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(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.
Voilà déjà trois ans qu’a été engagé le dialogue avec les représentants des avocats et ceux des assureurs, afin d’améliorer de manière consensuelle une garantie d’assurance, dont chacun s’accorde à dire qu’elle était imparfaite. Le premier diagnostic a été posé dès 2002 dans le cadre de la Commission des clauses abusives. Sa recommandation du 21 février 2002 fait état, en effet, de difficultés pratiques de mise en œuvre de cette garantie par les consommateurs.
Les professionnels concernés par cette recommandation, à savoir les assureurs, ont alors entrepris de rénover les contrats. Dès le mois de juin 2003, la Fédération française des sociétés d’assurances a élaboré toute une série d’engagements, que le groupement des entreprises mutuelles d’assurances a fait sienne. Ce recueil d’engagements a notamment permis de clarifier les différents types de garanties en matière de protection juridique. La concertation s’est poursuivie dans l’enceinte du Comité consultatif du secteur financier. Certaines clauses types ont été à cette occasion profondément rénovées. Elles figurent désormais dans les nouveaux contrats, pérennisant ainsi les progrès apparus dans le cadre de la concertation. Pour autant, le champ des améliorations enregistrées grâce à cette concertation est demeuré circonscrit à la clarification des contrats.
Les négociations ont achoppé sur trois points relatifs à la mise en œuvre de la garantie. C’est pourquoi le Gouvernement a accueilli avec satisfaction l’initiative du Parlement visant à faire accéder ce produit d’assurance à davantage de maturité. La proposition de loi suscite sur chacun de ces trois points l'opposition des sociétés d'assurances. C'est un fait ! Pourtant, aucune des évolutions proposées n'est étrangère aux règles générales du droit des assurances. Je suis au contraire convaincu que le texte que vous allez examiner permettra d'aligner le régime de cette activité sur celui des autres branches.
La singularité de l'assurance de protection juridique tient à ce que l'indemnisation, qui est la vocation première de l'assureur, est supplantée par une activité de conseil. Certains auteurs ont pu parler à ce sujet de « contrats d'abonnement de conseils juridiques ». Il y a tout lieu de se réjouir qu'un assureur conseille son client. Mais lorsque cette activité devient l'objet principal du contrat, la société d'assurances sort de sa fonction première, d’autant plus que le critère central ne peut être que l'intérêt de l'assuré.
La proposition de loi permet de revenir aux fondamentaux de l'assurance, en rationalisant le contrat dans les trois principaux aspects de son exécution : la déclaration du sinistre, la tentative de transaction et l'éventuel procès. Cette rationalisation est attendue dès la déclaration du sinistre.
Qu'est-ce qu'un sinistre en matière d'assurance de protection juridique ? Un litige ou un différend certes, mais à partir de quand peut-on le caractériser ? La question est d'importance car une déclaration considérée comme trop tardive peut entraîner la déchéance de la garantie. C'est précisément ce qu'a dénoncé la Commission des clauses abusives en 2002. Le flou des définitions contractuelles permet parfois à l'assureur de refuser sa garantie au prétexte que le litige préexistait à sa déclaration. De fait, chacun sait bien que les conflits de voisinage peuvent avoir une origine ancienne. De même, le premier accroc dans une relation contractuelle n'est pas forcément un litige pour l'assuré. Mais il peut l'être pour l'assureur qui souhaiterait trouver là un prétexte commode pour ne pas mettre en œuvre la garantie souscrite.
Il faut donc établir un point de départ fixe et indubitable pour chacune des parties au contrat d'assurance. La proposition de loi retient à cet égard le refus qui est opposé à une réclamation dont l'assuré est l'auteur ou le destinataire. Les représentants des sociétés d'assurances ont exposé qu'une telle définition excluait l’aléa, qui caractérise tout contrat d'assurance. Je pense au contraire qu'elle l'introduit, car la pratique antérieure, dénoncée par la Commission des clauses abusives, montre bien que c'est l'assureur qui jusqu'à présent n'avait pas à subir d'aléa.
La définition proposée s'inspire notamment de la réforme opérée par la loi de sécurité financière du 1er août 2003, qui autorise que la garantie soit déclenchée par la réclamation de l'assuré plutôt que par le fait dommageable. C'est une réforme qui a été portée avec succès dans les autres secteurs de l'assurance, et je ne doute pas que la définition de la proposition de loi sera également particulièrement adaptée à la protection juridique.
Bien évidemment, ce dispositif préserve pleinement les droits de l'assureur afin de parer tout risque de fraude. Dès lors qu'un assuré aura souscrit une protection juridique pour un litige déjà en germe, le juge pourra décharger l'assureur de son obligation de couverture. Au demeurant, l'assureur aura pu prévenir une telle manœuvre par la mise en place du délai de carence et par un questionnaire préalable. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est très favorable à cette disposition.
La rationalisation de l'assurance de protection juridique procède également d'une meilleure définition des rôles respectifs de l'assureur et de l'avocat
Il est bien entendu que l'assureur doit pleinement jouer son rôle de conseil, y compris sur le plan juridique, et il ne saurait être question de l'en priver. Bon nombre de conflits, notamment en droit de la consommation, sont résolus grâce à l'intervention rapide des assureurs de protection juridique qui ont su se doter de services juridiques compétents.
Si utile que soit cette assistance, elle devient une faiblesse lorsque l'adversaire de l'assuré est lui-même conseillé par un avocat. D'une part, parce que le conseil juridique est un métier à part entière : si l'on s'assure en protection juridique, c'est bien pour être assisté d’un professionnel en temps utile. D'autre part, parce que seuls les courriers entre avocats sont confidentiels, ce qui permet à chacun de faire les concessions nécessaires à une transaction.
La rationalisation de l'assurance de protection juridique, c'est encore garantir le caractère libéral de la profession d'avocat à l’intérieur même de ce cadre – et le ministre des professions libérales y est évidemment particulièrement sensible. Le Président de la République avait insisté, lors du centenaire de la Conférence des bâtonniers en juillet 2003, sur la nécessité d'éviter que le développement de l'assurance de protection juridique ne débouche sur un salariat de fait de l'avocat. Un salariat de fait, c'est effectivement la nature de la relation qui s'instaure insidieusement entre l'assureur et l'avocat qu'il recommande habituellement.
Un avocat ne doit rendre de compte qu'à son client, quand bien même il est rémunéré par un assureur. Mais comment tenir en pratique une telle ligne de conduite lorsque les honoraires ne sont négociés qu'avec l'assureur, lequel fournit en outre la clientèle ? Comment résister au jour le jour aux pressions d’un assureur dont l'intérêt objectif est de minorer les coûts du procès, au besoin en renonçant à des expertises ou à l'exercice de voies de recours, alors que les seuls intérêts qui devraient prévaloir, à savoir ceux du justiciable, sont parfois contraires ? Mieux vaut libérer chaque partie des contraintes qui ne sont pas de son ressort. Il est tout aussi inopportun de confier à l'assureur la bonne conduite du procès, qu'à l'avocat de veiller aux intérêts de l'assureur. En interdisant à l'assureur de négocier les honoraires de l'avocat, la proposition de loi replace chacune des parties dans son rôle.
Les assureurs ont pu craindre que cette proposition n’aboutisse à brouiller les cartes pour les assurés, qui pourraient être amenés à exposer un honoraire complémentaire fluctuant et imprévisible. Le Gouvernement souhaite répondre à cette préoccupation tout à fait légitime. Mon collègue Pascal Clément a donc décidé de transmettre, dans les jours à venir, au Conseil d'État, un projet de décret modifiant les règles déontologiques des avocats : ces derniers, lorsqu'ils interviendront dans le cadre d'une assurance de protection juridique, seront tenus de proposer à leur client une convention d'honoraires, afin que les règles de facturation soient établies dès le début du litige. Avec ce nouveau cadre juridique, la liberté de choix de l'avocat et son indépendance seront pleinement garanties, parce qu'elles procéderont de l'économie même du contrat d'assurance et non plus seulement d'engagements de bonne pratique.
À ce dispositif général, la proposition de loi intègre en outre des règles d'harmonisation avec l'aide juridictionnelle. J'y suis tout à fait favorable.
En premier lieu, le texte introduit le principe de la subsidiarité de l'aide juridictionnelle en présence d'un contrat d'assurance de protection juridique. Ce principe, déjà applicable aux litiges transfrontaliers civils ou commerciaux, depuis la transposition d'une directive européenne du 27 janvier 2003, sera étendu demain à l'ensemble des contentieux devant les juridictions françaises.
Dans un contexte d'accroissement sans précédent du budget de l'aide juridictionnelle depuis 2000, le développement de l'assurance de protection juridique contribuera à réserver le bénéfice de l'aide juridictionnelle au public dépourvu de tout moyen ou soutien financier.
L'assurance de protection juridique jouera également un rôle complémentaire dès lors que les garanties offertes aux assurés s'appliqueront à de nouveaux contentieux qui en sont aujourd'hui exclus. Je pense notamment au contentieux des baux d'habitation et professionnels, à l'origine de plus d'une admission sur cinq à l'aide juridictionnelle alors que, généralement, l'assurance multirisques habitation peut couvrir ce type de litiges.
À ces dispositions nouvelles qui facilitent l'articulation avec l'assurance de protection juridique, la proposition de loi ajoute plusieurs mesures relatives à l'aide juridictionnelle, introduites par voie d'amendement gouvernemental lors de l'examen du texte par le Sénat.
Il s'agit en premier lieu d'unifier les voies de recours contre les décisions des bureaux d'aide juridictionnelle et d'harmoniser la jurisprudence en la matière en portant la contestation devant la cour d'appel. Cette réforme très attendue garantira notamment un recours effectif aux justiciables lorsque le rejet de la demande repose sur une appréciation inexacte de leurs ressources.
Il s'agit encore de permettre la rétribution des avocats qui prêtent leur concours au titre de l'aide juridique à l'occasion de procédures introduites par deux réformes récentes. Ainsi, la proposition de loi introduit le principe de l'indemnisation de la mission d'assistance d'un détenu faisant l'objet d'une décision de placement d'office à l'isolement.
Par ailleurs, elle supprime la condition de résidence habituelle et régulière sur le territoire national pour les ressortissants étrangers qui sollicitent l'aide juridictionnelle à l'occasion d'un recours contre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, procédure introduite par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.
Enfin, la proposition de loi ratifie l'ordonnance du 8 décembre 2005 modifiant sur deux points la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il s'agit de permettre aux bureaux d'aide juridictionnelle de ne pas tenir compte des ressources des parents du mineur poursuivi pénalement, lorsque ces derniers manifestent un défaut d'intérêt à l'égard de leur enfant. Il s'agit également de simplifier la procédure de recouvrement des honoraires, mis à la charge de la partie perdante par le juge, au profit de l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale. Cette réforme, très attendue des auxiliaires de justice, sera complétée prochainement par un décret d'application.
Dès son entrée en vigueur, le nouveau dispositif permettra d'améliorer sensiblement le niveau de rémunération des avocats – ce qui n’est pas à négliger – et d'alléger les contraintes pesant sur le budget de l'aide juridictionnelle, tout en assurant aux personnes démunies une défense effective.
Mesdames et messieurs les députés, la réforme qui vous est proposée aujourd'hui constituera un réel progrès pour nos concitoyens. Ils pourront continuer à bénéficier du recours à l'assurance de protection juridique. Mais ils le feront dans des conditions claires qui établissent que leur intérêt sera désormais central. Je vous demande donc d'adopter en l’état cette proposition de loi, afin qu’elle soit effective avant la fin du quinquennat, comme vous le proposent votre commission des lois et son rapporteur, M. Étienne Blanc, que je remercie et que je félicite, au nom du Gouvernement, pour la qualité de leurs travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cette protection connaît depuis plusieurs années un développement important puisqu’elle couvre aujourd'hui 45 % des ménages français. Moyen complémentaire de l'aide juridictionnelle en vue de garantir l'accès au droit, c’est une formule adaptée aux classes moyennes dont les revenus sont trop élevés pour leur donner droit à l'aide juridictionnelle, mais qui, devant les frais d'un procès, sont dissuadées de faire valoir leurs droits en justice. Elle répond également aux besoins des entreprises qui n'ont pas les moyens de disposer en leur sein d’un service juridique suffisamment étoffé.
Toutefois, l'assurance de protection juridique n'offre pas encore au consommateur les garanties suffisantes pour constituer une véritable alternative à l’aide juridictionnelle. Son fonctionnement est du reste aujourd'hui critiqué par la Commission des clauses abusives, par les consommateurs et par les acteurs de la vie judiciaire.
En effet, certains contrats créent un véritable déséquilibre au détriment de l'assuré en raison de clauses qui favorisent notamment la déchéance de la garantie. Deux clauses sont particulièrement critiquées. La première laisse à l'appréciation de l'assureur le délai durant lequel l'assuré est tenu de faire sa déclaration de sinistre, sous peine de déchéance. De très nombreux litiges surviennent entre assurés et assureurs sur la notion de déclaration de sinistre. La seconde est celle qui impose l'origine du sinistre comme point de départ du délai de déclaration, privant ainsi du bénéfice de la garantie l'assuré qui n'aurait pas eu connaissance du sinistre dès son origine. Cette clause est, là encore, à l’origine de très nombreux litiges.
Par ailleurs, on peut constater que l’avocat ne joue pas pleinement le rôle qui lui revient. Il est tout d’abord exclu de la phase amiable du règlement du litige. Les assurés sont ainsi privés d'un conseil juridique de qualité et des garanties de déontologie et d'indépendance prévues par le statut de cette profession et l'avocat est placé dans une situation de dépendance vis-à-vis de l'assureur, puisque celui-ci garde la maîtrise de la phase amiable sans contrôle extérieur. Face à un assuré qui est démuni, l’assureur restera alors seul juge de l'opportunité d'un recours contentieux.
Ensuite, en ce qui concerne la phase contentieuse, l'avocat est dans la plupart des cas choisi par l'assureur, lequel dispose de cabinets agréés dont les honoraires sont plafonnés en fonction du barème de remboursement du sinistre. Cette pratique place l'avocat dans un lien de subordination aux sociétés d'assurances, lien qui est évidemment contraire au caractère libéral de la profession d’avocat.
Toutes ces raisons freinent aujourd'hui le développement de l'assurance de protection juridique. C’est pourquoi, afin que celle-ci devienne un véritable outil d'accès au droit, l'assuré doit avoir la garantie que la solution amiable qui lui est proposée n'est pas guidée par la défense des intérêts de l'assureur, exigence d’autant plus forte que l'assurance de protection juridique a vocation à se généraliser en concernant un nombre de plus en plus grand de ménages et d'entreprises.
La proposition de loi vise donc à rétablir l'équilibre entre l'assuré et l'assureur grâce à deux séries de mesures. Elle améliore tout d’abord les garanties offertes aux assurés. Désormais, le sinistre sera considéré constitué dès qu'un refus sera opposé à une réclamation dont l'assuré est l'auteur ou le destinataire. C’est une précision qui met enfin un terme à toute possibilité de contestation de la part de l'assureur, lequel ne pourra plus mettre en doute la date du litige pour refuser de faire jouer la garantie.
L’assuré aura également la possibilité de demander une consultation juridique ou un acte de procédure avant la déclaration de sinistre sans que cette demande puisse entraîner la déchéance de la garantie.
En outre, le remboursement par la partie perdante des frais et honoraires reviendra en priorité à l'assuré, pour les dépenses qu'il a prises en charge, et subsidiairement à l'assureur, dans la limite des sommes qu'il a engagées.
La proposition de loi clarifie également les relations entre l'assureur et l'avocat. Elle fait ainsi obligation de recourir à un avocat lorsque la partie adverse est défendue par un membre de cette profession. Une telle obligation privera l'assureur de la possibilité de représenter ou d'assister seul l'assuré dans la phase préalable à la procédure puisqu’elle permettra à l'avocat d'intervenir dès la phase amiable.
De plus, l'assureur ne pourra proposer le nom d'un avocat que sur demande écrite de l’assuré. La renonciation au choix de l'avocat résultera ainsi d'un choix délibéré de l'assuré et non d’une décision prise par l’assureur.
Enfin, les accords d’honoraires entre l'assureur et l'avocat sont interdits. Les honoraires seront désormais fixés entre l’avocat et son client, indépendamment des intérêts de la société d'assurance. Toutes ces mesures tendent à garantir à l'assuré un contrat plus protecteur, en accroissant l'intervention de l'avocat dans le règlement des litiges.
Par ailleurs, le Sénat a complété sa proposition de loi par quatre mesures visant à modifier les règles d'accès à l'aide juridictionnelle. Premièrement, les personnes qui bénéficient du contrat d'assurance de protection juridique ne pourront plus demander que leurs frais soient couverts par l'aide juridictionnelle. Il s'agit de mieux articuler deux dispositifs d'accès au droit et d'éviter ainsi que l'État ne finance des frais qui sont couverts par un contrat de protection juridique et par le paiement de primes d’assurance.
Deuxièmement, les possibilités de contester les décisions du bureau d'aide juridictionnelle sont étendues. Le demandeur disposera désormais d'un recours contre un refus fondé sur un motif lié au montant de ses ressources, alors qu’aujourd'hui les contestations ne peuvent être fondées que sur un motif juridique.
Troisièmement, les personnes faisant l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire pourront accéder à l'aide juridictionnelle sans condition de résidence en France.
Quatrièmement, l'assistance par un avocat des personnes détenues est améliorée. La prise en charge par l'État de la rétribution de l'avocat est actuellement limitée aux procédures disciplinaires. Le texte vise à l’étendre aux mesures d’isolement, que celles-ci soient demandées par le détenu ou décidées d'office.
Les débats de la commission des lois ont permis de dégager deux questions fondamentales. La première porte sur la situation des justiciables dont les revenus sont modestes. Pourront-ils cumuler la protection du contrat d’assurance et celle de l’aide juridictionnelle ? Quelles conditions présideront à la mise en œuvre d’une telle combinaison ? Monsieur le ministre, vous avez répondu que cette question sera réglée par voie réglementaire dans les meilleurs délais, en vue d’harmoniser les deux dispositifs, celui de l’assurance et celui de l’aide juridictionnelle.
La réforme qui nous est proposée par le Sénat favorise l'accès de nos concitoyens à la justice en donnant aux consommateurs les moyens de mieux faire valoir leurs droits. C'est la raison pour laquelle la commission des lois vous propose de l'adopter en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
L’accès au droit doit être garanti car la connaissance du contenu et de l’étendue des droits de chacun est la condition nécessaire de la construction de rapports équilibrés au sein de notre société. L’accès à la justice, quant à lui, est la garantie, pour chaque citoyen, du respect de ses droits par celui de procédures équitables dans le cadre de l’intervention du juge.
Maison du droit, centres départementaux d’accès au droit, aide juridictionnelle sont autant d’outils élaborés par l’État et la puissance publique pour donner un contenu à cette liberté fondamentale.
À côté de ces outils publics, un outil conventionnel s’est développé, l’assurance de protection juridique : c’est une bonne chose, en tant qu’elle est l’illustration de la façon dont l’initiative privée peut venir compléter l’action publique.
Du reste, le très grand succès qu'a connu l’assurance de protection juridique est la preuve qu’elle répond à un besoin des particuliers comme des entreprises. Son taux de croissance est, depuis plusieurs années, de l’ordre de 8 % par an et son chiffre d’affaires pour l’ensemble des compagnies d’assurance et des mutuelles s’élève à 1 milliard d’euros, chiffre qui est à rapprocher des 300 millions d’euros que l’État dépense chaque année au titre de l’aide juridictionnelle. Or le fait que moins de 3 % des clients assurés utilisent ce service permet de situer le débat économique qui se cache derrière les réactions et les prises de position récentes, notamment de l’ensemble des compagnies d’assurance.
Il existe plusieurs manières, en effet, de bénéficier d’une assurance de protection juridique. Seuls 58 % des assurés ont un contrat spécifique, les autres bénéficiant de garanties incluses dans les polices d’assurance automobile et multirisques habitation ou liées à la carte bancaire.
Dès 1987, la directive européenne 87/344 du 22 juin posait les bases d’une harmonisation et d’une coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’assurance de protection juridique. Elles ont été transposées en droit interne par les articles L. 127-1 et suivants du code des assurances.
Toutefois, cela a été dit, en 2002, la Commission des clauses abusives a formulé quinze recommandations visant à améliorer le système de fonctionnement, l’équilibre et les garanties des contrats d’assurance de protection juridique. Ces recommandations portaient, d’une part, sur les conditions restrictives de la mise en œuvre de la garantie, d’autre part, sur les relations déséquilibrées entre sociétés d’assurances, assurés et avocats.
L’article L. 127-3 du code des assurances, texte législatif qui pose le principe du libre choix de l’avocat, donne un bon exemple de ces relations déséquilibrées. Notre pays compte environ 45 000 avocats. Comment expliquer que seuls 3 000 à 4 000 d’entre eux exercent dans le cadre des réseaux constitués par les compagnies d’assurance ? Comment concilier ce chiffre avec le respect du principe légal de la liberté de choix de l’avocat ? Ce fait méritait d’être examiné de nouveau après plusieurs années – n’oublions pas, en effet, que la première réglementation date de 1987, que les recommandations de la Commission des clauses abusives, pour leur part, remontent à 2002, et que nous sommes en 2007.
Malgré les recommandations, les chartes et les accords, rien n’a changé et nous nous trouvons toujours dans une situation de déséquilibre inacceptable. J’observe qu’en ce qui concerne l’accès à l’aide juridictionnelle, la répartition des dossiers révèle une large dispersion, qui démontre bien que lorsque l’assuré a le choix, il l’exerce. Par conséquent, le taux de 10 % témoigne, pour le moins, d’un dysfonctionnement.
J’insiste sur le fait que le recours à un avocat est un droit accordé à tout citoyen dans notre système juridique, qu’il en assume directement la charge, ou bien qu’elle soit assurée par l’aide judiciaire ou par une compagnie d’assurance de protection juridique. La liberté de choix de l’avocat est un principe inscrit dans notre droit et doit être respecté par tous les intervenants. L’indépendance de l’avocat constitue le socle de la confiance le liant à son client. L’une des conditions de cette indépendance est la libre détermination des honoraires entre eux. En effet, aux côtés de son client, l’avocat rétablit l’équilibre des armes dans le débat judiciaire. C’est en ce sens qu’il exerce une mission d’auxiliaire de justice reconnue par nos lois.
Le texte qui nous est proposé répond aux critiques émises sur les pratiques en matière d’assurance de protection juridique. Dans son rapport de 2005, le Comité consultatif du secteur financier – qui rassemble, je le rappelle, associations de consommateurs, pouvoirs publics, banquiers et assureurs – estimait « nécessaire de proposer ce produit – c’est-à-dire la police d’assurance de protection juridique – en toute transparence, en définissant clairement les garanties ainsi que les modalités de gestion des sinistres, les règles de prescription et en rappelant le libre choix de l’avocat. »
Aussi, en fixant les conditions d’engagement de la garantie, en précisant les conditions de recommandation d’un avocat par l’assureur, en révisant le régime de fixation des honoraires pour garantir la liberté de choix de l’avocat, enfin en affirmant le caractère subsidiaire du recours de l’assureur par rapport à l’assuré en cas de remboursement des frais par la partie perdante, le présent texte apporte à nos yeux une clarification nécessaire. Il conforte l’exercice de la liberté de choix de l’avocat par l’assuré, il rééquilibre les rapports entre assuré, compagnie d’assurance et avocat, et, par conséquent, il contribue à un meilleur fonctionnement de l’ensemble de l’institution judiciaire.
Quand la volonté des parties n’aboutit à aucun résultat, il est logique, nécessaire que le législateur intervienne. Après le texte de 1987 et les rapports de la Commission des clauses abusives et du Comité consultatif du secteur financier, respectivement en 2002 et en 2005, il était donc temps pour nous de nous saisir du dossier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce constat s’explique par la nature assez différente des contrats rassemblés sous le vocable unique d’assurance de protection juridique. En réalité, il s’agit de contrats très divers quant à leur contenu et quant à leurs coûts. Le rapport de la commission distingue d’ailleurs la garantie « défense pénale-recours » incluse dans les contrats d’assurance-automobile, d’un coût annuel de 2 à 4 euros ; le contrat de protection juridique dite « segmentée », selon l’expression retenue dans le rapport, d’un coût annuel de 15 à 25 euros ; enfin, la protection juridique générale, dont la prime peut atteindre 250 euros par an. Ainsi, vous pouvez constater que sous couvert du même vocable, nous parlons en réalité de contrats et de problèmes de nature tout à fait différente. Les auteurs, pour leur part, distinguent en général les contrats dits intégrés, c’est-àdire inclus dans un autre contrat d’assurance, et les contrats spécifiques visant uniquement la protection juridique.
Il me paraît utile de rappeler cette extrême diversité pour mettre en exergue la difficulté de traiter de l’assurance de protection juridique en termes trop généraux. C’est d’autant plus vrai que, comme le souligne le rapporteur, l’assurance de protection juridique en France se distingue des régimes en vigueur dans les autres pays européens en octroyant à l’assureur une mission de prestataire de services et non de simple tiers payant des frais de procédure. Cette distinction n’est pas souvent abordée dans nos débats mais reste très importante car il ne s’agit pas ici simplement de parler de l’assurance de protection juridique en tant qu’intervention d’un tiers payant de la prestation du professionnel libéral.
Cette singularité vient de notre histoire, et c’est peut-être par ce biais qu’il aurait fallu commencer afin de mieux appréhender la nature de l’assurance de protection juridique en France. Et vous avez eu raison de constater dans votre rapport, monsieur Blanc, l’existence de cette spécificité. Il ne s’agit pas simplement, en effet, de couvrir les frais de justice que fait valoir le bénéficiaire, il s’agit aussi pour la compagnie d’assurance, d’assurer une prestation de services. Or l’on a quelque peu écarté du débat cet aspect des choses qui offre un éclairage un peu différent, car c’est bien ce rôle de prestataire de services, cette intervention de l’assureur dans la conduite de la procédure amiable ou contentieuse qui a justifié les observations de la Commission des clauses abusives.
Le groupe socialiste du Sénat a voté contre cette proposition de loi au motif principal que, sous couvert d’objectifs apparemment louables, elle n’en comporte pas moins des risques flagrants.
En revanche, la définition du sinistre telle qu’elle résulte du texte paraît de nature à générer un contentieux qu’un travail parlementaire plus approfondi aurait peut-être permis d’éviter.
En outre, la place de l’assurance de protection juridique dans l’accès au droit et au juge est importante et la référence à cet outil privilégié pour les classes moyennes me paraît pertinente.
L’inconvénient majeur que présente ce texte résulte des dispositions de l’article 5, ajouté par le Sénat et ainsi libellé : « L’aide juridictionnelle n’est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection. » Le rapport du Sénat est particulièrement édifiant sur les objectifs recherchés par les auteurs de cet amendement ; je le cite : « Le contexte budgétaire tendu rend nécessaire de recentrer l’aide juridictionnelle sur les justiciables les plus fragilisés. Telle est la raison pour laquelle votre commission vous propose de prévoir le caractère subsidiaire de l’aide juridictionnelle. » Le même rapport précise ensuite : « Les représentants du ministère de la justice ont indiqué à votre rapporteur que cette disposition nécessiterait un travail de vérification systématique de la part des bureaux d’aide juridictionnelle. »
Quant au garde des sceaux, il a soutenu cet amendement devant le Sénat en ces termes : « La France s’aligne ainsi sur un dispositif déjà pratiqué par de nombreux pays européens qui permettra de réserver le bénéfice de l’aide juridictionnelle à des personnes dépourvues de tout moyen ou soutien financier. »
Nous sommes ainsi passés d’un texte sur la réforme de l’assurance de protection juridique à un texte destiné à permettre à l’État de faire des économies sur l’aide juridictionnelle.
Il est tout à fait surprenant qu’une réforme de cette ampleur puisse être examinée à la sauvette, en fin de législature, dans l’indifférence quasi-générale et sans aucune concertation préalable. De plus, bien évidemment, aucune étude d’impact n’accompagne la modification substantielle qu’entraînera pour nos concitoyens l’application de l’article 5.
En vérité, personne n’est aujourd’hui capable de préciser comment ce système hasardeux va pouvoir fonctionner et quelles en seront les conséquences pour nos concitoyens. Il va falloir modifier les conditions de la demande d’aide juridictionnelle puis suivre les procédures jusqu’à concurrence des débours couverts par l’assistance juridique et, enfin, revenir devant le bureau d’aide juridictionnelle pour que l’aide prenne en charge la suite de la procédure. Il y aura dans la même procédure des frais de débours, d’expertise et d’actes payés, dans un premier temps, par l’assurance – et donc remboursés –, puis, dans un second temps, payés par l’assurance juridique – et donc gratuits. Il faudra donc notifier aux officiers ministériels qu’entre-temps le système a changé. Et, comme il faudra bien, à un moment donné, passer de l’un à l’autre, faudra-t-il suspendre les délais de procédure puisque certaines décisions peuvent être prises pendant ce temps ? Vous allez immanquablement nous plonger dans un capharnaüm total. Comment donc articuler la procédure devant le bureau d’aide juridictionnelle et la procédure judiciaire elle-même, s’agissant, notamment, du respect des délais ?
Non seulement vous faites un choix politique – que nous contestons et qui aurait pu faire l’objet d’un débat – en privilégiant l’assurantiel mais, surtout, vous inventez une nouvelle usine à gaz…
Et, cerise sur le gâteau, vous nous proposez la subsidiarité de l’aide juridictionnelle par rapport à un système de protection. Ainsi, le Parlement s’apprête à voter une loi prévoyant que « l’aide juridictionnelle n’est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge par un système de protection. »
Que signifie cette notion de « système de protection », que le texte distingue de celle d’assurance de protection juridique ? Je vois dans l’hémicycle beaucoup d’éminents juristes : ils conviendront que la réponse n’est pas des plus aisées et que ce n’est pas en quelques minutes que nous en viendrons à bout. Avez-vous envisagé de prendre un décret pour préciser cette notion, monsieur le ministre ? Vous ne nous avez rien dit à ce sujet. On a bien répondu par quelques paroles réconfortantes à mes observations en commission, mais l’article 5 ne renvoie pas à un décret.
Vous ne vous êtes pas engagé sur ce terrain, monsieur le rapporteur, mais le rapport du Sénat donne quelques exemples de systèmes de protection, notamment l’obligation faite à l’employeur, à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation d’octobre 2006, de prendre en charge les frais exposés pour la défense de leurs salariés lorsque les faits sont commis dans le cadre de leur activité. Encore aurait-il fallu l’écrire ! La loi, elle, ne comportera qu’une référence générale à « un système de protection », c’est-à-dire à quelque chose qui ne veut rien dire. Dès lors, on peut s’attendre à ce que certains veuillent s’exonérer de l’intervention de l’aide juridictionnelle en s’abritant derrière cette notion de « système de protection ». Les résultats seront étonnants !
Sur cette question hasardeuse, peut-être pourriez-vous au moins, monsieur le ministre, préciser au cours de notre débat si les exemples figurant dans le rapport du Sénat sont exhaustifs ou si un décret précisera ultérieurement les cas particuliers d’exclusion. Je vous le demande à nouveau : y aura-t-il une liste des cas où l’aide juridictionnelle deviendra subsidiaire ?
L’article 5 ne figurait dans aucune des propositions de loi initiales. Nous avons accepté de débattre de ce texte, dont le contenu nous est apparu intéressant. J’ai moi-même pris quelque distance avec l’approche de mes collègues sénateurs quant au fond du projet, qui apporte à mon sens des réponses importantes. Je considère toutefois qu’il a été dénaturé par l’ajout de l’article 5 et que sa portée politique est maintenant complètement différente. Le débat sur les conditions de l’accès au droit est légitime, mais on ne peut faire ainsi, par le biais d’un amendement déposé au dernier moment et non débattu, le choix de l’assurantiel en établissant le caractère subsidiaire de l’aide juridictionnelle. En tout état de cause, c’est un choix bien peu réfléchi et politiquement lourd de conséquences. Il altère totalement la portée du débat que nous aurions pu avoir.
En conséquence, si l’on ne supprime pas l’article 5, nous voterons contre l’ensemble du texte.
Comment permettre un accès décent des citoyens à la justice tout en rémunérant correctement les professionnels du droit afin de leur permettre d’exercer convenablement leur métier ? Il faut admettre qu’aujourd’hui cette rémunération n’est correcte ni en matière d’aide juridictionnelle ni en matière de protection juridique. Dans le premier cas, il est versé à l’avocat 44 euros pour une amende, 450 euros pour une affaire correctionnelle et 2 200 euros pour une affaire criminelle – dont la durée, rappelons-le, est de trente-cinq mois. Cela permet d’avoir une idée du potage servi par l’État ! (Sourires.)
L’idée est donc venue de modifier le code des assurances pour assurer à l’avocat une rémunération raisonnable. Il s’agit d’accroître la place qui lui est donnée, de conforter sa liberté et, surtout, la liberté d’honoraires entre lui et son client. C’est évidemment sur ce point que resurgit la difficulté. Nous sommes dans une situation contractuelle et la loi soumet à un plafond de garantie le montant des honoraires compris dans l’assurance de protection juridique. L’assuré paiera donc ce qui excède le montant garanti par le contrat d’assurance. En pratique, l’assureur ne manquera pas d’établir un véritable barème du coût des interventions de l’avocat, qui sera fixé non seulement en volume d’heures de travail effectuées, mais également en efficacité. En d’autres termes, les barèmes fixeront tel nombre d’heures pour telle prestation, comme c’est déjà le cas dans de nombreux contrats passés entre les avocats et leurs clients.
Au bout du compte, les avocats vont se trouver exactement dans la même situation que les médecins libéraux effectuant des actes remboursés par la sécurité sociale. Je puis vous garantir que, tous les ans ou tous les deux ans, on les verra revendiquer la revalorisation du barème ou du tarif horaire.
Cependant, le dispositif mis en place à l’article 1er pour que l’assureur ne puisse opposer la déchéance de garantie à l’assuré me semble un peu compliqué. La définition du sinistre, trop complexe, risque de se révéler défavorable à l’assuré. Il conviendrait de la clarifier, car elle retarde la possibilité de déclarer le sinistre auprès de l’assureur : aux termes de la proposition de loi, il faut attendre un refus clair et précis, dont on ne sait d’ailleurs s’il doit être écrit ou non, motivé ou non. Tout cela représente une perte de temps importante, alors que ce type de litige exige souvent que l’on intervienne très rapidement pour essayer d’obtenir un accord amiable et éviter ainsi des frais de procédure. Je propose donc, dans un de mes amendements, une autre définition.
En outre, l’article 1er dispose que l’ensemble des actes et des consultations seront pris en charge par les assureurs, et je trouve que M. le ministre a été bien sévère avec ceux-ci, qui jouent également un rôle important de conseil et de prévention pour la protection de l’assuré. La nouvelle définition du sinistre que je propose pourrait renforcer ce rôle : en effet, si l’assureur n’a pas connaissance assez rapidement du sinistre, l’assuré ne pourra pas profiter de ses conseils.
Par ailleurs, l’article 1er prévoit le recours systématique à un avocat dès lors que la partie adverse en a un. C’est, me semble-t-il, empiéter sur la liberté de l’assuré de conduire sa défense. Certes, il a libre accès à la justice et garde la possibilité de choisir son avocat, mais n’est-ce pas alourdir la charge du sinistre ? Je tiens à rappeler que les assureurs disposent de techniciens de grande qualité en matière juridique et que ceux-ci peuvent parfaitement jouer ce rôle. L’assuré est assez grand pour se décider : pourquoi ne pas lui laisser le choix ? D’ailleurs, nous constatons tous dans nos circonscriptions que les assurés ne connaissent pas les avocats, et encore moins le système des honoraires. Voilà pourquoi je défendrai un amendement visant à maintenir le libre choix, tout en préservant l’esprit du texte.
Enfin, si je vous ai trouvé sévère avec les assureurs, monsieur le ministre, c’est que, selon moi, il n’appartient pas au législateur de leur dicter leur conduite, même si les avocats souhaitent intervenir plus fréquemment dans les litiges de cette sorte et même s’il existe en effet des dérapages. Ce sont des libéraux. Ils sont assez grands pour faire leur publicité ou intervenir auprès de leur clientèle. Je trouve que le texte va un peu loin dans ce domaine, même s’il faut en effet corriger les faits dénoncés par la Commission des clauses abusives. Aller d’un excès à un autre ne me paraît pas tout à fait de bon sens. Par ailleurs, je suis persuadé qu’à terme, le coût des sinistres risque de peser lourdement sur les compagnies d’assurance. Il faut avoir cela à l’esprit et ne pas faire n’importe quoi.
J’espère que les amendements que j’ai déposés seront pris en compte, car, tout en en respectant l’esprit, ils corrigent l’effet de balancier de ce texte, qui était nécessaire mais qui va un peu loin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Marie Geveaux, pour le soutenir.
Vous nous proposez de substituer au refus qui est opposé les termes de « désaccord total ou partiel », mais la qualification juridique du désaccord, qui met en œuvre le contrat, est extrêmement floue. Qu’est-ce qu’un désaccord ? Comment est-il caractérisé ? Nous craignons, si cet amendement est adopté, que l’imprécision ne demeure et que l’incertitude juridique dans laquelle se trouvent les assurés ne soit de ce fait pas levée. C’est la raison pour laquelle la commission propose de repousser cet amendement.
Sommes-nous prêts aujourd’hui à admettre ce que la Commission des clauses abusives dénonce ? Il me semble que non, et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous demande, monsieur Geveaux, de retirer cet amendement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3.
Les modifications ont pour objet, d’abord, de replacer l’assuré au cœur du dispositif de l’assurance de protection juridique, ce qui est la moindre des choses quand on se veut au service de nos concitoyens. En supprimant le caractère systématique de la mesure, l’assuré conserve la liberté de choix d’être assisté ou non d’un avocat. C’est un principe fondamental et important qui est là en question. Pourquoi faire peser sur l’ensemble des souscripteurs à une assurance de protection juridique une contrainte qu’ils n’auraient pas individuellement choisie, qui plus est pour régler un problème qui ne concerne pas tout le monde ?
L’amendement propose ensuite de ne pas faire peser de contraintes financières sur l’assuré, ce qui serait le cas s’il avait l’obligation d’être représenté par un avocat, car les honoraires pourraient être supérieurs au montant de la garantie prévu au contrat de protection juridique. Laisser la liberté de choix peut avoir un effet sur les conséquences financières. Un simple calcul montre bien que la disposition proposée dans le texte aurait pour conséquence inévitable une augmentation du coût pour les assurés.
Il vise également à ne pas faire peser de contraintes financières sur l’assuré, ce qui serait le cas s’il avait l’obligation d’être représenté par un avocat, car les honoraires pourraient être supérieurs au montant de la garantie prévu au contrat de protection juridique.
Ce déséquilibre empêche surtout les transactions de se réaliser. Il faut être certain, pour transiger, que les concessions proposées à l’adversaire resteront confidentielles et qu’elles ne seront pas invoquées devant le juge. Or, cette confidentialité n’est possible et bien protégée qu’entre deux avocats. Sinon l’avocat a tout intérêt à ne jamais transiger avec l’assureur de la partie adverse, à aller au contentieux et à montrer au juge combien l’assureur était prêt à minorer ses demandes durant les pourparlers – ce qui peut d’ailleurs renchérir le coût des procédures.
Il est préférable, pour bien protéger l’assuré, de s’en tenir au texte existant. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Prétendre que si une partie choisit un avocat et pas l’autre cela créerait une inégalité, c’est non seulement une vision théorique mais également un détournement de sens. Si une partie choisit un avocat, il faut laisser l’autre partie libre de choisir son moyen de défense et ne pas lui imposer de recourir au ministère d’un avocat.
Vous avez, monsieur le rapporteur, fait référence à la Cour européenne de droits de l’homme : eh bien, je ne suis pas sûr qu’on puisse imposer l’obligation d’avoir recours à un avocat.
Vos propos ne m’ont pas convaincu et me confortent dans l’idée que mon amendement est nécessaire.
Les propos que nous avons entendus tout à l’heure sont assez incroyables. Certes, il faut donner la possibilité à chacun d’être défendu de la meilleure manière possible. Pour autant, il ne faut pas méconnaître le rôle et le travail des assurances : au sein de leurs services juridiques et contentieux, on trouve des personnes extrêmement qualifiées, qui peuvent rivaliser assez largement avec des avocats – j’en parle en connaissance de cause.
Les compagnies d’assurance, dans la conception française de la protection juridique, sont à la fois tiers payants et prestataires de services. Si elles n’étaient que tiers payants, nous n’aurions pas eu cette discussion.
Il serait bon de clarifier les choses. En l’absence d’avocats, les compagnies d’assurance jouent pleinement leur rôle et peuvent aboutir à une transaction. En revanche, à partir du moment où un avocat intervient pour une seule des parties pour un litige porté devant une juridiction, il y a inégalité, rupture de l’égalité des chances et des armes, dans la mesure où cet avocat n’est pas tenu aux obligations déontologiques, notamment de confidentialité, ce qui peut porter préjudice à l’assuré qui, lui, n’est pas défendu par un avocat.
Nous sommes favorables à la prestation des compagnies d’assurance dans le cadre du pré-contentieux. Toutefois, dès lors qu’un avocat entre en jeu, les conditions deviennent différentes.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 1er est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'article 2 est adopté.)
L’article 3 concerne le choix de l’avocat et également l’engagement d’actions amiables ou contentieuses avec le problème des honoraires que j’évoquais tout à l’heure.
La possibilité de négociation est un acte normal de gestion optimisée d’une mutualité dans l’intérêt même des consommateurs. C’est en tenant compte de la mutualité de ses assurés que l’assureur peut maîtriser le rapport montant des primes/montant des sinistres. Si cette possibilité disparaît, l’absence de maîtrise des coûts du produit d’assurance se traduira par une augmentation de la cotisation, dont le surcoût sera supporté non par les avocats mais par les assurés.
J’ai déposé sur cet article un amendement n° 6 qui tend à permettre de négocier préalablement avec l’avocat le montant de ses honoraires, de façon que l’assuré sache à quoi s’en tenir.
Sinon, si le sinistre est important, s’il s’étend dans le temps, les honoraires risquent d’évoluer. De surcroît, parfois l’assureur ne prendra pas en charge l’intégralité des honoraires. N’oublions pas que nos concitoyens méconnaissent souvent les arcanes de la justice, tout comme la réalité du montant des honoraires des avocats. Il serait donc utile que l’avocat s’engage sur le montant des honoraires perçus dans une affaire. La personne concernée signerait un engagement et saurait à quoi s’en tenir. Elle pourrait voir avec l’assureur les développements ultérieurs.
L’amendement n° 6 vise à éviter les dérapages, les contestations et que les assurés soient piégés. Si certains sinistres subis par des entreprises sont importants, bien souvent les litiges entre particuliers sont financièrement peu élevés. Cet amendement permettra donc d’éviter de se retrouver dans la situation paradoxale où le coût des honoraires sera plus élevé que le coût du dédommagement lui-même !
La demande systématique de convention d’honoraires en cas de contrat de protection juridique relève plus du règlement que de la loi.
M. le ministre nous a indiqué tout à l’heure que le décret du 12 juillet 2005 serait modifié et qu’une obligation de mise en place systématique d’une convention d’honoraires serait instaurée lorsqu’un contrat de protection juridique interviendrait.
Ce texte prévoira que, sauf cas d’urgence, l’avocat sera tenu de proposer à son client une convention d’honoraires, qui permettra à ce dernier de connaître précisément le montant des sommes qu’il sera amené à payer.
Les cas d’urgence s’entendent de ceux où l’avocat ne peut avoir matériellement le temps de proposer un tel écrit : c’est le cas de l’avocat de permanence qui assiste une victime se constituant partie civile à une audience de comparution immédiate. Le texte de l’amendement ne réserve d’ailleurs pas ces cas d’urgence, ce qui le rendrait inapplicable en pratique.
Monsieur Geveaux, votre souci est donc bien pris en compte par le Gouvernement, qui y répondra par le texte que je viens d’évoquer. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir le retirer.
Quant à l’obligation de recourir à un avocat dès lors que la partie adverse en a choisi un, elle me paraît tout à fait justifiée, compte tenu de la règle de confidentialité. Sans avocat, l’assuré courrait le risque d’une inégalité de traitement devant le juge.
Ne faisons pas croire que nous sommes en train de débattre d’un texte qui obligera les assureurs à régler l’intégralité des honoraires des avocats. Certes, l’intervention systématique de l’avocat est une bonne chose, mais il faut raison garder et comprendre que le montant de l’assurance impliquera une limite.
La convention d’honoraires peut être très difficile à établir, car en cas de sinistres complexes avec des procédures longues, il est évident que le temps passé est un élément essentiel de la convention d’honoraires. Combien d’heures faudra-t-il consacrer à telle ou telle affaire ? Quel sera le coût horaire ? Je vous rappelle à cet égard que le Conseil de la concurrence a, dans deux décisions, annulé les barèmes d’honoraires que deux ordres d’avocats avaient tenté d’instituer. Le Conseil de la concurrence est donc clairement opposé à l’établissement de barèmes.
Nous allons être pris entre ce que les assureurs estimeront devoir payer et ce que les avocats estimeront devoir recevoir. Qui sera l’arbitre ?
Avant de rédiger votre décret, monsieur le ministre, il faudra bien tourner votre plume dans l’encre !
La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 2.
Je me fonde sur une notion de responsabilité personnelle et, en quelque sorte, de subsidiarité. Faisons confiance à la capacité de négociation de chacun avant de créer des obligations.
En aucun cas, cette liberté ne peut exclure la possibilité pour un avocat de négocier dans le cadre de ses relations habituelles avec un assureur de protection juridique les honoraires qu’il sera amené à percevoir pour ses interventions couvertes par cet assureur.
Dès lors qu’il est informé du montant des honoraires qui seront perçus pour la solution de son litige, l’assuré est en mesure d’exercer son libre choix de l’avocat. Une telle proposition serait de nature à satisfaire l’ensemble des parties.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
La rémunération pré-négociée par l’assureur pervertit le principe essentiel du libre choix, puisque aucun avocat n’est en mesure de proposer des honoraires aussi bas que ceux de l’avocat de réseau. Cet amendement pourrait contrevenir à l’objet même de la proposition de loi, à savoir le libre choix.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite que cet amendement soit retiré.
Dans la pratique, nous connaissons bien cette situation qui existe depuis longtemps, et le fait qu’il existe des avocats spécialisés, correspondants des assureurs, bénéficie bien souvent à l’assuré, en termes de qualité et de coût limité de la prestation.
Si vous êtes atteint d’une maladie grave, vous êtes pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Mais si vous êtes couvert par un contrat de protection juridique à concurrence de 150 ou de 500 euros, et que la procédure en coûte 2 500 ou 3 500 euros c’est à vous de payer la différence. C’est ce genre de situation qui sera le plus souvent la règle et qu’il faut donc bien prendre en considération. Mais il semble que les avocats en réseau ne font pas particulièrement preuve de subordination, ni qu’ils produisent des prestations de mauvaise qualité. Cela serait leur faire un mauvais procès. De ce point de vue, les observations qui ont été faites me paraissent fondées.
Aujourd’hui, les compagnies d’assurance dites de protection juridique ont un réseau de correspondants. Quand un assuré souhaite intervenir dans une procédure ou dans une phase transactionnelle préalable, les compagnies indiquent à l’assuré de bien vouloir se diriger vers tel cabinet qui fait partie du réseau des compagnies de protection juridique. C’est ainsi que cela se passe.
En outre, si l’assuré souhaite, à un moment donné – ce qui est très rare –, exercer son libre choix, elles lui indiquent qu’il en a la faculté, mais que, dans cette hypothèse, c’est lui qui fera l’avance des frais et honoraires de l’avocat qui n’appartient pas au réseau.
La proposition qui est présentée vise à revenir à l’application des principes normaux : le libre choix de l’avocat – ce qui n’était plus le cas en raison du dévoiement des pratiques –…
La proposition de loi précise clairement – et j’ai soulevé ce débat lors de la réunion de la commission des lois – qu’une personne susceptible de bénéficier de l’aide juridictionnelle, et qui est assurée en protection juridique, ne doit pas payer plus cher que si elle n’avait bénéficié que de la mesure d’aide juridictionnelle.
Nous redoutons qu’il ne s’agisse d’un miroir aux alouettes tendu aux assurés et aux avocats car personne ne fera payer les assureurs plus que le montant qu’ils ont décidé de payer, qui est déterminé par le rapport entre les cotisations qu’ils reçoivent et les prestations qu’ils versent. Leur métier n’a rien d’altruiste : ou ils procéderont à une importante augmentation des primes, ou ils en resteront à la prestation établie dans le contrat. Qu’il y ait intervention d’un avocat ou pas, ils verseront ce à quoi ils se sont engagés et le reste sera à la charge de l’assuré. La question ne se situe donc pas à ce niveau.
L’idée que je partage toutefois avec vous, monsieur le président de la commission, c’est que le niveau de rémunération offert par les organismes prenant en charge l’intervention de l’avocat – disons les assurances au sens large – pose problème. C’est là qu’il aurait fallu intervenir afin d’éviter la paupérisation d’une partie de la profession. Or ce n’est certainement pas avec la disposition proposée que l’on apportera la réponse qui s’impose, à savoir lui assurer un certain niveau de revenus. Il y avait d’autres moyens de parvenir à cet objectif que nous partageons.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 3 est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'article 4 est adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir cet amendement.
Le dispositif prévu à l’article 5 n’existait pas dans les propositions de loi élaborées par nos collègues du groupe UMP et du groupe UDF au Sénat et à l’Assemblée, tous animés par la volonté de répondre aux observations formulées en 2002 par la Commission des clauses abusives. Mais devant la commission des lois du Sénat a été présenté un amendement que le Gouvernement a fait sien et que la majorité a ensuite adopté. Devenu article 5 du projet de loi, il prévoit que « L’aide juridictionnelle n’est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection. »
Ce n’est pas du tout le même débat que celui initialement engagé. Je ne dis pas qu’il est illégitime, je dis qu’il pose d’autres questions, des questions de fond : conditions de l’accès au droit en France, place du système public de solidarité collective de l’assurance juridictionnelle, choix entre assurance juridictionnelle totale, proposée à ceux qui ont le moins, et assurance juridictionnelle progressive, issue de notre histoire collective, octroyée en fonction des revenus, et pouvant bénéficier aux classes moyennes sous forme partielle. Plusieurs millions de personnes s’interrogent chaque année sur leurs conditions d’accès au droit et voilà la question réglée d’un trait de plume, ce qui me paraît tout à fait malheureux, à plusieurs titres.
D’abord, cet article fait le choix de privilégier l’assurantiel. À cet égard, je dois reconnaître au Gouvernement une honnêteté certaine : il n’avance pas masqué. Les observations de M. le garde des sceaux au Sénat sont édifiantes sur ce point : la France étant l’un des pays d’Europe qui dépense le plus au titre de l’aide juridictionnelle, a-t-il déclaré, il faudrait passer à l’assurantiel. Excusez du peu ! Or c’est un long débat de fond que nous aurions dû avoir à ce sujet, après avoir auditionné les professionnels du droit et les associations de consommateurs afin de déterminer quel avenir nous réservons dans ce pays à l’accès au droit. Je ne voudrais pas être cruel, mais cela constitue même une remise en cause des déclarations du Gouvernement car, jusqu’à présent, il défendait une position inverse, se vantant même de ses réussites et de ses efforts en matière d’aide juridictionnelle. Et voilà maintenant qu’il considère qu’elle coûte trop cher et qu’il faudrait revenir en arrière pour prendre une autre option. C’est un choix lourd de conséquences politiques.
Ensuite, ce texte est-il maîtrisé ? Non, il est hasardeux. Personne ne sait comment ce dispositif fonctionnera. Ce débat de quelques dizaines de minutes va se traduire concrètement pour des centaines de milliers de nos concitoyens par un casse-tête, qui se posera d’abord à vous. Les fonctionnaires, les magistrats qui gèrent aujourd’hui les bureaux d’aide ne se doutent pas de l’usine à gaz que vous êtes en train de monter. Aujourd’hui, les choses sont simples : dans le dossier, figurent les revenus déclarés auxquels est appliqué un barème qui permet l’octroi d’une certaine somme ; lorsque la mission est terminée, le bâtonnier procède à une vérification et le comptable du Trésor verse l’argent. Avec le dispositif proposé, il y aura deux sources de paiement pour la même procédure : le contrat d’assurance de protection juridique et l’aide juridictionnelle, celle-ci devant compléter celle-là en cours de route. Tout cela aboutira à un cafouillage général que l’on peut pronostiquer de manière certaine.
Les auteurs de l’amendement sénatorial à l’origine de l’article 5 et le Gouvernement portent ici un mauvais coup contre la proposition de loi elle-même. Cela aurait mérité un autre débat et je déplore que les uns et les autres aient eu recours à ce détournement de procédure pour changer la nature fondamentale des conditions de l’accès au droit dans notre pays.
L’esprit de l’article 5 est de faire en sorte que le système public d’assistance juridictionnelle n’intervienne qu’en l’absence d’assurance ou que lorsque la police d’assurance ne couvre pas en totalité les frais et les débours exposés dans le cadre d’une procédure. Quoi de plus logique ? Pourquoi lorsqu’une personne dont les revenus lui permettent de prétendre au bénéfice de l’aide juridictionnelle est assurée ferait-on intervenir les fonds publics alors qu’un contrat d’assurance privé pourrait prendre en charge une partie des frais ? La logique est que l’assurance intervienne en premier lieu, en vertu du principe de subsidiarité, tel qu’il figure dans l’article 5.
Ma deuxième observation porte sur la mise en œuvre de la procédure. M. Vidalies redoute qu’elle soit extrêmement compliquée parce que le bureau d’aide juridictionnelle serait obligé de vérifier si oui ou non il y a un contrat d’assurance qui couvre tout ou partie des frais et que l’on ne sait pas comment l’assurance jouera. Qu’il se rassure, un décret va être pris pour régler cette question. Les choses sont simples : la personne se rend au bureau d’aide juridictionnelle, son responsable lui demande si elle est couverte par un contrat d’assurance ; si oui, on l’indique dans le document approprié, et si le contrat ne prend pas en charge la totalité des frais intervient le système d’aide juridictionnelle, en totalité ou en partie, selon les revenus de l’intéressé. Je ne vois pas où est la difficulté. Mais au cas où il y en aurait une, un décret précis devrait permettre de la régler aisément.
Enfin, M. Vidalies voudrait que soit explicitée l’expression « système de protection ». S’il y est fait référence, c’est qu’il existe des systèmes de protection juridique qui ne relèvent pas de contrats d’assurance de protection juridique. Ainsi, quand un fonctionnaire se voit appelé devant un tribunal pour des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, il y a obligation pour l’administration d’assurer sa défense. C’est le cas aussi, aux termes d’un certain nombre d’arrêts de la Cour de cassation, pour les salariés. Nous avons dès lors pensé qu’il était parfaitement logique que les frais pris en charge par l’employeur ou l’administration soient défalqués de l’aide juridictionnelle, dans le même esprit que ce qui existe pour le contrat d’assurance de protection juridique. Ce n’est pas une notion juridique floue et le décret pourra parfaitement préciser les choses et mettre un terme à toute discussion future.
Ce sont les raisons pour lesquelles la commission a proposé le rejet de cet amendement.
Le Gouvernement publiera un décret d’application, qui précisera les informations et les pièces que l’assuré devra fournir à l’appui d’une demande d’aide juridictionnelle. L’imprimé de demande sera modifié et sera complété par une notice explicative. Il pourra, en outre, être prévu que l’assureur délivre un justificatif des plafonds de garanties offertes, que l’assuré pourra joindre à son dossier. La procédure sera donc la plus simple possible.
J’ajoute que si des économies budgétaires sont réalisées, elles seront entièrement consacrées à l’amélioration de l’aide juridictionnelle pour les plus démunis. C’est probablement vers eux que doivent se tourner davantage nos efforts plutôt que vers les entreprises…
Vous venez de révéler, en quelques phrases, l’horreur de ce qui attend dorénavant les bénéficiaires. D’abord, ils devront se rendre au bureau d’aide juridictionnelle – où il aura fallu modifier les millions d’imprimés qui existent et former les employés à cette nouvelle pratique – et demander une attestation à leur assureur. Ensuite, le bureau d’aide juridictionnelle devra se réunir.
Monsieur le ministre, pendant quatre ans, vous avez voulu faire œuvre de simplification. Or, aujourd’hui – mais peut-être est-ce un moment d’abandon –, vous êtes exactement en train de faire l’inverse !
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 5 est adopté.)
Je les mets successivement aux voix.
(Les articles 6 à 10, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Questions orales sans débat.
À quinze heures, deuxième séance publique :
Questions au Gouvernement ;
Discussion du projet de loi, n° 3567, adopté par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la prévention de la délinquance :
Rapport, n° 3674, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion du projet de loi, n° 03567, adopté par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la prévention de la délinquance :
Rapport, n° 3674, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à onze heures trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton