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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 12 décembre 2006

89e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

prévention du surendettement

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin tendant à prévenir le surendettement (n° 3490, 3495).

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Madame la présidente, madame la ministre déléguée au commerce extérieur, mes chers collègues, vous connaissez bien l’objet de notre débat car nous sommes tous confrontés aux ravages du surendettement, dont nous constatons chaque jour, dans nos circonscriptions, qu’il est un facteur d’exclusion sociale. Vous connaissez aussi, pour en débattre régulièrement depuis quatre ans au moins, l’un des remèdes que vous propose ce matin le groupe UDF.

En 2003, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, notre assemblée avait adopté une partie de ce dispositif, qui fut ensuite, hélas, annulé par le Sénat. En septembre de la même année, une centaine de députés du groupe UMP cosignaient la proposition de loi de M. Masdeu-Arus tendant à prévenir le surendettement au moyen de ce qu’il est convenu d’appeler un « fichier positif ».

En janvier 2005, le groupe UDF vous avait proposé une première proposition de loi visant à prévenir le surendettement. Vous aviez adopté deux articles sur quatre, rendant ainsi obligatoire, pour le prêteur et pour l’emprunteur, un délai d’agrément de sept jours afin que la banque puisse vérifier la solvabilité de l’emprunteur et que ce dernier puisse se rétracter sans avoir à rembourser les sommes déjà engagées. Transmis au Sénat, ces articles n’y ont toujours pas été examinés.

La présente proposition de loi reprend les deux articles restants, qui visent à créer un fichier positif et à rendre l’établissement de crédit coresponsable de l’insolvabilité éventuelle du souscripteur en l’absence de vérification. Ces articles n’avaient pas été adoptés en 2005, le ministre ayant annoncé en séance que le Gouvernement s’engageait à poursuivre la réflexion sur ces sujets et à nommer un parlementaire en mission. Deux ans auparavant, lors de la discussion de la loi du 1er août 2003, le ministre avait déjà annoncé que le Gouvernement présenterait un texte sur la prévention du surendettement.

Ces engagements n’ont pas été tenus. Il est important d’affirmer clairement la volonté de notre assemblée de combler les lacunes du dispositif de lutte contre le surendettement, et spécialement de son volet préventif, car malgré les mesures de redressement personnel créées par la loi Borloo et celles visant à améliorer l’information du consommateur, rien n’est prévu pour une réelle prévention, sur le principe duquel tous les groupes politiques s’accordent. D’ailleurs, fin janvier 2005, au cours de la discussion en séance publique, le président de notre commission, Patrick Ollier, arguant de difficultés d’ordre technique et administratif, reconnaissait la nécessité de faire évoluer la législation et demandait au ministre d’engager une réflexion commune sur ces questions. Malheureusement, rien n’a été fait et le projet de loi sur la protection des consommateurs, tant annoncé, ne contient toujours pas de dispositions en ce sens.

L’orateur du groupe UMP, M. Luc Chatel, après s’être prononcé dans un premier temps en faveur de la création du fichier positif, a jugé nécessaire d’affiner ce concept, y voyant un objectif de moyen terme. Deux ans – quatre si l’on tient compte de l’amendement créant le fichier positif adopté en 2003 par notre assemblée – n’est-ce pas le moyen terme quand on sait que le surendettement ne cesse d’augmenter ?

À la fin de l’année 2005, au sens de la Banque de France, 648 500 ménages étaient surendettés. Ces ménages sont particulièrement vulnérables : en 2004, dans 64 % des cas, soit six points de plus qu’en 2001, il s’agissait de personnes seules. Cette proportion a doublé depuis les années quatre-vingt-dix. Aujourd’hui, 70 % des surendettés perçoivent des revenus inférieurs ou égaux à 1 500 euros par mois. Les ouvriers et les employés sont les catégories les plus représentées – 55 % – et la part des chômeurs et des inactifs – 34 % en 2004 – a progressé de deux points.

Les situations de surendettement dit « passif » restent majoritaires et leur nombre augmente. La perte d’emploi demeure toujours le principal « accident de la vie » puisqu’elle est à l’origine de 31 % des situations de surendettement, devant le divorce ou la séparation – 15 %. On sait bien que les personnes frappées par ces accidents de la vie pensent que souscrire un crédit leur permettra d’attendre le retour à meilleure fortune.

Le rôle de l’endettement bancaire et financier est souvent déterminant : dans six dossiers sur dix, il représente au moins 75 % de la totalité des dettes. La part des crédits à la consommation est en augmentation. Le nombre des crédits renouvelables dans les dossiers de surendettement a augmenté de 5 % par rapport à 2001. Ils se concentrent sur un nombre plus faible de dossiers – 63 % en 2004 contre 82 % en 2001 –, mais leur nombre moyen par dossier augmente – trois en 2001, six en 2004, et sans doute un peu plus aujourd’hui.

Plusieurs autres indicateurs sont inquiétants. Dans un nombre croissant de situations – 32 % contre 27 % en 2001 –, les commissions constatent une absence totale de capacité de remboursement, ce qui prouve que le crédit a dépassé la limite raisonnable.

Et si l’endettement des ménages français reste globalement inférieur de 30 % à celui des autres ménages européens – dans une Union européenne à quinze, pour comparer ce qui est comparable – il progresse plus vite depuis 2005, du fait d’une forte progression du crédit à l’habitat. En tout état de cause, le crédit à la consommation augmente aujourd’hui plus vite que les revenus.

En dépit de cette situation, le volet préventif reste absent de la politique de traitement du surendettement. L’instauration, en 2003, d’une procédure de rétablissement personnel dite « faillite civile » a constitué une évolution très importante, à l’appui de l’action des commissions de surendettement. Elle concerne environ 19 000 personnes par an. Par ailleurs, en amont, la loi Chatel de janvier 2005, que nous avons adoptée, a amélioré le dispositif d’information sur le crédit renouvelable et le crédit dit gratuit, mais mon sentiment est que, si la lettre de la loi est respectée, ce n’est pas toujours le cas de son esprit : l’offre de crédit, notamment le crédit revolving, reste peu lisible et trop agressive. Encore faut-il que tout le monde puisse lire une telle information, ce qui n’est pas le cas puisque 15 % de la population de notre pays – cela concerne notamment les plus pauvres – est illettrée !

Mais aucune mesure sur la responsabilisation des prêteurs n’a été mise en place, pas plus qu’une véritable politique de prévention du surendettement.

C’est d’autant plus problématique que le Gouvernement cherche à élargir l’accès au crédit afin de favoriser la consommation, donc de soutenir la croissance : plan d’action de janvier 2006 pour faciliter l’accès de tous les Français aux services bancaires ; ordonnance de mars 2006 sur le prêt hypothécaire rechargeable et le prêt viager hypothécaire ; projet de loi relatif à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé, examiné hier par notre assemblée.

Cette politique doit impérativement être complétée par des mesures de prévention du surendettement, d’autant que le développement du commerce et du crédit sur Internet multiplie les tentations et raccourcit les délais de réflexion.

Si le ministère des finances a sans doute raison de rechercher à relancer une part de la croissance par le crédit aux ménages, il aurait évidemment tort de vouloir financer une croissance éphémère par le surendettement de dizaines de milliers de Français. Il en résulterait des conséquences socialement désastreuses et économiquement inefficaces.

Mes chers collègues, le dispositif qui vous est proposé a une finalité très claire – la prévention du surendettement – et il est encadré de toutes les garanties appropriées.

J’attire votre attention sur la nécessité de nous préserver des marchands d’informations : un fichier positif public aurait de grandes chances d’éviter le développement de fichiers privés, notamment en occupant le marché et en décourageant les initiatives privées, qui offriraient moins de garanties, alors que des demandes en ce sens existent et qu’un lobby important emporte déjà des victoires. CETELEM et COFINOGA ont reçu de la CNIL l’autorisation de regrouper leurs fichiers pour pouvoir recouper leurs informations. Qui peut penser qu’au sein d’un même groupe ces informations ne seront pas utilisées pour prospecter les clients ?

On nous oppose souvent l’absence de consensus sur notre proposition. Mais, mes chers collègues, comment un consensus pourrait-il exister, par exemple au sein des établissements de crédit, dans la mesure où ceux-ci se sentent menacés, craignant que le dispositif n’accroisse la concurrence et que son financement ne leur incombe ?

Grâce au fichier positif, les établissements de crédit disposeraient d’informations plus fiables sur leurs clients potentiels, sans que celles-ci puissent être exploitées en vue de prospections commerciales. Mais, aujourd’hui, ils pensent tous avoir le meilleur fichier commercial et préfèrent s’en tenir au statu quo.

À l’étranger, les sociétés utilisent sans problème ce type de répertoire par l’intermédiaire de leurs filiales : sur les quinze « anciens » États membres de l’Union européenne, seuls deux d’entre eux, la Grèce et le Luxembourg, ne disposent d’aucun système de fichier. La France, la Finlande et le Danemark n’ont mis en place qu’un fichier négatif. Tous les autres pays disposent des deux types de fichiers.

Quant aux associations de consommateurs, leurs réserves portent sur deux points principaux.

Un tel fichier risquerait de restreindre l’offre de crédit, l’établissement d’un seuil d’endettement faisant disparaître l’appréciation personnalisée de la situation des emprunteurs. Au contraire : c’est la capacité financière de chacun qui pourra être précisément appréciée par les prêteurs, sans que l’examen des dossiers soit limité, comme c’est le cas aujourd’hui, par des critères souvent discriminatoires, tels que l’âge, le département de résidence, le fait d’être propriétaire ou non, d’être sous CDD ou sous CDI. Ce fichier permettrait à nos concitoyens emprunteurs de devenir des clients, et non d’être des statistiques victimes du credit scoring, forme de probabilité de remboursement qui empêche les banquiers de faire leur métier en jugeant au cas par cas.

L’autre sujet de préoccupation tient à la protection de la vie privée. Ces craintes me semblent exagérées. Outre que le dispositif proposé est très encadré, des mesures de protection efficaces ont pu être mises en place pour les fichiers existants et il y a des possibilités d’amélioration importantes, qui devront s’appliquer au fichier positif. De même, la consolidation des données évitera le risque de réutilisation commerciale des données enregistrées.

Calqué sur la réglementation en vigueur pour le FICP – le fichier des incidents de paiement –, le fichier positif sera géré par la seule Banque de France. Son champ en est restreint : il recensera les crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels et sera alimenté par les établissements de crédit. Il n’y a donc pas de risque d’une accumulation de données financières de toute nature.

Enfin, les technologies actuelles permettent une mise à jour rapide des informations. La consolidation des données financières doit éviter une utilisation commerciale ou excessive par des tiers ; il en est de même des droits d’opposition, d’accès et de rectification.

Le fichier qui vous est proposé sera soumis au droit commun de la loi de 1978 dite « Informatique et libertés », qui donne à la CNIL d’importants pouvoirs de contrôle et de sanction. Rappelons que les infractions à la loi de 1978 sont punies par le code pénal de sanctions allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

Quant aux mesures d’application, elles devront être détaillées par décret en Conseil d’État, après avis de la CNIL et des parties prenantes.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à marquer clairement l’engagement de notre assemblée sur cette question cruciale, cette proposition pouvant naturellement être améliorée au fil de la navette parlementaire.

Si nous ne le faisions pas, notre assemblée marquerait pour la troisième fois en quatre ans son abandon des Français aux seules lois du marché bancaire. Pis, elle consacrerait son inaction face à ces 200 000 familles qui entrent en surendettement chaque année, alors que la situation de la moitié d’entre elles pourrait être évitée ou fortement atténuée.

Depuis 2003, date de la première initiative du groupe UDF lors de cette législature, 800 000 familles sont entrées en surendettement.

Mes chers collègues, alors qu’il vous sera probablement proposé de refuser le passage à la discussion des articles, votre rapporteur vous demande de penser, au moment de votre vote, à ces familles et à celles qui sont d’ores et déjà menacées pour demain.

Quand un conducteur roule trop vite, nous acceptons tous que des radars lui indiquent qu’il va trop vite, afin qu’il lève le pied et sauve ainsi sa famille. Combien de temps allons-nous accepter que quelqu’un qui s’enfonce dans un usage excessif du crédit puisse mettre en danger, d’une façon tout aussi grave, sa famille et lui-même ?

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gilles Artigues.

M. Gilles Artigues. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour prolonger les propos de mon collègue Jean-Christophe Lagarde, qui connaît parfaitement ce dossier et qui a fait preuve d’une étonnante constance tout au long de cette législature, je voudrais vous citer quelques chiffres édifiants, pris à la source, celle de la Banque de France. Ces chiffres nous permettront de comprendre l’étendue du problème et la gravité du surendettement.

On apprend ainsi que, d’un point de vue socioprofessionnel, les ouvriers et employés demeurent les plus représentés : 55 % des dossiers de surendettement. La part des chômeurs et inactifs progresse : 34 % en 2004, contre 32 % en 2001.

Une proportion très importante – 70 % – des surendettés perçoit des revenus inférieurs ou égaux à 1 500 euros par mois, et les revenus de la majeure partie d’entre eux, près de 45 %, sont même inférieurs ou égaux au SMIC.

En effet, 73 % des situations de surendettement sont des situations d’endettement dit « passif », c’est-à-dire la conséquence d’un événement inattendu qui provoque une forte diminution des ressources : maladie, perte d’emploi, divorce. Ces causes ont augmenté de 9 % par rapport à 2001.

En matière de structure de crédit, si 15 % des dossiers comportaient au moins un crédit immobilier en 2001, cette proportion a été ramenée à 10 % en 2004. Parallèlement, la part des crédits dits « revolving » augmente. Ils représentent désormais 70 % des crédits recensés dans ces dossiers et ils sont maintenant au nombre de six en moyenne par dossier, contre quatre en 2002. On voit donc bien l’attraction et le piège qu’ils constituent.

En quinze ans, le nombre de dossiers déposés a doublé, passant de 90 000 à plus de 182 000 en 2005, dont près de 156 000 recevables.

Depuis 1990, ce sont au total plus d’un million et demi de dossiers qui ont été déposés, et de quatre à cinq millions de personnes touchées par le surendettement, si l’on ajoute celles qui n’osent pas ou ne veulent pas avoir recours à ces procédures.

Madame la ministre, la proposition de loi présentée par Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin au nom du groupe UDF a pour but de renforcer la prévention, qui n’a jamais vraiment été prise en compte jusqu’à présent.

Certes, les différentes lois ont su faire évoluer la situation, avec les chiffres que j’ai rappelés – on a surtout retenu la loi de 2003 sur le rétablissement personnel. On peut dire que l’arsenal législatif est désormais assez complet en ce qui concerne l’aide à 1’ « après ».

Cependant, l’augmentation du nombre de dossiers oblige, maintenant, à étoffer le volet préventif. Certes, il y a eu des progrès en matière d’information des consommateurs, notamment sur les crédits revolving, leur fonctionnement et leurs dangers : ceux-ci sont souvent montrés du doigt, et à juste titre. L’Assemblée a adopté une loi de protection des consommateurs traitant notamment de ce sujet. Mais, face à la machine de démarchage des organismes prêteurs, l’information aux emprunteurs reste encore trop illisible et souvent inefficace. Et, pour beaucoup de personnes, ces crédits revolving apparaissent comme des ballons d’oxygène lorsqu’elles commencent à avoir des difficultés. Elles en contractent alors de nouveaux pour rembourser les autres. L’engrenage est très rapide et l’incitation tellement forte !

Le fichier national des incidents de paiement est utile, mais il ne permet généralement que d’intervenir après coup, lorsqu’il est trop tard. Et les organismes prêteurs, souvent bien plus intéressés par leur commission que par la capacité des emprunteurs à rembourser, ne mènent pas d’enquêtes très poussées.

Bien sûr, il ne faut pas non plus exonérer les emprunteurs de toute responsabilité. Il faut parvenir à responsabiliser et les uns et les autres. C’est tout l’intérêt de cette proposition et de celle qui l’a précédée en 2005. Ce fichier oblige les prêteurs à s’informer en détail des différents crédits déjà contractés par leurs emprunteurs, et encadre donc les pratiques parfois compulsives des emprunteurs. Ceux-ci sauront que tous les crédits sont répertoriés et que leur situation sera connue. Ceux-là ne pourront réclamer leur dû en cas de non-remboursement du crédit. Tout cela étant encadré par un délai de sept jours.

Ce type de fichier existe déjà dans d’autres pays et, si ce n’est pas une justification suffisante de son utilité a priori, on peut au moins se féliciter que ce fichier ne coûte rien et qu’il ne puisse, au final, qu’être positif pour les nombreux foyers en difficulté. On estime qu’un tel dispositif pourrait sauver pratiquement un foyer sur deux.

À ceux qui craignent que ce dispositif ait comme conséquences de freiner le crédit, et donc la consommation et la croissance, on pourra objecter que les pertes pour l’État et la collectivité – en termes de mesures sociales et économiques – de l’aide aux foyers endettés dépassent largement les conséquences, fondées jusqu’ici uniquement sur des prévisions. Il est en outre tout à fait sidérant d’entendre le ministre expliquer qu’il est opposé à ce fichier parce qu’il préfère favoriser une croissance artificielle plutôt qu’une vraie croissance, durable et réelle.

Pour le reste, le dispositif qui vous est proposé est suffisamment encadré : autorisation préalable obligatoire de l’emprunteur, fichier uniquement aux mains de la Banque de France.

Quelques mots, enfin, pour rappeler que ce texte a déjà été examiné par l’Assemblée nationale.

En 2003, lors de la discussion du projet sur la ville et la rénovation urbaine, alors que l’UDF, par la voix de Jean-Christophe Lagarde, avait proposé la création d’un tel fichier, Jean-Louis Borloo avait alors déclaré : « Je ne sais pas encore quelle forme il pourra prendre. Fichier personnel, carnet, fichier d’information, peu importe comment on l’appellera. Il faudra peser les avantages et les inconvénients et se préserver des marchands d’informations. On peut et on doit le faire. Je suis convaincu que, sur ce point crucial, même si c’est difficile, un accord global devrait être trouvé, j’espère avant la fin de l’année. »

En 2005, l’UDF avait déjà choisi d’inscrire, dans le cadre d’une de ses niches, une proposition de loi tendant à prévenir le surendettement, proposant une nouvelle fois ce fichier positif. À l’époque, tout le monde s’était ému des difficultés rencontrées par les Français, du nombre croissant de dossiers de surendettement, et avait convenu de la nécessité d’agir. Pourtant, lors de l’examen de cette proposition, la commission avait voté contre le passage à l’examen des articles, considérant que trop d’incertitudes entouraient le fichier positif. Moins catégorique, le même ministre, Jean-Louis Borloo, avait alors déclaré en séance : « Je propose donc qu’un parlementaire soit désigné pour mener une réflexion sur la question du fichier positif avec l’ensemble des acteurs. » Il avait même donné un avis favorable sur les deux articles du texte prévoyant un délai de sept jours.

Au final, un an et demi plus tard, toujours pas de proposition, de rapport ou même de parlementaire en vue sur ce dossier du fichier positif ! On doute donc un peu, madame la ministre, de la parole et de la volonté du Gouvernement.

À présent, il s’agit donc d’avancer. C’est bien l’objet de la proposition de loi que nous présentons à votre suffrage, au-delà de toute considération politicienne. Il nous faut d’abord penser à ces milliers de personnes, les plus fragiles et les plus vulnérables, que nous recevons dans nos permanences et qui nous trouvent parfois bien démunis. Elles attendent de nous autre chose qu’une sincère compassion. Ne les décevons pas !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le surendettement des particuliers est un phénomène social en croissance constante depuis de nombreuses années. Après 145 000 dossiers en 2002, 165 000 en 2003, ce sont 190 000 dossiers qui ont été déposés auprès des commissions de surendettement en 2004. Ce phénomène est un véritable fléau social en raison de ses conséquences tant macro-économiques − manque à gagner en termes de croissance économique − que micro-économiques : le surendettement participe au processus d’exclusion sociale et plonge de nombreuses familles dans la détresse.

Cette détresse est d’autant plus douloureuse que, lorsqu’on parle de surendettement, la morale n’est jamais très loin. C’est peu dire que le crédit n’a pas bonne presse en France, même si, fort heureusement, les mentalités changent peu à peu. Ainsi, l’on considère souvent que les personnes surendettées sont entièrement responsables de leur situation et qu’elles doivent en supporter le coût.

Face à l’ampleur du phénomène, les pouvoirs publics ont mis en œuvre de nouveaux mécanismes dont la mesure de rétablissement personnel est un exemple significatif. Rappelons néanmoins que la loi Neiertz de 1989 fut la première à instituer un droit du surendettement avec la création de commissions ad hoc. Depuis, les réformes ont été nombreuses mais insuffisantes au regard de ce que représente aujourd’hui le surendettement. Rares sont celles qui ont envisagé de s’atteler à la prévention du surendettement, la plupart se concentrant sur le volet curatif. Aucune réforme ne s’est encore réellement attelée à juguler une offre de crédit à la consommation prolifique et inconsistante.

En d’autres termes, si nous disposons de moyens législatifs pour tenter d’offrir des solutions aux personnes déjà prises dans la spirale du surendettement, aucune des réponses apportées par la loi ne parvient à stopper la croissance du nombre de dossiers de surendettement.

Une des causes majeures du développement de ce phénomène est pourtant clairement identifiable. Près de deux tiers des 200 000 nouveaux cas de surendettement enregistrés en 2004 sont en effet directement imputables à la profusion d’offres de crédit à la consommation. Certaines sociétés de crédit peu scrupuleuses offrent ainsi, par le biais de publicités aguicheuses, des milliers d’euros sans réel contrôle de la capacité de remboursement de l’emprunteur et de l’encours des crédits déjà souscrits. Chacun connaît ces crédits de 1 500 ou de 2 000 euros que l’on obtient sur un simple coup de téléphone, même si l’on est bénéficiaire du RMI ou de l’allocation de solidarité spécifique.

L’article 1er du texte qui nous est soumis reprend mot pour mot une proposition de loi que j’avais déposée en mars 2005. Elle avait pour objet de responsabiliser les organismes prêteurs, lesquels auraient dû apporter la preuve qu’ils avaient bien effectué des démarches pour s’informer sur la solvabilité de l’emprunteur. C’est une mesure de sagesse, mais dont l’efficacité repose néanmoins sur l’existence d’un régime de sanction à l’encontre des organismes prêteurs. Si ces derniers n’ont pas recueilli les informations nécessaires, ils ont commis une faute que nous aurions souhaité voir sanctionner par l’interdiction du droit d’exercer toute procédure de recouvrement à l’encontre de l’emprunteur défaillant.

De même, nous aurions aimé voir inscrit le principe selon lequel le créancier ne peut plus engager de procédure de recouvrement s’il s’avère qu’il a accordé un crédit alors que la solvabilité de l’emprunteur était manifestement insuffisante au moment de la signature.

Certains craignent que ces mesures instituant une réelle responsabilité du prêteur ne restreignent l’offre de crédit et la croissance. Mais il ne saurait y avoir de croissance économique saine et durable fondée sur le surendettement et sur la détresse de la population. Cette croissance par endettement serait fictive et socialement destructrice. Il est donc préférable de s’en prémunir en encadrant de façon plus responsable l’offre de crédit.

Outre le régime de sanction que nos collègues de l’UDF ont oublié d’inscrire dans leur proposition de loi, et qui est pourtant le seul gage de son efficacité, nous regrettons qu’ils aient omis de s’attaquer à la question du taux de l’usure. Il nous paraît en effet impératif de réviser le niveau et le mode de calcul de ce taux. Nombre de crédits à la consommation ou revolving flirtent avec la légalité et s’approchent de l’usure. Certains particuliers payent plus de 15 % d’intérêt et remboursent ainsi pendant des mois, voire des années, les crédits, même modestes, qui leur furent consentis.

L’argent est bien trop cher pour les particuliers au regard du prix des crédits sur le marché interbancaire. Les banques et organismes prêteurs ont un comportement prédateur, car le coût très élevé du crédit leur permet de supporter l’insolvabilité des emprunteurs et le non-remboursement des crédits afférents.

La baisse de la rétribution du crédit − par celle du taux d’usure − entraînerait la diminution du niveau à partir duquel il n’est plus rentable pour le prêteur d’accorder des crédits à une population non solvable. En conséquence, pour que le prêt reste rentable, le prêteur devrait limiter le risque d’insolvabilité des emprunteurs et se soucier un peu plus de leur santé financière et de leur réelle capacité à rembourser.

La baisse du taux d’usure présenterait donc un double bénéfice : un bénéfice direct de baisse du coût du crédit pour les particuliers, mais surtout un bénéfice indirect qui, en forçant les organismes à être vertueux, les détournerait des proies les plus fragiles et les moins solvables. En abaissant le taux d’usure, on protégera les familles les plus modestes de la spirale du surendettement.

Nous proposons donc d’abaisser ce taux d’usure et de modifier son mode de calcul. L’article L. 313-3 du code de la consommation utilise comme référence le taux effectif moyen qui, lui-même, intègre la multiplication des crédits proches du taux d’usure. Cette référence au taux effectif moyen n’est donc ni objective ni vertueuse. Il nous paraît souhaitable de lui substituer le taux moyen des prêts à douze mois sur le marché interbancaire, auquel on appliquerait un coefficient multiplicateur − entre 2 et 4 − représentant le risque assumé et la plus-value escomptée par le prêteur.

Pour finir, j’évoquerai la question du répertoire national des crédits aux particuliers. De toute évidence, pareil fichier doit être placé sous la responsabilité directe de la Banque de France, seul organisme légitime et compétent pour connaître de ces situations. Nous sommes d’ailleurs clairement favorables à ce que la Banque se voit confortée ici dans sa mission de service public.

En résumé, je ne peux qu’approuver cette proposition de loi, même si elle est incomplète, car elle reprend en large partie, tant dans l’exposé des motifs que dans son article 1er, le texte même de ma proposition de loi déposée en mars 2005.

Mes chers collègues, vous avez fait un pas dans la bonne direction, mais il vous reste encore du chemin à parcourir pour parvenir à une réduction du surendettement par la maîtrise des conditions de l’offre de crédit. Nous voterons donc pour le passage à l’examen des articles. Néanmoins, nous restons très réservés sur l’absence de mécanisme de sanction opposable aux prêteurs abusant de la faiblesse de trop nombreux consommateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour examiner une proposition de loi tendant à prévenir le surendettement. C’est la seconde fois que ce texte, déposé une première fois le 13 janvier 2005, est inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée dans le cadre de la niche parlementaire réservée au groupe UDF. Si l’intention de ses auteurs est louable − nous ne pouvons en effet que nous féliciter que la représentation nationale affirme ainsi sa volonté de lutter contre le fléau du surendettement −, cette proposition de loi pose davantage de problèmes qu’elle n’en résout. Non seulement elle est inadaptée aux causes réelles du surendettement − 73 % des dossiers de surendettement sont dus à des accidents de la vie et non à un excès de crédits −, mais elle en crée de nouveaux en matière de respect de protection des données personnelles, d’accès au crédit pour les plus démunis et d’atteinte au droit de créance.

Depuis 2002, le Gouvernement et sa majorité se sont mobilisés à de nombreuses reprises sur le chantier que constitue, plus globalement, la lutte contre l’exclusion financière. En effet, le 25 janvier 2005, notre assemblée avait examiné une proposition de loi similaire et avait adopté deux articles rendant obligatoire un délai de réflexion de sept jours avant l’acceptation définitive d’un crédit. En s’inscrivant dans son prolongement, la présente proposition de loi reprend deux autres mesures qui n’avaient pas été adoptées alors : la responsabilisation accrue de l’établissement de crédit qui ne s’est pas assuré de la solvabilité du souscripteur et l’instauration d’un répertoire des crédits aux particuliers, le « fichier positif ».

À l’issue de la discussion, le Gouvernement avait décidé de lancer une réflexion plus générale sur l’exclusion financière. En effet, l’exclusion financière et le surendettement, qui en est l’une des manifestations les plus évidentes, représentent une réalité dans notre pays : 648 500 ménages seraient aujourd’hui surendettés. Dans la plupart des situations, le surendettement résulte d’un accident de la vie, tel que la perte d’emplois, la maladie, le divorce. Ce type de surendettement, dit « passif », est en progression, la perte d’un emploi en est le principal facteur − pour 31 % des cas −, devant le divorce ou la séparation − pour 15 % des dossiers. Par opposition, le surendettement dit « actif » est en diminution de près de 10 % par rapport à 2001 et ne représente que 14,6 % des dossiers.

Néanmoins, si les crédits à la consommation ne sont pas la cause première du surendettement, la part qu’ils prennent dans les situations de surendettement est en constante augmentation. En moyenne, chaque ménage surendetté comptait six crédits renouvelables ou revolving en 2004 contre quatre en 2001.

M. Jean-Luc Warsmann. C’est vrai !

M. Marc Laffineur. En 2005, 182 000 dossiers de surendettement ont été déposés devant les commissions ad hoc.

Aussi, face à ces situations d’extrême détresse, le Gouvernement et sa majorité se sont engagés depuis 2002 à lutter contre le fléau du surendettement, tant au niveau de la prévention que de ses conséquences, dans la continuité de la loi Neiertz du 31 décembre 1989 sur la prévention des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles.

Ainsi, la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a instauré la procédure de rétablissement personnel ou de la deuxième chance. Inspirée de la faillite civile en vigueur en Alsace-Moselle, elle permet aux personnes dont la situation est « irrémédiablement compromise » de bénéficier d’un effacement de la dette après la liquidation de leur patrimoine. Depuis la mise en place de cette procédure en février 2004, 20 000 familles en ont déjà bénéficié, soit 10,7 % des dossiers traités par les commissions de surendettement.

De la même manière, la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale comporte un volet sur le surendettement. Elle prévoit que les dépenses afférentes au logement, à la nourriture et à la scolarité sont intégrées dans le calcul du « reste à vivre» ; en outre, les créances locatives ont priorité sur les créances des établissements de crédit.

Mais ce volet de traitement social du surendettement serait incomplet sans prévention ni protection des consommateurs : c’est dans ce cadre que prennent place la loi du 1er août 2003 de sécurité financière et, surtout, celle du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, dont notre excellent collègue Luc Chatel avait pris l’initiative. Leurs dispositions visent à améliorer l’information du consommateur sur les contrats tacitement reconductibles, à prévenir les risques de surendettement en encadrant mieux le crédit renouvelable et à améliorer l’information sur le crédit gratuit.

D’autres projets sont en cours. Ainsi, notre assemblée a examiné hier un texte sur l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé, et les décrets d’application de la réforme du crédit hypothécaire viennent de paraître au Journal officiel.

Plus globalement, une réflexion sur l'évolution de la politique de prévention du surendettement a été engagée. Le comité de suivi sur la procédure du rétablissement personnel, présidé par M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, comme le comité consultatif du secteur financier, ont à cet égard rendu plusieurs avis, qui préconisent notamment la création d'un observatoire ou d'un baromètre du surendettement. Cette réflexion s'inscrit dans une approche plus générale, celle de l'exclusion financière : comment faire, par exemple, pour remédier au fait que 40 % des Français soient exclus du crédit ? C'est tout le sens du développement du micro-crédit, qui doit permettre aux personnes disposant de faibles revenus d'y avoir accès. Aussi paraît-il préférable d'améliorer les outils existants plutôt que d'en créer de nouveaux.

En effet, la proposition de loi de notre collègue soulève de nombreux problèmes. La création d'un « fichier positif », notamment, inquiète aussi bien les associations de consommateurs que les banques et les établissements de crédit, tant au niveau de la protection des données personnelles que de la restriction de l'accès au crédit pour certaines catégories de la population. De même, la seconde mesure proposée, si elle va également dans le bon sens, n’est pas non plus sans poser de questions quant à son application pratique.

L'article 1er, qui institue une obligation pour le prêteur de s'informer de la situation de solvabilité de l'emprunteur, sous peine de se voir refuser la procédure en recouvrement, a de fortes chances d'être confronté au risque d'inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a en effet déjà sanctionné le fait de porter atteinte au droit de créance, en l'assimilant à une atteinte à un droit de propriété.

Par ailleurs, cet article est déjà en partie satisfait par un engagement des établissements de crédit du 18 mai 2004 : celui de ne pas accorder un crédit à un nouveau client sans consultation préalable du fichier national des incidents de paiement caractérisés, afin d’éviter que certains ménages ne s'endettent de façon excessive.

L’article 2, relatif quant à lui à la création d'un répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels, dit « fichier positif », ne convainc pas entièrement malgré les garanties qui lui seraient octroyées. Un tel fichier semble, à certains égards, inadapté pour l'usage qu'on souhaite en faire.

Il n'est d'abord pas inutile de rappeler qu'une telle expérience a été tentée en Belgique avec la mise en place d'une centrale des crédits aux particuliers, laquelle ne s'est pas révélée probante : les avis de règlement collectif de dettes sont toujours en augmentation sensible. Ce registre sera, ensuite, incomplet car, dans les éléments qu'il recense, il ne retient pas l'ensemble des dettes, à commencer par les dettes fiscales et les loyers, ni les ressources des clients, ni les risques d'accident de la vie. Or, l'expérience montre que c’est ce type de dettes – loyers, factures d'électricité et de gaz, cantine scolaire, impôts – qui n’est pas honoré en premier. De plus, compte tenu de l'énormité et de la masse d'informations à collecter et à mettre à jour qui concernent plus de dix millions de clients, il serait presque impossible de le constituer efficacement au quotidien. En outre, son coût serait de l'ordre de 50 millions d'euros, et ni l'État ni les établissements de crédit ne veulent le prendre en charge. De ce fait, une des solutions de son financement passerait par l'augmentation des taux d'intérêt. C'est donc le consommateur qui, au final, mettrait la main à la poche.

Au-delà de ces considérations pratiques, la constitution d'un tel fichier pose d'autres problèmes d'ordre déontologique. En effet, l'enregistrement de tous les emprunteurs, y compris les « bons payeurs », poserait le problème du respect des libertés individuelles – diffusion de données contractuelles, levée du secret bancaire, traitement des homonymies, droit d'accès et de rectification – et, à l'inverse, éloignerait certaines catégories de la population de l'accès au crédit, les banques refusant de prendre un risque avec des personnes présentant un faible potentiel financier. Outre ces réserves, qui ont été émises par la CNIL dans son avis du 13 mai 2004, un tel dispositif risquerait d'entraîner des sollicitations commerciales abusives, telles que des propositions de rééchelonnement de crédits, et donc de favoriser indirectement le surendettement.

Autrement dit, mieux vaut en rester au « fichier négatif », ou fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, mais en poursuivant sa modernisation et en le rendant plus réactif, en améliorant, par exemple, la qualité de l'information disponible sur la situation financière globale du consommateur et en mettant à jour les données en temps réel.

Le groupe UMP estime donc qu’il convient de différer une nouvelle fois l'examen des articles de la proposition de loi et de poursuivre la réflexion en tenant compte des avis apportés par diverses entités indépendantes, telles que la CNIL, le comité consultatif du secteur financier et le comité de suivi de la procédure de rétablissement personnel, afin de réformer le fichier existant dans un sens de prévention du surendettement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et M. Jean-Claude Lemoine. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le sujet abordé par la proposition de loi de nos collègues de l'UDF nous touche tous car il a trait à l’une de nos préoccupations quotidiennes dans nos circonscriptions, puisque nous rencontrons tous dans nos permanences de nombreux concitoyens se trouvant dans des situations financières inextricables. La précarité ne cesse de grandir, et le sentiment d'être « moins heureux qu'auparavant », comme le disait vendredi un ancien électricien dans un journal du soir, gagne nos concitoyens – les statistiques à cet égard sont accessibles à tous, et le rapporteur en fait d'ailleurs mention dans son rapport. Une telle situation ne peut avoir comme conséquence que la désespérance et la peur du lendemain.

Afin d’éviter toute polémique sur ce sujet grave, je reprendrai une enquête d'Emmaüs France dont les résultats ont été publiés la semaine dernière : si nous n’avions qu’une chose à en retenir, c’est la peur des Français de se retrouver sans domicile fixe. Aujourd’hui en effet, mes chers collègues, la moitié de la population se sent directement menacée par l'exclusion, soit bien plus que les 6,9 millions de personnes qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté défini par l'INSEE, soit 788 euros par mois. Songez que seuls 17 % des Français estiment qu'être sans-abri « ne leur arrivera jamais » ! C'est bien la société de la crainte qui caractérise cette fin de mandature.

Le sondage d'Emmaüs France qui nous a révélé ce triste tableau, la semaine dernière, est d'autant plus intéressant que, parmi les raisons qui leur font le plus craindre de devenir SDF, 31 % des Français mettent en tête le surendettement, contre 21 % le licenciement. De fait, quatre personnes sans domicile sur dix ont des dettes, dont le montant moyen atteint 4 000 euros. Comme l’explique le docteur Xavier Emmanuelli, président du SAMU social, « l'exclusion s'est diversifiée » et représente « une ligne de fracture qui traverse toute la société », notamment « femmes seules, jeunes en errance, personnes âgées, travailleurs pauvres » – je pourrais ajouter les agriculteurs, obligés de s'inscrire au RMI pour manger, tout simplement.

Ce que l’on voit, ce sont les conséquences de la vie chère et les fins de mois difficiles qui se multiplient, alors que la société de consommation pousse chacun à vouloir toujours plus pour se conformer à la norme sociale. Devant ce que vit le pays réel, cette proposition de loi tendant à prévenir le surendettement ne peut donc que retenir l'attention de chacun d'entre nous.

Le développement de la pauvreté est l’un des grands défis sociaux qui attendent le futur gouvernement, faute d’avoir été suffisamment pris en compte par la présente majorité. Prévenir le surendettement est l'un des axes qui devrait nous réunir tous. Le Médiateur de la République fait d’ailleurs de ce chantier une priorité depuis un an.

M. Jean-Luc Warsmann. C’est vrai !

M. Germinal Peiro. Il organise, jeudi prochain, une conférence de presse sur ce sujet. Nous aimerions que son travail ne reste pas lettre morte, que tout le monde se mette autour de la table et que la majorité entende, pour une fois, la voix des précaires, les gens de peu, plutôt que les prêteurs, souvent peu soucieux de l'état social dans lequel ils plongent les clients nécessiteux.

Cette proposition de loi présente donc quelques mérites, d'autant qu'elle vient appuyer une démarche du groupe socialiste qu’il a déjà proposée à la représentation nationale de suivre. Voilà exactement trois ans, le 11 décembre 2003, les socialistes avaient défendu dans cet hémicycle des amendements sur le surendettement, et Mme Ségolène Royal avait fait à cette tribune une proposition similaire à l'article 1er de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

Par sa voix, nous avions proposé des pistes et des solutions. Nous demandions que les crédits à la consommation soient moralisés. Nous souhaitions que des sanctions contre les publicités mensongères soient prises et, pour protéger les emprunteurs, que les modalités de remboursement, les taux d'intérêt et les mensualités figurent en lettres aussi grosses que le montant de l'emprunt. Nous voulions réglementer plus sévèrement les crédits renouvelables, en alignant les conditions de renouvellement sur celles du crédit initial.

Je dois dire que la loi que Luc Chatel avait initiée a permis quelques avancées, que le rapport de M. Lagarde souligne à juste titre. Ainsi, la résiliation des contrats reconductibles a été facilitée. Cependant, il avait dû en rabattre sur ses ambitions initiales. De même, hier, l'Assemblée a examiné la question de l’accès au crédit des gens gravement malades, reprenant la convention Belorgey : en légiférant pour endiguer les discriminations, nous avons permis une avancée.

Tout cela reste cependant insuffisant. Le Médiateur de la République a ainsi pu relever certains effets négatifs de la procédure de rétablissement personnel issue de la loi du 1er août 2003, et, notamment, le fait que les incidents bancaires restent inscrits dans le fichier durant huit à dix ans après que la procédure de traitement du surendettement a été mise en œuvre. C'est trop long et même discriminant, car une telle inscription peut entraîner l'exclusion bancaire, qui, nous rappelle le Médiateur, « augure souvent d'une exclusion sociale plus large ».

L'endettement des ménages français est passé de 49 % du revenu disponible en 1995 à 64 % en 2005 – niveau historique. Il est certes moins élevé que la moyenne européenne, qui se situait à environ 79 % en 2005, mais peut-on pour autant s'en féliciter ? L'accélération de l'endettement, qui peut conduire à une fragilisation des parcours individuels, est au contraire très inquiétante.

Nous souhaitons qu’en matière de crédit, le pragmatisme l'emporte pour le bien de l'ensemble de nos concitoyens. C’est pour cela que nous avions demandé, voilà trois ans, que les prêteurs indélicats soient sanctionnés plus sévèrement. Cette idée a fait son chemin. Nous la retrouvons dans l'esprit de l'article 1er de la présente proposition de loi, et nous le soutiendrons donc fort logiquement.

S’agissant du fichier positif, qui fait l'objet de l'article 2, nous sommes plutôt favorables à sa création, ainsi qu’Alain Vidalies le soulignait déjà voilà trois ans en expliquant la position de notre groupe vis-à-vis d’un dispositif préventif. Nous devons malheureusement constater que cette question est toujours renvoyée au lendemain, quel que soit le Gouvernement.

Ne nous le cachons pas, le principe même du fichier soulève un vrai débat car il fait peur à de très nombreux acteurs, et en particulier aux consommateurs eux-mêmes, qui ne souhaitent pas être des numéros répertoriés. Cette crainte est légitime. Nous savons les problèmes que pose le croisement des fichiers ainsi que les difficultés rencontrées par la CNIL et la faiblesse de ses moyens. Si nous acceptions ce fichier, sa mise en place, après un véritable tour de table, devrait être accompagnée de garde-fous.

Pourtant, comme nous le disions il y a trois ans dans cet hémicycle : « lorsque l'on s'intéresse un peu aux questions de la consommation, on sait qu'il s'agit là d'une vraie réponse, et même probablement l'une des plus fortes, qui permettrait d'ailleurs de se dispenser de toute une série d'autres précautions que nous sommes obligés de prendre. » Une telle mesure responsabiliserait les prêteurs, mais aussi les emprunteurs. Il faut dépasser l'accord de principe pour entrer dans une phase de construction avec tous les acteurs, notamment la Banque de France, qui peut seule gérer le système, et les consommateurs. Il nous faut construire un partenariat, comme en Belgique, pour veiller à l'usage des données. Le Gouvernement n'a rien fait à ce sujet, alors qu'il multiplie par ailleurs les fichiers sans contrôle véritable.

Voilà trois ans, nous avions dit que nous étions « favorables à cette évolution, » et qu’ « il faudra un jour – c'est un message qui s'adresse à chacun – passer des principes aux actes ». Nous avons aujourd'hui une possibilité de le faire. Cependant, il faudrait sans doute plus qu’une niche parlementaire. Le Gouvernement aurait dû prévoir un vrai temps de débat à l’Assemblée sur cette question.

De nombreuses questions méritent d'être posées, s’agissant, par exemple, du répertoire national qui nous est proposé. Ne faudrait-il pas prévoir un suivi non seulement par la Banque de France, mais aussi par des associations de consommateurs ? Nos partenaires belges ont adopté tout un système protecteur de la vie privée pour accompagner le fichier qu'ils ont mis en place. Ne serait-ce pas là une voie intéressante à explorer ?

Le fichier que vous proposez, monsieur Lagarde, est un peu trop calqué sur le modèle anglo-saxon. Nous aurions préféré un modèle continental prévoyant, par exemple, un contrôle gouvernemental sur les organismes prêteurs. Le contrôle du démarchage pourrait également être évoqué.

Il n’existe pas, pensons-nous, de véritable raison technique qui empêche de discuter de tout cela. Notre position n’a pas bougé depuis trois ans.

Ce fichier serait-il suffisant ? Nous considérons qu’il n’est qu’un instrument qui accompagne la responsabilisation des prêteurs que nous réclamons. De nombreuses questions restent dans l’ombre, faute d’analyse globale du phénomène du « mal-endettement », comme dit le médiateur de la République. La question des méthodes de resolvabilisation des personnes endettées pourrait également être abordée. La question du micro-crédit social, pour laquelle la région Poitou-Charentes est pionnière, apparaît aussi essentielle. Nous devrions admettre collectivement qu’il y a là une politique à développer.

Ce que nous voulons, ce sont des réponses pragmatiques qui n’excluent pas les personnes en difficulté et qui responsabilisent tout le monde dans la chaîne de l’endettement, du consommateur au prêteur.

Pour cela, nous voterons pour le passage à la discussion des articles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier nos collègues d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour de l’Assemblée parce que je crois que le débat sur le surendettement est fondamental dans notre pays. Pour trois raisons.

Tout d’abord, parce que la commercialisation des crédits à la consommation fait l’objet de nombreux dévoiements. Je ne suis absolument pas d’accord pour fustiger le crédit à la consommation. Il s’agit d’une institution noble, d’un service qui permet à beaucoup de nos concitoyens aux moyens modestes d’accéder à des services ou à des biens auxquels ils n’auraient pas accès sinon. Mais il faut reconnaître que certains acteurs sur le marché ont pris l’habitude de diffuser des crédits à la consommation à des taux extrêmement élevés sans prendre de garanties sur les personnes qui avaient recours à ces crédits à la consommation et en considérant que celles et ceux de leurs clients qui allaient s’échiner à rembourser les mensualités de remboursement paieraient la casse de ceux qui, hélas ! ne parviendraient pas à rembourser. Il s’agit là d’un dévoiement de ce métier que je tiens à dénoncer aujourd’hui.

Ce débat est également fondamental parce que tous les clignotants sont au rouge. Plus de 2 millions de nos compatriotes sont inscrits au fichier des incidents de paiement de la Banque de France. En 2005, 156 000 dossiers ont été déclarés recevables par les commissions de surendettement, et, dans 70 % des cas, les crédits à la consommation sont présents. Et lorsque les crédits revolving sont présents dans les dossiers, leur densité ne cesse d’augmenter – cela a été souligné ce matin –, puisque leur nombre est en moyenne de six. Dans mon département des Ardennes, en 2005, 1 166 dossiers ont été déposés, plus de 4 pour mille habitants, et pour les neuf premiers mois de 2006, les chiffres sont à nouveau à la hausse, de plus de 9 %.

Enfin, ce débat est fondamental parce que les conséquences sociales du phénomène de surendettement sont très graves, nous le constatons tous dans nos permanences, où nous recevons des familles qui ont dû avoir recours à ces crédits à la consommation. On ouvre un journal de télévision, on regarde une chaîne de télévision, un numéro de téléphone apparaît, on appelle et on peut disposer de 1 000 ou 1 500 euros. Mais, un crédit en appelant un autre, on tombe dans le surendettement, et parfois, j’en ai été le témoin à de multiples reprises, cela conduit à l’éclatement des familles parce qu’un des deux membres du couple a cru résoudre les problèmes de trésorerie de la famille par ce moyen.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. C’est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann. Et pendant plusieurs années, la famille ne peut plus faire de projets, plus de projet d’acquisition de véhicules, plus de projet immobilier.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. C’est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann. Pire, certaines familles remettent en cause les études des enfants parce que, en situation de surendettement, elles ne peuvent plus assumer le coût des études. Le coût social de ces dysfonctionnements est colossal, et c’est la raison pour laquelle je pense que le débat dans notre assemblée est fondamental.

J’ai déposé il y a quelques mois une proposition de loi, qui a été enregistrée le 19 septembre 2006 par le bureau de notre assemblée, qui vise à faciliter l’accès au crédit mais aussi à mieux protéger les consommateurs. Je demande au Gouvernement d’agir pour renforcer la protection des consommateurs contre le surendettement et contre tous ces abus.

La proposition qui nous est faite ce matin vise à créer un fichier positif. J’entends beaucoup de critiques à l’emporte-pièce, de-ci, de-là. Mais il faut raison garder.

Dans la quasi-totalité des pays de l’Union européenne, un tel fichier positif existe. Celui-ci permet d’éviter le crédit de trop. Certes, un certain nombre de personnes qui tombent dans le surendettement ont connu un accident de la vie, mais justement, c’est parce que le crédit supplémentaire est très souvent, on le voit dans nos circonscriptions, la première réponse vers laquelle on se tourne lorsqu’un accident de la vie survient.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur, et M. Gilles Artigues. Très juste !

M. Jean-Luc Warsmann. Au moins, le fichier positif empêche le crédit de trop.

J’étais il y a quelque temps avec le médiateur de la République en Belgique et j’ai pu me rendre avec lui à la Banque nationale de Belgique. Je peux vous assurer que certains arguments utilisés dans ce débat sont sans fondement.

Celui du coût tout d’abord : en Belgique, le coût total annuel est de 4,3 millions d’euros. On nous dit que ce sont les consommateurs qui vont payer. J’ai moi-même demandé aux représentants des associations de consommateurs si les prix avaient augmenté du fait du coût des crédits à la consommation. Ils m’ont répondu que non. En fait, chaque établissement bancaire belge qui s’apprête à faire une offre de crédit doit consulter le fichier et payer. Ainsi, le système s’équilibre et le consommateur n’en subit pas les conséquences.

On évoque les dérives possibles, on nous dit que les établissements de crédits peuvent se servir du fichier pour trouver de nouvelles cibles commerciales. J’ai posé la question au comité de suivi en Belgique de ce fichier positif. Il m’a assuré que non, la loi ayant prévu de nombreux verrous, notamment en ne permettant à un organisme bancaire de consulter le fichier que si celui-ci devait remettre une offre à un client, et non pas pour un démarchage général et absolu.

J’entends dire que la CNIL s’y opposerait, que sa création constituerait un abus en termes de fichier privé. Soyons clair : je suis contre un fichier positif à caractère privé.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann. Si fichier positif il y a, il doit être dans la sphère publique, géré par un organisme public.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann. Mais je voudrais néanmoins attirer votre attention sur la situation actuelle. En novembre 2005, la CNIL a autorisé deux grands acteurs du crédit à la consommation français, CETELEM et COFINOGA, à échanger leurs informations sur les clients potentiels. Qu’est-ce d’autre qu’un fichier privé…

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Très juste !

M. Jean-Luc Warsmann. …entre des grands intervenants sur le marché qui s’organisent entre eux pour échanger les informations ? Ce que, nous, législateurs, n’avons pas fait par la loi, des acteurs privés sont en train de le faire en s’entendant entre eux.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Sans aucune garantie !

M. Jean-Luc Warsmann. D’ailleurs, ils ne sont pas fondamentalement pour la création d’un fichier public, parce que, en s’entendant entre eux et avec l’accord de la CNIL, ils ont réussi à résoudre leurs problèmes commerciaux.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Bien sûr !

M. Jean-Luc Warsmann. Je me suis même laissé dire que, toujours durant cette année 2005, un autre grand acteur national du crédit avait été autorisé à ce que ses filiales échangent les informations. Méfions-nous donc de faire des grandes déclarations ici alors qu’ailleurs le monde bouge et que les uns et les autres s’organisent.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Excellent !

M. Jean-Luc Warsmann. Il reste que cette proposition de loi est loin d’épuiser le sujet parce qu’il faudrait un plan beaucoup plus global.

Des acteurs, sur le terrain, font bouger les choses : l’association Crésus en Alsace, ou l’association Passerelle en Champagne-Ardenne. Cette dernière par exemple a été créée par un grand groupe bancaire pour répondre à un besoin. Les acteurs bancaires sont tout à fait conscients lorsqu’un de leurs clients est en train de « tangenter » le surendettement. Mais l’agence bancaire n’est pas le bon lieu pour agir, car le conseiller clientèle se doit de faire fonctionner l’agence, d’équilibrer les comptes et il est rémunéré en fonction des produits qu’il place auprès des clients.

Mme la présidente. Il faudrait conclure, monsieur Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann. Je termine, madame la présidente.

L’association accueille les personnes qui sont en voie de surendettement. Ainsi, des milliers des personnes ont trouvé des solutions grâce à ce travail associatif, car beaucoup ne sont pas encore surendettées sont seulement mal-endettées. Quand une personne a abusé des crédits à la consommation, on peut, en refaisant le point sur ses moyens financiers et sur ses crédits, arriver à refinancer les emprunts avec des prêts à des taux que je qualifierais de normaux, sur une durée un peu plus longue.

L’intérêt social est considérable parce que les personnes pour lesquelles on peut refinancer la dette n’iront pas encombrer les agences de la Banque de France, qui ont déjà des délais importants pour traiter les dossiers, et surtout, elles vont rester des acteurs économiques, elles vont pouvoir continuer à faire des projets pour leur famille et leurs enfants. C’est l’intérêt général.

Je voudrais insister, même si le délai qui m’est imparti est extrêmement court, sur le fait que beaucoup de nos concitoyens sont mal endettés dans notre pays. Le fait de les faire tomber systématiquement dans la procédure des commissions de surendettement n’est pas la bonne solution. Il faut trouver un autre étage de prévention avant d’en arriver aux dispositifs de surendettement, un autre étage dans lequel l’accompagnement social est indispensable. Par exemple, dans l’association dont je parlais il y a un instant, ce sont des retraités de l’établissement bancaire qui vont jouer le rôle d’accompagnant social des personnes qui étaient en voie de surendettement pour les aider à s’en sortir.

En conclusion, j’approuve totalement l’initiative de nos collègues qui ont inscrit ce débat à l’ordre du jour de l’Assemblée. Je n’approuve pas le détail du texte parce que je pense que ce problème doit faire l’objet d’une approche beaucoup plus générale, mais j’ai bien compris la démarche symbolique que représente le dépôt de cette proposition de loi. C’est la raison pour laquelle je donne mon accord.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur, et M. Gilles Artigues. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le surendettement des familles est aujourd’hui plus que jamais un véritable fléau social. Il est en augmentation constante depuis de nombreuses années.

Pour l’année 2005, cela a été rappelé à cette tribune, ce sont un peu plus de 155 000 dossiers qui ont été jugés comme recevables auprès des commissions de surendettement. Ce chiffre a triplé en dix ans. C’est bien la preuve que le système actuel n’est pas au point et qu’il doit être modifié.

Sans aller jusqu’au dépôt d’un dossier auprès d’une commission de surendettement, dernier recours lorsqu’on est pris à la gorge, plus d’un million de ménages sont confrontés au quotidien à des problèmes de surendettement et d’accumulation de crédits.

Alors que le pouvoir d’achat des ménages baisse, on leur propose de consommer toujours plus, à grand renfort de publicités tapageuses. Et la loi tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, que votre majorité a adoptée le 20 janvier 2005, autorise désormais de faire l’apologie du « crédit gratuit », qui permet au vendeur de s’intéresser plutôt au paiement échelonné tandis que le prix de vente est, lui, souvent majoré.

Le crédit, et tout particulièrement celui à la consommation, peut donner l’illusion, un court moment, d’une solution à des problèmes financiers, mais, lorsque la situation se dégrade, il mène inexorablement à des situations de surendettement.

Bien entendu, tous les ménages ne sont pas surendettés parce qu’ils ont contracté un ou plusieurs crédits. Il ne faut pas généraliser. Mais il faut être conscient que les personnes les plus tentées face à ces réserves d’argent très faciles d’accès sont toujours les plus fragiles, celles qui disposent de moyens financiers restreints et qui n’ont pas l’habitude de ce type de contrat.

Nous ne pouvons pas continuer à laisser des centaines de milliers de familles tomber dans le surendettement sans organiser les conditions de la responsabilité des prêteurs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Tous ces organismes de crédit, très souvent partenaires et complices des temples modernes de la consommation que sont, outre les banques, les hypers et supermarchés, ne devraient-ils pas porter une part de responsabilité, surtout lorsque ceux-ci délivrent crédit sur crédit à des ménages qui ont déjà sur le dos plusieurs mensualités de remboursement ? Là est l’engrenage : un nouveau prêt sert à rembourser l’ancien, etc. Tout cela est assorti de taux d’intérêts très élevés qui frôlent parfois l’usure.

C’est pourquoi, mes chers collègues, comme l’a dit mon ami Germinal Peiro, nous soutiendrons le premier article de la proposition de loi tendant à prévenir le surendettement. Il est pour nous important de responsabiliser les établissements de crédit, d’exiger qu’ils étudient sérieusement la situation financière des souscripteurs, qu’ils se renseignent sur la solvabilité de leurs futurs clients avant de répondre positivement à leur demande.

Et s’il apparaît que l’établissement de crédit n’a pas fait cette vérification, il est normal qu’il soit responsable de la non-solvabilité de la personne ou du ménage en question et qu’il ne puisse pas engager de procédure de recouvrement à son encontre.

Quant aux fichiers, nous voulons approfondir la discussion, car nous pensons qu’il faut une véritable concertation, notamment entre les associations de consommateurs et les organismes de crédit. Nous en discuterons lorsque nous aborderons l’article 2.

M. Germinal Peiro. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Vous avez pris l’initiative, monsieur le rapporteur, tout comme M. Morin, de proposer à la représentation nationale d’examiner une nouvelle fois la question du surendettement des ménages français.

Il s’agit là d’une thématique débattue à plusieurs reprises au cours des dernières années, et à juste titre. Car il est légitime que votre assemblée examine régulièrement la façon dont nous pouvons concilier deux aspirations profondes de nos concitoyens : l’accès au crédit, d’une part ; la prévention du surendettement, d’autre part. La conviction du Gouvernement est simple : il n’y a pas de contradiction à poursuivre ces deux objectifs à la fois.

Le Gouvernement veut mettre à la disposition des Français des moyens pour financer leurs projets tout en veillant attentivement à la prévention et au traitement du surendettement. Les multiples outils qui existent à ce propos doivent être mieux connus, et surtout mieux utilisés.

Les Français ont des projets et le Gouvernement souhaite mettre à leur disposition des outils de financement soutenables : on ne peut à la fois regretter l’absence d’initiative et de création d’entreprises et ne pas organiser les financements nécessaires.

Permettre aux Français d’accéder au crédit, c’est satisfaire une aspiration économique et sociale profonde dans notre pays. C’est une évidence pour les entreprises qui doivent financer leurs investissements et innover. Mais c’est vrai aussi pour les particuliers : permettre au plus grand nombre d’emprunter, c’est ouvrir à chacun la faculté de réaliser des projets personnels et professionnels sans les reporter de mois en mois.

L’Observatoire de l’épargne européenne montre que les Français restent nettement moins endettés que leurs voisins européens, qu’il s’agisse du crédit à l’habitat ou du crédit à la consommation. Ainsi, en France en 2004, le niveau d’encours moyen de crédit était de 11 000 euros par habitant et représentait environ 60 % du revenu disponible brut, alors qu’au niveau européen, l’encours moyen était de 16 000 euros et le taux moyen de 90 %.

Or, la consommation est un des trois moteurs de la croissance, avec l’investissement et l’exportation. Elle est facteur d’une croissance durable, comme le montrent les exemples de nombreux pays. La croissance est l’un des objectifs poursuivis par le Gouvernement, car il est le seul à permettre la création d’emplois.

Le Gouvernement œuvre donc pour permettre à nos concitoyens de diversifier leurs moyens de financement au regard de leur capacité de remboursement, et ce dans un cadre sécurisé. Il favorise ainsi, par exemple, le développement du micro-crédit, auquel il consacre 73 millions d’euros sur cinq ans. La convention AERAS, quant à elle, permet aux personnes présentant des risques de santé aggravés d’avoir accès au crédit.

Naturellement, emprunter n’est pas nécessairement chose aisée pour tous, car les banques y sont souvent réticentes. Je pense en particulier aux personnes dont les revenus n’ont pas une régularité reconnue. Une étude réalisée par le BIPE a identifié les exclusions de l’accès au crédit à la consommation. Certes, 8 millions de ménages détenaient une forme de crédit à la consommation en 2004, mais 600 000 ménages solvables n’avaient pas accès au crédit à la consommation.

Pour cette raison, et toujours pour répondre à cette demande de nos concitoyens, nous avons mis en place le prêt hypothécaire « rechargeable ». L’ordonnance de mars 2006 sur les sûretés permet notamment de mieux mobiliser les actifs que détiennent les Français pour garantir leurs projets, leur permettre notamment de réaliser de nouveaux travaux d’aménagement dans leur habitation. Des établissements proposent ce type de crédit depuis quelques semaines.

Nous avons naturellement veillé, dans ces réformes, à éviter que ces nouveaux produits ne viennent causer des situations prévisibles de surendettement. Les textes que nous avons pris prévoient systématiquement des dispositions de protection des consommateurs. En particulier, pour aller dans le sens que vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, nous avons interdit que les crédits revolving puissent être garantis par des hypothèques rechargeables.

Mais, vous l’avez dit, toutes ces précautions ne suffiront pas à empêcher certains de nos compatriotes de se trouver dans des situations de surendettement inacceptables. Nous devons prévenir le mieux possible ces situations, et les traiter de façon humaine lorsqu’elles surviennent.

M. Jacques Desallangre. C’est avant qu’il faut agir, pas après !

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. J’y viens, monsieur le député !

La prévention du surendettement repose sur de multiples outils qui peuvent être améliorés et doivent être mieux connus. Quand nous parlons de surendettement, nous avons tous à l’esprit des situations dramatiques. Ne plus pouvoir faire face à ses dettes, c’est un drame social, un drame humain, que nous devons chercher à éviter à nos concitoyens.

Quand nous disons surendettement, de quoi parlons nous ? La Banque de France, dans son étude triennale, a confirmé qu’en 2004, 73 % des personnes surendettées l’étaient devenues à la suite de ce qu’il est convenu d’appeler un « accident de la vie » – licenciement, divorce, veuvage. Souvenons-nous qu’en 2004, 64 % des surendettés étaient célibataires, divorcés ou veufs ! Alors que les échéances de dette étaient soutenables avant ce choc personnel, elles ne l’étaient plus après.

J’en tire une observation : notre priorité doit être de traiter ce surendettement, le surendettement dit « passif ». C’est ce que nous avons fait lorsque Jean-Louis Borloo vous avait proposé de voter la création des procédures de rétablissement personnel. Elles permettent un effacement des dettes, sous le contrôle du juge, dans les cas où la situation des personnes concernées est irrémédiablement compromise.

La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui porte non pas sur ce traitement du surendettement passif, mais sur les modes de prévention du surendettement « actif », qui concerne à peine un tiers des cas. Vous attribuez, monsieur le rapporteur, le surendettement au fait que des « crédits sont accordés sans étude approfondie de la situation des bénéficiaires ».

M. Jacques Desallangre. C’est exact !

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Je partage pleinement votre préoccupation.

M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. La responsabilisation des établissements bancaires et financiers est indispensable et doit être renforcée.

M. Christian Paul. Mais comment ?

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. II n’est en effet pas admissible que des établissements de crédit octroient à certains emprunteurs de nouveaux crédits – le crédit de trop – en sachant qu’ils risquent le surendettement.

Je voudrais toutefois vous rappeler que nous disposons d’un véritable « arsenal » destiné à lutter contre ce type de comportement de la part des prêteurs. Cet arsenal mérite certainement d’être amélioré, mais, en tout cas, il doit être utilisé par les établissements de crédit et les banques. Ces établissements ont, d’abord, une obligation d’information leur imposant d’éclairer le consentement de l’emprunteur. Ils doivent ainsi l’informer dans des conditions définies réglementairement. Ils doivent lui laisser le temps de la réflexion. Les banques doivent réunir des éléments d’appréciation relatifs à la situation de l’emprunteur sous peine de voir leur responsabilité civile mise en cause en cas de défaillance.

Les tribunaux, sous le contrôle jurisprudentiel de la Cour de cassation, sont extrêmement vigilants sur ces points : les juges mettent à la charge du prêteur un véritable « devoir de mise en garde du demandeur de crédit ». Ainsi, des arrêts récents – juillet 2005 et mai 2006 – reconnaissent la responsabilité des prêteurs qui n’attirent pas l’attention de leurs clients sur les aspects négatifs du crédit qu’ils leur proposent.

En outre, les comportements d’octroi « abusif » sont sanctionnés pénalement. Le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable encourt la déchéance des intérêts. S’il omet de respecter les formalités prescrites par la loi dans l’offre préalable, il encourt une amende de 1 500 euros. Enfin, les infractions aux règles protectrices prévues par le code de la consommation en matière de crédit sont sanctionnées par une amende de 30 000 euros.

Votre proposition, monsieur le rapporteur, vise à mettre en place, à la Banque de France, un répertoire unique centralisant les informations sur tous les crédits, dont la consultation serait obligatoire avant l’octroi de tout nouveau crédit. Une réflexion et une concertation ont été engagées depuis avril 2005, au sein du Comité consultatif du secteur financier. Je rappelle que cet organisme consultatif regroupe, outre des parlementaires, des associations de consommateurs, des associations caritatives, des banques, des syndicats, appuyés par les pouvoirs publics. Un bilan de cette étape a été tiré le 16 mai dernier.

Quelle est donc la ligne que vous propose le Gouvernement, et quelle est l’issue de cette concertation ?

Il faut, d’abord, faire appliquer les règles actuelles, en particulier concernant l’information préalable du consommateur, dans un esprit de responsabilisation et de liberté du consommateur. De nombreuses dispositions existent et ont été renforcées au cours des dernières années, notamment à l’initiative de M. Chatel. Il appartient à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de les contrôler. Des instructions lui ont été données en ce sens.

Des enquêtes ont régulièrement pour objet de vérifier la bonne application de la réglementation. La dernière, menée au cours du premier trimestre 2006 dans quarante et un départements, a donné lieu à 405 contrôles qui ont été réalisés à partir de publicités diffusées par différentes catégories d’annonceurs – établissements de crédit, distributeurs ou prestataires de services. Des défauts d’application de la réglementation ont été constatés. Au total, les manquements relevés ont donné lieu à l’établissement de cinquante-huit procès-verbaux. Le taux de non-conformité global est ressorti à 29 %. Il est donc nécessaire que les banques appliquent plus strictement la réglementation. Nous allons continuer à oeuvrer en ce sens.

Il faut aussi faire preuve de pédagogie, de responsabilisation. C’est l’un des rôles non seulement des associations de consommateurs, des médias, mais aussi des travailleurs sociaux, auxquels il est nécessaire de faire connaître ces mesures.

Il faut, par ailleurs, améliorer le fonctionnement du Fichier des incidents de crédit des particuliers – le fameux FICP –, géré par la Banque de France. Vous savez que les prêteurs consultent ce fichier avant chaque octroi de crédit. Il leur est ainsi possible de savoir si leur client a déjà connu des difficultés de remboursement d’un crédit. C’est un outil efficace. Il est en constante amélioration, grâce notamment à l’utilisation de techniques modernes, mais son mode actuel d’alimentation est très lent et doit être accéléré. Cela devrait être fait dans quelques mois.

Avancer dans ces directions me semble prioritaire, plutôt que de créer un nouveau fichier centralisé, comme vous le proposez. Pourquoi ne pas améliorer celui qui existe et le faire mieux fonctionner plutôt que d’y superposer un nouvel instrument ? J’ai le sentiment, en effet, que le FICP est un outil convenable, qui doit être amélioré.

Il ne semble pas réaliste de mettre en place un nouveau service public qui observerait de façon obligatoire le comportement de chaque Français, quel que soit son niveau d’endettement, lorsqu’il emprunte. En effet, instaurer une formalité supplémentaire à l’accès au crédit pénaliserait injustement tous ceux qui veulent financer leurs projets. N’oublions pas que ceux qui empruntent le font, à une très grande majorité, avec une solvabilité suffisante : ne créons pas un obstacle supplémentaire aux projets !

En outre, pour déceler réellement les risques de surendettement, un nouveau fichier devrait répertorier aussi les vrais retards de paiement, ceux qui stigmatisent les situations de détresse, c’est-à-dire, bien souvent, la cessation de paiement des factures d’électricité ou de gaz, des charges ou des loyers. Mais, naturellement, un tel fichier centralisé et obligatoire pour tous ne permettrait pas de prévenir la principale cause de surendettement, à savoir les accidents de la vie.

Vous m’objecterez que des fichiers positifs, plus exactement des centrales de crédit, existent dans beaucoup de pays. Les deux seuls, au sein de l’Union européenne, même à quinze, à posséder des fichiers publics positifs et négatifs sont la Belgique et l’Irlande. Mais votre rapport le montre : dans de nombreux pays européens, les emprunteurs peuvent faire évaluer leur capacité de remboursement par des agences spécialisées.

En France, il est déjà possible de procéder à des échanges de données ponctuels. Il reviendrait à la CNIL d’examiner des projets éventuels de centrales de crédit plus structurées, alimentées à la demande des clients et avec leur consentement, dans un souci de responsabilisation, et qui leur permettraient individuellement de prouver ou de s’assurer eux-mêmes qu’ils sont de bons payeurs, à l’endettement soutenable à l’égard des établissements de crédit.

En conclusion, monsieur le rapporteur, je salue votre initiative. Vous avez eu raison de raviver l’alerte sur les risques de surendettement, que nous devons en permanence avoir à l’esprit. À cet égard, j’attire votre attention sur le nombre des dossiers de surendettements, qui s’élève non à 200 000, mais à 156 000 dossiers par an. Si ce nombre a augmenté de 7 % au cours des cinq dernières années, c’est particulièrement à la suite de la loi de 2004 sur le rétablissement personnel, qui l’a considérablement accru.

Tous les acteurs doivent redoubler d’efforts pour améliorer leurs comportements : les établissements de crédit doivent se mettre plus systématiquement en conformité avec leurs devoirs et leurs lourdes responsabilités, les réseaux doivent sensibiliser les clients aux conséquences des crédits qu’ils contractent et nous devons rester vigilants sur le traitement des personnes exclues du crédit, sans les précipiter vers le surendettement.

Le Gouvernement souhaite privilégier cette pédagogie des comportements au développement de nouvelles règles ou de nouveaux instruments publics, qui viendraient se superposer aux outils déjà existants. Il rejoint donc la proposition de la commission des affaires économiques de ne pas passer à la discussion des articles.

Nous prenons l’engagement de poursuivre nos efforts, comme vous le souhaitez tous, pour mieux mettre en œuvre les instruments dont nous disposons déjà pour prévenir les situations de surendettement dans notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Loncle. Le Gouvernement ne fera rien, comme d’habitude !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. À la fin de ce débat, monsieur Desallangre, le rapporteur ne peut qu’apprécier votre souhait de passer à la discussion des articles. Ce serait déjà un progrès par rapport aux précédentes tentatives, qui ne l’ont pas permis.

Nous partageons votre avis selon lequel il faut, dans un crédit, une coresponsabilité. Si on est responsable de l’emprunt que l’on contracte, on l’est également de l’argent qu’on prête. Quiconque, parmi nous, se verrait demander par quelqu’un une somme de 10 000 euros vérifierait que cette personne est capable de le rembourser. Dans le cas inverse, et s’il venait à perdre son argent, aucun d’entre nous ne verserait une larme sur le fait qu’il ait été berné. Il en va de même pour les banques ou les établissements de crédit. Dans ce cas, on peut bien parler d’une coresponsabilité, car nous ne prétendons pas non plus que l’emprunteur ne soit pas responsable.

En revanche, monsieur Desallangre, vous avez regretté l’absence de sanction. Mais la proposition de loi en prévoit une ! S’il n’a pas vérifié que l’emprunteur est capable de le rembourser, le créancier perd sa créance et ses intérêts. C’est là une véritable sanction.

M. Jacques Desallangre. Elle s’applique uniquement si le créancier ne consulte pas le fichier !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Non ! Vous savez bien que, ensuite, la jurisprudence établit si l’on a ou non fait le nécessaire. De toute façon, il s’agirait d’une sanction plus forte que celle en vigueur aujourd’hui, qui se limite la plupart du temps à la perte des intérêts. De plus, nous donnerions la possibilité d’une vérification aux organismes qui souhaitent faire leur travail correctement.

M. Jacques Desallangre. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Aujourd’hui, en effet, même vertueux, un organisme de crédit qui souhaite connaître le niveau d’endettement d’un éventuel emprunteur n’a pas d’autre moyen que de le lui demander. Or nous savons ce qu’il en est pour une partie des gens que nous recevons à notre permanence, quelle que soit notre tendance politique : ils évaluent mal leur niveau d’endettement réel, a fortiori quand ils doivent déjà rembourser plusieurs emprunts.

Plusieurs de nos collègues ont signalé qu’il existe une prévention dans le domaine de l’information. Certes, mais elle est insuffisante. Nous recevons tous à notre domicile des démarcheurs et nous observons que notre solde disponible s’accroît régulièrement, quand bien même nous n’avons pas eu recours au crédit et donc pas apporté la preuve de notre capacité de remboursement.

Enfin, monsieur Desallangre, soyez rassuré, tout comme Mme la ministre : nous souhaitons que le fichier soit géré par la Banque de France, seul opérateur public fiable à cet égard, ce qui évitera tout risque d’atteinte aux libertés individuelles. Si d’autres fichiers privés se développent, c’est regrettable. Mais, pour nous, il n’est pas question de confier un fichier à des opérateurs privés.

Monsieur Laffineur, vous avez émis certaines objections à l’égard de la proposition de loi, votre principal argument étant qu’elle ne réglerait pas tous les cas. J’en conviens. Mais, puisqu’il n’y a pas une seule cause au surendettement, je ne connais pas de loi à même de régler à elle seule tous les problèmes.

Vous avez cité le chiffre de 73 % de dossiers de surendettement imputables à des accidents de la vie. Même en acceptant ce chiffre, j’en conclus a contrario que 27 % des gens se retrouvent en situation de surendettement du fait d’abus de crédit. On peut toujours discuter sur les chiffres : au vu du précédent rapport, vous évaluez le nombre de personnes qui se présentent devant une commission de surendettement à 156 000 et moi à 195 000. Mais cela signifie de toute façon que plusieurs dizaines de milliers de familles – je les ai évaluées à 60 000 lors de la précédente discussion – en viennent au surendettement par compulsion, à la suite d’une surconsommation. Ce chiffre n’est-il pas suffisant pour nous faire agir ? Si nous réglions au moins le problème de ces familles, nous ferions œuvre utile.

Accessoirement, comme l’a très bien dit M. Warsmann, le premier réflexe des accidentés de la vie – qui subissent une séparation, un deuil ou perdent leur travail – est de recourir au crédit à la consommation, nous le voyons tous dans nos permanences, en espérant le retour à meilleure fortune. Et l’on s’aperçoit, quand on regarde les dossiers, qu’ils ne font ainsi qu’aggraver leur situation. D’ailleurs, dans les dossiers de surendettement, le nombre de crédits à la consommation est passé de trois à six en moins de quatre ans.

M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Certes, grâce à cette proposition de loi, nous ne pourrions peut-être pas sauver les 73 % de cas que vous avez cités, mais nous éviterions au moins que leur situation ne s’aggrave. N’est-ce pas un objectif suffisant pour que l’Assemblée nationale se mobilise ?

Et puis, il faut un peu de cohérence ! De nombreux députés de tous les groupes ont voté la loi Borloo instituant la procédure de rétablissement personnel. C’est mon cas, de même que j’ai voté la loi de M. Chatel sur l’information des emprunteurs, qui est excellente. Mais on ne peut pas accuser la proposition de loi en discussion de ne pas régler tous les cas, alors que les deux textes que je viens de citer ne les règlent pas non plus. Il existe plusieurs armes contre le surendettement. Cette proposition de loi est l’une d’elles, puisqu’elle permettrait sans doute d’atténuer les difficultés de 60 000 à 80 000 familles françaises, sinon de les faire sortir d’une mauvaise passe.

Selon vous, le fichier inquiète les consommateurs et les banques. Je veux bien croire que ce soit vrai pour elles. Mais brisons un tabou une fois pour toutes : les banques ou les sociétés de crédit ne s’inquiètent que parce qu’elles estiment que nous possédons, en France, le meilleur fichier clients qui soit et qu’elles ont peur de la concurrence européenne. C’est la seule raison de leurs réticences. D’ailleurs, dans onze autres pays de l’Europe des quinze, les banques savent très bien se servir du fichier positif. Elles l’utilisent sans protester. Seulement, chez nous, les banques pensent que leur situation dominante en tant qu’opérateurs historiques sur le territoire national leur est finalement préférable et que ne pas bouger leur est plus profitable.

Vous avez dit, comme Mme la ministre, que la proposition de loi n’obligeait pas les créanciers à consulter le fichier. C’est faux, mais, en cas de non-consultation, s’ils n’ont pas fait toutes les diligences, ils perdent leur créance. Théoriquement, le métier de banquier consiste à prendre un risque et à le calculer, et non à procéder à des sondages, à des statistiques, pour décider quelle est la partie de la population qu’on estime à même de rembourser. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Enfin, certains orateurs m’ont objecté qu’il suffit de perfectionner le fichier des incidents de paiement et d’utiliser les moyens déjà à notre disposition. Mais nous avons déjà voté des lois sur le rétablissement personnel et sur l’information des emprunteurs. Avec cette proposition de loi, nous cherchons à avancer dans le domaine de la prévention. Que je sache, celle-ci doit intervenir avant que les gens ne figurent au fichier des incidents de paiement, car, dès lors qu’ils sont fichés, c’est qu’ils ont déjà eu un problème, qu’ils sont allés trop loin et qu’ils sont en difficulté. C’est en amont qu’il faut essayer de les sauver.

Oublions le fait que nous arrivons en fin de législature ou le problème des appartenances politiques ! Nous recevons tous, dans nos permanences, des personnes qui sont enregistrées au fichier des incidents de paiement après avoir commencé, comme vient de le rappeler Mme la ministre, par ne pas payer un loyer ou une facture d’électricité.

M. Jean Dionis du Séjour. Oui !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Quand une personne émet le chèque qui la fera figurer au fichier des incidents de paiement, c’est pour essayer de rembourser le créancier dont elle a le plus peur.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Si c’est la première dette qu’elle ne paie pas, c’est parce qu’elle sait que, pour EDF, les CCAS vont éventuellement prendre en charge une partie de la facture et que l’électricité ne sera pas coupée tout de suite. De même, elle peut prendre le risque de ne pas payer son loyer, mais le non-paiement d’un crédit à la consommation entraînera immédiatement les courriers de relance, voire la visite d’un huissier. Cette première alerte, nous pourrons ne pas la retenir. Mais on ne peut pas prétendre que le FICP soit un fichier préventif : c’est déjà le fichier de l’échec.

Beaucoup d’entre vous ont évoqué l’exemple de la Belgique, notamment M. Warsmann, qui a étudié mieux que d’autres ce pays dont il est le proche voisin. Le fichier belge a trois ans d’existence. Il a été voté en 2001 et mis en œuvre en 2003. On ne peut donc pas en tirer beaucoup de conséquences sur l’endettement, problème qui, par définition, se construit à moyen et long terme. En revanche, tout le monde a pu constater que ce fichier, sans coût économique supplémentaire, permet d’offrir une base de données qui fonctionne. Les objections techniques liées à la difficulté d’entrer les données, d’actualiser le fichier ou de le faire fonctionner ne valent pas : pourquoi un tel fichier, applicable en Belgique, ne le serait-il pas en France ? N’invoquons pas de mauvais prétextes !

Enfin, si le crédit à la consommation connaît aujourd’hui un surcoût, c’est parce qu’on prête justement à des gens qui ne peuvent pas rembourser. Ce problème, que notre proposition de loi voudrait traiter, ne pèse pas seulement sur ceux qui ne peuvent pas rembourser leurs emprunts, mais sur tous les autres. M. Warsmann l’a très bien fait remarquer. Comment l’établissement de crédit couvre-t-il le risque qu’il court ? Tout simplement en renchérissant le taux de ceux qui remboursent !

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Mais où est le risque quand on décide de faire payer plus cher les 98 % qui remboursent pour amortir le coût occasionné par les 2 % qui ne remboursent pas ? Savez-vous que cette situation représente pour nos concitoyens entre 0,5 et 3,5 % du coût du crédit, selon les strates ? Pendant que certaines personnes sont plongées dans les difficultés, la misère, les drames sociaux et les séparations, les autres paient. Je ne prétends pas, monsieur Laffineur, que nous pourrions empêcher tous les drames. Mais si nous pouvions avancer un tant soit peu, ce ne serait pas si mal !

Messieurs Peiro et Dumas, je vous remercie d’avoir indiqué que Ségolène Royal avait eu la même idée que moi, à peu près au même moment : cela m’ouvre des perspectives ! (Sourires.) Vous avez raison de dire que la gestion du fichier était parfaitement possible et que nous devions en finir avec le discours selon lequel il suffirait de perfectionner l’existant.

M. François Rochebloine. C’est ça, la rupture !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Si c’était le cas, nous l’aurions fait depuis longtemps et ceux qui plongent chaque jour dans le surendettement ne seraient pas si nombreux.

Plusieurs de vos arguments, madame la ministre, ne me semblent pas recevables.

Tout d’abord, vous dites que les Français sont moins endettés que le reste des Européens. C’est vrai statistiquement : leurs dettes sont, en moyenne, inférieures de 5 000 euros à celles de leurs voisins. Mais il s’agit de dettes privées. Si l’on y ajoute la dette publique, on s’aperçoit que les Français sont au moins aussi endettés que leurs voisins. Lors d’une conversation que j’ai eue avec lui il y a deux ans, le gouverneur de la Banque de France lui-même se demandait s’il était vraiment opportun de se comparer à des pays dont la dette publique rapportée au nombre d’habitants est inférieure à la nôtre, laquelle est pharaonique, puisqu’elle représente plus de 22 000 euros par habitant.

Vous estimez, par ailleurs, qu’il faut responsabiliser les prêteurs ; nous sommes tous d’accord sur ce point, madame la ministre. Encore faut-il précisément que ceux-ci disposent d’informations. Tous les organismes de crédit seraient, dit-on, contre un fichier positif. Ce n’est pas vrai : le président de la COFINOGA m’a indiqué qu’il y était favorable, ses sept filiales n’étant pas capables de contrôler l’endettement de leurs clients. Plutôt que de laisser se développer des fichiers privés, n’aurait-on pas intérêt à ce que ces fichiers soient publics et permettent de garantir la protection des libertés individuelles ?

Ainsi que l’a souligné le président Warsmann – et vous-même l’avez laissé entendre, madame la ministre –, pendant que nous refusons de créer un fichier public, ergotant sur son efficacité dans seulement un tiers des cas ou sur de prétendues difficultés techniques – alors que ce serait possible en Belgique –, des fichiers privés se constituent. La CNIL a ainsi autorisé le rapprochement des fichiers COFINOGA et CETELEM. Une telle décision, prise sous la pression d’un certain nombre de lobbies, est dangereuse. Les fichiers publics que nous refusons de créer existent à titre privé.

Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement a changé de position. En 2005, il s’était engagé à confier une mission à un parlementaire afin de créer ce fichier. En 2003, l’amendement que j’avais déposé en ce sens avait été adopté par l’Assemblée nationale – avant d’être rejeté par le Sénat – et le Gouvernement avait estimé, par la voix de Jean-Louis Borloo, que le dispositif proposé était intéressant et devait être affiné. Aujourd’hui, il suffirait simplement d’améliorer les outils existants, comme vous le prétendez ?

M. Christian Paul. Quel aveuglement !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Aucun d’entre nous ne le pense sérieusement.

Je crains que, si nous ne créons pas de fichier public, ce ne soit parce que des fichiers privés sont en train d’être constitués.

M. Christian Paul. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Or ce serait beaucoup plus dangereux que tout le reste. Il est nécessaire que la Banque de France puisse contrôler ces fichiers pour éviter les recoupements, pour que seul l’emprunteur puisse en demander la consultation, pour que ces données ne soient pas conservées au-delà de la durée de l’emprunt et pour qu’elles ne puissent pas être traitées de façon automatisée dans le cadre d’un démarchage commercial. Voilà l’intérêt d’un fichier positif.

La commission a décidé de ne pas passer à l’examen des articles…

M. Jean Dionis du Séjour. À une voix près !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. …et je peux concevoir que le mécanisme suscite des réticences, monsieur le président de la commission, mais, si nous discutions des articles, nous pourrions au moins l’améliorer, grâce à la navette.

M. Christian Paul. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Au terme de cette législature, je trouverais dommage…

M. Christian Paul. Désastreux !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. …que, sur un sujet qui fait l’unanimité, on ne parvienne pas à progresser, non pas tant à cause du manque de volonté de la représentation nationale qu’à cause de l’action de certains lobbies, dans les banques ou à Bercy.

C’est pourquoi je vous demande de voter le passage à la discussion des articles et d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir rappelé que la commission des affaires économiques avait décidé de ne pas passer à la discussion des articles.

M. François Rochebloine. À une voix près !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous avez plaidé avec grand talent en faveur de votre proposition de loi, et je tiens à vous en féliciter, car on ne peut qu’être sensible à vos arguments. Permettez néanmoins à la majorité d’être cohérente avec elle-même.

Vous avez soulevé un vrai problème, et le président Warsmann l’a également souligné : certaines pratiques de crédit à la consommation sont inacceptables. C’est pourquoi j’avais demandé à M. Borloo qu’un groupe de travail soit constitué afin de trouver une solution au problème. Vous pouvez faire confiance à la majorité. Nous avons désigné, la semaine dernière, M. Chatel, spécialiste de ces problèmes, comme rapporteur du projet de loi relatif à la consommation, qui viendra en discussion à l’Assemblée à la fin du mois de janvier. Le Gouvernement a indiqué que c’est dans le cadre de l’examen de ce projet de loi que l’on apporterait une solution au problème que vous soulevez. Il ne s’agit donc pas d’enterrer la difficulté mais, au contraire, de l’affronter et d’apporter une solution cohérente, dans le cadre d’un projet de loi sur la consommation plutôt qu’à l’occasion d’une niche parlementaire.

M. Christian Paul. Vous ne serez plus là, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je serai dans l’hémicycle, au mois de janvier, pour défendre le texte du Gouvernement ! Peut-être ne serez-vous pas là.

M. Christian Paul. Chiche !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je dirai tout de même un mot des inquiétudes que suscite votre proposition de loi. Vos intentions sont bonnes, mais l’on doit se demander si le remède que vous proposez est le bon. Ne peut-on pas craindre de voir le choix économique prévaloir sur la vie privée lorsque l’on aura réglé le problème au mois de janvier ? Ce fichier central concernera 15 à 20 millions de personnes, mais il permettra de traiter le problème – et il faut le traiter – d’environ 60 000 personnes dont certaines sont des consommateurs compulsifs ou impulsifs. La solution n’est-elle pas disproportionnée et ne peut-on pas en imaginer, ensemble, une autre, plus adaptée ?

Par ailleurs, je ne peux pas rester insensible à l’argument de M. Laffineur, qui s’interroge sur les 73 % de personnes surendettées dont la situation résulte, hélas ! d’accidents de la vie. Votre proposition de loi réglerait les problèmes de 27 % de la population concernée, mais quid des autres ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Très juste !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Notre majorité doit chercher à régler l’ensemble des problèmes. Ce sont ces victimes d’accidents de la vie, malheureusement propulsés dans le surendettement et qui deviennent parfois sans-abri, qu’il faut aider !

M. François Rochebloine. Comment ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous vous exposerons les solutions que nous proposerons quand notre commission examinera le texte du Gouvernement au mois de janvier. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Rochebloine. Le Père Noël sera passé par là !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’espère que vous les voterez avec nous, monsieur Rochebloine, car la majorité a bien l’intention de régler le problème.

Le sujet est trop délicat pour être laissé aux passions politiques. Il doit faire l’objet d’un travail de fond que je vous propose, avec le Gouvernement, de mener jusqu’au mois de janvier. Aussi, je souhaite que la majorité soit cohérente avec la décision de la commission, et je vous demande, chers collègues, de ne pas passer à la discussion des articles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur le passage à la discussion des articles

Mme la présidente. La commission n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l’Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans les explications de vote sur le passage à la discussion des articles, j’informe d’ores et déjà l’Assemblée que, sur ce vote, le groupe Union pour la démocratie française a demandé un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi, la parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe UDF.

M. Gilles Artigues. Je constate que toutes les interventions lors de la discussion générale sont allées dans le même sens : nous souhaitons tous prévenir le surendettement. Les arguments avancés pour rejeter le texte me semblent bien faibles. Nous avons apprécié les propos de M. Warsmann, mais je précise que notre démarche ne se veut pas simplement symbolique. La situation est trop grave pour que l’on se contente de mots : il faut des actes.

La proposition de loi de MM. Morin et Lagarde est tout à fait équilibrée, puisqu’elle comporte des garanties de nature à prévenir toutes les dérives. Nous vous demandons donc de la voter, afin de responsabiliser les établissements de crédit en les obligeant à étudier la situation financière des souscripteurs. Nous éviterons ainsi des drames sociaux qui handicapent également l’économie de notre pays, puisque des centaines de personnes sont durablement exclues de la consommation.

Au moment de voter, il nous faut penser aux plus fragiles et aux plus vulnérables, à toutes ces personnes que nous recevons dans nos permanences et que nous nous devons de ne pas décevoir. On nous dit toujours d’attendre, mais saisissons l’opportunité de faire en sorte que, pour ces personnes-là, la législature ne soit pas totalement inutile.

Pour ces différentes raisons, le groupe UDF votera le passage à la discussion des articles de la proposition de loi, sur lequel nous avons demandé un scrutin public. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Desallangre. Madame la ministre, votre argumentation ne m’a pas convaincu – c’est le moins que l’on puisse dire – et je regrette le ton quelque peu méprisant avec lequel le président Ollier a évoqué la procédure des niches parlementaires.

Contrairement à ce que vous dites, les mesures existantes sont loin d’être excellentes, puisque le problème se pose avec une acuité chaque jour plus grande. L’information, le droit de rétractation dans un délai de sept jours et le perfectionnement du fichier ne sont pas suffisants pour dissuader des personnes qui se trouvent déjà au fond du gouffre de l’endettement de ne pas chercher dans un endettement supplémentaire l’illusoire échappatoire. Elles ne peuvent plus réfléchir froidement et se jettent sur ce nouveau crédit qu’on leur fait miroiter.

Certes, les prêteurs doivent consulter le fichier de la Banque de France, mais que se passera-t-il si aucun incident n’est déclaré ? Ils doivent être contraints de s’informer au-delà de cette seule consultation, sous peine de ne pouvoir poursuivre l’emprunteur défaillant. Des mesures strictes sont nécessaires pour responsabiliser les prêteurs. Seul le risque d’être pénalisés financièrement les conduira à la sagesse et à l’exercice honnête de leur métier. C’est pourquoi nous voterons le passage à la discussion des articles de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe UMP.

M. Marc Laffineur. Le problème du surendettement est un problème grave et extrêmement préoccupant, que le Gouvernement et la majorité ont pris à bras-le-corps depuis 2002. Nous avons ainsi voté une loi sur la faillite personnelle en 2003, puis un texte sur l’information du consommateur en janvier 2005 ; enfin, nous avons examiné hier soir le projet de loi relatif à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé.

Il me semble qu’il convient de laisser aux lois que nous avons votées le temps de produire leurs effets, plutôt que de légiférer en permanence. C’est pourquoi la commission des affaires économiques nous demande d’attendre le mois de janvier. Le groupe UMP votera contre le passage à la discussion des articles. Il faut parfois savoir attendre si l’on veut être plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste.

M. Germinal Peiro. La discussion de cette proposition de loi sur le surendettement déposée par nos collègues de l’UDF est l’occasion de dresser le triste bilan de la mandature qui va s’achever. Depuis cinq ans, la situation sociale s’est manifestement aggravée dans notre pays : le pouvoir d’achat de nos concitoyens a diminué, tandis que les situations de précarité et de grande détresse ont augmenté. L’ensemble de la majorité ayant soutenu la politique menée pendant les cinq dernières années en est largement responsable.

Il en va de même en matière de surendettement : 64 % des ménages étaient endettés en 2005 ! On nous dit que ce taux est inférieur à la moyenne européenne, mais, comme l’a fait remarquer notre collègue Jean-Christophe Lagarde, ce n’est sûrement pas le cas si l’on y ajoute la dette publique !

En appelant à ne rien faire, comme si la situation actuelle vous satisfaisait, c’est la politique du pire que vous nous proposez, madame la ministre, ce qui ne saurait nous convenir. Quant à M. Ollier, il repousse toute action au mois de janvier : comment peut-on croire que c’est à quelques jours de la fin de nos travaux que le Gouvernement adoptera des mesures qu’il a constamment repoussées depuis cinq ans ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous ne manquez pas d’audace !

M. Germinal Peiro. Je suis sincèrement persuadé qu’il y a urgence. Il convient, tout d’abord, de moraliser les pratiques des organismes prêteurs en engageant leur responsabilité face aux propositions de crédit souvent indéchiffrables que nous recevons tous et qui appâtent les plus vulnérables. C’est l’objet de l’article 1er.

Il faut, ensuite, protéger les familles qui se trouvent en grande difficulté par la mise en place d’un fichier positif public. Aucun des arguments tendant à démontrer que qu’il est impossible de créer ce fichier ne tient si l’on considère que la Belgique en a mis un en place sans difficulté, comme notre collègue Warsmann l’a lui-même souligné – je me demande si son vote, dans un instant, sera en accord avec les propos qu’il a tenus.

Il nous faut avancer, mes chers collègues. Certes, cette proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes de surendettement,…

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. C’est vrai !

M. Germinal Peiro. …mais elle permettra de se donner des moyens supplémentaires de contrôler la situation.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. C’est vrai aussi !

M. Germinal Peiro. Enfin, madame la ministre, il faut faire confiance au travail parlementaire. Refuser la discussion des articles, c’est nier le rôle du Parlement. Au cours de la navette parlementaire, députés et sénateurs vont améliorer et compléter le texte, et lever les ambiguïtés qu’il peut comporter. Le Gouvernement n’a pas le droit de pratiquer la politique du pire en ne faisant rien. Le groupe socialiste, pour sa part, votera pour le passage à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin.

Je vais donc mettre aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

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Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur le passage à la discussion des articles :

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

L’Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n’est pas adoptée.

ordre du jour
des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et débat sur cette déclaration.

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi de modernisation du dialogue social, n° 3456.

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 3303, sur l’eau et les milieux aquatiques :

Rapport, n° 3455, de M. André Flajolet, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures trente-cinq.)