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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 11 janvier 2007

108e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

ratification de la convention
contre le dopage dans le sport

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport (nos 3387, 3553).

La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, nous sommes réunis aujourd’hui, en ce début d’année, pour examiner le projet de loi autorisant la ratification du traité de la convention contre le dopage dans le sport, adoptée le 19 octobre 2005, à l’unanimité, par les délégués à la 33e Conférence générale de l’Unesco.

La France qui, je le rappelle, est à l’origine de cette proposition de convention, devrait être ainsi le trente et unième pays à la ratifier, après le Luxembourg qui l’a fait le 11 décembre dernier, ce qui permet à ce texte, chose importante, d’entrer en vigueur.

Comme vous le savez, cette convention est un instrument nécessaire pour définir et assurer une approche mondiale cohérente de la lutte contre le dopage dans le sport.

Ce dispositif, que les États ont vocation à adopter, permettra aux sportifs d’évoluer dans un environnement juridique cohérent et équitable, quel que soit le lieu de la compétition ou de la pratique.

C’est l’achèvement d’un processus qui permet aux États de converger avec le mouvement sportif international, processus commencé dès 1999, un an après l’affaire « Festina » qui avait secoué le Tour de France.

Depuis 2003, les fédérations internationales, les comités nationaux olympiques, le Comité international olympique, ont tour à tour transposé dans leur ordre juridique le code et les standards internationaux qui y sont annexés.

Cette convention doit conduire l’ensemble de la communauté internationale à adopter, comme nous l’avons déjà fait pour l’essentiel, des mesures spécifiques visant :

À réduire la possibilité de se procurer et d’utiliser des substances interdites et, à cette fin, à actualiser une liste de référence de substances interdites – un groupe de suivi spécialement constitué à cet effet devra réexaminer périodiquement cette liste et suivre l’application de la convention ;

À établir un lien entre l’application stricte de la réglementation antidopage et l’octroi d’aides aux organisations sportives ainsi qu’aux sportifs ;

À instaurer des contrôles antidopage réguliers, tant au cours qu’en dehors des compétitions ;

À soutenir, concevoir ou mettre en œuvre des programmes d’éducation et de formation à la lutte contre le dopage, pour sensibiliser le public aux effets négatifs du dopage sur la santé et sur les valeurs éthiques du sport ;

Enfin, à informer le sportif sur ses droits et ses devoirs, en particulier en matière de procédures de contrôle.

Mesdames, messieurs les députés, l’adoption de cette convention vient ainsi compléter votre action législative dans le domaine particulier de l’éthique sportive et de la préservation de la santé des sportifs, dont l’intervention la plus récente est la loi du 5 avril 2006, qui a notamment conduit à la création de l’Agence française de lutte contre le dopage.

Je souligne que cette loi s’est notamment attachée à clarifier les responsabilités des acteurs internationaux et nationaux, en s’appuyant sur un principe clair, conforme aux principes du code mondial.

En premier lieu, le contrôle de la loyauté des compétitions internationales doit relever des instances internationales qui ont autorité sur leur organisation.

En second lieu, le contrôle de la loyauté des compétitions nationales relève des autorités nationales, c’est-à-dire des fédérations nationales et de l’Agence française de lutte contre le dopage.

Ces dispositions sont compatibles et cohérentes avec les principes généraux que la ratification de la convention contre le dopage nous fait obligation de transposer dans notre droit interne.

Cette répartition des compétences entre les autorités sportives internationales et les autorités nationales a été comprise, admise, et n’a soulevé, à l’occasion des procédures consultatives préalables à l’adoption de la loi du 5 avril 2006, aucune objection juridique.

Je précise ce point car, préalablement à la saisine de la représentation nationale, la question de la compatibilité avec notre droit d’une des dispositions du code mondial relative à l’appel d’une sanction disciplinaire devant le TAS, le tribunal arbitral du sport, a été débattue.

L’interrogation a porté sur la situation des sportifs de niveau international. Les sanctions qui les concerneraient, même infligées par une autorité nationale à l’occasion d’une compétition nationale, ne pourraient, selon une interprétation qu’il convient de rejeter, faire l’objet d’un appel que devant le TAS et le TAS seulement.

Il convient, mesdames, messieurs les députés, pour lever toute ambiguïté, de préciser la portée et le sens de cette disposition.

D’abord, la convention ne prévoit pas la transposition littérale du code mondial, puisque, je vous le rappelle, ce texte n’est pas juridiquement intégré à la convention, à laquelle il est seulement annexé. La convention précise que les États parties s’engagent à respecter les « principes » de ce code, ce qui exclut toute notion d’applicabilité automatique de ses dispositions en droit interne, et laisse ainsi aux États, vous le comprenez, une marge d’interprétation et de transposition, ce qui a été clairement rappelé par le Conseil d’État lors de son examen du projet de loi.

Ensuite, il résulte des dispositions mêmes de ce code que celles-ci respectent les prérogatives des autorités nationales lorsqu’elles existent. Ainsi, lorsqu’une sanction nationale est prononcée contre un sportif français, soit par une fédération nationale, soit par l’AFLD, ce sportif pourra épuiser, devant le juge administratif français dans le cas d’espèce, toutes les procédures nationales d’appel et de contestation juridique de la décision disciplinaire. La sanction qu’il encourt n’a alors de portée que pour ce qui concerne les compétitions nationales.

S’agissant des sportifs de niveau international, les fédérations internationales tirent, en ce qui les concerne, toutes les conséquences des sanctions nationales, implicitement ou explicitement. Ces décisions de transposition, dont les conséquences ne concernent que le champ sportif international, ne sont, quant à elles, susceptibles d’appel que devant le tribunal arbitral du sport.

En somme, le principe à compétitions nationales compétences nationales, et à compétitions internationales compétences internationales, sera appliqué.

De ce fait, les portées respectives des sanctions nationales et internationales, et leurs procédures d’appel, sont respectées et demeurent conformes aux dispositions de notre droit interne, sans que l’on puisse craindre une atteinte à la souveraineté nationale. Telle est, mesdames, messieurs, l’interprétation qu’il convient de donner à cette disposition, interprétation respectueuse des principes du code.

C’est d’ailleurs à partir de ce principe que la loi du 5 avril 2006 a défini les compétences respectives des fédérations et de l’Agence française en matière de contrôles antidopage, compétences respectives qui ont été explicitées dans ses décrets d’application.

Enfin, certains ont pu prétendre que les sanctions, telles qu’inscrites dans le code, seraient automatiques, privant les sportifs de la possibilité d’évoquer le bénéfice de la Constitution ou de la Convention européenne des droits de l’homme.

Comme je vous l’ai précisé, les dispositions du code sont compatibles avec notre droit interne et nos principes constitutionnels. Ainsi, le Conseil d’État a explicitement considéré que le projet de loi de ratification ne contrevenait ni aux principes constitutionnels ni aux obligations résultant de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, en matière de nécessité et de proportionnalité des peines. Les sportifs peuvent être entendus et faire valoir, dans l’examen de leur dossier, les circonstances de la faute qui leur est reprochée.

Dès lors, les sportifs bénéficient bien, à travers cette ratification, de l’ensemble des garanties constitutionnelles et internationales applicables à tout citoyen.

L’interprétation des dispositions du code, que je viens d’évoquer, sera explicitée à l’occasion des travaux du groupe de réflexion qui a vocation à actualiser le code, et cela dans la perspective de la Conférence mondiale de Madrid qui se tiendra en novembre prochain. En effet, c’est à l’occasion de cette conférence que les dispositions du code pourront évoluer. Durant cette période, j’aurai d’ailleurs l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, au titre de mes responsabilités au sein de l’Agence mondiale anti-dopage.

La ratification de cette convention va confirmer la détermination de notre pays à lutter contre le dopage dans une dynamique internationale, ce dopage qui nie les principes moraux et éthiques qui sont à la base du sport, qui ruine la santé des athlètes et qui crée des dommages irréparables à la nécessaire exemplarité de l’exploit sportif.

Seule une prise de conscience collective et une action internationale peuvent permettre de lutter efficacement contre ce phénomène, dont l’impact ne se limite d’ailleurs pas aux sportifs concernés ou au sport lui-même, mais qui touche également toute la société, par ses effets de plus en plus insidieux.

Voilà résumé l’essentiel de cette convention qu’il est temps d’introduire, eu égard à sa nature et à la portée de ses objectifs, dans notre édifice normatif.

Je remercie une nouvelle fois l’Assemblée nationale, pour son soutien indéfectible à la lutte contre le dopage, qui s’est notamment manifesté par le vote unanime et solennel en première lecture de la loi d’avril 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Axel Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport est un texte important. Il symbolise les énormes progrès réalisés en quelques années par le mouvement sportif international en matière de lutte contre le dopage.

Il a fallu les graves faits qui ont entaché le Tour de France à l’été 1998 pour que le dispositif international de lutte contre le dopage passe de la velléité au volontarisme. Il existe désormais une structure internationale chargée d’harmoniser les actions en matière de dopage, l’Agence mondiale antidopage, l’AMA.

L’AMA a élaboré, comme le disait M. le ministre, un code mondial antidopage, destiné à servir de cadre aux politiques, règles et règlements des organisations sportives et des autorités publiques. Entré en vigueur le 1er janvier 2004, ce code est un document important, quasi universel, reconnu aujourd’hui par 163 gouvernements.

Cependant, en raison de son statut de droit privé, l’AMA ne dispose ni de la légitimité ni de la compétence pour édicter des normes obligatoires pour les États.

L’UNESCO a donc été saisie d’une proposition visant à élaborer une convention internationale contre le dopage dans le sport. Cette convention a été adoptée le 19 octobre 2005.

Elle doit être lue avant tout comme l’outil destiné à traduire de manière contraignante les principes du code mondial antidopage.

Le cœur de la convention réside dans les deux articles 3 et 4, qui consacrent l’engagement des États à « adopter des mesures [...] conformes aux principes énoncés dans le code » et à « respecter les principes énoncés dans le code ». Toutefois, il est explicitement spécifié que le code ne fait pas partie intégrante de la convention.

L’article 37 de la convention dispose qu’elle entrera en vigueur lorsque trente États l’auront ratifiée, approuvée, acceptée, ou y auront adhéré. C’est chose faite depuis le 12 décembre 2006. Au 31 décembre dernier, quarante et un États avaient même approuvé la convention, ce qui permet d’envisager l’entrée en vigueur de la convention pour le 1er février 2007.

J’en viens maintenant aux effets de la convention sur le droit national.

Sur deux points, on peut s’interroger quant à la conformité du droit français aux dispositions de la convention.

En premier lieu, le code prévoit qu’en cas d’usage de substances ou méthodes interdites, la période de suspension du sportif incriminé sera de deux années lors de la première violation et définitive en cas de récidive. Or le principe des sanctions automatiques est contraire au principe de proportionnalité et de personnalisation des peines existant dans le droit français. Toutefois, il résulte des dispositions du code lui-même que le strict principe énoncé par le code peut être modulé. En définitive, il résulte de la lecture combinée des articles du code que ce dernier ne conduit pas à modifier le droit français, qui répond d’ores et déjà aux objectifs des rédacteurs du code : fermeté et modularité des sanctions d’un côté, respect des droits de la défense pour les sportifs de l’autre.

La seconde interrogation porte sur la compatibilité entre le code et le droit français en matière de contentieux des sanctions pour dopage. Je dois dire que ce point a fait l’objet de nombreux débats au sein de la commission des affaires étrangères.

Le code prévoit que les décisions sanctionnant, pour violation des règles antidopage, des sportifs de niveau international et/ou des violations intervenues lors d’une manifestation sportive internationale, peuvent être portées en appel « uniquement devant le tribunal arbitral du sport ».

S’agissant des infractions commises par un sportif de niveau international lors de compétitions nationales ou locales, la disposition du code peut sembler poser problème, notamment au regard du principe de la souveraineté nationale. L’on pourrait en effet considérer que la disposition du code reviendrait à faire réformer par une instance étrangère la décision prise par un organisme français à l’encontre d’un sportif français, pour une infraction commise sur le territoire français. Cette interprétation stricte est problématique dans la mesure où il n’existe pas de définition du « sportif de niveau international » ni en droit interne ni en droit international. En outre, l’existence du tribunal arbitral du sport, établi à Lausanne, n’est pas reconnue par une convention internationale.

Selon le Gouvernement, une autre lecture doit être faite du code. Au nom du principe selon lequel « chacun est maître chez soi », les sanctions prises par les fédérations nationales contre un sportif participant à une compétition nationale seront, le cas échéant, frappées d’appel, voire d’un recours en cassation, devant le juge français, selon les règles ordinaires du contentieux administratif.

Si la fédération internationale décide à son tour de prendre une sanction contre le sportif incriminé, au motif que ce dernier a participé à une compétition qui, bien que nationale, détermine sa participation à des compétitions internationales, c’est la chaîne de sanction internationale qui s’appliquera, que notre droit reconnaît depuis l’intervention de la loi du 5 avril 2006 sur la lutte contre le dopage. Les deux chaînes de décision étant autonomes, il n’existe pas, selon cette interprétation, de risque de télescopage des décisions. Dès lors, le principe de souveraineté n’est pas remis en cause.

En conclusion, je veux rappeler que la France a toujours joué un rôle moteur dans la lutte internationale contre le dopage, rôle qu’elle a confirmé en se plaçant à la pointe de la rédaction et de la conclusion de la convention internationale contre le dopage dans le sport. Il est par conséquent indispensable qu’elle puisse jouer tout son rôle dans le suivi de cette convention, alors que l’entrée en vigueur de celle-ci est imminente.

Dans ce contexte, la commission, au cours de sa réunion du 9 janvier dernier, a donné un avis favorable à l’adoption du présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, en France, 26,5 millions de personnes âgées de quinze à soixante-quinze ans pratiquent une activité physique ou sportive au moins une fois par semaine, selon une enquête de 2002 du ministère de la jeunesse et des sports. L’immense majorité d’entre eux pratiquent le sport en amateur et ne connaissent comme produits dopants que quelques morceaux de sucre ou une orange, de la vitamine C naturelle. Ils sont donc totalement étrangers à la discussion de ce matin. Personne ici n’en doute une seconde, mais je tenais à le préciser et à saluer ces millions de sportifs amateurs, pour qui l’effort est plus important que la victoire, et ces millions de bénévoles qui donnent de leur temps pour faire vivre les clubs sportifs, les amicales vélocipédistes, les associations de boulistes, les équipes amateurs de football, de handball, de basket, etc.

Pour en revenir au dopage, il faut rappeler qu’en 1966, l’Union cycliste internationale et la Fédération internationale de football ont été parmi les premières fédérations à effectuer des contrôles anti-dopage pendant leurs championnats du monde respectifs. Lors du Tour de France, cette année-là, les coureurs manifestèrent leur mécontentement en mettant pied à terre. On voit par là que la lutte contre le dopage n’est pas simple. Elle se fait certes dans l’intérêt des sportifs, mais parfois contre leur volonté. Cela dit, nous sommes encore, à cette époque, face à un dopage que je qualifierai d’artisanal, en espérant que personne ne voie dans ces mots une tentative de ma part de minimiser le problème. Les produits chimiques ont déjà fait leur apparition, mais l’usage qui en est fait est encore empirique. Le pire est à venir. A la confluence des progrès des biotechnologies et de la marchandisation du sport, devenu une industrie du spectacle soumise à des impératifs de rentabilité, dès la fin des années 60, le dopage va à la fois se généraliser et devenir scientifique.

Aujourd’hui, les industriels qui investissent dans le sport ne le font pas toujours par amour de l’effort physique. Ils en espèrent souvent des bénéfices. Ces nouveaux investisseurs attendent donc des sportifs qu’ils soient « rentables », c’est-à-dire disponibles toute la saison à leur meilleur niveau. Ils attendent du sport qu’il soit moins aléatoire. La victoire aujourd’hui n’est plus seulement source de satisfaction : elle est avant tout un retour sur investissement.

Après avoir trop longtemps attendu des instances sportives qu’elles règlent ce problème, les pouvoirs publics ont enfin réagi. Je voudrais ici rendre hommage à ma collègue Marie-George Buffet,…

M. Jean Le Garrec. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. …dont la loi contre le dopage de 1999 a marqué une étape majeure dans la lutte contre ces pratiques. En effet, cette loi prenait en compte tous les aspects du problème : non seulement la lutte contre le dopage par la création d’une autorité administrative et le renforcement des sanctions à l’encontre des tricheurs, mais également la prévention et la prise en charge médicale des sportifs dopés, qui sont les premières victimes de cette industrie du sport. La même année a été créée, à Lausanne, l’Agence mondiale antidopage, indispensable pour donner à la lutte contre le dopage une dimension internationale.

L’an dernier enfin, nous avons voté un nouveau texte sur lequel nous avons cependant émis quelques réserves. Nous avions notamment regretté la faiblesse de la prévention et le fait que la nouvelle Agence française de lutte contre le dopage n’ait aucun pouvoir de contrôle et de sanction pour les compétitions internationales organisées en France. D’ailleurs, à l’occasion de la ratification de cette convention, pouvez-vous, monsieur le ministre, faire un premier bilan de cette loi ?

Les députés communistes et républicains avaient également regretté que les médecins généralistes ne soient pas davantage impliqués dans cette lutte, car le combat contre le dopage ne fait que commencer et nécessitera la mobilisation de toutes les énergies.

Ces nouveaux produits issus des progrès des biotechnologies – EPO, hormones de croissance, stéroïdes, etc. – ne constituent pas, en effet, le stade ultime, l’aboutissement du dopage. Ils sont, au contraire, les prémices d’un monde dans lequel le dopage sportif ne serait qu’une application parmi d’autres des progrès biotechnologiques. Il y a lieu de s’inquiéter. Voulons-nous de ce monde-là ? Allons-nous accepter qu’au nom de la performance, du « toujours plus », toujours plus de profit, toujours plus de records, les sportifs soient les cobayes sur lesquels seront expérimentées des dérives qui ne devraient pas tarder à contaminer d’autres activités humaines, et notamment le travail ?

N’y sommes-nous pas déjà, dans ce monde où l’on satisfait les exigences de rentabilités au détriment de la santé des salariés ? Un récent article du Monde décrivait ainsi la généralisation de la cocaïne au travail, et pas seulement chez les cadres supérieurs.

Parce que nous n’approuvons pas ces dérives, nous approuverons cette convention, mais nous garderons à l’esprit que le combat contre le dopage est un combat de tous les instants, un combat qui ne fait que commencer, qui dépasse le domaine du sport, et que l’on ne gagnera pas sans réfléchir aux valeurs qui fondent notre société.

Pour terminer cette intervention, je souhaiterais citer quelques mots d’Henri Sérandour, président du Comité national sportif français, prononcés lors de ses vœux : « C’est vrai, le sport n’est pas éducatif en soi. Il l’est parce que nous le voulons ainsi. Il est éducatif par les valeurs humaines que son organisation entend promouvoir dans le respect de l’éthique et par la maîtrise de son histoire. » Il est en effet nécessaire de décider des principes moraux et éthiques, et plus généralement des valeurs sur lesquelles nous voulons fonder notre société.

M. Jean Le Garrec. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Martine Aurillac. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous sommes invités à examiner ce matin concerne un sujet important, un sujet majeur pour la vie du sport dans notre pays : la lutte contre le dopage. Cette question nécessite bien évidemment un engagement fort de tous les acteurs non seulement au niveau national, mais également au plan international.

Comme cela vient d’être souligné, nous assistons depuis quelques années à une mobilisation sans précédent de l’ensemble des acteurs concernés par l’éradication de ce fléau qui porte gravement atteinte à l’image du sport et à la santé des sportifs.

La lutte contre le dopage, dont la France se préoccupe depuis plusieurs années, s’inscrit aujourd’hui dans un environnement marqué par une coordination accrue entre les pays. En novembre 1999 a été créée l’Agence mondiale antidopage afin de promouvoir et coordonner la lutte contre le dopage dans le sport. Elle a été instituée sur l’initiative du Comité international olympique et de certains États, parmi lesquels la France a joué un rôle déterminant.

Comme vous le savez, l’AMA est à l’origine du code mondial antidopage, adopté à Copenhague le 6 mars 2003 par la France, comme par 163 autres États. Le code mondial antidopage est le premier document visant à harmoniser les règles régissant le dopage dans les pays et les diverses disciplines sportives.

La convention internationale contre le dopage dans le sport, élaborée très rapidement sous l’égide de l’Unesco et adoptée à l’unanimité en octobre 2005, répond à cet engagement politique et constituera la base de la coopération intergouvernementale dans ce domaine.

Par ailleurs, la ratification de cette convention par notre pays n’est pas en contradiction avec les engagements que nous avons déjà pris dans le cadre de la convention européenne de lutte contre le dopage de 1989, adoptée par le Conseil de l’Europe.

Je ne reviendrai pas aujourd’hui sur les débats suscités par l’examen de ce texte devant la commission des affaires étrangères les 13 décembre 2006 et 9 janvier derniers. Vous-mêmes, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous êtes expliqués notamment sur la question de la compatibilité de cette convention avec l’exercice de la souveraineté nationale et avec la Convention internationale des droits de l’homme.

Le comité de suivi de la convention doit être bientôt mis en place. Aussi, à l’instar de M. le président de la commission des affaires étrangères, je dirai qu’en dépit des ambiguïtés du droit international du sport, la France se devait de ratifier ce texte, afin de faire entendre sa voix pour clarifier ce droit. Aussi le groupe UMP est-il tout à fait favorable à la ratification de cette convention.

M. Axel Poniatowski, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le groupe socialiste.

M. Jean Le Garrec. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je regrette la précipitation dans laquelle a lieu ce débat. Le sujet est d’importance ; il méritait mieux ! D’ailleurs, ces regrets ont aussi été exprimés par le président Balladur. Je viens seulement de recevoir le rapport, que je n’ai même pas eu le temps de parcourir. C’est dommageable, car, monsieur le ministre, vous connaissez mieux que quiconque l’importance du sujet. Il est d’une extraordinaire gravité !

On l’a mesuré à travers ce qui s’est passé en France – je pense notamment à l’affaire Balco –, aux États-Unis ou en Espagne. On sait qu’il existe désormais des centres de désintoxication pour sportifs. Le sujet est donc considérable.

De plus, sur le plan juridique, le texte est compliqué, comme l’a souligné le président Balladur. La commission des affaires sociales, qui, sur ces questions, a considérablement œuvré pendant ces dernières années, n’a même pas été saisie pour avis. Or elle avait beaucoup travaillé sur la loi Bambuck, de 1990, l’excellente loi Buffet, de 1999, qui toutes deux avaient pour rapporteur M. Alain Néri, et sur votre loi de 2006, monsieur le ministre. Elle n’a cependant pas eu le temps ni la possibilité de s’exprimer sur un sujet aussi important. C’est dommage, je le répète.

J’ai lu attentivement les débats de la commission des affaires étrangères. Les problèmes ont été posés et le rapporteur, comme il l’a fait à l’instant à la tribune, s’est efforcé d’éclairer le débat sur le plan juridique. Je lui en rends hommage. M. le président Balladur a considéré que ses explications avaient facilité le débat. Loin de moi l’idée de m’opposer à son appréciation.

Il n’empêche que demeure une incertitude qui se dissipera peut-être avec le temps, je l’espère, du moins. L’important est de passer à une appréciation de plus en plus mondiale du problème.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Tout à fait !

M. Jean Le Garrec. À ce titre, je rends hommage à Mme la ministre Buffet, qui, la première, a engagé cette bataille devant le Conseil de l’Europe.

Le rapporteur a rappelé la création de l’AMA, en 1999, la préparation par le CIO, puis la création du code mondial antidopage, qui n’était pas suffisamment contraignant, et enfin, le 19 octobre 2005, la convention internationale de l’Unesco contre le dopage.

Je ne reviens pas sur le débat juridique, qui a été éclairé par le rapporteur. Je pense que, dans les mois à venir, il faudra essayer de préciser tel ou tel point, notamment la situation du tribunal international de Lausanne, qui n’est pas soumis à la convention internationale. Notre délégation aura sans doute à cœur de régler ce problème. Il était important que ce texte soit adopté avant la fin janvier, de manière à ce qu’une délégation française puisse participer à la conférence qui se tiendra les 5, 6 et 7 février.

Malgré quelques réserves, le groupe socialiste votera sans hésitation cette convention.

M. Axel Poniatowski, rapporteur. Très bien !

M. Jean Le Garrec. Je souhaite cependant que vous soyez porteur de ces remarques, monsieur le ministre, auxquelles j’ajoute une question. Il existe un fonds pour l’élimination du dopage dans le sport. La France a-t-elle l’intention d’y participer ? Je manque d’informations à ce sujet et vous pourrez probablement nous fournir quelques explications.

J’ai souligné que le débat est extrêmement important. Je veux y revenir un instant. Le sport occupe un espace croissant dans notre société. La lutte contre le dopage devient de plus en plus scientifique, comme l’a indiqué Mme Fraysse, puisqu’elle met en jeu des techniques de plus en plus pointues. Il s’agit d’un problème d’éthique – quelle est la valeur symbolique et éducative du sport ? quel est le rôle de l’image du sport ? – et d’un problème de santé publique de plus en plus contraignant.

C’est aussi un enjeu de société. À l’heure actuelle, le sport représente un enjeu financier et commercial de dizaines de milliers d’euros ou de dollars – je suis incapable d’en calculer le montant – en termes d’équipement, de matériel, de spectacle de masse ou d’enjeu publicitaire. Il est même devenu le premier vecteur dans ce domaine.

On voit fleurir de véritables écuries sportives, créées par des financiers, qui, je veux bien le croire, sont aussi des passionnés, mais qui engagent des sommes considérables. Même si la comparaison peut paraître excessive, je ne peux m’empêcher de poser la question : veut-on créer de nouvelles écoles de gladiateurs ?

M. Gérard Bapt. La comparaison s’impose !

M. Jean Le Garrec. On trouve ces écuries dans le football, mais aussi dans le tennis ou l’athlétisme. Vous le savez, monsieur le ministre ; aussi, je préfère ne pas citer de noms.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Certaines sont soutenues par la mairie de Paris ! Sans citer leur nom, vous pourriez mentionner celui de certaines collectivités locales.

M. Jean Le Garrec. Les collectivités locales sont parfois entraînées dans cette démarche.

M. Pierre-Louis Fagniez. Elles ont elles-mêmes leurs entraîneurs !

M. Jean Le Garrec. Elles connaissent d’ailleurs des problèmes financiers de plus en plus difficiles à maîtriser, je le dis sans hésitation. Dans cette course, chacun se laisse entraîner, et je ne suis pas sûr que l’introduction en bourse des équipes de football soit un élément positif.

Face à cette dérive extraordinaire, le professeur Saillant, en novembre 1998, écrivait que tout se passait « comme si le corps des sportifs était devenu une machine et l’hôpital un garage. » Vous connaissez cette phrase si forte.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Oui !

M. Jean Le Garrec. J’ai en mémoire une déclaration de ce grand rugbyman qu’était Crauste, qui, le soir d’un match quelque peu viril contre l’Angleterre, s’était exclamé : « Nous ferons de vilains vieux ! » Que dirait-il aujourd’hui ?

M. Gérard Bapt. En effet !

M. Jean Le Garrec. Moi qui ai joué au rugby très longtemps, il m’arrive parfois de ne pas reconnaître ce sport que j’aime beaucoup.

M. Gérard Bapt. Pourtant, cette discipline fait figure d’exception.

M. Jean Le Garrec. Il y a parfois des surprises heureuses. En coupe de France, l’équipe de Calais est arrivée en finale après avoir battu en trente-deuxième de finale une équipe de première division. Mais de telles équipes sont des Cendrillons. Les autres disposent de moyens financiers considérables. Le problème est posé : serons-nous capables de protéger toutes les équipes ? Ce n’est pas à vous, grand sportif et médaillé olympique, que j’apprends quoi que ce soit en disant cela.

Un tel enjeu aurait mérité un débat important à l’Assemblée. Il s’agit de préserver non seulement la beauté extraordinaire du geste sportif, admiré depuis l’Antiquité, l’engagement ou la maîtrise du corps, mais l’image de la société que véhicule le sport. Tel est le problème que pose cette convention dont nous abordons l’examen dans la tranquillité matinale d’un débat écourté. Je répète que le sujet méritait mieux.

Bien entendu, je me félicite que la France s’engage résolument dans ce débat mondial. Elle a souvent été pionnière et doit continuer à l’être. Je me réjouis que vous fassiez partie de la délégation qui se réunira au mois de février. Le message doit passer, car notre action est encore en deçà des enjeux considérables du problème en termes de projet de société.

Pour conclure, je relirai un passage que j’ai retrouvé, au hasard de recherches historiques. Il traite de la dérive des jeux antiques à partir du IVe siècle avant notre ère. En 322, Callippos l’Athénien acheta ses adversaires qui lui laissèrent gagner le pentathlon. « Peu à peu, écrit Pierre de Coubertin, l’opinion se détache et se détourne ; la religion athlétique – propos que l’on peut élargir à tout le monde du sport – perd ses fidèles : elle n’a plus que des clients. »

Parce que nous ne voulons pas que de telles dérives se reproduisent, parce que nous refusons d’être des clients, parce que nous voulons que le sport soit un facteur de santé publique et d’équilibre individuel, parce que nous voulons un spectacle de sportifs respectés, nous considérons que la lutte contre le dopage est essentielle pour sauvegarder non seulement une éthique, mais un projet de société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Luc Préel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport est importante et nécessaire.

Il demeure à cet égard certaines ambiguïtés juridiques qu’ont soulignées les orateurs précédents. Je n’y reviens pas. Je suis en accord avec ce qu’ils ont pu dire. Je rejoins notamment M. Le Garrec : comme lui, je regrette que la commission des affaires sociales n’ait pas été saisie de ce texte, alors qu’elle s’intéresse beaucoup au sport.

M. Jean Le Garrec. En effet !

M. Jean-Luc Préel. Celui-ci occupe une place importante dans notre société. Il contribue à la cohésion sociale du pays. Il participe au bien-être, à l’hygiène de vie générale. Il joue aussi un rôle important dans l’éducation et la formation, permettant aux jeunes de se confronter aux autres, de découvrir l’émulation, l’importance du collectif et le respect non seulement de l’autre, mais aussi des règles.

Certes, dans le sport, celles-ci ne sont pas toujours respectées. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Nous connaissons les conflits qui naissent parfois, notamment avec les arbitres. Mais l’image du sport est importante. Il importe donc d’être vigilant.

De grands champions permettent de porter le plus haut possible dans le monde les couleurs de la France. Cependant, depuis quelques années, l’actualité est régulièrement émaillée d’affaires qui viennent discréditer la performance sportive et éclabousser la réputation de nombreux champions.

Ce fut d’abord le fait de cyclistes, d’haltérophiles et de sprinteurs. Mais nous savons hélas que tous les sports sont touchés. Il existe des préparations au dopage, des usines et même des spécialistes. Il convient de les combattre. Dans ce domaine, les affaires sont particulièrement consternantes en ce qu’elles salissent l’image de certaines disciplines et mettent en péril la santé, voire la vie des sportifs de haut niveau. L’influence que ceux-ci exercent sur la jeunesse les rend particulièrement choquantes. C’est pour cela que nous devons nous en préoccuper.

Le dopage est un réel fléau, qui bafoue les règles éthiques du sport. Il convient de le combattre, en espérant que nous pourrons y mettre un terme. Mais nous avons conscience de la difficulté de cette lutte contre l’imagination toujours renouvelée des tricheurs, liée au souci d’obtenir de meilleures performances pour une rentabilité financière dont l’importance a été soulignée.

Depuis plusieurs années, nous assistons à une mobilisation sans précédent de l'ensemble des acteurs concernés par l'éradication du dopage.

Au niveau national, d’abord, puisque notre pays s'est doté de longue date d'une législation antidopage. La première définition légale du dopage en France date en effet de la loi Herzog du 1er juin 1965, qui fut modifiée par la loi Bambuck du 28 juin 1989, par la loi Buffet du 23 mars 1999 et, dernièrement, par la loi d’avril 2006, qui a doté l'Agence de lutte contre le dopage d’un nouveau statut et renforcé ses missions.

La mobilisation se développe également au niveau international, puisque se sont succédé la charte de l'Unesco relative à l'éducation physique et au sport, en 1978, la charte européenne contre le dopage dans le sport, en 1984, la Convention européenne de 1989, le code antidopage du Conseil des communautés européennes, en 1992, et la Convention mondiale sur le dopage, en 1999. Cette dernière a conduit à la mise en place d'une structure, l'Agence mondiale antidopage, qui, chargée d'harmoniser les actions en matière de lutte contre le dopage, a élaboré dès 2004 un code mondial antidopage, certes juridiquement non contraignant, mais signé par 163 États.

Pour donner un effet contraignant aux dispositions de ce code, qui énonce les règles et les principes de la lutte contre le dopage, l'Unesco a proposé la convention dont nous examinons la ratification ce matin. Adoptée à l'unanimité en octobre 2005, celle-ci est conforme aux engagements internationaux de la France en matière de lutte contre le dopage et à une démarche largement soutenue par le mouvement sportif français, en particulier par le Comité national olympique et sportif français. Elle permettra d'agir de manière coordonnée en faveur de la lutte contre le dopage et crée un instrument international indispensable, qui constituera le socle de la coopération intergouvernementale en ce domaine.

Cette ratification est nécessaire à divers titres, notamment parce qu’elle traduit notre action volontariste dans le domaine de la lutte contre le dopage et répond aux engagements internationaux de la France dans ce domaine. J'approuve pleinement cette démarche.

Cette ratification est urgente car, depuis sa signature, quarante et un pays l'ont ratifiée, permettant son entrée en vigueur avant le début des Jeux olympiques d'hiver à Turin et leur offrant la possibilité de participer au comité de suivi de l'application de la lutte contre le dopage qui sera mis en place au sein de l'Unesco. Il serait regrettable que la voix de la France, pionnière en la matière, manque à l’appel et que notre pays ne puisse pas siéger dans les instances qui seront mises en place prochainement pour l'application des règles antidopage.

Ce texte consensuel – comme l'a montré son examen en commission – appelait néanmoins des précisions relatives à sa coordination avec notre législation nationale en matière de contentieux des sanctions pour dopage. Ces précisions apportées, la portée du dispositif est clarifiée. Rien ne s'oppose donc plus à la ratification de ce texte de portée internationale.

Pour le groupe UDF, ce texte est de nature à faire avancer efficacement la lutte contre le dopage et à préserver ainsi la santé non seulement des sportifs de haut niveau, mais aussi des jeunes citoyens, qu'il importe de mettre en garde contre les conséquences, souvent méconnues et mésestimées, de l'usage des produits dopants. Il confortera le respect de l'éthique sportive et le rôle pionnier de la France dans la lutte contre le dopage et confirmera la pleine motivation de notre pays pour accueillir dans les meilleures conditions les athlètes des prochains événements sportifs. Le groupe UDF votera donc ce texte.

M. Axel Poniatowski, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Mesdames, messieurs les députés, ainsi que vient de le rappeler M. Préel, la France a toujours été pionnière dans la lutte antidopage, comme en témoigne la loi Herzog, qui fut la première à instituer un cadre législatif dans ce domaine, en 1965, après l’affaire Simpson – le cyclisme était, hélas ! déjà en première ligne.

Mme Fraysse et M. Le Garrec ont rappelé que le sport-business n’est pas seul en cause, même s’il nous faut veiller à protéger les sportifs d’une pression économique toujours plus importante : souvenez-vous, par exemple, du dopage d’État, organisé. Un procès récent nous a rappelé que, en ex-Allemagne de l’Est, plus de 3 000 sportifs, à qui le dopage était imposé pour faire partie des équipes nationales, ont vu leur vie brisée. En l’espèce, il ne s’agissait pas d’argent : les contraintes étaient politiques, imposées par un État. Le code – et c’est tout l’objet de cette convention – ne doit pas s’appliquer seulement aux instances sportives, mais aussi aux États, car il n’est pas exclu que réapparaisse, un jour ou l’autre, ces paradis du dopage, dans lesquels un système plus ou moins organisé au niveau étatique contraint les sportifs à prendre des médicaments.

S’agissant du dispositif instauré par la loi d’avril 2006, madame Fraysse, l’AFLD est en marche. Les décrets d’application ont tous été rédigés et publiés à la fin de l’année dernière, en particulier en ce qui concerne l’organisation des contrôles antidopage sur le sol français pour les compétitions nationales et les contrôles inopinés. Quant au bilan des contrôles effectués sur le territoire national que vous m’avez demandé, il est encore trop tôt pour vous répondre, puisque la loi n’est appliquée que depuis quelques semaines. Mais je vous incite à demander à l’AFLD, lorsque celle-ci viendra vous présenter son rapport, le nombre total des contrôles qu’elle a effectués, à son initiative ou à la demande des fédérations internationales, en tant qu’opérateur de ces dernières sur le sol français.

Vous vous êtes également interrogée sur la portée du volet préventif de la loi d’avril 2006. Au-delà des 20 millions d’euros que le budget du ministère consacre aux actions de prévention, elle comporte de nombreuses avancées très importantes, notamment sur un point précis. En effet, si, au cours des examens médicaux auxquels le sportif est contraint de se soumettre régulièrement chaque année – trois au minimum, parfois quatre ou cinq si les fédérations le souhaitent –, le médecin fédéral s’aperçoit que l’un des paramètres est perturbé, il peut interdire au sportif, de manière préventive, de participer à des compétitions. C’est une grande avancée en matière de prévention. Il faudrait également évoquer les actions de pédagogie et d’information, notamment le numéro vert « Écoute dopage » et les antennes médicales de lutte contre le dopage, qui ont été renforcées par la loi de 2006.

S’agissant des chiffres, évoqués par M. Le Garrec, je rappellerai, outre les 20 millions d’euros que je viens de citer, la subvention de 600 000 euros versée à l’Agence mondiale antidopage et le budget de 7 millions d’euros de l’Agence française de lutte contre le dopage. Quant au fonds créé dans le cadre de la convention de l’Unesco, son contenu sera discuté au début du mois de février par les différents États parties. Nous établirons à ce moment-là notre participation, mais il n’y a aucune raison que nous y renoncions.

Telles sont les réponses que je pouvais apporter à vos interrogations. Il est vrai, Mme Aurillac et M. le rapporteur l’ont rappelé, que tout cela est compliqué. Mais, vous qui êtes rompus à l’art des conventions internationales, pouvez-vous m’en citer une seule qui ait été mise en place aussi rapidement ? Le sujet a été évoqué au niveau international après que l’affaire Festina a éclaté lors du Tour de France, en 1999 ; l’Agence mondiale a été créée la même année ; en 2003, le code est rédigé et accepté dans son principe tant par les fédérations internationales que par les grands organismes sportifs internationaux et par les États ; enfin, la convention internationale sera appliquée à partir du mois de février. Je ne connais pas d’autre exemple d’un outil international aussi rapidement conçu, rédigé et appliqué. Certes, la jurisprudence reste à établir. Mais c’est la mission du tribunal arbitral du sport, qui existe depuis de très nombreuses années, et il la remplit de manière remarquable.

Grâce à cette jurisprudence, à la convergence des différents dispositifs réglementaires et législatifs et à l’application effective du code – à laquelle, en tant que vice-président de l’AMA, je veillerai tout particulièrement –, nous franchirons un nouveau pas en matière de lutte antidopage, au niveau international cette fois. C’est ce qui manquait, des sportifs et leur entourage profitant de ces carences pour tricher et contourner les lois en faisant ce qu’ils voulaient dans ce domaine. Or le dopage, c’est l’anti-sport.

Article unique

Mme la présidente. J’appelle maintenant l’article unique du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament

Discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (nos 3062, 3238).

La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est plus qu’un texte technique, c’est aussi un texte qui va concrètement améliorer la qualité de la mise sur le marché et de la fabrication des médicaments ainsi que les conditions de leur bon usage, et qui garantira toujours plus de transparence dans le fonctionnement de l’AFSSAPS.

Son objet principal est de transposer en droit français la directive du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 qui a modifié la directive de 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Ce texte s’inscrit, plus globalement, dans une démarche de révision de l’ensemble du champ pharmaceutique. À l’issue du vote de ce texte, un second volet portera, par voie d’ordonnance, sur la révision des règles régissant le médicament vétérinaire et certains autres produits de santé.

Ce texte est l’aboutissement d’une large concertation avec les professionnels de santé, les associations de patients et les industriels de tous les secteurs concernés. Sous ses aspects techniques, il va permettre très concrètement aux malades de disposer plus rapidement de produits de santé mieux sécurisés. Le projet de loi améliore en effet l’accès à certains traitements ainsi que leurs conditions d’utilisation. Il élargit ainsi les possibilités de traitement des personnes malades dont le pronostic vital est engagé, en étendant les conditions de délivrance d’autorisations temporaires d’utilisation nominatives dans les situations où aucun traitement approprié n’est disponible.

Il prévoit des mesures permettant de faciliter et d’accélérer l’arrivée des médicaments génériques sur le marché. Il procède à la définition de la notion de médicaments biologiques similaires et précise celle du médicament homéopathique.

Le projet de loi vise également à limiter l’influence sur le public et les professionnels de santé de l’industrie pharmaceutique en réglementant la publicité sur les médicaments. Il permet ainsi d’assurer l’indépendance des professionnels de santé, en complétant le dispositif « anti-cadeau ».

Le projet permet ensuite d’améliorer la sécurité sanitaire des produits en encadrant mieux la fabrication et la mise sur le marché des médicaments. Il comporte des dispositions relatives aux matières premières à usage pharmaceutique, notamment en imposant aux personnes autorisées à fabriquer ou préparer des médicaments l’obligation de n’utiliser que des matières premières fabriquées selon des bonnes pratiques.

Par ailleurs, ce projet de loi modifie le régime juridique des autorisations de mise sur le marché en accroissant les exigences de sécurité sanitaire des médicaments. Il allège le régime des importations de médicaments par les particuliers.

Ce texte introduit également des mesures qui améliorent la transparence du fonctionnement de l’AFSSAPS. Celle-ci a d’ailleurs largement anticipé les exigences de la directive et s’est engagée dans une démarche de transparence du processus d’évaluation et de décision dans le domaine du médicament.

À ce titre, elle rend publics les comptes rendus des deux commissions évaluant les médicaments, à savoir la commission d’autorisation de mise sur le marché – l’AMM – et la commission nationale de pharmacovigilance. Par ailleurs, depuis juin 2004, l’agence publie des rapports publics d’évaluation pour chaque nouvelle AMM ou pour les modifications majeures d’AMM.

Le projet de loi prévoit l’adoption par voie réglementaire des conditions dans lesquelles l’AFSSAPS rend publics les débats scientifiques concernant cette évaluation.

M. Yves Bur. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il étend aussi l’obligation de fournir une déclaration d’intérêts à l’ensemble des agents de l’AFSSAPS, alors que seuls les membres de commissions et conseils relevant de l’AFSSAPS et des collaborateurs occasionnels – rapporteurs, experts externes – y étaient jusqu’alors tenus. C’est une avancée importante. Ainsi, tout le personnel de l’agence a d’ores et déjà fait sa déclaration d’intérêts en début d’année 2006.

L’article 29 du projet de loi prévoit aussi que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de huit mois, des dispositions destinées à transposer des directives communautaires sur des sujets pour la plupart techniques. Une disposition de cet article traite cependant d’une question qui doit être développée devant votre assemblée : celle ayant trait aux programmes d’accompagnement des patients prenant des traitements médicamenteux.

M. Yves Bur. Sujet sensible !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Sur ce point, je veux être très clair : il ne doit pas y avoir d’interférence entre le professionnel de santé et son patient, personne ne doit s’immiscer dans cette relation. J’insisterai à nouveau sur ce point lors de la discussion générale et de la discussion sur les articles.

Regardons la vérité en face : aujourd’hui, ces programmes existent en dehors de tout encadrement. Ils sont parfois même exigés par les autorités européennes lors de la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché, dans le cadre des plans de gestion de risque. Ils peuvent répondre à un besoin dans les maladies chroniques, pour des produits de maniement difficile nécessitant une éducation spécifique des patients – je pense notamment aux interférons dans le traitement de la sclérose en plaques. Il peut s’agir de l’aide à l’appropriation de gestes techniques. Plus largement, cela nous renvoie à un sujet plus important, celui de la prise en charge des maladies chroniques.

Bien sûr, il serait possible de ne rien faire, c’est-à-dire de laisser faire ce qui se pratique aujourd’hui…

M. Yves Bur. Il faut clarifier les pratiques, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …mais ce n’est pas ce que je souhaite car, vous le savez, il n’est pas dans mes habitudes de me défausser de mes responsabilités. Ne rien faire serait fermer les yeux et laisser ces programmes – qui encore une fois existent d’ores et déjà – se développer sans aucun encadrement.

Interdire purement et simplement toute intervention des laboratoires dans ces programmes n’est pas non plus possible aujourd’hui, ne serait-ce que parce que les AMM européennes elles-mêmes les exigent parfois. Néanmoins, je partage l’avis de ceux qui estiment qu’il faut porter ce débat également au niveau européen – j’aurais d’ailleurs bien d’autres choses à dire sur l’AMM européenne. Il serait notamment souhaitable que celle-ci exige des essais comparatifs par rapport au médicament de référence plutôt que par rapport au placebo, ce qui nous permettrait de gagner beaucoup de temps au moment de l’évaluation en France en vue de l’inscription de ces produits au remboursement.

Dans l’immédiat, il faut encadrer ces programmes qui existent, afin d’apporter toutes les garanties nécessaires aux patients et s’assurer que cette aide au bon usage se fasse dans des conditions qui ne permettent aucune dérive d’ordre promotionnel.

Je pense qu’il revient à la puissance publique et à l’assurance maladie d’organiser, avant tout autre acteur, l’accompagnement des patients et leur éducation thérapeutique.

M. Yves Bur. Tout à fait !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Si un laboratoire estime apporter une plus-value en termes de bon usage pour un produit avec un programme de ce type, il faudra qu’il le démontre auprès des professionnels de santé, qui devront donner leur accord puisque c’est uniquement sur prescription initiale du médecin que de tels programmes pourront avoir lieu.

Sur la forme, le projet de loi qui vous est présenté prévoyait de renvoyer à une ordonnance la définition de l’ensemble de ces garanties et des modalités d’encadrement de ces programmes lorsqu’ils sont financés par des firmes pharmaceutiques. Cependant, je suis sensible aux arguments des uns et des autres sur ce sujet complexe et je suis prêt, dans un esprit de transparence totale, à ouvrir le débat au Parlement, avec votre assemblée aujourd’hui, avec les sénateurs demain, et en étant à l’écoute, prioritairement, des associations de patients. Votre rapporteur, Mme Gallez, dont je salue la qualité du travail, a d’ailleurs déposé des amendements sur ce point.

Afin de tenir compte des préoccupations exprimées par plusieurs membres de votre assemblée et en premier lieu par votre rapporteure, j’ai moi-même déposé, comme vous le savez, un amendement visant à préciser dans la loi les principes d’encadrement que définira l’ordonnance, afin de vous permettre d’en débattre en toute transparence et de clarifier les choses dès à présent.

Cet amendement prévoit notamment que chaque programme sera soumis à une autorisation préalable de l’AFSSAPS, l’Agence française, de sécurité sanitaire des produits de santé. Celle-ci devra se prononcer sur l’opportunité du programme et sur son contenu. Des critères permettant de garantir que le programme vise à renforcer réellement et uniquement le bon usage du médicament sont prévus : conformité aux recommandations, conception en cohérence avec les actions prévues dans ce domaine par les autorités sanitaires, les payeurs et les établissements de santé, avis des associations compétentes, etc.

Le médecin devra prescrire le programme et le patient devra l’avoir accepté. Il pourra également se retirer à tout moment. Aucun contact direct entre le laboratoire et le patient ne sera autorisé. Les programmes devront obligatoirement faire appel à des professionnels de santé. Ils devront respecter des bonnes pratiques édictées par la Haute autorité de santé, voire être certifiés.

Cette nouvelle procédure fera bien entendu l’objet d’une évaluation. L’autorisation de l’Agence pourra prévoir une évaluation externe à la charge de l’entreprise dont les résultats seront envoyés à l’Agence. S’il s’avère que des dérives sont constatées, le programme sera alors suspendu.

Voilà l’esprit de cet amendement, sur lequel, je n’en doute pas, nous allons avoir un vrai débat dans quelques instants. Je suis ouvert à la discussion.

Enfin, j’ai déposé un amendement visant à mettre fin à la collecte et l’utilisation des médicaments non utilisés, comme l’a recommandé l’IGAS dans son rapport de janvier 2005.

Aujourd’hui, moins de 5 % des médicaments non utilisés collectés auprès du public font l’objet d’une redistribution à des fins humanitaires en France ou dans les pays en développement. Cette activité s’effectue en dehors de tout cadre réglementaire et présente plusieurs inconvénients majeurs, dénoncés par l’IGAS.

Tout d’abord, ni leur qualité ni leur traçabilité ne peuvent être garanties.

Ensuite, ces médicaments non utilisés ne sont pas toujours adaptés aux besoins des populations destinataires. On y trouve beaucoup de médicaments de confort et très peu d’antibiotiques, par exemple. De plus, ce ne sont pas des génériques, ce qui va à l’encontre des recommandations de l’OMS, alors même que la majorité des médicaments déclarés comme essentiels par l’OMS sont désormais génériques : antibiotiques, antalgiques.

Par ailleurs, l’expédition de ces médicaments non utilisés dans les pays en voie de développement peut perturber les politiques pharmaceutiques mises en place localement. Ces pays doivent bénéficier d’un circuit pharmaceutique de qualité. Beaucoup de génériqueurs sont désormais installés en Afrique ou en Asie. Avec l’émergence des centrales d’achat locales, ces pays pourront donc bénéficier de produits de qualité.

Enfin, l’intérêt humanitaire de ce recyclage est très clairement contesté par l’OMS, le HCR, la Banque mondiale, les ONG les plus actives, le ministère des affaires étrangères, l’Ordre des pharmaciens et l’Académie nationale de pharmacie.

Tous les autres pays européens ont désormais cessé de recycler les médicaments non utilisés. La France doit faire de même, et remplacer cette source d’approvisionnement pour les associations humanitaires par des médicaments neufs issus de dons de l’industrie ou achetés à des génériqueurs. Un travail est en cours avec le LEEM sur le sujet.

Pour accompagner les ONG dans ce changement et pour ne pas les priver des médicaments qui étaient aujourd’hui distribués, l’amendement que je vous propose, prévoit un délai de transition de 18 mois, à l’issue duquel la collecte et l’utilisation des médicaments non utilisés seront interdites. Je m’engage à les aider pendant cette période de transition à formaliser leurs besoins et à trouver ces nouvelles sources d’approvisionnement – dons, achats de génériques, obtention de subvention.

Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les députés, au-delà de ces aspects techniques, ce texte important va nous permettre d’améliorer la qualité et la sécurité des produits de santé mis sur le marché ainsi que les conditions de leur bon usage, c’est-à-dire, en fin de compte, l’accès aux soins. C’est bien cet objectif ultime, améliorer l’accès à des soins de qualité, qui aura constitué le principe directeur de tout notre travail en commun durant cette législature, dont le bilan en la matière, je n’ai pas besoin d’y insister, est considérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mme Cécile Gallez, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l’adaptation au droit communautaire des dispositions de notre droit national relatives au médicament est une obligation juridique. Le délai de transposition dans notre droit français de la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil était fixé au 30 octobre 2005. Il est largement dépassé et il y a donc urgence à légiférer.

La compétence communautaire est fixée par le traité constitutif et le champ de la politique européenne en matière de médicament est devenu de plus en plus large. Trois textes, dont deux directives et un règlement, adoptés le 31 mars 2004 par le Parlement européen ont institué un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et à usage vétérinaire.

Ces textes répondaient à la nécessité de revoir les dispositions du code communautaire initial relatif aux médicaments. Ces dispositions qui dataient d’une directive de 1965 étaient devenues obsolètes. En effet, le niveau toujours plus élevé de protection de la santé humaine, les exigences des patients-consommateurs, les progrès techniques et l’élargissement de la Communauté européenne imposaient une nécessaire harmonisation de la réglementation des États membres.

Il faut aussi noter le rôle de la crise de confiance du médicament au niveau mondial. Je citerai les problèmes du Vioxx, du Celebrex, des molécules anticholestérol, qui rendaient nécessaires une gestion des risques liés aux médicaments capable de restaurer la confiance des citoyens dans la politique de sauvegarde de la santé publique.

La France présente en outre des particularités en matière de médicament qui ajoutent encore à la nécessité de transposer la directive 2004/27. Par rapport à nos voisins, nous constatons une surconsommation de médicaments, en particulier d’antibiotiques, de tranquillisants et d’hypnotiques. Le taux d’utilisation des génériques augmente, certes, mais il n’a pas encore atteint les 65 %, ou 70 % souhaités par les pouvoirs publics. Nous recourons très peu à des solutions alternatives aux médicaments telles que la psychothérapie ou la phytothérapie, qui ont pourtant fait preuve de leur efficacité. Enfin, l’augmentation du nombre de médicaments déremboursés augmentera probablement l’automédication.

Monsieur le ministre, j’en profite pour dire, même si ce n’est pas directement l’objet de ce texte, que cette automédication devra faire l’objet d’une très grande vigilance tant sur le plan de l’éducation des consommateurs que sur la surveillance des prix des médicaments déremboursés.

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Elle devra également s’accompagner d’une réflexion sur le rôle du pharmacien.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est ma priorité !

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Il faut également noter que l’ensemble de ce projet répond en grande partie aux souhaits émis dans le rapport d’information de la sénatrice Marie-Thérèse Hermange, qui fut chargée d’une mission d’information sur le médicament

Pour en revenir à notre texte, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise donc à transposer la directive 2004/27/CE, et à habiliter le Gouvernement à adopter, par voie d’ordonnance, plusieurs mesures transposant ou complétant la transposition d’autres directives relatives aux produits de santé ou adaptant le code de la santé publique au droit communautaire.

Il faut ajouter que le Gouvernement a entamé le processus de transposition dès l’été 2004, en particulier par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, qui étendait la définition des génériques aux différents dérivés cliniques du même principe actif, mais également en introduisant par décret la notion d’AMM globale et en exigeant la transparence des travaux de l’AFSSAPS.

Je tiens à souligner, pour répondre à un reproche qui a été adressé à plusieurs reprises au rapporteur que je suis, que, si le texte d’aujourd’hui ne transpose pas stricto sensu les dispositions des textes communautaires, la transposition sera néanmoins complète. En effet, le traité européen, confirmé par une jurisprudence constante de la Cour de justice européenne, dispose que, si la directive lie tout État membre quant au résultat à atteindre, elle laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens de cette transposition.

Par ailleurs, la directive étant particulièrement importante et technique, il est envisagé que le Gouvernement soit habilité à transposer certaines dispositions par voie d’ordonnance. Ce recours aux ordonnances, déjà utilisé sous d’autres législatures sur les sujets les plus variés, est ici pleinement justifié.

À ce stade de mon propos, je voudrais remercier les collaborateurs et les services du ministère pour toutes les informations et précisions qu’ils nous ont apportées sur ce projet de loi parfois très technique et complexe.

Le présent texte propose trois grandes orientations : la promotion équilibrée des génériques, la mise en place d’un contrôle accru des médicaments, le renforcement de l’information des patients sur les médicaments et le fonctionnement de l’AFSSAPS.

Permettez-moi de relever certaines de ces dispositions. La promotion des génériques est assurée tout en protégeant l’innovation. En effet, les conditions d’autorisation des génériques sont assouplies, la période de protection des données étant réduite de 10 à 8 ans. La notion d’AMM globale est confirmée et permet de ne pas demander une autre AMM pour toute extension de gamme – nouveau dosage ou nouvelle forme, par exemple.

Le projet de loi introduit également la notion de médicaments biologiques similaires qui, par précaution, ne seront pas substituables aux médicaments de référence.

Parallèlement, afin de favoriser la recherche sur de nouvelles indications, plusieurs mesures renforcent la protection des médicaments innovants.

Deuxième volet, tout en renforçant la sécurité sanitaire des médicaments, leur accès peut cependant être assoupli dans certains cas : menace sanitaire grave, par exemple – article 1er. L’article 12, quant à lui, étend les conditions de délivrance des autorisations temporaires d’utilisation nominatives, c’est-à-dire l’accès à des traitements encore en phase d’expérimentation clinique, pour répondre aux situations dans lesquelles des personnes atteintes de maladies graves sont confrontées à un risque létal alors qu’aucun traitement approprié n’est disponible.

Par ailleurs, pour renforcer la sécurité sanitaire, et comme l’affirme très clairement la directive, la délivrance de l’AMM sera recentrée sur l’évaluation de la balance bénéfice-risque. À cet égard, la commission a adopté un amendement permettant de préciser que l’AMM doit être retirée ou suspendue s’il apparaît que le bénéfice-risque du médicament n’est plus favorable, et de répondre ainsi à une attente forte des associations de patients. De même, le suivi et la pharmacovigilance seront renforcés.

Concernant l’information des patients et en particulier la publicité des médicaments, j’ai tenu à ce que le nom du médicament soit en DCI…

M. Yves Bur. Enfin !

Mme Cécile Gallez, rapporteure. … pour qu’une même molécule ait le même nom dans tous les pays de l’Union.

M. Richard Mallié. C’est une bonne chose !

Mme Cécile Gallez, rapporteure. De plus, je voudrais souligner que l’article 28 du projet de loi renforce considérablement l’obligation de déclaration d’intérêts des personnes travaillant pour l’AFSSAPS, ce que j’estime nécessaire.

Enfin, la commission a adopté à mon initiative un amendement renforçant la transparence du fonctionnement interne de l’AFSSAPS, dans la lignée des prescriptions de la mission sénatoriale.

Par ailleurs, le projet comporte des mesures très intéressantes relatives à la publicité pour les médicaments et aux efforts de promotion faits par les laboratoires : toutes vont dans le même sens, celui d’une protection accrue du consommateur-patient.

Je souhaite également attirer votre attention sur une question qui me tient particulièrement à cœur et sur laquelle j’ai proposé un amendement : celle des médicaments dérivés du sang, les MDS. Jusqu’à présent, la France, pour des raisons d’ordre éthique, n’autorise l’importation de MDS provenant de pays où le don du sang est rémunéré qu’à la condition que le médicament apporte une amélioration en termes de sécurité ou d’efficacité thérapeutique ou en cas de pénurie et uniquement pour une durée de deux ans, l’AMM ainsi délivrée ne pouvant être renouvelée que sous certaines conditions. Afin de sécuriser l’approvisionnement du marché français en MDS, indispensables au traitement de maladies rares et graves telles que l’hémophilie ou les déficits immunitaires, il apparaît nécessaire de porter à trois ans la durée de l’AMM des MDS préparés à partir de sang issu d’un don rémunéré.

Pour conclure, je dirai que ce texte a recueilli un relatif consensus tant des pouvoirs publics que des professionnels de santé et des associations représentant les patients.

Un point fait cependant l’objet de vives discussions, dans cette enceinte et à l’extérieur, c’est le dixième alinéa de l’article 29, qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions visant à régir les programmes d’accompagnement. J’y reviendrai au cours de l’examen article par article. Si les programmes de disease management, développés aux Etats-Unis sous l’impulsion des assureurs, ont pu donner lieu à des excès, je suis convaincue que procéder à un encadrement des programmes d’accompagnement est meilleur que de laisser persister un vide juridique. De plus, certains médicaments, et personne ne le conteste, exigent que le patient soit accompagné. Je suis persuadée que l’amendement adopté par la commission qui soumet ces actions d’accompagnement à une autorisation préalable de l’AFSSAPS est véritablement de nature à lever les inquiétudes des uns et des autres. Un amendement du Gouvernement viendra également préciser certains points importants en rendant l’habilitation plus contraignante pour le Gouvernement.

Ce projet de loi qui transpose et complète la directive 2004/27 est un texte important.

M. Richard Mallié. Oui !

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Il s’agit du médicament, il s’agit donc de la santé publique de notre pays. C’est un bon texte qui pourra, bien évidemment, être amélioré au cours de son examen en séance publique, dans la mesure où il restera conforme aux objectifs fixés par la directive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très bien !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi portant diverses dispositions et adaptations au droit communautaire dans le domaine du médicament, qui a notamment pour objet de transposer la directive européenne sur le médicament, est un texte important, comme l’a souligné justement notre excellente rapporteure, puisqu’il permettra d’harmoniser au niveau européen la politique du médicament à usage humain.

Nul n’ignore les dysfonctionnements qui existent dans les procédures d’autorisation de mise sur le marché – les fameuses AMM – et le suivi des médicaments : Mme Marie-Thérèse Hermange, sénatrice, les a dénoncés dans son rapport. Grâce à ce projet de loi, les incidents d’origine médicamenteuse, médiatisés à tort ou à raison, ne devraient plus se répéter.

L’instauration d’un contrôle accru des médicaments était indispensable, tout comme le renforcement de la sécurité sanitaire des produits. Ce texte porte donc sur les critères de refus de l’AMM, le dispositif d’AMM « exceptionnelle », le refus de l’AMM lorsque le rapport entre le bénéfice escompté et le risque possible est considéré comme défavorable. Il instaure également une réglementation plus contraignante, donc plus protectrice pour les consommateurs. Quant au renforcement des pouvoirs de l’AFSSAPS en ce qui concerne l’analyse des matières premières à usage pharmaceutique, il est tout à fait légitime.

Monsieur le ministre, je souhaite évoquer avec vous le principe de la traçabilité du médicament. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, dont je souhaite qu’il soit adopté. De quoi s’agit-il ? Il importe de pouvoir identifier la source d’un problème de qualité, qu’il s’agisse d’un défaut de fabrication ou d’une dégradation ultérieure, et de vérifier la provenance d’un produit d’origine douteuse : on entend parler de contrefaçon, de copie, ou de fabrication dans des pays sans aucune sécurité sanitaire, de vente sous le manteau ou par Internet, par intérêt machiavélique ou tout simplement mercantile. Il nous faut donc pouvoir identifier l’origine de la fabrication d’un médicament, les moyens de distribution et ses destinataires, afin de mieux les informer.

Le principe de traçabilité doit s’appliquer à tous les stades de la chaîne pharmaceutique. Ce principe n’est pas une nouveauté car, comme vous le savez, il existe déjà pour les produits vétérinaires, et je crois pouvoir affirmer que la fameuse FDA l’applique sur le marché américain, ainsi que la Belgique. Je vous sais gré, monsieur le ministre, de mettre votre volonté politique au service de ce principe essentiel sans lequel nous ne pourrons retrouver l’origine de médicaments dont la production s’éparpille dans les vingt-sept pays de l’Union européenne.

Avec ce texte, nous allons également faciliter l’accès aux médicaments dans certaines circonstances. C’est un progrès certain, car nous ne sommes pas à l’abri, vous-même l’avez souligné ainsi que Mme la rapporteure, d’une menace sanitaire grave – je pense naturellement au H5N1, mais cela vaut pour tout autre germe ou virus qui pourrait survenir dans les mois ou les années à venir. Il nous faudrait alors pouvoir obtenir les produits efficaces même si leur autorisation administrative n’a pas encore été délivrée ou s’ils ne sont pas disponibles sur le marché national.

Par ailleurs, le renforcement de la transparence de l’AFSSAPS était attendu depuis longtemps : ce texte va dans le bons sens, notamment en prévoyant la communication des comptes rendus aux fabricants et l’amélioration de l’information des patients.

La publicité pour les médicaments a toujours suscité un débat, que M. Evin fut l’un des premiers à soulever. À ce titre, l’article 17 rappelle certaines règles d’éthique et quelques interdits en matière de médicaments, remboursables ou non. Ce projet de loi rappelle avec force l’équilibre de la relation qui lie les entreprises pharmaceutiques et les prescripteurs. Il faut faire la lumière sur les pratiques passées et lever les sous-entendus trop souvent colportés, à tort ou à raison…

En outre, ce texte habilite le Gouvernement à transposer ou à compléter d’autres directives par voie d’ordonnance. Il s’agit de directives de nature technique, qui font l’objet d’un consensus. S’agissant des actions d’accompagnement de patients atteints de maladies chroniques relevant de traitements médicamenteux promus par les laboratoires, l’ordonnance suscite débats et réactions, tant au sein des associations que chez les parlementaires. Vous avez raison, monsieur le ministre, de vouloir encadrer ces actions d’accompagnement par l’AFSSAPS en y associant obligatoirement le médecin prescripteur, et éventuellement le pharmacien distributeur.

Ne jetons surtout pas le bébé avec l’eau du bain, car pour de nombreuses pathologies, un moindre défaut d’observance du traitement peut être dramatique, voire fatal. Dans les cas d’angor coronarien, d’insuffisance cardiaque, d’hypertension artérielle et de diabète, le médecin doit être à l’affût de tout dysfonctionnement thérapeutique. Il est indispensable que des réseaux de soins existants, connus ou à créer, prennent leur part dans le suivi du patient. Mais dans l’intérêt des patients, cessons de considérer le laboratoire pharmaceutique comme le méchant loup. Ses relations avec les médecins et les patients doivent être claires, transparentes, et respecter les règles éthiques. Cela doit-il être fait par voie d’ordonnance ou par la loi ? C’est la question qui est posée. L’encadrement juridique par ordonnance que vous proposez, monsieur le ministre, est empreint d’une certaine sagesse et relève du bon sens.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis permet tout d’abord de transposer la législation communautaire dans notre code de la santé publique. Je voudrais tout de même vous faire observer, monsieur le ministre, que cette transposition a tardé.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Oui, mais elle est là !

M. Claude Evin. Certes, mais compte tenu du calendrier législatif, ce retard ne pourra que s’accentuer. Cette transposition de la directive 2004/27 aurait dû avoir lieu avant le 30 octobre 2005.

M. Richard Mallié. Mieux vaut tard que jamais !

M. Claude Evin. Je vous rappelle qu’elle modifie une précédente directive datant de 2001 et institue un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

Certaines dispositions de cette directive ont déjà été transposées – la définition des génériques dans la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, les règles d’AMM, notamment la notion d’« AMM globale » qui va trouver sa consécration législative dans le présent texte de loi. La modification du règlement intérieur de l’AFSSAPS en satisfait certaines exigences, mais certaines dispositions ne sont pas encore adoptées : c’est l’objet de ce texte. Il est par ailleurs urgent de transposer les autres textes du « paquet médicament », si l’on ne veut pas voir la France condamnée pour manquement : c’est l’objet de l’article 29 du projet de loi.

Globalement, la transposition de la directive 2004/27 ne pose pas de problème, sous réserve de quelques précisions sur lesquelles nous reviendrons au cours de l’examen des articles. Elle représente un progrès pour la santé publique, la compétitivité de notre industrie pharmaceutique et pour l’information et la protection des patients – point sur lequel plusieurs mesures, comme l’inscription du nom du médicament en braille et le formatage de la notice adapté aux aveugles et aux mal voyants, sont de nature réglementaire : j’espère que vous pourrez vous engager à publier les textes sans tarder.

L’article 29 nécessite toutefois un débat plus approfondi et je voudrais m’y attarder dans le cadre de la discussion générale avant d’y revenir lors de l’examen de l’article lui-même. Tout d’abord, si le recours aux ordonnances se justifie sur des sujets très techniques – bien qu’en matière de santé, ceux-ci recouvrent parfois des questions fondamentales –, il est inacceptable lorsqu’il s’agit de questions de principe très sensibles telles que les actions d’accompagnement des patients prévues au dixième alinéa de l’article 29. Cette question aurait mérité un débat argumenté afin d’identifier ses enjeux et de définir les garanties à mettre en œuvre.

M. le ministre, qui se dit ouvert au débat, a déposé un amendement à ce sujet, que la commission n’a pu examiner que ce matin. Ce n’est pas satisfaisant car la dernière réunion de commission avant l’examen en séance publique est peu propice à un examen approfondi et ne fait pas l’objet d’un rapport. Or, sur un tel sujet, l’intention du législateur est particulièrement importante. Nous serons donc amenés à faire en séance publique le travail que nous aurions souhaité réaliser en commission. Quel dommage !

M. Gérard Bapt. C’était une réunion clandestine !

M. Claude Evin. Les actions d’accompagnement des patients posent un problème de fond qui fait l’objet de certaines prises de positions publiques dans divers médias. Ce problème doit être abordé sans manichéisme. Ce n’est pas aussi simple que ce que laissent penser certaines interventions polémiques, qui nous invitent à rejeter toute action menée par ces « affreux » laboratoires pharmaceutiques.

Demandons-nous d’abord si les actions d’accompagnement sont nécessaires dans l’intérêt des patients. Oui, elles sont nécessaires !

M. Jean-Pierre Door. Bravo !

M. Pierre-Louis Fagniez et M. Yves Bur. Nous sommes d’accord !

M. Claude Evin. Ces actions couvrent des situations très diverses, dont chacune mérite une réponse adaptée. Pour certaines pathologies, comme les maladies orphelines, qui exigent des traitements spécifiques dont la préparation ou l’administration est complexe, le professionnel paramédical doit être spécifiquement formé, et souvent en présence du patient, ce qui pose la question de leur relation. Le premier objectif en la matière est donc la formation du personnel paramédical qui, dans le cadre d’une prescription médicale, doit faire face à des conditions spécifiques de préparation et d’administration du produit.

Il arrive aussi, dans le cas de ces pathologies, que le patient s’administre lui-même le produit, par exemple à l’aide d’un stylo injecteur. Dans ce cas, il doit lui aussi bénéficier d’une formation et d’un suivi spécifique.

Ces nécessaires actions d’accompagnement des patients sont aujourd’hui menées – vous l’avez dit, monsieur le ministre, et je le confirme – sans aucun encadrement législatif et réglementaire. Une telle situation ne peut pas durer.

Pour des raisons évidentes d’organisation du suivi, qui d’autre qu’un prestataire spécifique peut réellement assurer cet accompagnement quand il s’agit d’un traitement qui concernera quelques centaines, voire quelques dizaines de patients en cas de maladie orpheline ?

Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez dit que personne ne devait s’immiscer dans la relation médecin-patient. Je pense que cela sera de moins en moins vrai et qu’une réflexion à ce sujet est nécessaire.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est compliqué !

M. Claude Evin. Il est nécessaire qu’une mission reste de la responsabilité du médecin prescripteur dans le cadre de la relation avec le patient, d’ailleurs définie dans la loi du 4 mars 2002 dans le cadre des droits des patients. Mais aujourd’hui, il y a déjà un certain nombre d’intervenants qui s’immiscent dans la relation médecin-patient ; nous aurons l’occasion d’y revenir, monsieur le ministre.

Nous allons être obligés de faire en séance publique le travail que nous aurions dû effectuer en commission. Si vous nous aviez éclairés un peu plus sur vos intentions en la matière, nous n’aurions pas cette discussion à la tribune.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est mieux qu’un décret !

M. Claude Evin. Déjà, des professionnels paramédicaux interviennent dans la prise en charge du patient et dans la relation médecin-patient. Et nous aurons de plus en plus besoin d’intervenants particuliers dans la prise en charge des maladies chroniques.

Il y a en effet des situations qui, de mon point de vue, posent des problèmes différents de ceux que je viens d’évoquer. Je pense à certains malades chroniques qui nécessitent des traitements de longue durée et pour lesquels l’arrêt de ce traitement représenterait un véritable danger.

M. Jean-Pierre Door. Cela arrive souvent !

M. Claude Evin. M. Door en a parlé tout à l’heure. C’est, par exemple, le cas des patients qui suivent un traitement antihypertenseur. Parfois, l’arrêt de ce traitement peut favoriser un « effet rebond », et la maladie est alors exacerbée. Le suivi de l’observance est donc nécessaire pour une raison évidente : l’intérêt du patient. La seule recommandation de suivre le traitement à la lettre formulée par le médecin prescripteur auprès de son patient ne peut suffire si elle n’est pas accompagnée d’un suivi régulier. Or, compte tenu de l’organisation de notre système de soins, ce n’est pas le médecin prescripteur qui peut, selon moi, assurer ce suivi.

C’est la question de la prise en charge des maladies chroniques qui est ainsi posée. Il est nécessaire d’instaurer un mode spécifique de prise en charge de ces malades pour des raisons qui tiennent à la maîtrise des dépenses, mais aussi et surtout à l’amélioration de la qualité des soins. Cette prise en charge nécessite, en effet, de mettre en oeuvre des actions d’éducation thérapeutique et de mieux organiser la coordination des soins et le suivi des patients.

Pour assurer cette prise en charge des maladies chroniques, il faudra sans doute renforcer les réseaux de santé. Des initiatives s’expriment sur le terrain, mais si une forte volonté ne se manifeste pas au niveau des pouvoirs publics, ces nouveaux modes de prise en charge peineront à se développer.

M. Gérard Bapt. Il faut les aider davantage !

M. Claude Evin. Il est aussi nécessaire de regarder ce que d’autres pays ont mis en œuvre à travers la démarche de disease management – pardonnez-moi d’utiliser cette appellation anglaise, mais c’est la seule. Des leçons sont sans doute à tirer de ce type d’expérience. Une mission réalisée récemment par l’inspection générale des affaires sociales apporte un éclairage intéressant sur ce mode de prise en charge des maladies chroniques, notamment aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne. Des études ont montré, par exemple, qu’il existe aux États-Unis des écarts importants entre les recommandations professionnelles et les soins reçus. Et il n’y a aucune raison que cet écart ne soit pas aussi important dans notre pays.

M. Yves Bur. C’est clair !

M. Claude Evin. Le plus souvent, le médecin consulté pour un épisode aigu concentre son intervention sur cet épisode et, pour des raisons de temps et en l’absence de rémunération pour ce faire, il ne peut matériellement assurer un suivi permanent. Des sociétés spécialisées ici, des infirmières seniors là, assurent donc l’accompagnement des patients dans la durée.

Il est certainement nécessaire d’adapter ce type de démarche à la culture française et à nos modes d’organisation de la pratique médicale ; de nouvelles modalités de prise en charge et de suivi des malades chroniques me semblent devoir être expérimentées dans notre pays. Nous ne disposons pas aujourd’hui dans notre offre de soins, monsieur le ministre, d’opérateurs susceptibles de répondre à de tels objectifs.

M. Yves Bur. Exactement !

M. Claude Evin. Là encore, comme pour les réseaux de santé que je citais tout à l’heure, il faudrait que l’ensemble des acteurs – votre ministère, l’assurance maladie, les syndicats professionnels de médecins – acceptent d’imaginer de nouvelles formes de prise en charge des patients.

En l’absence d’une réflexion et d’initiatives novatrices en la matière, il ne faut pas s’étonner que certains acteurs essaient de se positionner pour répondre à ce besoin réel. C’est le cas d’entreprises pharmaceutiques qui ont bien compris qu’il y avait là un enjeu pour les patients, mais aussi – disons-le clairement – pour elles-mêmes.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est vrai !

M. Claude Evin. Ces actions d’accompagnement des patients répondent, j’y insiste, à un besoin réel. Mais le fait que ce soient les entreprises pharmaceutiques qui organisent directement ce service n’est pas sans poser des problèmes qu’il est nécessaire de maîtriser.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Le ministre n’a pas dit le contraire.

M. Claude Evin. Au-delà, monsieur le ministre, je vous invite à engager tout de suite une réflexion sur des propositions plus cohérentes et ambitieuses, afin d’améliorer la prise en charge des malades chroniques dans le cadre de nouveaux modes de suivi et de financement. Actuellement, notre système de santé n’est pas organisé pour assurer directement ces actions d’accompagnement ou ces nouvelles formes de prise en charge des maladies chroniques. Pour autant, il n’est pas bon, selon moi, que les entreprises pharmaceutiques en aient la responsabilité.

Plusieurs solutions sont envisageables. On peut imaginer que l’assurance maladie…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C’est ce qu’a dit le ministre !

M. Claude Evin. …soit chargée d’assurer le suivi des patients. En l’état actuel de l’organisation des caisses, je ne crois pas qu’elles en aient la capacité. Mais certaines missions pourraient en effet être confiées aux caisses, notamment ce meilleur suivi des patients, missions qui pourraient trouver leur cohérence dans le cadre de propositions concernant l’ensemble du pilotage de notre système de santé. Je n’ai pas le temps d’aborder ce sujet maintenant, mais nous pourrons poursuivre cette réflexion lors de l’examen des articles.

Autant je pense que les régimes d’assurance maladie n’ont plus réellement vocation à négocier des conventions avec les professions de santé – mais c’est un autre débat –, autant je crois qu’elles doivent désormais remplir des missions de suivi des patients.

On peut également envisager, monsieur le ministre, que ces actions soient conduites par des opérateurs spécifiques. Il serait alors nécessaire, comme c’est le cas pour les réseaux de santé, que ces opérateurs remplissent des conditions précises et fassent l’objet d’un agrément délivré soit par votre ministère, soit par la Haute autorité de santé.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Claude Evin. En tout état de cause, les actions d’accompagnement des patients doivent, à mon avis, rester limitées à des pathologies spécifiques et à des prises en charge particulières. Elles ne peuvent être proposées au patient que par le médecin prescripteur. Ces programmes doivent aussi faire l’objet d’une autorisation préalablement délivrée par l’Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, qui doit se donner les moyens d’en vérifier le déroulement une fois qu’ils ont été autorisés. Dans le cas où les conditions de l’autorisation ne seraient pas respectées, il est bien évident que le retrait de l’autorisation devrait être immédiat.

Les règles concernant les droits des patients devraient naturellement être respectées, notamment celles relatives à l’information du patient et à son consentement. De même, l’interdiction pour l’opérateur d’utiliser les coordonnées du patient à d’autres fins que l’action d’accompagnement devrait être affirmée dans le texte de loi.

Je regrette enfin, monsieur le ministre, que nous abordions un sujet aussi important dans de telles conditions. J’espère que nous aurons l’occasion, lors de l’examen de l’alinéa en question – à moins que notre amendement de suppression ne soit adopté – ou, à défaut, lors d’une seconde lecture, de revenir à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, certes très technique, est cependant important. Il concerne le médicament et vise principalement à transposer en droit français la directive européenne adoptée le 31 mars 2004. Il prévoit également, dans son article 29, d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur un sujet très sensible, celui de l’observance.

D’emblée, nous pouvons constater qu’il est grand temps d’effectuer cette transposition qui, constituant une obligation juridique, aurait dû intervenir avant le 30 octobre 2005. Décidément, la France a du mal à rejoindre les bons élèves de l’Europe !

Cette directive est très importante. Elle a fait l’objet de nombreux débats au Parlement européen, aboutissant finalement à un texte équilibré et consensuel. Cependant, il est étonnant que, sur plusieurs points, le projet de loi diffère quelque peu de la directive, non pas pour apporter des précisions utiles, mais au contraire pour introduire des imprécisions qu’il conviendrait de clarifier. Le plus simple serait donc d’en revenir, sur ces points, au texte de la directive.

Le médicament n’est pas un produit comme un autre. Il a pour vocation de soigner, si possible de guérir et, mieux encore, de prévenir des pathologies plus ou moins invalidantes.

Des progrès considérables ont été réalisés dans le traitement de nombreuses maladies. Certaines ont quasiment disparu, d’autres ont vu leurs conséquences diminuer, si bien que des économies – auxquelles vous êtes très attaché, monsieur le ministre – non quantifiées en termes de mortalité, mais aussi de durée d’hospitalisation et d’arrêt de travail, ont pu être réalisées. Je pense notamment à la poliomyélite, au tétanos, aux ulcères digestifs, aux leucémies de l’enfant... Les traitements ont considérablement modifié les évolutions de ces pathologies. Lorsque l’on parle médicament, on oublie à tort, me semble-t-il, de prendre en considération ce volet important.

Néanmoins, nous attendons encore des progrès indispensables pour certaines maladies fréquentes et invalidantes dans nos pays développés, pour les maladies orphelines, mais aussi et surtout pour les maladies dites « tropicales » : paludisme, maladies du sommeil, bilharziose, leishmaniose, etc. qui touchent des millions de personnes chaque année. Il est donc nécessaire de développer la recherche, de favoriser les coopérations publiques et privées, de permettre à l’industrie pharmaceutique d’avoir les moyens de financer la recherche et le développement de molécules innovantes et des thérapies géniques qui sont hélas ! de plus en plus coûteuses.

Vous souhaitez, monsieur le ministre, le développement du générique, dont l’intérêt essentiel, et d’ailleurs unique, est d’être moins coûteux que le princeps. Le générique n’apporte aucune amélioration en termes de santé publique et de qualité des soins. Certes, il est équivalent au princeps. D’ailleurs, la fabrication est aujourd’hui pour l’essentiel européenne. Mais les fabricants de génériques ne participent en aucune manière à la recherche, et ce ne sont pas eux qui découvriront demain les molécules innovantes que nous attendons avec impatience !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est une remise en cause du générique ?

M. Jean-Luc Préel. Son seul intérêt, je le répète, est d’être moins cher que le princeps !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est bien, non ?

M. Jean-Luc Préel. Il n’apporte aucune amélioration en termes de santé publique et ce ne sont pas les fabricants de génériques qui font la recherche !

Il faut donc veiller à protéger l’industrie qui cherche et innove, en veillant à la protection des brevets et en donnant un prix suffisamment rémunérateur aux molécules réellement innovantes.

J’ai longtemps pensé que l’idéal serait, au moment où le brevet tombe dans le domaine public, d’abaisser le prix du princeps, ce qui permettrait de réaliser les économies souhaitées tout en garantissant la qualité du produit puisque le laboratoire a la maîtrise du process de production. Mais nous sommes engagés dans une politique de développement du générique : souhaitons que les économies réalisées permettent par ailleurs de mieux financer la recherche et les molécules innovantes. C’est, je crois, votre souhait, monsieur le ministre ; encore faut-il le mettre en œuvre.

L’industrie pharmaceutique est donc un partenaire et doit être reconnue comme telle, ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas judicieux de contrôler les actions de publicité et de marketing.

Bien entendu, il est indispensable de veiller à la protection du brevet. Nous avons eu l’occasion d’en discuter récemment et vous n’avez pas souhaité légiférer, mais préféré laisser le soin aux discussions conventionnelles de régler ce problème. La directive et donc le projet de loi abordent cette question. Il est nécessaire que la protection du brevet soit effectivement réalisée.

L’article 8 prévoit que le titulaire de l’AMM du générique informe le directeur général de l’AFSSAPS des indications, formes et dosages pour lesquels les droits de propriété intellectuelle n’ont pas expiré. Il serait logique que le titulaire des droits de propriété intellectuelle soit également informé. En effet, l’AFSSAPS n’est pas en charge de la vérification des droits de propriété intellectuelle.

Aujourd’hui, les molécules dont nous disposons sont efficaces : elles ont donc des effets bénéfiques, mais aussi des effets pervers, car, en ce domaine, le risque zéro n’existe pas. Aussi le rapport bénéfice/risque doit-il être évalué de la manière la plus juste possible lors de la mise sur le marché et actualisé très régulièrement. En effet, malgré toutes les précautions prises initialement, malgré la qualité et l’indépendance − parfois très relative − des experts, ce n’est souvent qu’après la mise sur le marché, après que de nombreux patients ont utilisé la molécule conjointement avec d’autres produits, qu’apparaissent les complications, par exemple celles dues à l’induction enzymatique. C’est pourquoi le renforcement de la pharmacovigilance et les études post-AMM sont indispensables.

L’article 15 prévoit à juste titre que le signalement incombe aux professionnels de santé et aux entreprises, qui sont obligés d’enregistrer tous les effets indésirables et de transmettre leurs observations aux agences sanitaires. La protection du patient est une priorité de santé publique et, en la matière, le projet de loi conforte le rôle essentiel des agences.

L’industrie pharmaceutique se veut partenaire de la santé, au service des professionnels et des patients. Elle joue effectivement un rôle important dans la formation continue des professionnels, intervenant de plus en plus en soutien des associations de malades. Sans douter de ces intentions altruistes et solidaires, je constate l’intérêt de ce partenariat : ne soyons pas naïfs et n’oublions pas que le rôle premier d’une entreprise est de vendre son produit. C’est pourquoi il est bon que ce projet de loi prévoie de réglementer la publicité, d’interdire toute publicité directe, de renforcer le dispositif anti-cadeaux et de réglementer la distribution des échantillons.

Dans ce contexte, l’article 29 détonne. Il aborde un sujet essentiel, celui de l’observance du traitement. Dans le cas d’une maladie grave ou chronique, le traitement, pour être efficace, doit être suivi régulièrement, en dépit des désagréments éventuels. Là encore, ce problème concerne d’abord le patient : c’est dans son intérêt que le médecin a prescrit telle ou telle molécule. Le médecin doit donc faire preuve de pédagogie, expliquer les raisons du traitement, la stratégie thérapeutique et les éventuels effets pervers. Je conçois que l’industrie souhaite jouer un rôle et intervenir auprès du patient mais, de mon point de vue, ce n’est pas sa mission principale. C’est aux professionnels de santé − médecins, infirmières, pharmaciens − qu’il incombe de veiller à l’adhésion au traitement en instaurant une relation de confiance.

Il s’agit là d’un sujet important, qui mérite discussions et amendements, et il est choquant que le Gouvernement envisage de le traiter par ordonnances. On constate qu’il a souvent recours aux ordonnances, toujours choquantes pour les parlementaires.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Dans le domaine de la santé, les ordonnances n’ont rien d’incongru ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Je n’osais pas le dire !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Libérez-vous, monsieur Préel !

M. Jean-Luc Préel. Mais je vous remercie, monsieur le ministre, de l’avoir précisé. Il me semblait que le sérieux qui s’impose dans notre hémicycle nous interdisait les jeux de mots.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Mais je suis très sérieux !

M. Jean-Luc Préel. Oui, les ordonnances sont choquantes pour les parlementaires, qui souhaitent qu’on ne les dessaisisse pas du droit de discussion et d’amendement. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 29.

En conclusion, en dehors de l’article 29, ce projet de loi est équilibré et consensuel. Il transpose une directive qui a fait l’objet de nombreuses discussions au Parlement européen. Mais, en dehors de l’obligation juridique qui s’impose à nous, il devrait permettre une meilleure protection du patient, une meilleure organisation de la chaîne du médicament. C’est pourquoi le groupe UDF votera ce texte après la suppression de l’article 29.

M. Gérard Bapt. Vous placez la barre très haut !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous abordons un projet de loi portant transposition d’une directive européenne sur une question importante, voire essentielle : le médicament et les conditions dans lesquelles le public peut y accéder en toute sécurité.

D’apparence technique, la directive qu’il nous est demandé de transposer comporte quelques avancées réelles mais, sur certains points fondamentaux, elle suscite aussi des interrogations auxquelles, je l’espère, nos débats permettront d’apporter des réponses. Je pense tout particulièrement aux dispositions relatives à la délivrance de l’AMM, notamment au contrôle de l’apport thérapeutique d’un nouveau médicament, à la pharmacovigilance, mais aussi à un article inquiétant permettant au Gouvernement de prendre certaines dispositions par ordonnances. Décidément, monsieur le ministre, ces ordonnances sont mal acceptées par les parlementaires qui, tous, vous en auront parlé.

Les objectifs de cette directive sont de favoriser le développement de médicaments et d’assurer leur commercialisation rapide, autour du triptyque sécurité-qualité-efficacité, notamment pour ce qui concerne les nouvelles thérapies. Néanmoins, rien n’est proposé en matière de prise en charge collective, d’amélioration de l’accès aux soins, d’efforts en matière de recherche, pas plus que pour le contrôle plus strict par les autorités sanitaires compétentes de la valeur thérapeutique ajoutée d’un médicament sujet à l’examen pour la délivrance de l’AMM.

D’autres questions se posent également à propos des aspects plutôt positifs de cette directive. Ainsi, l’Europe a la volonté de favoriser dans toute l’Union le développement du générique. Or les réglementations varient d’un pays à l’autre. En France, la transposition peut réduire leur délai de commercialisation, mais sous réserve du sens donné à l’allongement de la protection de l’AMM initiale en cas d’amélioration thérapeutique. C’est pourquoi il sera impératif d’éclaircir ce point.

En ce qui concerne la politique d’AMM, les mesures d’assouplissement − telles l’AMM illimitée après cinq ans ou sa délivrance provisoire − semblent, en l’absence de meilleures garanties que celles proposées, plus favorables à l’industrie pharmaceutique qu’à la santé publique. Car, si vous transposez bien toute la portée de la directive sur l’allégement des procédures, il n’en est pas de même pour ce qui est du renforcement de la politique de pharmacovigilance. Nous le regrettons, à l’instar de nombreux professionnels de santé qui nous ont alertés sur ce point. Aussi proposerons-nous plusieurs amendements essentiels qui viendront compléter notre droit interne et permettront un meilleur équilibre entre allégement des procédures de mise sur le marché et principe de précaution, en renforçant notamment la pharmacovigilance, car le déséquilibre actuel ne peut subsister.

Quant aux nouvelles définitions du médicament et aux conditions d’attribution de l’AMM, il convient de saluer l’avancée non négligeable que constitue le rapport bénéfice/risque. Néanmoins, telle qu’elle est proposée par le projet de loi, son introduction dans le droit français est beaucoup trop timorée. Aux termes de l’article 6, en effet, l’AMM pourra désormais être refusée si la balance bénéfice/risque est considérée comme défavorable. Il me semble opportun d’étendre cette obligation à toutes les demandes initiales, ou de reconduction, mais aussi d’en faire un motif de retrait de l’autorisation.

Dans le même esprit, il conviendrait de compléter l’article 8 par une notion nouvelle en droit français mais reconnue à l’échelle européenne : celle de valeur thérapeutique ajoutée, qui peut être un plus pour encourager la recherche et la nouveauté. Cette notion pourrait être introduite dans le cadre de la procédure « 8 + 2 + 1 ». Êtes-vous prêt à nous suivre sur ce point, monsieur le ministre ? De même, seriez-vous prêt à nous suivre en ce qui concerne l’exigence d’études comparatives dans le dossier d’instruction de l’AMM ? J’ai le souvenir de vous avoir entendu dire, lors du débat sur le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, que vous étiez lassé de voir les « me too » se propager.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je l’ai répété au niveau européen !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous le sommes aussi, et nous n’avons de cesse, depuis des années, de dénoncer cette profusion de médicaments bénéficiant d’une AMM injustifiée, soit parce que de nombreuses spécialités existent dans la même classe thérapeutique, soit parce qu’ils ne présentent aucune réelle vertu thérapeutique nouvelle.

Nous sommes très attachés à cet aspect du problème et souhaiterions être entendus sur ce point. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le dénoncer. Les associations de malades et de consommateurs que nous avons rencontrées ont exprimé la même attente.

Enfin, la directive vise à introduire davantage de transparence dans les instances décisionnelles, ce qui a également été demandé et est très attendu par divers acteurs. Ainsi, il est indispensable que chaque décision des agences − européenne ou AFSSAPS − fasse l’objet d’une communication publique. C’est le sens de la directive. Or, là aussi, la transposition est incomplète. La commission l’a reconnu en reprenant nos amendements. Il nous paraît possible d’aller encore plus loin en faveur de la transparence et nous formulerons des propositions en ce sens.

Pour conclure, je voudrais évoquer deux points particuliers du projet de loi qui n’apparaissent pas aussi clairement dans les articles qui nous sont soumis. Le premier concerne l’automédication ; le second relève des programmes d’observance, dont tous les orateurs qui m’ont précédée ont parlé.

L’allégement des procédures en échange d’un renforcement des principes de pharmacovigilance, comme la nouvelle définition du médicament, peut aboutir à favoriser l’automédication. Certains le souhaitent. Pour ma part, j’y suis fermement opposée. Cette question de l’automédication ressurgit dans le cadre de la publication prochaine d’un rapport dont l’un des auteurs est le professeur Alain Baumelou. Il s’agit d’une vision dangereuse de la santé, plus propice à des déremboursements massifs qu’à un renforcement de la santé publique.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est le contraire !

Mme Jacqueline Fraysse. La question de l’automédication, monsieur le ministre, ne se résume pas, comme vous avez tenté de le faire croire…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Certainement pas !

Mme Jacqueline Fraysse. …pour atténuer les inquiétudes suscitées par cette perspective, à savoir si certains médicaments seront en vente ou non dans les grandes surfaces.

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’ai été très clair à ce sujet !

Mme Jacqueline Fraysse. La question est de savoir s’il est opportun d’élargir le libre accès − c’est-à-dire sans avis médical préalable − à de nombreux médicaments.

Je vois bien certains groupes industriels pharmaceutiques vous y inviter en annonçant dans la presse qu’il suffirait que 5 % des médicaments prescrits passent à l’automédication pour qu’on réalise 2,5 milliards d’euros d’économies sur les consultations médicales et les remboursements.

M. le ministre de la santé et des solidarités. À les écouter, avec 100 % d’automédication, nous réaliserions 50 milliards d’économies !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est inadmissible et c’est dangereux !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je suis bien d’accord avec vous !

Mme Jacqueline Fraysse. Ou bien un médicament − c’est-à-dire un produit efficace, donc potentiellement dangereux − est prescrit par un médecin et remboursé. Ou bien il s’agit d’un produit inefficace, qui n’est donc pas un médicament et peut très bien être vendu ailleurs que dans les pharmacies, comme le chewing-gum.

Je trouve tout aussi inacceptable l’argument développé par le professeur Baumelou, selon lequel « il faut promouvoir les médicaments qui sont déjà accessibles sans ordonnance. Actuellement, les deux tiers d’entre eux sont remboursés, les patients ont donc plus intérêt à aller chez le médecin pour se les faire prescrire qu’à les acheter directement en pharmacie. Une proposition est le déremboursement de certaines classes thérapeutiques. » Une fois de plus, l’objectif économique prime sur les considérations de santé publique. Nous ne partageons pas cette approche et ne croyons pas qu’elle soit conforme à l’intérêt de nos concitoyens.

Le second point a trait aux programmes d’observance. Les firmes pharmaceutiques rêvent de la banalisation de la consommation pharmaceutique et de la marchandisation des médicaments. C’est cet esprit du malin qui guide les programmes d’aide à l’observance.

L’article 29 du projet de loi prévoit donc d’autoriser le Gouvernement à légaliser non pas des programmes d’observance, mais, de façon plus subtile, des « actions d’accompagnement des patients soumis à des traitements médicamenteux, conduites par les établissements pharmaceutiques », et ce − cerise sur le gâteau − par voie d’ordonnances. Nous ne pouvons accepter une telle dérive, monsieur le ministre. Ainsi, la boucle serait bouclée : implication dans la formation des professionnels de santé, avec lobbying, et dans l’information des patients ; influence déterminante dans le processus d’autorisation de mise sur le marché des médicaments ; enfin, contrôle, par l’observance, de l’utilisation comme du suivi du traitement médical, sans passer par le médecin.

Non seulement cette disposition est inacceptable, mais elle va à rebours des conclusions de la mission sénatoriale sur le médicament, laquelle déplore l’omniprésence des conflits d’intérêts et la confusion des genres qui empoisonnent le monde médico-pharmaceutique.

Les parlementaires que nous sommes doivent débattre du fond, ce qui exclut le recours à l’ordonnance – j’y reviendrai lors de l’examen de l’article 29. J’ai entendu, monsieur le ministre, les assurances que vous avez données sur ce point, et elles semblent aller dans le bon sens. Si votre amendement, que nous n’avons pu examiner correctement, les reprend, je m’en félicite. Il faudra cependant aller plus loin, y compris à l’échelle internationale.

Je partage ce qui a été dit à propos des actions d’accompagnement. Ce n’est pas aux laboratoires qui commercialisent le médicament de traiter cette question, mais aux réseaux de santé. Il ne s’agit pas de faire passer les laboratoires pour des « affreux », mais de protéger la santé de nos concitoyens sans fausse naïveté – vous ne trouverez pas de naïfs dans cette assemblée.

Au-delà de dispositions techniques, le projet de loi ouvre un débat sur des questions de fond auxquelles nous souhaitons trouver des solutions. Je l’ai dit : la transparence, la pharmacovigilance, mais aussi l’introduction d’études comparatives ou de notions comme la valeur thérapeutique ajoutée ou la balance bénéfice-risque à tous les niveaux de l’AMM sont au cœur du sujet qui nous occupe aujourd’hui.

La commission a laissé entrevoir des avancées encourageantes sur certains de ces sujets. Vous aussi, monsieur le ministre. Nous espérons maintenant en voir une traduction concrète. C’est à la lumière des orientations choisies lors de nos débats que nous déterminerons notre vote.

En l’état, la perspective des ordonnances, notamment en matière de programmes d’observance, mais également le déséquilibre entre l’allégement des procédures de mise sur le marché et l’application des principes de pharmacovigilance, ne nous autorisent pas, comme nous l’aurions souhaité, à soutenir d’emblée ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le médicament est devenu, dans les systèmes de santé évolués, un élément majeur de la prise en charge des maladies. Il a contribué, de manière souvent déterminante, à l’amélioration de l’état de santé de nos concitoyens et à l’allongement de notre espérance de vie. Personne n’oublie cette contribution essentielle, mais aucun responsable public ne peut ignorer que cet apport s’accompagne aussi de risques indissociables de l’activité thérapeutique des molécules et devant être appréciés dans une balance bénéfice-risque qui doit être suffisamment positive pour que le produit puisse prétendre à l’utilisation médicale.

De plus, sans nier l’apport du médicament à la santé et au dynamisme économique de la France, nul responsable public ne peut méconnaître qu’il est aussi un poste de plus en plus coûteux, qu’il convient d’apprécier au regard du bénéfice thérapeutique. Cela est d’autant plus vrai en France, où nous sommes de gros consommateurs de médicaments, notamment par rapport à nos voisins européens.

Cet environnement nous conduit à analyser avec d’autant plus d’intérêt la transposition de la directive n° 2004/27 relative aux médicaments à usage humain. L’adoption de cette directive a fait l’objet d’un large débat, auquel ont participé activement de nombreuses organisations de patients, de consommateurs, d’assurance maladie primaire ou complémentaire, en mettant en œuvre le principe du « Never about us without us », c’est-à-dire ne jamais parler de ce qui nous concerne sans nous.

La directive vise d’abord, bien sûr, à promouvoir un marché intérieur pour le médicament, tout en assurant un niveau élevé de qualité, de sécurité et d’efficacité, ainsi que la protection de la santé humaine. Améliorer les procédures d’autorisation de mise sur le marché, notamment la procédure de reconnaissance mutuelle et la procédure décentralisée, clarifier la place du générique dans la pharmacopée européenne pour faciliter son accès au marché tout en protégeant les brevets des molécules princeps, préciser la nature et le contenu des informations sur les médicaments, y compris sur la notice, organiser encore mieux une véritable pharmacovigilance à l’échelle européenne : voilà autant de sujets très complexes, certes, mais essentiels pour garantir au mieux la sécurité des consommateurs européens et pour les rassurer.

Cette transposition ne pose donc pas de problèmes particuliers. Cependant, monsieur le ministre, certains articles de votre projet de loi appellent remarques et précisions, de portée limitée quand elles concernent des différences avec le texte même de la directive, mais d’importance quand il s’agit, par exemple, de la question de l’accompagnement thérapeutique, que vous souhaitez réglementer par ordonnance.

La question des études post-AMM est intéressante. Elles peuvent être demandées par l’AFSSAPS, quand un médicament présente un profil de risque qu’il convient d’étudier dans le cadre de la gestion du risque, ainsi que par l’UNCAM en sa qualité d’acheteur de soins. Elles sont de la compétence du CEPS, conformément à l’article 61 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, mais sera-ce suffisant pour qu’elles soient effectivement réalisées par les laboratoires pharmaceutiques quand la Haute autorité de santé souligne que seulement 7 % des études ont été menées à leur terme ? En raison de leur intérêt sanitaire, et à moins que le CEPS ne dispose des moyens pour améliorer cette situation, il serait peut être utile de mettre en place un dispositif plus contraignant, afin de mieux motiver les laboratoires à réaliser ces études de suivi.

Un autre sujet mérite que l’on s’y arrête un peu, celui de la transparence des décisions relatives au médicament. Alors qu’ils sont de grands consommateurs de médicaments, les Français, comme tous leurs voisins européens, ont besoin d’être pleinement rassurés sur la qualité des molécules mises sur le marché et sur les risques encourus. De manière générale, il ne faut d’ailleurs jamais cesser de rappeler aux malades et aux consommateurs qu’un médicament n’est pas et ne sera jamais un produit anodin, que son action comporte aussi des effets secondaires qui doivent être appréciés en fonction de son bénéfice thérapeutique.

Cependant, nous ne pouvons ignorer cette attente de transparence, qui est bien prise en compte dans la directive : elle est nécessaire à la confiance des consommateurs. Notre agence, l’AFSSAPS, est d’ailleurs très sensible à cette demande de transparence et elle a beaucoup progressé sur ce point. Elle est même parfois à l’avant-garde en Europe sur cette question sensible. Aussi, je m’étonne que le texte de la directive, au demeurant très clair et suffisant, ne soit pas simplement repris et que l’on renvoie la définition des conditions de transparence au règlement.

M. Gérard Bapt. Bonne remarque.

M. Yves Bur. Je proposerai donc un amendement tendant à reprendre le texte de la directive, dans un souci de simplicité et de transparence.

Je tiens à ce sujet à appeler votre attention sur le fait que généraliser la transparence exige des moyens. À la FDA, 150 personnes sont occupées à cette tâche. Il faudra donner à l’AFSSAPS les moyens de garantir cette transparence à laquelle l’industrie pharmaceutique a tout intérêt.

Je souhaiterais également que l’exigence de transparence s’applique aux relations, au demeurant tout à fait normales, qu’entretiennent les associations de patients avec les laboratoires, notamment quand ces derniers les subventionnent : j’ai déposé un amendement en ce sens.

M. Gérard Bapt. Bonne initiative.

M. Yves Bur. J’en viens au débat qui s’est engagé à propos de l’alinéa 10 de l’article 29, lequel autorise le Gouvernement à réglementer les actions d’accompagnement des patients soumis à des traitements médicamenteux conduites par les établissements pharmaceutiques.

Je partage les inquiétudes et les réticences de nombreux acteurs de la santé sur les intentions du Gouvernement en la matière. Certes, seuls une quinzaine de programmes ont été proposés en dehors de tout cadre réglementaire, dont plus de la moitié ont été refusés ou soumis à des changements. Soyons clairs : nous sommes nombreux à partager les réticences de l’IGAS, qui relève, dans son rapport sur le disease management : « Dès lors qu’un programme est initié par un laboratoire, quelles que soient les précautions prises, il ne pourra pas échapper au soupçon de biais en faveur des produits du promoteur.»

Le problème naît peut-être d’un malentendu tenant aux limites de ces programmes : s’il s’agit pour les laboratoires de devenir, par le biais de ce soutien à l’administration d’un de leurs produits, des promoteurs de disease management, c’est-à-dire de renforcer la prise en charge thérapeutique des patients atteints de maladie chronique, voie dans laquelle la France est encore peu engagée, nous devons clairement refuser, car ce n’est pas leur rôle. Que cet accompagnement global soit utile pour aider, au moyen de l’éducation thérapeutique notamment, le malade à gérer positivement sa maladie, personne ne peut le nier, et avec l’expertise de la Haute autorité de santé, l’assurance maladie pourrait promouvoir cette approche fort intéressante, tant du point de vue thérapeutique qu’en termes d’économie de santé. Mais ce n’est pas aux laboratoires de se spécialiser dans cette démarche.

M. Gérard Bapt. Très juste !

M. Yves Bur. Il ne faudrait pas que ces programmes s’apparentent à un accompagnement thérapeutique, lequel ne peut être que plus global. Si le médecin le juge nécessaire, ces programmes devraient être strictement limités à l’appropriation de gestes techniques. S’il s’agit de soutien à l’observance, ces actions ne peuvent être exigées que par les autorités de santé : l’AFSSAPS, mais aussi le ministère de la santé ou la Haute autorité de santé, car cela fait partie plus globalement de l’ensemble des missions de la HAS en matière de bon usage du médicament, de prise en charge des affections de longue durée et de qualité de l’information de santé. En tout état de cause, l’encadrement législatif devra éviter toute confusion avec toute forme insidieuse de publicité.

Nous aurons ce débat, et je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous saurez prendre en compte ces fortes réticences largement partagées.

Je tiens en tout cas à m’assurer que la rédaction finale évolue par rapport au projet d’ordonnance du 14 décembre 2005, et qu’il y aura donc bien des changements apportés à la rédaction de cette ordonnance qui circule depuis déjà un an.

M. Richard Mallié. Ah bon, vous l’avez eue ?

M. Yves Bur. Par l’intermédiaire d’un pharmacien. (Exclamations.)

M. Jean-Luc Préel. C’est comme cela que les parlementaires sont habituellement informés ! Il est vrai que notre assemblée gagne toujours à écouter les pharmaciens ! (Sourires.)

M. Yves Bur. Croyez bien que je regrette également que nous ne soyons pas les premiers destinataires des projets d’ordonnance, surtout s’ils remontent à un an.

Néanmoins, je voterai le projet de loi, car cette transposition apporte des clarifications utiles dans de nombreux domaines concernant le médicament.

Ainsi, j’espère que, sur la question des génériques, que nous devons activement promouvoir, comme tous nos voisins, les précisions apportées par la directive en matière de protection des brevets mettront un terme aux actions récurrentes des laboratoires pour protéger les molécules tombées dans le domaine public et pour retarder l’introduction des génériques sur le marché français. Les économies ainsi réalisées par l’assurance maladie et les assureurs complémentaires permettront de financer les médicaments innovants et les traitements du futur, toujours plus coûteux.

C’est bien parce que le médicament n’est pas un produit ou une marchandise comme les autres qu’il incombe aux responsables politiques de déterminer la politique du médicament pour notre pays. Il s’agit d’un enjeu central de toute politique de santé, et nous sommes heureux d’apporter notre contribution à ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, bien que tardive, la transposition de la directive européenne est bienvenue dans la mesure où elle contribue à faire progresser la santé publique dans notre pays.

Mais l’article 29 de ce projet de loi soulève des problèmes de méthode comme de fond, et nous avons été nombreux, sur tous les bancs, à le souligner : M. Evin, mais aussi M. Bur, M. Door et jusqu’à Mme la rapporteure. Quant à M. Le Guen, il ne manquera pas de le faire dans un instant.

Une autre disposition de ce projet nous interpelle, monsieur le ministre : la décision, tout à fait « raide », bien qu’elle soit, si je vous ai bien compris, reportée à dix-huit mois, concernant Cyclamed. Il est difficilement acceptable que des médicaments dont la date de péremption est encore lointaine soient détruits. Seront-ils recyclés sur le marché intérieur ? J’en doute ! Il est plus vraisemblable qu’ils seront détruits. Pourquoi, après s’être assuré que la collecte est assurée dans de bonnes conditions, ne pas permettre que des médicaments dont la validité court encore un an soient distribués aux populations qui en ont le plus besoin, sous réserve que les précautions les plus rigoureuses soient prises ?

Je souhaite consacrer mon propos au volet information-santé, dimension importante de ce projet de transposition, l’information faisant désormais partie intégrante des soins de santé, qu’il s’agisse des soins proprement dits ou du développement d’une politique de prévention. Indéniablement, des efforts restent à accomplir en vue de parfaire l’éducation sanitaire des assurés sociaux et de promouvoir la santé.

Mais le développement de la publicité directe auprès des consommateurs, de campagnes de sensibilisation aux maladies et de programmes dits d’observance, ainsi que le soutien financier direct et indirect des organisations de patients par les firmes pharmaceutiques ont brouillé la frontière entre publicité pour les médicaments et information sur la santé. Si l’objectif est bien de permettre aux patients de faire des choix éclairés concernant leur santé, une distinction claire doit être établie entre information et publicité déguisée en information.

Pour être pertinente, l’information sur la santé doit répondre à des critères simples, comme la fiabilité, étayée par des données probantes ; l’évaluation comparative, présentant les bénéfices et les risques de l’ensemble des options thérapeutiques existantes ; l’adaptation des produits aux utilisateurs. L’information doit être compréhensible, facilement accessible et adaptée au contexte culturel. Je rejoins à cet égard les préoccupations de M. Bur concernant les moyens de l’AFSSAPS.

Les firmes pharmaceutiques doivent avoir un rôle strictement limité en raison de leurs conflits d’intérêts inhérents. En matière d’information sur la santé, chacun a sa place et doit y rester. Au centre des soins se trouvent des citoyens, devenus malades. Même restreinte par la maladie, la capacité des patients-citoyens à décider de leurs soins doit être préservée. Les soignants sont présents comme conseillers des patients pour favoriser l’exercice de cette liberté. Aux firmes de santé de mettre entre les mains des soignants et à la disposition des patients des médicaments et dispositifs médicaux dont la balance bénéfices-risques est bien établie et dont les modalités d’utilisation sont sécurisées.

C’est pourquoi nous regrettons, monsieur le ministre, que la transposition de la directive soit incomplète dans ce domaine essentiel de l’information.

Je vais maintenant aborder trois thèmes ; le retrait de médicaments du marché, l’information des patients et la transparence des agences du médicament et de l’AFSSAPS.

Une avancée importante pour la santé publique apportée par la directive a été l’introduction de la notion de balance bénéfices-risques défavorable parmi les motifs de retrait du marché. Or cette possibilité n’apparaît pas clairement dans le projet de loi. L’article 6 reprend cette notion comme motif de refus d’une autorisation de mise sur le marché, mais pas comme motif de retrait.

Concernant l’information des patients, l’étiquetage en braille des médicaments et l’évaluation des notices par des groupes de patients devraient faire l’objet d’un décret de transposition. Mais aucun projet de décret n’a pour l’instant été rendu public.

Quant à la transparence des agences du médicament, une des avancées essentielles pour la santé publique apportées par la directive a été l’obligation de transparence pour les autorités compétentes en matière de médicament, à l’égard des patients comme des professionnels de santé, c’est-à-dire à l’égard du public en général. Quatre articles de la directive concernent particulièrement ces obligations de transparence :

Article 21, paragraphe 3 : «  Les autorités compétentes rendent sans retard l’autorisation de mise sur le marché publiquement accessible (…) »

Paragraphe 4 : « Les autorités compétentes mettent sans retard à la disposition du public le rapport d’évaluation et les raisons justifiant leur avis (…) »

Article 22 : « (...) l’autorisation peut être octroyée sous réserve de l’obligation faite au demandeur de remplir certaines conditions (...). La liste de ces conditions est immédiatement rendue accessible au public (…) »

Article 125 : « Les décisions d’accorder ou de retirer une autorisation de mise sur le marché sont mises à la disposition du public. »

Article 126 ter : « (...) les États membres veillent à ce que l’autorité compétente rende accessible au public son règlement interne et celui de ses comités, l’ordre du jour de ses réunions, les comptes rendus de ses réunions,… ».

Malheureusement, monsieur le ministre, vous ne reprenez pas l’ensemble de ces mesures très positives contenues dans la directive. C’est la raison pour laquelle divers amendements, dont certains de M. Bur, viseront à reprendre intégralement le texte de la directive, car le projet de loi est en net recul par rapport à ses préconisations.

Enfin, nous serons très attentifs à l’article 29. Nous subordonnerons en effet notre vote au sort qui lui sera réservé. Mais si nous réussissons à limiter la confusion des rôles entre les firmes pharmaceutiques et les autres acteurs, et si nous arrivons à faire appliquer intégralement la réglementation européenne sur la publicité pour les médicaments, nous aurons, même si l’examen de ce projet de loi est bien tardif, agi positivement pour la santé publique dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte présenté par le Gouvernement est pour le moins contradictoire. Dans certains cas, la directive n’est pas complètement transposée, et des éléments que le législateur européen n’avait pas souhaité voir figurer, y sont intégrés. De plus, il y a le fameux article 29 !

Deux éléments fondamentaux de la directive ont disparu lors de la transcription prévue par de ce projet de loi : l’information et la communication concernant le contenu des décisions d’autorisation de mise sur le marché des médicaments et des produits de santé ; l’impact environnemental des spécialités pharmaceutiques.

La directive est pourtant très claire sur ces deux questions. Ses articles 125 et 126 ter tendent à mettre en place une information transparente à l’attention du public et précisent que l’autorité compétente de chaque pays, l’AFSSAPS pour la France, doit rendre « accessible au public son règlement interne et celui des ses comités, l’ordre du jour de ses réunions, les comptes rendus de ses réunions, assortis des décisions prises, des détails des votes et des explications de vote, y compris les opinions minoritaires ».

Si une part de ces questions relève du pouvoir réglementaire – à ce sujet, monsieur le ministre, où en sont les décrets sur l’étiquetage en braille et sur les conflits d’intérêts individuels des professionnels de santé ? – la rédaction actuelle de l’article 6 ferme la porte à la transparence prévue par la directive en se limitant à la publication d’une synthèse des décisions pour le public. Nous retrouvons là des réticences habituelles en France, où l’on a tendance à considérer les patients comme des personnes disposant d’un discernement amoindri. Ce qui est d’ailleurs contradictoire avec la campagne en faveur de l’automédication qui se développe aujourd’hui. L’automédication suppose en effet que le public est en mesure de se prendre en charge et, dans ces conditions, toute l’information doit lui être communiquée.

L’autre élément qui a disparu dans la transcription de la directive concerne l’impact environnemental des médicaments et produits de santé, en contradiction avec la volonté du Président de la République qui a fait inscrire dans la Constitution le droit à l’environnement. Dans son considérant 18, puis dans son article 1er, la directive précise que l’impact environnemental fait partie des éléments qui conditionnent une autorisation de mise sur le marché et que doit être pris en compte « tout risque d’effet sur l’environnement ». J’ai donc déposé un amendement pour réintroduire cet élément dans la transposition, et j’espère être suivie par le Gouvernement.

Ce qui est tout aussi surprenant, c’est de voir réapparaître dans le projet de loi des dispositions que le législateur européen n’avait pas jugé utile de retenir : je fais référence à l’article 29. Ces dispositions, proposées initialement par la Commission, avaient en effet été rejetées massivement par les députés européens : par 494 voix contre 42.

L’alinéa 10 de l’article, qui autorise « les actions d’accompagnement des patients soumis à des traitements médicamenteux, conduites par les établissements pharmaceutiques », a suscité beaucoup d’émoi au sein des associations de patients et de nombreuses associations de médecins. Cela signifie en clair que les firmes pourront contacter directement des personnes chez elles pour mettre en place des programmes dits « d’observance » des traitements médicamenteux. Cette pratique est très répandue aux États-Unis. Elle permet à l’industrie pharmaceutique d’entretenir des liens privilégiés avec les patients, avec pour objectif, bien évidemment, de pousser à la consommation médicamenteuse sans le contrôle du médecin et d’accroître ainsi la rentabilité d’un produit.

Par l’inscription dans la loi française, il se confirme que les lobbies pharmaceutiques ont eu plus de chance dans notre pays qu’auprès du législateur européen. « L’accompagnement » ou « l’observance » conduisent, de fait, à faire de la publicité auprès des patients, ce qui, soit dit en passant, est interdit par la loi française. Or, les effets pervers de la publicité directe ne sont plus à démontrer. Aux États-Unis comme en Nouvelle Zélande, où la pratique de l’accompagnement est courante, les études démontrent que les budgets publicitaires croissent de manière considérable. L’accompagnement ne cible qu’un nombre très limité de spécialités : celles qui constituent de véritables rentes pour les laboratoires. C’est logique. On ne peut pas reprocher à un industriel qui fait des dépenses considérables de publicité de ne pas vouloir en tirer un avantage économique. C’est pourquoi il faut maintenir la séparation entre le laboratoire et les patients. Un laboratoire assure le suivi du médicament, éventuellement de la pathologie, mais pas du patient lui-même.

Certes, l’AFSSAPS devra valider les programmes d’accompagnement. Mais c’est à la fois rassurant et inquiétant dans la mesure où la validation donnera à ces programmes une crédibilité scientifique, alors même que l’objectif d’une entreprise est de défendre ses intérêts et sa rentabilité.

Si les études postérieures à une AMM présentent un intérêt majeur, elles doivent être conduites par des équipes indépendantes dont l’objectif vise à observer ce qui se passe sur le terrain pour évaluer ce qui se passe à grande échelle. Ces équipes doivent être constituées de professionnels indépendants – médecins, infirmières – bien évidemment en coordination avec les réseaux de santé. De ce point de vue, je rejoins notre collègue Yves Bur. Si une formation à un geste précis est nécessaire, il est plus intéressant de former les professionnels de santé qui pourront ensuite former eux-mêmes leurs patients et pourront assurer un suivi plus général de ces gestes techniques. En laissant jouer un rôle prépondérant aux firmes pharmaceutiques, on fait perdre toute crédibilité aux études post-AMM. Il est tout aussi absurde de mettre en œuvre un système qui va favoriser l’augmentation de la consommation de médicaments, alors que, depuis cinq ans, les gouvernements n’ont cessé, à juste titre, d’appeler à la diminution du volume des prescriptions. Nous sommes une fois de plus en pleine contradiction.

Votre amendement, monsieur le ministre, ne lève pas les ambiguïtés de cet article, puisque la notion de prestataire permet de réintroduire les laboratoires pharmaceutiques. Mon vote, au nom des députés Verts, dépendra du sort qui sera réservé à l’article 29. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour dix minutes, et je vous invite, monsieur le député, à ne pas dépasser votre temps de parole.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter le Gouvernement pour son sens de l’opportunité. Il n’a pas manqué de noter que nous étions en période de soldes, et aujourd’hui, 11 janvier, nous soldons un certain nombre de problèmes de santé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) À la fois sur le fond et la forme, nous avons la nette impression que l’on déstocke à bas prix le débat parlementaire ! (Mêmes mouvements.)

M. Richard Mallié. En période de soldes, on achète ! Alors, j’espère que vous allez voter ce projet !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons, ce matin, discuté des problèmes de dopage, lequel relève aussi de la santé. Nous allons évoquer tout au long de cette journée les sujets les plus divers, dont certains sont fondamentaux, qu’il s’agisse du secteur optionnel, de l’industrie du médicament, de l’information sur la santé ou de la gestion des malades de longue durée, le fameux disease management.

Vous comprendrez que nous ne soyons pas totalement satisfaits de la manière dont les choses se passent, car ces sujets auraient pu et dû être abordés bien en amont. Nous aurions pu en effet débattre de la directive sur le code communautaire relatif aux médicaments beaucoup plus tôt, puisque nous étions contraints par la Commission de la transposer avant le 30 octobre 2005. En outre, au nom du groupe socialiste, j’avais demandé la création d’une mission d’information sur l’information relative au médicament, à la suite de l’affaire du Vioxx et du Celebrex en août 2005, qui avait eu une profonde incidence sur les relations de confiance entre les patients, les médecins, les pouvoirs publics, d’un côté, et l’industrie pharmaceutique, de l’autre.

Cette question n’a pas été traitée à l’époque et voilà qu’en quelques minutes, nous devons la régler, alors que loin d’être purement technique, elle joue un rôle essentiel dans les relations de confiance entre l’opinion publique et les professionnels du médicament. Si l’on veut bien considérer que le médicament n’a rien d’anodin, que la surconsommation ou la mauvaise consommation de médicaments sont des problèmes majeurs de santé publique dans notre pays, on doit admettre que l’information est un des éléments majeurs d’une politique de santé publique tournée vers l’avenir. Nous savons tous, surtout au moment où M. le ministre fait des propositions en matière d’automédication, qu’il est nécessaire de donner des garanties en matière de transparence de l’information.

Je ne dis pas que les propositions faites sont négligeables, je dis seulement qu’elles ne sont pas suffisamment discutées, alors même que nous aurions pu sanctionner positivement certaines avancées.

Quant à l’article 29, je compte le traiter de manière un peu différente de mes collègues, même si je partage leurs positions. Nous abordons une question essentielle pour l’avenir de notre système de santé, à savoir le disease management – la prise en charge des personnes souffrant de maladies chroniques –, par un biais anecdotique, celui de l’ordonnance, et dans des conditions insatisfaisantes. Notre pays n’a quasiment pas réfléchi à cette question, il n’en a pratiquement pas discuté et n’a rien publié à ce sujet, si ce n’est à travers le protocole de l’assurance maladie sur les affections de longue durée. Pourtant, l’évolution des pathologies et de la démographie fait que nous aurons à assurer une prise en charge continue des malades chroniques : cette question est au cœur de la réforme de notre système de santé. Si nous avions travaillé sérieusement, nous aurions d’ailleurs dû l’intégrer, dès l’été 2004, dans la loi de réforme de l’assurance maladie. Nous ne l’avons pas fait et, aujourd’hui, nous en traitons par le biais d’une ordonnance et en mettant l’industrie pharmaceutique en première ligne.

Dès lors, comment s’étonner que cela suscite des craintes et des incompréhensions dans de très nombreux secteurs de l’opinion publique ? Est-il vraiment adroit d’aborder le disease management par l’intrusion de l’industrie pharmaceutique dans ce domaine encore vierge dans notre pays ? Si d’autres acteurs – l’assurance maladie, les assurances complémentaires, les organisations et les systèmes de soins – avaient déjà pris leurs marques et entamé un dialogue avec nos concitoyens sur la nécessité d’avancer vers une gestion des maladies chroniques, il y aurait certainement beaucoup moins d’appréhensions.

Nous déplorons, monsieur le ministre, la méthode que vous avez employée – l’ordonnance – comme la légèreté des contenus réglementaires et l’absence de réflexion collective sur ces sujets : le manque de débats scientifiques mais aussi politiques sur le cadre juridique et le cadre financier de l’instauration d’un disease management en France.

M. Gérard Bapt. Que fait l’assurance maladie ?

M. Jean-Marie Le Guen. Nous allons aborder ce sujet fondamental de la plus mauvaise des manières : sans aucun contrôle, sans aucune capacité à nous projeter dans l’avenir et à imaginer ce qui constituera l’aspect le plus important de nos systèmes de santé.

M. Gérard Bapt. C’est bien dommage !

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne peux imaginer un instant, monsieur le ministre, que vous ayez l’intention de laisser à l’industrie pharmaceutique le monopole de la gestion des maladies chroniques. Vous avez même expliqué dans votre intervention qu’il ne saurait y avoir d’interférence dans le colloque singulier entre le médecin et le malade. Pourtant, dès aujourd’hui, de très nombreux éléments substitutifs interviennent dans ce dialogue, ne serait-ce que l’information diffusée dans les médias. Et demain, la gestion des maladies chroniques passera par des plateformes de services qui prendront en charge les malades. Malheureusement, les protocoles et les cadres financiers et juridiques ne sont toujours pas fixés dans notre pays. Et la seule proposition qui nous est faite aujourd’hui est l’intrusion brutale sur ce terrain de l’industrie pharmaceutique, en position de quasi-monopole. Pourtant, je ne suis pas de ceux qui pensent que l’industrie pharmaceutique n’a rien à y faire. Elle peut même avoir un rôle légitime à jouer, sous divers aspects. Mais ce qui nous inquiète, c’est que les garde-fous ne sont pas véritablement posés et que les structures de soins et l’assurance maladie ne sont même pas en mesure de concurrencer l’industrie pharmaceutique dans la prise en charge des maladies chroniques.

Voilà pourquoi je trouve dommage que nous ayons abordé la question posée à l’article 29 dans ces conditions. Il est regrettable que nous n’ayons pas eu des discussions plus globales sur des textes plus précis, afin de dissiper les craintes et les accusations nées de l’insuffisante capacité d’anticipation dont le Gouvernement et la majorité font preuve depuis cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je ne peux que soutenir les exigences que les différents orateurs ont exprimées en matière de qualité des médicaments. De la même façon, le renforcement de la transparence de l’AFSSAPS, que certains ont appelé de leurs vœux, est une bonne chose.

S’agissant de l’automédication, que Mme Gallez et Mme Fraysse ont évoquée, je partage les inquiétudes exprimées au sujet du prix des produits. À l’occasion de la remise, hier, du rapport d’Alain Coulomb et d’Alain Baumelou, j’ai publié un communiqué pour expliquer quelle est ma philosophie de l’automédication. Aujourd’hui, en France, un médicament sur dix est vendu sans visite préalable chez le médecin. L’automédication est donc une réalité et il s’agit de l’organiser, en améliorant notamment l’information des patients. Certaines notices et certains conditionnements ne sont pas suffisamment accessibles. Mais se pose surtout la question des prix de ces médicaments non remboursés par l’assurance maladie, qui sont très souvent soumis à des effets de yo-yo, mais toujours orientés à la hausse, avec des variations du simple au double ou au triple aussi incompréhensibles qu’inacceptables. J’ai dit hier très clairement que, sur le marché de l’automédication, le préalable, à mes yeux, était des engagements clairs, précis et durables de la part des industriels. Par ailleurs, je tiens aussi à indiquer qu’il n’y aura de nouveaux déremboursements prévus dans ce cadre. J’ai eu à assumer des décisions, je l’ai fait très clairement, mais il n’est pas question aujourd’hui d’associer l’automédication au déremboursement.

Lors du forum pharmaceutique européen, qui s’est tenu il y a quelques mois, un représentant de l’automédication indiquait aux ministres européens que le transfert de la charge des dépenses de santé aux patients entraînerait une économie. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Quel génie de l’économie !

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’ai alors tenu à reprendre la parole, car ce génie de l’économie n’avait pas vraiment compris l’enjeu auquel nous sommes confrontés pour les années qui viennent. Il ne s’agit pas de transférer des charges aux patients, mais de maîtriser durablement l’évolution de la part des dépenses de santé dans la richesse nationale.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Absolument, c’est la vraie question qui se pose à nous, que l’on soit de droite ou de gauche !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Que ce soient l’État, la puissance publique, les assurances complémentaires ou le patient qui paient, s’il n’y a pas de maîtrise des dépenses de santé, c’est autant d’argent que nous ne pouvons pas consacrer au financement des retraites, de l’éducation ou de la recherche. En définitive, il ne s’agit pas de transférer d’une poche à une autre mais tout simplement d’organiser notre système et d’assurer une véritable responsabilisation de manière à encadrer l’augmentation des dépenses de santé et à la rendre compatible avec nos autres priorités en matière de protection sociale.

Qui plus est, nous n’avons pas besoin de nouveaux déremboursements pour réussir la réforme de l’assurance maladie. Des industriels nous ont dit qu’un transfert de 5 % permettrait de réaliser un peu plus de 2,5 milliards d’euros d’économies. Mais je m’étonne qu’ils ne nous aient pas directement proposé de dérembourser à 100 % pour économiser 50 milliards ! Soyons sérieux et laissons certains à leurs fantasmes ou à leurs envies. Nous avons nos propres responsabilités et je pense que nous savons les assumer. En tout état de cause, l’engagement sur les prix est, à mes yeux, un préalable à toute évolution en la matière.

S’agissant de la traçabilité, je partage les remarques exprimées par M. Door. Je donnerai une suite favorable à ses propositions. Mes services s’y attachent mais, compte tenu de la charge de travail que cela implique, nous avons aussi besoin de l’aide de tous les organismes concernés. Au-delà des industriels, il y a tout un travail à faire avec le conseil de l’ordre des pharmaciens pour organiser la traçabilité jusqu’aux officines.

Le générique a été évoqué à la fois par Jean-Luc Préel et Yves Bur. Certes, il n’a pas vocation à financer la recherche, mais il permet de dégager des marges au sein des dépenses d’assurance maladie pour financer les innovations les plus coûteuses. C’est ainsi que nous avons pu rembourser chaque année 1 milliard d’euros de médicaments nouveaux, parmi les plus innovants et les plus chers. Je n’ai pas l’intention de favoriser, les yeux fermés, les génériques au détriment de la recherche pharmaceutique, mais chacun doit avoir sa place dans notre système de soins. D’ailleurs, je suis conscient qu’il n’y a pas non plus de raison de favoriser la délivrance d’un générique quand le prix du princeps est équivalent.

Quant au débat sur le respect de la propriété intellectuelle, vous savez l’intérêt que j’y porte. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Je voudrais également dire à Mme Billard, à Mme Fraysse et à M. Bapt que la transposition de la directive sera complétée. Elle ne passe pas par la seule voie législative : des décrets seront publiés. Je m’engage à les soumettre à la concertation, comme je l’ai fait à chaque fois qu’un texte voté à l’Assemblée avait besoin d’être suivi, et pas seulement en présence des rapporteurs. Je dois aussi rappeler que c’est le Conseil d’État qui m’a conduit à faire cette répartition entre la loi et le règlement, entre l’article 34 et l’article 37 de la Constitution.

S’agissant des programmes d’accompagnement, je rappelle à Mmes Gallez, Billard et Fraysse ainsi qu’à MM. Door, Bur et Evin que le débat est déjà lancé et que nous partageons en définitive le souci de ne pas permettre aux firmes pharmaceutiques de réaliser des opérations promotionnelles auprès des patients atteints de maladies chroniques et d’encadrer plutôt que de laisser faire. Certains n’ont pas hésité à dire les choses et je veux souligner à cet égard la teneur du propos de Claude Evin.

M. Claude Evin. Merci, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Le Guen, contrairement à ce que vous avez dit, il n’est pas question de laisser les industriels en première ligne.

M. Jean-Marie Le Guen. Il n’y a pas qu’eux !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce qui est en première ligne, c’est le colloque singulier entre le médecin et le patient, et il n’est pas question de permettre à quiconque de s’immiscer dans cette relation. Je considère que c’est un principe fondamental.

Il est également nécessaire de développer l’éducation thérapeutique en France. C’est certainement l’un des plus grands enjeux de notre système de santé à l’avenir, avec l’augmentation des maladies chroniques.

J’apprécie aussi ce que les uns et les autres ont dit pour essayer de clarifier le débat en dissociant les problèmes et en précisant les cas où ces programmes peuvent réellement apporter une plus-value. Nous aurons besoin de déterminer comment nous pourrons nous assurer qu’il s’agit bien d’une plus-value médicale, d’une plus-value pour les patients. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

Mme la présidente. Sue l’article 1er, je suis saisie d’un amendement n° 72.

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 72.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 73 de la commission est également rédactionnel.

Le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Sur l’article 2, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1 et 31.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n° 1.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Il est nécessaire de préserver le critère du « niveau raisonnable » des avantages, lesquels doivent en outre poursuivre des intérêts professionnels et scientifiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Evin, pour soutenir l’amendement n° 31.

M. Claude Evin. Cet amendement précise effectivement que la prise en charge de l’hébergement des professionnels de santé lors d’actions organisées par les industries pharmaceutiques doit rester à un niveau raisonnable et être limitée à l’intérêt professionnel et scientifique de la manifestation. Là encore, il s’agit d’encadrer et non d’interdire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1 et 31.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé.

Après l’article 2

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 16, portant article additionnel après l’article 2.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le soutenir.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à créer un Conseil national du médicament, ce que nous demandons depuis plusieurs années, car le médicament n’est pas une marchandise comme les autres. Cette institution, de par ses attributions, sa composition et les moyens qui lui seront confiés, permettra de répondre aux graves problèmes d’ordre éthique et économique soulevés par l’autonomie de décision de l’industrie pharmaceutique en matière de recherche ou de fabrication des médicaments.

Comment justifier, par exemple, l’abandon de la recherche médicale dans des pans entiers de la médecine ? A-t-on le droit de laisser sans moyens de se soigner certaines personnes atteintes de pathologies dites « non rentables », comme les maladies orphelines qui concernent peu de personnes ou des populations de pays pauvres qui n’ont pas les ressources nécessaires pour acheter des médicaments ? Ces questions sont essentielles.

En France, la complexité de la réglementation relative aux autorisations de mise sur le marché des médicaments et le contrôle de leur efficacité laissent finalement beaucoup de latitude à l’industrie pharmaceutique, qui a repéré les faiblesses du système et les exploite habilement. L’existence concomitante du comité économique des produits de santé, qui décide de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament pour l’éternité ou presque, et de la commission de transparence de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui classe les médicaments en fonction de leur efficacité après commercialisation, conduit à une contradiction pour ne pas dire à une aberration, à savoir que les firmes pharmaceutiques peuvent faire entrer dans les officines des produits dénommés médicaments sur la base de tests qu’elles réalisent elles-mêmes, produits que la commission de transparence peut classer par la suite dans la catégorie des produits à service médical rendu très faible pour justifier un remboursement minimal ou n’accepter aucun remboursement.

Il conviendrait donc de se montrer plus exigeant à l’égard de l’industrie pharmaceutique, à laquelle une plus grande liberté en matière de fixation des prix a été octroyée récemment, ce qui lui permet de réaliser des profits importants.

L’objectif de cet amendement est de prendre des dispositions mieux centrées sur la réponse aux besoins réels de santé des Français et au-delà, dans la mesure où l’industrie pharmaceutique se porte bien.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Gallez, rapporteure. La commission a rejeté cet amendement. Les missions du Conseil national du médicament ont déjà été confiées au Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, instance d’analyse et de dialogue reconnue par tous les acteurs du système de santé. Des travaux approfondis ont été réalisés et un rapport complet sur le médicament a été publié en juillet 2006.

Par ailleurs, la loi du 13 août 2004 a permis une réforme ambitieuse de la gouvernance du système de santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement car divers organismes sont déjà chargés de ces missions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 3

Mme la présidente. Sur l’article 3, je suis saisie d’un amendement n° 51 de la commission.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié par l’amendement n° 51.

(L’article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. Sur l’article 4, je suis saisie d’un amendement n° 39.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Préel. Il s’agit d’ajouter, après les mots : « au vu d’un dossier », les mots : « pharmaceutique, pharmacologique, toxicologique et clinique complet ».

La définition de la spécialité de référence donnée par le projet de loi est ambiguë au regard des dispositions de la directive. Il convient donc de reprendre les termes simples utilisés par celle-ci, afin de ne pas aller à l’encontre de l’objectif d’harmonisation par l’utilisation d’une terminologie susceptible d’interprétations diverses.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Gallez, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement. Le contenu détaillé du dossier de demande d’AMM est défini par la voie réglementaire. Il n’est donc pas nécessaire d’alourdir la rédaction du texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Même argumentation. Je précise que la rédaction de l’article 4 suit les recommandations du Conseil d’État.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 32.

La parole est à M. Claude Evin, pour le soutenir.

M. Claude Evin. C’est un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Gallez, rapporteure. La commission a rejeté cet amendement. Il semble préférable de conserver les dispositions prévues à l’article 4 du projet de loi, car elles reprennent très précisément les termes de l’article 10 de la directive n° 2001/83.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. L’amendement n’est pas seulement rédactionnel. Sa formulation est en réalité plus restrictive que la transposition formelle que le Gouvernement a voulu effectuer. En outre, du point de vue scientifique, les propriétés et les effets ne sont pas la même chose.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Les amendements nos 52, 40 rectifié, 100 et 82 peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n° 52.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Ces amendements, qui sont presque identiques, visent à transposer les dispositions prévues par le paragraphe 2 de l’article 10 de la directive n° 2001/83. Il s’agit de préciser que des informations supplémentaires fournissant la preuve de la sécurité et de l’efficacité des différents sels, esters ou dérivés d’une substance active autorisée doivent être données par le demandeur de l’autorisation de mise sur le marché.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n° 40 rectifié.

M. Jean-Luc Préel. La rédaction de cet alinéa n’est pas conforme aux dispositions claires et précises de la directive, qui prévoient de manière détaillée les conditions de la fourniture de données supplémentaires destinées à établir la similitude ou l’absence de similitude d’une spécialité générique en termes de différents sels, esters ou dérivés d’une substance active autorisée. Il convient donc de reprendre le texte de la directive.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n° 100.

M. Jean-Pierre Door. Il s’agit en effet de reprendre la formule exacte de la directive, ce qui permet au demandeur de donner des informations supplémentaires qui fournissent la preuve de la sécurité et de l’efficacité des différents sels, esters ou dérivés d’une substance active autorisée.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bur, pour soutenir l’amendement n° 82.

M. Yves Bur. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 40 rectifié, 100 et 82 ?

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Ils ont été repoussés par la commission, l’amendement n° 52 étant beaucoup plus précis.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le Gouvernement a également une préférence pour l’amendement n° 52.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Les amendements quasi identiques nos 40 rectifié, 100 et 82 sont, je le suppose, retirés. (Approbation.)

Je suis saisie d’un amendement n° 53 de la commission.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement rédactionnel.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 2.

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Dans l’alinéa 7 de l’article 4, après les mots : « dont la substance », nous proposons d’insérer le mot : « active ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 4

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 26, deuxième rectification, portant article additionnel après l’article 4.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le défendre.

M. Jean-Pierre Door. L’article L. 5121-5 du code de la santé publique ne concerne pas les préparations de thérapie génétique ni celles de thérapie cellulaire xénogénique. Aussi notre amendement propose-t-il de le modifier pour imposer aux autres types de médicament le respect des bonnes pratiques, lesquelles prévoient le suivi et la traçabilité des médicaments.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Favorable. Cet amendement renforce la sécurité sanitaire du médicament et introduit la notion de traçabilité.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable à ce très bon amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 26, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

Article 5

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 5.

La parole est à Mme la rapporteure, pour défendre l’amendement n° 54.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Cet amendement clarifie l’alinéa 3 de l’article en précisant que l’autorisation de mise sur le marché doit précéder non seulement la commercialisation d’un médicament, mais aussi sa distribution à titre gratuit.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 3, 74 et 83.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n° 3.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Cet amendement fixe à cinq ans la durée de l’autorisation initiale de mise sur le marché.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 74.

Mme Martine Billard. Cet amendement cherche à mettre un peu de cohérence dans le code de la santé publique.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bur, pour soutenir l’amendement n° 83.

M. Yves Bur. Je comprends bien les remarques du Conseil d’État, mais il y a tout de même un paradoxe à reconnaître aux parlementaires européens le droit de se prononcer sur la durée de l’autorisation de mise sur le marché et à nous le refuser au nom de la séparation entre les domaines de la loi et du règlement. C’est pourquoi nous défendons malgré tout cet amendement.

Mme Paulette Guinchard. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. En ce qui me concerne, je me dois de faire respecter le domaine de la loi. J’ai souvent entendu dire que les lois étaient très, voire trop bavardes.

M. Yves Bur. Ce n’est pas le cas de celle-ci.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Indépendamment de savoir si la durée de validité de l’AMM relève de la loi ou du règlement, je m’interroge sur ce délai de cinq ans. Une durée aussi longue pose problème, s’agissant de certains produits, notamment des médicaments dérivés du sang. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements sur ce point, avant que le Parlement ne se prononce ?

Un allongement de trois à cinq ans satisferait sûrement des industriels extérieurs à notre pays et qui sont très désireux d’obtenir une telle mesure, mais elle braderait les intérêts de nos laboratoires. Je parle spécifiquement des dérivés du sang.

C’est pourquoi je ne souhaite pas que ces amendements soient adoptés, à moins que vous ne nous apportiez des précisions, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Nous examinerons plus loin un amendement que j’ai déposé et qui propose de passer de deux à trois ans l’AMM des produits dérivés du sang.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le ministre, Mme Gallez a raison, l’AMM est aujourd’hui de deux ans pour les produits dérivés du sang et un amendement prévoit de passer à trois ans. Le délai de cinq ans ne s’applique pas en l’espèce.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Si les AMM sont différentes selon le type de produit, je me rallie à votre argumentation.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3, 74 et 83.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 4 et 11.

La parole est à Mme la rapporteure, pour défendre l’amendement n° 4.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Ces amendements transposent l’alinéa 3 de l’article 24 de la directive 2004/27/CE, en donnant à l’AFSAPSS, à des fins de surveillance, le pouvoir de reconduire pour cinq ans une AMM au lieu de la renouveler pour une durée illimitée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l’amendement n° 11.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement du Gouvernement consistant à remplacer l’adjectif « quinquennal » par « supplémentaire ». Après ce renouvellement, l’AMM serait illimitée dans le temps.

M. Yves Bur. Très juste.

Mme Cécile Gallez, rapporteure. D’accord !

Mme Jacqueline Fraysse. Non ! Ce serait flou !

Mme la présidente. Dans ce cas, monsieur le ministre, l’adjectif « nouveau » ne se justifie plus. Il vaudrait mieux le supprimer. Qu’en pensez-vous ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je m’en remets à la présidence.

Mme la présidente. La fin des amendements ainsi modifiés serait donc rédigée comme suit : « …de procéder à un renouvellement supplémentaire. »

Je mets aux voix ce sous-amendement du Gouvernement, auquel est attribué le n° 108.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 4 et 11, modifiés par le sous-amendement n° 108.

(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 84.

La parole est à M. Yves Bur, pour le défendre.

M. Yves Bur. Cet amendement tend à compléter la première phrase de l’alinéa 6 de l’article par le texte de la directive elle-même. Les conditions de remise en cause d’une AMM seront fixées par décret en Conseil d’État, « sur la base d’une réévaluation du rapport bénéfice-risque ». Si aucune alerte significative n’a eu lieu pendant les cinq premières années de commercialisation, l’AMM sera renouvelée. Dans le cas contraire, et si la pharmacovigilance a signalé un quelconque problème, il faudra procéder à une réévaluation.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Cécile Gallez, rapporteure. Défavorable, compte tenu de problèmes formels. L’expression « rapport bénéfice-risque » ne figure ni dans le projet de loi, ni dans le code de la santé publique.

M. Yves Bur. Il serait peut-être temps de l’introduire ! Ce sont les termes mêmes de la directive.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je serais tenté de m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. J’aurais certes préféré remplacer l’expression « bénéfice-risque » par les mots : « des effets thérapeutiques positifs du médicament ou produit au regard des risques tels que définis au premier alinéa de l’article L. 5121-9 ». Mais je comprends l’esprit de votre amendement, monsieur Bur, et j’y suis favorable. Peut-être peut-on cependant déposer un sous-amendement ou attendre l’examen au Sénat.

M. Yves Bur. Je suis tout à fait d’accord.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est dangereux de s’en remettre au Sénat ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je m’attendais à cette remarque.

M. Jean-Marie Le Guen. Le rapport bénéfice-risque n’est jamais garanti ! (Rires.)

Mme la présidente. Compte tenu de l’heure, je vous propose de lever la séance. Vous pourrez ainsi déposer un sous-amendement ou un amendement rectifié que nous examinerons au début de la prochaine séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3062, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament :

Rapport, n° 3238, de Mme Cécile Gallez, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 3550, ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions, modifiant le code de la santé publique et habilitant le Gouvernement à modifier les dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement :

Rapport, n° 3555, de M. Pascal Ménage, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)