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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 13 février 2007

137e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1. Convocation du Parlement en Congrès

2. Questions au Gouvernement

banlieues

MM. Pierre Bourguignon, Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

moulinex

MM. Claude Leteurtre, Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

avenir d’airbus à méaulte

MM. Maxime Gremetz, François Loos, ministre délégué à l’industrie.

rénovation urbaine

MM. Jean-Pierre Nicolas, Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

désendettement

MM. Jacques Remiller, Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

remplacement des professeurs absents

MM. Jean-François Régère, Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

suppressions d’emplois chez alcatel-lucent

MM. Alain Gouriou, François Loos, ministre délégué à l’industrie.

réduction des tarifs des péages
pour les véhicules propres

MM. Jean-Marie Sermier, Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

sommet afrique-france

M. Jacques Godfrain, Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

hospitalisation d’office

MM. Serge Blisko, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

application de la loi
en faveur des personnes handicapées

MM. Gérard Cherpion, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

bilan de la politique de l’emploi

MM. Bernard Perrut, Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

Suspension et reprise de la séance (p.

3. Prévention de la délinquance. – Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (nos 3567, 3674)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois.

exception d’irrecevabilité

Exception d’irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jean-Pierre Blazy, Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. – Rejet.

discussion générale

MM. Gilles Artigues,

Patrick Braouezec,

Claude Goasguen,

Lilian Zanchi,

Jacques-Alain Bénisti,

Serge Blisko,

Thierry Mariani.

Clôture de la discussion générale.

M. le ministre délégué.

M. le président de la commission des lois.

motion de renvoi en commission

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jean-Marie Le Guen, le ministre délégué. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

convocation du parlement en congrès

M. le président. M. le Président de la République m’a fait savoir qu’il avait convoqué le Congrès du Parlement le 19 février afin de lui soumettre trois projets de loi.

Le Congrès sera réuni à Versailles le 19 février, à partir de 11 heures.

L’ordre du jour est ainsi fixé :

Le matin, vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif au corps électoral en Nouvelle-Calédonie.

L’après-midi, vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif au statut pénal du chef de l’État, puis vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’interdiction de la peine de mort.

Il est pris acte de cette convocation.

2

Questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

banlieues

M. le président. La parole est à M. Pierre Bourguignon.

M. Pierre Bourguignon. Ma question concerne la banlieue, et donc tous les habitants de la République. En effet, la banlieue concentre tous les aspects de la vie urbaine, des plus positifs et des plus dynamiques – c’est là que s’installent les nouveaux centres de recherche, publique ou privée ou les nouvelles formes culturelles d’expression, mais aussi les multiplex – aux plus négatifs, notamment les difficultés sociales les plus graves, qui s’y accumulent d’année en année.

La semaine dernière a été publié un manifeste des villes de banlieue, à l’initiative de centaines de maires de gauche, du centre et de droite, membres de l'association  Ville et Banlieue, que j'ai l'honneur de présider. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous y faisons douze propositions aux candidats à la présidentielle.

Mais c’est le Gouvernement que l’actualité m’amène aujourd'hui à interroger.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le Premier ministre n’est pas candidat !

M. Pierre Bourguignon. S'agissant des difficultés de logement, ma question porte sur un cas très précis. Je viens d'apprendre que des bungalows susceptibles d'accueillir des SDF vont être installés dans des villes de la banlieue parisienne où le taux de logements sociaux dépasse déjà les 30 %, telles que Créteil, Ivry, Limeil-Brévannes, Montreuil, sur des terrains de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris, sans aucune concertation avec les maires, sans accompagnement social et au mépris des règles d'urbanisme. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le Gouvernement a-t-il décidé de renouer avec la politique des cités d'urgence ? Est-ce là la solution que vous proposez à ceux qui campent dans Paris : ajouter une nouvelle difficulté sociale à la charge des communes qui en sont déjà accablées ? (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous prie de poser votre question, monsieur le député.

M. Pierre Bourguignon. Elle est déjà posée au tiers, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mais votre temps est écoulé !

M. Pierre Bourguignon. En matière de sécurité, pouvez-vous nous dire ce que la suppression de la police de proximité a apporté à nos banlieues, qui ont un si grand besoin de calme et de compréhension ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il est vrai, étant donné la nature de cette question, que M. Borloo ou Mme Vautrin auraient aussi bien pu répondre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Mais le maire de Neuilly est tout particulièrement qualifié pour parler des banlieues !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il faut dire d’abord que les banlieues ne doivent pas être un enjeu politicien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le problème est suffisamment sérieux pour que ceux qui n’ont rien fait pour elles ne s’affichent pas ainsi en donneurs de leçons, eux qui en auraient tant à recevoir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Sortez le Kärcher !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je me garderai de répondre sur le logement. Je peux simplement dire que l’action qui a été menée par Dominique de Villepin et Jean-Louis Borloo en la matière a permis à la France de disposer enfin d’une politique dynamique de construction de logements sociaux (« À Neuilly ! À Neuilly ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) … que la gauche avait totalement laissés en déshérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette action est à ce point remarquable que le porte-parole du parti socialiste – on ne saurait être plus autorisé – a confirmé que si, par impossible, ils remportaient les élections, ils s’empresseraient de maintenir l’ANRU : c’est rendre hommage à l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Kucheida. L’ANRU, c’est du bidon !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je répondrai en un mot à votre question sur la police de proximité, qui trahit une honnêteté, doublée d’un soupçon de naïveté, à laquelle il faut rendre hommage. Si cette police de proximité était si remarquable, on se demande bien pourquoi les Français, y compris ceux des quartiers, ont condamné votre politique, exaspérés qu’ils étaient par l’insécurité. La délinquance a augmenté de 14 % avec la police de proximité. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Les violences aux personnes ont augmenté sous votre ministère !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Vous me demandez donc de renouer avec une politique qui a permis à la France de franchir pour la première fois dans l’histoire de la République la barre des quatre millions de crimes et délits. (« Mensonges ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

La stratégie que nous avons mise en place, Dominique de Villepin et moi-même, a fait reculer la délinquance de 9 %. (Mêmes mouvements.)

M. Jean Glavany. À Argenteuil ou à Neuilly ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je propose au parti socialiste la stratégie suivante pour gagner les élections : qu’il promet à la France de faire en matière de sécurité ce que Jospin avait fait.

Mme Martine David. M. Jospin !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce serait un excellent message, qui permettrait un grand débat républicain : les Français trancheraient entre le retour en arrière que vous préconisez, et la poursuite d’une politique de sécurité que nous proposons. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Voilà un premier débat posé : décidément, nous ne sommes vraiment pas d’accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Moulinex

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Claude Leteurtre. J’associe à ma question tous les députés du Calvados et de Basse-Normandie. Monsieur le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, Moulinex fermait ses portes en septembre 2001, provoquant le licenciement de 3 700 salariés bas normands. La semaine dernière, devant 597 anciens salariés des usines Moulinex, le conseil des prud'hommes examinait l’action que ceux-ci ont engagée contre leur ancien employeur afin de connaître, comme il est légitime, la vérité sur la gabegie financière qui a entraîné la faillite d'un des fleurons de notre industrie, ainsi que le sort qui serait réservé à leur demande d'indemnisation. Le tribunal ne rendra son jugement qu'en septembre 2007, soit six ans tout juste après le dépôt de bilan.

À ce propos, je vous fais juge de l'attitude du dernier président-directeur général du groupe, qui a poussé l’indécence à son comble en ayant le culot de demander 176 000 euros d'indemnité pour cause de licenciement économique, alors qu’il est mis en examen dans cette affaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En tant qu’élu du département des Vosges, lieu d'implantation d'usines du groupe SEB, qui a bien profité de cette liquidation, le ministre chargé du dossier à l'époque aurait dû être particulièrement sensibilisé au problème. Pourtant, faisant fi de nos alertes, il n'a pas mis sur la table les moyens nécessaires. À ce jour, beaucoup trop d'anciens salariés du groupe – souvent des femmes dont la situation est fragile – ne se sont vu offrir aucune solution véritable. Les situations dramatiques où se débattent nombre d'ex-Moulinex posent la question de l'efficacité des cellules de reclassement.

La question de L'UDF est double, monsieur le ministre : quels est le bilan du reclassement des licenciés de Moulinex et selon quels critères les résultats des cellules de reclassement ont-ils été évalués ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, la faillite de Moulinex en septembre 2001 s’est révélée une catastrophe industrielle, particulièrement en Basse-Normandie, où 2 880 salariés ont perdu leur emploi, auxquels il faut ajouter 700 licenciés chez les sous-traitants.

Un plan d’accompagnement et de reclassement des salariés d’un montant de cent millions d’euros a été mis en place, dont les résultats ont été évalués le 30 juin dernier. Selon ce bilan, 1 438 salariés ont trouvé une solution d’emploi…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quels emplois ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.via la création d’entreprises, des CDI ou des CDD d’une durée supérieure à six mois ; 1 375 salariés ont bénéficié de dispositifs sociaux, qu’il s’agisse de mesures d’âge, d’allocations « travailleur de l’amiante » ou autres. La revitalisation économique de la région a bénéficié d’une enveloppe de 111 millions d’euros ; le nombre d’emplois créés en Basse-Normandie a été estimé à 4 123. Au cours de la dernière année, le taux de chômage y a d’ailleurs, comme dans l’ensemble de la France, baissé de 10 %, pour atteindre 8,2 % à la fin de l’année.

Ces dispositifs ont notamment bénéficié au secteur agroalimentaire de la ville de Falaise, que vous connaissez bien, et qui avait été particulièrement touchée : 116 emplois à Normandie Plats Cuisinés, 46 à Tartefrais, 39 à COMESOAP. Je vous fais remarquer, ainsi qu’à M. Lefranc, que jamais le contrat de plan État-région n’a consacré des moyens aussi importants au dynamisme économique et au développement de l’emploi dans votre département et dans l’ensemble de la région Basse-Normandie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bernard Roman. Et ailleurs ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je voudrais enfin évoquer en un mot la situation des anciens salariés du site d’Euromoteurs de Saint-Lô, victimes des conséquences indirectes du dépôt de bilan de Moulinex. Je suis allé les rencontrer sur place vendredi dernier, et je me suis engagé auprès d’eux, au nom du Gouvernement, à accompagner leur reclassement et à favoriser la revitalisation de ce territoire, en accord avec les élus de la Manche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

avenir d'Airbus à Méaulte

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, la semaine dernière nous vous avons alerté, avec mon collègue Demilly, sur l'avenir de l'aéronautique, en particulier sur celui du site d’Airbus à Méaulte, mais la réponse que vous nous avez faite est malheureusement dénuée de tout contenu.

L'inquiétude et la colère ne cessent de grandir chez les salariés d'Airbus et d’EADS comme chez leurs sous-traitants.

Vous devez connaître aujourd’hui le détail du plan « Power 8 », qui prépare une nouvelle saignée industrielle et humaine, par l’abandon de certains sites d'Airbus, la délocalisation d’activités, la réduction de 80 % du nombre des sous-traitants, et en faisant peser sur certains services internes une menace d’externalisation. L’objectif est de réduire les coûts de cinq milliards d'euros d'ici 2010 et de deux milliards par an ensuite

C'est toute une branche industrielle qui est menacée par les orientations plus financières qu'industrielles des actionnaires d'EADS.

Un député du groupe des député-e-s communistes et républicains. Il a raison !

M. Maxime Gremetz. Ceux-ci recherchent la rentabilité maximale, au détriment de la production : en témoigne l'attitude de Lagardère et Daimler-Chrysler qui profitent de cette situation pour dilapider la trésorerie du groupe.

Monsieur le ministre, vous devez tout de même savoir ce que vous allez dire aux représentants des organisations syndicales, notamment du site de Méaulte, quand vous les recevrez cet après midi : dites-le nous, au lieu de vous dérober une nouvelle fois.

Les salariés d’Airbus de Toulouse, de Nantes, de Saint-Nazaire et de Méaulte attendent un engagement fort de l’État.

M. Richard Mallié. La question !

M. Maxime Gremetz. Le Gouvernement va-t-il, oui ou non, prendre ses responsabilités et accroître le rôle de l’État dans le capital pour garantir le développement industriel, et non financier, du secteur aéronautique, en préservant tous les sites de notre pays ?

Monsieur le ministre, alors que le carnet de commandes est plein pour les cinq prochaines années, le Gouvernement va-t-il résister aux requins de la finance ou céder et signer un nouvel abandon de la politique industrielle et technologique française, laissant ainsi détruire l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur Gremetz, votre question est très importante et pertinente et je sais que vous êtes, en tant qu’élu de la Somme, particulièrement attentif à la situation de l’emploi dans votre département. J’ai déjà eu l’occasion, la semaine dernière, d’aborder ce sujet avec M. Demilly et je dois en effet rencontrer tout à l’heure les syndicats.

Aujourd’hui, EADS a une charge de travail très importante, avec la production de l’A 320, le projet d’A 380 – dont chacun sait que le retard aura pour le groupe des conséquences qui seront au moins financières – et la décision, dont nous nous réjouissons, de se lancer dans l’A 350, qui donne des perspectives à l’ensemble du groupe, et notamment à toute l’activité Airbus.

Ces choix impliquent des décisions industrielles, et le groupe doit aujourd’hui choisir où il développera quoi pour fabriquer l’A 350 dans les prochaines années. Il faut, pour cela, une concertation étroite avec les syndicats et entre les syndicats français et les syndicats allemands, qui se sont rencontrés hier.

Il faut une vision équitable de ce qui se fera en France et en Allemagne. Le Premier ministre en a parlé avec la chancelière Merkel. Il a reçu M. Gallois, qui est aujourd’hui reçu par la ministre allemande de l’économie. La concertation, qui est parfaitement au point à ce niveau, doit maintenant avoir lieu avec les élus locaux. EADS s’y engage et, bien évidemment, nous y tenons beaucoup. Vous y serez donc associés dans le département de la Somme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rénovation urbaine

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine fête ses trois ans d’existence.

Cette agence, vous l’avez voulue avec une détermination et une force de tous les instants, pour qu’elle soit l’outil déterminant du programme national de rénovation urbaine qui constitue l’un des piliers de la politique de cohésion sociale engagée par le gouvernement de Dominique de Villepin.

Chacun sur ces bancs sait en effet que le logement peut être un terrible discriminant social, qu’il peut même humilier, mais qu’il peut être également un formidable ascenseur social. L’action de l’Agence vise donc à rénover en profondeur les quartiers les plus en difficulté par la réalisation de constructions neuves, la démolition de logements, leur réhabilitation et l’amélioration ou la création d’espaces ou d’équipements de proximité.

Cette action commence à porter ses fruits, pour le mieux-être des habitants de ces quartiers – si j’en juge, monsieur le ministre, par ce que je constate chaque jour à Évreux, dans ce quartier de la Madeleine que vous connaissez bien et qui est en train de changer d’âme sous l’impulsion du maire.

Avec ses partenaires, et notamment l’UESL, la Caisse des dépôts et consignations et la Caisse de garantie du logement social, l’État a doté l’Agence de moyens financiers exceptionnels, jamais mobilisés jusqu’alors. Si mes renseignements sont justes, l’État renforcera encore sa participation dans le cadre du projet de loi instituant le droit opposable au logement.

Ce sont ainsi près de 35 milliards qui seront consacrés à ce véritable devoir national que constitue la rénovation urbaine de quelque 500 quartiers.

Certes, les financements sont indispensables à ces objectifs, mais encore faut-il que les collectivités et les bailleurs sociaux aient la capacité de réaliser ces programmes. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, éclairer la représentation nationale sur la situation actuelle de ce chantier prioritaire de la République et ses perspectives à court et moyen terme ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Nicolas, le « plan Marshall » des banlieues dont on entendait parler depuis trente ans, ce grand plan destiné à casser une fois pour toutes, dans notre pays, la ségrégation territoriale qui a entraîné des ségrégations sociales, un habitat différent de ce qu’il est ailleurs et le développement d’une culture, d’une économie et parfois même d’une justice propres aux quartiers, consiste à transformer intégralement l’habitat en mettant en place une voirie, des espaces publics et des équipements publics, en rasant ce qui doit être rasé pour ouvrir ou améliorer l’habitat. Voici quel est aujourd’hui l’état de ce plan de rénovation urbaine : 450 des 500 quartiers sont en chantier. Dans 450 quartiers de France, l’amélioration et la rénovation sont en cours et les grues sont à l’œuvre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le montant de ce programme a été porté à 35 milliards d’euros. Le comité d’évaluation et de suivi qui s’est réuni voici un mois a indiqué que ce programme était aujourd’hui un succès et je remercie ceux de nos amis socialistes qui ont déclaré que si – par extraordinaire – ils parvenaient au pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ils maintiendraient l’Agence nationale de rénovation urbaine, qui est un outil très attendu.

Certes, monsieur le député, le travail est très difficile. La semaine dernière, 2 300 maires et représentants des directions départementales de l’équipement, des SA et offices d’HLM se sont réunis pendant deux jours à Paris pour échanger leur expérience à propos de ces quartiers.

Ce programme ne sera plus arrêté. Dans un quart de ces quartiers déjà la vie a changé, le sourire est revenu sur le visage des mamans et des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le député, ce programme, qui met en œuvre des chantiers dans 500 endroits en même temps, est le plus grand chantier civil lancé dans notre pays depuis le début de ce siècle. Il repose sur les maires, sur les HLM et, bien entendu, sur l’État qui l’a imaginé.

M. Albert Facon. Prêcheur ! Vous finirez au Vatican !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ce programme ne s’arrêtera pas, quelles que soient les vociférations ou les postures, parce que c’est un programme républicain qu’il fallait enfin lancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Désendettement

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller.

M. Jacques Remiller. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général du budget et président du comité des finances locales, estimait récemment que « le rétablissement des comptes publics s’impose à nous. La dette accumulée depuis vingt-cinq ans n’autorise plus aucune dérive, si l’on ne veut pas laisser un fardeau insupportable aux générations futures, confrontées de surcroît au défi du vieillissement de la population. ». (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ne vociférez pas, vous qui avez endetté la France depuis vingt-cinq ans et dont le seul programme est de continuer à le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Carrez poursuit : « Le rétablissement est possible et, loin d’être le signe d’une politique de rigueur, il est lui-même créateur de richesse et de croissance, tant le poids des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires handicape aujourd’hui le développement de notre pays et tire vers le bas le pouvoir d’achat ».

Hier, la deuxième conférence nationale des finances publiques s’est tenue à Bercy en présence des élus, des partenaires sociaux, des représentants de l’État et de la sécurité sociale. L’objectif de cette conférence était de faire prendre conscience aux Français de la nécessité du désendettement et de faire le point sur la stratégie de désendettement mise en œuvre par le gouvernement de Dominique de Villepin à la demande du Président de la République.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles sont les propositions qui ont été retenues lors de cette conférence pour désendetter notre pays ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je vous remercie d’avoir souligné l’importance de la deuxième conférence nationale des finances publiques, qui s’est tenue hier à Bercy sous la présidence du Premier ministre, en présence de l’ensemble des organisations syndicales et de l’ensemble des acteurs de la dépense publique,…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allez vous faire élire !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …ainsi que de l’ensemble des représentants des collectivités locales, qu’il s’agisse des départements, des régions ou des communes.

M. Albert Facon. Il n’a jamais été élu et ne le sera jamais !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous avons, dans un premier temps, entendu les conclusions du rapport de Gilles Carrez sur le désendettement et le vieillissement auxquels la nation doit impérativement faire face.

Le vieillissement suppose désormais la maîtrise de nos dépenses publiques et, comme l’ont validé l’ensemble des acteurs présents, une politique vigoureuse de désendettement, conformément aux orientations du rapport Pébereau et aux engagements de la France à l’égard du programme de stabilité et de croissance. En effet, comme cela a été validé en 2005 et en 2006, la France s’est engagée dans la voie d’une politique vigoureuse de désendettement,…

M. François Hollande. C’est faux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …pour atteindre à l’horizon 2010, comme l’a rappelé Gilles Carrez, la stabilité budgétaire,…

M. Augustin Bonrepaux. Vous vous moquez du monde !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …et faire passer l’endettement sous la barre des 60 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La Commission européenne l’a confirmé et a décidé, je le rappelle, de faire en sorte que la France ne soit plus désormais en infraction par rapport à la Communauté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Remplacement des professeurs absents

M. le président. La parole est à M. Jean-François Régère.

M. Jean-François Régère. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, les parents d’élèves sont, comme vous le savez, très attachés à la réussite de leurs enfants et sont donc particulièrement attentifs aux conditions de leur scolarité, notamment à la présence continue des enseignants. Les absences de certains de ceux-ci suscitent toujours de vives inquiétudes des parents, surtout lorsque leurs enfants préparent des examens et que les programmes doivent être absolument terminés pour que ces élèves aient toutes les chances de réussir. C’est une question d’équité et d’égalité des chances. Il y va, en outre, de l’image, de la qualité et de la continuité de ce service public dont vous ne manquez pas une occasion, monsieur le ministre, de promouvoir la modernité et l’efficacité.

En ce sens, vous avez décidé, dès la rentrée de 2005, de mettre en place un nouveau dispositif de remplacement pour que les absences inférieures à quinze jours soient suppléées par les professeurs de l’établissement.

Pouvez-vous préciser quelle a été l’efficacité de ce dispositif et nous indiquer si vous avez prévu les moyens nécessaires à son maintien et à son amélioration ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Jean-François Régère, il est vrai que les parents sont en droit d’attendre que leurs enfants suivent tous les cours, toute l’année scolaire. Quand je suis arrivé au ministère, le Premier ministre et la majorité parlementaire m’ont demandé d’établir un dispositif de remplacement des absences de courte durée. Je l’ai mis en place sur la base du volontariat et avec des mesures incitatives – le paiement en heures supplémentaires, ce qui est bien normal, des enseignants qui assurent ces remplacements. Il y avait à l’époque, mesdames, messieurs les députés, 2 millions d’heures d’absence prévisibles (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), soit 2 millions d’heures non suivies par les enfants ! 2 millions d’heures pendant lesquelles ils étaient en classe avec un maître absent ! Grâce aux mesures que nous avons prises, avant même la fin de l’année 2006, 1 million d’heures étaient déjà remplacées.

Devant ce demi-succès – puisque 1 million sur 2, c’est la moitié –, j’ai décidé de fixer des objectifs plus ambitieux encore pour l’année scolaire 2006-2007 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et 61 millions d’euros ont été budgétés à cette fin. Il s’agit de faire remplacer 1 500 000 d’heures d’absences de courte durée. Monsieur Régère, à l’heure où nous parlons, à la moitié de l’année scolaire, je peux vous assurer que cet objectif sera atteint, c’est-à-dire que trois heures d’absence de courte durée sur quatre seront remplacées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mesdames, messieurs les députés, quand on fait appel aux enseignants, à leur sens de l’intérêt général, à leur sens du service public, on n’est jamais déçu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

suppressions d’emplois
dans le groupe alcatel-lucent

M. le président. La parole est à M. Alain Gouriou, pour le groupe socialiste.

M. Alain Gouriou. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, la direction d’Alcatel-Lucent vient d'annoncer la suppression de 12 500 emplois pour l'ensemble du groupe, quelques semaines seulement après la fusion entre le groupe français Alcatel et le groupe américain Lucent Technologies, officialisée le 1er décembre 2006.

Selon un procédé désormais bien connu, le groupe Alcatel-Lucent rejoue le scénario du pire : il met l'accent sur des résultats inférieurs aux prévisions pour 2006, mais toujours bénéficiaires et permettant le versement d'un dividende aux actionnaires, et la principale variable d'ajustement utilisée est une fois de plus la suppression massive d'emplois.

M. Maxime Gremetz. Et voilà !

M. Alain Gouriou. La fusion entre Alcatel et Lucent avait été présentée comme porteuse d'espoir,…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tu parles !

M. Alain Gouriou. …les complémentarités entre les deux groupes apparaissaient nombreuses ; or, dès la présentation de la fusion, en avril dernier, était annoncée la suppression de 9 000 emplois. Il s'agit maintenant de supprimer 12 500 emplois, soit 16 % des effectifs du groupe.

M. Maxime Gremetz. C’est un scandale !

M. Alain Gouriou. Le mariage tourne au cauchemar, d'autant plus que ce plan de suppressions d'emplois concerne à 90 % les pays d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord.

Le groupe Alcatel-Lucent emploie 12 000 personnes en France, dont 2 000 pour le seul Grand Ouest, et, ce matin, la direction a annoncé la suppression de 1 500 emplois dans notre pays. Avec de telles saignées, on peut s'interroger sur la survie de ces sites. L'équilibre des bassins d'emplois est gravement compromis. Les salariés d’Alcatel n'en peuvent plus de ces suppressions massives d'emplois à répétition. Les industries d'équipement des télécommunications se réduisent comme peau de chagrin : entre 1995 et 2006, chez Alcatel, plus de 55 000 postes ont été supprimés ; Nortel vient d'annoncer la suppression de 2 900 postes ; l'ex-Sagem voit ses activités de télécommunications remises en cause. Tout cela signifie un nombre important de suppressions d'emplois sur le territoire national. Cette situation, monsieur le Premier ministre, ne contribue-t-elle pas à aggraver le déficit commercial record de 29 milliards d’euros que connaît la France après cinq ans de gouvernement de droite ?

M. le président. Monsieur Gouriou, je vous prie de poser votre question.

M. Alain Gouriou. Il y a quelques années,…

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

M. Alain Gouriou. …M. Tchuruk souhaitait une entreprise sans usines ; aujourd’hui, Mme Russo, patronne américaine du nouveau groupe Alcatel-Lucent, envisage-t-elle une entreprise sans salariés ?

Monsieur le Premier Ministre (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), êtes-vous en mesure de définir la politique industrielle de votre gouvernement (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) dans ce secteur stratégique des télécommunications ?

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures envisagez-vous pour vous opposer à cette suppression d’emplois et pour maintenir le potentiel industriel et de recherche de l’économie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur Gouriou, vous éprouvez évidemment, comme beaucoup d’élus et comme les personnels d’Alcatel-Lucent, une certaine crainte devant la situation que connaît ce grand groupe. Il est vrai que les annonces qui ont été faites sont sources d’inquiétude dans tous les sites que vous avez cités.

M. Jérôme Lambert. Il y a de quoi !

M. le ministre délégué à l’industrie. Néanmoins, aujourd’hui, Alcatel-Lucent, grâce à cette fusion, est devenu le premier équipementier mondial. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous avons évidemment à cœur que notre politique industrielle permette à des entreprises françaises de bénéficier de la mondialisation (Mêmes mouvements) quand elles font des produits aptes à se classer dans la compétition mondiale !

Cela dit, le problème que vous évoquez est sérieux et nous attendons d’Alcatel-Lucent qu’il prenne les décisions adéquates : premièrement, il faut établir un objectif de reclassement de tous, si possible basé sur le volontariat ; de plus, le groupe doit maintenir en France le potentiel scientifique et industriel de ses sites. Il faut qu’Alcatel-Lucent maintienne en France ses sites industriels ! Tout cela nécessite une concertation importante, qui a lieu en ce moment même au comité d’entreprise du groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

réduction des tarifs des péages
pour les véhicules propres

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe UMP.

M. Jean-Marie Sermier. Ma question s'adresse au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Un député du groupe socialiste. Ah bon, il y en a un ?

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le ministre, le transport routier, comme vous le savez, est à l'origine d'environ un cinquième des émissions de CO2 en France et en Europe. Sur cette part, 12 % sont imputables aux seules voitures particulières. Bien que la technologie automobile se soit considérablement améliorée au cours des dernières années, notamment en matière de rendement énergétique, les réductions des émissions de CO2 rendues possible par ces progrès n'ont pas suffi à contrebalancer les effets de l'augmentation du trafic et de la taille des voitures.

Dans le cadre général de la politique de réduction des émissions, vous avez confié, en octobre dernier, à l'ancien pilote de Formule 1 Jean-Pierre Beltoise, le soin de vous faire des propositions pour inciter nos concitoyens à utiliser les véhicules les plus propres, en envisageant notamment une modulation des tarifs des péages d'autoroute en fonction du caractère plus ou moins polluant des voitures.

Il vous a remis son rapport la semaine dernière.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler les propositions de M. Beltoise ? Dans quelle mesure pourraient-elles être mises en œuvre, et, surtout, quels bénéfices qualitatifs pouvons-nous en attendre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur Jean-Marie Sermier, les transports représentent près de 25 % du total des émissions de CO2, dont le trafic routier pour deux tiers. Depuis plusieurs années, des mesures réglementaires limitant le niveau de pollution ont été prises au niveau national et au niveau européen, et des incitations fiscales à l’achat de véhicules propres ont été mises en place par le Gouvernement.

Mais il m’a semblé utile de réfléchir à une autre manière d’inciter les particuliers et les entreprises à s’orienter vers des véhicules moins polluants, et ce à travers la modulation des montants des péages, donc du coût d’utilisation des véhicules. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Jean-Pierre Beltoise d’y réfléchir et de rencontrer l’ensemble des acteurs du transport routier. Il m’a fait des propositions qui se résument en quatre points.

Tout d’abord, il faut que la loi permette de moduler le montant des péages, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut donc, par un très court texte, rendre possible cette modulation.

Deuxièmement – on entre ici dans le vif du sujet –, il me propose, pour les véhicules particuliers, de nous orienter vers un système de badge comparable à celui du télé-péage, pour que l’indication du niveau de pollution soit à la fois certaine et facile à démontrer au moment du passage du péage.

S’agissant des poids lourds, il préconise une réduction de 20 % du niveau de péage lorsqu’ils répondent à la norme Euro 4 ou Euro 5.

Enfin, pour les véhicules particuliers, il recommande que la même réduction de 20 % soit appliquée dès lors qu’ils émettront moins de 130 grammes de CO2 par kilomètre parcouru. Cet objectif est une incitation à aller plus vite que ce que la Commission nous a suggéré il y a quinze jours –, soit une moyenne de 130 grammes en 2012.

Je pense que ces deux dispositifs pourront être mis en place au début de 2008. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

sommet afrique-france

M. le président. La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain. Madame la ministre de la coopération, dans quelques jours, vous allez participer au sommet France-Afrique, aux côtés du Président de la République. Ce ne sera pas un sommet comme les autres : il n’y aura pas que des gouvernants, que des chefs d’État ou de gouvernement, mais aussi, à leurs côtés, l’Afrique qui réussit : des chefs d’entreprise, des présidents d’association, d’ONG, témoins d’une Afrique qui évolue et dont ils sont les acteurs. En effet, les Africains en ont assez de l’image qui est donnée de leur continent, une image de corruption, de guerres civiles, d’endémies. Ce sommet sera une belle réponse à tous ceux qui désespèrent de l’Afrique.

Le Président de la République a toujours joué un rôle moteur dans les progrès très importants du développement et de l’aide à ce développement. L'objectif de 0,7 % du PIB pour l’aide, les billets d’avions taxés…

M. Michel Lefait. Sauf les siens !

M. Jacques Godfrain. …pour lutter contre les grandes pandémies, et, sur le plan du commerce international, la défense des cours des matières premières, en particulier celui du coton : tout cela est dû entre autres aux efforts conduits par le Président de la République.

Madame la ministre, la France d’aujourd’hui est très attachée à sa politique de coopération ; on le voit dans les plus petits villages de France, où les ONG et les associations sont au coude à coude. La coopération décentralisée est un succès.

Je vous demande donc de nous préciser où nous en sommes en matière de politique de coopération. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Oui, monsieur Godfrain, il faut changer le regard porté sur l’Afrique. Elle n’est pas ce continent à la dérive qu’on nous présente encore trop souvent. Parce que nous croyons en son avenir, sous l’impulsion du Président de la République, nous avons doublé notre aide au développement au cours de ce quinquennat.

M. François Hollande. Et la Guinée ? Et le Sénégal ?

Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Nous militons pour que l’Afrique ne reste pas à l’écart de la mondialisation et soit au cœur de l’agenda international, aussi bien au G 8 qu’à l’ONU. Avec la taxe sur les billets d’avions, nous avons mis en place des financements innovants du développement.

Pour la France, l’Afrique est au cœur de l’équilibre du monde. En effet, nous ne lutterons pas efficacement contre l’immigration clandestine, contre les pandémies, contre les atteintes à l’environnement, sans développer ce continent. C’est dans cet esprit que sont organisés les sommets Afrique-France, dont le prochain s’ouvrira jeudi à Cannes. À tous ceux qui critiquent ces sommets, je dis que, si ceux-ci étaient inutiles, ils ne seraient pas imités par l’Union européenne, par l’Amérique latine, par la Chine, par le Japon. Et à tous ceux qui parlent encore de « Françafrique », je réponds que notre politique de coopération est fondée sur le dialogue avec les Africains, sur la culture du résultat et de l’évaluation. C’est un partenariat moderne et efficace que nous avons désormais avec l’Afrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

hospitalisation d'office

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, aujourd'hui, le monde de la santé mentale est en grève. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) N’en soyez pas étonnés, car cela fait des mois que les professionnels de la santé, les associations de malades, leurs familles marquent une opposition résolue aux dispositions relatives à la santé mentale du projet de loi sur la délinquance.

Ce sont des millions de personnes qui sont concernées : les malades bien sûr, mais aussi leurs proches, leurs familles et les professionnels. Nous ne parlons pas seulement de psychiatrie mais de libertés publiques mises à mal, une fois de plus, par votre obsession sécuritaire.

Monsieur le ministre, trois mots me viennent à l'esprit aujourd'hui : incohérence, confusion, gâchis. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Incohérence car les promesses et les volte-face se sont multipliées. Vous aviez d'abord fait marche arrière en décidant de légiférer par ordonnance, avant que le Conseil constitutionnel ne censure cet article. Retour au point de départ : la santé mentale est conservée dans les mesures relatives à la prévention de la délinquance. Elle est prise en otage et vous vous obstinez dans l'amalgame et la confusion.

M. Jean-Michel Ferrand. Et la question ?

M. Serge Blisko. Confusion, donc, car après les immigrés, les demandeurs d'asile, les jeunes de banlieues, les enfants de trois ans, voici maintenant les malades mentaux assimilés à des délinquants ! C’est la République des suspects ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Gâchis, enfin : alors que l'ensemble du monde psychiatrique et des associations attendaient une réforme globale de la loi de 1990, vous ne présentez qu'une réforme bâclée, de dernière minute, parcellaire. Le Gouvernement fait primer son acharnement sécuritaire sur les objectifs de santé publique.

Allez-vous, monsieur le ministre, écouter la voix des professionnels, des malades et des familles ? Allez-vous retirer le volet santé mentale du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je me dis parfois, monsieur Blisko, que nos compatriotes doivent se lasser de vous voir instrumentaliser les sujets de société les plus graves à des fins de polémique politicienne ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le Gouvernement n’a pas attendu votre question pour se préoccuper de la santé mentale de ceux de nos compatriotes qui sont concernés ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, nous ne sommes pas dans une arène !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C’est en effet l’actuel gouvernement, et non la gauche, qui a lancé le plan de santé mentale et créé les groupes d’entraide mutuelle. C’est aussi le Gouvernement qui, pour la première fois, a reconnu le handicap psychique dans le volet relatif aux personnes handicapées de la loi du 11 février 2005. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je vous en prie !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement ne vous a pas attendus non plus pour mettre l’accent sur les préoccupations d’humanité pour les malades mentaux comme pour les personnes qui les entourent, et qui sont, dans certains cas exceptionnels, les premières victimes des actes de violence. (Huées ininterrompues sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous voulons, avec la communauté psychiatrique tout entière, réformer les règles de l’hospitalisation à domicile (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste): celles-ci remontent en effet à une loi de 1838 exclusivement inspirée par des motifs policiers. (Brouhaha sur les mêmes bancs.) À cet impératif de sécurité, nous voulons ajouter des préoccupations de soins, d’humanité, ainsi que des garanties supplémentaires pour tous nos compatriotes atteints d’une affection mentale. Ce que nous faisons est juste, et nous continuerons donc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

application de la loi en faveur
des personnes handicapées

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, il y a deux ans, en février 2005, notre assemblée votait en faveur des personnes handicapées l’une des lois les plus importantes de cette législature. Cette loi, conformément aux souhaits du Président de la République, ouvrait la voie à de nouvelles avancées dans plusieurs domaines essentiels : la scolarisation, par l’éducation nationale, des enfants handicapés, l’accessibilité des bâtiments publics et des transports collectifs – avec, pour la première fois, la fixation d’un délai contraignant pour la mise aux normes des bâtiments anciens – et l’insertion des personnes handicapées dans le monde du travail.

Dans ce dernier domaine, les employeurs publics étaient invités à se montrer exemplaires, et la loi instituait un fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique afin d’encourager toutes les administrations, les collectivités territoriales et les hôpitaux publics à accueillir plus largement des salariés handicapés. Ces mesures représentent bien sûr un chantier considérable, qui exige une mobilisation de tous les services de l’État.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, dresser un bilan d’étape de la mise en œuvre de cette loi du 11 février 2005 et nous rappeler les actions qui sont actuellement engagées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La loi sur l’égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées, qui a été voulue par le Président de la République et qui restera à coup sûr comme l’une des grandes lois de la République, a été suivie de nombreuses autres initiatives.

En 2002, lorsque nous avons organisé la première rentrée scolaire de la législature, seuls 89 000 enfants handicapés étaient inscrits à l’école de la République. Grâce à Gilles de Robien et au travail accompli, il y en avait 160 000 à la dernière rentrée scolaire. Nous avons recruté 4 000 auxiliaires de vie scolaire formés, et nous en recruterons 2 000 autres à la prochaine rentrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Citons aussi les maisons départementales des personnes handicapées : pour ces dernières, c’est la fin du parcours du combattant car elles disposent désormais d’un lieu d’accueil unique pour connaître et faire valoir leurs droits. Je pense aussi au plan pour l’emploi, que nous avons arrêté avec Gérard Larcher le 15 novembre dernier, ainsi qu’à l’accessibilité,…

Mme Martine David. Tout va donc très bien !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …à la prestation de compensation du handicap et aussi, car le travail continue, à toutes les initiatives auxquelles nous nous attelons pour faciliter la vie quotidienne des personnes handicapées. J’en prendrai deux exemples : la création d’une carte de stationnement infalsifiable – car il y a eu en ce domaine des abus que je dénonce, et auxquels je veux mettre fin – ; le décret que nous avons adopté, avec le ministre d’État, pour que nos concitoyens handicapés soient mieux accueillis dans les bureaux de vote lors des élections. Ils disposeront en effet d’un isoloir dont la tablette sera située à hauteur de fauteuil et, pour les non voyants, d’un assesseur qui lira les bulletins de vote.

M. Albert Facon. Les RG vont voter à leur place !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Voilà des mesures pratiques qui font réellement avancer la cause des handicapés dans notre pays, et qui permettent à la différence des uns de ne plus buter sur l’indifférence des autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

bilan de la politique de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, l’emploi constitue la première préoccupation de nos concitoyens. Le Gouvernement, comme les députés de l’UMP, en ont fait une priorité, et nous mesurons chaque jour les progrès réalisés en ce domaine.

Ce n’est pas un hasard, en effet, si le taux de chômage diminue fortement, passant sous la barre des 9 %, si des emplois se créent et si les entreprises reprennent confiance.

M. Augustin Bonrepaux. Et les RMIstes ?

M. Bernard Perrut. Un changement de méthode est à l’origine de cette baisse du chômage : votre philosophie, monsieur le ministre, est d’encourager l’emploi durable plutôt que l’assistanat et d’engager les réformes dont le marché du travail a besoin.

Quel bilan pouvez-vous donc dresser de cette action constante et résolue, qu’il s’agisse des réformes de structures – rapprochement entre l’ANPE et l’UNEDIC, entretien mensuel et suivi personnalisé des chômeurs, création des maisons de l’emploi – ou des mesures prises pour favoriser l’embauche dans les PME – je pense notamment aux 745 000 contrats nouvelles embauches signés – et la création d’entreprise, comme en témoignent les 230 000 nouvelles entreprises par an ?

Vous avez aussi, monsieur le ministre, développé les emplois dans les secteurs porteurs, tels les services à la personne, et diminué les charges sur les bas salaires afin de faciliter l’emploi des personnes faiblement qualifiées. Vous avez enfin modernisé les contrats aidés pour favoriser le retour à l’emploi durable des personnes qui en sont le plus éloignées – notamment les bénéficiaires des minima sociaux, auxquels vous êtes particulièrement attentif.

L’emploi est l’un des principaux enjeux du débat démocratique qui s’ouvre. Compte tenu des résultats déjà obtenus, le choix pour les Français n’est-il pas entre le retour en arrière et l’accélération des réformes qui réussissent et que nous soutenons sur les bancs de l’UMP ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Patrick Roy. J’espère qu’il va parler du RMI !

M. le président. Monsieur Roy, s’il vous plaît.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Oui, grâce à cette majorité et aux gouvernements qu’elle a soutenus, on compte, à la fin du mois de décembre dernier, 150 000 demandeurs d’emploi de moins qu’en mai 2002. Voilà la réalité des chiffres !

M. Augustin Bonrepaux. Et combien de RMIstes en plus ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous avons notamment enregistré, en 2006, une baisse de 13 % du nombre des chômeurs de longue durée, c’est-à-dire de ceux qu’il est le plus difficile de faire revenir vers l’emploi.

M. Patrick Roy. Et les RMIstes ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est le fruit d’un certain nombre de textes. Il y a deux ans, le plan de cohésion sociale était voté dans cet hémicycle ; il y a dix-huit mois, le Premier ministre lançait la bataille pour l’emploi,…

M. Albert Facon. Et le CPE, vous l’avez oublié ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …Jean-Louis Borloo présentait son plan pour développer les services à la personne et, parallèlement, différents textes libéraient la création d’emplois dans les entreprises.

Pourquoi, monsieur le député, moderniser le service public de l’emploi ? Pour mieux accompagner les hommes et les femmes qui se trouvent dans une période de transition professionnelle. Je pense en particulier à la convention de reclassement personnalisé, ainsi qu’au droit individuel à la formation, dont vous pouvez être fiers que notre pays ait été l’un des premiers, dans l’Union européenne, à l’avoir mis en place.

Quant aux 800 000 CNE signés, on verra bientôt qu’ils ont contribué à créer de vrais emplois dans les petites et moyennes entreprises, de même que les services à la personne, qui sont de vraies filières, avec de belles conventions collectives ! Avec les contrats aidés et les contrats d’avenir, nous donnons en même temps une nouvelle chance à ceux qui n’ont pas eu leur première chance.

Pourquoi, monsieur le député, est-il nécessaire d’aller de l’avant ? Parce que de nombreuses personnes, notamment des jeunes, « galèrent » encore pour entrer dans l’emploi. Citons les 310 000 CIVIS et rappelons qu’il n’y a jamais eu autant de contrats d’apprentissage. Mais n’oublions pas que chaque année – chiffre terrible –, 70 000 jeunes sortent du collège sans qualification. Voilà un défi qui doit nous rassembler ! Nous devrions tous défiler dans les rues pour qu’il n’y ait pas, chaque année, 70 000 jeunes qui risquent de n’avoir d’autre avenir que la galère ! Tel est le sens du travail de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Prévention de la délinquance

Discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (nos 3567, 3674).

La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, cher Philippe Houillon, monsieur le rapporteur pour avis, cher Jean-Michel Dubernard, mesdames et messieurs les députés, voici à nouveau devant vous le projet de loi sur la prévention de la délinquance, adopté en deuxième lecture par le Sénat le 11 janvier.

Vous le savez, c'est à dessein que le Gouvernement n’a pas demandé l'urgence sur ce projet de loi. C'est en effet la première fois que la prévention de la délinquance fait l'objet d'un débat devant le Parlement, et il était nécessaire qu’il puisse se dérouler avec pour seules exigences la qualité et la sincérité.

Notre attente commune n'a pas été déçue, et le texte que vous allez examiner a été largement conforté, complété et, quand cela était nécessaire, clarifié. C’est un projet ambitieux, un projet pragmatique mais, par-dessus tout, un projet juste.

Il est d'abord ambitieux. Il y a un peu plus d'un mois, le 11 janvier, j'ai présenté l'évolution des chiffres de la délinquance entre 2002 et 2006. Ils illustrent le chemin parcouru, et personne ne peut les contester. Alors que la délinquance avait augmenté de 17,8 % entre 1997 et 2002, elle a baissé de 9,4 % depuis 2002. Cela veut dire que, depuis 2002, 1 153 000 victimes ont été épargnées. C’est un résultat concret.

J'aurais pu, avec le Gouvernement, me satisfaire de ce bilan ; pourtant, notre réaction a été inverse, et nous avons estimé que la lutte contre la délinquance devait prendre une nouvelle dimension, pour éviter la violence avant d'avoir à la combattre.

C'est pour cette raison que j'ai défendu un projet de loi sur la prévention de la délinquance. C'est la première fois qu'un gouvernement propose une approche d'ensemble de cette politique, qui n'est pas seulement une politique pénale, ni seulement une politique sociale. C'est la première fois qu'un gouvernement a voulu se donner les moyens de sortir de la dialectique caricaturale qui oppose prévention et répression.

Qui contestera que la certitude de la sanction est la première étape de la prévention ?

M. Patrick Roy. Nous ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cela n’est pas très grave. Qui contestera que, pour éviter que des jeunes dérivent vers la délinquance, il est nécessaire de les aider, d'aider leurs familles à assumer leurs responsabilités ? Qui contestera qu'il vaut mieux apporter des réponses pénales rapides, diversifiées et adaptées à chaque âge, plutôt que d'entretenir le sentiment d'impunité, en répétant des mesures dont le seul effet est de discréditer chaque jour un peu plus l'autorité de ceux qui les prononcent ?

Nous avons donc voulu, avec le garde des sceaux Pascal Clément, inscrire dans ce projet de loi une réforme ambitieuse de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs. Pour cela, nous avons choisi d'agir dans trois directions. La première, c’est la diversification des réponses, depuis l'obligation des devoirs scolaires pour un enfant de onze ans jusqu'à l'éloignement du mineur de son milieu pendant un temps limité, afin de soustraire les jeunes les plus fragiles à l'influence des caïds de leurs quartiers.

J’étais la semaine dernière en Seine-Saint-Denis, où un réseau de trafiquants de drogue a été démantelé. Les jeunes qui font office de guetteurs pour ces réseaux peuvent toucher jusqu’à cent euros par jour ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, que le trafic de drogue ne gangrène pas notre jeunesse, quand il permet de gagner en si peu de temps ce qu’aucun travailleur ne peut gagner honnêtement ?

Qu’on songe aussi à la vieille dame qui avait vu son appartement utilisé pour stocker de la drogue et qui s’est révoltée. N’ayant cure d’avoir affaire à une victime innocente, les criminels lui ont ébouillanté le bras ! C’est dire que le combat contre les trafiquants de drogue doit être sans pitié, car ils pervertissent une partie de la jeunesse des quartiers, et il est de notre devoir de la protéger de ces bandes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pour cela, les mesures d’éloignement des jeunes de leur quartier sont un élément de prévention essentiel.

Nous avons voulu également apporter une réponse plus ferme. C'est pour cela que sont créés l'avertissement judiciaire et l'obligation de réparer le dommage causé.

Nous avons voulu enfin que la délinquance des mineurs puisse recevoir une réponse rapide. La rapidité est parfois tout aussi importante que le contenu de la réponse, et il a semblé important à Pascal Clément et à moi-même que plus un seul mineur ne puisse se retrouver, à la suite d’un délit, avec dans la poche une convocation pour une audience du tribunal correctionnel six ou huit mois plus tard : ce serait en effet pour lui le signe qu’il peut continuer à agir en toute impunité.

Nous avons également, avec Xavier Bertrand, fait un choix audacieux s'agissant de la lutte contre la toxicomanie : celui d'être moins durs en théorie, pour être plus efficaces en pratique. J'observe d'ailleurs que, sur ces deux sujets, nous avons su obtenir un consensus.

À quoi sert-il en effet de prévoir un an d’emprisonnement pour la seule consommation de cannabis quand chacun sait qu’aucun tribunal – et à juste raison – ne prononcera une telle peine ? Ces peines trop lourdes sont inapplicables mais, dans le même temps, on lève un interdit social. Or la drogue doit rester un interdit social, car la consommation de drogue n’est pas un acte banal, et je dis à tous les mondains qui prônent la liberté pour les drogues douces que les drogues ne sont jamais douces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est avec de telles théories que la France est devenue championne d’Europe de la consommation de drogue chez les plus jeunes !

M. Jacques Godfrain. Tout à fait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Enfin, ce texte est ambitieux parce que nous avons pu, là encore pour la première fois, débattre de deux questions que nous ne pouvions contourner plus longtemps, et je veux d'ailleurs en remercier votre rapporteur, Philippe Houillon. La première concerne l'excuse de minorité. Personne ne conteste le fait que des actes de plus en plus graves sont commis par des mineurs de plus en plus jeunes. Or, sous prétexte qu’il s’agit de mineurs, on s’est convaincu qu’il fallait attendre leur majorité pour réagir ; moyennant quoi, il est alors trop tard pour agir. Avec ce texte, les magistrats pourront écarter plus facilement l'excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans ; lorsqu'il s'agira de récidivistes, ils n'auront plus à motiver leur décision. Mesdames et messieurs les députés, quelle différence cela fait-il en effet pour la victime que le bourreau soit mineur ou majeur ? Quel est l’impact sur sa souffrance ?

Le deuxième sujet, c'est celui de l'écart entre les peines qui sont prévues et celles qui sont prononcées. Nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi, alors que le législateur détermine pour chaque infraction une peine encourue, et que la récidive fait théoriquement doubler cette peine, certains délinquants peuvent commettre ces infractions à répétition sans que cette peine soit jamais appliquée. Désormais, en cas de récidive, la juridiction devra motiver le choix de la peine qu'elle prononce.

J’ai reçu récemment, avec sa collègue, la jeune institutrice qui a été brutalisée avec une sauvagerie extrême et quasiment laissée pour morte, à Châlons-en-Champagne. Son compagnon m’a raconté comment s’étaient comportés ses agresseurs à l’audience, expliquant sans vergogne qu’ils avait bien piétiné la victime et qu’ils l’avaient frappée à la tête, alors qu’elle était à terre. Comment voulez-vous que les gens ne réagissent pas quand la peine prononcée à l’encontre du délinquant est d’un mois de prison ferme, alors même qu’il a déjà un casier judiciaire ? Je remercie le parquet d’avoir fait appel, car la société ne peut que se révolter devant un tel décalage entre le délit et la peine, qui menace la cohésion sociale.

Un individu qui pénètre dans une école et frappe une enseignante, devant les enfants, c’est d’une gravité exceptionnelle, et le parquet a eu raison, au nom de la cohésion sociale et du respect de la victime, monsieur le garde des sceaux, de faire appel d’une décision qui, aux yeux de tous les gens de bons sens et de bonne volonté, était une décision trop clémente pour un individu qui ne le méritait pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quel exemple pour des enfants qui voient un individu frapper sa victime dans la cour de l’école et affirmer qu’il se fiche de la police !

Frapper un enseignant, un fonctionnaire de police, un pompier, un gendarme, un gardien de prison, quiconque représente l’autorité de l’État, qu’il ait ou non un pouvoir de sanction – une assistante sociale dont la mission est d’écouter la détresse des gens n’a pas non plus à se faire insulter ou frapper – est un facteur aggravant. Affirmer le respect et la considération que l’on doit aux fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions au service du public me semble plus pertinent que faire des grands discours sur la qualité des fonctionnaires de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) D’ailleurs, les fonctionnaires de France ne veulent plus de discours, ils veulent des faits !

Pour répondre à tous ces enjeux de la prévention, nous avons délibérément fait le choix d'un texte pragmatique. Nous aurions pu nous contenter d'une définition de la prévention de la délinquance qui n'aurait été ni exhaustive ni normative, mais tout simplement inutile.

Au contraire, j'ai voulu, au travers du plan « vingt-cinq quartiers » que nous avons mis en place depuis quatre ans, aborder toutes les questions, celle notamment des pouvoirs accordés aux maires. Cela a fait l’objet d’un vaste débat, mais qui, mieux que le maire, peut coordonner, être le pivot de la prévention de la délinquance ?

L'Assemblée nationale et le Sénat ont compris ce choix. Grâce à l'Association des maires de France, les débats ont conforté et clarifié leurs responsabilités, étendu leur capacité d'appréciation quant à la mise en œuvre de la loi. Ils ont fait litière de la crainte selon laquelle ils pourraient être responsables de l’application d’une sanction.

Le travail parlementaire a également permis de réelles avancées concernant le contrôle des chiens dangereux, la lutte contre le stationnement illicite des gens du voyage, les violences routières et le développement des jeux d'argent. Parce qu'il nous faut apporter des réponses toujours plus rapides aux nouveaux seuils que franchissent, sous nos yeux, la barbarie et la violence, nous avons voulu répondre sans attendre aux violences dont sont victimes les forces de l’ordre. Le débat a été important et approfondi, monsieur le garde des sceaux. Désormais, policiers, gendarmes, pompiers et agents des transports publics et de l'administration pénitentiaire sont mieux protégés, et ceux qui s'en prendront à eux savent qu'ils seront passibles de la cour d'assises. Nous disposons également d'un cadre répressif efficace contre le happy slapping, cette pratique odieuse qui consiste à frapper quelqu’un et, comme si cela ne suffisait pas, à bafouer la victime en filmant les violences qui lui sont infligées et en s’en réjouissant ensuite entre petits barbares. C’est une double violation des droits de la victime et une incontestable circonstance aggravante.

Le projet de loi sur la prévention de la délinquance est aussi un texte juste. À l'automne dernier, à Marseille, des individus ont brûlé vifs les passagers d’un bus. Quelles voix se sont alors élevées pour demander que l’on fasse preuve de clémence à leur endroit ? Aucune. Je le dis avec force : à trop chercher à comprendre, on finit par tolérer l'intolérable et excuser l'inexcusable. Il n’y a aucune explication au viol ou à la barbarie, il n’y a aucune justification au fait de s’amuser à mettre le feu à un bus, et ni le chômage ni la misère ni les discriminations ni l’ennui ni les barres de HLM ne justifient le fait de brûler vive une jeune fille qui ne demandait qu’à vivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Chercher des explications à tout, c’est se préparer à tout excuser. Je me rappelle de longs colloques sur les raisons de l’antisémitisme ou du racisme. Y a-t-il une raison pour détester celui qui a les cheveux plus foncés que soi ou qui n’a pas la même religion ? Non. Quel est le rapport entre Jonathan, âgé de quinze ans et frappé à la patinoire de Boulogne, et le Premier ministre israélien d’alors, Ariel Sharon ? Il n’est nul besoin de chercher des excuses, il faut seulement savoir que le racisme et l’antisémitisme sont passibles de lourdes peines. C’est cela, la véritable prévention en la matière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce projet est un texte juste et le premier exemple est celui du « secret partagé ». Que n'a-t-on pas entendu sur le thème du contrôle social que le texte confierait au maire, sur la perte de confiance entre les familles et les intervenants sociaux ! Qu'on lise le projet de loi et l'on verra qu'il s'agit seulement d'assurer l'échange d'informations et la coordination entre les nombreux travailleurs sociaux qui interviennent auprès d'une même famille. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Chacun se souvient du cas du petit Nicolas, à Strasbourg. Les intervenants sont nombreux et nous devons les obliger à se parler, à se concerter, pour éviter de tels drames : voilà ce qu’est le « secret partagé ».

Le deuxième exemple est celui de la délinquance des mineurs. À entendre certains, nous proposerions une société de la défiance, de la surveillance et de l'emprisonnement ! Qu'on lise le projet et l'on verra qu'il ne contient à l'égard des mineurs aucune peine nouvelle privative de liberté. Les peines que crée le texte sont toutes des sanctions éducatives et protectrices. Nous aurons un grand débat, dans un autre cadre, sur le mineur de seize à dix-huit ans multirécidiviste. Je souhaite que nous allions plus loin, mais ce sera un autre débat et chacun prendra ses responsabilités.

Je veux, pour finir, aborder la question des hospitalisations d'office. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Jamais je n’ai assimilé maladie et délinquance. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’estime ne pas avoir de leçons à recevoir en la matière, car j’ai beaucoup parlé de cette question en d’autres lieux et souligné la nécessité de créer des « prisons hôpital », comme le souhaite également M. le garde des sceaux, afin de traiter l’angoissante question des détenus malades psychiatriques. Mais il n'en reste pas moins que des drames se sont produits parce que des personnes en situation de souffrance psychologique n'ont pas été convenablement prises en charge ou n'ont pas été suffisamment suivies pendant leurs sorties. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité inscrire dans ce texte une réforme de l'hospitalisation d'office, qui est d’ailleurs réclamée par tous, et dont nous avions parlé en détail avec Xavier Bertrand, réforme qui apporte des garanties à la société et aux patients. Ces dispositions donnent aux maires et aux préfets les moyens de prévenir des situations de danger dont personne ne peut contester la réalité. Elles reconnaissent le rôle du maire et encadrent les conditions de son intervention : aucune hospitalisation d'office ne peut être prononcée sans l'intervention d'un médecin. Ces dispositions renforcent les garanties des malades et des familles en exigeant une période d'observation pouvant aller jusqu'à soixante-douze heures avant la confirmation de l'hospitalisation d'office. Oui, je respecte le droit des malades, mais je souhaite vous rendre attentifs aux droits des victimes !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous y voilà ! Vous établissez un parallèle entre malades et délinquants ! Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce débat est décidément très intéressant ! Comme toujours, M. Le Guen parle avant de réfléchir ! La victime n’est pas simplement le malade : c’est aussi la victime innocente qui croise la route d’un malade ! La société doit lui rendre des comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est l’autre qui est coupable !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’ai été frappé en allant rendre visite, dans la Nièvre, à la famille de ce petit enfant de quatre ans et demi que l’on a découvert noyé et violé. Quand la famille m’a demandé pourquoi nous avions laissé un monstre s’installer près de leur enfant, je me suis dit que les victimes avaient, elles aussi, droit à la parole et que nous devions en tenir compte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le malade a des droits et je les garantirai. Mais la victime du malade a également des droits…

M. Jean-Marie Le Guen. La victime du malade ! C’est incroyable !

M. Michel Herbillon. Caricature !

M. Denis Jacquat. Il faudrait interner M. Le Guen !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et le débat que nous avons nous oppose, nous qui prenons nos responsabilités, et vous qui ne faites rien, et ce en toute bonne conscience !

Jamais nous n'avons nié, par ailleurs, la nécessité d'une réforme d'ensemble de la loi de 1990 sur les hospitalisations sous contrainte.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est incroyable !

M. le président. Monsieur Le Guen !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Vos incessantes interruptions, monsieur Le Guen, montrent que les députés socialistes n’ont rien appris, rien retenu, rien compris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes toujours aussi sûr de vous !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Grâce à l'action du président de la commission des affaires sociales, Jean-Michel Dubernard, le Parlement a autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Cette procédure devait permettre d'inclure dans un même texte les dispositions concernant les hospitalisations d'office et les autres éléments de la réforme. Cette idée de Jean-Michel Dubernard était excellente, parce qu’elle nous permettait de mener la réforme de l’hospitalisation d’office, que chacun souhaite, et de distinguer le texte de sanction et le texte de santé. Mais c’était compter sans les députés de l’opposition !

M. Jean-Marie Le Guen. Sans le Conseil constitutionnel, qui, une fois de plus, vous a censuré !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Les députés de l’opposition ont saisi le Conseil constitutionnel, qui a fermé la voie que nous avions ouverte, pour un motif de procédure. Ainsi, par la faute du groupe socialiste (Rires sur les bancs du groupe socialiste), la réforme de la loi de 1990 que, pourtant, les professionnels, comme les familles, attendent, s'en trouve différée, et je le regrette.

M. Jean-Marie Le Guen. Regardez comment M. Sarkozy traite le Conseil constitutionnel !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. L’opposition s’est comportée de manière politicienne !

Nous voici placés devant un dilemme.

M. Jean-Marie Le Guen. Reculez donc : c’est ce que vous avez de mieux à faire !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Avec le Parlement, nous avions trouvé la solution. D'un côté, nous avons des dispositions nécessaires, que le Sénat et l'Assemblée ont longuement débattues et largement approuvées, et qui pourraient donc entrer en vigueur très rapidement. De l’autre, le report de la réforme d'ensemble a fait renaître les craintes des professionnels et des familles à l'égard d'une réforme qui serait limitée aux seules hospitalisations d'office. Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons, mais cela ne nous étonne guère : les députés de l’opposition, qui auraient pu mettre en œuvre cette réforme, ne l’ont pas fait et ne veulent pas qu’elle aboutisse. Ils ont une stratégie très cohérente, qui consiste à rester immobiles avant, pendant et après ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est une rhétorique d’agité ! Faites attention : vous risquez d’être hospitalisé d’office !

Mme Nadine Morano. Respectez le Parlement !

M. le président. Monsieur Le Guen, il y a des limites à ne pas dépasser !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ne lui accordons pas plus d’importance qu’il n’en mérite !

Avec Xavier Bertrand, nous avons donc été attentifs à ces craintes. Nous avons considéré que le consensus obtenu sur le projet de réforme de la loi de 1990 tient non seulement à son contenu, mais aussi à son caractère global. J’ai hésité et je me suis demandé si nous n’avions pas intérêt à le faire voter. Mais nous sommes à deux mois et demi de l’élection présidentielle et à quelques jours de la fin de la session parlementaire. Si nous avions été au début de la session, j’aurais proposé au Gouvernement de maintenir cette réforme pour ne pas perdre de temps. Comme ce n’est pas le cas, je propose de retirer du projet ces dispositions (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Jean-Marie Le Guen. Et voilà, il recule ! Applaudissez !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …pour préserver le consensus des professionnels sur le sujet et pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté en la matière. Mais je m’engage, si le peuple français me confie d’importantes responsabilités, à faire déposer ce texte au début de la prochaine session. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est ce que nous vous disons depuis plusieurs mois, monsieur le ministre !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En résumé, le projet de prévention de la délinquance est le projet pragmatique et audacieux que vous attendiez. Nous faisons une ouverture sur les professionnels de santé et je vois, compte tenu de la réaction du groupe socialiste, que notre décision est décidément la bonne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

(M. Yves Bur remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur Houillon, vous allez sans doute nous expliquer pourquoi la majorité et le Gouvernement n’ont pas reculé plut tôt !

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, que le Sénat a lui-même adopté en deuxième lecture le 11 janvier dernier.

À la suite des délibérations du Sénat, le texte comprend désormais quatre-vingt-quatorze articles, dont cinquante-trois articles ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées – deux articles ayant fait l'objet d'une suppression conforme – et ne sont ainsi plus concernés par la navette. Restent donc quarante et un articles en discussion.

L'Assemblée nationale et le Sénat ont manifesté un très large accord sur les grandes orientations du projet de loi, de très nombreuses dispositions ayant d'ores et déjà été adoptées dans les mêmes termes : c'est le cas de l'ensemble des dispositions relatives à la toxicomanie et à la délinquance des mineurs, y compris la disposition votée par l'Assemblée nationale sur les dérogations à l'atténuation de responsabilité pénale pour les mineurs.

De même, le Sénat a adopté la disposition, introduite à mon initiative, selon laquelle, en matière correctionnelle, lorsque l’infraction est commise en état de récidive légale ou de réitération, le juge doit spécialement motiver le choix de la peine prononcée au regard des peines encourues, ainsi que sa durée et son mode d’exécution. Il a également voté conformes les articles sur le permis à points et le stationnement illégal des gens du voyage. Par ailleurs, de nombreuses dispositions ne restent en navette que pour des raisons rédactionnelles, telles celles relatives à la pédophilie sur Internet ou aux agents privés de sécurité.

En ce qui concerne l’hospitalisation d’office, la discussion parlementaire a permis de décanter une situation difficile. Si un large accord s’est exprimé sur la nécessité d’une réforme rapide, les objections formulées à la présence de dispositions sur la psychiatrie dans un projet de loi sur la prévention de la délinquance ont également été entendues. C’est pourquoi une concertation a été entamée avec les professions concernées et les associations représentant les familles et les patients afin de dessiner les contours d’une réforme d’ensemble des soins sous contrainte, qui aurait été prise par ordonnance. L’annulation par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de procédure, de l’habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnance modifie la situation sans remettre en question l’architecture de la réforme. Ainsi, grâce aux travaux parlementaires et aux premières étapes de la concertation, il existe aujourd’hui une base qui permettra au prochain gouvernement de proposer dans les meilleurs délais un texte consensuel réformant la loi de 1990. Dans cette perspective, le Gouvernement a donc raison de nous proposer la suppression des articles 18 à 24.

M. Patrick Roy. Ah !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas ce que vous disiez en commission !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Le Sénat a par ailleurs apporté certaines améliorations au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Il a ainsi regroupé l’ensemble des dispositions relatives à l’information du maire sur les procédures judiciaires introduites par l’Assemblée nationale aux articles 1er et 4 bis. Il a aussi accepté la disposition relative à l’information sur les « suites judiciaires » données aux infractions commises sur le territoire de la commune et a précisé cette notion. Il a en revanche limité le champ d’information des autorités saisissantes au titre de l’article 40 du code de procédure pénale sur les condamnations prononcées, réservant l’information au maire et supprimant son caractère systématique.

S’agissant des dispositions pénales, le Sénat a amélioré de nombreux dispositifs sans en remettre en cause la philosophie. Il a par exemple complété utilement l’article 26 bis A, qui crée une infraction spécifique de violences volontaires avec arme sur certaines professions. Il a par ailleurs remanié l’article 26 bis B instituant un délit de détention ou de transport sans motif légitime de substances incendiaires ou explosives destinées à commettre des destructions. La rédaction adoptée par le Sénat précise l’élément intentionnel, encadre plus précisément l’infraction dans des circonstances de lieu et de temps et garantit le respect du principe de proportionnalité.

Le Sénat a par ailleurs précisé le régime de la « sanction-réparation », en y intégrant la « sanction-restauration » que l’Assemblée avait introduite en première lecture s’agissant des dommages causés à l’environnement.

Certaines dispositions font néanmoins encore l’objet de divergences.

À l’article premier, le Sénat a certes accepté le caractère facultatif des contrats intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance dans les communautés urbaines et les communautés d’agglomération, mais il est allé encore plus loin que la solution préconisée par l’Assemblée nationale en donnant à la commune la plus peuplée un véritable droit de veto, alors que l’Assemblée avait confié le choix de la création à l’organe délibérant de l’EPCI. Votre commission des lois vous proposera de revenir à cette rédaction.

Une légère divergence subsiste également concernant l’accompagnement parental proposé par le maire. L’Assemblée nationale avait rétabli le texte initial du projet de loi en prévoyant une simple information du président du conseil général lors de la misse en place de l’accompagnement, alors que le Sénat avait souhaité en première lecture que son avis soit « recueilli ». En deuxième lecture, le Sénat a maintenu qu’une simple information du président du conseil général était insuffisante, tout en acceptant une procédure plus souple pour solliciter son avis. Compte tenu de l’effort consenti par la Haute assemblée, cette solution pourra être retenue.

S’agissant du rappel à l’ordre par le maire, le Sénat a refusé l’obligation d’une convocation préalable de la personne concernée, alors que l’Assemblée nationale avait considéré qu’un certain formalisme était nécessaire afin de donner à cette procédure un minimum de solennité. La commission a, là encore, adopté un amendement de retour au texte de l’Assemblée nationale.

Un désaccord paradoxal est par ailleurs intervenu sur la question des troubles de voisinage. Alors que le Sénat avait proposé de permettre la résiliation « oblique » d’un bail par un tiers – ce qui, compte tenu de notre tradition juridique, était pour le moins hétérodoxe –, l’Assemblée avait plus modestement proposé, en première lecture, d’autoriser l’engagement de la responsabilité des propriétaires défaillants. Le Sénat n’a cependant pas accepté cette solution de compromis, qu’il a curieusement jugée trop audacieuse. La commission des lois a adopté une version « adoucie » de l’amendement adopté en première lecture, qui ne touche pas à l’article 1384 du code civil.

En ce qui concerne les chiens dangereux, le Sénat a adopté deux amendements qui modifient assez substantiellement le dispositif. Il a notamment introduit la possibilité de placer dans un refuge les chiens de première catégorie n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration, une disposition contraire à la législation actuelle – laquelle interdit la cession de ces chiens, même à titre gratuit – et que la commission a souhaité supprimer en adoptant deux amendements de retour au texte de l’Assemblée.

Enfin, le Sénat a adopté en deuxième lecture un certain nombre de dispositions entièrement nouvelles, qui doivent faire l’objet d’un examen particulier. Tirant les conséquences de la constitutionnalisation, par le Conseil constitutionnel, de la règle parlementaire traditionnelle dite de « l’entonnoir » – je vous renvoie sur ce point à la décision du 19 janvier 2006 –, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer l’article 12 sexies, relatif aux interdictions de stades, qui a incontestablement été adopté selon une procédure irrégulière.

En revanche, il peut sembler possible d’accepter l’ajout, par le Sénat, de l’incrimination de la pratique dite du happy slapping, c’est-à-dire le fait de filmer ou de diffuser les images relatives à certaines infractions. Cette disposition n’est en effet pas entièrement nouvelle dans la mesure où deux de nos collègues avaient déposé en première lecture un amendement ayant le même objet, même s’il n’avait pas été défendu en séance. La commission des lois a par ailleurs adopté un amendement précisant le champ d’application de cette incrimination nouvelle, opérant une distinction entre celui qui filme et celui qui diffuse les images.

Mes chers collègues, la prévention de la délinquance est une politique globale ; elle se fonde à la fois sur des mécanismes de police administrative pour prévenir les troubles à l’ordre public, sur la rénovation des outils répressifs et – c’est l’aspect novateur du projet de loi – sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs – travailleurs sociaux, bailleurs, entreprises de transport en commun, aménageurs urbains, éducation nationale – qui peuvent se retrouver confrontés à la délinquance, outre les acteurs traditionnels que sont la police, la gendarmerie et la justice.

La nécessité de prendre en compte la complexité de la délinquance actuelle explique les très nombreux thèmes abordés par ce projet de loi, thèmes sur lesquels les deux assemblées s’accordent largement.

Cette deuxième lecture devrait permettre de nous rapprocher plus encore de l’adoption définitive du projet de loi, dans la mesure où les sujets de divergence qui demeurent sont très peu nombreux. La commission a adopté une quinzaine d’amendements – j’en ai évoqué certains – que je vous inviterai à adopter, de même que l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Patrick Roy. Et le ministre de l’intérieur s’en va !

M. Jean-Marie Le Guen. Quel sens de l’écoute ! Quel respect pour l’opposition !

Mme Arlette Franco. Et Ségolène, où est-elle ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n’est pas son projet de loi que nous examinons !

M. Jean-Marie Le Guen. Ça n’a pas l’air d’être celui des députés de l’UMP non plus, beaucoup s’en vont !

M. le président. Laissez donc parler votre collègue.

M. Jean-Marie Le Guen. Il attend que tout le monde soit parti !

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, mes chers collègues, ce projet de loi que nous examinons en deuxième lecture est toujours aussi controversé, on vient de le voir s’agissant de la réforme de l’hospitalisation d’office. Un mois après la présentation des résultats obtenus en 2006 en matière de sécurité, force est de constater que le bilan du ministre candidat, qui vient de nous quitter, est très mitigé et en tout cas bien plus mauvais qu’il ne le prétend. La délinquance générale reste très élevée et se maintient depuis bientôt cinq ans à un niveau plus que préoccupant. Plus grave, les violences aux personnes augmentent encore de façon alarmante : + 5.6 % en 2006 !

Il faut le reconnaître : à la veille de son départ de la place Beauvau, Nicolas Sarkozy a échoué à faire reculer durablement la violence

M. Michel Françaix. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. L’autosatisfaction affichée tranche avec ce que vivent réellement les Français, qui en 2007 ont toujours autant besoin de sécurité.

Le Gouvernement veut faire croire que la délinquance baisse et que le taux d’élucidation n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui. Mais ce taux est artificiellement amélioré par les chiffres relatifs à l’usage des stupéfiants et à l’entrée et au séjour des étrangers – domaines où il y a plus de faits élucidés que de faits constatés !

Voilà le prix que nous payons aujourd’hui pour l’abandon de toute politique de prévention depuis bientôt cinq ans. Il ne suffit pas de multiplier les lois et de jouer les marchands d’illusions. Présenté à quelques mois des élections, ce texte, qui n’a pas vocation à être appliqué, relève évidemment d’une seule logique d’affichage électoraliste.

Depuis cinq ans, les lois Sarkozy et Perben sont passées, mais la violence s’est durablement enracinée. La police de proximité, qui alliait prévention et sanction, et qui assurait une présence dans les quartiers, a été démantelée au profit d’une police d’ordre public destinée à faire du chiffre. Nous en constatons aujourd’hui les conséquences. C’est la raison pour laquelle nous proposons la création d’une nouvelle police de quartier pour mieux assurer la sécurité quotidienne. Il est urgent aussi de procéder à une répartition plus juste des effectifs et de donner la priorité aux renforcements quantitatifs et qualitatifs dans les zones sensibles.

M. Patrick Roy. Il est surtout temps d’en revenir au bon sens !

M. Jean-Pierre Blazy. Les dispositions concernant la réforme de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, adoptées conformes au Sénat, nous inquiètent toujours autant. Du reste, le ministre de l’intérieur…

M. Patrick Roy. Il n’est plus là, il est en campagne ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. …a refait le coup, lundi dernier, dans l’émission J’ai une question à vous poser, de la promesse d’une nouvelle réforme. On ne peut que déplorer, en cette matière, une telle démagogie, sachant que nous avons déjà connu quatre réformes de l’ordonnance de 1945 en l’espace de cinq ans, toutes couronnées par l’échec !

Nous avons une autre conception des choses, bien éloignée de vos effets d'annonce. C'est ce que propose le pacte présidentiel de Ségolène Royal.

Pour prévenir efficacement les violences scolaires, il faut absolument, à l’opposé de votre politique de suppression des postes, renforcer la présence des adultes dans les établissements, donc recruter des surveillants dans les collèges et doter chaque établissement d'une infirmière scolaire et d'une assistante sociale à temps plein. La présence d'adultes y est essentielle.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous proposons la mise en place d'une politique de prévention précoce de la violence, passant par un encadrement éducatif renforcé, la mise en place de tuteurs référents et le développement des brigades des mineurs dans chaque commissariat des grandes zones urbaines, là où il en manque beaucoup.

Il faut évidemment être ferme face aux mineurs violents. Pour chaque acte de délinquance commis par un mineur – et nous pouvons être d’accord sur ce point –, les sanctions doivent être fermes et rapides. La justice des mineurs est aujourd’hui sinistrée : un plan d'urgence sera mis en place, avec notamment le recrutement de juges des enfants, d'éducateurs, de greffiers, ce que vous n’avez pas fait. Le budget de la justice sera doublé. Nous estimons devoir mettre en application des solutions nouvelles pour extraire les mineurs de la délinquance, comme la suppression des peines de prison, hormis les cas d'atteintes graves aux personnes, ou le développement des centres éducatifs renforcés, si besoin avec un encadrement militaire. Une véritable prévention et une sanction rapide et proportionnée permettront, seules, de faire reculer durablement la délinquance des mineurs.

Je voudrais maintenant revenir sur les dispositions du projet de loi relatives aux hospitalisations d'office. Le ministre de l’intérieur,…

M. Patrick Roy. Il n’est plus là, il est en campagne ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. …lors de l'émission télévisée J’ai une question à vous poser – il l’a rappelé tout à l’heure –, a entretenu l'amalgame entre maladie mentale et délinquance en prévoyant des « prisons-hôpital » pour les délinquants souffrant de troubles mentaux.

L’inclusion dans ce projet de loi des dispositions relatives à la santé mentale m’est apparue irrecevable en première lecture. La vive protestation des professionnels a malgré tout interpellé le ministre, qui a essayé de trouver une porte de sortie en tentant de légiférer par ordonnance. Peine perdue : le Conseil constitutionnel a censuré cette habilitation. M. le ministre de l’intérieur – c’est incroyable ! – a accusé le groupe socialiste d’avoir saisi le Conseil constitutionnel, ce qui est son droit légitime, mais c’est bien ledit Conseil qui l’a censuré ! Le problème demeure donc. Nous ne pouvons toujours pas accepter cet amalgame entre délinquance et maladie mentale. Monsieur le rapporteur, la semaine dernière et encore tout à l’heure, vous avez affirmé que ces mesures étaient nécessaires et urgentes, et la commission des lois a d’ailleurs maintenu les articles 18 à 24 ; quelle n’a donc pas été notre surprise d’assister à un recul en règle du Gouvernement…

M. Jean-Marie Le Guen. Toute honte bue !

M. Jean-Pierre Blazy....sans que le ministre de la santé ait souhaité s’exprimer sur le sujet ! Cette marche arrière était nécessaire. Nous avions d’ailleurs pour notre part présenté et défendu en commission des lois – malheureusement sans succès – des amendements de suppression.

S'agissant des nombreuses dispositions de ce texte impliquant le maire, nous partageons l'idée selon laquelle il doit être le pivot de la prévention de la délinquance. Il demande d’ailleurs avec force à jouer un tel rôle. Néanmoins, l’État ne doit pas se défausser sur lui. C’est pourtant ce qu’organise votre texte. Le maire doit être le coordonnateur des politiques publiques locales de prévention de la délinquance dans le respect des compétences dévolues à l'État et à chacune des collectivités territoriales par les lois de décentralisation. Comment les maires pourront-ils réussir là où l'État est défaillant, alors qu'ils ne bénéficieront d'aucun moyen supplémentaire ? Aucun financement supplémentaire pour le projet de loi de prévention de la délinquance n'est en effet prévu. Ce texte constituera un nouveau transfert de charges non financées, alors que l'État ne respecte déjà pas ses promesses budgétaires. Ainsi, les effectifs de policiers, de gendarmes, de magistrats, d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, mais aussi les médecins scolaires et les enseignants ne sont pas au rendez-vous là où ils sont attendus, c’est-à-dire dans les quartiers. Ce n'est pas le nouveau fonds de prévention de la délinquance qui nous rassurera, tant son financement semble aléatoire. Je le répète, monsieur le ministre, les maires ne veulent pas être des shérifs, pas plus que des délégués du procureur ou du préfet. Ils entendent jouer leur rôle, être des acteurs majeurs dans le cadre des politiques partenariales de sécurité et de prévention, mais dans le strict respect de la séparation des pouvoirs et des compétences, ce qui exclut toute incursion dans la chaîne pénale. Or ce texte porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, en conférant aux maires des pouvoirs quasi judiciaires, comme le rappel à l'ordre prévu à l'article 8. Les nouveaux dispositifs concourent, en fin de compte, à la confusion la plus totale : on ne sait plus qui fait quoi, du procureur, du maire, du préfet. Avant même de faire marche arrière sur l’hospitalisation d’office, vous avez déjà dû reculer en première lecture sur certains points, consentant, par exemple, à rendre facultatif le conseil des droits et des devoirs des familles. Toutefois, l'essentiel demeure et nous inquiète toujours autant, à l’image du secret partagé.

Ce texte fourre-tout aborde dans le désordre le rôle des maires, la toxicomanie, la justice des mineurs, l'éducation, la procédure pénale. Une fois de plus vous vous méprenez. Il ne suffit pas d'être dur avec le crime, il faut l’être aussi avec les causes du crime. Aucune prévention ne peut être envisagée sans une action forte contre les inégalités, la pauvreté et la précarité.

Adoptées au Sénat, les dispositions tendant à prévenir la délinquance des mineurs n'en restent pas moins contraires à nos principes constitutionnels – la spécificité de la justice des mineurs est l'un des principes fondamentaux de notre droit pénal, consacré par le Conseil constitutionnel le 11 août 1993, et à nos engagements internationaux, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale des droits de l'enfant.

La nouvelle procédure de présentation immédiate du mineur devant le juge des enfants ne garantit pas aux mineurs le respect des droits de la défense. La spécificité de la justice des mineurs est aussi remise en cause par l'extension aux mineurs de la composition pénale, alors que, dans le même temps, aucune garantie n'est prévue dans le cadre de cette procédure pour assurer la prise en compte de l'état de minorité. Nous voulons une justice des mineurs rapide mais pas expéditive.

La complémentarité entre l'assistance éducative et le pénal, qui constitue les fondements mêmes de l'ordonnance de 1945, est remise en cause. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 août 2002, a reconnu le principe du primat de l'éducatif sur le répressif et de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge. En systématisant les sanctions et les mesures privatives de liberté à l’encontre des mineurs, vous méconnaissez ces principes.

Par ailleurs, s’agissant du principe de proportionnalité des délits et des peines, vous vous trouvez bien souvent dans ce texte à la limite de l'erreur manifeste d'appréciation en aggravant toutes les peines et les sanctions encourues. Je pense notamment à l'article 28 du projet de loi qui prévoit un durcissement très important des sanctions en cas de circonstance aggravante concernant l'usage de produits stupéfiants par certaines personnes dans l'exercice de leurs fonctions.

Je persiste ainsi à affirmer que le texte recèle un nombre inquiétant d'atteintes aux libertés fondamentales. Adopté conforme par le Sénat, l'article 12 ter relatif aux gens du voyage – sujet qui préoccupe tous les maires, moi le premier – est contraire à la Constitution. En effet, il supprime l'intervention préalable de l'autorité judiciaire, garante du respect des libertés individuelles en vertu de l'article 66 de la Constitution, et constitue une atteinte flagrante au principe d'inviolabilité du domicile.

Autre source d'inconstitutionnalité et non des moindres : la multiplication des fichiers informatiques. Certes, vous venez de supprimer le fichier sur les hospitalisés d’office, mais les autres demeurent. Nous sommes perplexes face à cette volonté de constituer à tout prix des nouveaux fichiers. Ces mesures d'affichage vis-à-vis de l’opinion ont, en réalité, bien peu à voir avec une politique de prévention de la délinquance. La destination, le croisement et la diffusion de ses fichiers nous inquiètent grandement. La CNIL, saisie du projet initial en juin 2006, avait d'ailleurs noté que le maire « ne devrait pas être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l'action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté. ». Le texte qui nous revient n'a pas levé ces inquiétudes. Il en va de même de l'article 6 du projet de loi qui institue, de manière désormais facultative, le conseil pour les droits et devoirs des familles. Selon la CNIL, dans la mesure où des informations individuelles sensibles, relevant de l'intimité de la vie privée des familles, seraient ainsi recueillies, traitées et conservées, il appartient au législateur, pour assurer le respect du principe de proportionnalité, de définir précisément les garanties qui devraient être apportées afin qu'un dispositif d'accompagnement soit mis en place dans le respect des droits des personnes et, en particulier, de leur droit au respect de la vie privée.  Où sont ces garanties monsieur le ministre ?

Le maire recevra des informations, jusqu'alors protégées par le secret professionnel, sur les administrés qui bénéficient de l'aide d'un éducateur ou d'une assistante sociale. Il pourra être autorisé à mettre en œuvre un fichier afin d'améliorer le suivi de l'obligation d'assiduité scolaire. Ce fichier contiendra des informations à caractère personnel transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales, mais aussi par l'inspecteur d'académie ou par le directeur de l’établissement en cas d'exclusion temporaire ou lorsque l'élève quitte l'établissement en cours ou en fin d'année. Cet article – sans encadrement, donc au champ d’application très vaste – organise ainsi le croisement de fichiers.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme, interrogée en 2002 sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure, soulignait que « l'inflation des règles encadrant l'exercice des libertés publiques, et parfois même la vie privée des individus, suscite l'inquiétude de notre société démocratique ». Le présent projet de loi ne fait qu'accentuer cette tendance, car les atteintes à la vie privée y sont trop nombreuses et la diffusion d'informations à caractère confidentiel est facilitée.

Ces questions me paraissent donc de nature à justifier l’irrecevabilité d’une partie au moins de ce texte. Ce projet de loi, c’est clair, ne vise pas à prévenir la violence en agissant sur les effets et sur les causes, mais essentiellement à condamner sans éduquer. C’est inacceptable et inefficace. Cela signifie, pour demain, la certitude d'une nouvelle aggravation de l'insécurité et de la violence. Vous avez refusé en première lecture, monsieur le ministre, les alternatives que nous proposions pour parvenir à une solution démocratique de la sécurité et vous maintenez des dispositions irrecevables et largement inconstitutionnelles. Nous nous opposerons donc à ce texte inutile et dangereux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. L’éducation n’est pas le fort du Gouvernement !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Blazy, vous vous êtes contenté de répéter ce que vous nous aviez dit en première lecture.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas votre cas, puisque vous avez retiré six articles, monsieur le ministre ! Félicitations ! Vous progressez ! Mais il en reste encore cinquante !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je ne retiendrai que deux de vos répétitions, monsieur Blazy. Vous nous refaites une grande litanie sur la police de proximité. Ainsi, vous voudriez remettre à l’ordre du jour la police que vous aviez créée avant 2002 et à qui vous aviez donné pour instruction d’abandonner les quartiers les plus en difficulté de notre pays ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Patricia Adam. Balayez devant votre porte !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est faux ! C’est vous qui les avez abandonnés ! Les gens le disent, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme le ministre d’État l’a précisé cet après-midi lors des questions d’actualité, votre proposition est de faire remonter le nombre de victimes à près de quatre millions, quand nous sommes retombés à trois millions !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous ne connaissez pas les chiffres ! Il s’agit de 3,7 millions de victimes !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Les Français ne veulent pas de vos pratiques d’antan,…

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …qui consistaient à abandonner certains habitants de nos quartiers. Aujourd’hui, l’électorat le plus populaire de France déclare faire confiance à celui qui mène la politique de sécurité de notre pays. Lorsqu’on les interroge, les jeunes de ces quartiers se réjouissent, en très grande majorité, de se sentir de nouveau protégés grâce aux politiques de sécurité. 

M. Lilian Zanchi. C’est pour cela que les violences augmentent !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ces jeunes, livrés à eux-mêmes pendant des années, abandonnés, ont vécu en coupe réglée et sous la menace de bandes et de réseaux mafieux qui leur menaient une vie impossible ! Si c’est cette politique de sécurité et de proximité que vous voulez remettre au goût du jour, monsieur Blazy, bien évidemment, nous ne pourrons pas vous suivre !

Par ailleurs, vous essayez de mettre en évidence certains aspects inconstitutionnels en vous référant à la justice des mineurs. Or, pour les mineurs, le projet n’introduit aucune mesure privative de liberté supplémentaire. Simplement, pour lutter contre le sentiment d’impunité, il faut une réponse rapide et adaptée. Et vous-mêmes nous proposez finalement un encadrement militaire. Il est d’ailleurs drôle de constater avec quelle rapidité vous avez changé d’attitude à ce sujet.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais non !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Imaginez un seul instant que nous ayons proposé cela dans la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure en 2002 ou dans les lois sur la justice proposées par les gardes des sceaux Dominique Perben et Pascal Clément. Nous aurions été traités de sécuritaires, de liberticides ; on nous aurait accusés de porter atteinte aux droits de l’homme ! Mais il suffit que, par une erreur de langage sans doute, une candidate à la présidence de la République se laisse emporter dans cette direction pour que vous vous en fassiez le porte-parole à cette tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Patricia Adam. Ça suffit ! Revenez au projet de loi !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Plus fort, monsieur Blazy, vous nous reprochez, parce que nous voulons une justice plus rapide pour les mineurs, de souhaiter une justice expéditive. Et ce serait un critère pour déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Alors que votre candidate à la présidence de la République explique en Chine que la justice chinoise est beaucoup plus efficace que la nôtre…

Mme Patricia Adam. Sans doute préférez-vous la justice américaine, mais qu’est-ce que ça vient faire là ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …parce qu’elle se prononce en moins de six mois, nous n’avons pas de leçon à recevoir de vous en la matière ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Voilà pourquoi je ne doute pas un seul instant que la majorité rejettera votre exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité.

(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gilles Artigues.

M. Gilles Artigues. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Je saisirai cette occasion pour rappeler combien le groupe UDF est attaché à l’équilibre des politiques menées par les pouvoirs publics en ce domaine. Nous en avons assez, en effet, de voir la discussion enfermée entre, d’une part, les partisans de l’unique réprimande constamment réitérée et, d’autre part, ceux qui pensent que seule la case prison est une réponse satisfaisante à la délinquance. Ce débat biaisé, faussé, caricaturé entre prévention et répression a abouti à la paralysie de la volonté politique et donc à des actions qui, sous tous les gouvernements, n’ont jamais été à la hauteur des besoins et des enjeux.

À notre sens, une loi de prévention de la délinquance ne pourra être efficacement appliquée si on ne l’assortit pas de moyens nécessaires à l’accomplissement d’une politique globale. Pour ce faire, il faut intensifier l’accompagnement socio-éducatif d’un jeune délinquant ou d’une famille en danger, l’action éducative individualisée du plus grand nombre d’élèves dans nos écoles, le suivi effectif des mesures judiciaires, lorsqu’elles sont prononcées, le soutien aux parents débordés par leurs enfants ou, tout simplement, la formation de ces parents à leur rôle et à leur responsabilité, sans oublier la prévention des addictions, qui progressent hélas si fortement.

Je tiens à souligner ici tout le travail accompli dans nos quartiers par les associations qui œuvrent auprès de ces populations. À plusieurs reprises, nous nous sommes élevés contre le désengagement financier de l’État envers ces structures. Le prétexte est de faire des économies, ce qui, en soi, est louable, mais la facture pour la société se révèle encore plus salée. Nous avons toujours en travers de la gorge l’annulation de crédits, en octobre 2005, puis le vote à la va-vite d’une rallonge après la crise des banlieues, en novembre de cette même année. Ce n’est sûrement pas la bonne méthode. Il faut plutôt, à partir de critères transparents, conclure, par exemple, des contrats d’objectifs pluriannuels. Il est en tout cas urgent d’exprimer concrètement à ces associations, et pas seulement dans de beaux discours, notre reconnaissance et notre soutien.

Vous le voyez bien, monsieur le ministre, à travers ces exemples et bien d’autres, la solution aux problèmes ne relève pas seulement de la loi mais aussi des moyens mis à la disposition des actions de prévention.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est vrai !

M. Gilles Artigues. Cette politique globale que nous appelons de nos vœux doit reposer, à notre sens, sur trois piliers simples mais essentiels.

En premier lieu, la politique de l’urbanisme. Comment, en effet, concevoir une action de prévention performante quand on concentre les difficultés sociales dans quelques villes et quelques quartiers fermés sur eux-mêmes, dont l’urbanisme a été raté et qui cumulent ainsi les problèmes et les handicaps ? L’écheveau devient infiniment plus compliqué à démêler !

Nous payons en fait les conséquences d’un modèle de société où l’on a laissé se développer la culture du vivre entre soi, c’est-à-dire une société où les riches sont avec les riches, où les classes moyennes se regroupent entre elles et où les pauvres sont concentrés, relégués dans quelques quartiers. Nous souhaitons que la « mixité sociale », expression tant de fois employée, devienne une réalité concrète, visible et palpable. Par ailleurs, nous attendons de l’État qu’il revienne partout où il est absent, c’est-à-dire là où ça va mal.

Le deuxième pilier d’une politique globale, c’est l’éducation. L’éducation ne se résume pas à l’école, tant il est vrai que nos enfants ont aujourd’hui de multiples autres sources d’informations pour découvrir le monde, à travers les médias, les nouvelles technologies, les activités culturelles ou sportives. Cela fragilise certes notre modèle éducatif puisque l’enseignant n’est plus le prescripteur unique, donnant du sens au monde et indiquant la façon d’y trouver sa place. Nous sommes dans un temps où le professeur n’est plus qu’un élément éducatif parmi d’autres.

Dans ce contexte nouveau, pour remplir sa mission, l’école doit être recentrée autour d’objectifs clairs : construire des citoyens ayant conscience d’appartenir à une communauté de vie, donner les moyens de l’échange avec les autres, notamment à travers le langage, et ouvrir les voies d’une insertion professionnelle ajustable en fonction de l’évolution des métiers.

Le troisième pilier est la justice. Il est nécessaire de mener une réflexion globale sur ses missions et sur la façon dont elles s’exercent. À cet égard, les promesses n’ont pas été tenues par les gouvernements successifs. Le nombre d’internats pour mineurs délinquants, par exemple, n’a pas été multiplié : cent places seulement ont été créées pour toute la France.

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

M. Gilles Artigues. On a fait de la propagande, les réalités n’ont pas suivi. Par ailleurs, la détention des mineurs n’est pas une solution, nous le savons, car, dans notre pays, la prison est un pourrissoir moral.

M. Gérard Bapt. C’est vrai !

M. Gilles Artigues. En fait, la question principale est celle de l’exécution des peines, non celle de leur sévérité. Il faut utiliser tous les degrés de sanction, pour non seulement punir, mais surtout « transformer » le jeune délinquant, par des mesures de réparation systématiques, immédiates, qui mettent en contact le mineur et la victime. Il faut, en particulier, de vrais travaux d’intérêt général, d’une durée de trois, six, douze mois, consacrés par exemple à effacer les tags dans les cités et dans les trains.

Bien sûr, nous ne croyons pas que le tandem police-justice puisse suffire à lui seul à lutter contre l’augmentation régulière de la délinquance ou du niveau de la violence, mais, en attendant que les efforts sur l’urbanisation et l’éducation que j’ai évoqués portent leurs fruits, nous avons besoin d’une police efficace et d’une justice réactive, adaptées à la dérive d’une délinquance en perpétuelle évolution.

Après ces considérations d’ordre général, j’en viens, rapidement, à l’analyse que le groupe UDF fait de ce texte.

Nous reconnaissons tout d’abord les points positifs, et spécialement l’affirmation, désormais claire, du rôle central du maire dans la conduite de la prévention de la délinquance. La navette parlementaire aura, en outre, permis d’améliorer sensiblement l’information des maires sur les actes de délinquance et leurs suites judiciaires.

Ce n’est qu’une question de logique car, dans la mesure où les maires vont être identifiés comme pivots de la politique de prévention, il faut qu’ils aient une connaissance précise des faits commis sur leur territoire, mais cette connaissance ne sera que de peu d’utilité s’ils n’ont pas les moyens de savoir quelles suites judiciaires ont été données aux infractions. Le Sénat a ainsi accepté d’accroître l’information du maire dans ce domaine, en définissant, de manière simple, le sens à donner à l’expression « suites judiciaires ». Les informations communicables concerneraient donc les classements sans suite, les mesures alternatives aux poursuites ou les poursuites. Ces précisions étaient fortement attendues.

Nous apprécions également les avancées en matière d’accompagnement parental, pour venir en aide aux familles qui connaissent des difficultés dans l’éducation de leurs enfants. Nous approuvons le durcissement de la législation contre les chiens dangereux, les actions prévues dans les centres commerciaux abandonnés ou celles qui visent à lutter contre la délinquance et la violence sur Internet. Toutes les initiatives pour favoriser les mesures alternatives à l’emprisonnement sont bonnes, comme l’ouverture de centres éducatifs fermés ou la mise en place de stages de responsabilité parentale.

Mais, parallèlement, nous dénonçons le caractère fourre-tout du texte, constatant que, si plus de la moitié des articles ont été adoptés en termes conformes, le volume du projet de loi a été considérablement augmenté par la navette parlementaire. C’est ainsi qu’on lui a adjoint des mesures aussi disparates que la lutte contre les troubles du voisinage ou l’aménagement de la procédure pénale pour répondre à certains problèmes pratiques. Cet inventaire à la Prévert ne renforce pas la lisibilité d’une telle loi.

Nous regrettons, par ailleurs, que les articles relatifs à l’hospitalisation d’office aient été maintenus en dépit de la forte opposition des professionnels et des associations de malades, qui ne souhaitent pas que ces changements interviennent par le vote d’un texte traitant de la prévention de la délinquance.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est fini !

M. Claude Goasguen. On les a retirés !

M. Gérard Bapt. Le candidat est passé derrière le ministre !

M. Gilles Artigues. La tentative de réforme dans le cadre de l’ordonnance relative à l’organisation de certaines professions de santé, suivie de la censure du Conseil constitutionnel, a donné à ces acteurs médicaux, aux prises à de lourdes difficultés, la désagréable impression d’un manque de transparence et d’une grande précipitation. Plus que cette simple mesurette, la question de l’hospitalisation d’office mérite de s’inscrire dans une réforme de fond des soins psychiatriques. Nous soutiendrons, s’il y en a, les amendements de suppression des articles traitant de ces questions. (« C’est déjà fait ! » sur divers bancs.)

En conclusion, pour reprendre les propos tenus par notre collègue Jean-Christophe Lagarde, nous considérons ce texte comme une « boîte à outils », en reconnaissant l’utilité de certains d’entre eux, mais nous sommes déçus qu’il ne porte pas en lui un projet global.

De plus, nous regrettons que les débats entre la droite et la gauche, au Sénat et à l’Assemblée, se soient résumés à un nouvel affrontement stérile entre prévention et répression, même si le ministre d’État nous a dit tout à l’heure vouloir éviter cet écueil. Les élus de terrain de tous bords, avec pragmatisme, sont d’accord, eux, pour rechercher, dans le consensus, un nécessaire équilibre. À n’en point douter, comme l’ont fait les Allemands, les Français imposeront à leurs dirigeants cette nécessité de dépasser les clivages pour trouver, dans l’intérêt général, les solutions à la hauteur des enjeux. La prévention de la délinquance est un de ces thèmes fédérateurs.

En attendant, et parce que la méthode consistant à faire croire qu’une simple loi permettra de régler le problème à trois mois d’échéances importantes n’est pas acceptable, le groupe UDF, comme en première lecture, s’abstiendra sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long des débats parlementaires, ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance a été constamment aggravé. Sa logique initiale, fondée sur le tout-répressif, sans réel contenu en matière de prévention, est toujours de rigueur, et l’on continue de stigmatiser les populations les plus en difficulté.

L’accumulation de nouvelles incriminations pénales – délits d’embuscade et de guet-apens, enregistrement ou diffusion d’images relatives à la commission d’infractions, pratique dite du happy slapping –, l’aggravation de peines existantes, celles concernant la rébellion, auxquelles s’ajoute la création d’un crime de violences commises avec guet-apens contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, traduisent la volonté du Gouvernement et de certains législateurs de faire de ce projet l’instrument privilégié d’une politique sécuritaire déjà à l’œuvre depuis plusieurs années et dont on connaît les résultats, mauvais s’il en est. J’en veux pour preuve l’augmentation toujours plus forte des violences envers les personnes.

Cette poussée sécuritaire confirme que votre gouvernement et sa majorité ont peur des jeunes. Dès lors, devons-nous accepter de vivre dans une société malade qui, au lieu de favoriser l’épanouissement des jeunes dès leur enfance et de leur donner un rôle actif de partenaires dans la société, préfère les considérer comme de simples objets de mesures de socialisation et de contrôle ? Pour ma part, je le refuse, tout comme je refuse la vision pessimiste des familles et des jeunes des quartiers populaires que vous voulez imposer.

Force est de constater que notre société est malade, car ce gouvernement, avec toute une série de lois votées dans la hâte – il y en a déjà eu sept –, fait la guerre aux jeunes, aux familles, aux habitants des cités et des quartiers populaires, aux sans-papiers. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Et pourtant, ce même gouvernement se réclame des valeurs de la démocratie. Mais où est la démocratie dans le modèle que vous proposez, alors qu’il repose sur l’exclusion, la criminalisation, la discrimination, et ne prend plus en compte certaines personnes vivant dans ce pays ? Où est la démocratie, lorsque, sans aucun débat de fond, des amendements visant à mieux prévenir et sanctionner les infractions économiques et financières sont rejetés ?

Alors oui, ce gouvernement fait la guerre aux gens du peuple ! Ce projet de loi élargit les sanctions et le contrôle social, au prétexte que plus une sanction est forte, plus elle est dissuasive, donc préventive. Je respecte la sanction dès lors qu’il y a non-respect de la loi. Encore faut-il qu’elle ait du sens et s’inscrive dans un processus de prévention et de réinsertion. Or il est impossible de percevoir dans ce texte l’aspect « prévention », tant les nouvelles mesures modifiant le code pénal, le code de procédure pénale et le code de la santé publique sont de nature répressive.

Dès treize ans, extension de la composition pénale et de la comparution immédiate et possibilité de placer un mineur sous contrôle judiciaire ; dès dix ans, instauration de nouvelles sanctions éducatives et allongement de six mois à un an de la durée maximale des mesures de composition pénale ; pour les mineurs de plus de treize ans, modulation de la durée du placement prévu à l’article 39 ; pour les récidivistes de plus de seize ans, possibilité de déroger au principe de l’atténuation de la responsabilité pénale – tout cela avec l’objectif avoué d’aligner le droit pénal des mineurs sur celui des majeurs.

Hélas, ce gouvernement s’obstine à n’entendre ni l’ensemble des professionnels et des associations, ni les parents, ni les médecins et encore moins les élus qui, au Sénat comme ici, demandent que raison soit gardée, ni de nombreux membres de l’Association des maires de France refusant le rôle qui leur est assigné. Nous sommes nombreux à dénoncer ce texte, notamment parce qu’il porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs en conférant aux maires des pouvoirs quasi judiciaires. Le maire devient un acteur central en matière de « contrôle » de la délinquance. Il va recevoir des informations, jusqu’ici protégées par le secret professionnel, concernant ses administrés qui bénéficient de l’aide d’un éducateur ou d’une assistante sociale. Il pourra constituer un fichier des élèves ayant fait l’objet d’un avertissement pour absentéisme. Il sera même informé, par la police ou la gendarmerie, des infractions à l’ordre public et, par le procureur de la République, de leurs suites judiciaires.

Pour renforcer leur pouvoir répressif, ce projet de loi permet aux maires d’être assimilés à de véritables délégués du procureur, avec par exemple le rappel à l’ordre prévu à l’article 8. Le maire se trouve ainsi doté de prérogatives qui empiètent sur les missions d’autres institutions et qui traduisent une défiance à l’encontre des travailleurs sociaux et de la justice. Le maire deviendra-t-il pour autant le garant de la sécurité ? J’en doute, mais ce que je crains, c’est que face à l’extension de ses pouvoirs, il y ait d’une part, une dilution de la politique nationale, et d’autre part une multiplication des spécificités locales qui remettront en cause l’égalité de traitement entre les citoyens. Ce n’est plus d’un maire qu’il s’agit mais d’un shérif à la mode américaine !

M. Claude Goasguen. Mais non !

M. Patrick Braouezec. Outre ces dérives liées au statut et au mélange des genres, ce texte porte en lui de vraies atteintes aux libertés fondamentales, que j’avais dénoncées en première lecture mais qu’il me faut dénoncer à nouveau puisque, apparemment, pas plus mes collègues du Sénat que moi-même n’avons été entendus.

Les atteintes à la vie privée sont multiples et la diffusion d’informations à caractère confidentiel est facilitée. L’Assemblée nationale a prévu qu’au sein des groupes de travail des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, des informations confidentielles pourront être échangées sous réserve de ne pas être communiquées à des tiers. La commission des lois du Sénat propose, quant à elle, d’étendre cette faculté au conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. Ainsi, le secret professionnel est remis en cause puisque, en vertu de l’article 5, le partage d’informations jusqu’ici protégées par le secret professionnel sera possible. À cet égard, je regrette vivement que le Sénat ait décidé de supprimer la disposition imposant l’information des personnes concernées par le partage d’informations à caractère confidentiel. Cette disposition, introduite en première lecture à l’Assemblée nationale, était un moindre mal.

Désormais, lorsqu’une famille verra ses difficultés s’aggraver, les travailleurs sociaux devront en informer le maire et le président du conseil général, ce qui pourra justifier la réunion du conseil pour les droits et devoirs des familles. Ajoutons l’autorisation donnée aux travailleurs sociaux de divulguer au maire des informations confidentielles sur les usagers des services sociaux, les dispositions facilitant l’hospitalisation d’office en psychiatrie et la création d’un fichier des personnes ayant subi une telle hospitalisation, ou encore les dispositions accentuant la sévérité de la justice pénale des mineurs au mépris de ses principes fondateurs.

D’autres dispositions attentatoires aux droits des personnes ont été par ailleurs introduites afin, par exemple, de pouvoir expulser plus facilement les gens du voyage, ce qui n’est pas sans poser un problème de compatibilité avec l’article 66 de la Constitution.

S’agissant des articles relatifs à l’hospitalisation d’office, le problème reste entier après l’annulation par le Conseil constitutionnel de l’habilitation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnance les régimes d’hospitalisation sous contrainte.

Nous aurions pu déposer une fois encore des amendements, mais le sort et l’attention qui leur ont été portés en première lecture, et la philosophie même de ce texte, nous conduisent à le juger inamendable.

Ce texte était dangereux. Il l’est plus encore aujourd’hui et prouve, s’il en était besoin, qu’il n’est qu’un produit idéologique fondé sur une conception libérale de la société, où la sécurité prime sur l’accompagnement des familles et où la sanction remplace l’éducation. Il eût mieux valu pour l’avenir de notre pays faire de l’école un véritable acteur de la lutte contre toutes les violences. Mais non : le Gouvernement préfère la répression à la prévention.

Ce texte constitue une menace pour la prévention et l’éducation, pour les jeunes et leurs familles, et surtout pour les libertés individuelles. Nous espérons rassembler de nombreux députés pour saisir le Conseil constitutionnel.

Je terminerai par ces quelques mots, écrits voilà 136 ans et dont je vous laisse le soin de retrouver l’auteur :

Étant les ignorants, ils sont les incléments ;Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redireÀ vous tous, que c’est à vous de les conduire,Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,Que votre aveuglement produit leur cécité ;D’une tutelle avare, on recueille les suites,Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité. […]Comment peut-il penser, celui qui ne peut vivre ? […]Quoi ! Pour que les griefs, pour que les catastrophes,Les problèmes, les angoisses et les convulsionsS’en aillent, suffit-il que nous les expulsions ?

Je vous laisse méditer ces dernières paroles.

Bien évidemment, le groupe communiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit, et fort bien dit, en première lecture et au Sénat.

Ce texte arrive à un moment de la législature où l’on peut dresser des bilans. M. Braouezec ne s’en est pas privé. Je comprends d’ailleurs qu’il se tourne vers le passé car il n’a pas bien compris les évolutions du présent et encore moins les perspectives d’avenir.

Mme Patricia Adam. Victor Hugo appartient-il au passé ? Ce n’est pas sûr !

M. Claude Goasguen. Victor Hugo est mort, l’ignoriez-vous ?

Mme Patricia Adam. Mais pas les valeurs humanistes !

M. Claude Goasguen. Mais il est vrai que je préfère entendre M. Braouezec citer Victor Hugo plutôt que Staline. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Patrick Braouezec. Jamais je n’ai cité Staline !

M. Claude Goasguen. Je sais bien que vous ne soutenez pas votre candidate, mais vous avez tout de même appartenu au même parti !

M. Patrick Braouezec. J’y appartiens toujours !

M. Jean-Pierre Blazy. Et ceux qui ont appartenu à Occident, en parle-t-on ?

M. Claude Goasguen. Je n’ai jamais appartenu au mouvement dont vous parlez, monsieur Blazy. Vous êtes dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale et vous devriez surveiller vos propos !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous citez pourtant Staline. Que vient-il faire dans ce débat ?

M. Claude Goasguen. Pourquoi ne pas citer Staline ? Monsieur Blazy, vous n’avez sûrement pas grand-chose à dire pour vociférer ainsi dans votre coin d’hémicycle ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Essayez quand même d’être raisonnable ! Et puisque vous voulez parler du passé, parlons-en ! Il y a cinq ans, dans ce même hémicycle, nous débattions des problèmes de sécurité. Le Premier ministre s’appelait M. Jospin.

Mme Patricia Adam. On connaît la rengaine !

M. Claude Goasguen. À l’époque, il était tellement conscient des problèmes de sécurité qu’il avait qualifié – à la télévision – l’attaque contre un autobus d’acte d’incivilité.

M. Jean-Pierre Blazy. Non !

M. Claude Goasguen. Si, monsieur !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Et commis par des sauvageons !

M. Claude Goasguen. La politique de sécurité, monsieur Blazy, vous venez de la découvrir !

M. Jean-Pierre Blazy. Allons donc ! Vous êtes élu dans le 16è, et moi je suis maire de banlieue !

M. Claude Goasguen. Rappelez-vous la polémique qu’avait soulevée dans vos rangs M. Chevènement lorsqu’il osa parler de sauvageons. C’était terrible ! M. Chevènement était presque un barbare !

Assumez-le : vous n’avez rien vu, rien compris, vous restez sur des schémas du passé ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Si vous le permettez, monsieur Blazy, je vais poursuivre mon intervention, à moins que vous n’ayez autre chose à nous dire que les propos lancinants que vous tenez depuis plusieurs années – à savoir que la sécurité consiste moins à s’occuper des victimes qu’à trouver des excuses aux délinquants ! Ce qui, en résumé, est à peu près votre discours !

M. Jean-Pierre Blazy. Allez ! C’est ridicule !

M. Claude Goasguen. Je veux bien vous écouter vociférer, mais je ne tolère pas qu’on profère des insultes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous ai-je dit que vous étiez ridicule ? Si vous ne savez pas vous tenir dans l’hémicycle, allez donc à la buvette ! (Mêmes mouvements)

Mme Patricia Adam. Monsieur le président, présidez !

M. le président. Monsieur Goasguen, revenez donc à votre intervention.

M. Claude Goasguen. Alors demandez à M. Blazy de respecter ma parole et de ne pas m’insulter !

M. le président. Je demande en effet à M. Blazy de rester mesuré dans ses propos, afin que notre débat garde de la tenue ; il s’agit d’un sujet important.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas un débat ! Nous ne pouvons pas entendre n’importe quoi !

M. Claude Goasguen. Ma patience a des limites !

Mme Patricia Adam. La nôtre aussi !

M. Claude Goasguen. Vous pouvez sortir ! Personne ne vous retient ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Patricia Adam. Nous sommes élus, au même titre que vous !

M. le président. Poursuivez, monsieur Goasguen. Il ne vous appartient pas de demander à l’un de vos collègues de sortir. Je suis sûr que vos paroles dépassent votre pensée.

M. Claude Goasguen. Ce texte, disais-je, nous permet de dresser un bilan. Or, en matière de sécurité comme dans bien d’autres domaines, celui du Gouvernement est exemplaire.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Claude Goasguen. Il tranche avec la prise de conscience tardive des gouvernements précédents – qui avait valu à la majorité d’alors l’échec patent que les électeurs lui avaient infligé.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Claude Goasguen. C’est en grande partie parce que la politique de sécurité n’avait pas été suffisamment prise au sérieux que le gouvernement de Lionel Jospin a été sanctionné dans les urnes. Et c’est parce que nous avons compris que le problème de sécurité dépassait le cadre judiciaire et policier…

M. Jean-Pierre Blazy. Pour quelles raisons ?

M. Claude Goasguen. …et devenait un véritable problème d’opinion dans un pays profondément perturbé par la crainte de l’insécurité, que le dispositif législatif que nous avons mis en place restera un modèle, mais aussi le gage d’une évolution positive.

Dans ce projet de loi apparaissent en effet quelques idées force. Tout d’abord, nous avons donné au maire la place qu’un certain nombre de textes commençaient à lui attribuer, en lui conférant un rôle essentiel dans la prévention de la délinquance,…

M. Éric Raoult. C’est vrai !

M. Claude Goasguen… de la même manière que les lois précédentes l’avaient associé en tant qu’officier de police judiciaire et en tant que responsable du maintien de l’ordre public. Toutes les précautions ont été prises pour que la politique du maire n’interfère pas avec les activités de la police ou de la justice, mais pour qu’il y ait, au contraire, une véritable complémentarité. Cet élément fondamental préfigure une nouvelle dimension de la prévention de la délinquance pour les années qui viennent.

Nous assistons depuis quelques années à une transformation en profondeur de la délinquance. Malheureusement, si le taux a globalement diminué, nous constatons encore trop souvent des actes de barbarie, témoignant d’une nouvelle délinquance préjudiciable à l’ordre public. Cette nouvelle délinquance emploie des moyens que la loi ne nous permettait pas de combattre. Nous avons essayé d’y remédier. Car je ne pense pas qu’un seul député présent dans l’hémicycle puisse accepter un instant que l’on continue à laisser impunis un certain nombre d’actes graves. Quand les sénateurs ont décidé de sanctionner ce qu’on nomme le happy slapping, ils se sont attaqués à l’une des atteintes les plus graves portées à la dignité de l’être humain, qui consiste, pour un agresseur ou son complice, non seulement à infliger à autrui un acte de violence mais, par un mépris suprême, à le filmer au cours de cet acte terrible d’indignité, pour pouvoir parader ensuite dans un groupe de primo-délinquants ou de délinquants affirmés.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très juste !

M. Claude Goasguen. Cet acte, qui n’existait pas auparavant, est extrêmement grave et les sénateurs ont eu le mérite de le sanctionner fortement. Il est de notre devoir de nous attaquer ainsi aux difficultés que connaissent nos quartiers, nos villes et tout notre pays.

Pour terminer, j’en viens à un troisième point qui reste en débat entre nous et ce débat devra tôt ou tard être mené à son terme. Il s’agit de l’ordonnance de 1945, tant de fois réformée et modifiée. Le sujet mériterait un jour une discussion sereine en vue de réactualiser l’application d’un droit de la minorité et de la prévention de la délinquance chez les mineurs.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Claude Goasguen. J’insiste sur le fait que le projet de loi ne contient aucune aggravation de peine à l’égard des mineurs.

M. Éric Raoult. C’est dommage !

M. Claude Goasguen. Il met simplement en place des dispositifs qui permettront de prévenir la délinquance de leur part, ce qui n’est pas la même chose. J’ajoute que nous sommes à la veille d’une révolution juridique dans le domaine de la responsabilité du magistrat, en particulier lorsqu’il s’agit de délinquance des mineurs. En effet, l’opinion ne comprend pas que certains mineurs puissent jouer de dispositions prises un peu rapidement en vue de soulager l’encombrement des tribunaux judiciaires pour venir parader quelques heures ou quelques minutes après avoir commis un délit en se vantant de l’impunité que leur accorde la République.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Claude Goasguen. Je souhaite véritablement que l’opinion soit informée des responsabilités des uns et des autres. Les victimes ont le droit de savoir pourquoi, quelques heures après une agression, celui qui l’a commise se retrouve pratiquement à l’endroit où elle a eu lieu.

M. Éric Raoult. Tout à fait !

M. Claude Goasguen. Ce sera un changement fondamental de notre droit à l’égard des mineurs que de dire les choses et d’en prendre la responsabilité. C’est la raison pour laquelle nous avons évoqué avec le ministre la possibilité, dans un avenir que je souhaite proche, de mettre fin au système qui dégage le législateur de ses responsabilités pour lui donner la possibilité de revenir sur les dispositions du code pénal, en instituant en particulier ce qu’on appelle de manière très arbitraire des peines plancher, qui n’excluent pas les circonstances atténuantes mais permettent à chacun de savoir pourquoi, comment et dans quel sens la peine a été appliquée. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Voilà ce que je tenais à dire. À présent, monsieur le ministre, vous me permettrez de formuler deux craintes.

Au cours des débats qui ont eu lieu au Sénat s’est posée la question de l’interdiction administrative de ceux qui commettent dans les stades, à l’occasion d’événements sportifs, des actes délictueux, voire criminels, ou racistes : je veux parler des hooligans. Nous avons réussi à les exclure d’activités sportives avec lesquelles ils n’ont rien à voir. Mais l’interdiction de trois mois que nous leur avons appliquée me paraît insuffisante. Je ne souhaite pas, en effet, en tant que député de la circonscription où ont malheureusement eu lieu les événements les plus graves, voir revenir si tôt au Parc des princes les auteurs de délits racistes ou d’agressions.

M. Charles-Ange Ginesy. Bien sûr !

M. Claude Goasguen. Qu’au moins le temps d’une saison, les activités sportives soient débarrassées de leurs actes, de leurs paroles et de leur dégaine ! C’est pourquoi je défendrai à nouveau un amendement allant dans ce sens,…

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Claude Goasguen. …amendement que la commission des lois a rejeté au nom d’arguments dont je veux bien, par ailleurs, reconnaître le bien-fondé.

Enfin, je voudrais dénoncer l’amalgame qui a été fait, au sein de la commission des lois, entre les délits pornographiques sur Internet, qui ont été justement condamnés – il faut à cet égard une vigilance constante et éminemment répressive –, et ce qu’on appelle les jeux en ligne. À leur égard, en effet, nous sommes en contradiction complète avec la directive européenne de 1998, confirmée en 1999. Celle-ci fixe aux États membres, pour des raisons faciles à comprendre – Internet n’est pas national, mais international et européen –, des obligations auxquelles contreviennent nos dispositions législatives, ce qui posera certainement des problèmes juridiques graves. Si, en effet, la loi française était appliquée telle quelle, il est bien évident que ceux qui y contreviendraient feraient appel devant les juridictions européennes, qui leur donneraient probablement gain de cause.

Par ailleurs, il me paraît contestable de laisser les activités de jeux à des sociétés d’État. Le PMU et la Française des jeux ont-ils des compétences particulières pour gérer un domaine qui n’a rien à voir avec les charges régaliennes ? Je sais bien que l’État s’occupe aussi, entre autres, des cigarettes, mais que les inspecteurs des finances, par l’intermédiaire du PMU et de la Française des jeux, se permettent de contrôler des activités dans lesquelles Bercy n’a rien à voir relève à mon sens d’une extension très discutable de la législation européenne et de la notion d’État. Je me permettrai donc, à titre personnel, de défendre au cours du débat des amendements que j’avais déjà soutenus en première lecture, même s’ils ont été repoussés par la commission.

Mais, bien entendu, je félicite le Gouvernement qui a su prendre la dimension des problèmes de sécurité et, à la différence du précédent,…

M. Jean-Pierre Blazy. C’est reparti !

M. Claude Goasguen. …proposer des mesures judiciaires préventives, de manière à recréer dans notre pays un climat de sécurité que personne ne conteste. Le ministre de l’intérieur est exactement aux antipodes du précédent Premier ministre, Lionel Jospin, et de ses suppôts qui vocifèrent dans l’hémicycle. Je tiens à l’en remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. « Suppôts » ! Ce terme n’est pas acceptable !

Mme Patricia Adam. Et après cela, c’est nous que l’on accusera de provocation !

M. Éric Raoult. Allons, ce n’est pas si méchant !

M. Jean-Pierre Blazy. On ne peut pas s’exprimer ainsi, monsieur le président !

M. Claude Goasguen. Estimez-vous heureux : j’aurais pu en dire plus !

M. Jean-Pierre Blazy. Voilà qui promet pour la suite du débat !

M. Claude Goasguen. Et ridicule, c’était acceptable ? Allez, vous n’êtes qu’un bouffon !

M. le président. Monsieur Goasguen, vous avez dit tout à l’heure à M. Blazy qu’il ne fallait pas employer le mot « ridicule » ; vous ne devriez donc pas l’utiliser à son égard.

M. Claude Goasguen. Vous m’avez mal compris, monsieur le président : je l’ai juste traité de bouffon.

M. Éric Raoult. C’est comme ça qu’on parle en banlieue !

M. Claude Goasguen. C’est moins grave et, dans certains cas, le mot se justifie tellement !

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Selon Le Monde d’aujourd’hui, il paraît que le candidat Nicolas Sarkozy « cherche la bonne formule pour son retour sur la dalle d’Argenteuil ». Je lui suggérerais bien d’aller y présenter le texte de loi du ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy sur la prévention de la délinquance…

M. Éric Raoult. Il serait applaudi !

M. Lilian Zanchi. …avec comme sous-titre « La meilleure des préventions, c’est la sanction », comme il l’a affirmé à Toulouse, le 3 février 2003.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Lilian Zanchi. Quoique cette formule résume bien les termes de son projet de loi, stigmatisant non seulement les jeunes mais aussi les populations défavorisées, je comprends que le candidat cherche à faire oublier les propos du ministre de l’intérieur.

M. Jean-Pierre Blazy. Bien sûr !

M. Lilian Zanchi. « Ficher, contrôler et punir ces jeunes et ces populations défavorisées que je ne saurais voir » pourrait être un autre sous-titre du projet de loi proposé par le ministre de l’intérieur candidat. Oui, ficher pour connaître, pour contrôler, pour punir, telle est la philosophie politique de ce texte, sur laquelle je souhaite vous interroger, monsieur le ministre délégué, afin de connaître les intentions du Gouvernement.

Qui ficher et comment ? Vous proposez, à l’article 9, alinéa 5, que les 36 000 maires de France mettent en place un fichier pour recenser les enfants en âge d’être scolarisés, en y ajoutant, par juxtaposition, les données à caractère personnel que détiennent les caisses d’allocation familiales et celles que possède l’éducation nationale en matière d’absentéisme scolaire ou de sanctions disciplinaires : avertissements, exclusions temporaires ou définitives.

À nos yeux, ce fichier est dangereux pour le respect du droit des usagers et pour l’intimité de leur vie privée, principes qui doivent en toutes circonstances être garantis. C’est ce qu’a rappelé, en rendant son avis, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Celle-ci a en effet jugé « disproportionnées » les dispositions du projet de loi – tant à l’article 5 qu’à l’article 9 – qui autorisent le maire à obtenir communication de l’ensemble des données relatives aux difficultés sociales de ses administrés.

Nous comprenons la nécessité, pour les élus locaux, de travailler pour lutter contre l’absentéisme scolaire et de faire suivre les enfants déscolarisés par des groupes de travail réunissant les personnels de l’éducation nationale, de la protection de l’enfance et de la prévention du conseil général, ainsi que des services municipaux compétents. Mais nous ne pouvons que condamner la réunion automatique, voire systématique, au sein d’un fichier de toutes les données individuelles et familiales concernant tous les enfants scolarisés dans une commune. Ce dispositif est dangereux pour le respect des libertés de chacun.

Restons-en donc à ce qui se fait déjà dans de nombreux groupes de travail au sein des CLSPD ou des programmes de réussite éducative : le partage nécessaire et obligatoire de l’information entre tous les partenaires doit se limiter aux seules situations d’enfants déscolarisés ou ayant reçu une sanction du conseil de discipline. Rendre automatique le fichage de tous les élèves est inutile et contre-productif – à moins que vous ne les considériez tous comme des primo-délinquants en devenir !

Vous proposez, par ailleurs, aux articles 6 et 7, l’institution d’un « conseil pour les droits et devoirs des familles », avec la mise en place d’un accompagnement parental par le maire et/ou la caisse d’allocations familiales et/ou le président du conseil général. Pour ce faire, des informations à caractère individuel sur les familles seront recueillies, traitées, échangées et conservées. C’est sur la base de ces données que seront ensuite déclenchés des dispositifs de signalement des mineurs et des familles à problèmes. Permettez-nous de nous interroger, là encore, sur les garanties assurant le respect des droits et de la vie privée des personnes.

En effet, l’article 6, alinéa 7, prévoit que le président du conseil pour les droits et devoirs des familles, c’est-à-dire le maire, peut informer « les tiers intéressés » des mesures d’aides arrêtées avec la famille, des recommandations du conseil à la famille et des engagements pris par la famille. Mais, comme le remarque la CNIL, ces « tiers intéressés » ne sont pas définis, même si nous savons qu’il ne s’agit pas des professionnels de l’action sociale, qui sont clairement identifiés dans le texte.

Alors qui sont ces agents que des renseignements généraux ou individuels sur les familles sont susceptibles d’intéresser ? À une période où des enquêtes sur des personnes sont ordonnées, nous sommes en droit de vous demander de préciser les intentions du Gouvernement et de lever le flou qui existe et persiste : si un agent relevant du ministère de l’intérieur vient demander au maire, officier de police judiciaire, la teneur des mesures prises, que devra-t-il répondre ?

Vous avez enfin proposé la création d’un fichier pour améliorer le suivi et l’instruction des mesures d’hospitalisation d’office, dont les données seront conservées durant cinq années après la sortie des intéressés, sous prétexte d’un accompagnement renforcé par un meilleur contrôle des sorties d’essai.

M. Jacques-Alain Bénisti. Cette mesure a été retirée !

M. Lilian Zanchi. Je le sais mais, le ministre de l’intérieur ayant indiqué que le débat devait continuer, permettez-moi d’interroger le Gouvernement sur ses intentions !

Là encore, si nous pouvons comprendre la volonté du Gouvernement de contrôler au mieux les conditions psychiatriques des détenteurs d’armes actuels ou futurs, il nous semble que ce fichage automatique est dangereux, car son instauration assimile toute personne atteinte d’un trouble passager du comportement à un délinquant potentiel.

Il serait d’autant plus dangereux d’automatiser le fichage de toute personne ayant été hospitalisée d’office, que vous voulez faciliter cette hospitalisation en la rendant possible par arrêté du maire après un simple avis médical, alors que le certificat médical était obligatoire jusqu’alors. En outre, vous voulez que le maire soit systématiquement informé de la sortie des patients. Il me reste donc à vous poser un certain nombre de questions, qui demeurent encore sans réponse.

Que fera le maire de ces informations ? Demandera-t-il à sa police municipale ou à ses agents assermentés de contrôler le comportement de la personne concernée ? Sera-t-il pénalement responsable de ne pas avoir suivi cette personne si elle venait à commettre un acte de délinquance ? Le certificat médical est un document écrit ; en est-il de même pour l'avis médical ? La question mérite d’être posée car, pour un maire, il serait risqué, en termes de responsabilité pénale, de prendre un arrêté sur simple avis médical oral.

Par ailleurs, qu’en est-il du principe selon lequel une personne hospitalisée pour troubles mentaux conserve la totalité de ses droits et ne peut se voir opposer ses antécédents psychiatriques ? Ces personnes pourront-elles par exemple, pendant les cinq ans de fichage, accéder aux concours de la police nationale – pour lesquels les documents du ministère de l'intérieur précisent qu’il ne faut être « atteint d'aucune séquelle psychiatrique » –, alors que le projet de loi autorise le préfet et toutes personnes habilités par lui – notion plus que floue – à accéder à ce fichier, et donc à contrôler les antécédents psychiatriques des candidats au concours ?

Certes, les troubles du comportement pour raisons de santé mentale, qui se traduisent souvent par des troubles de voisinage ou des troubles à l'ordre public, concernent les maires. Mais des solutions alternatives au fichage existent. Je pense notamment aux commissions « régulation santé mentale », que nous avons mises en place à Villeurbanne avec la police nationale, la direction de l'hygiène et de la santé publique de la ville et, surtout, la psychiatrie de secteur et les CMP.

M. Jacques-Alain Bénisti. Dans les grandes communes !

M. Lilian Zanchi. En tout état de cause, il ne servait à rien de légiférer en urgence. Nous nous félicitons bien entendu du retrait des articles 18 à 24, proposé tout à l’heure par le ministre de l’intérieur, ou par le candidat : on ne sait plus, puisque M. Bas a indiqué, en réponse à une question de M. Blisko, que le Gouvernement maintiendrait ces dispositions, avant d’être contredit quelques minutes plus tard par M. Sarkozy.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est le candidat qui gouverne !

M. Lilian Zanchi. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement doit éclairer la représentation nationale sur ses intentions pour la suite, puisque M. Sarkozy a remis la question à plus tard. Envisagez-vous d’ouvrir, comme nous l’avions proposé, un chantier sur l’hospitalisation d’office et la santé mentale, afin de réformer notamment la loi de 1990 ?

Après les jeunes, ce sont les personnes malades que vous vouliez stigmatiser. Nous pourrions donc proposer au ministre de l'intérieur une autre formule pour présenter son texte : « Ficher, contrôler, punir les malades que je ne saurais voir ».

Le groupe socialiste a proposé, et continuera de le faire, par des amendements, la mise en place d’une véritable politique de prévention, d’éducation et d’insertion sociale et professionnelle au service de tous, sans exclusion, notamment au service des jeunes.

M. Éric Raoult. Avec des militaires !

M. Jean-Pierre Blazy. Si besoin !

M. Éric Raoult. Vous n’avez pas honte ? Même Bigeard ne l’avait pas fait !

M. Lilian Zanchi. En effet, si la sanction peut être un outil, elle ne saurait être suffisante quand il s’agit d’aider chaque jeune de notre pays à construire son projet de vie personnel et professionnel.

M. Éric Raoult. C’est de ce côté-ci que se trouvent les hommes de gauche !

M. Serge Blisko. Oh la la !

M. Lilian Zanchi. Vous êtes restés quasi sourds à nos propositions, lesquelles redonnaient pourtant toute sa force et sa vigueur à un texte qui, depuis le début, n'a de préventif que le nom. Qui plus est, vous nous avez trompés sur les chiffres car, en 2006, le nombre de faits de délinquance n’est pas de 3 millions, comme il a été indiqué tout à l’heure à M. Blazy, mais de 3 725 588, selon le ministère de l’intérieur.

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

M. Jacques-Alain Bénisti. Raison de plus pour voter ce texte !

M. Éric Raoult. On dirait que cela vous fait plaisir, monsieur Zanchi !

M. Lilian Zanchi. Non ! Je préfère que nous parlions de la réalité des choses.

En cinq ans, vous ne serez parvenus qu'à rendre coupables les Françaises et les Français : coupables de la mauvaise éducation de leurs enfants, coupables de leur santé mentale, coupables de vivre seuls, coupables d'être sans emploi, coupables de vivre dans des quartiers surpeuplés, coupables d'être défavorisés.

M. Jacques-Alain Bénisti. Quelle démagogie !

M. Lilian Zanchi. Allez dire cela à Villeurbanne !

M. Lilian Zanchi. Pendant cinq ans, vous avez répondu à leurs difficultés par la sanction, le fichage, le contrôle, la punition et l'enfermement.

Mme Nadine Morano. N’importe quoi !

M. Lilian Zanchi. Or les coupables, c'est vous ! Vous vous êtes trompés de politique, vous avez échoué : les atteintes physiques aux personnes et le sentiment d'insécurité n'ont cessé d'augmenter, comme le révèlent les enquêtes de victimation de l’Office national de la délinquance.

M. Serge Blisko. C’est un échec absolu !

M. Lilian Zanchi. En 2002, le ministre avait proposé un contrat aux Français. Force est de constater que ce contrat d'apprentissage est un échec. Alors, conformément à l'alinéa 15 de l’article 6 de votre projet de loi, et au terme de son contrat, nous lui délivrons une attestation de l’échec de sa politique à respecter ses engagements liés à l'exercice de sa fonction de ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Éric Raoult. Enfin du bon sens !

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi est bien le fruit de cinq années de travail concerté entre les acteurs de terrain, le ministre de l’intérieur et les parlementaires de la commission du même nom.

M. Éric Raoult. Dont vous faisiez partie !

M. Jacques-Alain Bénisti. En effet, tout comme M. Blazy, d’ailleurs.

M. Éric Raoult. Ce devait être un sosie !

M. Jacques-Alain Bénisti. Je tiens d’emblée à exprimer ma plus entière satisfaction au ministre, qui a écouté et validé les propositions des élus de terrain constituant cette commission et de ceux qui agissent au quotidien dans les quartiers sensibles.

Ce texte fait enfin du maire le pivot de la politique de prévention de la délinquance. Il est le seul élu local qui soit capable de coordonner l’ensemble des acteurs qui interviennent pour lutter contre la délinquance des mineurs et aider leurs familles. La délinquance a changé : elle est de plus en plus violente et commise par des adolescents de plus en plus jeunes. Ce texte n’a pas pour objectif de les condamner davantage, mais bien d’aider ces jeunes en mal d’existence, ainsi que leurs familles. Si plusieurs articles du projet de loi réforment l’ordonnance de 1945, nous sommes un certain nombre à penser qu’une réforme plus globale est indispensable. J’espère d’ailleurs que la prochaine législature nous donnera l’occasion de la réaliser.

S’agissant des modifications apportées par nos collègues sénateurs, je regrette que le formalisme de plusieurs procédures ait été supprimé. Je pense notamment à l’une des dispositions de l’article 5, qui imposait l’information des personnes concernées par le partage de données à caractère confidentiel. Lorsqu’il s’agit d’aider une personne, la transparence et la franchise sont toujours préférables à un mur de silence. De même, la tentative de rééquilibrer les responsabilités au profit du président du conseil général me semble dommageable. Je crains en effet que, du fait des clivages politiques qui pourraient opposer un maire au président du conseil général, ce partage de responsabilités n’aboutisse dans certains cas à des blocages qui fragiliseraient et remettraient en cause les actions de prévention.

M. Éric Raoult. Tout à fait !

M. Jacques-Alain Bénisti. Par ailleurs, le choix de nos collègues sénateurs de conférer à la ville la plus peuplée d’un établissement public de coopération intercommunale un pouvoir de définition de la politique de prévention de la délinquance me paraît une fausse bonne idée. En effet, cette disposition risque de complexifier les procédures et d’empiler les niveaux de responsabilité, alors que le problème des politiques de prévention de la délinquance tient précisément au manque de coordination des actions et à l’absence de chef de file et de gouvernance. Je souhaite donc que nous revenions à la rédaction qui avait été adoptée en première lecture par notre assemblée. C’est pourquoi je soutiendrai l’amendement présenté par notre rapporteur et qui a été adopté par la commission des lois.

Je partage également le souhait de notre rapporteur et de l’ensemble des membres de la commission des lois de punir sévèrement les pratiques dites de happy slapping qu’a évoquées Claude Goasguen. Il est en effet important de stopper dès à présent ces pratiques qui nous viennent des pays anglo-saxons et qui consistent à diffuser des images d’agressions parfois très violentes, voire barbares. Nous ne pouvons tolérer cette humiliation pour les victimes et je souhaite que les tribunaux appliquent cette nouvelle disposition pour envoyer un signal fort aux jeunes qui diffuseraient ce type d’images.

Enfin – et je regrette que M. Zanchi soit parti –, je voudrais vous rendre compte d’un fait réel qui s’est produit dans ma ville, il y a quelques mois. Un homme sortant d’un centre psychiatrique situé dans ma circonscription se rend au domicile de sa mère, alors qu’il est sous l’emprise de la drogue. Après une altercation avec elle, il jette son chien du deuxième étage de l’immeuble, affirmant qu’il est envoûté. Alors que la mère emmène l’animal chez le vétérinaire, qui se trouve à deux cents mètres de chez elle, son fils la suit. Arrivé dans le cabinet du vétérinaire, il poignarde celui-ci de neuf coups de couteau. Ce père de trois enfants succombera malheureusement à ses blessures.

L’individu a été interpellé et le rapport de psychiatrie indique que « M. S. a commis ce crime sous l’effet d’une pulsion maniaco-dépressive, accentuée par l’absorption de cannabis ». Il est actuellement placé en centre fermé psychiatrique, mais le rapport indique : …

M. Serge Blisko. Comment vous êtes-vous procuré ce rapport ! C’est une violation du secret médical !

M. Jacques-Alain Bénisti. …« Si son état se stabilise, il pourra quitter ce centre et suivre une thérapie en hôpital de jour. Mais s’il réitérait des actes violents, serait alors envisagé son placement en centre psychiatrique fermé pour une période plus longue. »

Ce cas concret est pour le moins effarant – et nous en rencontrons quasi quotidiennement dans nos communes. S’il est vrai que ce M. S. n’est pas un délinquant, il est néanmoins considéré comme dangereux et il est inadmissible d’attendre un second drame pour prendre les mesures qui s’imposent. Monsieur le ministre, si ce texte avait été voté il y a un an, ce vétérinaire, père de famille, serait toujours en vie aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Blazy et M. Serge Blisko. Ce n’est pas sûr !

M. Jacques-Alain Bénisti. En conclusion, je veux remercier le ministre d’État, ministre de l’intérieur, de son courage et, surtout, de sa ténacité. Ils lui ont permis d’aboutir, sur un sujet aussi polémique, à un texte qui lui a valu, ainsi qu’à moi-même, une avalanche de critiques et d’attaques diffamatoires totalement injustifiées. Les Français sauront s’en souvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous ne pouvons, bien entendu, que nous féliciter que la mobilisation de la communauté psychiatrique, bien relayée par les députés de gauche, ait porté ses fruits et que les professionnels, les familles, la Fédération hospitalière de France et les malades aient ainsi pu obtenir le retrait des articles 18 à 24 du projet de loi. Quand une affaire est mal engagée, mieux vaut s’abstenir que s’obstiner. Nous nous réjouissons donc que, pour l’instant, ces dispositions liberticides soient écartées du champ de la discussion.

M. Jacques-Alain Bénisti. Les familles des victimes ne vont pas se réjouir !

M. Serge Blisko. Néanmoins, la manière employée par le ministre de l’intérieur pour annoncer ce retrait n’est guère respectueuse de la représentation nationale. Au reste, à une question que je lui posais sur le sujet quelques minutes avant cette annonce, M. Bas a répondu n’importe quoi, confondant l’hospitalisation d’office et l’hospitalisation à domicile. Certes, nous sommes tous un peu fatigués en cette fin de législature, mais sa réponse restera dans l’anthologie parlementaire comme la plus inappropriée – et je reste poli.

Je veux revenir à un certain nombre de dispositions qui me paraissent problématiques. M. le ministre de l’intérieur a évoqué la création d’hôpitaux-prisons, en lesquels on reconnaît les fameuses UHSA que proposait il y a un peu plus d’un an le rapport Burgelin. Ces hôpitaux-prisons constitueraient une véritable hérésie du point de vue juridique dans la mesure où seraient amenés à y cohabiter des malades difficiles – ceux qui se trouvent actuellement en UMD – et des personnes qui, après avoir purgé leur peine de prison, seraient maintenues de manière tout à fait inappropriée en détention administrative. Cela constituerait un grave manquement aux libertés publiques qui, je n’en doute pas un instant, vaudrait à la France d’être rapidement condamnée par la Cour de justice. Ces établissements hybrides, tenant à la fois de la maison d’enfermement et de l’hôpital – au sens que l’on donnait à ce mot au xviiie siècle, c’est-à-dire un dépôt de mendicité où se trouvaient jetés sans distinction ceux que l’on appelait alors les aliénés, mais aussi les criminels et les miséreux – n’existent actuellement dans aucun pays du monde et je n’ose croire qu’ils puissent voir le jour, bien qu’on nous annonce la création prochaine de 700 places dans ce type d’institution. Que l’on envisage, au xxie siècle, d’en revenir à des pratiques que la psychiatrie et la doctrine pénaliste, sous l’influence de la philosophie humaniste, ont rejetées il y a deux cents ans en différenciant la pathologie mentale de la délinquance, en dit long sur vos errements psychologiques et politiques.

M. Jacques-Alain Bénisti. Amalgame !

M. Serge Blisko. J’aimerais également obtenir quelques explications au sujet de ce que M. le ministre de l’intérieur appelle le « conflit de victimes ». Certes, les victimes d’un acte épouvantable, en particulier lorsqu’il a été commis par une personne sous l’emprise d’une aliénation mentale, doivent être accompagnées et soutenues, mais il ne faut en aucun cas opposer les victimes aux malades victimes. Le procédé consistant à créer, à partir des graves difficultés que connaît notre société, un « « conflit de victimes » utilisé comme argument politique ne m’étonne guère de la part du ministre candidat, mais je pense que le débat sur ces questions aurait mérité mieux.

J’en viens, enfin, aux propos que vient de tenir M. Bénisti. S’il fallait une seule raison pour s’opposer au partage du secret médical, notre collègue vient de nous la donner en révélant, sous couvert de l’immunité parlementaire, les informations contenues dans le dossier médical d’un malade mental – seul le nom de la personne concernée, réduit à son initiale, ayant été maintenu secret. Vous semblez fier de ce que vous avez fait, monsieur Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Tout à fait ! J’en assume la responsabilité !

M. Serge Blisko. Pour ma part, je trouve extraordinaire qu’un élu vienne lire un dossier médical à la tribune de notre assemblée,…

M. Éric Raoult. Mais devant un tel cas, monsieur Blisko !

M. Serge Blisko. …ce qui revient à piétiner le code de déontologie et le code civil.

M. Éric Raoult. Vous direz cela à la veuve !

M. Jean-Marie Le Guen. Oh ! Oh ! Mon pauvre ami !

M. Éric Raoult. Et cela vous fait rire ?... Vous êtes de drôles de types !

M. Serge Blisko. Cet acte est un délit qui, en tout autre lieu, vous aurait rendu passible de poursuites.

Mme Nadine Morano. Il n’a même pas donné le nom !

M. Serge Blisko. Il devrait suffire à faire comprendre à chacun que cette disposition doit être abandonnée.

M. Éric Raoult. Vous n’avez plus les pieds sur terre !

M. Serge Blisko. Pour ma part, je considère que se livrer à de tels effets de tribune n’a rien de glorieux…

Mme Nadine Morano. Aucun nom n’a été prononcé ! M. Blisko se livre à une attaque gratuite !

M. Serge Blisko. …et je ne vous en félicite pas, monsieur Bénisti ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le terme de cette législature est aussi l’heure des bilans. Les engagements pris par le Gouvernement en matière de sécurité ont été tenus et je crois que nous pouvons nous féliciter des résultats obtenus. En 2001, on dénombrait plus de 4 millions de crimes et délits ; ce chiffre a été ramené à 3,775 millions. Plus d’un million de victimes ont été épargnées depuis 2002 grâce à votre action, monsieur le ministre ! Et 80 % des usagers des services de police et de gendarmerie sont satisfaits de l’accueil et de l’écoute des agents. Les Français se sentent davantage en sécurité.

Pour poursuivre l’action engagée, le projet de loi que nous allons voter s’inscrit dans la continuité de nos objectifs et des attentes des Français, lassés du laxisme de la gauche. Entre mai 2002 et avril 2006, la délinquance a reculé de 8,8 %, alors qu’elle avait augmenté de 14,5 % entre 1998 et 2002. Les chiffres le prouvent, la majorité actuelle n’a pas fait semblant d’agir !

Pour la sécurité des Français, il faut aussi agir en amont, prendre le mal à la racine. Aujourd’hui, après avoir tenu ses engagements, M. le ministre d’État nous demande d’aller encore plus loin. La LOPSI est dans sa cinquième et dernière année d’application. Pour la première fois, une loi de programmation aura été entièrement respectée. Après avoir obtenu les moyens de mieux sanctionner, nous allons également être mieux équipés pour la prévention de la délinquance.

Le projet de loi qui nous est soumis se veut avant tout réaliste et pragmatique. Il a vocation à prévenir la délinquance que subissent les Français au quotidien, du trouble de voisinage à la femme battue en passant par les mineurs récidivistes, cette délinquance étant combattue sous toutes ses formes grâce à des actions efficaces. Nous démontrons ainsi aux socialistes que la sécurité des Français ne se résout pas en tournant le dos aux problèmes.

Au premier rang des points forts de ce projet figure le rôle enfin attribué aux maires, dont je me félicite. Véritables élus de terrain et symbole de proximité, ils voient à juste titre leurs pouvoirs multipliés. Ainsi, ils seront chargés de l’animation et de la coordination de la politique de prévention et pourront saisir le juge des enfants en matière de tutelle des prestations familiales.

Nous pouvons également nous féliciter que ce projet de loi mette le travail d’équipe à l’honneur. Les acteurs politiques et sociaux pourront enfin travailler main dans la main. Ils détecteront mieux les malaises pour aider les personnes en difficulté, les empêchant d’entrer dans le cercle vicieux de la délinquance. Contrairement à la gauche, nous refusons de considérer que la délinquance est une fatalité !

J’attire l’attention de M. Blisko sur le fait que M. Bénisti n’a cité aucun nom. (« Encore heureux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) N’est-il plus possible d’évoquer, dans cet hémicycle, des faits concrets ayant eu pour conséquence la mort d’une personne ? Il me semble au contraire que l’exposé de telles situations peut guider notre réflexion.

M. Serge Blisko. Mais qui a transmis ce dossier à M. Bénisti ? Lui-même, serait-il d’accord pour que n’importe qui ait accès à son dossier médical ?

M. Thierry Mariani. M. Bénisti a respecté le droit et je ne vois pas ce que son intervention peut avoir de choquant.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne comprenez rien à l’Assemblée nationale !

M. Thierry Mariani. Dernier point : l’adaptation de la sanction à la gravité de l’acte. Partant du constat d’une délinquance des mineurs de plus en plus grave, ce projet de loi modifie le fonctionnement de l’excuse de minorité. En décidant que l’excuse de minorité n’a pas à être appliquée, les juges pourront punir plus sévèrement les mineurs récidivistes de plus de seize ans ayant commis un crime ou un délit grave. Il était temps d’adapter la sanction à la gravité de l’acte !

Le projet vise également à adopter un dispositif plus ferme à l’égard des délinquants multirécidivistes. Les juges qui auront à les condamner devront spécialement motiver leurs choix relatifs à la nature de la peine, à sa durée ou à son régime. C’est, là aussi, aller dans la bonne direction, même si j’aurais souhaité, pour ma part, que l’on aille un peu plus loin.

La gauche a pratiqué jusqu’en 2002 la politique de l’autruche sur les réalités de la délinquance. Nous, nous avons sorti la tête du sable pour voir les problèmes en face et les résoudre ! Avec ce projet de loi, la sécurité des Français est notre priorité et, dans ce domaine, les résultats sont plus rassurants que les belles paroles. Au moment où nos chers collègues socialistes proposent aux Français de remettre en place la fameuse police de proximité, dont l’inefficacité n’est pourtant plus à démontrer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous proposons de leur garantir une sécurité de proximité.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je voterai pour la deuxième fois ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même si M. Artigues n’est plus présent parmi nous…

M. Jean-Marie Le Guen. Il est avec M. Sarkozy !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …je tiens à lui apporter quelques éléments de réponse. Puisqu’il a affirmé que la politique de prévention devait être abordée de façon globale, je veux souligner que M. le ministre d’État a été le premier à présenter un texte à vocation transversale. Certes, on pourrait y intégrer d’autres problématiques, notamment celles liées à l’urbanisme : comme Nicolas Sarkozy l’a lui-même affirmé, c’est en effet par une véritable mixité sociale que nous réglerons un certain nombre de difficultés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Serge Blisko. On ne vous le fait pas dire !

M. Jean-Pierre Blazy. La première chose à faire serait d’appliquer la loi SRU !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Toutefois, le présent texte a d’ores et déjà le mérite d’apporter des solutions à de nombreux problèmes.

Je remercie M. Artigues d’avoir souligné combien il importe de lier l’action de la police à l’évolution de la délinquance et de pratiquer une politique globale de la chaîne pénale associant police et justice. Il a également affirmé que la détention des mineurs n’était pas une réponse appropriée en toutes circonstances. Pour répondre à sa question portant sur le nombre d’établissements ouverts, je précise que 24 centres d’éducation fermés ont été créés depuis 2002 ; 12 autres le seront à la fin de 2007 et compte tenu de ceux qui seront opératoires en 2008, ce sont en tout 46 centres qui auront été ouverts, ce qui correspond à la création de 500 places pour mineurs.

M. Jacques-Alain Bénisti. Voilà du concret !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. J’ajoute que nous disposons actuellement de six établissements de détention spécifiquement dédiés aux mineurs, où ceux-ci ne peuvent donc en aucun cas être confrontés à des adultes. Avec l’ouverture d’un autre centre en 2008, ce sont 420 places qui auront été créées.

M. Artigues a enfin indiqué que l’UDF est favorable aux nouvelles attributions des maires et aux dispositions qui leur donnent accès à certaines informations, ce dont je le remercie. Nombre d’amendements déposés tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale ont d’ailleurs été inspirés par l’Association des maires de France. Je me félicite que l’UDF voie dans ce texte une « boîte à outils » de nature à renforcer nos politiques de prévention.

Contrairement à ce que pense M. Braouezec, ce texte ne stigmatise personne : il s’agit simplement de mieux coordonner les interventions des travailleurs sociaux.

M. Jean-Marie Le Guen. On a fait allusion à Staline tout à l’heure : en matière d’ordre, à côté, M. Sarkozy, c’est petit !

M. Claude Goasguen. Vous auriez sans doute préféré que j’évoque Trotski !

M. Éric Raoult. Et le piolet !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Quand il s’agit de proposer à des mineurs des sanctions éducatives et de généraliser l’injonction thérapeutique pour les toxicomanes, y a-t-il stigmatisation ou simple justice ? Ce projet ne fait pas du maire un délégué du procureur et il n’empiète sur aucune institution. Outre les pouvoirs en matière de police judiciaire dont les maires disposent depuis la loi communale de 1884, pouvoirs encadrés par le code général des collectivités territoriales, ce texte leur permet simplement de passer le relais, quand il le faut, aux autres institutions susceptibles d’intervenir : conseils généraux, directeurs des caisses d’allocations familiales, autorités judiciaires. Grâce au conseil des droits et des devoirs des familles, le maire pourra par exemple proposer un accompagnement parental.

Concernant les fichiers relatifs à l’absentéisme scolaire, il s’agit simplement, monsieur Zanchi, de permettre aux maires d’exercer efficacement une responsabilité qui leur incombe déjà en matière de respect de l’assiduité scolaire. L’absentéisme est souvent le premier signe de la dérive d’un enfant. Vous semblez avoir oublié qu’aux termes de l’article L. 131-6 du code de l’éducation, les maires sont chargés de dresser la liste de tous les enfants résidant dans leur commune et soumis à l’obligation scolaire. La combinaison de ces dispositions ne permet pas de lutter efficacement contre l’absentéisme scolaire. La proportion d’élèves absents non régularisés varie de 2 % à 5 % des effectifs. En novembre 2005, elle dépassait 13 % dans un établissement sur dix. Ne faut-il donc rien faire contre ce phénomène ?

M. Jean-Pierre Blazy. La vraie question, ce sont les moyens à employer !

M. Lilian Zanchi. Pas besoin d’un fichier !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le projet de loi complète les données dont pourra disposer le maire pour repérer les situations d’absentéisme les plus délicates. M. Zanchi estime, de plus, que cela est dangereux pour les libertés.

M. Lilian Zanchi. Certainement !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Faut-il en déduire que manquer les cours devrait être tenu pour une liberté ?

M. Jean-Pierre Blazy. Caricature !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous considérons pour notre part qu’il est essentiel de lutter contre l’absentéisme.

M. Lilian Zanchi. Vous pouvez le faire en travaillant avec l’éducation nationale !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. S’agissant des hospitalisations d’office, est-il encore utile de répondre à vos questions qui, à vrai dire, ressemblent bien plus à des procès d’intention ?

M. Serge Blisko. Aucunement !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Si nous pouvons, comme nous le souhaitons, présenter une réforme d’ensemble au début de la prochaine législature, nous aurons l’occasion d’en rediscuter. S’agissant des détenus en situation de souffrance psychologique, les unités hospitalières de soins adaptés répondent à une nécessité. Sept sont ouvertes ou en cours d’ouverture en 2007, ce qui représente 705 places.

Pour le reste, je remercie MM. Goasguen, Bénisti et Mariani d’avoir soutenu une fois de plus ce texte de prévention au nom du groupe UMP.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. Goasguen et M. Bénisti se sont notamment félicités qu’un amendement de la commission des lois du Sénat ait introduit des dispositions visant à sanctionner ce qu’on appelle le happy slapping.

J’aurais aimé, monsieur Houillon, tout en saluant le travail exceptionnel accompli par la commission des lois à l’Assemblée nationale, que vous puissiez proposer une traduction française de cette expression.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Rassurez-vous : elle ne figure pas dans l’amendement !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Peut-être est-il encore temps d’y réfléchir. Dans la mesure où il s’agit de prévoir dans le droit français une sanction visant un nouveau type de délit, il me semble utile de trouver une bonne traduction.

Mme Nadine Morano. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Goasguen, je vous remercie d’avoir rappelé la nécessité de lutter contre les violences dans les stades et à l’extérieur de ceux-ci. Je salue à cet égard la proposition de loi qui a été adoptée en juillet 2006 par l’Assemblée nationale et le Sénat. Applicable depuis le mois de décembre dernier, elle permet de dissoudre les associations de supporters qui auraient des comportements racistes ou antisémites, ou qui se livreraient à des violences. Elle permet également, pendant les matchs, de retenir dans les commissariats ou les gendarmeries les supporters ayant été identifiés, et d’interdire de fréquentation certaines tribunes. Sans doute faut-il aller plus loin, comme vous le suggérez. Le Gouvernement est ouvert à cette proposition, aujourd’hui comme pour demain.

Pour conclure, vous avez fort justement souligné, messieurs Goasguen, Bénisti et Mariani, que, contrairement à ce que certains orateurs du groupe socialiste ont laissé entendre, ce texte ne comporte aucune aggravation de peines pour les mineurs. Il n’y a que des mesures d’accélération. En fin de législature, il était souhaitable de s’en tenir là.

Pour autant, comme le ministre de l’intérieur et un certain nombre de députés de la majorité, je souhaite que, dans le cadre de la prochaine législature, nous puissions aller plus loin.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme vous l’avez rappelé, monsieur Goasguen, une proposition de loi visant à instaurer des peines plancher a d’ores et déjà été déposée.

M. Jacques-Alain Bénisti. Absolument !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je suis persuadé qu’avec la confiance des Françaises et des Français, nous atteindrons cet objectif. Il faudra en effet être en mesure de sortir du schéma imposé par l’ordonnance de 1945 et dans lequel nous nous sommes laissé enfermer. Un délinquant de 2007 n’a rien à voir avec un délinquant de 1945.

M. Éric Raoult. Absolument !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il serait temps que chaque Français, et surtout chaque victime, ait l’assurance que toute atteinte à son intégrité physique ou morale sera suivie d’une sanction en toute circonstance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Ça, c’est un ministre !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Merci, monsieur le ministre, pour les aimables propos que vous avez tenus fort justement à l’égard de la commission. Soyez rassuré, la commission des lois, qui parle surtout latin (Sourires), n’a pas employé dans l’amendement les termes « happy slapping ».

M. Éric Raoult. La fameuse baffe joyeuse !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cela signifie, en effet, gifle joyeuse ou vidéo-lynchage. En tout cas, l’expression ne figure pas en anglais dans le texte.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialistes une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jacques-Alain Bénisti. M. Le Guen va sûrement retirer cette motion !

M. Éric Raoult. C’est Ségolène qui le lui a demandé ! Il doit le faire s’il veut être ministre !

M. le président. Ne cherchez pas à l’interrompre avant même qu’il n’ait commencé ! Lui seul a la parole !

M. Guy Geoffroy. Très bien ! Il va nous parler de l’encadrement militaire prévu par Ségolène !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le rapporteur, je tiens tout d’abord à vous exprimer toute ma compassion. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il ne doit pas être agréable, en effet, alors que vous avez encore réuni la commission au titre de l’article 88 voilà à peine quelques heures, de vous entendre dire depuis cette tribune que le travail que vous avez effectué et toutes vos explications visant à justifier la présence des articles 18 à 24 dans ce texte n’avaient servi à rien. Vous aviez pourtant longuement insisté sur le fait que ces articles étaient excellents et fort opportuns, que le dialogue et la concertation avaient eu lieu et qu’il fallait aller vite. J’en resterai là, ne souhaitant pas utiliser tout mon temps de parole à rapporter les arguments que vous avez utilisés, des heures durant, pour justifier la nécessité absolue de voter ces articles.

Mais il a suffi que l’ensemble des organisations de malades et des organisations professionnelles du secteur psychiatrique fassent savoir que ces dispositions étaient inacceptables pour que votre ministre candidat décide de les retirer. Il a été obligé de constater que des dizaines de milliers de personnes exprimaient des inquiétudes sur la conception des libertés publiques et de la déontologie professionnelle que vous vouliez leur imposer en faisant des malades des délinquants et des soignants des auxiliaires de l’ordre public. Or, en dépit des regrets de certains d’entre vous, les soignants ne peuvent pas être intégrés dans les troupes du ministère de l’intérieur. N’oubliez pas de prendre en compte cet aspect du problème lorsque vous supprimerez des postes de fonctionnaires ! Sachez-le, vous ne pourrez pas transformer tous les médecins en policiers ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Démagogie !

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui, ces articles n’avaient rien à faire dans ce texte ! En outre, ils allaient exactement à l’opposé de ce que souhaitent, de façon totalement consensuelle, l’ensemble des professionnels et des associations de médecins.

M. Jacques-Alain Bénisti. Mais pas les victimes !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est un sujet important. Les malades mentaux sont des concitoyens victimes qui ont droit à des soins et à notre aide. Ce ne sont pas des Français du dehors. Ce ne sont pas des étrangers, ou de mauvais Français.

M. Jacques-Alain Bénisti. Démagogie ! C’est dommage sur un thème si important !

M. Jean-Marie Le Guen. Ne l’oubliez pas, 10 % des Français seront concernés, à un moment ou à un autre de leur vie, par une consultation en psychiatrie. Plus de 3 % se sont trouvés en hospitalisation d’office ou en hospitalisation à la demande de tiers. Et ces Français-là sont dans nos familles, dans vos familles. Ce sont des proches, et non pas des ennemis ou des adversaires. Ce ne sont pas non plus des coupables. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. On n’a jamais dit cela !

M. Jacques-Alain Bénisti. Jamais !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce sont des malades et il n’y pas plus de délinquants et d’agressifs parmi les malades mentaux qu’au sein de la population ordinaire.

M. Claude Goasguen. Mais quand il y a des victimes ?

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut que vous vous y fassiez : la psychiatrie, quelle que soit la compétence que vous voulez lui donner, ne peut pas être un élément de votre politique d’ordre public. En effet, il n’existe pas de test de dépistage permettant de prévoir que, demain, dans des circonstances extraordinaires, à l’occasion de drames passionnels, une personne sera amenée à craquer…

M. Claude Goasguen. Et que faites-vous des victimes ?

M. Jean-Marie Le Guen. …et à commettre un acte de violence dans le cadre d’une bouffée délirante. Voilà quelle est la réalité ! Alors n’essayez pas de faire du dépistage, de ficher les malades et de les enfermer. Tous ces hommes et ces femmes ne sont rien d’autre que des concitoyens qui ont droit, messieurs les prétendus libéraux, au respect de leurs libertés individuelles.

M. Jacques-Alain Bénisti. Allez le dire aux mères d’enfants violés ou tués !

M. Jean-Marie Le Guen. Et ils ont aussi le droit de bénéficier de soins car ce sont des malades.

M. Claude Goasguen. Personne ne dit le contraire !

M. Jean-Marie Le Guen. Aujourd’hui, vous avez enfin compris qu’il était nécessaire de reculer. Le Sarkozy candidat est venu à cette tribune désavouer le Sarkozy ministre, à l’origine de ce projet de loi.

M. Guy Geoffroy. Fantasme !

M. Jean-Marie Le Guen. Au-delà des articles 18 à 24, d’autres éléments du texte relèvent de la même philosophie, s’agissant surtout des questions de santé. Il en est ainsi, par exemple, des problèmes des toxicomanes, des usagers de drogues. Ces derniers font l’objet de davantage de relégation dans la société que les malades mentaux. Il est vrai que la mobilisation en faveur des usagers de drogues a été moins forte que celle qui s’est manifestée dans les milieux de la santé mentale.

M. Jacques-Alain Bénisti. En faveur des dealers ?

M. Jean-Marie Le Guen. En tout état de cause, votre démarche à l’égard des uns ou des autres est la même : c’est une démarche scientiste. Vous croyez qu’une simple piqûre pourrait suffire à ne plus rendre dépendant un toxico. Eh bien non, cela ne marche pas comme ça ! Il faut un consentement aux soins. Et malheureusement, nous le savons car nous en souffrons tous, comme élus, comme responsables, comme parents, comme amis, la médecine est loin d’être toute puissante, surtout en la matière. D’où la nécessité de faire de la prévention sur ce terrain. C’est précisément une grande lacune de ce gouvernement, qui aime châtier et dénoncer mais qui a beaucoup de mal à prévenir (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et à parler avec réalisme de ces problèmes. Il est vrai qu’ils sont très délicats.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous aviez trouvé une solution ?

M. Jean-Marie Le Guen. Il ne suffit pas cependant d’exclure ou de dénoncer. Comment pourrait-on le faire alors que 50 % des jeunes disent avoir fumé du cannabis à un moment ou à un autre ? Vous continuez pourtant à tenir ce discours qui n’a que peu de choses à voir avec la réalité.

M. Éric Raoult. C’est faux !

M. Jacques-Alain Bénisti. Mensonge !

M. Claude Goasguen. Caricature !

M. Jean-Marie Le Guen. Si l’on veut faire de la prévention, on ne peut pas se contenter de faire des moulinets et de la démagogie en oubliant qu’on a affaire à un phénomène de masse qui, assez rarement heureusement, dérive vers des cas pathologiquement très lourds.

M. Guy Geoffroy. Il faut donc laisser faire !

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut mener une prévention intelligente.

M. Guy Geoffroy. Vous n’en avez jamais fait ! Vous avez laissé faire et même encouragé !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous vous trompez lourdement. Vous avez détruit ce qui avait été fait par Mme Maestracci. Vous avez préféré promettre des réformes de la loi de 1970 qui ne sont jamais venues. Vous avez choisi de recentrer tout ce qui relève de cette politique sur le ministère de l’intérieur en écartant la MILDT et le ministère de la santé du traitement de ces questions. Avec ce texte, vous traitez une fois de plus la toxicomanie à travers le prisme de la justice et de la police. Vous allez ainsi passer à côté d’un problème majeur de santé publique qui touche notamment notre jeunesse.

M. Jacques-Alain Bénisti. Problème que vous n’avez jamais résolu !

M. Éric Raoult. Ni même abordé !

M. Guy Geoffroy. Parlez-nous des militaires, monsieur Le Guen !

M. Thierry Mariani. Oui, venons-en à l’encadrement militaire !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas le sujet !

M. Guy Geoffroy. Mme Royal est donc hors sujet ?

M. Jean-Pierre Blazy. Nous ne sommes pas dans un meeting !

M. Jean-Marie Le Guen. Je note que les propositions de la candidate du parti socialiste touchent à des réalités qui vous dérangent. Qu’il faille un plus grand investissement de la société pour aider les jeunes à sortir de la délinquance est une réalité ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Qu’il faille une mobilisation totale pour y arriver, c’est certain ! (« Très bien ! » sur les mêmes bancs.)

M. Éric Raoult. Militaires y compris !

M. Jacques-Alain Bénisti. Eh oui ! Qu’auriez-vous dit si nous avions fait cette proposition !

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais on ne doit pas s’appuyer seulement sur la répression. Or la prévention est largement absente de ce texte. Ce que vous appelez prévention n’est en réalité qu’une coordination renforcée des mesures de répression.

Beaucoup de choses ont été dites au cours de ce débat. On a vu le ministre de l’intérieur se lancer dans des rodomontades sur la réforme de l’ordonnance de 1945, comme si, en tant que ministre en exercice, il n’avait pas eu le pouvoir de la mener, comme si les parlementaires n’avaient pas eu la possibilité d’amender le texte !

M. Thierry Mariani. Pas assez !

M. Jean-Marie Le Guen. Peut-être n’en ont-ils pas eu le courage politique… Allons, mes chers collègues de la majorité, ce n’est tout de même pas M. de Villepin qui vous en a empêchés, car le rapport de force n’était pas en sa faveur ! Ayez le courage de vos opinions et ne reculez pas devant M. de Villepin !

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous le ferons !

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr, comme vous avez retiré les articles 18 à 24 ! Vous voulez séduire une partie de l’opinion publique, mais au moment de passer à l’acte vous êtes bien obligés de reconnaître qu’une grande partie de la société française ne veut pas de votre politique parce qu’elle est fondamentalement inquiétante. Ce que vous dites à la société française, c’est : « L’enfer, c’est les autres » ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est l’autre ! Le malade, le délinquant, l’étranger, le jeune, le fainéant, l’assisté social ! (Même mouvement.) Vous dénoncez les Français, catégorie par catégorie, pour exacerber les égoïsmes !

M. Éric Raoult. Caricature ! On n’est plus à l’AJS !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas ainsi que nous mènerons une politique de solidarité et que nous donnerons à la société une dynamique qui la rende capable de remporter les défis qui s’imposent à elle. Mes chers collègues, votre copie est à revoir, et c’est la raison pour laquelle je vous invite à examiner de nouveau ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas brillant !

M. Éric Raoult. M. Le Guen était commis d’office !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Durant ce feu d’artifice, …

M. Guy Geoffroy. Un pétard mouillé !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …M. Le Guen a beaucoup évoqué les mauvais Français, parlé de soi-disant libertés individuelles, mais n’a jamais prononcé le mot « victimes » !

M. Éric Raoult. Jamais !

M. Jacques-Alain Bénisti. Cela ne l’intéresse pas !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Notre préoccupation, c’est de répondre à ces millions de Français qui, tous les matins, lorsque leurs enfants partent au collège ou au lycée…

Mme Patricia Adam. C’est reparti !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …se demandent si ce n’est pas aujourd’hui qu’ils se verront proposer de la drogue, se feront racketter ou menacer d’un viol collectif…

M. Jean-Marie Le Guen. Cela fait cinq ans que vous êtes au gouvernement ! Voilà le résultat !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …qui, tous les soirs, en rentrant chez eux après une dure journée de labeur, se demandent s’ils ne vont pas trouver une bande dans la cage d’escalier qui les obligera à baisser le regard et craignent de voir mis un terme à leur vie familiale tranquille…

Mme Patricia Adam. Qu’avez-vous fait en cinq ans ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …qui, tous les jours, se demandent si leurs parents âgés, en sortant faire leurs courses, ne se feront pas bousculer et arracher leur sac, ou agresser physiquement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lilian Zanchi. Que fait le ministre de l’intérieur ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous voulons répondre à ces millions de Français qui vivent sous la menace de bandes organisées et de réseaux mafieux, qui attendent de l’État qu’il les protège et garantisse leurs libertés individuelles, même au bout de la rue !

M. Jean-Marie Le Guen. Quel bilan ! Voilà la France de Sarkozy !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Le Guen, que proposez-vous ? Vous ne faites que vous opposer. Vous vous opposez à ce que nous puissions mettre un terme aux violences conjugales, à ce que nous puissions mettre en place une école de la deuxième chance pour les mineurs en difficulté sociale, à ce que nous protégions les mineurs contre la consommation de stupéfiants, la pédo-pornographie et le caïdat qui règne dans les quartiers, vous vous opposez à la coordination des travailleurs sociaux. Monsieur Le Guen, personne ne peut entendre ce discours ! Oui, nous voulons défendre la première liberté des Français : leur sécurité ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, n° 3567, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3674, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)