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PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
1. Convocation du Parlement en Congrès
2. Questions au Gouvernement
banlieues
MM. Pierre Bourguignon, Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.
moulinex
MM. Claude Leteurtre, Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.
avenir d’airbus à méaulte
MM. Maxime Gremetz, François Loos, ministre délégué à l’industrie.
rénovation urbaine
MM. Jean-Pierre Nicolas, Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
désendettement
MM. Jacques Remiller, Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
remplacement des professeurs absents
MM. Jean-François Régère, Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
suppressions d’emplois chez alcatel-lucent
MM. Alain Gouriou, François Loos, ministre délégué à l’industrie.
réduction des tarifs des péages
pour les véhicules propres
MM. Jean-Marie Sermier, Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.
sommet afrique-france
M. Jacques Godfrain, Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.
hospitalisation d’office
MM. Serge Blisko, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
application de la loi
en faveur des personnes handicapées
MM. Gérard Cherpion, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
bilan de la politique de l’emploi
MM. Bernard Perrut, Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.
Suspension et reprise de la séance (p.
3. Prévention de la délinquance. – Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (nos 3567, 3674)
M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.
PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR
M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois.
exception d’irrecevabilité
Exception d’irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jean-Pierre Blazy, Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. – Rejet.
discussion générale
MM. Gilles Artigues,
Patrick Braouezec,
Claude Goasguen,
Lilian Zanchi,
Jacques-Alain Bénisti,
Serge Blisko,
Thierry Mariani.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre délégué.
M. le président de la commission des lois.
motion de renvoi en commission
Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jean-Marie Le Guen, le ministre délégué. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4. Ordre du jour de la prochaine séance
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Le Congrès sera réuni à Versailles le 19 février, à partir de 11 heures.
L’ordre du jour est ainsi fixé :
Le matin, vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif au corps électoral en Nouvelle-Calédonie.
L’après-midi, vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif au statut pénal du chef de l’État, puis vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’interdiction de la peine de mort.
Il est pris acte de cette convocation.
Nous commençons par une question du groupe socialiste.
La semaine dernière a été publié un manifeste des villes de banlieue, à l’initiative de centaines de maires de gauche, du centre et de droite, membres de l'association Ville et Banlieue, que j'ai l'honneur de présider. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous y faisons douze propositions aux candidats à la présidentielle.
Mais c’est le Gouvernement que l’actualité m’amène aujourd'hui à interroger.
Le Gouvernement a-t-il décidé de renouer avec la politique des cités d'urgence ? Est-ce là la solution que vous proposez à ceux qui campent dans Paris : ajouter une nouvelle difficulté sociale à la charge des communes qui en sont déjà accablées ? (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La stratégie que nous avons mise en place, Dominique de Villepin et moi-même, a fait reculer la délinquance de 9 %. (Mêmes mouvements.)
Voilà un premier débat posé : décidément, nous ne sommes vraiment pas d’accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
À ce propos, je vous fais juge de l'attitude du dernier président-directeur général du groupe, qui a poussé l’indécence à son comble en ayant le culot de demander 176 000 euros d'indemnité pour cause de licenciement économique, alors qu’il est mis en examen dans cette affaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
En tant qu’élu du département des Vosges, lieu d'implantation d'usines du groupe SEB, qui a bien profité de cette liquidation, le ministre chargé du dossier à l'époque aurait dû être particulièrement sensibilisé au problème. Pourtant, faisant fi de nos alertes, il n'a pas mis sur la table les moyens nécessaires. À ce jour, beaucoup trop d'anciens salariés du groupe – souvent des femmes dont la situation est fragile – ne se sont vu offrir aucune solution véritable. Les situations dramatiques où se débattent nombre d'ex-Moulinex posent la question de l'efficacité des cellules de reclassement.
La question de L'UDF est double, monsieur le ministre : quels est le bilan du reclassement des licenciés de Moulinex et selon quels critères les résultats des cellules de reclassement ont-ils été évalués ?
Un plan d’accompagnement et de reclassement des salariés d’un montant de cent millions d’euros a été mis en place, dont les résultats ont été évalués le 30 juin dernier. Selon ce bilan, 1 438 salariés ont trouvé une solution d’emploi…
Ces dispositifs ont notamment bénéficié au secteur agroalimentaire de la ville de Falaise, que vous connaissez bien, et qui avait été particulièrement touchée : 116 emplois à Normandie Plats Cuisinés, 46 à Tartefrais, 39 à COMESOAP. Je vous fais remarquer, ainsi qu’à M. Lefranc, que jamais le contrat de plan État-région n’a consacré des moyens aussi importants au dynamisme économique et au développement de l’emploi dans votre département et dans l’ensemble de la région Basse-Normandie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
L'inquiétude et la colère ne cessent de grandir chez les salariés d'Airbus et d’EADS comme chez leurs sous-traitants.
Vous devez connaître aujourd’hui le détail du plan « Power 8 », qui prépare une nouvelle saignée industrielle et humaine, par l’abandon de certains sites d'Airbus, la délocalisation d’activités, la réduction de 80 % du nombre des sous-traitants, et en faisant peser sur certains services internes une menace d’externalisation. L’objectif est de réduire les coûts de cinq milliards d'euros d'ici 2010 et de deux milliards par an ensuite
C'est toute une branche industrielle qui est menacée par les orientations plus financières qu'industrielles des actionnaires d'EADS.
Monsieur le ministre, vous devez tout de même savoir ce que vous allez dire aux représentants des organisations syndicales, notamment du site de Méaulte, quand vous les recevrez cet après midi : dites-le nous, au lieu de vous dérober une nouvelle fois.
Les salariés d’Airbus de Toulouse, de Nantes, de Saint-Nazaire et de Méaulte attendent un engagement fort de l’État.
Monsieur le ministre, alors que le carnet de commandes est plein pour les cinq prochaines années, le Gouvernement va-t-il résister aux requins de la finance ou céder et signer un nouvel abandon de la politique industrielle et technologique française, laissant ainsi détruire l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)
Aujourd’hui, EADS a une charge de travail très importante, avec la production de l’A 320, le projet d’A 380 – dont chacun sait que le retard aura pour le groupe des conséquences qui seront au moins financières – et la décision, dont nous nous réjouissons, de se lancer dans l’A 350, qui donne des perspectives à l’ensemble du groupe, et notamment à toute l’activité Airbus.
Ces choix impliquent des décisions industrielles, et le groupe doit aujourd’hui choisir où il développera quoi pour fabriquer l’A 350 dans les prochaines années. Il faut, pour cela, une concertation étroite avec les syndicats et entre les syndicats français et les syndicats allemands, qui se sont rencontrés hier.
Il faut une vision équitable de ce qui se fera en France et en Allemagne. Le Premier ministre en a parlé avec la chancelière Merkel. Il a reçu M. Gallois, qui est aujourd’hui reçu par la ministre allemande de l’économie. La concertation, qui est parfaitement au point à ce niveau, doit maintenant avoir lieu avec les élus locaux. EADS s’y engage et, bien évidemment, nous y tenons beaucoup. Vous y serez donc associés dans le département de la Somme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cette agence, vous l’avez voulue avec une détermination et une force de tous les instants, pour qu’elle soit l’outil déterminant du programme national de rénovation urbaine qui constitue l’un des piliers de la politique de cohésion sociale engagée par le gouvernement de Dominique de Villepin.
Chacun sur ces bancs sait en effet que le logement peut être un terrible discriminant social, qu’il peut même humilier, mais qu’il peut être également un formidable ascenseur social. L’action de l’Agence vise donc à rénover en profondeur les quartiers les plus en difficulté par la réalisation de constructions neuves, la démolition de logements, leur réhabilitation et l’amélioration ou la création d’espaces ou d’équipements de proximité.
Cette action commence à porter ses fruits, pour le mieux-être des habitants de ces quartiers – si j’en juge, monsieur le ministre, par ce que je constate chaque jour à Évreux, dans ce quartier de la Madeleine que vous connaissez bien et qui est en train de changer d’âme sous l’impulsion du maire.
Avec ses partenaires, et notamment l’UESL, la Caisse des dépôts et consignations et la Caisse de garantie du logement social, l’État a doté l’Agence de moyens financiers exceptionnels, jamais mobilisés jusqu’alors. Si mes renseignements sont justes, l’État renforcera encore sa participation dans le cadre du projet de loi instituant le droit opposable au logement.
Ce sont ainsi près de 35 milliards qui seront consacrés à ce véritable devoir national que constitue la rénovation urbaine de quelque 500 quartiers.
Certes, les financements sont indispensables à ces objectifs, mais encore faut-il que les collectivités et les bailleurs sociaux aient la capacité de réaliser ces programmes. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, éclairer la représentation nationale sur la situation actuelle de ce chantier prioritaire de la République et ses perspectives à court et moyen terme ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le montant de ce programme a été porté à 35 milliards d’euros. Le comité d’évaluation et de suivi qui s’est réuni voici un mois a indiqué que ce programme était aujourd’hui un succès et je remercie ceux de nos amis socialistes qui ont déclaré que si – par extraordinaire – ils parvenaient au pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ils maintiendraient l’Agence nationale de rénovation urbaine, qui est un outil très attendu.
Certes, monsieur le député, le travail est très difficile. La semaine dernière, 2 300 maires et représentants des directions départementales de l’équipement, des SA et offices d’HLM se sont réunis pendant deux jours à Paris pour échanger leur expérience à propos de ces quartiers.
Ce programme ne sera plus arrêté. Dans un quart de ces quartiers déjà la vie a changé, le sourire est revenu sur le visage des mamans et des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le député, ce programme, qui met en œuvre des chantiers dans 500 endroits en même temps, est le plus grand chantier civil lancé dans notre pays depuis le début de ce siècle. Il repose sur les maires, sur les HLM et, bien entendu, sur l’État qui l’a imaginé.
M. Carrez poursuit : « Le rétablissement est possible et, loin d’être le signe d’une politique de rigueur, il est lui-même créateur de richesse et de croissance, tant le poids des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires handicape aujourd’hui le développement de notre pays et tire vers le bas le pouvoir d’achat ».
Hier, la deuxième conférence nationale des finances publiques s’est tenue à Bercy en présence des élus, des partenaires sociaux, des représentants de l’État et de la sécurité sociale. L’objectif de cette conférence était de faire prendre conscience aux Français de la nécessité du désendettement et de faire le point sur la stratégie de désendettement mise en œuvre par le gouvernement de Dominique de Villepin à la demande du Président de la République.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles sont les propositions qui ont été retenues lors de cette conférence pour désendetter notre pays ?
Le vieillissement suppose désormais la maîtrise de nos dépenses publiques et, comme l’ont validé l’ensemble des acteurs présents, une politique vigoureuse de désendettement, conformément aux orientations du rapport Pébereau et aux engagements de la France à l’égard du programme de stabilité et de croissance. En effet, comme cela a été validé en 2005 et en 2006, la France s’est engagée dans la voie d’une politique vigoureuse de désendettement,…
La Commission européenne l’a confirmé et a décidé, je le rappelle, de faire en sorte que la France ne soit plus désormais en infraction par rapport à la Communauté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En ce sens, vous avez décidé, dès la rentrée de 2005, de mettre en place un nouveau dispositif de remplacement pour que les absences inférieures à quinze jours soient suppléées par les professeurs de l’établissement.
Pouvez-vous préciser quelle a été l’efficacité de ce dispositif et nous indiquer si vous avez prévu les moyens nécessaires à son maintien et à son amélioration ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Devant ce demi-succès – puisque 1 million sur 2, c’est la moitié –, j’ai décidé de fixer des objectifs plus ambitieux encore pour l’année scolaire 2006-2007 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et 61 millions d’euros ont été budgétés à cette fin. Il s’agit de faire remplacer 1 500 000 d’heures d’absences de courte durée. Monsieur Régère, à l’heure où nous parlons, à la moitié de l’année scolaire, je peux vous assurer que cet objectif sera atteint, c’est-à-dire que trois heures d’absence de courte durée sur quatre seront remplacées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mesdames, messieurs les députés, quand on fait appel aux enseignants, à leur sens de l’intérêt général, à leur sens du service public, on n’est jamais déçu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, la direction d’Alcatel-Lucent vient d'annoncer la suppression de 12 500 emplois pour l'ensemble du groupe, quelques semaines seulement après la fusion entre le groupe français Alcatel et le groupe américain Lucent Technologies, officialisée le 1er décembre 2006.
Selon un procédé désormais bien connu, le groupe Alcatel-Lucent rejoue le scénario du pire : il met l'accent sur des résultats inférieurs aux prévisions pour 2006, mais toujours bénéficiaires et permettant le versement d'un dividende aux actionnaires, et la principale variable d'ajustement utilisée est une fois de plus la suppression massive d'emplois.
Le groupe Alcatel-Lucent emploie 12 000 personnes en France, dont 2 000 pour le seul Grand Ouest, et, ce matin, la direction a annoncé la suppression de 1 500 emplois dans notre pays. Avec de telles saignées, on peut s'interroger sur la survie de ces sites. L'équilibre des bassins d'emplois est gravement compromis. Les salariés d’Alcatel n'en peuvent plus de ces suppressions massives d'emplois à répétition. Les industries d'équipement des télécommunications se réduisent comme peau de chagrin : entre 1995 et 2006, chez Alcatel, plus de 55 000 postes ont été supprimés ; Nortel vient d'annoncer la suppression de 2 900 postes ; l'ex-Sagem voit ses activités de télécommunications remises en cause. Tout cela signifie un nombre important de suppressions d'emplois sur le territoire national. Cette situation, monsieur le Premier ministre, ne contribue-t-elle pas à aggraver le déficit commercial record de 29 milliards d’euros que connaît la France après cinq ans de gouvernement de droite ?
Monsieur le Premier Ministre (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), êtes-vous en mesure de définir la politique industrielle de votre gouvernement (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) dans ce secteur stratégique des télécommunications ?
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures envisagez-vous pour vous opposer à cette suppression d’emplois et pour maintenir le potentiel industriel et de recherche de l’économie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Cela dit, le problème que vous évoquez est sérieux et nous attendons d’Alcatel-Lucent qu’il prenne les décisions adéquates : premièrement, il faut établir un objectif de reclassement de tous, si possible basé sur le volontariat ; de plus, le groupe doit maintenir en France le potentiel scientifique et industriel de ses sites. Il faut qu’Alcatel-Lucent maintienne en France ses sites industriels ! Tout cela nécessite une concertation importante, qui a lieu en ce moment même au comité d’entreprise du groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Dans le cadre général de la politique de réduction des émissions, vous avez confié, en octobre dernier, à l'ancien pilote de Formule 1 Jean-Pierre Beltoise, le soin de vous faire des propositions pour inciter nos concitoyens à utiliser les véhicules les plus propres, en envisageant notamment une modulation des tarifs des péages d'autoroute en fonction du caractère plus ou moins polluant des voitures.
Il vous a remis son rapport la semaine dernière.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler les propositions de M. Beltoise ? Dans quelle mesure pourraient-elles être mises en œuvre, et, surtout, quels bénéfices qualitatifs pouvons-nous en attendre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Mais il m’a semblé utile de réfléchir à une autre manière d’inciter les particuliers et les entreprises à s’orienter vers des véhicules moins polluants, et ce à travers la modulation des montants des péages, donc du coût d’utilisation des véhicules. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Jean-Pierre Beltoise d’y réfléchir et de rencontrer l’ensemble des acteurs du transport routier. Il m’a fait des propositions qui se résument en quatre points.
Tout d’abord, il faut que la loi permette de moduler le montant des péages, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut donc, par un très court texte, rendre possible cette modulation.
Deuxièmement – on entre ici dans le vif du sujet –, il me propose, pour les véhicules particuliers, de nous orienter vers un système de badge comparable à celui du télé-péage, pour que l’indication du niveau de pollution soit à la fois certaine et facile à démontrer au moment du passage du péage.
S’agissant des poids lourds, il préconise une réduction de 20 % du niveau de péage lorsqu’ils répondent à la norme Euro 4 ou Euro 5.
Enfin, pour les véhicules particuliers, il recommande que la même réduction de 20 % soit appliquée dès lors qu’ils émettront moins de 130 grammes de CO2 par kilomètre parcouru. Cet objectif est une incitation à aller plus vite que ce que la Commission nous a suggéré il y a quinze jours –, soit une moyenne de 130 grammes en 2012.
Je pense que ces deux dispositifs pourront être mis en place au début de 2008. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le Président de la République a toujours joué un rôle moteur dans les progrès très importants du développement et de l’aide à ce développement. L'objectif de 0,7 % du PIB pour l’aide, les billets d’avions taxés…
Madame la ministre, la France d’aujourd’hui est très attachée à sa politique de coopération ; on le voit dans les plus petits villages de France, où les ONG et les associations sont au coude à coude. La coopération décentralisée est un succès.
Je vous demande donc de nous préciser où nous en sommes en matière de politique de coopération.
Pour la France, l’Afrique est au cœur de l’équilibre du monde. En effet, nous ne lutterons pas efficacement contre l’immigration clandestine, contre les pandémies, contre les atteintes à l’environnement, sans développer ce continent. C’est dans cet esprit que sont organisés les sommets Afrique-France, dont le prochain s’ouvrira jeudi à Cannes. À tous ceux qui critiquent ces sommets, je dis que, si ceux-ci étaient inutiles, ils ne seraient pas imités par l’Union européenne, par l’Amérique latine, par la Chine, par le Japon. Et à tous ceux qui parlent encore de « Françafrique », je réponds que notre politique de coopération est fondée sur le dialogue avec les Africains, sur la culture du résultat et de l’évaluation. C’est un partenariat moderne et efficace que nous avons désormais avec l’Afrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, aujourd'hui, le monde de la santé mentale est en grève. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) N’en soyez pas étonnés, car cela fait des mois que les professionnels de la santé, les associations de malades, leurs familles marquent une opposition résolue aux dispositions relatives à la santé mentale du projet de loi sur la délinquance.
Ce sont des millions de personnes qui sont concernées : les malades bien sûr, mais aussi leurs proches, leurs familles et les professionnels. Nous ne parlons pas seulement de psychiatrie mais de libertés publiques mises à mal, une fois de plus, par votre obsession sécuritaire.
Monsieur le ministre, trois mots me viennent à l'esprit aujourd'hui : incohérence, confusion, gâchis. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Incohérence car les promesses et les volte-face se sont multipliées. Vous aviez d'abord fait marche arrière en décidant de légiférer par ordonnance, avant que le Conseil constitutionnel ne censure cet article. Retour au point de départ : la santé mentale est conservée dans les mesures relatives à la prévention de la délinquance. Elle est prise en otage et vous vous obstinez dans l'amalgame et la confusion.
Gâchis, enfin : alors que l'ensemble du monde psychiatrique et des associations attendaient une réforme globale de la loi de 1990, vous ne présentez qu'une réforme bâclée, de dernière minute, parcellaire. Le Gouvernement fait primer son acharnement sécuritaire sur les objectifs de santé publique.
Allez-vous, monsieur le ministre, écouter la voix des professionnels, des malades et des familles ? Allez-vous retirer le volet santé mentale du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous voulons, avec la communauté psychiatrique tout entière, réformer les règles de l’hospitalisation à domicile (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste): celles-ci remontent en effet à une loi de 1838 exclusivement inspirée par des motifs policiers. (Brouhaha sur les mêmes bancs.) À cet impératif de sécurité, nous voulons ajouter des préoccupations de soins, d’humanité, ainsi que des garanties supplémentaires pour tous nos compatriotes atteints d’une affection mentale. Ce que nous faisons est juste, et nous continuerons donc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
Dans ce dernier domaine, les employeurs publics étaient invités à se montrer exemplaires, et la loi instituait un fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique afin d’encourager toutes les administrations, les collectivités territoriales et les hôpitaux publics à accueillir plus largement des salariés handicapés. Ces mesures représentent bien sûr un chantier considérable, qui exige une mobilisation de tous les services de l’État.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, dresser un bilan d’étape de la mise en œuvre de cette loi du 11 février 2005 et nous rappeler les actions qui sont actuellement engagées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, je vous en prie !
En 2002, lorsque nous avons organisé la première rentrée scolaire de la législature, seuls 89 000 enfants handicapés étaient inscrits à l’école de la République. Grâce à Gilles de Robien et au travail accompli, il y en avait 160 000 à la dernière rentrée scolaire. Nous avons recruté 4 000 auxiliaires de vie scolaire formés, et nous en recruterons 2 000 autres à la prochaine rentrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Citons aussi les maisons départementales des personnes handicapées : pour ces dernières, c’est la fin du parcours du combattant car elles disposent désormais d’un lieu d’accueil unique pour connaître et faire valoir leurs droits. Je pense aussi au plan pour l’emploi, que nous avons arrêté avec Gérard Larcher le 15 novembre dernier, ainsi qu’à l’accessibilité,…
Ce n’est pas un hasard, en effet, si le taux de chômage diminue fortement, passant sous la barre des 9 %, si des emplois se créent et si les entreprises reprennent confiance.
Quel bilan pouvez-vous donc dresser de cette action constante et résolue, qu’il s’agisse des réformes de structures – rapprochement entre l’ANPE et l’UNEDIC, entretien mensuel et suivi personnalisé des chômeurs, création des maisons de l’emploi – ou des mesures prises pour favoriser l’embauche dans les PME – je pense notamment aux 745 000 contrats nouvelles embauches signés – et la création d’entreprise, comme en témoignent les 230 000 nouvelles entreprises par an ?
Vous avez aussi, monsieur le ministre, développé les emplois dans les secteurs porteurs, tels les services à la personne, et diminué les charges sur les bas salaires afin de faciliter l’emploi des personnes faiblement qualifiées. Vous avez enfin modernisé les contrats aidés pour favoriser le retour à l’emploi durable des personnes qui en sont le plus éloignées – notamment les bénéficiaires des minima sociaux, auxquels vous êtes particulièrement attentif.
L’emploi est l’un des principaux enjeux du débat démocratique qui s’ouvre. Compte tenu des résultats déjà obtenus, le choix pour les Français n’est-il pas entre le retour en arrière et l’accélération des réformes qui réussissent et que nous soutenons sur les bancs de l’UMP ?
Pourquoi, monsieur le député, moderniser le service public de l’emploi ? Pour mieux accompagner les hommes et les femmes qui se trouvent dans une période de transition professionnelle. Je pense en particulier à la convention de reclassement personnalisé, ainsi qu’au droit individuel à la formation, dont vous pouvez être fiers que notre pays ait été l’un des premiers, dans l’Union européenne, à l’avoir mis en place.
Quant aux 800 000 CNE signés, on verra bientôt qu’ils ont contribué à créer de vrais emplois dans les petites et moyennes entreprises, de même que les services à la personne, qui sont de vraies filières, avec de belles conventions collectives ! Avec les contrats aidés et les contrats d’avenir, nous donnons en même temps une nouvelle chance à ceux qui n’ont pas eu leur première chance.
Pourquoi, monsieur le député, est-il nécessaire d’aller de l’avant ? Parce que de nombreuses personnes, notamment des jeunes, « galèrent » encore pour entrer dans l’emploi. Citons les 310 000 CIVIS et rappelons qu’il n’y a jamais eu autant de contrats d’apprentissage. Mais n’oublions pas que chaque année – chiffre terrible –, 70 000 jeunes sortent du collège sans qualification. Voilà un défi qui doit nous rassembler ! Nous devrions tous défiler dans les rues pour qu’il n’y ait pas, chaque année, 70 000 jeunes qui risquent de n’avoir d’autre avenir que la galère ! Tel est le sens du travail de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.
Vous le savez, c'est à dessein que le Gouvernement n’a pas demandé l'urgence sur ce projet de loi. C'est en effet la première fois que la prévention de la délinquance fait l'objet d'un débat devant le Parlement, et il était nécessaire qu’il puisse se dérouler avec pour seules exigences la qualité et la sincérité.
Notre attente commune n'a pas été déçue, et le texte que vous allez examiner a été largement conforté, complété et, quand cela était nécessaire, clarifié. C’est un projet ambitieux, un projet pragmatique mais, par-dessus tout, un projet juste.
Il est d'abord ambitieux. Il y a un peu plus d'un mois, le 11 janvier, j'ai présenté l'évolution des chiffres de la délinquance entre 2002 et 2006. Ils illustrent le chemin parcouru, et personne ne peut les contester. Alors que la délinquance avait augmenté de 17,8 % entre 1997 et 2002, elle a baissé de 9,4 % depuis 2002. Cela veut dire que, depuis 2002, 1 153 000 victimes ont été épargnées. C’est un résultat concret.
J'aurais pu, avec le Gouvernement, me satisfaire de ce bilan ; pourtant, notre réaction a été inverse, et nous avons estimé que la lutte contre la délinquance devait prendre une nouvelle dimension, pour éviter la violence avant d'avoir à la combattre.
C'est pour cette raison que j'ai défendu un projet de loi sur la prévention de la délinquance. C'est la première fois qu'un gouvernement propose une approche d'ensemble de cette politique, qui n'est pas seulement une politique pénale, ni seulement une politique sociale. C'est la première fois qu'un gouvernement a voulu se donner les moyens de sortir de la dialectique caricaturale qui oppose prévention et répression.
Qui contestera que la certitude de la sanction est la première étape de la prévention ?
Nous avons donc voulu, avec le garde des sceaux Pascal Clément, inscrire dans ce projet de loi une réforme ambitieuse de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs. Pour cela, nous avons choisi d'agir dans trois directions. La première, c’est la diversification des réponses, depuis l'obligation des devoirs scolaires pour un enfant de onze ans jusqu'à l'éloignement du mineur de son milieu pendant un temps limité, afin de soustraire les jeunes les plus fragiles à l'influence des caïds de leurs quartiers.
J’étais la semaine dernière en Seine-Saint-Denis, où un réseau de trafiquants de drogue a été démantelé. Les jeunes qui font office de guetteurs pour ces réseaux peuvent toucher jusqu’à cent euros par jour ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, que le trafic de drogue ne gangrène pas notre jeunesse, quand il permet de gagner en si peu de temps ce qu’aucun travailleur ne peut gagner honnêtement ?
Qu’on songe aussi à la vieille dame qui avait vu son appartement utilisé pour stocker de la drogue et qui s’est révoltée. N’ayant cure d’avoir affaire à une victime innocente, les criminels lui ont ébouillanté le bras ! C’est dire que le combat contre les trafiquants de drogue doit être sans pitié, car ils pervertissent une partie de la jeunesse des quartiers, et il est de notre devoir de la protéger de ces bandes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pour cela, les mesures d’éloignement des jeunes de leur quartier sont un élément de prévention essentiel.
Nous avons voulu également apporter une réponse plus ferme. C'est pour cela que sont créés l'avertissement judiciaire et l'obligation de réparer le dommage causé.
Nous avons voulu enfin que la délinquance des mineurs puisse recevoir une réponse rapide. La rapidité est parfois tout aussi importante que le contenu de la réponse, et il a semblé important à Pascal Clément et à moi-même que plus un seul mineur ne puisse se retrouver, à la suite d’un délit, avec dans la poche une convocation pour une audience du tribunal correctionnel six ou huit mois plus tard : ce serait en effet pour lui le signe qu’il peut continuer à agir en toute impunité.
Nous avons également, avec Xavier Bertrand, fait un choix audacieux s'agissant de la lutte contre la toxicomanie : celui d'être moins durs en théorie, pour être plus efficaces en pratique. J'observe d'ailleurs que, sur ces deux sujets, nous avons su obtenir un consensus.
À quoi sert-il en effet de prévoir un an d’emprisonnement pour la seule consommation de cannabis quand chacun sait qu’aucun tribunal – et à juste raison – ne prononcera une telle peine ? Ces peines trop lourdes sont inapplicables mais, dans le même temps, on lève un interdit social. Or la drogue doit rester un interdit social, car la consommation de drogue n’est pas un acte banal, et je dis à tous les mondains qui prônent la liberté pour les drogues douces que les drogues ne sont jamais douces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est avec de telles théories que la France est devenue championne d’Europe de la consommation de drogue chez les plus jeunes !
Le deuxième sujet, c'est celui de l'écart entre les peines qui sont prévues et celles qui sont prononcées. Nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi, alors que le législateur détermine pour chaque infraction une peine encourue, et que la récidive fait théoriquement doubler cette peine, certains délinquants peuvent commettre ces infractions à répétition sans que cette peine soit jamais appliquée. Désormais, en cas de récidive, la juridiction devra motiver le choix de la peine qu'elle prononce.
J’ai reçu récemment, avec sa collègue, la jeune institutrice qui a été brutalisée avec une sauvagerie extrême et quasiment laissée pour morte, à Châlons-en-Champagne. Son compagnon m’a raconté comment s’étaient comportés ses agresseurs à l’audience, expliquant sans vergogne qu’ils avait bien piétiné la victime et qu’ils l’avaient frappée à la tête, alors qu’elle était à terre. Comment voulez-vous que les gens ne réagissent pas quand la peine prononcée à l’encontre du délinquant est d’un mois de prison ferme, alors même qu’il a déjà un casier judiciaire ? Je remercie le parquet d’avoir fait appel, car la société ne peut que se révolter devant un tel décalage entre le délit et la peine, qui menace la cohésion sociale.
Un individu qui pénètre dans une école et frappe une enseignante, devant les enfants, c’est d’une gravité exceptionnelle, et le parquet a eu raison, au nom de la cohésion sociale et du respect de la victime, monsieur le garde des sceaux, de faire appel d’une décision qui, aux yeux de tous les gens de bons sens et de bonne volonté, était une décision trop clémente pour un individu qui ne le méritait pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quel exemple pour des enfants qui voient un individu frapper sa victime dans la cour de l’école et affirmer qu’il se fiche de la police !
Frapper un enseignant, un fonctionnaire de police, un pompier, un gendarme, un gardien de prison, quiconque représente l’autorité de l’État, qu’il ait ou non un pouvoir de sanction – une assistante sociale dont la mission est d’écouter la détresse des gens n’a pas non plus à se faire insulter ou frapper – est un facteur aggravant. Affirmer le respect et la considération que l’on doit aux fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions au service du public me semble plus pertinent que faire des grands discours sur la qualité des fonctionnaires de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) D’ailleurs, les fonctionnaires de France ne veulent plus de discours, ils veulent des faits !
Pour répondre à tous ces enjeux de la prévention, nous avons délibérément fait le choix d'un texte pragmatique. Nous aurions pu nous contenter d'une définition de la prévention de la délinquance qui n'aurait été ni exhaustive ni normative, mais tout simplement inutile.
Au contraire, j'ai voulu, au travers du plan « vingt-cinq quartiers » que nous avons mis en place depuis quatre ans, aborder toutes les questions, celle notamment des pouvoirs accordés aux maires. Cela a fait l’objet d’un vaste débat, mais qui, mieux que le maire, peut coordonner, être le pivot de la prévention de la délinquance ?
L'Assemblée nationale et le Sénat ont compris ce choix. Grâce à l'Association des maires de France, les débats ont conforté et clarifié leurs responsabilités, étendu leur capacité d'appréciation quant à la mise en œuvre de la loi. Ils ont fait litière de la crainte selon laquelle ils pourraient être responsables de l’application d’une sanction.
Le travail parlementaire a également permis de réelles avancées concernant le contrôle des chiens dangereux, la lutte contre le stationnement illicite des gens du voyage, les violences routières et le développement des jeux d'argent. Parce qu'il nous faut apporter des réponses toujours plus rapides aux nouveaux seuils que franchissent, sous nos yeux, la barbarie et la violence, nous avons voulu répondre sans attendre aux violences dont sont victimes les forces de l’ordre. Le débat a été important et approfondi, monsieur le garde des sceaux. Désormais, policiers, gendarmes, pompiers et agents des transports publics et de l'administration pénitentiaire sont mieux protégés, et ceux qui s'en prendront à eux savent qu'ils seront passibles de la cour d'assises. Nous disposons également d'un cadre répressif efficace contre le happy slapping, cette pratique odieuse qui consiste à frapper quelqu’un et, comme si cela ne suffisait pas, à bafouer la victime en filmant les violences qui lui sont infligées et en s’en réjouissant ensuite entre petits barbares. C’est une double violation des droits de la victime et une incontestable circonstance aggravante.
Le projet de loi sur la prévention de la délinquance est aussi un texte juste. À l'automne dernier, à Marseille, des individus ont brûlé vifs les passagers d’un bus. Quelles voix se sont alors élevées pour demander que l’on fasse preuve de clémence à leur endroit ? Aucune. Je le dis avec force : à trop chercher à comprendre, on finit par tolérer l'intolérable et excuser l'inexcusable. Il n’y a aucune explication au viol ou à la barbarie, il n’y a aucune justification au fait de s’amuser à mettre le feu à un bus, et ni le chômage ni la misère ni les discriminations ni l’ennui ni les barres de HLM ne justifient le fait de brûler vive une jeune fille qui ne demandait qu’à vivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Chercher des explications à tout, c’est se préparer à tout excuser. Je me rappelle de longs colloques sur les raisons de l’antisémitisme ou du racisme. Y a-t-il une raison pour détester celui qui a les cheveux plus foncés que soi ou qui n’a pas la même religion ? Non. Quel est le rapport entre Jonathan, âgé de quinze ans et frappé à la patinoire de Boulogne, et le Premier ministre israélien d’alors, Ariel Sharon ? Il n’est nul besoin de chercher des excuses, il faut seulement savoir que le racisme et l’antisémitisme sont passibles de lourdes peines. C’est cela, la véritable prévention en la matière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce projet est un texte juste et le premier exemple est celui du « secret partagé ». Que n'a-t-on pas entendu sur le thème du contrôle social que le texte confierait au maire, sur la perte de confiance entre les familles et les intervenants sociaux ! Qu'on lise le projet de loi et l'on verra qu'il s'agit seulement d'assurer l'échange d'informations et la coordination entre les nombreux travailleurs sociaux qui interviennent auprès d'une même famille. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Chacun se souvient du cas du petit Nicolas, à Strasbourg. Les intervenants sont nombreux et nous devons les obliger à se parler, à se concerter, pour éviter de tels drames : voilà ce qu’est le « secret partagé ».
Le deuxième exemple est celui de la délinquance des mineurs. À entendre certains, nous proposerions une société de la défiance, de la surveillance et de l'emprisonnement ! Qu'on lise le projet et l'on verra qu'il ne contient à l'égard des mineurs aucune peine nouvelle privative de liberté. Les peines que crée le texte sont toutes des sanctions éducatives et protectrices. Nous aurons un grand débat, dans un autre cadre, sur le mineur de seize à dix-huit ans multirécidiviste. Je souhaite que nous allions plus loin, mais ce sera un autre débat et chacun prendra ses responsabilités.
Je veux, pour finir, aborder la question des hospitalisations d'office. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Jamais je n’ai assimilé maladie et délinquance. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’estime ne pas avoir de leçons à recevoir en la matière, car j’ai beaucoup parlé de cette question en d’autres lieux et souligné la nécessité de créer des « prisons hôpital », comme le souhaite également M. le garde des sceaux, afin de traiter l’angoissante question des détenus malades psychiatriques. Mais il n'en reste pas moins que des drames se sont produits parce que des personnes en situation de souffrance psychologique n'ont pas été convenablement prises en charge ou n'ont pas été suffisamment suivies pendant leurs sorties. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité inscrire dans ce texte une réforme de l'hospitalisation d'office, qui est d’ailleurs réclamée par tous, et dont nous avions parlé en détail avec Xavier Bertrand, réforme qui apporte des garanties à la société et aux patients. Ces dispositions donnent aux maires et aux préfets les moyens de prévenir des situations de danger dont personne ne peut contester la réalité. Elles reconnaissent le rôle du maire et encadrent les conditions de son intervention : aucune hospitalisation d'office ne peut être prononcée sans l'intervention d'un médecin. Ces dispositions renforcent les garanties des malades et des familles en exigeant une période d'observation pouvant aller jusqu'à soixante-douze heures avant la confirmation de l'hospitalisation d'office. Oui, je respecte le droit des malades, mais je souhaite vous rendre attentifs aux droits des victimes !
Jamais nous n'avons nié, par ailleurs, la nécessité d'une réforme d'ensemble de la loi de 1990 sur les hospitalisations sous contrainte.
Nous voici placés devant un dilemme.
Avec Xavier Bertrand, nous avons donc été attentifs à ces craintes. Nous avons considéré que le consensus obtenu sur le projet de réforme de la loi de 1990 tient non seulement à son contenu, mais aussi à son caractère global. J’ai hésité et je me suis demandé si nous n’avions pas intérêt à le faire voter. Mais nous sommes à deux mois et demi de l’élection présidentielle et à quelques jours de la fin de la session parlementaire. Si nous avions été au début de la session, j’aurais proposé au Gouvernement de maintenir cette réforme pour ne pas perdre de temps. Comme ce n’est pas le cas, je propose de retirer du projet ces dispositions (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…
(M. Yves Bur remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)
À la suite des délibérations du Sénat, le texte comprend désormais quatre-vingt-quatorze articles, dont cinquante-trois articles ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées – deux articles ayant fait l'objet d'une suppression conforme – et ne sont ainsi plus concernés par la navette. Restent donc quarante et un articles en discussion.
L'Assemblée nationale et le Sénat ont manifesté un très large accord sur les grandes orientations du projet de loi, de très nombreuses dispositions ayant d'ores et déjà été adoptées dans les mêmes termes : c'est le cas de l'ensemble des dispositions relatives à la toxicomanie et à la délinquance des mineurs, y compris la disposition votée par l'Assemblée nationale sur les dérogations à l'atténuation de responsabilité pénale pour les mineurs.
De même, le Sénat a adopté la disposition, introduite à mon initiative, selon laquelle, en matière correctionnelle, lorsque l’infraction est commise en état de récidive légale ou de réitération, le juge doit spécialement motiver le choix de la peine prononcée au regard des peines encourues, ainsi que sa durée et son mode d’exécution. Il a également voté conformes les articles sur le permis à points et le stationnement illégal des gens du voyage. Par ailleurs, de nombreuses dispositions ne restent en navette que pour des raisons rédactionnelles, telles celles relatives à la pédophilie sur Internet ou aux agents privés de sécurité.
En ce qui concerne l’hospitalisation d’office, la discussion parlementaire a permis de décanter une situation difficile. Si un large accord s’est exprimé sur la nécessité d’une réforme rapide, les objections formulées à la présence de dispositions sur la psychiatrie dans un projet de loi sur la prévention de la délinquance ont également été entendues. C’est pourquoi une concertation a été entamée avec les professions concernées et les associations représentant les familles et les patients afin de dessiner les contours d’une réforme d’ensemble des soins sous contrainte, qui aurait été prise par ordonnance. L’annulation par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de procédure, de l’habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnance modifie la situation sans remettre en question l’architecture de la réforme. Ainsi, grâce aux travaux parlementaires et aux premières étapes de la concertation, il existe aujourd’hui une base qui permettra au prochain gouvernement de proposer dans les meilleurs délais un texte consensuel réformant la loi de 1990. Dans cette perspective, le Gouvernement a donc raison de nous proposer la suppression des articles 18 à 24.
Il a ainsi regroupé l’ensemble des dispositions relatives à l’information du maire sur les procédures judiciaires introduites par l’Assemblée nationale aux articles 1er et 4 bis. Il a aussi accepté la disposition relative à l’information sur les « suites judiciaires » données aux infractions commises sur le territoire de la commune et a précisé cette notion. Il a en revanche limité le champ d’information des autorités saisissantes au titre de l’article 40 du code de procédure pénale sur les condamnations prononcées, réservant l’information au maire et supprimant son caractère systématique.
S’agissant des dispositions pénales, le Sénat a amélioré de nombreux dispositifs sans en remettre en cause la philosophie. Il a par exemple complété utilement l’article 26 bis A, qui crée une infraction spécifique de violences volontaires avec arme sur certaines professions. Il a par ailleurs remanié l’article 26 bis B instituant un délit de détention ou de transport sans motif légitime de substances incendiaires ou explosives destinées à commettre des destructions. La rédaction adoptée par le Sénat précise l’élément intentionnel, encadre plus précisément l’infraction dans des circonstances de lieu et de temps et garantit le respect du principe de proportionnalité.
Le Sénat a par ailleurs précisé le régime de la « sanction-réparation », en y intégrant la « sanction-restauration » que l’Assemblée avait introduite en première lecture s’agissant des dommages causés à l’environnement.
Certaines dispositions font néanmoins encore l’objet de divergences.
À l’article premier, le Sénat a certes accepté le caractère facultatif des contrats intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance dans les communautés urbaines et les communautés d’agglomération, mais il est allé encore plus loin que la solution préconisée par l’Assemblée nationale en donnant à la commune la plus peuplée un véritable droit de veto, alors que l’Assemblée avait confié le choix de la création à l’organe délibérant de l’EPCI. Votre commission des lois vous proposera de revenir à cette rédaction.
Une légère divergence subsiste également concernant l’accompagnement parental proposé par le maire. L’Assemblée nationale avait rétabli le texte initial du projet de loi en prévoyant une simple information du président du conseil général lors de la misse en place de l’accompagnement, alors que le Sénat avait souhaité en première lecture que son avis soit « recueilli ». En deuxième lecture, le Sénat a maintenu qu’une simple information du président du conseil général était insuffisante, tout en acceptant une procédure plus souple pour solliciter son avis. Compte tenu de l’effort consenti par la Haute assemblée, cette solution pourra être retenue.
S’agissant du rappel à l’ordre par le maire, le Sénat a refusé l’obligation d’une convocation préalable de la personne concernée, alors que l’Assemblée nationale avait considéré qu’un certain formalisme était nécessaire afin de donner à cette procédure un minimum de solennité. La commission a, là encore, adopté un amendement de retour au texte de l’Assemblée nationale.
Un désaccord paradoxal est par ailleurs intervenu sur la question des troubles de voisinage. Alors que le Sénat avait proposé de permettre la résiliation « oblique » d’un bail par un tiers – ce qui, compte tenu de notre tradition juridique, était pour le moins hétérodoxe –, l’Assemblée avait plus modestement proposé, en première lecture, d’autoriser l’engagement de la responsabilité des propriétaires défaillants. Le Sénat n’a cependant pas accepté cette solution de compromis, qu’il a curieusement jugée trop audacieuse. La commission des lois a adopté une version « adoucie » de l’amendement adopté en première lecture, qui ne touche pas à l’article 1384 du code civil.
En ce qui concerne les chiens dangereux, le Sénat a adopté deux amendements qui modifient assez substantiellement le dispositif. Il a notamment introduit la possibilité de placer dans un refuge les chiens de première catégorie n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration, une disposition contraire à la législation actuelle – laquelle interdit la cession de ces chiens, même à titre gratuit – et que la commission a souhaité supprimer en adoptant deux amendements de retour au texte de l’Assemblée.
Enfin, le Sénat a adopté en deuxième lecture un certain nombre de dispositions entièrement nouvelles, qui doivent faire l’objet d’un examen particulier. Tirant les conséquences de la constitutionnalisation, par le Conseil constitutionnel, de la règle parlementaire traditionnelle dite de « l’entonnoir » – je vous renvoie sur ce point à la décision du 19 janvier 2006 –, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer l’article 12 sexies, relatif aux interdictions de stades, qui a incontestablement été adopté selon une procédure irrégulière.
En revanche, il peut sembler possible d’accepter l’ajout, par le Sénat, de l’incrimination de la pratique dite du happy slapping, c’est-à-dire le fait de filmer ou de diffuser les images relatives à certaines infractions. Cette disposition n’est en effet pas entièrement nouvelle dans la mesure où deux de nos collègues avaient déposé en première lecture un amendement ayant le même objet, même s’il n’avait pas été défendu en séance. La commission des lois a par ailleurs adopté un amendement précisant le champ d’application de cette incrimination nouvelle, opérant une distinction entre celui qui filme et celui qui diffuse les images.
Mes chers collègues, la prévention de la délinquance est une politique globale ; elle se fonde à la fois sur des mécanismes de police administrative pour prévenir les troubles à l’ordre public, sur la rénovation des outils répressifs et – c’est l’aspect novateur du projet de loi – sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs – travailleurs sociaux, bailleurs, entreprises de transport en commun, aménageurs urbains, éducation nationale – qui peuvent se retrouver confrontés à la délinquance, outre les acteurs traditionnels que sont la police, la gendarmerie et la justice.
La nécessité de prendre en compte la complexité de la délinquance actuelle explique les très nombreux thèmes abordés par ce projet de loi, thèmes sur lesquels les deux assemblées s’accordent largement.
Cette deuxième lecture devrait permettre de nous rapprocher plus encore de l’adoption définitive du projet de loi, dans la mesure où les sujets de divergence qui demeurent sont très peu nombreux. La commission a adopté une quinzaine d’amendements – j’en ai évoqué certains – que je vous inviterai à adopter, de même que l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
Il faut le reconnaître : à la veille de son départ de la place Beauvau, Nicolas Sarkozy a échoué à faire reculer durablement la violence
Le Gouvernement veut faire croire que la délinquance baisse et que le taux d’élucidation n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui. Mais ce taux est artificiellement amélioré par les chiffres relatifs à l’usage des stupéfiants et à l’entrée et au séjour des étrangers – domaines où il y a plus de faits élucidés que de faits constatés !
Voilà le prix que nous payons aujourd’hui pour l’abandon de toute politique de prévention depuis bientôt cinq ans. Il ne suffit pas de multiplier les lois et de jouer les marchands d’illusions. Présenté à quelques mois des élections, ce texte, qui n’a pas vocation à être appliqué, relève évidemment d’une seule logique d’affichage électoraliste.
Depuis cinq ans, les lois Sarkozy et Perben sont passées, mais la violence s’est durablement enracinée. La police de proximité, qui alliait prévention et sanction, et qui assurait une présence dans les quartiers, a été démantelée au profit d’une police d’ordre public destinée à faire du chiffre. Nous en constatons aujourd’hui les conséquences. C’est la raison pour laquelle nous proposons la création d’une nouvelle police de quartier pour mieux assurer la sécurité quotidienne. Il est urgent aussi de procéder à une répartition plus juste des effectifs et de donner la priorité aux renforcements quantitatifs et qualitatifs dans les zones sensibles.
Nous avons une autre conception des choses, bien éloignée de vos effets d'annonce. C'est ce que propose le pacte présidentiel de Ségolène Royal.
Pour prévenir efficacement les violences scolaires, il faut absolument, à l’opposé de votre politique de suppression des postes, renforcer la présence des adultes dans les établissements, donc recruter des surveillants dans les collèges et doter chaque établissement d'une infirmière scolaire et d'une assistante sociale à temps plein. La présence d'adultes y est essentielle.
Il faut évidemment être ferme face aux mineurs violents. Pour chaque acte de délinquance commis par un mineur – et nous pouvons être d’accord sur ce point –, les sanctions doivent être fermes et rapides. La justice des mineurs est aujourd’hui sinistrée : un plan d'urgence sera mis en place, avec notamment le recrutement de juges des enfants, d'éducateurs, de greffiers, ce que vous n’avez pas fait. Le budget de la justice sera doublé. Nous estimons devoir mettre en application des solutions nouvelles pour extraire les mineurs de la délinquance, comme la suppression des peines de prison, hormis les cas d'atteintes graves aux personnes, ou le développement des centres éducatifs renforcés, si besoin avec un encadrement militaire. Une véritable prévention et une sanction rapide et proportionnée permettront, seules, de faire reculer durablement la délinquance des mineurs.
Je voudrais maintenant revenir sur les dispositions du projet de loi relatives aux hospitalisations d'office. Le ministre de l’intérieur,…
L’inclusion dans ce projet de loi des dispositions relatives à la santé mentale m’est apparue irrecevable en première lecture. La vive protestation des professionnels a malgré tout interpellé le ministre, qui a essayé de trouver une porte de sortie en tentant de légiférer par ordonnance. Peine perdue : le Conseil constitutionnel a censuré cette habilitation. M. le ministre de l’intérieur – c’est incroyable ! – a accusé le groupe socialiste d’avoir saisi le Conseil constitutionnel, ce qui est son droit légitime, mais c’est bien ledit Conseil qui l’a censuré ! Le problème demeure donc. Nous ne pouvons toujours pas accepter cet amalgame entre délinquance et maladie mentale. Monsieur le rapporteur, la semaine dernière et encore tout à l’heure, vous avez affirmé que ces mesures étaient nécessaires et urgentes, et la commission des lois a d’ailleurs maintenu les articles 18 à 24 ; quelle n’a donc pas été notre surprise d’assister à un recul en règle du Gouvernement…
S'agissant des nombreuses dispositions de ce texte impliquant le maire, nous partageons l'idée selon laquelle il doit être le pivot de la prévention de la délinquance. Il demande d’ailleurs avec force à jouer un tel rôle. Néanmoins, l’État ne doit pas se défausser sur lui. C’est pourtant ce qu’organise votre texte. Le maire doit être le coordonnateur des politiques publiques locales de prévention de la délinquance dans le respect des compétences dévolues à l'État et à chacune des collectivités territoriales par les lois de décentralisation. Comment les maires pourront-ils réussir là où l'État est défaillant, alors qu'ils ne bénéficieront d'aucun moyen supplémentaire ? Aucun financement supplémentaire pour le projet de loi de prévention de la délinquance n'est en effet prévu. Ce texte constituera un nouveau transfert de charges non financées, alors que l'État ne respecte déjà pas ses promesses budgétaires. Ainsi, les effectifs de policiers, de gendarmes, de magistrats, d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, mais aussi les médecins scolaires et les enseignants ne sont pas au rendez-vous là où ils sont attendus, c’est-à-dire dans les quartiers. Ce n'est pas le nouveau fonds de prévention de la délinquance qui nous rassurera, tant son financement semble aléatoire. Je le répète, monsieur le ministre, les maires ne veulent pas être des shérifs, pas plus que des délégués du procureur ou du préfet. Ils entendent jouer leur rôle, être des acteurs majeurs dans le cadre des politiques partenariales de sécurité et de prévention, mais dans le strict respect de la séparation des pouvoirs et des compétences, ce qui exclut toute incursion dans la chaîne pénale. Or ce texte porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, en conférant aux maires des pouvoirs quasi judiciaires, comme le rappel à l'ordre prévu à l'article 8. Les nouveaux dispositifs concourent, en fin de compte, à la confusion la plus totale : on ne sait plus qui fait quoi, du procureur, du maire, du préfet. Avant même de faire marche arrière sur l’hospitalisation d’office, vous avez déjà dû reculer en première lecture sur certains points, consentant, par exemple, à rendre facultatif le conseil des droits et des devoirs des familles. Toutefois, l'essentiel demeure et nous inquiète toujours autant, à l’image du secret partagé.
Ce texte fourre-tout aborde dans le désordre le rôle des maires, la toxicomanie, la justice des mineurs, l'éducation, la procédure pénale. Une fois de plus vous vous méprenez. Il ne suffit pas d'être dur avec le crime, il faut l’être aussi avec les causes du crime. Aucune prévention ne peut être envisagée sans une action forte contre les inégalités, la pauvreté et la précarité.
Adoptées au Sénat, les dispositions tendant à prévenir la délinquance des mineurs n'en restent pas moins contraires à nos principes constitutionnels – la spécificité de la justice des mineurs est l'un des principes fondamentaux de notre droit pénal, consacré par le Conseil constitutionnel le 11 août 1993, et à nos engagements internationaux, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale des droits de l'enfant.
La nouvelle procédure de présentation immédiate du mineur devant le juge des enfants ne garantit pas aux mineurs le respect des droits de la défense. La spécificité de la justice des mineurs est aussi remise en cause par l'extension aux mineurs de la composition pénale, alors que, dans le même temps, aucune garantie n'est prévue dans le cadre de cette procédure pour assurer la prise en compte de l'état de minorité. Nous voulons une justice des mineurs rapide mais pas expéditive.
La complémentarité entre l'assistance éducative et le pénal, qui constitue les fondements mêmes de l'ordonnance de 1945, est remise en cause. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 août 2002, a reconnu le principe du primat de l'éducatif sur le répressif et de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge. En systématisant les sanctions et les mesures privatives de liberté à l’encontre des mineurs, vous méconnaissez ces principes.
Par ailleurs, s’agissant du principe de proportionnalité des délits et des peines, vous vous trouvez bien souvent dans ce texte à la limite de l'erreur manifeste d'appréciation en aggravant toutes les peines et les sanctions encourues. Je pense notamment à l'article 28 du projet de loi qui prévoit un durcissement très important des sanctions en cas de circonstance aggravante concernant l'usage de produits stupéfiants par certaines personnes dans l'exercice de leurs fonctions.
Je persiste ainsi à affirmer que le texte recèle un nombre inquiétant d'atteintes aux libertés fondamentales. Adopté conforme par le Sénat, l'article 12 ter relatif aux gens du voyage – sujet qui préoccupe tous les maires, moi le premier – est contraire à la Constitution. En effet, il supprime l'intervention préalable de l'autorité judiciaire, garante du respect des libertés individuelles en vertu de l'article 66 de la Constitution, et constitue une atteinte flagrante au principe d'inviolabilité du domicile.
Autre source d'inconstitutionnalité et non des moindres : la multiplication des fichiers informatiques. Certes, vous venez de supprimer le fichier sur les hospitalisés d’office, mais les autres demeurent. Nous sommes perplexes face à cette volonté de constituer à tout prix des nouveaux fichiers. Ces mesures d'affichage vis-à-vis de l’opinion ont, en réalité, bien peu à voir avec une politique de prévention de la délinquance. La destination, le croisement et la diffusion de ses fichiers nous inquiètent grandement. La CNIL, saisie du projet initial en juin 2006, avait d'ailleurs noté que le maire « ne devrait pas être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l'action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté. ». Le texte qui nous revient n'a pas levé ces inquiétudes. Il en va de même de l'article 6 du projet de loi qui institue, de manière désormais facultative, le conseil pour les droits et devoirs des familles. Selon la CNIL, dans la mesure où des informations individuelles sensibles, relevant de l'intimité de la vie privée des familles, seraient ainsi recueillies, traitées et conservées, il appartient au législateur, pour assurer le respect du principe de proportionnalité, de définir précisément les garanties qui devraient être apportées afin qu'un dispositif d'accompagnement soit mis en place dans le respect des droits des personnes et, en particulier, de leur droit au respect de la vie privée. Où sont ces garanties monsieur le ministre ?
Le maire recevra des informations, jusqu'alors protégées par le secret professionnel, sur les administrés qui bénéficient de l'aide d'un éducateur ou d'une assistante sociale. Il pourra être autorisé à mettre en œuvre un fichier afin d'améliorer le suivi de l'obligation d'assiduité scolaire. Ce fichier contiendra des informations à caractère personnel transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales, mais aussi par l'inspecteur d'académie ou par le directeur de l’établissement en cas d'exclusion temporaire ou lorsque l'élève quitte l'établissement en cours ou en fin d'année. Cet article – sans encadrement, donc au champ d’application très vaste – organise ainsi le croisement de fichiers.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme, interrogée en 2002 sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure, soulignait que « l'inflation des règles encadrant l'exercice des libertés publiques, et parfois même la vie privée des individus, suscite l'inquiétude de notre société démocratique ». Le présent projet de loi ne fait qu'accentuer cette tendance, car les atteintes à la vie privée y sont trop nombreuses et la diffusion d'informations à caractère confidentiel est facilitée.
Ces questions me paraissent donc de nature à justifier l’irrecevabilité d’une partie au moins de ce texte. Ce projet de loi, c’est clair, ne vise pas à prévenir la violence en agissant sur les effets et sur les causes, mais essentiellement à condamner sans éduquer. C’est inacceptable et inefficace. Cela signifie, pour demain, la certitude d'une nouvelle aggravation de l'insécurité et de la violence. Vous avez refusé en première lecture, monsieur le ministre, les alternatives que nous proposions pour parvenir à une solution démocratique de la sécurité et vous maintenez des dispositions irrecevables et largement inconstitutionnelles. Nous nous opposerons donc à ce texte inutile et dangereux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Par ailleurs, vous essayez de mettre en évidence certains aspects inconstitutionnels en vous référant à la justice des mineurs. Or, pour les mineurs, le projet n’introduit aucune mesure privative de liberté supplémentaire. Simplement, pour lutter contre le sentiment d’impunité, il faut une réponse rapide et adaptée. Et vous-mêmes nous proposez finalement un encadrement militaire. Il est d’ailleurs drôle de constater avec quelle rapidité vous avez changé d’attitude à ce sujet.
Voilà pourquoi je ne doute pas un seul instant que la majorité rejettera votre exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)
À notre sens, une loi de prévention de la délinquance ne pourra être efficacement appliquée si on ne l’assortit pas de moyens nécessaires à l’accomplissement d’une politique globale. Pour ce faire, il faut intensifier l’accompagnement socio-éducatif d’un jeune délinquant ou d’une famille en danger, l’action éducative individualisée du plus grand nombre d’élèves dans nos écoles, le suivi effectif des mesures judiciaires, lorsqu’elles sont prononcées, le soutien aux parents débordés par leurs enfants ou, tout simplement, la formation de ces parents à leur rôle et à leur responsabilité, sans oublier la prévention des addictions, qui progressent hélas si fortement.
Je tiens à souligner ici tout le travail accompli dans nos quartiers par les associations qui œuvrent auprès de ces populations. À plusieurs reprises, nous nous sommes élevés contre le désengagement financier de l’État envers ces structures. Le prétexte est de faire des économies, ce qui, en soi, est louable, mais la facture pour la société se révèle encore plus salée. Nous avons toujours en travers de la gorge l’annulation de crédits, en octobre 2005, puis le vote à la va-vite d’une rallonge après la crise des banlieues, en novembre de cette même année. Ce n’est sûrement pas la bonne méthode. Il faut plutôt, à partir de critères transparents, conclure, par exemple, des contrats d’objectifs pluriannuels. Il est en tout cas urgent d’exprimer concrètement à ces associations, et pas seulement dans de beaux discours, notre reconnaissance et notre soutien.
Vous le voyez bien, monsieur le ministre, à travers ces exemples et bien d’autres, la solution aux problèmes ne relève pas seulement de la loi mais aussi des moyens mis à la disposition des actions de prévention.
En premier lieu, la politique de l’urbanisme. Comment, en effet, concevoir une action de prévention performante quand on concentre les difficultés sociales dans quelques villes et quelques quartiers fermés sur eux-mêmes, dont l’urbanisme a été raté et qui cumulent ainsi les problèmes et les handicaps ? L’écheveau devient infiniment plus compliqué à démêler !
Nous payons en fait les conséquences d’un modèle de société où l’on a laissé se développer la culture du vivre entre soi, c’est-à-dire une société où les riches sont avec les riches, où les classes moyennes se regroupent entre elles et où les pauvres sont concentrés, relégués dans quelques quartiers. Nous souhaitons que la « mixité sociale », expression tant de fois employée, devienne une réalité concrète, visible et palpable. Par ailleurs, nous attendons de l’État qu’il revienne partout où il est absent, c’est-à-dire là où ça va mal.
Le deuxième pilier d’une politique globale, c’est l’éducation. L’éducation ne se résume pas à l’école, tant il est vrai que nos enfants ont aujourd’hui de multiples autres sources d’informations pour découvrir le monde, à travers les médias, les nouvelles technologies, les activités culturelles ou sportives. Cela fragilise certes notre modèle éducatif puisque l’enseignant n’est plus le prescripteur unique, donnant du sens au monde et indiquant la façon d’y trouver sa place. Nous sommes dans un temps où le professeur n’est plus qu’un élément éducatif parmi d’autres.
Dans ce contexte nouveau, pour remplir sa mission, l’école doit être recentrée autour d’objectifs clairs : construire des citoyens ayant conscience d’appartenir à une communauté de vie, donner les moyens de l’échange avec les autres, notamment à travers le langage, et ouvrir les voies d’une insertion professionnelle ajustable en fonction de l’évolution des métiers.
Le troisième pilier est la justice. Il est nécessaire de mener une réflexion globale sur ses missions et sur la façon dont elles s’exercent. À cet égard, les promesses n’ont pas été tenues par les gouvernements successifs. Le nombre d’internats pour mineurs délinquants, par exemple, n’a pas été multiplié : cent places seulement ont été créées pour toute la France.
Bien sûr, nous ne croyons pas que le tandem police-justice puisse suffire à lui seul à lutter contre l’augmentation régulière de la délinquance ou du niveau de la violence, mais, en attendant que les efforts sur l’urbanisation et l’éducation que j’ai évoqués portent leurs fruits, nous avons besoin d’une police efficace et d’une justice réactive, adaptées à la dérive d’une délinquance en perpétuelle évolution.
Après ces considérations d’ordre général, j’en viens, rapidement, à l’analyse que le groupe UDF fait de ce texte.
Nous reconnaissons tout d’abord les points positifs, et spécialement l’affirmation, désormais claire, du rôle central du maire dans la conduite de la prévention de la délinquance. La navette parlementaire aura, en outre, permis d’améliorer sensiblement l’information des maires sur les actes de délinquance et leurs suites judiciaires.
Ce n’est qu’une question de logique car, dans la mesure où les maires vont être identifiés comme pivots de la politique de prévention, il faut qu’ils aient une connaissance précise des faits commis sur leur territoire, mais cette connaissance ne sera que de peu d’utilité s’ils n’ont pas les moyens de savoir quelles suites judiciaires ont été données aux infractions. Le Sénat a ainsi accepté d’accroître l’information du maire dans ce domaine, en définissant, de manière simple, le sens à donner à l’expression « suites judiciaires ». Les informations communicables concerneraient donc les classements sans suite, les mesures alternatives aux poursuites ou les poursuites. Ces précisions étaient fortement attendues.
Nous apprécions également les avancées en matière d’accompagnement parental, pour venir en aide aux familles qui connaissent des difficultés dans l’éducation de leurs enfants. Nous approuvons le durcissement de la législation contre les chiens dangereux, les actions prévues dans les centres commerciaux abandonnés ou celles qui visent à lutter contre la délinquance et la violence sur Internet. Toutes les initiatives pour favoriser les mesures alternatives à l’emprisonnement sont bonnes, comme l’ouverture de centres éducatifs fermés ou la mise en place de stages de responsabilité parentale.
Mais, parallèlement, nous dénonçons le caractère fourre-tout du texte, constatant que, si plus de la moitié des articles ont été adoptés en termes conformes, le volume du projet de loi a été considérablement augmenté par la navette parlementaire. C’est ainsi qu’on lui a adjoint des mesures aussi disparates que la lutte contre les troubles du voisinage ou l’aménagement de la procédure pénale pour répondre à certains problèmes pratiques. Cet inventaire à la Prévert ne renforce pas la lisibilité d’une telle loi.
Nous regrettons, par ailleurs, que les articles relatifs à l’hospitalisation d’office aient été maintenus en dépit de la forte opposition des professionnels et des associations de malades, qui ne souhaitent pas que ces changements interviennent par le vote d’un texte traitant de la prévention de la délinquance.
En conclusion, pour reprendre les propos tenus par notre collègue Jean-Christophe Lagarde, nous considérons ce texte comme une « boîte à outils », en reconnaissant l’utilité de certains d’entre eux, mais nous sommes déçus qu’il ne porte pas en lui un projet global.
De plus, nous regrettons que les débats entre la droite et la gauche, au Sénat et à l’Assemblée, se soient résumés à un nouvel affrontement stérile entre prévention et répression, même si le ministre d’État nous a dit tout à l’heure vouloir éviter cet écueil. Les élus de terrain de tous bords, avec pragmatisme, sont d’accord, eux, pour rechercher, dans le consensus, un nécessaire équilibre. À n’en point douter, comme l’ont fait les Allemands, les Français imposeront à leurs dirigeants cette nécessité de dépasser les clivages pour trouver, dans l’intérêt général, les solutions à la hauteur des enjeux. La prévention de la délinquance est un de ces thèmes fédérateurs.
En attendant, et parce que la méthode consistant à faire croire qu’une simple loi permettra de régler le problème à trois mois d’échéances importantes n’est pas acceptable, le groupe UDF, comme en première lecture, s’abstiendra sur ce texte.
L’accumulation de nouvelles incriminations pénales – délits d’embuscade et de guet-apens, enregistrement ou diffusion d’images relatives à la commission d’infractions, pratique dite du happy slapping –, l’aggravation de peines existantes, celles concernant la rébellion, auxquelles s’ajoute la création d’un crime de violences commises avec guet-apens contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, traduisent la volonté du Gouvernement et de certains législateurs de faire de ce projet l’instrument privilégié d’une politique sécuritaire déjà à l’œuvre depuis plusieurs années et dont on connaît les résultats, mauvais s’il en est. J’en veux pour preuve l’augmentation toujours plus forte des violences envers les personnes.
Cette poussée sécuritaire confirme que votre gouvernement et sa majorité ont peur des jeunes. Dès lors, devons-nous accepter de vivre dans une société malade qui, au lieu de favoriser l’épanouissement des jeunes dès leur enfance et de leur donner un rôle actif de partenaires dans la société, préfère les considérer comme de simples objets de mesures de socialisation et de contrôle ? Pour ma part, je le refuse, tout comme je refuse la vision pessimiste des familles et des jeunes des quartiers populaires que vous voulez imposer.
Force est de constater que notre société est malade, car ce gouvernement, avec toute une série de lois votées dans la hâte – il y en a déjà eu sept –, fait la guerre aux jeunes, aux familles, aux habitants des cités et des quartiers populaires, aux sans-papiers. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Et pourtant, ce même gouvernement se réclame des valeurs de la démocratie. Mais où est la démocratie dans le modèle que vous proposez, alors qu’il repose sur l’exclusion, la criminalisation, la discrimination, et ne prend plus en compte certaines personnes vivant dans ce pays ? Où est la démocratie, lorsque, sans aucun débat de fond, des amendements visant à mieux prévenir et sanctionner les infractions économiques et financières sont rejetés ?
Alors oui, ce gouvernement fait la guerre aux gens du peuple ! Ce projet de loi élargit les sanctions et le contrôle social, au prétexte que plus une sanction est forte, plus elle est dissuasive, donc préventive. Je respecte la sanction dès lors qu’il y a non-respect de la loi. Encore faut-il qu’elle ait du sens et s’inscrive dans un processus de prévention et de réinsertion. Or il est impossible de percevoir dans ce texte l’aspect « prévention », tant les nouvelles mesures modifiant le code pénal, le code de procédure pénale et le code de la santé publique sont de nature répressive.
Dès treize ans, extension de la composition pénale et de la comparution immédiate et possibilité de placer un mineur sous contrôle judiciaire ; dès dix ans, instauration de nouvelles sanctions éducatives et allongement de six mois à un an de la durée maximale des mesures de composition pénale ; pour les mineurs de plus de treize ans, modulation de la durée du placement prévu à l’article 39 ; pour les récidivistes de plus de seize ans, possibilité de déroger au principe de l’atténuation de la responsabilité pénale – tout cela avec l’objectif avoué d’aligner le droit pénal des mineurs sur celui des majeurs.
Hélas, ce gouvernement s’obstine à n’entendre ni l’ensemble des professionnels et des associations, ni les parents, ni les médecins et encore moins les élus qui, au Sénat comme ici, demandent que raison soit gardée, ni de nombreux membres de l’Association des maires de France refusant le rôle qui leur est assigné. Nous sommes nombreux à dénoncer ce texte, notamment parce qu’il porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs en conférant aux maires des pouvoirs quasi judiciaires. Le maire devient un acteur central en matière de « contrôle » de la délinquance. Il va recevoir des informations, jusqu’ici protégées par le secret professionnel, concernant ses administrés qui bénéficient de l’aide d’un éducateur ou d’une assistante sociale. Il pourra constituer un fichier des élèves ayant fait l’objet d’un avertissement pour absentéisme. Il sera même informé, par la police ou la gendarmerie, des infractions à l’ordre public et, par le procureur de la République, de leurs suites judiciaires.
Pour renforcer leur pouvoir répressif, ce projet de loi permet aux maires d’être assimilés à de véritables délégués du procureur, avec par exemple le rappel à l’ordre prévu à l’article 8. Le maire se trouve ainsi doté de prérogatives qui empiètent sur les missions d’autres institutions et qui traduisent une défiance à l’encontre des travailleurs sociaux et de la justice. Le maire deviendra-t-il pour autant le garant de la sécurité ? J’en doute, mais ce que je crains, c’est que face à l’extension de ses pouvoirs, il y ait d’une part, une dilution de la politique nationale, et d’autre part une multiplication des spécificités locales qui remettront en cause l’égalité de traitement entre les citoyens. Ce n’est plus d’un maire qu’il s’agit mais d’un shérif à la mode américaine !
Les atteintes à la vie privée sont multiples et la diffusion d’informations à caractère confidentiel est facilitée. L’Assemblée nationale a prévu qu’au sein des groupes de travail des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, des informations confidentielles pourront être échangées sous réserve de ne pas être communiquées à des tiers. La commission des lois du Sénat propose, quant à elle, d’étendre cette faculté au conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. Ainsi, le secret professionnel est remis en cause puisque, en vertu de l’article 5, le partage d’informations jusqu’ici protégées par le secret professionnel sera possible. À cet égard, je regrette vivement que le Sénat ait décidé de supprimer la disposition imposant l’information des personnes concernées par le partage d’informations à caractère confidentiel. Cette disposition, introduite en première lecture à l’Assemblée nationale, était un moindre mal.
Désormais, lorsqu’une famille verra ses difficultés s’aggraver, les travailleurs sociaux devront en informer le maire et le président du conseil général, ce qui pourra justifier la réunion du conseil pour les droits et devoirs des familles. Ajoutons l’autorisation donnée aux travailleurs sociaux de divulguer au maire des informations confidentielles sur les usagers des services sociaux, les dispositions facilitant l’hospitalisation d’office en psychiatrie et la création d’un fichier des personnes ayant subi une telle hospitalisation, ou encore les dispositions accentuant la sévérité de la justice pénale des mineurs au mépris de ses principes fondateurs.
D’autres dispositions attentatoires aux droits des personnes ont été par ailleurs introduites afin, par exemple, de pouvoir expulser plus facilement les gens du voyage, ce qui n’est pas sans poser un problème de compatibilité avec l’article 66 de la Constitution.
S’agissant des articles relatifs à l’hospitalisation d’office, le problème reste entier après l’annulation par le Conseil constitutionnel de l’habilitation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnance les régimes d’hospitalisation sous contrainte.
Nous aurions pu déposer une fois encore des amendements, mais le sort et l’attention qui leur ont été portés en première lecture, et la philosophie même de ce texte, nous conduisent à le juger inamendable.
Ce texte était dangereux. Il l’est plus encore aujourd’hui et prouve, s’il en était besoin, qu’il n’est qu’un produit idéologique fondé sur une conception libérale de la société, où la sécurité prime sur l’accompagnement des familles et où la sanction remplace l’éducation. Il eût mieux valu pour l’avenir de notre pays faire de l’école un véritable acteur de la lutte contre toutes les violences. Mais non : le Gouvernement préfère la répression à la prévention.
Ce texte constitue une menace pour la prévention et l’éducation, pour les jeunes et leurs familles, et surtout pour les libertés individuelles. Nous espérons rassembler de nombreux députés pour saisir le Conseil constitutionnel.
Je terminerai par ces quelques mots, écrits voilà 136 ans et dont je vous laisse le soin de retrouver l’auteur :
Étant les ignorants, ils sont les incléments ;Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redireÀ vous tous, que c’est à vous de les conduire,Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,Que votre aveuglement produit leur cécité ;D’une tutelle avare, on recueille les suites,Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité. […]Comment peut-il penser, celui qui ne peut vivre ? […]Quoi ! Pour que les griefs, pour que les catastrophes,Les problèmes, les angoisses et les convulsionsS’en aillent, suffit-il que nous les expulsions ?
Je vous laisse méditer ces dernières paroles.
Bien évidemment, le groupe communiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
Ce texte arrive à un moment de la législature où l’on peut dresser des bilans. M. Braouezec ne s’en est pas privé. Je comprends d’ailleurs qu’il se tourne vers le passé car il n’a pas bien compris les évolutions du présent et encore moins les perspectives d’avenir.
Assumez-le : vous n’avez rien vu, rien compris, vous restez sur des schémas du passé ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Si vous le permettez, monsieur Blazy, je vais poursuivre mon intervention, à moins que vous n’ayez autre chose à nous dire que les propos lancinants que vous tenez depuis plusieurs années – à savoir que la sécurité consiste moins à s’occuper des victimes qu’à trouver des excuses aux délinquants ! Ce qui, en résumé, est à peu près votre discours !
Dans ce projet de loi apparaissent en effet quelques idées force. Tout d’abord, nous avons donné au maire la place qu’un certain nombre de textes commençaient à lui attribuer, en lui conférant un rôle essentiel dans la prévention de la délinquance,…
Nous assistons depuis quelques années à une transformation en profondeur de la délinquance. Malheureusement, si le taux a globalement diminué, nous constatons encore trop souvent des actes de barbarie, témoignant d’une nouvelle délinquance préjudiciable à l’ordre public. Cette nouvelle délinquance emploie des moyens que la loi ne nous permettait pas de combattre. Nous avons essayé d’y remédier. Car je ne pense pas qu’un seul député présent dans l’hémicycle puisse accepter un instant que l’on continue à laisser impunis un certain nombre d’actes graves. Quand les sénateurs ont décidé de sanctionner ce qu’on nomme le happy slapping, ils se sont attaqués à l’une des atteintes les plus graves portées à la dignité de l’être humain, qui consiste, pour un agresseur ou son complice, non seulement à infliger à autrui un acte de violence mais, par un mépris suprême, à le filmer au cours de cet acte terrible d’indignité, pour pouvoir parader ensuite dans un groupe de primo-délinquants ou de délinquants affirmés.
Pour terminer, j’en viens à un troisième point qui reste en débat entre nous et ce débat devra tôt ou tard être mené à son terme. Il s’agit de l’ordonnance de 1945, tant de fois réformée et modifiée. Le sujet mériterait un jour une discussion sereine en vue de réactualiser l’application d’un droit de la minorité et de la prévention de la délinquance chez les mineurs.
Voilà ce que je tenais à dire. À présent, monsieur le ministre, vous me permettrez de formuler deux craintes.
Au cours des débats qui ont eu lieu au Sénat s’est posée la question de l’interdiction administrative de ceux qui commettent dans les stades, à l’occasion d’événements sportifs, des actes délictueux, voire criminels, ou racistes : je veux parler des hooligans. Nous avons réussi à les exclure d’activités sportives avec lesquelles ils n’ont rien à voir. Mais l’interdiction de trois mois que nous leur avons appliquée me paraît insuffisante. Je ne souhaite pas, en effet, en tant que député de la circonscription où ont malheureusement eu lieu les événements les plus graves, voir revenir si tôt au Parc des princes les auteurs de délits racistes ou d’agressions.
Enfin, je voudrais dénoncer l’amalgame qui a été fait, au sein de la commission des lois, entre les délits pornographiques sur Internet, qui ont été justement condamnés – il faut à cet égard une vigilance constante et éminemment répressive –, et ce qu’on appelle les jeux en ligne. À leur égard, en effet, nous sommes en contradiction complète avec la directive européenne de 1998, confirmée en 1999. Celle-ci fixe aux États membres, pour des raisons faciles à comprendre – Internet n’est pas national, mais international et européen –, des obligations auxquelles contreviennent nos dispositions législatives, ce qui posera certainement des problèmes juridiques graves. Si, en effet, la loi française était appliquée telle quelle, il est bien évident que ceux qui y contreviendraient feraient appel devant les juridictions européennes, qui leur donneraient probablement gain de cause.
Par ailleurs, il me paraît contestable de laisser les activités de jeux à des sociétés d’État. Le PMU et la Française des jeux ont-ils des compétences particulières pour gérer un domaine qui n’a rien à voir avec les charges régaliennes ? Je sais bien que l’État s’occupe aussi, entre autres, des cigarettes, mais que les inspecteurs des finances, par l’intermédiaire du PMU et de la Française des jeux, se permettent de contrôler des activités dans lesquelles Bercy n’a rien à voir relève à mon sens d’une extension très discutable de la législation européenne et de la notion d’État. Je me permettrai donc, à titre personnel, de défendre au cours du débat des amendements que j’avais déjà soutenus en première lecture, même s’ils ont été repoussés par la commission.
Mais, bien entendu, je félicite le Gouvernement qui a su prendre la dimension des problèmes de sécurité et, à la différence du précédent,…
Qui ficher et comment ? Vous proposez, à l’article 9, alinéa 5, que les 36 000 maires de France mettent en place un fichier pour recenser les enfants en âge d’être scolarisés, en y ajoutant, par juxtaposition, les données à caractère personnel que détiennent les caisses d’allocation familiales et celles que possède l’éducation nationale en matière d’absentéisme scolaire ou de sanctions disciplinaires : avertissements, exclusions temporaires ou définitives.
À nos yeux, ce fichier est dangereux pour le respect du droit des usagers et pour l’intimité de leur vie privée, principes qui doivent en toutes circonstances être garantis. C’est ce qu’a rappelé, en rendant son avis, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Celle-ci a en effet jugé « disproportionnées » les dispositions du projet de loi – tant à l’article 5 qu’à l’article 9 – qui autorisent le maire à obtenir communication de l’ensemble des données relatives aux difficultés sociales de ses administrés.
Nous comprenons la nécessité, pour les élus locaux, de travailler pour lutter contre l’absentéisme scolaire et de faire suivre les enfants déscolarisés par des groupes de travail réunissant les personnels de l’éducation nationale, de la protection de l’enfance et de la prévention du conseil général, ainsi que des services municipaux compétents. Mais nous ne pouvons que condamner la réunion automatique, voire systématique, au sein d’un fichier de toutes les données individuelles et familiales concernant tous les enfants scolarisés dans une commune. Ce dispositif est dangereux pour le respect des libertés de chacun.
Restons-en donc à ce qui se fait déjà dans de nombreux groupes de travail au sein des CLSPD ou des programmes de réussite éducative : le partage nécessaire et obligatoire de l’information entre tous les partenaires doit se limiter aux seules situations d’enfants déscolarisés ou ayant reçu une sanction du conseil de discipline. Rendre automatique le fichage de tous les élèves est inutile et contre-productif – à moins que vous ne les considériez tous comme des primo-délinquants en devenir !
Vous proposez, par ailleurs, aux articles 6 et 7, l’institution d’un « conseil pour les droits et devoirs des familles », avec la mise en place d’un accompagnement parental par le maire et/ou la caisse d’allocations familiales et/ou le président du conseil général. Pour ce faire, des informations à caractère individuel sur les familles seront recueillies, traitées, échangées et conservées. C’est sur la base de ces données que seront ensuite déclenchés des dispositifs de signalement des mineurs et des familles à problèmes. Permettez-nous de nous interroger, là encore, sur les garanties assurant le respect des droits et de la vie privée des personnes.
En effet, l’article 6, alinéa 7, prévoit que le président du conseil pour les droits et devoirs des familles, c’est-à-dire le maire, peut informer « les tiers intéressés » des mesures d’aides arrêtées avec la famille, des recommandations du conseil à la famille et des engagements pris par la famille. Mais, comme le remarque la CNIL, ces « tiers intéressés » ne sont pas définis, même si nous savons qu’il ne s’agit pas des professionnels de l’action sociale, qui sont clairement identifiés dans le texte.
Alors qui sont ces agents que des renseignements généraux ou individuels sur les familles sont susceptibles d’intéresser ? À une période où des enquêtes sur des personnes sont ordonnées, nous sommes en droit de vous demander de préciser les intentions du Gouvernement et de lever le flou qui existe et persiste : si un agent relevant du ministère de l’intérieur vient demander au maire, officier de police judiciaire, la teneur des mesures prises, que devra-t-il répondre ?
Vous avez enfin proposé la création d’un fichier pour améliorer le suivi et l’instruction des mesures d’hospitalisation d’office, dont les données seront conservées durant cinq années après la sortie des intéressés, sous prétexte d’un accompagnement renforcé par un meilleur contrôle des sorties d’essai.
Là encore, si nous pouvons comprendre la volonté du Gouvernement de contrôler au mieux les conditions psychiatriques des détenteurs d’armes actuels ou futurs, il nous semble que ce fichage automatique est dangereux, car son instauration assimile toute personne atteinte d’un trouble passager du comportement à un délinquant potentiel.
Il serait d’autant plus dangereux d’automatiser le fichage de toute personne ayant été hospitalisée d’office, que vous voulez faciliter cette hospitalisation en la rendant possible par arrêté du maire après un simple avis médical, alors que le certificat médical était obligatoire jusqu’alors. En outre, vous voulez que le maire soit systématiquement informé de la sortie des patients. Il me reste donc à vous poser un certain nombre de questions, qui demeurent encore sans réponse.
Que fera le maire de ces informations ? Demandera-t-il à sa police municipale ou à ses agents assermentés de contrôler le comportement de la personne concernée ? Sera-t-il pénalement responsable de ne pas avoir suivi cette personne si elle venait à commettre un acte de délinquance ? Le certificat médical est un document écrit ; en est-il de même pour l'avis médical ? La question mérite d’être posée car, pour un maire, il serait risqué, en termes de responsabilité pénale, de prendre un arrêté sur simple avis médical oral.
Par ailleurs, qu’en est-il du principe selon lequel une personne hospitalisée pour troubles mentaux conserve la totalité de ses droits et ne peut se voir opposer ses antécédents psychiatriques ? Ces personnes pourront-elles par exemple, pendant les cinq ans de fichage, accéder aux concours de la police nationale – pour lesquels les documents du ministère de l'intérieur précisent qu’il ne faut être « atteint d'aucune séquelle psychiatrique » –, alors que le projet de loi autorise le préfet et toutes personnes habilités par lui – notion plus que floue – à accéder à ce fichier, et donc à contrôler les antécédents psychiatriques des candidats au concours ?
Certes, les troubles du comportement pour raisons de santé mentale, qui se traduisent souvent par des troubles de voisinage ou des troubles à l'ordre public, concernent les maires. Mais des solutions alternatives au fichage existent. Je pense notamment aux commissions « régulation santé mentale », que nous avons mises en place à Villeurbanne avec la police nationale, la direction de l'hygiène et de la santé publique de la ville et, surtout, la psychiatrie de secteur et les CMP.
Après les jeunes, ce sont les personnes malades que vous vouliez stigmatiser. Nous pourrions donc proposer au ministre de l'intérieur une autre formule pour présenter son texte : « Ficher, contrôler, punir les malades que je ne saurais voir ».
Le groupe socialiste a proposé, et continuera de le faire, par des amendements, la mise en place d’une véritable politique de prévention, d’éducation et d’insertion sociale et professionnelle au service de tous, sans exclusion, notamment au service des jeunes.
En cinq ans, vous ne serez parvenus qu'à rendre coupables les Françaises et les Français : coupables de la mauvaise éducation de leurs enfants, coupables de leur santé mentale, coupables de vivre seuls, coupables d'être sans emploi, coupables de vivre dans des quartiers surpeuplés, coupables d'être défavorisés.
Ce texte fait enfin du maire le pivot de la politique de prévention de la délinquance. Il est le seul élu local qui soit capable de coordonner l’ensemble des acteurs qui interviennent pour lutter contre la délinquance des mineurs et aider leurs familles. La délinquance a changé : elle est de plus en plus violente et commise par des adolescents de plus en plus jeunes. Ce texte n’a pas pour objectif de les condamner davantage, mais bien d’aider ces jeunes en mal d’existence, ainsi que leurs familles. Si plusieurs articles du projet de loi réforment l’ordonnance de 1945, nous sommes un certain nombre à penser qu’une réforme plus globale est indispensable. J’espère d’ailleurs que la prochaine législature nous donnera l’occasion de la réaliser.
S’agissant des modifications apportées par nos collègues sénateurs, je regrette que le formalisme de plusieurs procédures ait été supprimé. Je pense notamment à l’une des dispositions de l’article 5, qui imposait l’information des personnes concernées par le partage de données à caractère confidentiel. Lorsqu’il s’agit d’aider une personne, la transparence et la franchise sont toujours préférables à un mur de silence. De même, la tentative de rééquilibrer les responsabilités au profit du président du conseil général me semble dommageable. Je crains en effet que, du fait des clivages politiques qui pourraient opposer un maire au président du conseil général, ce partage de responsabilités n’aboutisse dans certains cas à des blocages qui fragiliseraient et remettraient en cause les actions de prévention.
Je partage également le souhait de notre rapporteur et de l’ensemble des membres de la commission des lois de punir sévèrement les pratiques dites de happy slapping qu’a évoquées Claude Goasguen. Il est en effet important de stopper dès à présent ces pratiques qui nous viennent des pays anglo-saxons et qui consistent à diffuser des images d’agressions parfois très violentes, voire barbares. Nous ne pouvons tolérer cette humiliation pour les victimes et je souhaite que les tribunaux appliquent cette nouvelle disposition pour envoyer un signal fort aux jeunes qui diffuseraient ce type d’images.
Enfin – et je regrette que M. Zanchi soit parti –, je voudrais vous rendre compte d’un fait réel qui s’est produit dans ma ville, il y a quelques mois. Un homme sortant d’un centre psychiatrique situé dans ma circonscription se rend au domicile de sa mère, alors qu’il est sous l’emprise de la drogue. Après une altercation avec elle, il jette son chien du deuxième étage de l’immeuble, affirmant qu’il est envoûté. Alors que la mère emmène l’animal chez le vétérinaire, qui se trouve à deux cents mètres de chez elle, son fils la suit. Arrivé dans le cabinet du vétérinaire, il poignarde celui-ci de neuf coups de couteau. Ce père de trois enfants succombera malheureusement à ses blessures.
L’individu a été interpellé et le rapport de psychiatrie indique que « M. S. a commis ce crime sous l’effet d’une pulsion maniaco-dépressive, accentuée par l’absorption de cannabis ». Il est actuellement placé en centre fermé psychiatrique, mais le rapport indique : …
Ce cas concret est pour le moins effarant – et nous en rencontrons quasi quotidiennement dans nos communes. S’il est vrai que ce M. S. n’est pas un délinquant, il est néanmoins considéré comme dangereux et il est inadmissible d’attendre un second drame pour prendre les mesures qui s’imposent. Monsieur le ministre, si ce texte avait été voté il y a un an, ce vétérinaire, père de famille, serait toujours en vie aujourd’hui.
Je veux revenir à un certain nombre de dispositions qui me paraissent problématiques. M. le ministre de l’intérieur a évoqué la création d’hôpitaux-prisons, en lesquels on reconnaît les fameuses UHSA que proposait il y a un peu plus d’un an le rapport Burgelin. Ces hôpitaux-prisons constitueraient une véritable hérésie du point de vue juridique dans la mesure où seraient amenés à y cohabiter des malades difficiles – ceux qui se trouvent actuellement en UMD – et des personnes qui, après avoir purgé leur peine de prison, seraient maintenues de manière tout à fait inappropriée en détention administrative. Cela constituerait un grave manquement aux libertés publiques qui, je n’en doute pas un instant, vaudrait à la France d’être rapidement condamnée par la Cour de justice. Ces établissements hybrides, tenant à la fois de la maison d’enfermement et de l’hôpital – au sens que l’on donnait à ce mot au xviiie siècle, c’est-à-dire un dépôt de mendicité où se trouvaient jetés sans distinction ceux que l’on appelait alors les aliénés, mais aussi les criminels et les miséreux – n’existent actuellement dans aucun pays du monde et je n’ose croire qu’ils puissent voir le jour, bien qu’on nous annonce la création prochaine de 700 places dans ce type d’institution. Que l’on envisage, au xxie siècle, d’en revenir à des pratiques que la psychiatrie et la doctrine pénaliste, sous l’influence de la philosophie humaniste, ont rejetées il y a deux cents ans en différenciant la pathologie mentale de la délinquance, en dit long sur vos errements psychologiques et politiques.
J’en viens, enfin, aux propos que vient de tenir M. Bénisti. S’il fallait une seule raison pour s’opposer au partage du secret médical, notre collègue vient de nous la donner en révélant, sous couvert de l’immunité parlementaire, les informations contenues dans le dossier médical d’un malade mental – seul le nom de la personne concernée, réduit à son initiale, ayant été maintenu secret. Vous semblez fier de ce que vous avez fait, monsieur Bénisti.
Pour poursuivre l’action engagée, le projet de loi que nous allons voter s’inscrit dans la continuité de nos objectifs et des attentes des Français, lassés du laxisme de la gauche. Entre mai 2002 et avril 2006, la délinquance a reculé de 8,8 %, alors qu’elle avait augmenté de 14,5 % entre 1998 et 2002. Les chiffres le prouvent, la majorité actuelle n’a pas fait semblant d’agir !
Pour la sécurité des Français, il faut aussi agir en amont, prendre le mal à la racine. Aujourd’hui, après avoir tenu ses engagements, M. le ministre d’État nous demande d’aller encore plus loin. La LOPSI est dans sa cinquième et dernière année d’application. Pour la première fois, une loi de programmation aura été entièrement respectée. Après avoir obtenu les moyens de mieux sanctionner, nous allons également être mieux équipés pour la prévention de la délinquance.
Le projet de loi qui nous est soumis se veut avant tout réaliste et pragmatique. Il a vocation à prévenir la délinquance que subissent les Français au quotidien, du trouble de voisinage à la femme battue en passant par les mineurs récidivistes, cette délinquance étant combattue sous toutes ses formes grâce à des actions efficaces. Nous démontrons ainsi aux socialistes que la sécurité des Français ne se résout pas en tournant le dos aux problèmes.
Au premier rang des points forts de ce projet figure le rôle enfin attribué aux maires, dont je me félicite. Véritables élus de terrain et symbole de proximité, ils voient à juste titre leurs pouvoirs multipliés. Ainsi, ils seront chargés de l’animation et de la coordination de la politique de prévention et pourront saisir le juge des enfants en matière de tutelle des prestations familiales.
Nous pouvons également nous féliciter que ce projet de loi mette le travail d’équipe à l’honneur. Les acteurs politiques et sociaux pourront enfin travailler main dans la main. Ils détecteront mieux les malaises pour aider les personnes en difficulté, les empêchant d’entrer dans le cercle vicieux de la délinquance. Contrairement à la gauche, nous refusons de considérer que la délinquance est une fatalité !
J’attire l’attention de M. Blisko sur le fait que M. Bénisti n’a cité aucun nom. (« Encore heureux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) N’est-il plus possible d’évoquer, dans cet hémicycle, des faits concrets ayant eu pour conséquence la mort d’une personne ? Il me semble au contraire que l’exposé de telles situations peut guider notre réflexion.
Le projet vise également à adopter un dispositif plus ferme à l’égard des délinquants multirécidivistes. Les juges qui auront à les condamner devront spécialement motiver leurs choix relatifs à la nature de la peine, à sa durée ou à son régime. C’est, là aussi, aller dans la bonne direction, même si j’aurais souhaité, pour ma part, que l’on aille un peu plus loin.
La gauche a pratiqué jusqu’en 2002 la politique de l’autruche sur les réalités de la délinquance. Nous, nous avons sorti la tête du sable pour voir les problèmes en face et les résoudre ! Avec ce projet de loi, la sécurité des Français est notre priorité et, dans ce domaine, les résultats sont plus rassurants que les belles paroles. Au moment où nos chers collègues socialistes proposent aux Français de remettre en place la fameuse police de proximité, dont l’inefficacité n’est pourtant plus à démontrer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous proposons de leur garantir une sécurité de proximité.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je voterai pour la deuxième fois ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.
Je remercie M. Artigues d’avoir souligné combien il importe de lier l’action de la police à l’évolution de la délinquance et de pratiquer une politique globale de la chaîne pénale associant police et justice. Il a également affirmé que la détention des mineurs n’était pas une réponse appropriée en toutes circonstances. Pour répondre à sa question portant sur le nombre d’établissements ouverts, je précise que 24 centres d’éducation fermés ont été créés depuis 2002 ; 12 autres le seront à la fin de 2007 et compte tenu de ceux qui seront opératoires en 2008, ce sont en tout 46 centres qui auront été ouverts, ce qui correspond à la création de 500 places pour mineurs.
M. Artigues a enfin indiqué que l’UDF est favorable aux nouvelles attributions des maires et aux dispositions qui leur donnent accès à certaines informations, ce dont je le remercie. Nombre d’amendements déposés tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale ont d’ailleurs été inspirés par l’Association des maires de France. Je me félicite que l’UDF voie dans ce texte une « boîte à outils » de nature à renforcer nos politiques de prévention.
Contrairement à ce que pense M. Braouezec, ce texte ne stigmatise personne : il s’agit simplement de mieux coordonner les interventions des travailleurs sociaux.
Concernant les fichiers relatifs à l’absentéisme scolaire, il s’agit simplement, monsieur Zanchi, de permettre aux maires d’exercer efficacement une responsabilité qui leur incombe déjà en matière de respect de l’assiduité scolaire. L’absentéisme est souvent le premier signe de la dérive d’un enfant. Vous semblez avoir oublié qu’aux termes de l’article L. 131-6 du code de l’éducation, les maires sont chargés de dresser la liste de tous les enfants résidant dans leur commune et soumis à l’obligation scolaire. La combinaison de ces dispositions ne permet pas de lutter efficacement contre l’absentéisme scolaire. La proportion d’élèves absents non régularisés varie de 2 % à 5 % des effectifs. En novembre 2005, elle dépassait 13 % dans un établissement sur dix. Ne faut-il donc rien faire contre ce phénomène ?
Pour le reste, je remercie MM. Goasguen, Bénisti et Mariani d’avoir soutenu une fois de plus ce texte de prévention au nom du groupe UMP.
J’aurais aimé, monsieur Houillon, tout en saluant le travail exceptionnel accompli par la commission des lois à l’Assemblée nationale, que vous puissiez proposer une traduction française de cette expression.
Pour conclure, vous avez fort justement souligné, messieurs Goasguen, Bénisti et Mariani, que, contrairement à ce que certains orateurs du groupe socialiste ont laissé entendre, ce texte ne comporte aucune aggravation de peines pour les mineurs. Il n’y a que des mesures d’accélération. En fin de législature, il était souhaitable de s’en tenir là.
Pour autant, comme le ministre de l’intérieur et un certain nombre de députés de la majorité, je souhaite que, dans le cadre de la prochaine législature, nous puissions aller plus loin.
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
Mais il a suffi que l’ensemble des organisations de malades et des organisations professionnelles du secteur psychiatrique fassent savoir que ces dispositions étaient inacceptables pour que votre ministre candidat décide de les retirer. Il a été obligé de constater que des dizaines de milliers de personnes exprimaient des inquiétudes sur la conception des libertés publiques et de la déontologie professionnelle que vous vouliez leur imposer en faisant des malades des délinquants et des soignants des auxiliaires de l’ordre public. Or, en dépit des regrets de certains d’entre vous, les soignants ne peuvent pas être intégrés dans les troupes du ministère de l’intérieur. N’oubliez pas de prendre en compte cet aspect du problème lorsque vous supprimerez des postes de fonctionnaires ! Sachez-le, vous ne pourrez pas transformer tous les médecins en policiers ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Beaucoup de choses ont été dites au cours de ce débat. On a vu le ministre de l’intérieur se lancer dans des rodomontades sur la réforme de l’ordonnance de 1945, comme si, en tant que ministre en exercice, il n’avait pas eu le pouvoir de la mener, comme si les parlementaires n’avaient pas eu la possibilité d’amender le texte !
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, n° 3567, relatif à la prévention de la délinquance :
Rapport, n° 3674, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton