et les milieux aquatiques, de faciliter la tâche des élus, notamment ruraux, dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, d'améliorer la gouvernance de la politique de l'eau avec, notamment, le renforcement du dispositif des agences de l'eau en donnant une assise constitutionnelle aux redevances qu'elles prélèvent.
Le Sénat, en deuxième lecture, a globalement confirmé les orientations du projet du Gouvernement que vous aviez vous-même approuvées et complétées. Il a néanmoins modifié le texte que vous aviez voté en première lecture. Certaines de ces modifications vous apparaîtront comme des améliorations, d'autres obligeront probablement à rechercher un accord des deux assemblées en commission mixte paritaire.
Des modifications me semblent des plus importantes. Un point auquel je suis très attachée est la reconnaissance du droit à l'eau dans notre législation. Je pense que vous serez tous d’accord. La France honore ainsi un engagement qu'elle avait pris et que j'avais défendu personnellement à Mexico en mars dernier en soutenant ce droit pour lequel plusieurs mesures concrètes ont été mises en œuvre depuis 2004 par le Gouvernement. Il s'agit du dispositif pour les impayés de facture d'eau mis en place dans le cadre de la loi de décentralisation d'août 2004, au titre du fonds de solidarité pour le logement, ainsi que de l'interdiction des coupures d'eau pendant la période hivernale pour les personnes en situation de précarité, prévue par la loi portant engagement national pour le logement.
L'intégration, dans l'article fondateur de la politique de l'eau, de la référence au changement climatique me semble également essentielle. Elle nous permettra de mieux prendre en compte ce défi planétaire dans notre politique de l'eau.
La redevance « élevage » a été simplifiée, ce qui constitue une grande avancée. Le Sénat, sur ce point, a retenu les propositions de l’intergroupe parlementaire, animé conjointement par les deux rapporteurs, Bruno Sido et André Flajolet, dont je salue à nouveau l’excellent travail.
Un bon équilibre me semble avoir été trouvé au travers d’une redevance incitative et équitable, réduisant – et c’est notable – la charge administrative des agences de l'eau et des agriculteurs.
Je tiens à saluer le travail ainsi accompli et les propositions équilibrées retenues par ce travail commun des deux assemblées.
L’assise de la redevance « phytosanitaire » a été confortée avec des mesures permettant de renforcer la traçabilité des ventes, ce qui nous permettra d'atteindre l'objectif que le Gouvernement s'est fixé, à savoir réduire de 50 % la vente des pesticides les plus dangereux.
Les ressources du « fonds Barnier » sur les risques pourront être davantage mobilisées afin de financer les travaux de prévention des crues. Ces crédits permettront de financer de nouveaux programmes d'action et de prévention des inondations, PAPI, au-delà des quarante-trois plans déjà engagés depuis 2003.
S’agissant des services publics d’assainissement non collectif, SPANC, le Sénat a amélioré le dispositif voté en première lecture, pour donner aux communes le choix des modalités de contrôle des dispositifs d'assainissement non collectifs. Cela répond à une inquiétude forte des élus qui ont mis en place un SPANC. Je souscris pleinement à cette précision. Votre commission a été plus loin, en proposant de supprimer la possibilité d'un recours à un dispositif privé pour la réalisation de ces contrôles. Pour ma part, je le regrette car cette possibilité me semblait séduisante, mais je m'en remettrai à la sagesse de votre assemblée.
Le Sénat a rétabli le fonds départemental pour l’alimentation en eau et l’assainissement, que vous aviez supprimé. Je ne peux que rappeler à cet égard la position constante du Gouvernement de s’en remettre à la sagesse du Parlement.
Le Sénat a ramené de 14 à 12 milliards d’euros le plafond de dépenses pour le 9e programme des agences de l’eau. Le Gouvernement estime, au vu des travaux d’élaboration menés dans les bassins, que ce montant est suffisant.
Enfin, le Sénat a rétabli la possibilité d’instituer une taxe communale sur les eaux de ruissellement, afin de régler le problème du financement de l’assainissement pluvial. Votre commission, conformément à la position prise en première lecture, propose de la supprimer, ce que je regrette pour ma part.
Parmi les nombreux points de convergence, je voudrais en citer deux qui me semblent particulièrement importants pour l’avenir. Le Sénat a voté conforme l’article que vous aviez introduit sur les eaux closes. Par ailleurs, les crédits destinés à assurer la solidarité envers les communes rurales ont été maintenus à un milliard d’euros sur la période 2006-2012, ce qui permettra à ces dernières de bénéficier d’un niveau d’aide nettement supérieur à celui que leur apportait le fonds national d’adduction d’eau.
Mesdames, messieurs les députés, cette loi permettra un grand nombre d’avancées, qu’il s’agisse de mieux préserver nos milieux aquatiques, d’offrir aux élus des outils et des moyens nouveaux en matière d’eau et d’assainissement, particulièrement en milieu rural, ou encore de donner une nouvelle gouvernance à notre politique de l’eau.
Des critiques sont formulées ici ou là, mais l’ambition du gouvernement de Dominique de Villepin et mon ambition première, c’est de faire progresser notre politique de l’eau sans idéologie et avec pragmatisme.
La politique de l’eau doit être équilibrée. Il en est de même pour la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Ce gouvernement a remis l’ouvrage sur le métier. Je sais que votre assemblée, dans le même état d’esprit, a à cœur de faire une belle loi, importante pour nous-mêmes et surtout pour les générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Les fédérations de pêche attendent de vous, madame la ministre, et de nous, des assurances sur leur devenir et leur participation aux grands enjeux écologiques comme les zones de frayère, la lutte contre le braconnage ou le devenir effectif des agents du Conseil supérieur de la pêche.
Le projet de loi veut apporter des réponses innovantes dans la lutte contre les pollutions diffuses domestiques, ce qui explique que des amendements nouveaux seront proposés pour renforcer les SPANC issus de la loi de 1992 et préciser le rôle des collectivités, pour mieux réglementer la place des habitats fluviaux et leurs obligations.
De même, le projet de loi veut préciser les outils d’une bonne gouvernance à partir des SAGE, les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, et des commissions géographiques, pour lesquelles je vous proposerai un certain nombre d’amendements. C’est au titre de cette gouvernance que je vous proposerai de ne pas donner suite à la création d’un fonds départemental et d’autoriser la création de commissions consultatives des services publics locaux pour les communes de plus de 20 000 habitants.
La question des redevances a occupé une bonne partie des débats, car le respect de la constitutionnalité exige la participation de tous sans exception aux efforts de réduction des pollutions et de l’utilisation des produits phytosanitaires ou de mise en place de pratiques vertueuses.
Si votre rapporteur n’a pas estimé nécessaire de revenir au projet de redevance « azote », il a souhaité exprimer une nécessaire fiscalité écologique à travers une redevance phytosanitaire et une simplification de la redevance « élevage », opérée en partenariat avec toute la profession agricole.
Au-delà, je souhaite que l’on incite fortement les agriculteurs et les collectivités aux bonnes pratiques et aux conduites vertueuses.
Madame la ministre, j’ai souhaité apporter des réponses aux interrogations des propriétaires d’étangs, des utilisateurs de préparations naturelles ou des occupants du domaine public.
Au moment où s’engage cette deuxième lecture, je vous remercie des précisions que vous voudrez bien fournir sur le décret relatif aux eaux libres et aux eaux closes, sur le rôle éminent des fédérations de pêcheurs de loisirs ou pêcheurs professionnels, sur les attentes des sportifs pour un meilleur accès à l’eau et à la connaissance des dangers.
Votre rapporteur a souhaité préciser le rôle pédagogique que peuvent et doivent jouer les agences pour sensibiliser les publics et les rendre attentifs aux enjeux mondiaux du droit d’accès à l’eau. Sur ce point également, nous attendons des précisions.
Tels sont les enjeux en suspens et les perspectives tracées. Il y a urgence car le 31 décembre marque à la fois la fin du Conseil supérieur de la pêche et des associations agréées de pêche et de protection des milieux aquatiques et l’aube du 9e programme des agences, que ce projet vise à renforcer.
Je serais incomplet si je ne remerciais toutes les associations, tous les groupes organisés, toutes les professions intéressées par l’eau, tous les élus, de quelque bord qu’ils soient, qui m’ont permis de faire avancer ce dossier, car il est d’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
La parole est à M. André Chassaigne.
C’est l’une de ces lacunes, à savoir l’absence de maîtrise publique de la gestion de l’eau et en particulier de sa distribution, sur laquelle je voudrais d’abord m’exprimer. Ensuite seulement, je chercherai à vous démontrer que, si notre assemblée examine ce projet de manière objective, impartiale, elle devra à coup sûr voter l’exception d’irrecevabilité que je défends.
Force est de constater que, dans notre pays, la maîtrise publique de l’eau est en régression depuis une vingtaine d’années. En effet, les deux grands opérateurs privés, Veolia et Suez-Lyonnaise des Eaux, détiennent maintenant 80 % du marché de la gestion de l’eau. Or cette privatisation de la gestion de l’eau n’a pas pour l’usager les effets bénéfiques que les adeptes du libéralisme veulent bien nous annoncer… Quand je prononce le mot « libéralisme », M. Auclair ne réagit même plus ! (Sourires.)
Pour mieux imposer ces tarifs élevés aux collectivités, les multinationales prétendent que leur activité n’est pas rentable, que 1’amortissement pèse lourd dans leurs budgets, annonçant des marges réduites, voire des pertes. La réalité est tout autre.
Ce niveau élevé des prix a en réalité plusieurs origines, qui ont été identifiées avec précision, notamment par les associations de consommateurs.
Tout d’abord, c’est l’entretien du matériel qui est en cause, en particulier celui des compteurs. Alors que l’intervention des techniciens de Veolia ou de Suez est exceptionnelle, disons rare, les usagers paient un abonnement en continu. Les matériels sont amortis sur une dizaine d’années et changés seulement au bout de vingt-cinq ans en moyenne, les abonnés versant de fortes sommes pendant des années, sans justification réelle en termes de services rendus. Les opérateurs privés imputent alors aux collectivités des dépenses de personnel sans que soit vérifiée la réalité des frais engagés. De nombreux indices montrent que les opérateurs se livrent ainsi à d’importantes surfacturations.
Mais l’essentiel est ailleurs. Les bénéfices des multinationales de l’eau sont obtenus pour leur plus grande part grâce aux fameuses provisions pour travaux. Celles-ci représentent en effet près de la moitié du prix de l’eau. Or, suivant une enquête de l’association Que Choisir, dont le sérieux n’est pas contesté, sur les quinze premières années d’un contrat de vingt ans, à peine un tiers des travaux provisionnés sont réalisés. Ce sont alors des sommes colossales qui sont mises de côté par Veolia et Suez, sans contrepartie !
Il nous faut aussi dénoncer une dernière pratique scandaleuse. Dans le prix payé par les usagers, il apparaît normal qu’une partie revienne à l’État à travers la TVA, une partie aux agences de l’eau au nom des redevances pour lutter contre la pollution, et une partie aux collectivités pour le financement des investissements sur le réseau. Est-il normal que ces composantes du prix ne soient reversées à la collectivité par les entreprises délégataires que neuf à douze mois plus tard, après avoir généré au passage des profits au moyen de l’argent public ?
Le résultat de toutes ces pratiques est sous nos yeux. Les opérateurs bénéficient d’une marge de près de 60 % en Île-de-France et de 30 % ou plus dans les autres villes, avec, à la clé, le paradoxe suivant : les usagers des petites communes rurales, qui sont pour la plupart demeurées en régie, paient l’eau moins cher que ceux des villes, alors que ces dernières bénéficient de plus grands volumes et d’une moindre longueur de canalisations.
Nous pouvons donc légitimement nous demander pourquoi, avec des prix si élevés, les collectivités privilégient la délégation de service public.
Si ces collectivités acceptent malgré tout de se défausser de plus en plus de leur responsabilité de gestion de l’eau sur des opérateurs privés, ce n’est en général pas pour des raisons idéologiques. Les critères de choix transcendent très largement le clivage droite-gauche. Le constat que je viens de dresser sur les pratiques des multinationales de l’eau, les collectivités le dressent en effet également.
Si elles renoncent à la régie, c’est plutôt parce que, pour l’essentiel, la complexité et la technicité des tâches, ainsi que l’absence de soutien financier, les dissuadent de se charger elles-mêmes de cette gestion. C’est leur paupérisation qui pousse les collectivités à ce type de choix par défaut. Les députés du groupe communiste n’ont eu de cesse de dénoncer cette situation, notamment à l’occasion de l’examen du budget des collectivités locales.
C’est pourquoi je propose, de manière forte, de combler un manque criant de ce projet de loi, en confiant à une structure nationale, à un organisme d’État, le soutien à la gestion publique de l’eau et sa coordination. Je ne proposerai donc pas de nationaliser…
L’objectif doit être pour l’État d’inciter les collectivités à recourir à la régie, afin de leur permettre d’échapper à ces firmes tentaculaires qui les manipulent plus qu’elles ne les servent. Et pour celles qui décideraient tout de même de recourir à la délégation de service public, la bonne exécution par les opérateurs privés de leurs obligations contractuelles doit être contrôlée par un organisme public.
L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, pourrait se voir confier cette mission – non pas l’exploitation mais le soutien technique et scientifique des collectivités à la gestion décentralisée de l’eau, au profit des grandes villes comme des communes rurales. Il pourrait également assurer une compensation entre les collectivités pour permettre le développement harmonieux des réseaux et s’orienter vers une péréquation des tarifs. Son action se déploierait par le biais des comités de bassin et des agences de l’eau.
Les circonstances s’y prêtent particulièrement puisque les deux tiers des contrats de délégation arrivent à échéance en 2009. Dans chaque commune, il est nécessaire qu’un débat citoyen ait lieu sur cette importante question. Je sais que des « collectifs eau » se mettent d’ores et déjà en place en place partout en France pour mener la concertation avec les habitants. Ce débat porte bien évidemment sur le prix de l’eau mais aussi sur sa qualité et sur le service rendu.
Beaucoup de collectivités comme Amiens, Angers, Bastia, Castres, Clermont-Ferrand, Limoges, Nancy, Nantes, Pau, Reims, Rouen, Strasbourg ou encore Tours ont maintenu leur régie, ou ont d’ores et déjà choisi la re-municipalisation de l’eau et, d’après les échos que nous en avons, elles en sont pour la plupart pleinement satisfaites. L’effet ne se fait pas attendre : les prix baissent et les investissements, que les opérateurs privés négligeaient, repartent à la hausse, parfois de manière spectaculaire. Sur ce dernier point, l’enjeu est énorme puisque ce sont 850 000 kilomètres de canalisations en fonte qu’il va falloir remplacer au plus vite.
Ainsi, cette agence nationale aurait mission d’apporter aux collectivités territoriales un appui technique et juridique, ainsi que des conseils financiers. Elle assurerait également des missions de formation, d’expertise, de police de l’eau, de surveillance des cours d’eau pour prévenir les inondations et réduire les pollutions à leur source, en collaboration bien entendu avec les agences de l’eau.
Je finirai mon intervention en défendant l’exception d’irrecevabilité proprement dite. Selon l’article 91 de notre règlement, l’exception d’irrecevabilité a pour objet de faire reconnaître « que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ». Or, madame la ministre, le projet de loi qui nous est soumis est entaché d’inconstitutionnalité.
Depuis la loi du 1er mars 2005, le principe pollueur-payeur est gravé dans notre constitution puisqu’il figure l’article 4 de la Charte de l’environnement. Ce dernier dispose, je cite, que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi. ». Il ne s’agit d’ailleurs que de la reprise d’une jurisprudence européenne constante de la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt Zander contre Suède de novembre 1993, et de la Cour de justice des communautés européennes, jurisprudence qui fait obligation aux États membres d’intervenir pour garantir les réparations résultant des dommages subis.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui devait par conséquent faire entrer en application ce principe constitutionnel dans le domaine de l’eau, mais également transposer en droit français la directive-cadre de 2000. Or, ces deux exigences ne sont pas remplies, loin s’en faut. Au contraire, le principe pollueur-payeur, principe qui n’est pas même cité dans ce texte, est contredit par toute une série de dispositions.
Tout d’abord, de nombreuses personnes et entités sont exclues du champ d’application de ce projet de loi alors qu’elles contribuent à la dégradation quantitative de l’eau, ce par le biais de seuils en deçà desquels certains sont exonérés de leurs responsabilités.
De plus, la directive-cadre impose de distinguer très nettement trois secteurs : l’industrie, les ménages et l’agriculture. Or ce projet de loi ne retient, au mépris du droit européen, que l’opposition entre usages domestiques et non domestiques, occultant la question spécifique de l’agriculture, avec ses particularités liées aux choix de pratiques d’élevage et de cultures.
D’autre part, ce projet de loi sur l’eau ne reprend pas le dispositif fiscal choisi lors de la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes, TGAP, privilégiant plutôt le système en vigueur des redevances. Or une redevance est essentiellement le produit de l’exploitation d’un service local, celle-ci étant perçue sur l’usager sur la base des prestations fournies en fonction de leur prix de revient. Ce système ne relève donc pas du principe pollueur-payeur, qui exige au contraire une taxation en fonction de l’impact d’une décision ou d’une activité sur l’environnement, selon un mode de calcul qui valorise les efforts faits pour limiter les risques de pollution. Une telle taxation doit en effet avoir pour objectif de faire évoluer les comportements en dissuadant ou en incitant les pollueurs.
Dans sa décision du 14 avril 2005, le Conseil constitutionnel a bien précisé cette distinction entre ce type de taxe et une redevance. Je prendrai pour exemple la taxe pour collecte et traitement des eaux pluviales. Cette taxe est due par tous les usagers, alors que le principe pollueur-payeur voudrait que pour l’essentiel ceux qui concourent effectivement à la dégradation des eaux pluviales, comme le transport routier ou certains aménageurs, contribuent à la dépollution. De même, s’agissant la redevance pour prélèvement, il apparaît contraire à la Charte de l’environnement que les utilisateurs ne soient pas imposés proportionnellement aux prélèvements opérés et à l’impact ainsi généré sur l’eau et les écosystèmes aquatiques !
En ne précisant pas les objectifs des redevances instituées en fonction de principes clairs, nous nous retrouvons alors très souvent dans la plus grande confusion. Ainsi, une redevance pour modernisation des eaux de collecte vient s’ajouter à des redevances de distribution d’eau et d’assainissement qui intègrent déjà les renouvellements nécessaires de matériel. Et quand les objectifs sont connus, comme pour la redevance pour pollution, ce sont les modalités mêmes du prélèvement qui sont confuses. Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, SDAGE, aura ainsi à déterminer les catégories d’utilisateurs, et les agences de l’eau devront souvent choisir elles-mêmes l’assiette d’imposition à partir d’éléments que le législateur ne définit pas précisément. Cette absence de cadre risque d’entraîner une grande variation des taux suivant les agences, au mépris du principe d’égalité devant les charges publiques. Et la méconnaissance de ce dernier principe est un autre motif d’irrecevabilité de ce projet de loi.
Enfin, le volet des sanctions devrait être apprécié au regard du principe pollueur-payeur. Les redevances ne comportent qu’exceptionnellement des dispositifs incitant les usagers à modifier leur comportement. De plus, à l’article 21, le projet de loi institue un fonds de garantie qui peut compenser les responsabilités pour pollution résultant de l’épandage de boues urbaines ou industrielles, ce qui conduit à mutualiser les charges éventuelles et donc à déresponsabiliser les pollueurs potentiels. En outre, au mépris de l’exigence de « réparation des dommages » contenue dans l’article 4 de la Charte de l’environnement, le projet de loi ne mentionne pas de manière systématique la remise en état comme élément pouvant être imposé à un contrevenant par un tribunal.
Ainsi les éléments d’irrecevabilité au regard du principe pollueur-payeur sont flagrants. Pour résumer, vous faites peser la responsabilité de quelques-unes sur le dos de tous et vous mettez en place des sanctions inefficaces qui laissent de côté la nécessaire exigence de remise en état. Pour toutes ces raisons, je propose que notre assemblée vote en faveur de l’exception d’irrecevabilité que je viens de vous présenter.
Ainsi, à titre d’exemple, l’agriculture est traitée au même titre que les autres activités à travers une redevance représentative des pollutions dues aux élevages – la redevance UGB – et une redevance représentative des pollutions dues aux grandes cultures, la redevance sur les produits phytosanitaires, qui est représentative de l’ensemble des impacts de cette activité.
Le Gouvernement vous invite donc à rejeter cette exception d’irrecevabilité.
S’agissant par exemple de l’eau potable, monsieur Chassaigne, l’égalité devant les charges publiques n’a pas aucun sens puisque les situations sont par nature très différentes. Les collectivités qui peuvent puiser dans une nappe phréatique non polluée et celles qui puisent dans des eaux de surface doivent recourir à des traitements de nature différentes. À moins de nationaliser le secteur de l’eau, comment pourrait-il y avoir égalité ?
Pour prendre l’exemple de ma commune, Nancy, quand nous prélevons deux mètres cubes par seconde dans la Moselle, qui fait trois mètres cubes et demi à l’étiage, les dispositifs de captage et de traitement sont coûteux. La notion d’égalité devant les charges publiques n’a pas de sens parce que la réalité des territoires est différente.
S’agissant de la taxation, de la redevance et des efforts faits dans les coûts d’analyse de la contre-valeur, une sanction – positive ou négative – est prise en fonction du traitement et de la « qualité » des effluents rejetés dans la nature. Là non plus, votre analyse n’est pas la bonne.
Vous vous êtes lancé dans une diatribe contre deux grands groupes français : en tant que Français, je ne peux quant à moi que me réjouir s’ils sont les meilleurs du monde. Et je souhaite qu’on rende hommage à ces leaders mondiaux dans leur spécialité.
S’il se trouve, comme vous l’avez dit, que la délégation de service public touche davantage les grandes communes que les petites, c’est que les grandes communes ont les moyens de former leur personnel pour traiter de façon convenable les problèmes d’eau et d’assainissement.
Dans un tel système, il n’y a pas de mauvaise tutelle, il n’y a que des choix qui doivent être assumés par la collectivité locale : soit elle retient la solution de la régie directe, soit elle fait le choix de la délégation de service public. Dans ce dernier cas, il lui appartient de fixer un cahier des charges qui s’imposera à l’entreprise avec laquelle elle traite. L’alternative est simple, et il n’y a pas à chercher midi à quatorze heures.
Je reconnais que des abus existent, mais c’est aux collectivités qu’il appartient d’y mettre fin, et elles en ont les moyens. En tout état de cause, ils ne justifient pas que ce texte prévoie la possibilité de confier à l’ONEMA la tutelle sur des collectivités considérées comme irresponsables. Si c’est votre conception de l’indépendance des élus, ce n’est pas la nôtre. Ce projet de loi respecte les compétences et les responsabilités de chacun : nous assumons l’essentiel au niveau national, et nous laissons aux collectivités la responsabilité qui est la leur.
De tous vos arguments, monsieur Chassaigne, je suis au regret de vous dire qu’aucun n’a convaincu notre groupe. Nous redisons avec force, et nous le répéterons tout à l’heure, que ce texte est équilibré en ce qu’il concilie des approches très contradictoires, voire conflictuelles. Nous devons nous féliciter de pouvoir, grâce à notre rapporteur, délibérer sur un tel texte et le groupe UMP ne votera pas l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
André Chassaigne a eu le grand mérite de poser le grave problème de la gestion du service public de l’eau par les grands groupes. Personne ne conteste leur intérêt – chacun doit au contraire ses réjouir que notre pays compte des groupes aussi puissants. Ce qui pose problème, c’est souvent leur position de monopole ou de quasi-monopole, sous les dehors de la liberté.
Ce qu’a déploré M. Chassaigne, c’est que le texte ne prévoie rien pour permettre aux collectivités locales un choix éclairé, ni moyens de formation ou d’information des agents des collectivités publiques, ni structure d’appui des petites collectivités. Tous ceux qui sont maires de petites communes savent très bien que notre liberté de choix est limitée par les compétences du personnel communal. De ce fait, hormis le cas où on parvient à se regrouper au sein d’un syndicat intercommunal ou en communauté de communes, la seule solution est de confier ce service à une entreprise privée.
M. Chassaigne n’a pas demandé la nationalisation de l’eau, mais a simplement regretté que vous n’encouragiez pas la gestion publique de l’eau. Pire : vous l’avez refusée, comme le prouve l’exemple du conseil général des Landes. En effet, le préfet a demandé l’annulation par le tribunal administratif de la décision du président de cette collectivité, M. Emmanuelli, de majorer les aides aux collectivités qui avaient fait le choix de la régie directe. De plus, votre texte retire aux collectivités locales la liberté de traiter différemment régie directe et délégation de service public.
Arrêtez donc, monsieur Gaillard, d’invoquer la liberté des collectivités locales, alors que c’est vous qui la muselez, en refusant aux collectivités la possibilité d’exercer pleinement leurs prérogatives et leur liberté de choix. Il serait légitime que les subventions départementales soient versées en priorité aux collectivités qui ont fait le choix de la régie directe. De là à la conclusion évidente que vous préférez les groupes privés à la régie directe, il n’y a qu’un pas, que nos concitoyens ne tarderont pas à franchir.
M. Chassaigne n’a pas dit non plus, monsieur Gaillard, que le prix de l’eau devait être le même sur l’ensemble du territoire, et nous sommes aussi conscients que vous des réalités qui justifient des différences de prix. Là encore cela relève de la liberté et de la responsabilité des collectivités locales ; encore faut-il leur donner les moyens d’exercer leur choix.
À l’occasion de la renégociation des contrats d’eau, des élus de tous les bancs de cet hémicycle, à droite comme à gauche, ont pu constater que des profits d’un montant excessif avaient été réalisés. Il faut le dire, car ces profits abusifs ont été réalisés sur le dos de l’ensemble des contribuables.
Notre rôle à nous, législateurs, est de faire en sorte que le meilleur service soit rendu aux contribuables usagers de l’eau…
Sans vouloir être trop long, monsieur le président, j’approuve aussi ce qu’a dit M. Chassaigne à propos du principe pollueur-payeur. Ce texte ne le cite pas une seule fois, alors qu’il a été posé, non seulement par la loi de 1992, mais déjà par la loi de 1964. Ce principe traduit l’exigence d’une application pleine et entière de la responsabilité.
Pour être issu moi-même du milieu agricole, que je défends quotidiennement, je sais très bien qu’il est impossible de faire assumer du jour au lendemain à une catégorie professionnelle des charges qui seraient insupportables pour elle. Il faut cependant pouvoir mettre chacun face à ses responsabilités : il n’y a pas de raison d’en exonérer qui que ce soit.
Pour ces raisons, le groupe socialiste votera l’exception d’irrecevabilité que vient de défendre M. Chassaigne.
L’exposé de notre collègue Chassaigne comptait deux parties. Il soulevait dans une première partie la question intéressante des modalités de gestion du service public de l’eau. Je suis prêt à reconnaître, Germinal Peiro, que les collectivités territoriales ont sans doute trop laissé la bride sur le cou aux grands groupes de l’eau, et qu’elles ont intérêt à reprendre ce service en régie directe, ou du moins à revoir de manière plus serrée les clauses des contrats qui les lient à ces groupes. Mais comme l’a dit le porte-parole de l’UMP, nous sommes là dans le domaine de la libre administration des collectivités locales. En tout état de cause, ce débat ne met pas en cause la constitutionnalité du texte.
En revanche, le principe pollueur-payeur, deuxième sujet de l’exposé, est désormais inscrit dans notre constitution et la question soulevée par M. Chassaigne de savoir si ce principe est bafoué par le texte est essentielle pour l’UDF. Chacun sent bien que le financement du service de l’eau doit basculer du système actuel, où c’est le consommateur qui paye, à un système qui respecte le principe « pollueur-payeur ».
Mais si c’est facile à dire, c’est moins facile à faire. Quand notre ami Chassaigne a prétendu que le texte épargnait les agriculteurs, il m’a assis ! La ministre a bien eu raison de lui opposer les dispositions relatives aux UGB, ou aux grandes cultures : les agriculteurs sont loin d’avoir été oubliés, comme le débat le montrera.
Ce texte est encore, au contraire, marqué par la culture de défiance qu’entretient une certaine administration à l’égard des agriculteurs : un agriculteur est un fraudeur potentiel, qui justifie toutes les surveillances. Essayer d’effacer du texte les traces de cette méfiance est un des enjeux de notre débat, et nous avons quelques jours devant nous pour ce faire. En tout cas, ce texte n’est certainement pas laxiste à l’égard des agriculteurs.
Si vous avez eu raison de soulever cette question, monsieur Chassaigne, on voit combien elle est complexe. Même s’il n’est pas nécessairement facile de se situer politiquement dans ce débat, on doit s’y plonger, plutôt que de se réfugier dans une irrecevabilité à la Ponce Pilate.
C’est parce qu’elle n’a pas choisi le camp de Ponce Pilate que l’UDF ne votera pas cette motion.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
La parole est à M. Jean Launay.
Alors qu’un des enjeux de ce texte devait être la mise en œuvre du principe pollueur-payeur, que vient d’évoquer André Chassaigne, il méconnaît pourtant le principe à de nombreux égards, comme le prouvent les exemples suivants – je les tire de l'étude de votre projet par les responsables du Centre de recherche interdisciplinaire en droit de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme, CRIDEAU, de Limoges.
L'article 3, relatif à l'affectation de débit à certains usages, ne tient pas compte de l'impact de ces opérations sur les écosystèmes aquatiques. L'article 4, qui traite des obligations relatives aux ouvrages, notamment au regard de la protection des eaux et des espèces migratrices, ne fait pas obligation aux maîtres d'ouvrage d'adapter le fonctionnement de leurs installations à l'évolution du niveau des eaux. Si la taxation différenciée des déversements non domestiques prévue par l'article 22 répond à l'objectif de mise en œuvre du principe pollueur payeur, le texte n'instaure qu'une participation et non une véritable taxation.
La tarification instaurée par la rédaction de l'article 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales par l'article 27 repose sur un pouvoir discrétionnaire dont les fondements sont indéterminés. Ce nouvel article ne pose donc pas de principes clairs permettant de distinguer la différenciation de tarification. Or l’application du principe pollueur payeur imposait logiquement que le coût de traitement des eaux soit supporté par les opérateurs qui, en amont, contribuent à la dégradation de la qualité des eaux, conformément à la distinction des trois catégories d'usagers opérée par la directive-cadre sur l'eau.
En ne distinguant que deux catégories d'usage, les usages domestiques et les usages non domestiques, l’article 37, qui devait pourtant être emblématique de la mise en œuvre du principe pollueur-payeur, ignore la bonne et vraie distinction, celle établie par la directive-cadre entre les trois secteurs économiques que sont les ménages, l'agriculture et l'industrie.
Soyons lucides : les usages non domestiques feront l’objet d’une application sélective qui exclura un nombre important d’acteurs responsables de la dégradation de l’eau et des écosystèmes, alors même que ce sont ces critères qui qualifient le bon état écologique des eaux.
L’assiette de la redevance sera par ailleurs fixée en tenant compte d’un ensemble de paramètres qui apparaissent comme autant de mesures d’atténuation de l’application du principe pollueur-payeur. Par exemple, l’état des masses d’eau constitue un critère de référence, alors même que leur état réel est encore mal connu. Les risques d’infiltration ou d’écoulement de polluants dans les masses d’eau doivent être appréciés au cas par cas. Les prescriptions imposées au titre de la police de l’eau peuvent être très variables selon l’autorité qui les instaure, tout comme les objectifs des schémas directeurs d’aménagement et de gestion de l’eau peuvent varier d’un bassin à l’autre. Ces paramètres révèlent une application très souple et particulièrement aléatoire de cette redevance, en méconnaissance du principe pollueur-payeur et de ses objectifs.
Quant à la disposition prévue au paragraphe 4 de ce même article 37 relatif à la redevance pour pollutions diffuses, si elle a l’avantage d’affecter la chaîne de distribution industrielle des produits antiparasitaires, elle ne permet pas de déterminer le comportement des industriels comme producteurs, ni même des usagers de ces produits comme pollueurs réels.
Il nous semble donc nécessaire de renforcer plus encore le caractère dissuasif de la redevance pour pollution diffuse, en redéfinissant à la fois les taux plafonds et les catégories de produits pris en compte dans le calcul de l’assiette dans un sens plus incitatif. Un amendement à l’article 37 proposera donc de renforcer les taux en fonction de la teneur des eaux du bassin en produits cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, très toxiques, toxiques ou dangereux pour l’environnement. C’est une nécessité.
Dès 2002, une étude de l’Institut français de l’environnement sur les pesticides montrait que seuls 5 % des points de mesure présentaient des concentrations compatibles avec le développement sans risques pour la vie aquatique et avec la production d’eau potable. En 2004, la même étude de l’IFEN confirme que les concentrations de pesticides ont été quantifiées sur 96 % des points interprétables des réseaux de connaissance générale. Plus précisément, 27 % du nombre de points interprétables sont de qualité médiocre ou mauvaise et nécessiteraient un traitement spécifique d’élimination des pesticides s’ils étaient utilisés pour produire de l’eau potable.
Notre devoir est donc, d’une part, de favoriser la mise en place du système d’information sur l’eau et les contrôles de surveillance et opérationnels propres à assurer le respect de la directive cadre sur l’eau et, d’autre part, d’agir pour la réduction drastique des quantités vendues des substances actives les plus dangereuses. L’exposition des écosystèmes et des populations à ces substances est un véritable enjeu de santé publique, et l’eau en est un vecteur primordial.
À propos encore des pesticides, je tiens à citer l’étude menée récemment par l’école de santé publique de l’université Harvard, aux États-Unis, qui semble confirmer l’hypothèse selon laquelle l’exposition prolongée aux pesticides augmenterait sensiblement le risque de contracter la maladie de Parkinson. La recherche nous permettra sans doute demain de voir quelles molécules représentent la plus grande menace et par quels mécanismes elles pourraient provoquer cette affection, mais on peut déjà dire qu’il faut dépasser le principe de précaution, car le lien de causalité est avéré entre l’exposition aux herbicides, insecticides et fongicides, quel que soit leur usage – agricole, industriel ou domestique –, et l’apparition de la maladie.
Madame la ministre, comme je le disais au début de mon propos, nous avons besoin de ce texte, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement de nos agences. Nous avons besoin de critères de répartition des catégories d’usagers dans les instances des agences de bassin, de règles du jeu pour les redevances, de la définition et de la mise en application de la solidarité entre urbain et rural. Nos agences de bassin sont en train d’élaborer avec vous leur politique d’intervention, dans le cadre de leur 9e programme. Ceux qui, comme nous, cherchent à assurer le bon état des eaux ou à en rétablir le potentiel, conformément à la directive-cadre européenne sur l’eau, doivent pouvoir disposer de la loi et de ses décrets d’application, et voir reconnaître la constitutionnalité des redevances.
Nous tenterons à nouveau, madame la ministre, de vous convaincre de porter à 14 milliards d’euros le plafond des dépenses des agences de l’eau pour les années 2007 à 2012, qui correspondent à la mise en œuvre des neuvièmes programmes de ces agences, comme cela avait d’ailleurs été voté par notre assemblée en première lecture.
De nombreux arguments militent en ce sens. Les 12 milliards d’euros prévus par le texte qui nous revient du Sénat correspondent en effet au budget du 8e programme, tout juste actualisé par le coefficient d’inflation. Nous sommes pourtant confrontés à des impératifs nouveaux : ceux que fixe la directive-cadre sur l’eau et ceux qui découlent de notre retard dans la mise en œuvre de la directive « Eaux résiduaires urbaines », la solidarité urbain-rural, la nécessaire anticipation du renouvellement des réseaux d’alimentation en eau potable et la protection de la ressource en eau. Ce sont là autant de sujets sur lesquels nous reviendrons et qui nécessiteront des moyens nouveaux – que vous aurez d’ailleurs la possibilité d’encadrer chaque année par décret lors de l’examen annuel des budgets des agences. Je souhaiterais vous convaincre, madame la ministre, de ne pas céder à la pression de Bercy et de soutenir cette demande, pour permettre à nos agences de faire un bon travail.
J’évoquerai encore d’un mot un sujet crucial, à propos duquel nous avons proposé un amendement, malheureusement refusé par la séance au motif qu’il s’agissait d’un article additionnel. Nous souhaitions affirmer, après l’article 2, la nécessité d’une gestion coordonnée des ouvrages hydroélectriques en chaîne sur un cours d’eau – point que j’ai d’ailleurs abordé, madame la ministre, lors de l’examen de vos crédits.
Il me paraît indispensable de prévoir la participation des concessionnaires à la mutualisation de la réduction des impacts des éclusées sur les milieux aquatiques et les écosystèmes. Cette réflexion devrait être prise en compte alors que de nombreux contrats de concession seront prochainement réexaminés. En d’autres termes, puisque cela me semble relever de votre responsabilité, comment entendez-vous peser sur le ministre de l’industrie lors de la rédaction des cahiers des charges accompagnant les contrats de concession et prendre en compte la notion de mieux-disant environnemental ?
Je terminerai par la question fondamentale du droit à l’eau. Si nos collègues du Sénat en ont retenu le principe, nous devons terminer le travail et dire comment mettre en œuvre ce droit à l’eau. Je partage à cet égard l’analyse de nombreuses organisations non gouvernementales, largement reprise d’ailleurs dans un article paru aujourd’hui dans Le Figaro.
Monsieur le rapporteur, je m’adresse à vous personnellement. Tous, sur tous les bancs de notre assemblée, reconnaissent la qualité du travail que vous avez accompli à partir de la trame qui vous était soumise. Alors, faites encore un effort ! Soutenez-nous pour faire adopter cet amendement qui doit permettre demain aux communes, aux établissements de coopération intercommunale, aux syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d’eau potable et d’assainissement de prendre les mesures administratives, techniques, tarifaires et financières nécessaires pour mettre en œuvre le droit à l’eau.
Nous sommes tous conscients – et vous-même l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – que l’augmentation continue du prix de l’eau est inéluctable. Si le prix de l’eau potable ne représente qu’une faible dépense dans le budget des ménages, ce n’est pas le cas pour les personnes les plus démunies, les pauvres. Plutôt que de recourir aux fonds spéciaux pour couvrir de stocks de dettes d’électricité, de téléphone ou d’eau, mieux vaudrait envisager, compte tenu de l’hétérogénéité des prix de l’eau, de permettre aux collectivités distributrices d’anticiper en leur donnant les moyens de mettre en place un véritable tarif social de l’eau.
Pour les plus démunis, l’eau n’est pas une dépense mineure. Pauvres ou riches, en effet, notre métabolisme et nos besoins en eau sont les mêmes. L’encadrement des coupures ne suffit pas : il ne doit plus y avoir, dans notre pays, de coupures d’eau. Ce débat nous donne l’occasion d’assumer nos responsabilités en adoptant une mesure qui rendra effectif le droit à l’eau en permettant – et non en imposant –, conformément au principe de la libre administration des collectivités, l’institution de tarifs sociaux de l’eau.
Je suis convaincu, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que l’histoire du droit de l’eau retiendra cette disposition si nous sommes assez lucides pour l’adopter ensemble. Il s’agit bien ici d’un débat éthique, et non d’idéologie. Nous rejoindrions, ce faisant, le souhait que l’Académie de l’eau avait émis, lors de son assemblée générale de décembre 2002, en déclarant que le recours à la tarification sociale de l’eau devrait être légalement autorisé. Nous en avons aujourd’hui la possibilité : je vous propose de le faire ensemble.
Oui, madame la ministre, à la conférence internationale que vous avez évoquée. Oui également à la possibilité d’affecter 1 % de financement de l’eau à la coopération décentralisée, que permet la loi Oudin, possibilité que j’avais approuvée en tant que porte-parole de mon groupe. Mais, de grâce, ne fermez pas la porte à ce droit élémentaire qu’est le droit à l’eau, dont nous nous honorerions tous d’avoir permis la mise en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Il me semble avoir déjà souligné que les trois catégories d’usage – domestique, industriel et agricole – sont traitées équitablement.
Pour ce qui est du principe pollueur-payeur, le projet de loi me semble avoir trouvé un bon compromis entre simplicité et exhaustivité. À quoi sert-il, en effet, de bâtir des redevances sur les neuvièmes programmes des agences ? Je suis satisfaite que ce point soit abordé au Parlement et que l’on puisse ainsi, pour la première fois depuis quarante ans, donner ces orientations.
Quant aux concessions hydroélectriques, soyez certain que je serai attentive à ce que l’enjeu hydroélectrique n’efface pas tous les autres.
D’autre part, si le FSE existe, son fonctionnement repose aujourd’hui sur le volontariat de la part des distributeurs d’eau, de sorte que les montants disponibles sont nettement insuffisants. Si vous voulez me faire dire qu’il faut instaurer une participation de tous les distributeurs, quel que soit leur statut, à un fonds départemental sociétal destiné à éviter les coupures, je suis prêt à examiner cette idée. Nous affirmerions ainsi, en effet, quelle que soit la forme juridique du distributeur, le principe d’identité dans la participation à une solidarité effective. Si nous pouvons trouver un accord sur ce point, je suis prêt à y réfléchir d’ici demain matin.
Il y a urgence, en effet, à voter ce texte.
L’examen de ce texte a été reporté à de nombreuses reprises et il est maintenant plus qu’urgent de donner une véritable assise législative aux agences de l’eau.
Il s’agit là d’un véritable problème juridique et constitutionnel, car les redevances sont actuellement perçues en violation de la Constitution. En pratique, en effet, les budgets des agences de bassin sont alimentés par des redevances qui servent à financer leurs dépenses, quel qu’en soit l’objet. Or, malgré leur nom, ces redevances ne peuvent être considérées comme des rémunérations pour des services rendus, mais elles constituent des impositions de toute nature, dont l’article 34 de la Constitution dispose que le Parlement fixe l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement.
L’inconstitutionnalité du dispositif était pourtant avérée depuis 1982. Dès cette date, le Conseil constitutionnel avait relevé que les redevances perçues par les agences constituaient des impôts. De plus, la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau n’a pas abordé la question des agences alors que la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances avait proposé en premier lieu dès 2001 de rendre au Parlement sa compétence en matière de fixation de l’assiette et du taux des redevances. Cette proposition est restée lettre morte et le Parlement a été ainsi privé d’un pouvoir décisionnel qui lui incombe constitutionnellement, en vertu des principes fondamentaux applicables à sa compétence fiscale.
Or l’un des intérêts du présent projet de loi – je tiens à le souligner – consiste précisément à mettre fin à une situation choquante au plan des principes démocratiques puisque le texte, dans son article 37, dispose que le Parlement fixera à l’avenir le taux, l’assiette et les modalités de recouvrement des redevances que perçoivent les agences de l’eau.
Il est de plus urgent d’examiner ce projet de loi pour des raisons financières : en effet, le neuvième programme des agences de l’eau commence en 2007.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l’UMP ne votera naturellement pas cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je ne reviendrai pas sur la question des agences puisque l’orateur a reconnu que ce texte permet de les conforter – il a au moins cette utilité. Je me contenterai donc d’évoquer deux points.
En ce qui concerne le droit à l’eau et la possibilité d’instaurer un tarif social de l’eau, il ne s’agit pas, à mon sens, pour Jean Launay, de prendre une décision au plan national mais, dans un cadre de libre administration des collectivités, de leur permettre de recourir à un tel tarif si elles le jugent nécessaire : étant en effet au plus près du terrain, elles connaissent mieux les besoins et peuvent prendre en considération les cas de détresse.
En ce qui concerne le second point, la gestion coordonnée des ouvrages, chacun a conscience de l’intérêt de réviser le cahier des charges lors des renouvellements de concessions. Tous ceux qui habitent au bord de cours d’eau équipés de grands barrages hydroélectriques savent que ceux-ci provoquent des fluctuations constantes qui n’ont le plus souvent rien à voir avec la pluviométrie, ni avec la température, mais que les lâchers d’eau répondent à des besoins strictement ponctuels. L’hydroélectricité, en effet – tel est son avantage –, permet en moins d’une minute à un barrage comme celui de Bort-les-Orgues ou de Serre-Ponçon d’atteindre sa pleine puissance, ce à quoi ne peut parvenir aucun autre moyen de production électrique, les centrales thermiques comme les centrales nucléaires. Toutefois ces lâchers provoquent des dégâts considérables sur le milieu naturel. J’habite au bord de la Dordogne,…
J’ai, pour ma part, retenu dans l’intervention de notre collègue quatre points qui me permettent d’affirmer qu’il nous faut voter la question préalable, ce que je ferai au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains.
Jean Launay a en premier lieu insisté sur certaines imprécisions du texte, notamment en ce qui concerne l’impact de l’usage de l’eau sur les écosystèmes aquatiques et sur les populations. Il a posé une question : qui supporte le coût de la pollution ? Il a également soulevé de façon très pertinente le fait que le projet de loi concrétise une application particulièrement souple, voire aléatoire de certaines redevances. Il est donc nécessaire d’aller plus loin en la matière, ce qui exige du législateur qu’il se montre plus pointu sur certains aspects de la question des redevances. J’espère que l’examen des amendements permettra d’en clarifier certains – c’est en tout cas indispensable. Ce premier point justifierait à lui seul le vote de la question préalable.
Deuxièmement, la question du pollueur-payeur, à laquelle Jean Dionis du Séjour a fait allusion, sera sans aucun doute au cœur de nos débats. On évoque également le « consommateur-payeur ». Pour ma part je préfère parler du « décideur-payeur ». En effet, contrairement à ce que Jean Dionis du Séjour, dans un de ces raccourcis dont il a l’habitude, a prétendu, il ne s’agissait pas dans mon intervention précédente de surcharger de nouvelles taxes les agriculteurs mais, comme je l’ai précisé alors, de prendre en compte la filière agricole dans son ensemble et non seulement le premier maillon de la chaîne. Du reste, si les agriculteurs pratiquent une agriculture productiviste permettant une plus grande rentabilité, c’est qu’ils y sont poussés, d’une part, en raison de prix insuffisamment élevés et d’une concurrence mondiale très forte, d’autre part, du rôle joué par les groupes agrochimiques qui tentent d’écouler leurs produits, ce que les discussions que nous avons eues sur certains amendements ont bien montré – je pense notamment à la question des produits naturels.
La pratique des agriculteurs n’est donc que le résultat d’orientations politiques dont ils ne sont pas maîtres mais aux exigences desquelles ils doivent se plier s’ils veulent continuer à vivre au pays. Il faut approfondir la question du pollueur-payeur, sans se laisser tenter par l’approche, purement extérieure, du consommateur-payeur. Je le répète : aborder la question sous l’angle du décideur-payeur permettra d’aller plus loin dans l’analyse.
Le troisième point est celui des moyens à dégager pour mettre en œuvre la directive-cadre sur l’eau, accomplir les investissements nécessaires et assurer la solidarité entre urbains et ruraux : or le chiffre de 14 milliards d’euros pour les agences, avancé par Jean Launay, s’appuie sur un constat. Il faudra donc, durant le débat, accorder le coup de pouce nécessaire : nous serons tous attentifs à cette question.
Le quatrième point, sur lequel Jean Launay a conclu, c’est le droit à l’eau. Comme il fera le sujet de mon intervention dans la discussion générale, je me contenterai de souligner pour l’instant qu’il s’agit d’un droit fondamental engageant à ce titre notre responsabilité. Il ne suffit pas de l’évoquer, mais il convient de l’inscrire dans la loi et j’espère que les amendements en ce sens seront adoptés.
Telle est la raison pour laquelle, je le répète, nous voterons la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
En première lecture, Jean Launay, Pierre Ducout, mes collègues socialistes et moi-même avions regretté le manque d’ambition du texte, lequel ne permettra pas aux trois quarts des masses d’eau de notre pays d’atteindre en 2015 un bon état écologique, comme le prévoit la directive-cadre européenne du 23 octobre 2000. Chacun connaît pourtant la situation alarmante de l’eau au niveau planétaire. Non seulement l’accès à cette ressource n’est pas garanti pour tous les peuples, mais la dégradation qualitative prive des millions d’êtres humains d’un accès à l’eau potable, ce qui a des conséquences dramatiques : ainsi 25 millions de personnes meurent chaque année de la pollution des eaux.
Si la situation dans notre pays n’est pas aussi catastrophique, elle n’en demeure pas moins inquiétante. Tous les rapports scientifiques l’attestent : la dégradation de la qualité des eaux est quasi générale dans notre pays, et cela en dépit des mesures prises et des investissements réalisés pour réduire les pollutions industrielles urbaines ou agricoles.
En juillet 2004, le sixième rapport annuel sur les pesticides de l’INFEN met en évidence la présence de pesticides dans 75 % des points de mesure de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques en 2002. En juin 2005, un rapport du muséum d’histoire naturelle réalisé sous la direction de Jean-Claude Lefeuvre précise qu’en l’absence d’une politique adaptée et dans l’hypothèse la plus optimiste, seulement 25 % des masses d’eau pourront atteindre le bon état écologique prévu par la directive-cadre puisque 100 % des eaux souterraines utilisées pour l’alimentation en eau potable en Artois-Picardie sont classées à risque, que les eaux du bassin Loire-Bretagne sont atteintes à plus de 35 % et celles du bassin Rhin-Meuse à 45 % et que les eaux souterraines du bassin Seine-Normandie sont polluées à 83 %. Le rapport précise en outre qu’on sous-estime depuis longtemps les conséquences de la pollution des eaux sur la santé humaine, les populations animales et les écosystèmes – Jean Launay l’a rappelé à l’instant.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous pouvons nous accorder sur le constat et les causes principales de pollution sont connues. Or, force est de constater que, loin de s’améliorer, la situation ne fait que se dégrader. Malheureusement, le texte dont nous débattons n’est pas de nature à mettre au rang de priorité nationale l’impérieuse nécessité de protéger la ressource en eau sur le plan tant qualitatif que quantitatif.
Il appartiendra à ceux qui vous succéderont de redéfinir une politique publique de protection de la ressource et de dépollution par l’élimination des pollutions industrielles, par la réorientation des aides vers les collectivités territoriales pour supprimer toute pollution urbaine et par l’encouragement à de nouvelles pratiques culturales.
À ce propos, comment ne pas regretter, madame la ministre, que votre gouvernement, en choisissant de figer les aides de la politique agricole commune sur la période de référence 2000-2002, non seulement pérennise un système injuste puisque 80 % des aides bénéficient à 20 % des agriculteurs, mais encore pénalise l’élevage extensif et les méthodes culturales les plus respectueuses de l’environnement ?
Malgré ce sombre tableau, nous abordons cette seconde lecture, mes collègues socialistes et moi-même, avec un esprit constructif et nous défendrons des amendements nous paraissant aller dans le sens de l’intérêt général.
À propos de la pêche et du bon état écologique des cours d’eau, j’ai eu l’occasion, en première lecture, de marquer mon opposition à la nouvelle définition des eaux libres et des eaux closes qui aura pour conséquence, à mon sens, que bon nombre d’étangs privés échapperont à la taxe piscicole, encourageant par là la privatisation d’une pêche qui doit rester populaire, accessible à tous.
Nous présenterons plusieurs amendements visant à maintenir le débit minimum dans les cours d’eau et à refuser qu’il puisse être divisé par deux, ce qui aurait des conséquences dommageables pour les écosystèmes. De même, nous proposerons de limiter les ouvrages entravant les rivières, ouvrages qui devront permettre, en toute occasion, la remontée des poissons migrateurs.
Au sujet des activités de pleine nature, je me réjouis que l’adoption de l’amendement que j’ai proposé avec le groupe socialiste ait permis d’élargir la servitude dévolue aux pêcheurs, en bordure des cours d’eau domaniaux, aux « marcheurs », terme remplacé par celui, plus précis, de « piétons » par nos collègues du Sénat. J’aurais préféré, vous le savez, que l’on étende cette servitude au public non motorisé, incluant de ce fait les cyclistes et les cavaliers. Je reconnais néanmoins qu’il s’agit d’une réelle avancée, sans aller jusqu’à oser parler, s’agissant de marcheurs, de pas en avant.
Pour ce qui est des engins nautiques non motorisés, nous avons là aussi, madame la ministre, réalisé une avancée puisque le projet prévoit désormais que les ouvrages doivent être signalés. Toutefois, je pense sincèrement que nous devons aller plus loin. Je comprends parfaitement – je ne l’ai d’ailleurs jamais demandé – qu’il ne soit pas envisageable de pourvoir tous les ouvrages de passes à canoë ou de passes à raft. On ne va tout de même pas équiper ainsi le lac de Serre-Ponçon ni le barrage de Bort-Les-Orgues ! N’est-ce pas, monsieur le président de la commission ?
Je propose donc que sur les cours d’eau répertoriés où la libre circulation des engins nautiques non motorisés est garantie par la loi, une liste des ouvrages à aménager soit établie en liaison avec la fédération délégataire, le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative et le ministère de l’écologie et du développement durable. Ces aménagements, quelquefois peu coûteux – passes à canoë, à kayak, à raft ou, tout simplement, chemin de contournement – sont indispensables à la sécurité des usagers. La quasi-totalité des décès constatés sur nos rivières se produisent au niveau des ouvrages. Je me souviens, au printemps dernier, avoir relaté un accident dramatique ayant causé la disparition d’une famille entière sur la Vienne, près de Limoges. Je crois donc ne pas demander l’impossible en souhaitant la publication de cette liste.
Je terminerai sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : la récupération des eaux pluviales. J’ai été le premier parlementaire à déposer – c’était en 2004 – une proposition de loi visant à modifier le code de l’urbanisme pour encourager la création de réserves d’eaux pluviales dans les constructions neuves. Cette idée a été très largement reprise depuis, ce dont je ne puis que me réjouir. Ainsi, l’Assemblée a adopté en première lecture un amendement défendu par le groupe socialiste et même l’ensemble des membres de la commission avec l’avis favorable du président et du rapporteur – et contre l’avis du Gouvernement –, qui prévoit la création d’un crédit d’impôt plafonné à 40 % de 5 000 euros de travaux pour la création de réserves d’eau pluviale.
Malheureusement, nos collègues sénateurs ont abaissé le taux à 15 % même s’ils ont porté la somme de 5 000 euros à 8 000 euros. Je considère que 15 % n’est pas un taux suffisamment incitatif et je proposerai qu’on en revienne à ce que l’Assemblée nationale avait voté en première lecture. Je crois en effet qu’il faut penser aux gens modestes et savoir qu’un crédit d’impôt de 40 % pour 5 000 euros de travaux est une mesure plus incitative pour les gens modestes qu’un crédit d’impôt de 15 % pour 8 000 euros de travaux. Je suis certain que vous y serez sensibles.
Enfin, ne négligeons pas l’intérêt pédagogique de cette politique qui, par la maîtrise de l’eau ou les économies d’énergie, incitera nos compatriotes à adopter une démarche d’éco-citoyens. Sur tous ces sujets, au-delà de nos divergences politiques, je souhaite, madame la ministre, mes chers collègues, que nous nous retrouvions pour améliorer la qualité de notre environnement et préparer un avenir meilleur aux générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
L'eau est l’un de ces défis et non des moindres. L'objectif de ce texte est de doter la France de moyens efficaces pour mener une bonne politique de l'eau et pour atteindre, d'ici à 2015, comme le veut la directive européenne, le « bon état écologique des eaux ». Nous nous en félicitons car, au fil des années – nos collègues socialistes l’ont bien dit –, nous avons progressivement détérioré notre environnement, que ce soit l'eau ou l’air, et le lien entre cette détérioration et les enjeux majeurs de santé publique – je pense aux véritables pandémies que sont devenus les cancers – est désormais avéré. Agir pour l'écologie, c’est donc agir pour la santé publique et ce seul enjeu justifie notre mobilisation.
Il y a trois ans, une étude de l'Institut français de l’environnement, l’IFEN, montrait que 75 % de nos eaux superficielles étaient polluées par des pesticides. Le chemin est donc long, très long, pour atteindre l'objectif fixé par la directive européenne. De plus, nous sommes loin d’être en avance sur le calendrier.
Reste que cet objectif ne doit pas être le seul. Outre la qualité des eaux, nous ne devons pas négliger les enjeux liés aux ressources en eau. Nous devons imaginer une nouvelle doctrine en matière d'usage de l'eau, une doctrine qui prenne en compte les données du changement climatique. Monsieur le rapporteur, vous provenez du nord de la France, mais sachez que dans le Sud-Ouest, la température a augmenté de deux degrés centigrades en soixante ans. Les conséquences en sont visibles sur toutes nos rivières. Les comportements ont changé et les besoins en eau sont plus importants, tant pour la consommation domestique que pour l’agriculture.
Une nouvelle doctrine de gestion de l'eau doit donc s'inspirer de ces nouveaux besoins. Elle doit parvenir à s'affranchir de l’orientation actuelle, bien malthusienne, d'incitation aux économies d'eau, et proposer des mesures en matière de création de nouvelles ressources. S’il faut, bien entendu, inciter tous les consommateurs, domestiques ou non, à économiser l'eau et à rationaliser son utilisation, il faut également envisager la création de nouvelles ressources.
Au demeurant, nous n’en sommes pas au point de manquer d'eau. Germinal Peiro a rappelé les chiffres, les siens indiquant même 170 mm de plus de précipitations par an que les miens,…
Or le texte est bien trop timide sur ce point. La création de nouvelles ressources est mentionnée de manière presque honteuse, au détour de deux phrases dans un même article. On tergiverse encore sur la création d'un crédit d'impôt pour la mise en place d'installations de récupération et de traitement des eaux pluviales. Certes, le dispositif est un peu compliqué à mettre en œuvre mais, comme on dit : impossible n'est pas français. Je veux pour preuve d'une trop grande frilosité sur ce sujet le dernier budget de l’agriculture sur lequel nous avons discuté des heures pour, finalement, n’obtenir que 5 millions d’euros supplémentaires pour l’hydraulique agricole !
Tout cela doit changer. Il faut cesser de ne défendre et de ne professer que les économies d'eau. Il faut absolument les coupler avec cet objectif impérieux de création des ressources, les deux exigences n'étant d'ailleurs absolument pas contradictoires. Cessons donc d'opposer écologistes et agriculteurs,…
Arrêtons de nous enfermer dans cette opposition binaire stérile et rassemblons-nous sur un consensus qui allie le meilleur de ces deux doctrines !
Or, dans le texte, vous proposez un système mixte, bien compliqué, souvent confus, même si je reconnais la complexité du sujet. Comment justifiez-vous, notamment, la mise en place d'une taxe en fonction du volume d'eau prélevé ? Imaginez-vous l’effet produit dans nos campagnes par l’idée de rendre obligatoires les compteurs volumétriques ? J’ai passé des week-ends entiers à me faire engueuler sur ce sujet !
Un dernier mot sur les agriculteurs : le principe de la transparence des GAEC est étrangement absent de ce texte. Nous proposerons des amendements raisonnables pour l’introduire ; nous espérons être entendus.
Nous espérons aussi que vous reviendrez sur la suppression des articles 23 bis et 28 bis, chers à mon ami François Sauvadet. Le premier de ces articles tend à mettre en place un crédit d’impôt pour les dépenses de réhabilitation d’installations d’assainissement non collectif et le second crée un fonds départemental facultatif pour l’alimentation en eau et l’assainissement, absolument nécessaire, de l’avis de certains conseillers généraux, pour assurer une solidarité départementale au bénéfice des petites communes rurales.
Il serait également utile de supprimer le plafonnement de la part fixe des redevances d’eau et d’assainissement. L’autonomie des collectivités locales en la matière est en effet fondamentale en un temps où beaucoup de nos communes vont devoir renouveler leurs canalisations d’eau potable.
J’en viens, pour finir, aux points positifs de ce texte. Le premier, et non le moindre, est qu’il a le mérite d’exister.
Vous avez réussi le tour de force de boucler ce texte, madame la ministre. Ce n’était pas évident pour un projet lancé en 2002 et considérablement freiné par le changement de majorité. Qui plus est, reconnaissons que le sujet n’est pas aisé. Vous êtes parvenue à pacifier certains conflits difficiles qui agitaient ce domaine ; je pense notamment aux conflits qui opposent pêcheurs et propriétaires d’étangs privés, et auxquels mettra fin la définition enfin consensuelle des eaux libres et des eaux closes.
Vous avez enfin, et je vous en rends acte, joué le jeu de la démocratie parlementaire en acceptant plusieurs amendements lourds, notamment ceux qui ont permis de retravailler dans le bon sens les dispositions relatives au service public d’assainissement non collectif.
Tout cela justifie, à notre avis – du moins à celui de François Sauvadet et du mien –, un geste de bonne volonté. L’UDF s’y prépare, surtout si vous réservez un sort convenable à nos principaux amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Je salue également le travail du rapporteur, qui a consacré de longs mois à l’échange et à la réflexion.
Mon intervention portera exclusivement sur le droit à l’eau, déjà évoqué par Jean Launay en présentant la question préalable et défendu, à très juste titre, par de nombreuses ONG et par les associations de consommateur.
Depuis 1998 et la loi de lutte contre l’exclusion, l’eau est, à côté de l’énergie et du téléphone, un des trois bien essentiels auxquels chacun devrait avoir accès. Cela suppose, comme pour l’électricité, le gaz et le téléphone, que des mesures de solidarité soient prises. Or, dans les faits, l’eau ne fait pas l’objet d’un droit effectif : elle reste une marchandise comme une autre. Aussi notre responsabilité sera-t-elle considérable au cours de ces trois jours de débat, où il nous faudra avancer sur le texte après l’amendement adopté par le Sénat. À cet égard le fonds de solidarité logement n’apporte pas une réponse suffisante, monsieur le rapporteur.
Le droit à l’eau est considéré, depuis 2002, comme un droit fondamental par le pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels, dont notre pays est signataire. Nous nous sommes engagés à ce que l’eau soit accessible à tous dans des conditions abordables, donc avec un souci d’équité. Or la réalité est tout autre : de plus en plus de foyers éprouvent des difficultés à régler des factures en augmentation constante, présentées par des opérateurs privés obsédés par la recherche du profit maximal. N’oublions pas que près de sept millions de Français vivent en dessous du seuil de pauvreté, fixé par l’INSEE à 788 euros par mois. C’est à eux que nous devons penser durant ce débat, sachant que la facture d’eau peut avoisiner 500 euros par ans pour une famille moyenne. Imaginez ce que cela représente pour des familles en grande difficulté sociale.
Le Sénat, à juste titre, a adopté un amendement tendant à préciser que « dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a droit d’accéder à l’eau potable à des conditions économiquement supportables ».
Cette avancée, madame la ministre, nous avons la responsabilité de la rendre effective, en complétant notamment le code général des collectivités territoriales pour préciser que l’accès à l’eau doit être suffisant pour assurer la santé et le bien-être ; que le service de distribution ne peut être interrompu que si des conditions particulières sont réunies – par exemple si, dans un bâtiment collectif, les occupants y consentent, ou si l’immeuble est déclaré insalubre avec interdiction d’habiter, étant entendu que l’interruption ne peut avoir lieu qu’après le départ de tous les occupants – ; que les abonnés doivent être informés des dispositifs réglementaires et des différentes modalités de mise en œuvre du droit au logement ; que le service de distribution doit assurer le maintien d’un débit minimal, dans des conditions d’installation et de volume déterminés par le règlement ; enfin – pourquoi pas ? – que le maire ou, à défaut, le préfet peut imposer le rétablissement de la fourniture d’eau à un immeuble à usage d’habitation.
À ce propos nous pourrions reprendre l’amendement du groupe socialiste, qui tend à permettre aux communes de mettre en œuvre des mesures spécifiques dans le cadre de leur règlement.
J’en viens maintenant à un sujet que j’ai souvent évoqué ici : le droit à l’eau doit être assuré dans les hameaux de montagne qui ne sont pas aujourd’hui desservis par le service public communal d’adduction. Certaines maisons possédant leur propre captage ou leur propre source y sont menacées par des contrôles que je n’hésite pas à qualifier d’aberrants.
Ce projet de loi conforte le statut des agences, qui en avaient bien besoin, et simplifie le paysage de l’eau en France. Celui-ci relevait auparavant d’innombrables ministères. Ce texte apporte donc une simplification majeure et efficace. Il rend constitutionnelles les redevances – enfin ! – et clarifie les interventions des agences. Au départ, celles-ci étaient vouées surtout à l’intérêt général du bassin, si bien que, d’une certaine manière, l’eau potable n’entrait pas dans leurs compétences. Aujourd’hui, le champ de leurs interventions est élargi, et ce dans le respect de la Constitution. Nous pourrons ainsi rapatrier la TGAP sur les produits phytosanitaires, dont le produit était auparavant, de manière scandaleuse, capté par Bercy. Espérons seulement qu’il n’y aura pas de nouveau détournement au fil du temps !
Ce texte constitue également un bon signal en direction de l’Union européenne, la France étant aujourd’hui sous le coup de procédures lourdes pour non-respect de la directive sur les eaux résiduaires urbaines. Pour les communes de deux mille à dix mille habitants, notre retard est considérable. L’adoption de ce projet de loi vous donnera des arguments, madame la ministre, pour plaider au niveau européen afin que l’on nous laisse du temps pour aboutir.
Ce texte donne également un excellent signal en matière de comportements. L’installation d’un compteur individuel d’eau froide dans les constructions nouvelles nous incitera à surveiller notre consommation ; on sait bien que le paiement individualisé fait évoluer les pratiques.
Les dispositions relatives à la récupération des eaux de pluie procèdent de la même volonté : l’eau n’est pas un bien inépuisable ; c’est une ressource qu’il faut ménager. Dans la même perspective, la fin de la gratuité de l’eau pour les administrations est une bonne chose. En matière agricole, les bonnes pratiques sont encouragées : des primes pourront venir récompenser les bons résultats phytosanitaires et les pulvérisateurs seront mieux contrôlés.
S’agissant des services publics de l’assainissement non collectif, un contrôle régulier est effectivement important, mais il est compliqué à assurer. La commission s’est exprimée, mais, personnellement, je ne suis pas sûr qu’il soit réaliste d’exclure la capacité de déléguer au privé au regard de la réalité de nos territoires. Il vaudrait peut-être mieux utiliser l’ensemble des compétences et donner le maximum de liberté aux communes. C’est une affaire qui suscite de nombreux débats.
Ce texte respecte la philosophie du pollueur-payeur,...
Élu de la Creuse, département d’élevage s’il en est, j’ai la prétention de bien connaître le sujet, d’autant que je suis le seul éleveur de cette assemblée.
Voici les arguments que l’on m’oppose.
Les éleveurs paieraient déjà. Faux, archifaux ! Je n’ai jamais payé une quelconque taxe.
Peu d’éleveurs seraient concernés. Faux ! Ils seront de plus en plus nombreux à dépasser les 90 UGB – la moyenne en Limousin est actuellement de 128 UGB – et auront automatiquement un chargement supérieur à 1,4.
On me dit aussi que les éleveurs ont bénéficié du programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole. Presque faux ! Dans mon département, sur 5 500 exploitations, 224 ont bénéficié du PMPOA 1, et 9 du PMPOA 2, soit 4 %.
On prétend également que les organisations professionnelles agricoles seraient d’accord avec la mise en place de cette redevance. Faux ! Je vais vous communiquer des documents prouvant le contraire. J’ai participé à une réunion au cours de laquelle les représentants nationaux des OPA se sont tortillés dans tous les sens pour ne pas dire la vérité. Ces organisations comptent plus d’adhérents dans l’Ouest, le Nord et l’Est. Elles préfèrent donc protéger le plus grand nombre et faire partager par les autres l’ardoise de ceux qui sont sans doute les vrais pollueurs. Voilà, sans langue de bois, voilà la vérité ! Cette attitude est d’ailleurs dénoncée par les éleveurs du Massif central,…
Mes chers collègues, allez-vous longtemps vous prêter à cette manœuvre subversive ? La France agricole, ce n’est pas que l’Ouest, le Nord ou l’Est. Elle est riche de sa diversité et nécessite un traitement différencié. Nous devons prendre nos responsabilités ; les OPA n’ont pas à nous dicter le chemin à suivre, surtout lorsqu’elles ne sont pas d’accord avec les instances parisiennes. Au nom de la raison, j’ai donc déposé plusieurs amendements en faveur de la profession, en particulier des éleveurs du Limousin et de l’Auvergne.
Les sénateurs ont exclu de cette redevance les exploitations situées en zone de montagne jusqu’à 150 UGB et un taux de chargement d’1,4. Cela ne sert à rien ! En zone de montagne, hormis quelques élevages laitiers ou porcins, le chargement en vaches allaitantes est toujours inférieur à 1,4.
En outre, les dispositions retenues concernant les 90 UGB ne tiennent pas la route, d’autant que l’éleveur devra payer dès la quarantième UGB. Personne ne le sait, mais c’est inscrit dans la loi.
S’agissant des GAEC, j’espère que le problème de la transparence a été pris en compte. Dans un GAEC à deux parts, pour 180 UGB, on ne paiera pas la redevance. Mais que se passera-t-il si, un associé partant à la retraite, l’autre se retrouve exploitant unique ? Sera-t-il pénalisé alors même que le rapport UGB par hectare est le même ? Ses voisins en EARL – donc sans transparence –, eux, vont payer, de même que l’éleveur exploitant une structure de moins de 90 UGB qui reprendra une autre structure également de moins de 90 UGB. Dans cette loi, il y a donc des erreurs importantes. Toutefois je ne vous jette pas la pierre : quand on n’est pas sur le terrain, on ne peut pas apprécier la situation.
Madame la ministre, il me reste un troisième argument écologique, irréfutable et indéniable.
Il y a bien quelques surprises, comme les avancées administratives que j'avais saluées en première lecture : la fin de la livraison gratuite de l'eau aux administrations et bâtiments publics, le renforcement du statut juridique des SAGE et leur mise en compatibilité avec les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme, une meilleure traçabilité des pesticides, et l'accroissement des compétences des communes en matière d'assainissement individuel.
La création de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques – ONEMA – est également positive, à condition que ce soit un véritable office. Or ce n’est, pour le moment, qu’un demi-office. Certains de nos amendements permettront de le renforcer.
Une autre avancée intéressante concerne l'introduction par nos collègues sénateurs d'un article 1er A, définissant un droit à l’eau pour tous. Cet apport constitue un élément très intéressant, qui ne peut que susciter l'adhésion de tout le monde. Il y a même une volonté sociale dans ce droit à l’eau pour tous. Toutefois cela n’est possible que si l’on n’a pas à payer des sommes de l’ordre de 200 à 300 euros avant de consommer la première goutte d’eau. C'est pourquoi, au-delà même de l'avancée que nous avons obtenue en première lecture sur le plafonnement de la part fixe, je proposerai que cette loi sur l'eau garantisse réellement le droit à l'eau, en rendant son accès gratuit, c'est-à-dire en interdisant toute caution ou dépôt de garantie ainsi que l'usage de parts fixes ou d’abonnements dans la facturation de l'eau et de l'assainissement.
Nous n'avons cessé d'alerter le Parlement et le Gouvernement car notre objectif commun est de parvenir en 2015 au bon état écologique des eaux, comme nous devons le faire en application de la directive cadre. Nous devons nous attaquer au cœur du problème car – et je regrette de le dire, monsieur Gaillard – on peut voir l’origine des pollutions. Ainsi il est évident que le système agricole actuel est inadapté pour assurer la qualité des eaux et même inadapté aux enjeux agricoles de demain.
L'agriculture représente 68 % de la consommation d'eau en France. Le dernier rapport de l'Institut français de l’environnement est clair, même si l’IFEN a un peu perdu de sa superbe. Il indique : « Sous l'effet des pratiques agricoles actuelles, une augmentation des pollutions diffuses est constatée, ainsi qu’une montée régulière de la teneur en nitrates dans les nappes phréatiques et dans les cours d'eau. »
Je me souviens avoir, en 1972, réalisé, avec des professeurs, qui sont maintenant au Muséum, des études de terrain sur les nitrates et les rivières bretonnes. Les taux n’ont pas cessé de monter depuis plus de trente-cinq ans.
La moitié du territoire national est classée en zones vulnérables. Et après, on vient nous parler d’agriculture raisonnée. Cela signifie que, dans la moitié du territoire national, il y a une concentration des eaux en nitrates supérieure à 40 milligrammes par litre. Des phénomènes d'eutrophisation sont constatés.
Il faut aussi savoir que 96 % des points d'eau inspectés par l'IFEN présentent des traces de pesticides.
On retrouve, depuis trente-cinq ans, toujours les mêmes problèmes : la pollution diffuse, les nitrates, les pesticides, l'irrigation. Ils requièrent pourtant des réponses rapides et efficaces si l’on veut obtenir ce que vous qualifiez de bon état écologique en 2015.
Quelles réponses trouvons-nous dans le projet de loi ?
Une certaine forme de gaspillage de l'eau est favorisée par le maintien de tarifs dégressifs. L'irrigation ne fait pas l'objet d'un débat national. Les compteurs d'eau dans l'habitat ne sont pas généralisés.
Le principe du pollueur-payeur – constitutionnel, rappelons-le – n'est toujours pas respecté. Il ne s’agit plus vraiment du principe pollueur-payeur mais du principe de réparation depuis la Charte de l’environnement, ce qui représente déjà un amoindrissement du principe qui figurait dans la loi Barnier de 1995. À quelle hauteur contribuera-t-on à la réparation ?
La loi instaure une simple écoconditionnalité des aides et évite de gêner l'agriculture productiviste, en supprimant la redevance azote que je proposais dans le premier projet de loi en 2002. Dans celui qui nous est soumis, il n’est pas proposé de redevance azote. La taxe sur les pesticides est sans commune mesure dans sa modestie avec la dangerosité de ces produits. Ce message, madame la ministre, est conforté par vos circulaires qui organisent la concentration des productions sur les zones déjà les plus polluées et rendent encore plus laxistes les règles d'épandage des lisiers.
M. Auclair a évoqué le Massif central ; en Bretagne, région dont je suis originaire, non seulement on sent les lisiers, mais on les mesure dans les eaux. D’où proviennent les marées vertes sur la côte Nord ?
Enfin, les agriculteurs paient l'eau jusqu’à cinquante fois moins cher que les autres acteurs économiques. Bref, nous marchons sur la tête.
Tout cela doit être mis en relation avec une réforme de la politique agricole commune qui devrait favoriser la reconversion de l'agriculture productiviste vers l'agriculture bio, beaucoup plus respectueuse de l'environnement et, surtout, beaucoup moins gourmande en eau et en pesticides divers et variés.
La reconversion écologique de l'agriculture ne se fera pas contre mais avec les agriculteurs. D’ailleurs, l'association UFC-Que Choisir propose de financer la reconversion avec l'argent collecté via les écotaxes sur les pesticides, les nitrates et l'irrigation. Voilà une idée intéressante, qui permettrait de renouer le lien entre consommateurs et producteurs responsables.
Beaucoup de solutions existent.
Nous les connaissons, mais il faut un peu de courage politique pour les porter. Malheureusement, les messages qu'envoie ce projet de loi à la société ne vont pas dans ce sens. Il encourage l'agriculture industrielle à persister dans ses agissements néfastes pour notre environnement et pour l'avenir de nos enfants. À ce rythme, je crains malheureusement que l'objectif du bon état écologique des eaux en 2015 ne soit pas atteint.
La première lecture du projet de loi, en mai dernier, avait permis de jeter les bases d'une nouvelle fiscalité de l'eau, grâce à l'octroi d'un réel pouvoir de décision conféré au Parlement. Je m’en tiendrai aux aspects financiers du sujet.
L'article 37 permet désormais au Parlement de fixer le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement des redevances sur l'eau. Nous avions également examiné un processus de réorganisation qui devait conduire à un partage plus net des responsabilités entre les acteurs de la politique de l'eau. Cette réorganisation tendait à réviser le fonctionnement des agences de l'eau et à revoir les rapports financiers qui unissent l'État à ces agences.
D'ailleurs, je tiens à vous rappeler que toute l'originalité de l'organisation institutionnelle française en matière d'eau repose sur la notion de bassin versant. À chacun des grands bassins versants français correspond une agence de l'eau, dotée d'un comité de bassin. Le législateur de 1964 a estimé que telle était l'échelle où devaient se régler les problèmes tant d'alimentation en eau que de préservation de sa qualité.
Je réitère donc les propos que j'avais tenus en mai dernier : en ouvrant la possibilité d'instituer un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, l'article 28 bis fait naître le risque de compliquer inutilement l'organisation institutionnelle existante. Il ajouterait, en effet, un niveau d'intervention, sans que celui-ci corresponde à l'échelle naturelle des problèmes en cause, telle qu'elle est consacrée depuis plus de quarante ans par la loi. Nous devons, lors de cette seconde lecture du projet de loi sur l'eau, remédier à ce problème.
Je souhaite ensuite renouveler ma suggestion faite en première lecture d'alléger le texte examiné ou de simplifier les dispositifs qu'il prévoit.
En effet, l'article 37 du présent projet de loi propose ainsi d'instituer non moins de huit redevances. En atomisant la fiscalité de l'eau, le dispositif nuit aussi bien à la fluidité du recouvrement qu'à sa bonne compréhension par l'usager. Il doit être allégé.
Certains alinéas de l'article 37 prévoient une redevance pour stockage d'eau en période d'étiage. Or, alors que cette taxation très spécifique ne concerne qu'une très faible partie des contribuables, elle complique l'architecture d'ensemble de l'article. À ce titre elle mérite d'être écartée.
Enfin, la question de la taxe de ruissellement retient, elle aussi, tout particulièrement l'attention.
L'article 23 du projet de loi sur l'eau offre en effet la possibilité pour les communes ou leurs groupements d'instaurer une taxe sur les volumes d'eau de ruissellement entrant dans le système de collecte pour financer les travaux en matière d'assainissement pluvial. L'application de cette nouvelle taxe soulève de réelles difficultés du fait de son assiette.
Il sera très difficile d'évaluer en pratique le volume maximal des eaux susceptibles de pénétrer dans les installations. Compte tenu des obstacles pratiques à son application, il ne fait guère de doute que les collectivités territoriales seront peu nombreuses à avoir recours à cette faculté d'imposition supplémentaire, si elle devait voir le jour. C’est pourquoi je propose aussi la suppression de cette taxe.
Ces trois remarques essentielles répondent au souci de simplifier ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante-cinq, est reprise, le mardi 12 décembre 2006, à zéro heure cinq.)
La parole est à Mme la ministre.
Nous n’évoquerons pas dans la discussion des articles la question des eaux libres et des eaux closes, l’article 42 A ayant été voté conforme. Toutefois, je m’étais engagée à indiquer à votre assemblée quel serait le contenu du décret d’application. C’est donc avec grand plaisir, monsieur le rapporteur, que je réponds à votre question.
Ce décret précisera d’abord la notion de passage du poisson en prenant en compte le cycle des espèces piscicoles, y compris celui des alevins. Il rappellera également que la qualité d’eau close est justifiée par la physionomie des lieux et non par l’action du propriétaire.
Si une communication temporaire, se produisant à l’occasion d’événements exceptionnels tels que les crues violentes, ne saurait avoir pour effet de modifier le statut d’une eau close, le cas des cours d’eau intermittents, tels que ceux des régions méditerranéennes ou de montagne et des particularités de ces zones liées au relief ou au gel, sera pris en compte.
Ainsi que vous m'y avez invitée, je veux apporter à l'ensemble des pêcheurs toutes les assurances sur le devenir des fédérations de pêche et sur leur association aux grands enjeux écologiques comme la délimitation des zones de frayères, la lutte contre le braconnage ou le devenir des agents du conseil supérieur de la pêche. Je souhaite également que soit pleinement prises en compte les attentes des adeptes des activités nautiques quant à un meilleur accès à l'eau et à la signalisation des dangers induits par les ouvrages, dans le respect des droits légitimes des propriétaires riverains.
Je désire également, comme vous, que les agences de l'eau accentuent leur rôle pédagogique pour sensibiliser tous les publics aux enjeux nationaux et mondiaux de l'eau. Les débats menés à l'occasion de la mise en œuvre de la directive cadre européenne ont déjà permis de conforter cette orientation et je souhaite que cela soit poursuivi.
Enfin, je me réjouis des avancées que constitue ce projet de loi en ce qui concerne le droit à l'eau, dans la suite des débats du forum mondial de l'eau qui s’est tenu à Mexico en mars 2006.
Vous avez évoqué, monsieur Peiro, la nécessaire coordination des concessions sur un même bassin versant. C'est effectivement une question importante. Les articles 13 et 29 du présent projet de loi représentent déjà une grande avancée vers une gestion coordonnée des ouvrages d'un bassin.
L'établissement d'un règlement commun n'est pas indispensable dans la mesure où il est possible de modifier les règlements d'eau de chacun des ouvrages afin d'assurer cette coordination. Les modifications apportées feront l'objet d'une concertation globale sur le bassin.
En ce qui concerne l'accès à l'eau des plus démunis, je pense que le dispositif prévu par l'article 115-3 du code de l'action sociale et des familles constitue une réponse plus appropriée car il permet un accompagnement par les services sociaux pour une véritable réinsertion des familles concernées.
J'ai été sensible à votre plaidoyer pour un meilleur aménagement des ouvrages hydrauliques facilitant la circulation des engins nautiques non motorisés. Il ne faut pas sous-estimer l'importance des dépenses que peut entraîner un aménagement systématique des ouvrages ; c'est pour cette seule raison que le Gouvernement est réservé sur votre proposition.
S’agissant du crédit d'impôts pour la récupération des eaux pluviales, je ne serais pas opposée à une légère augmentation du taux d'abattement par rapport à celui adopté au Sénat afin de rendre ce crédit plus incitatif.
Vous posez la question de la création de nouvelles ressources tels que barrages ou retenues collinaires. Une récente étude officielle du ministère de l’agriculture nous montre qu'environ 30 % des agriculteurs ne font aucun raisonnement de leur irrigation. Nous voyons ainsi qu'il reste encore beaucoup de marges de manœuvre à mobiliser en matière d’économies d’eau.
Le projet de loi, comme vous l'avez rappelé, ouvre la porte à la création de nouvelles ressources dès lors qu'elles sont écologiquement et économiquement fondées.
Vous avez également cité les compteurs d'eau. Je rappelle qu'il s'agit d'une obligation de la loi de 1992 dont la mise en œuvre devait être effective au plus tard en 1997 ; nous avons presque atteint cet objectif aujourd'hui grâce aux aides financières apportées par les agences de l'eau.
Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué le contrôle des eaux de source en milieu rural ou de montagne. Je pense, comme vous, que ce contrôle doit être adapté aux situations locales. C'est pourquoi, j'envisage de lancer, avec mes collègues du ministère de la santé et de l'intérieur, une mission d'inspection pour définir ces modalités de contrôle. Cependant, nous devons toujours avoir présent à l'esprit que la qualité de l'eau utilisée doit être conforme aux normes sanitaires dans un souci de protection de la santé publique. Je suis sûre que vous êtes d’accord avec moi, et les ruraux ont droit à une eau de même qualité que les citadins.
Vous avez également évoqué la spécificité des milieux ruraux et de montagne. Je vous rappelle que ce projet de loi propose un effort de solidarité sans précédent envers ces milieux, avec un plancher d'aide minimal des agences de l'eau d'un milliard d'euros dans la période 2007-2012.
Comme vous, monsieur Gaillard, je me félicite que la loi consacre l'évolution qu'ont connue les agences de l'eau au cours des quarante dernières années et leur permette enfin de financer, en toute légalité, des investissements aussi majeurs que ceux concernant l'eau potable ou l'évolution des pratiques agricoles. Cela constitue l’un des enjeux majeurs du projet de loi plus encore que le montant total des programmes sur lequel je partage votre analyse : c'est le niveau des redevances et leur impact sur le prix de l'eau qui nous limitera.
En ce qui concerne l'équité des redevances, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'exprimer, je veux souligner que le Gouvernement a fait le choix du pragmatisme plutôt que de l'idéologie, celui de la simplicité plutôt que d'un affichage non réaliste : à quoi sert de bâtir des redevances très complexes censées mieux représenter l'impact sur le milieu si, pour les calculer, l’on est amené à fixer de façon forfaitaire la plupart des paramètres ?
Par ailleurs, ce projet de loi permettra de respecter les directives européennes en particulier, comme vous l'avez signalé, monsieur Gaillard, la directive « Eaux résiduaires urbaines » à laquelle sera consacrée une bonne partie du neuvième programme des agences de l'eau. Cet effort financier accompagnera une action réglementaire sans précédent, visant à mettre aux normes les stations d'épuration dans les plus brefs délais. Je viens de signer une circulaire à ce sujet avec mes collègues Nicolas Sarkozy et Dominique Perben.
En ce qui concerne l'assainissement non collectif, j'avoue partager votre regret que la commission souhaite supprimer la possibilité de faire appel à un dispositif de nature privé et je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée sur ce point.
Monsieur Auclair, pour la fixation de la redevance d'élevage, deux approches étaient possibles : le zonage ou la densité des élevages. Le groupe de travail des députés et des sénateurs a retenu la deuxième solution avec un coefficient de 1,4 unité de bétail par hectare de surface agricole utilisée.
Je note que ce groupe de travail a, à la fois, refusé d'exonérer totalement certaines zones et supprimé toute modulation au niveau des bassins. Les simulations ont montré que les résultats sont très proches entre les deux méthodes. Il n'y a donc pas lieu de les cumuler en exonérant en plus les zones non vulnérables, les zones de revitalisation rurale ou les zones défavorisées.
Sur les bases actuelles, on exclut des redevances la quasi- totalité des élevages de vaches allaitantes, notamment ceux du Massif central.
Le total des quatre régions – Auvergne, Bourgogne, Limousin et Lorraine – représente à peine 3,6 % des éleveurs et des unités de bétail concernés par la redevance.
À l'opposé, les trois régions Bretagne, Pays-de-Loire et Basse-Normandie représentent les deux tiers des éleveurs redevables et 71 % des unités de bétail concernées par la redevance. Je tiens les cartes à votre disposition, monsieur Auclair.
Les seuls élevages qui paient une redevance dans le Massif central sont les gros élevages qui risquent, à eux seuls, de polluer les rivières préservées de ces régions.
De plus, je tiens à votre disposition trois cartes de ces zones, dont le seul examen montre que plus de la moitié du territoire serait concernée par votre proposition, ce qui me paraît tout à fait excessif.
Je voudrais être plus proche de la réalité en indiquant que, en ce qui concerne les pollutions diffuses, nous constatons une certaine stabilisation voire une régression dans de nombreuses régions. Cependant nous ne saurions pour autant nous en contenter. L'ambition du projet de loi reste bien d'accélérer l'amélioration de la qualité de nos eaux pour atteindre l’objectif de bon état des eaux en 2015.
Enfin, monsieur Rouault, j’ai relevé que vous mainteniez, lors de cette deuxième lecture, votre refus d'une taxe départementale sur l'eau. Le Gouvernement avait évoqué cette possibilité lors de la préparation du projet de loi, mais il ne l'avait pas retenue dans sa version finale. De fait, la solidarité rurale est bien traitée depuis cette année par les agences de l'eau. Comme vous le savez, le Gouvernement s'en remettra sur ce point à la sagesse de votre assemblée, comme il l'a fait au Sénat.
De même, vous souhaitez la suppression du projet de taxe sur les eaux pluviales. L'assainissement pluvial présente des enjeux multiples tant quantitatifs que qualitatifs et le Sénat est particulièrement attaché à cette taxe, qui n’était qu’optionnelle dans le projet initial. Son objectif est de soulager le budget général des communes pour le financement de la matrice des eaux pluviales et éviter qu'il soit fait appel indûment au budget de l’eau et de l’assainissement. Toutefois, je comprends votre souci de ne pas créer de taxe nouvelle et, là encore, je m'en remettrai à la sagesse de votre assemblée.
La parole est à M. Pierre Ducout.
Nous regrettons que, après avoir diabolisé par une présentation simpliste le projet de loi voté en première lecture par notre assemblée en 2002, vous l’ayez abandonné et pris beaucoup de temps pour faire avancer les objectifs de notre politique de l’eau.
Pour notre part, nous avons toujours voulu nous inscrire de manière constructive dans cette politique. Nous avons ainsi réuni autour du Cercle français de l’eau, que je co-préside avec le sénateur Jean-François Le Grand, l’ensemble des partenaires concernés pour une meilleure connaissance réciproque, dans un respect mutuel des problématiques de chacun. À cet égard, madame la ministre, je vous remercie d’avoir participé aux différents colloques que nous avons organisés et qui nous ont permis de présenter les propositions les plus consensuelles possible.
Le rapporteur du Sénat et le nôtre ont indiscutablement travaillé. Ils ont fait avancer le texte sur de nombreux points et formulé des propositions que nous pouvons partager. Cependant, le fait que certains points importants à nos yeux aient été écartés sans argumentation suffisante me pousse à défendre aujourd'hui cette motion de renvoi en commission.
Le droit à l’eau potable dans des conditions économiques supportables est affirmé et l’interdiction formelle de couper l’eau aux familles doit être claire. Jean Launay a insisté sur la nécessaire instauration d’un tarif social.
Je considère également comme satisfaisant l’équilibre trouvé dans la gestion quantitative des cours d’eau et des masses d’eau, avec les priorités définies à l’article 14 A, en particulier pour l’alimentation en eau potable de la population et pour la vie biologique du milieu récepteur.
La prise en compte des éléments de sécheresse répétée, de canicule, dont le lien avec le changement climatique est aujourd’hui admis par la quasi-totalité des scientifiques, rend indispensable la promotion d’une utilisation efficace, économe et durable des ressources. Leur meilleure mobilisation et la création de possibilités de stockage s’inscrivent dans la logique du principe de précaution.
Les débits réservés prennent correctement en compte l’intérêt qu’à notre pays à conserver, voire à développer, une production d’énergie hydraulique indispensable au respect de nos engagements européens en matière d’électricité renouvelable. Ces équipements participent d’ailleurs fréquemment au soutien des étiages.
La préservation des activités de pêche est assurée avec une attention particulière pour les poissons migrateurs. Parmi les activités nautiques, le canoë-kayak est bien reconnu dans son rôle environnemental, social et sportif pour beaucoup de nos concitoyens.
S’agissant de l’entretien des rivières, les droits et obligations des riverains comme le rôle des communes ou des intercommunalités sont correctement pris en compte pour leur entretien intelligent des cours d’eau.
En matière de gouvernance de l’eau, nous approuvons la répartition des différents collèges au sein des instances, qui permet à tous les acteurs d’être correctement représentés, en particulier aux comités de bassin.
En matière de lutte contre les pollutions, nous sommes satisfaits que notre commission propose de porter le plafond des dépenses des agences de l’eau à 14 milliards d’euros pour la période 2007-2014 et fixe le montant global de la dépense spécifique en faveur des communes rurales à 1 milliard d’euros pour la même période. Elle prend également correctement en compte l’action des SATESE en direction des communes rurales, portée par les départements. Nous espérons que toutes ces dispositions seront votées à l’occasion de cette deuxième lecture et acceptées lors de la CMP, grâce à votre soutien, madame la ministre.
Toutefois l’objectif de bonne qualité des eaux en 2015 ne peut être atteint que si chacun se mobilise, d’une manière solidaire, sans qu’aucun ne donne l’impression de traîner les pieds. De ce point de vue, madame la ministre, la taxe sur les phytosanitaires est indispensable.
Nous connaissons naturellement les efforts consentis par beaucoup d’agriculteurs pour mettre en œuvre une agriculture raisonnée, comme certains l’ont noté.
Les deux autres points concernent plus spécifiquement les services publics d’eau et d’assainissement.
Pour assurer ces services, nous disposons, à côté des régies – André Chassaigne a bien expliqué pourquoi il les soutenait –, de grandes entreprises privées dont le savoir-faire est reconnu. Certes, elles constituent un atout pour notre pays au niveau international, mais il faut naturellement les surveiller et les contrôler pour un bon fonctionnement de notre démocratie afin que nos concitoyens n’aient pas l’impression d’être les vaches à lait de ces grands groupes. De ce point de vue, le haut conseil de l’eau que nous avions prévu de créer aurait pu apporter son appui dans le suivi et le contrôle des contrats, en particulier par rapport aux petites et moyennes collectivités, avec le pouvoir exceptionnel de casser des contrats léonins sans versement d’indemnités. C’eût été un outil de confiance pour nos concitoyens, à même de contribuer à la bonne marche de ces services et au bon fonctionnement du marché, qui n’est pas un duopole, contrairement à ce que pensent certains.
Le conseil de la concurrence ne peut pas assurer facilement la lisibilité de ce besoin de concurrence en matière de distribution de l’eau. Les avancées positives mais difficiles de l’évolution du contrat de concession entre une grande collectivité que je côtoie, la communauté urbaine de Bordeaux, et son prestataire, montrent que cet outil pouvait avoir son utilité pour les collectivités de taille moindre – les petites et moyennes communes, en particulier –, même si l’Association des maires de France a fait un travail constructif en la matière.
Pour le suivi et la transparence des services publics de l’eau, la précédente majorité avait créé en 2002, dans le cadre de la loi relative à la démocratie de proximité, des commissions consultatives et des services publics locaux. Ces commissions permettent à nos concitoyens d’exercer un contrôle à travers la présence de représentants d’associations de consommateurs, en particulier sur le bon fonctionnement du service public, au regard de critères tels que la nécessaire transparence financière, la réalisation des investissements prévus, l’utilisation des provisions, voire le niveau de la part fixe dans le prix de l’eau.
Autrement dit, cela constitue un bon outil de démocratie participative, à l’heure où la gestion de l’eau dans notre pays souffre d’un déficit d’information, de compréhension des enjeux, d’implication des consommateurs, par ailleurs de plus en plus sensibles aux enjeux sanitaires environnementaux. De là naissent de nombreuses incompréhensions sur le juste prix de l’eau, sur la qualité de l’eau distribuée – beaucoup de nos concitoyens répugnent encore à boire l’eau du robinet, pourtant de bonne qualité pratiquement partout –, sur l’état réel des milieux, sur la responsabilité des différents usagers en période de sécheresse estivale.
Faire vivre le débat public s’avère d’autant plus nécessaire que la directive-cadre sur le bon état des eaux exige la participation du public à l’élaboration et au suivi des documents de planification et que la convention d’Aarhus, ratifiée par la France, tend à favoriser l’information et l’implication des citoyens dans le domaine environnemental.
Je regrette, monsieur le rapporteur, que vous n’ayez pas conservé la rédaction qu’avait proposée le sénateur Le Grand pour rendre les commissions obligatoires dans les EPCI de plus de 20 000, qui ont les moyens de les faire fonctionner, tout en saluant l’avancée que vous proposez.
Si ce texte était renvoyé en commission, vous pourriez nous présenter le fonctionnement actuel de ces commissions et les résultats de l’enquête que vous citez dans votre rapport, relativement complet par ailleurs. De ce point de vue, nous reconnaissons qu’il faut du temps avant de faire fonctionner de telles structures.
Les outils prévus par la loi sur l’eau votée en 1992 par la majorité de gauche, comme les SAGE, ont été mis en place là où ils étaient nécessaires ; nous en avons cinq en Gironde. Cela a pris du temps, notamment parce qu’il fallait d’abord voter les SDAGE. Les SAGE fonctionnent, mais ne sont pas suffisamment pris en compte dans votre texte. En effet, il ne suffit pas de les élaborer ; encore faut-il les faire appliquer. Les commissions locales de l’eau, les CLE, doivent assurer les objectifs fixés par les SAGE. Il faut conserver la possibilité d’un financement incitatif par le biais d’une redevance spécifique SAGE portée par les agences de l’eau et rendre obligatoire la présence des présidents des CLE dans les cellules « sécheresse » des préfectures, de manière à assurer le lien entre les mesures nationales, les orientations des SAGE et les réalités du terrain et enfin le soutien des CLE par les départements, quel que soit l’avenir qui sera réservé par la commission mixte paritaire aux fonds départements.
Enfin, je veux insister sur trois points qui me paraissent importants pour nos concitoyens.
Le premier concerne les services publics d’assainissement non collectifs, les SPANC. Certaines familles modestes peuvent rencontrer des difficultés financières pour mettre à niveau leur assainissement individuel, en particulier en milieu rural. L’objectif fixé par notre rapporteur d’une échéance en 2013 et deux ans pour la mise aux normes me paraît raisonnable. Cela correspond à l’objectif de 2015 de la directive-cadre européenne et n’empêche pas les contrôles immédiats pour les cas les plus nocifs au milieu.
Le deuxième point est relatif à l’incitation financière pour la récupération de l’eau de pluie. Il s’agit d’un bon signe, étant entendu qu’il existe dans nombre de secteurs des nappes de surface impropres à l’eau potable qui peuvent être avantageusement utilisées pour l’arrosage. N’incitons pas à engager des travaux énormes pour récupérer les eaux de pluie, là où de telles nappes existent.
Enfin, le fonds de garantie des boues de stations d’épuration est nécessaire, mais il ne faudra pas que tous les agriculteurs acceptent ces boues en vertu de l’application du principe de précaution généralisé. Je pense en particulier aux exigences actuelles de la grande distribution. De ce point de vue, un compostage de ces boues peut, dans certains cas, permettre à la fois une meilleure traçabilité, voire une meilleure acceptabilité.
Enfin, il faut rappeler que si la France n’est pas menacée d’aridité, les déséquilibres chroniques constatés en certains lieux et à certaines périodes entre les ressources et les usages doivent amener les consommateurs à adopter un comportement économe pour une utilisation rationnelle et intelligente de la ressource disponible. Les bonnes pratiques se multiplient en ce sens à l’initiative des usagers, des collectivités et des associations. Il faut à la fois les évaluer et les faire connaître. Il est regrettable que le texte qui nous est présenté ait insuffisamment pris en compte cette exigence nouvelle qui est en cohérence avec la charte de l’environnement et sa référence explicite à une politique publique de développement durable. En cette matière, il faut de la pédagogie mais certainement pas de simplisme.
En conclusion, en raison des trois points importants que j’ai soulignés pour atteindre un bon état écologique des eaux et obtenir la confiance de nos concitoyens sur l’effort partagé nécessaire à cet objectif – redevance excédent d’azote déclarative et non diabolisée, garantie de l’équilibre des contrats de gestion des services d’eau et d’assainissement pour les petites communes en particulier, participation de nos concitoyens à travers les commissions consultatives des services publics locaux – je demande le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Il a voulu saluer le travail partenarial qui a été réalisé en commission. Nous ne sommes pas parvenus à un accord généralisé, mais cela est normal puisque la majorité et l’opposition ont des opinions différentes.
En ce qui concerne le tarif social, un effort a été réalisé, des dispositifs existent. Quant à la redevance nitrates, je vous indique que le prix des nitrates d’origine minérale a augmenté de 40 % ces cinq dernières années et que la consommation agricole de nitrates minérales a baissé d’autant. La question d’actualité est donc plutôt celle des pesticides. Vous l’avez souligné et je crois qu’il est important que l’on puisse traiter de ce sujet.
S’agissant des commissions consultatives, une ouverture a été faite. Laissons évoluer les choses.
Enfin, il me semble qu’il y a un peu de caricature dans l’opposition que l’on peut faire entre la gestion par des grands groupes et la gestion par des régies. Je vous donnerai demain des chiffres. Je ne pense pas que l’on puisse séparer les communes selon qu’elles ont choisi les grands groupes ou les régies.
Pour toutes ces raisons, je souhaite que nous puissions passer à l’examen des amendements.
Si nous sommes d’accord pour considérer que ce texte sera nécessaire aux agences et pour appliquer les priorités inscrites dans la directive-cadre sur l’eau, nous ne voulons pas laisser croire que nous sommes pour le texte tel qu’il nous est proposé ce soir. Tous les points mis en avant, tant au cours de la discussion générale que dans les différentes motions, montrent bien nos différences de conception de travail et de méthode.
Les points de divergence que nous avons mis en avant devront faire l’objet, amendement par amendement, d’une discussion de fond.
Je reprendrai les trois points mis en avant par M. Ducout.
S’agissant de la redevance nitrates, il a raison de dire qu’elle a un sens dans une logique de pollueur-payeur. Cependant nous avons abordé le problème de manière tellement adroite que c’est devenu un chiffon rouge pour le milieu agricole. Ce n’est pas en commission que l’on peut régler un tel problème. Il faudra sans doute y revenir, parler à nouveau avec les agriculteurs, même si les nitrates ont reculé dans l’agenda des priorités.
En ce qui concerne la commission consultative des services publics, on aurait besoin d’un sérieux diagnostic. Ce système ne fonctionne pas…
Enfin, s’agissant des eaux potables, comme l’a indiqué M. Ducout, les nappes superficielles peuvent être utilisées, notamment pour des tâches de lavage. Nous sommes parvenus à un vrai consensus sur le système de récupération des eaux pluviales. Cela ne justifie donc pas un renvoi en commission.
On voit bien que, sur certains points, les clivages sont très profonds. Néanmoins ce n’est pas en renvoyant ce texte en commission que l’on réglera les problèmes. Aussi l’UDF souhaite-t-il en venir, dès maintenant, à la discussion des articles.
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Le droit d’accès à l’eau potable doit s’exercer dans des « conditions économiquement acceptables par tous », usagers et collectivités.
Si nous pouvons accepter votre amendement sur la forme, il ne faudrait pas que la forme masque le fond. Je serai donc plus pugnace sur le fond du débat dans les deux amendements suivants.
(L'amendement est adopté.)
Cet amendement propose de compléter l’article 1A par deux alinéas supplémentaires : le premier reconnaît que l’eau est un produit de première nécessité et que « le service public de l’eau doit être géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix, et d’efficacité sociale, économique et environnementale » ; le second dispose que « le service public de l’eau est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l’État et les communes ou les établissements publics de coopération ».
Autrement dit, la garantie d’approvisionnement en eau potable sur l’ensemble du territoire national doit se faire dans le respect de l’intérêt général et le souci de la cohésion sociale. Le droit à l’eau pour tous n’est pas seulement une question de lutte contre les exclusions ; il est aussi au cœur du développement équilibré du territoire et du respect de l’environnement.
Cet amendement a été rejeté par la commission pour deux raisons fondamentales.
Il affirme d’abord que l’approvisionnement en eau doit être garanti « sur l’ensemble du territoire national ». D’après ce qui vient d’être dit sur le droit à construire, tout individu qui prendrait l’initiative de construire et ne serait pas désavoué par le juge administratif, pourrait ensuite, en invoquant les dispositions de cet amendement, imposer la construction de kilomètres de canalisation.
Le deuxième alinéa n’est pas davantage acceptable parce que 2 % à 5 % de la distribution d’eau est assurée, non pas par le service public, mais par des associations.
Loin de nous l’idée d’obliger les communes à construire des réseaux interminables. Nous sommes, pour la plupart, des élus ruraux et nous savons ce qu’il en coûterait. Nous voulons seulement exprimer une préférence pour le service public dans la fourniture de l’eau qui coule des robinets. Il ne s’agit pas forcément d’en poser des nouveaux.
Cela étant, nous entendons affirmer que le service public de l’eau doit concourir à la cohésion sociale en assurant le droit à l’eau, laquelle, étant un bien de première nécessité, doit être gérée dans le respect des principes d’égalité et de continuité.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Si nous laissons le texte tel qu’il est, nous ne passerons jamais à la phase effective de mise en œuvre de ce droit. Il faut donc donner aux collectivités de base les moyens de le faire.
En 2005, 20 000 personnes seulement ont été aidées pour payer leur facture d’eau par le fonds de solidarité pour le logement. Cet amendement, en prévoyant la possibilité de prendre des mesures, notamment financières, évitera que ne se créent des stocks de dette et rendra l’eau plus accessible aux ménages démunis et pas uniquement aux ménages endettés.
Il s’agit de reconnaître aux pauvres leur droit à vingt litres d’eau minimum par jour et par personne, en laissant les collectivités compétentes ajuster leur tarification. Nous préconisons donc la solidarité en amont, pour donner toute leur effectivité aux dispositions de principe adoptées par le Sénat.
Tout d’abord, vous confiez la gestion du tarif social aux communes ou aux intercommunalités. Or c’est le département que les lois de décentralisation chargent d’organiser la solidarité,...
Ensuite, vous avez souligné à juste titre que 20 000 personnes avaient été aidées, au lieu des 500 000 prévues. Cependant, comme le FSL est abondé de façon volontariste par les distributeurs d’eau, en fonction de conventions locales plus ou moins efficaces, l’absence d’égalité de l’ensemble des fournisseurs d’eau devant le FSL au niveau départemental constitue un premier blocage pour le financement de l’aide aux familles défavorisées.
Enfin, votre système crée des charges supplémentaires de fonctionnement, de suivi et d’évaluation.
Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable à cet amendement.
Monsieur le rapporteur, je ne suis pas d’accord avec votre dernier argument. Nous ne créons pas de charges nouvelles ; nous donnons simplement la possibilité à ceux qui le souhaitent d’instaurer, en fonction de leur budget et de la population concernée, une tarification sociale de l’eau. Notre assemblée s’honorerait en votant cet amendement. Nous ferions une erreur de ne pas aller plus loin dans la discussion car nous risquons de laisser passer une chance historique sur un sujet délicat et sensible.
L’eau est un bien vital pour tous, surtout pour les plus pauvres et les plus démunis dans le budget desquels elle pèse proportionnellement plus lourd. Au lieu de renvoyer au fonds de solidarité pour le logement une fois que les stocks de dette existent – qu’il s’agisse des factures d’électricité, de téléphone ou d’eau –, je préconise une intervention en amont, en laissant la possibilité aux collectivités qui en ont les moyens et qui le voudront, de créer un tarif différencié de l’eau, en fonction de la situation des usagers qu’elles connaissent bien.
Vos arguments, monsieur le rapporteur, ne résistent pas à l’analyse.
La facture d’eau pèse lourd dans le budget des ménages modestes, et elle pèsera encore davantage demain quand il faudra, conformément à notre objectif pour 2015, assurer le bon état écologique de l’eau grâce à des stations d’épuration plus performantes.
La seconde raison de mon soutien, c’est qu’il est indispensable que les collectivités locales puissent mener leur propre politique publique. S’il y a une volonté sociale, dans une collectivité, d’aller encore plus loin pour garantir ce droit à l’eau, pour faire que ce ne soit pas uniquement considéré comme un principe, un besoin essentiel, un droit fondamental, mais qu’il puisse être concrétisé par des choix politiques de service public de l’eau, un tel amendement permettrait de satisfaire cette volonté.
Je ne comprends qu’il y ait un blocage…
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 1er A, ainsi modifié, est adopté.)
L’amendement n° 69 de la commission est rédactionnel et il recueille l’accord du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
L’amendement, qui étend le pouvoir de l’administration de suspendre ce droit aux berges incluses dans des parcelles avec animaux au motif que le passage sur les prairies ou pâtures mettrait en danger les marcheurs n’est pas pertinent puisque, par définition, le long du domaine public il ne peut pas y avoir de pâtures et d’animaux qui s’y baladent, à moins d’être en vagabondage.
Sur le fond, s’agissant des terrains privés grevés de servitude le long des cours d’eau du domaine public fluvial, les pêcheurs bénéficient de longue date de l’usage du droit de pêche et de la possibilité d’utiliser la servitude de marchepied, et la cohabitation éventuelle avec des animaux ne pose pas de problème. L’extension à d’autres piétons ne devrait pas non plus en poser parce qu’il est explicitement prévu que la responsabilité des propriétaires ne peut être engagée qu’en cas de faute.
J’ajoute un argument complémentaire en rappelant que le bétail est en général en liberté sur des parcelles clôturées, et que cette clôture doit se situer au-delà des 3,25 mètres de servitude de marchepied laissés libre d’accès aux pêcheurs et piétons. Le bétail n’est pas censé se trouver sur l’espace de servitude.
Pour toutes ces raisons, monsieur de Courson, je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi j’y serais défavorable.
Mon amendement n’ouvre pas un droit général. Il prévoit seulement la possibilité, pour l’autorité administrative, de prendre en compte cette situation. Tel qu’il est interprété, le texte interdit-il à l’autorité administrative de le faire ? Il me semble que oui. Si vous me dites le contraire, madame la ministre, je retire mon amendement.
Monsieur de Courson, imaginez un seul instant que l’Assemblée adopte votre amendement : cela voudrait dire qu’il y aurait des kilomètres et des kilomètres de bordures de rivières qui ne seraient plus accessibles aux pêcheurs.
Vous avez trois fois tort.
D’abord, vous avez tort parce que, dans l’exposé sommaire que vous avez présenté, vous parlez de chemin de halage faisant partie du domaine public. Comme le rapporteur et Mme la ministre vous l’ont très bien expliqué, je ne vois pas pourquoi vous voulez empêcher les gens, y compris les pêcheurs, de passer sur le domaine public.
Deuxièmement, s’agissant des domaines privés, le long des cours domaniaux – sur les cours d’eau non domaniaux les propriétaires ont le droit de clore, et il n’y a pas de servitude dévolue aux pêcheurs –, il y a une servitude dévolue aux pêcheurs de 1,50 mètre, et, surtout, une servitude de marchepied de 3,25 mètres dévolue aux agents de l’administration. Je vous rappelle que sur cette largeur de 3,25 mètres, les propriétaires n’ont pas le droit de planter, de semer et de clore. S’il y a une clôture à mettre en bordure du champ, elle doit donc être à 3,25 mètres de la crête du talus.
Monsieur de Courson, vous nous avez habitués à beaucoup mieux que ça.
Mes chers collègues, si vous aviez déjà planté des clôtures, vous le sauriez.
Je mets aux voix l'amendement n° 206.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
Dans ce débat sur les aménagements hydrauliques, ces poissons sont souvent les premières victimes du manque d’aménagement et du manque d’équilibre dans notre gestion des différents usages de la rivière. C’est pourquoi nous souhaitons garantir le principe de leur libre circulation en ajoutant cette mention spécifique dans cet article.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)
Discussion de la proposition de loi, n° 3490, de MM. Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin tendant à prévenir le surendettement :
Rapport, n° 3495, de M. Jean-Christophe Lagarde, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
À quinze heures, deuxième séance publique :
Déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et débat sur cette déclaration.
Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi de modernisation du dialogue social, n° 3456.
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 3303, sur l’eau et les milieux aquatiques :
Rapport, n° 3455, de M. André Flajolet, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
La séance est levée.
(La séance est levée à une heure quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton