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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 15 février 2007

141e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON

1. Accord France-Japon sur la sécurité sociale. – Vote d’un projet de loi (nos 3678, 3692)

Adoption de l’article unique du projet de loi.

2. Accord France-Allemagne sur la construction d’un pont ferroviaire sur le Rhin à Kehl. – Vote d’un projet de loi (nos 3677, 3691)

Adoption de l’article unique du projet de loi.

3. Droit au logement opposable. – Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence (nos 3656, 3671)

discussion générale

MM. Maxime Bono,

Jean-Pierre Abelin,

Frédéric Dutoit,

Michel Piron,

Jean-Louis Dumont,

Jean-Pierre Brard,

Marc-Philippe Daubresse,

Mme Huguette Bello,

MM. Alain Néri,

Étienne Pinte,

Mmes Irène Tharin,

Marylise Lebranchu,

MM. Laurent Hénart,

Jean-Pierre Dufau,

Pierre-André Périssol,

Thierry Mariani,

Pierre Cohen,

Marc Bernier,

Denis Jacquat,

Philippe Pemezec,

Jean-Pierre Soisson,

Tony Dreyfus.

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance (p.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

motion de renvoi en commission

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : Mmes Annick Lepetit, la ministre, MM. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, Michel Piron, Frédéric Dutoit, Jean-Yves Le Bouillonnec, Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. – Rejet.

Rappels au règlement

MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Marc Laffineur.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le vote, selon la procédure d’examen simplifié, sur deux projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux.

Conformément à l’article 107 du règlement, je vais mettre aux voix l’article unique de chacun de ces textes.

1

Accord de sécurité sociale
entre la France et le Japon

Vote sur un projet de loi

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon (nos 3678, 3692).

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

2

accord avec l’Allemagne
sur la construction
d’un pont ferroviaire sur le Rhin à Kehl

Vote sur un projet de loi

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérale d’Allemagne relatif à la construction d’un pont ferroviaire sur le Rhin à Kehl (nos 3677, 3691).

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

M. Jean-Louis Dumont. C’est un acte historique !

3

Droit au logement opposable

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (nos 3656, 3671).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Madame la présidente, madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, mes chers collègues, jamais depuis bien longtemps notre pays n’a connu une telle incapacité à loger correctement ceux qui y vivent. À l’issue de ces cinq années, et malgré les promesses de vos gouvernements successifs, plus de trois millions de nos concitoyens sont particulièrement mal logés, en situation d’inconfort, d’insalubrité ou de surpeuplement.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Attendez ! Il faudrait d’abord remettre les choses à leur juste niveau !

M. Maxime Bono. Si l’on en croit le rapport annuel 2007 de la Fondation Abbé Pierre, cent mille personnes vivraient à l’année en camping ou en mobile home, cinquante mille auraient pour résidence principale une chambre d’hôtel, et cent cinquante mille seraient hébergées chez des tiers faute d’autres solutions, et dans des conditions de logement très difficiles.

Ces quelques chiffres, hélas terribles, suffisent pour mesurer l’ampleur de la crise !

Permettez-moi d’en citer deux derniers : il manquerait environ neuf cent mille logements et il existerait au minimum un million trois cent mille demandeurs en attente d’un logement social.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. La faute à qui ? Vous oubliez les « gouvernements successifs » de gauche !

M. Maxime Bono. C’est dans ce contexte accablant que, sous la pression d’une opinion publique légitimement émue par le sort des plus démunis, vous nous soumettez dans la précipitation ce projet dont l’ambition essentielle est d’instituer un droit au logement opposable.

Rappelons que c’est la loi Besson du 31 mai 1990 qui institua le droit au logement ; rappelons aussi que vos prédécesseurs, sur ces mêmes bancs de la droite, déposèrent contre cette loi portée par la gauche une série de recours devant le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Mais non ! Vous dites n’importe quoi ! Quelle médiocrité politicienne !

M. Maxime Bono. C’est pourtant vrai, monsieur Dubernard ! Rappelons encore que c’est la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, la loi SRU, adoptée en 2000 sous un gouvernement de gauche, qui a permis, par son article 55, un engagement sans précédent en faveur de l’accès de chacun au logement.

Souvenons-nous des recours déposés par l’opposition d’alors, comme du combat que vous n’avez cessé de mener contre cet article 55 tout au long de l’actuelle législature. Je comprends que cela vous irrite ! Souvenons-nous de vos propos, madame Vautrin : vous déclariez en novembre 2005 qu’« une proclamation de l’opposabilité du droit au logement serait irréaliste ». Rappelons-nous que l’année dernière, il y a à peine plus de huit mois, vous nous appeliez à nous associer à un « engagement national en faveur du logement » dont vous aviez soigneusement écarté l’idée d’un quelconque droit au logement opposable.

Rappelons enfin la proposition d’instituer le principe de l’opposabilité, que notre collègue Jean Yves le Bouillonnec a renouvelée chaque fois qu’un texte relatif au logement était débattu par notre assemblée... ainsi que vos refus successifs !

Permettez-nous donc d’affirmer qu’aujourd’hui vous vous voyez contraints de vous ranger derrière les positions qui toujours furent les nôtres.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C’est une honte ! Vous n’avez rien fait, rien de rien, pendant vingt ans !

M. Maxime Bono. Car c’est bien contraints par la crise du logement générée par vos mauvais choix en la matière que vous empruntez cette voie dans l’urgence.

M. Michel Piron. « Générée » ? Certainement pas ! Les parents de la crise, c’est vous : nous n’en sommes que les enfants.

M. Maxime Bono. Sous la pression d’une opinion publique émue par la détresse des sans-logis et des mal-logés, vous nous proposez ce texte sans même l’accompagner des mesures qui permettraient de rendre l’opposabilité efficace.

À l’énoncé des chiffres que j’ai cités et qui donnent la dimension des difficultés de logement rencontrées par nos concitoyens, M. Borloo a coutume de brandir à bout de bras des graphiques flatteurs censés représenter une progression spectaculaire de la construction de logements dont vous vous attribuez collectivement le mérite. Vous annoncez régulièrement que quatre-vingt mille logements sociaux ont été réalisés, mais vous omettez de préciser que vos chiffres incluent les PLS, pour la construction desquels l’État ne verse pas un centime d’euro et dont la production a connu une hausse considérable.

En vérité, vos choix budgétaires – et notamment le coût du dispositif de Robien – ont sacrifié le financement de la production de logements sociaux adaptés à la demande, à savoir les PLAI et les PLUS,…

M. Michel Piron. Mais non !

M. Maxime Bono. …dont la production est restée stable, proche de cinquante mille, c’est-à-dire à peu près la moyenne de 2001.

M. Michel Piron. Vous étiez bien en dessous en 2000 !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Maxime Bono, Éric Besson, même combat !

M. Maxime Bono. Pendant ce temps, le nombre de demandeurs de logement à coût abordable n’a cessé de croître.

Il faut avoir le courage de le dire : aujourd’hui, au regard de la réalité de la demande, de sa faible solvabilité, les PLS, qui représentent près de 30 % de l’offre que vous produisez, sont trop peu accessibles à la majorité des demandeurs pour pouvoir être encore qualifiés de logements sociaux, ou même être considérés comme équivalant à du logement social. La vérité est que l’offre de logement social que vous produisez est inadaptée à la demande car elle reste, pour une trop grande part, inaccessible aux un million trois cent mille demandeurs de logements aidés.

S’agissant de l’offre globale de logement, vous nous rappelez régulièrement les quatre cent trente mille logements mis en chantier en 2006.

M. Michel Piron. Eh oui !

M. Maxime Bono. Mais seulement 15 % de ces constructions nouvelles seront accessibles à 75 % des ménages !

M. Michel Piron. C’est faux !

M. Maxime Bono. Quand bien même on se fixerait un objectif moins ambitieux, seuls 25 % de ces logements seraient accessibles aux deux tiers des Français.

En d’autres termes, c’est la production de logements chers qui a été privilégiée. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le rapport 2007 de la Fondation Abbé Pierre est tout à fait clair sur ce point : « La progression de la construction locative sociale ces dernières années est principalement due à l’augmentation de la production de PLS inaccessibles pour la quasi-totalité des demandeurs sociaux, alors que la construction de véritables logements sociaux – PLAI et PLUS – stagne. »

M. Michel Piron. Pas du tout : elle augmente !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Quelle amnésie !

M. Maxime Bono. Ce sont les chiffres du ministère, monsieur Dubernard !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Sans doute les connaissez-vous par cœur, monsieur Bono, vous qui êtes inspecteur des impôts !

M. Maxime Bono. « Concernant le secteur locatif privé, poursuit le rapport, la dérive est la même. L’augmentation très rapide des loyers ces dernières années lui a fait perdre la vocation sociale qu’il exerçait jusqu’à une date récente. De fait, aujourd’hui, seuls 6 % des logements privés ont un loyer de niveau HLM. »

Dans le même temps, faute d’avoir été suffisamment revalorisées, les aides à la personne ont perdu de l’ordre de 10 % de leur pouvoir solvabilisateur, et des réformes récentes en ont exclu une proportion non négligeable de bénéficiaires.

Dans ces conditions, comment croire que les mesures que vous nous annoncez seront suffisantes pour garantir l’opposabilité du droit au logement ? Il faudrait, pour y parvenir, accompagner le texte par des dispositions fortes, à même de susciter la construction massive de logements à des prix abordables.

M. Jean-Louis Dumont. Bien sûr !

M. Maxime Bono. Au premier rang de ces mesures, il faut sans doute placer le renforcement de l’application de l’article 55 de la loi de solidarité et de renouvellement urbain, qu’il serait bon de rendre opposable à ceux qui, aujourd’hui encore, prétendent s’en affranchir.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Maxime Bono. À l’époque du vote de la loi SRU, l’actuelle majorité avait émis les plus grandes réserves sur les dispositions de cet article, promettant même son abrogation. Pourtant, en garantissant la construction, à hauteur de 20 %, de nouveaux logements destinés à la location à loyer modéré dans toutes les communes de plus de trois mille cinq cents habitants, la loi ne faisait que répondre à une exigence de justice, de solidarité et même, selon moi, à une forme de morale publique.

C’est d’ailleurs grâce à cette disposition, voulue et votée par la gauche et qui a impliqué bon gré mal gré – parfois même, convenons-en, contre leur gré – l’ensemble des collectivités, que vous pouvez aujourd’hui vous targuer de la construction de soixante-quinze mille logements sociaux en 2005.

M. Michel Piron. Et alors ?

M. Maxime Bono. Pourtant, vous n’avez eu de cesse de tenter d’en contourner les dispositions, incluant même dans le quota de 20 % l’accession sociale à la propriété ! S’il est bon d’encourager l’accession sociale à la propriété, il est de bien mauvaise politique de le faire au détriment du logement locatif. Le seuil de 20 % institué par l’article 55 représente un minimum. Il est le seul qui permette, par l’effort de solidarité qu’il induit, de proposer un logement locatif à loyer modéré à ceux qui sont à la recherche d’un toit.

Vous comprendrez donc que, malgré les amendements que nous avons déposés, nous ne nous fassions guère d’illusions sur votre volonté et votre capacité à garantir l’opposabilité par un renforcement du dispositif de l’article 55,…

Mme Christine Boutin, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Vous nous faites un procès d’intention, monsieur Bono !

M. Maxime Bono. …qu’il s’agisse de la possibilité de sanctionner plus sévèrement les contrevenants ou d’en étendre, comme nous le souhaitons, le champ d’application. Il est à craindre que la ville de Neuilly ne plafonne encore longtemps à 2,6 % de logements sociaux. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Caricature !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas une caricature, monsieur Dubernard : Neuilly est une réserve de bourgeois !

M. Maxime Bono. M. Sarkozy, qui se complut dans cette politique, ou plutôt dans cette non-politique, vingt années durant dans son mandat de maire, ne la verra certainement pas infléchie par son successeur du fait de cette loi.

Au surplus, les quelques timides avancées obtenues lors de la lecture au Sénat ont été renvoyées aux calendes grecques lors de l’examen du texte en commission.

Votre dispositif prévoit la mobilisation du contingent préfectoral, mais à l’issue d’un véritable parcours du combattant pour les demandeurs.

M. Michel Piron. Mais non ! La mobilisation se fait au contraire sans délai !

M. Maxime Bono. Que se passera-t-il si l’on ne parvient pas à créer massivement des logements à des prix abordables ? Vous le savez bien : le dispositif prévu ne permettra la mobilisation que d’une petite partie des logements nouveaux qui font déjà l’objet d’affectations au profit de personnes en difficulté. Il faudra donc se contenter des logements qui viendraient à se libérer, mais qui seront particulièrement rares, car le taux de rotation dans le parc social est actuellement au plus bas. C’est dire que le nombre de logements disponibles sera sans commune mesure avec le nombre de demandes que l’État devra honorer à la suite de la décision de la commission ou du tribunal administratif.

M. Alain Néri. Très juste !

M. Maxime Bono. Qu’adviendra-t-il alors des titulaires de « demandes urgentes à satisfaire immédiatement » qui ne pourront être logés après épuisement du contingent préfectoral ? Selon la Fondation Abbé Pierre, le nombre de personnes répondant aux critères d’éligibilité que vous proposez pourrait avoisiner les 7 millions !

Mme Christine Boutin, rapporteure. Voire 9 millions !

M. Maxime Bono. Même en s’en tenant aux 3 millions de personnes mal logées, prenons la mesure des attentes que ce texte fait naître !

Mme Christine Boutin, rapporteure. Justement : réjouissez-vous au lieu d’être tristes comme la pluie !

Mme la présidente. Venez-en à votre conclusion, monsieur Bono.

M. Maxime Bono. Ce projet ne peut avoir pour seule ambition, ou tout au moins pour seul effet, de modifier l’ordre de la file d’attente, auquel cas il ne ferait qu’opposer les mal-logés entre eux.

Dès lors que des communes parviennent, par le biais de l’accession sociale à la propriété ou par le recours abusif aux PLS, à se soustraire à leur obligation de solidarité sans être le moins du monde inquiétées par les dispositions nouvelles, que peut-il advenir de la mixité sociale ? Est-ce à dire que seules les communes qui se sont montrées soucieuses de construire des logements sociaux, de faire un effort de solidarité, seront visées par les affectations ? À défaut d’accroître l’offre de logements sociaux et face à votre frilosité pour mobiliser les logements privés, l’opposabilité restera un immense espoir, que vous aurez fait naître sans jamais lui permettre de se réaliser.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Vous exagérez ! Arrêtez !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Platitude et médiocrité !

M. Maxime Bono. Vous porterez une terrible responsabilité car, loin de satisfaire l’attente légitime des mal-logés, vous ne parviendrez qu’à opposer un peu plus encore les Français entre eux, à les désespérer davantage et à les éloigner un peu plus de la politique.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Quel plaisir avez-vous à être négatif ? Essayez d’être positif !

Mme la présidente. Veuillez conclure, s’il vous plaît.

M. Maxime Bono. Ce n’est pas ce que le pays attend et ce n’est pas le texte que nous souhaitions pour assurer à chacun l’opposabilité du droit au logement.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Il fallait le faire vous-mêmes !

M. Maxime Bono. Nous tenterons, dans la discussion des articles, de proposer des mesures concrètes qui donneraient un sens à ce projet. En l’état, celui-ci ne demeure qu’une incantation, trop vague pour répondre à l’immense espoir que son annonce avait suscité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Retournez dans l’administration fiscale, vous y serez mieux !

M. Manuel Valls. Vous avez un problème avec les inspecteurs des impôts ?

M. Jean-Louis Dumont. On insulte les fonctionnaires ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. J’en suis un moi-même !

M. Manuel Valls. Mais un mandarin méprisant !

Mme la présidente. Ce débat n’est pas à l’ordre du jour.

Pour l’heure, la parole est à M. Jean-Pierre Abelin.

M. Jean-Pierre Abelin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, face à ce projet de loi qui consacre le droit opposable au logement, l’UDF a une double attitude complémentaire.

M. Jean-Pierre Brard. Comme d’habitude : Janus !

M. Jean-Pierre Abelin. D’une part, nous nous félicitons de cette nouvelle avancée juridique et sociale. Elle témoigne d’une vraie prise de conscience de l’importance du logement comme préalable à l’insertion, avant même l’aide à la mobilité et à l’emploi, d’une vraie prise de conscience de la situation très difficile des 3 millions de mal-logés, selon une estimation de la Fondation Abbé Pierre. Ce projet est un pas essentiel, qui répond à la demande notamment du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, présidé par Xavier Emmanuelli. Il peut être un aiguillon, une incitation très forte, un message, une ardente obligation pour les pouvoirs publics et pour l’ensemble des acteurs du logement.

D’autre part, nous avons l’exigence forte d’aller au-delà d’une loi d’intention, qui serait une réponse médiatique à des actions médiatiques et dont le seul avenir serait d’être une nouvelle loi sans effet réel sur la grave crise sociale et immobilière que connaît notre pays. Il ne suffit pas de voter une loi pour qu’elle soit applicable et qu’elle atteigne son but ; il ne suffit pas d’ériger un droit, fût-il opposable, pour le rendre effectif et pour que ce qui était prématuré et irréaliste en juin dernier devienne urgentissime et opérationnel quelques mois plus tard.

L’urgence impose, pour que la loi soit utile, un effort de construction énorme et durable, qui fasse appel aux finances de l’ensemble des acteurs du logement, notamment de l’État. Elle nécessite de poursuivre l’effort engagé par la loi de cohésion sociale, de l’amplifier, de le recentrer, de le compléter et de l’inscrire dans la durée. À quoi servirait un droit au logement opposable si nous n’avions pas de logements sociaux à proposer, sinon à décevoir les publics concernés, à encombrer les juridictions administratives et à simplement changer l’ordre des files d’attente ? N’oublions pas qu’il faut aujourd’hui entre deux ans et demi et trois ans pour construire du logement social en France.

Nous sommes passés de 42 000 logements sociaux en 2001 à 93 000 en 2006, et nous approchons des 100 000 logements par an prévus par la loi Borloo. Il faut amplifier, réorienter et compléter cette loi de cohésion sociale en exigeant la construction de 20 000 PLAI par an, accessibles aux revenus les plus bas – soit un quadruplement du rythme par rapport aux années Jospin et un triplement par rapport à 2006 –, et prévoir un accompagnement social adapté. Là encore, il ne suffit pas d’inscrire des crédits pour qu’ils soient consommés : combien de budgets avons-nous votés, notamment entre 1998 et 2004, qui ne se sont pas concrétisés par des constructions nouvelles ? Sans doute est-il nécessaire de prévoir des incitations pour les communes afin qu’elles construisent ces logements accessibles aux très bas revenus. Des amendements en ce sens ont été déposés. De même, afin de solvabiliser les locataires, sans doute faudra-t-il tenir compte des préconisations du président de la Cour des comptes, pour que les aides personnelles au logement soient recentrées sur les publics qui en ont le plus besoin et augmentées pour les locataires prioritaires.

L’UDF se félicite de l’amendement prévoyant l’indexation des aides au logement sur l’indice de référence des loyers, ce que la commission des affaires économiques avait souhaité unanimement dans plusieurs de ses votes sur des projets de loi antérieurs. Après la suppression du seuil de 24 euros et l’augmentation de 2,8 % des allocations personnelles, cette mesure était très attendue. Nous avons aussi voté en commission la suppression du mois de carence qui permet de toucher l’allocation dès l’entrée dans le logement. Puisse le Gouvernement reprendre cet amendement à son compte !

Il faut aussi inscrire cet effort dans la durée : lors du vote du budget, j’avais attiré votre attention sur la montée en puissance des opérations de rénovation urbaine et des efforts de construction, mais aussi sur les limites que rencontraient sur le terrain les bailleurs sociaux et les collectivités locales ainsi que sur le télescopage des grosses opérations de rénovation urbaine, notamment en matière de reconstitution de l’offre et de création de nouveaux programmes. Ces limites – administratives, financières, foncières – ont été en partie seulement levées par la loi ENL. Je suis moi-même président d’un OPAC qui possède et gère plus de 12 000 logements. Nous sommes partenaires de deux opérations de renouvellement urbain dans le département de la Vienne, et nous procédons à des réhabilitations lourdes hors ANRU et sans PALULOS. Nous avons triplé notre production de logements sociaux. Mais il arrive un moment où les fonds propres ne suffisent plus,…

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui !

M. Jean-Pierre Abelin. …où l’offre de terrains se raréfie et où les collectivités locales fatiguent ou renâclent.

M. Jean-Louis Dumont. Très bon exemple !

M. Jean-Pierre Abelin. C’est pourquoi l’État doit accompagner cet effort par de nouvelles mesures en faveur des bailleurs comme des collectivités. L’augmentation du montant de l’aide à la pierre par logement est une bonne solution.

M. Jean-Louis Dumont. Serait une bonne solution !

M. Jean-Pierre Abelin. L’État doit également s’interroger sur les mesures spécifiques nécessaires à une région comme l’Île-de-France, qui construit autant de logements que la Bretagne où, malgré un nombre d’habitants quatre fois moindre, persiste pourtant un déficit important. M. Borloo a d’ailleurs évoqué ce matin ce problème de gouvernance dans la région Île-de-France.

M. Michel Piron. C’est exact !

M. Jean-Pierre Abelin. L’État doit aussi avoir la volonté de lever les freins fonciers et administratifs qui bloquent ou ralentissent les constructions.

M. Michel Piron. C’est un vrai problème !

M. Jean-Pierre Abelin. Il doit aussi faire admettre que le logement est l’affaire de toutes les communes et exiger un rattrapage de la part des communes touchées par l’article 55 de la loi SRU. Nous soutiendrons l’amendement voté par le Sénat qui élargit l’application de cet article à 250 communes supplémentaires qui font partie des communautés de communes ou communautés d’agglomérations de plus de 50 000 habitants. Cet amendement de cohérence s’inscrit dans une vraie politique du logement et peut concrétiser le droit au logement. Si ces communes disposent de terrains pour des opérations immobilières destinées à des catégories aisées, elles en ont aussi pour les catégories aux revenus plus réduits. Il serait incohérent que le premier effet du droit opposable au logement soit d’aller à l’encontre de la mixité sociale et d’amener les communes qui disposent déjà du plus grand nombre de logements sociaux à accueillir des locataires en difficulté supplémentaires. Des recommandations pourraient être faites aux préfets pour définir le périmètre d’accueil des locataires prioritaires qui auraient été agréés par les commissions de médiation.

En outre, nous ne devons pas oublier de mobiliser le parc locatif privé. Celui-ci présente des atouts essentiels pour une politique du logement, notamment sa large diffusion géographique sur l’ensemble du territoire. Le système de garantie des risques locatifs peut y aider. Il ne faut pas non plus négliger l’effort à consentir pour reconquérir le parc indigne ou indécent en aidant les propriétaires à très faibles revenus à remettre leurs logements aux normes élémentaires.

Pour conclure, permettez-moi d’évoquer la praticabilité de cette loi et son impact sur la justice administrative, dont on connaît les délais d’attente des jugements. Nous souhaitons que le demandeur puisse être assisté tout au long de la procédure par des associations de défense des personnes en situation d’exclusion par le logement bénéficiant d’un agrément. Cela est absolument nécessaire, compte tenu de la fragilité des personnes concernées. Nous sommes aussi très favorables à ce que les décisions de la commission de médiation soient motivées. Par ailleurs, même si la rapporteure s’est voulue rassurante quant à la capacité de traiter les contentieux dans des délais raisonnables, l’absence d’étude d’impact ne laisse pas de nous inquiéter sur le risque d’engorgement des juridictions et sur les délais de traitement des demandes prioritaires.

L’UDF aborde ce projet de loi dans un esprit à la fois constructif et exigeant, comme l’a fait avant nous le Sénat. Favorables au principe du droit opposable au logement, nous demandons un plan d’accompagnement crédible pour que 2012 voie se concrétiser cette avancée sociale forte. Merci, madame la ministre, de répondre à ce besoin essentiel.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’en venir au fond du texte, je voudrais rendre hommage à la détermination de toutes celles et de tous ceux qui, au sein des associations, se sont battus depuis des années pour imposer le droit au logement opposable dans le débat public.

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. Frédéric Dutoit. Sans leur mobilisation depuis plus de trois ans, sans des actions de sensibilisation spectaculaires comme celle conduite par les Enfants de Don Quichotte en décembre dernier, un texte comme celui dont nous débattons n’aurait pu voir le jour.

Certes, ce projet n’intervient pas sur un terrain vierge de toutes dispositions. La loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998 avait elle aussi entendu garantir « l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation », mais sans prévoir de recours devant une autorité politique responsable ou la possibilité d’invoquer le droit au logement devant un juge. On ne saurait minimiser les effets de cette loi, pas plus que ceux de la loi Besson de 1990 visant l’accès au logement des personnes les plus fragiles, mais force est de constater qu’ils ont été insuffisants. Ces textes n’ont en effet pas suffisamment anticipé la dégradation brutale de la situation du logement dans notre pays ces dernières années. La précarisation des conditions d’existence d’un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens du fait de la frénésie libérale ambiante, génératrice de chômage, d’exclusion et de pauvreté, conjuguée aux effets d’une spéculation immobilière devenue totalement folle, a littéralement plongé des millions de personnes dans la pauvreté et jeté à la rue des dizaines de milliers d’autres. L’explosion de la misère, particulièrement ces dernières années, des associations comme la Fondation Abbé Pierre, les Restos du cœur, le DAL, ATD Quart Monde et bien d’autres la dénoncent chaque année avec vigueur.

Toutes ont notamment dénoncé, sur la dernière période, les conséquences d'une politique, celle de la majorité actuelle, dont le seul souci fut de laisser la logique de marché dicter seule ses lois, au détriment de la justice sociale et de la solidarité.

Il aura fallu attendre le début de l’année 2007 pour vous voir soudain, comme par enchantement, mais non sans calcul, changer de braquet et redécouvrir, certes timidement, les vertus de l'action publique et le rôle social éminent de l'État, alors que vous avez refusé, mesdames, messieurs de la majorité et du Gouvernement…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Cela fait vingt-cinq ans que rien n’a été fait par les gouvernements que vous souteniez ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Cela fait cinq ans que la majorité est aux manettes !

M. Frédéric Dutoit. …de voter la proposition de loi du groupe communiste sur le droit de vivre dans la dignité, qui interdisait les expulsions, les coupures d’eau et d’électricité.

Reconnaître le droit au logement opposable, comme vous proposez aujourd'hui de le faire, demande inévitablement, en effet, de sortir, d'une logique de marché, de permettre à l'État de mettre en œuvre ses prérogatives régaliennes.

Vous n'en êtes pas encore là dans votre réflexion. Mais saluons tout de même l'avancée significative qu'apporte ce projet de loi, en proposant de dépasser la simple proclamation d'un droit pour réfléchir aux moyens de le rendre contraignant.

M. Michel Piron. C’est bien ! C’est plus raisonnable que ce nous avons entendu ce matin !

M. Frédéric Dutoit. L'opposabilité ne consiste en effet en rien d'autre que de mettre en place un instrument coercitif donnant la possibilité à chacun de faire valoir son droit au logement.

Cet instrument n'est cependant pas, tout le monde en conviendra, une fin en soi. On ne peut concevoir un droit au logement opposable sans un droit au logement effectif pour tous et sans une rupture bien plus radicale que celle que vous nous proposez aujourd'hui dans l'esprit de vos précédentes réformes.

S'en tenir au seul droit au logement opposable, sans nous donner les moyens de le rendre effectif, c'est aller dans le mur. L'opposabilité doit être accompagnée d'une production importante de logements à loyer accessible, d'une forte mobilisation de l'État et des collectivités locales pour mettre en œuvre une offre adéquate de logements répartie sur l'ensemble du territoire, dans le respect des objectifs de mixité sociale.

Cela passe, en d’autres termes, par une politique d'ensemble qui, pour répondre aux attentes d'une grande majorité de nos concitoyens, suppose une responsabilité nationale, des crédits nouveaux pour la construction sociale, la sanction des maires qui refusent de construire 20 % de logements sociaux sur leur commune, une revalorisation des aides au logement, la mise en œuvre d'un contrôle public sur l'évolution des prix du foncier.

Toutes mesures que vous n'êtes pas prêts à prendre – et pour cause ! – puisque vous n'avez cessé au contraire de promouvoir des politiques budgétaires et fiscales orientées vers la satisfaction des seuls investisseurs privés, puisque vous vous êtes également obstinément refusés à garantir l'application de l'article 55 de la loi SRU.

Je prendrai deux exemples. Dans ma ville de Marseille,…

M. Patrick Braouezec. Très belle ville !

M. Frédéric Dutoit. …ces dix dernières années, 111 millions d'actifs du foncier public…

M. Michel Piron. Avec un très bon maire !

M. Frédéric Dutoit. Écoutez plutôt !

…ont été cédés à des promoteurs privés, à des prix défiant toute concurrence. La ville, dirigée par l'un des membres éminents de votre majorité a cédé par exemple à 292 euros le mètre carré un terrain dans le quartier de Borely pour la construction d'une résidence de 150 appartements revendus 5 000 euros le mètre carré.

M. Patrick Braouezec. C’est un scandale !

M. Frédéric Dutoit. Est-ce la vocation des pouvoirs publics que d'alimenter la spéculation immobilière…

M. Patrick Braouezec. C’est ce qu’on disait ce matin !

M. Frédéric Dutoit. …quand tant de nos concitoyens ont peine à payer un logement ou à y accéder ? Est-ce là votre sens des priorités ?

Concernant l'application de l'article 55 de la loi SRU sur Marseille, le bilan est là aussi édifiant. Seuls cinq arrondissements sur seize sont dotés de plus de 20 % de logements sociaux. En outre, certains arrondissements, comme le troisième notamment, concentrent des logements insalubres comptabilisés malgré tout dans le pourcentage de logement social.

Alors, arrêtons de tourner autour du pot ! Et cessez, mes chers collègues, de vous délivrer des brevets de bonne conduite et de vouloir faire croire à nos concitoyens que vous êtes soucieux de résoudre la question du « mal- logement ».

Si le droit au logement doit accéder, comme nous le souhaitons, au statut de droit fondamental et universel, nous ne pourrons faire l'économie d'une cohérence d'ensemble de la politique du logement, sinon de la politique économique elle-même.

Votre texte ne porte pas cette ambition puisque vous ne proposez au fond qu'un simple réaménagement du contingent préfectoral, lequel ne permettra de reloger en définitive que 80 000 à 100 000 personnes par an, alors que le nombre de demandeurs de logements est de 1,3 million et que le nombre de personnes mal logées s'élève quant à lui, selon la fondation Abbé Pierre, à 3 millions de personnes.

Une fois de plus, nous devons considérer que vous faites dans le saupoudrage. Vous cédez en surface à quelques revendications pour mieux maintenir sur le fond le statu quo. Vous tentez une fois de plus, non sans habileté, il est vrai, de leurrer l'opinion publique.

Ne comptez pas sur nous pour vous suivre dans cette voie. Ne comptez pas non plus sur les Français pour être dupes, eux qui souffrent directement des conséquences de votre politique et qui en constatent chaque jour les ravages, et pas seulement sur les bords du canal Saint-Martin.

Qui donc d'ailleurs pourrait croire qu'un texte préparé dans la précipitation, à quelques semaines d'échéances électorales, puisse avoir les vertus d'un grand texte ?

Vous savez, comme nous, qu’incombera de fait au futur gouvernement la tâche de travailler avec les associations sur cette question.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Oui !

M. Frédéric Dutoit. Je le répète encore, nous sommes très favorables à ce droit opposable au logement. Mais dans l’attente de nos débats et – j’en suis persuadé – des avancées que nous obtiendrons, nous réservons, pour le moment notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Jean-Pierre Brard. En alexandrins !

M. Michel Piron. Monsieur Brard, je n’ose prendre le risque !

M. Jean-Pierre Brard. En octosyllabes, alors !

M. Michel Piron. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question qui nous est posée aujourd'hui n'est pas totalement nouvelle, ou plutôt, elle n'est que partiellement nouvelle.

M. Patrick Braouezec. Pour nous, elle n’est pas nouvelle du tout !

M. Michel Piron. S'agissant, en effet, du « droit au logement », son affirmation remonte à la loi Besson du 31 mai 1990,(« Bien avant ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)…

M. Jean-Pierre Brard. Sous l’empereur Hadrien, on en parlait déjà !

M. Michel Piron. On parlait de droit à l’habitat, monsieur Brard, ce n’était pas la même chose !

…avant que ce droit, disais-je, ne soit consacré comme un « objectif constitutionnel » en janvier 1995 par le Conseil constitutionnel lui-même.

Plus de quinze ans après, ce qui est nouveau, c'est l'interrogation que nous posons sur l'efficience et, partant, sur « l'opposabilité » d'un tel « droit » dans un contexte que chacun sait difficile et complexe.

M. Patrick Braouezec. À cause de l’aggravation de la situation sociale !

M. Michel Piron. Pourquoi ce sujet  ici et maintenant ? De quel « droit au logement » parlons-nous ? De quelle « opposabilité » veut-on le doter ? Voilà autant de questions auxquelles ne sauraient se soustraire tous ceux qui, sur ces bancs et ailleurs, essaient de remédier aux effets d'une crise qui vient de loin.

Pourquoi ce sujet ici et maintenant ? Sinon parce qu'en dépit de l'effort de construction considérable consenti depuis trois ans, la situation de crise dont nous avons hérité est encore très loin d'être résorbée. Même si l'ampleur des besoins demeure mal cernée et continue de faire l'objet de chiffrages approximatifs : rappelons à cet égard que les mêmes experts qui, avec l'INSEE, chiffraient jusqu'en 2004 notre besoin annuel de construction à quelque 300 000 logements nouveaux, estiment aujourd'hui ce besoin à plus de 400 000.

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui ! Y compris des membres de la majorité !

M. Michel Piron. Malgré ou à cause de ces incertitudes, il n'est peut-être pas inutile de rappeler quelques chiffres incontestés pour éclairer notre débat et prendre la mesure des problèmes auxquels notre pays est paradoxalement confronté. En 2006 ont été mis en chantier 430 000 logements contre 308 000 en 2000, soit 40 % de plus.

Sur ce total, la production de logements sociaux, de type PLAI et PLUS, s'est accrue de 76 % et même de 130 %, si l'on y inclut les PLS. C'est un effort sans précédent depuis vingt-cinq ans, et pourtant il manquerait encore aujourd'hui environ 800 000 logements, dont la moitié en « logements sociaux » où à loyers maîtrisés.

Comment ne pas continuer à nous interroger, maintenant, sur les moyens de répondre à un tel défi ? Les engagements déjà votés par le Sénat permettraient de porter à 142 000 la production annuelle de logements sociaux dans le parc public en 2008 et en 2009 et, dès cette année, en y ajoutant la part de l'ANAH, l'objectif de 176 000 logements à vocation sociale pourrait être atteint. Si l'on considère qu'on peut remettre sur le marché plus de 150 000 logements vacants d'ici à la fin de 2009, d'autant mieux que l'institution de la GRL – la garantie des risques locatifs – et l'indexation des aides sur l'indice des loyers sécuriseront ménages et bailleurs, …

Mme Christine Boutin, rapporteure. Absolument !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Michel Piron. …on peut dire – sans trop de risques, me semble-t-il, d'être démenti – qu'après une relance de la construction inachevée, certes, mais bien engagée, c'est un effort massif, en termes de moyens, qui nous est proposé.

Ne nous leurrons pas, cependant, sur deux difficultés.

La première tient au temps nécessaire au montage de toute opération nouvelle, tant il est vrai que la durée des procédures s'accommode mal de l'urgence des problèmes humains.

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’aurez pas le temps !

M. Michel Piron. La seconde tient à la diversité des territoires au sein desquels la région parisienne, monsieur Brard, concentre les problèmes les plus lourds et les plus difficiles.

M. Jean-Pierre Brard. Dans les réserves à bourgeois !

M. Michel Piron. Des problèmes de disponibilités foncières, certes, mais, peut-être davantage encore, un problème de gouvernance entre des collectivités locales…

M. Patrick Braouezec. Oui !

M. Michel Piron. …qui peinent, c’est le moins que l’on puisse dire, à définir un triptyque cohérent habitat - lieu de travail - transports à l'échelle de l'Île de France.

M. Jean-Pierre Brard. Certaines refusent !

M. Michel Piron. Or cette loi n'aura d'efficacité qu'à la mesure de l'engagement des collectivités territoriales et des acteurs locaux en matière de construction. Et c'est bien ici et maintenant  qu'il convient de le rappeler, si l'on veut que le  logement puisse faire l'objet concret d'un droit.

De quel « droit au logement » en effet parlons-nous ? Si la référence à la loi de 1990 ne laisse aucun doute sur la nature même du logement « décent et indépendant », les questions touchant à sa localisation comme à sa durée d'occupation appellent des réponses locales adaptées, notamment dans le parcours, qui n'est pas évident, entre l'hébergement et le logement.

Quant aux titulaires de ce droit, ils doivent entrer dans l'une des cinq catégories retenues par l'article 2 du projet de loi : être menacés d'expulsion sans relogement, hébergés ou logés temporairement, logés dans des locaux insalubres ou, avec un enfant mineur, dans des locaux suroccupés ou indécents, catégories auxquelles pourrait s’ajouter à l'initiative de la commission des affaires économiques une sixième pour les personnes handicapées.

Dans la situation de pénurie de logements où nous nous trouvons, c'est à mes yeux le principal mérite du projet de loi que d’avoir redéfini clairement des priorités sociales, mises en exergue par le  Haut comité dans son rapport d'octobre 2006. Dès lors, sa portée nous amène à notre dernière question portant sur son « opposabilité ».

De quoi s'agit-il, et comment pourra-t-elle être invoquée ? J'entends bien l'objection qui consiste à dénoncer l'apparente tautologie en se demandant ce que pourrait être un  droit qui ne serait pas opposable.

M. Jean-Pierre Brard. C’est bien vu !

M. Michel Piron. À cette objection théorique, l’on peut sans doute répondre qu’après une première reconnaissance d’un « droit à l’habitat » en 1982, suivie de celle de 1990, il convient désormais de mieux assurer les conditions de sa mise en œuvre.

M. Jean-Pierre Brard. Que ne le fîtes-vous point ?

M. Michel Piron. Et vous donc ?

La possibilité, nouvelle, pour les demandeurs de bonne foi n’ayant reçu aucune proposition, de saisir sans délai la commission de médiation permettra de juger du caractère prioritaire ou non de leur demande au regard des critères de l’article 2 déjà cité. Et si tel est le cas, ce n’est qu’en l’absence de proposition adaptée suivant la décision de cette commission qu’un recours pourra être introduit devant la juridiction administrative.

L’opposabilité ainsi définie, qui met en jeu la responsabilité de l’État, devrait d’abord permettre de mieux traiter les priorités sociales comme telles – ce qui n’est tout de même pas négligeable –, avec le concours des bailleurs sociaux, des associations et d’une partie du parc privé conventionné avec l’ANAH. Le suivi de ces mesures étant posé, chacun pourra au moins s’accorder à reconnaître qu’après avoir vigoureusement encouragé la construction de logements, l’effort qui nous est proposé à destination des personnes les plus fragiles donne tout son sens à ce que vous avez érigé en véritable priorité, madame la ministre, avec M. Jean-Louis Borloo, et qui n’est autre qu’une politique du logement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, en septembre 2006, lors d’un congrès, plusieurs milliers de délégués adoptaient une motion dans laquelle ils souhaitaient que le logement devienne « grande cause nationale ». Ils destinaient cette motion à celles et ceux qui aspirent à exercer les plus hautes fonctions de la République, ainsi qu’à celles et ceux – comme certains d’entre nous – qui souhaitent briguer un mandat parlementaire. Leur intention était de faire réfléchir la collectivité nationale dans le débat démocratique qui s’ouvre aujourd’hui, et qui se poursuivra l’an prochain au niveau local. Ils ont mis l’accent sur la nécessité de construire, de réhabiliter des logements pour répondre aux besoins constatés sur le terrain. Mais, face à cette nécessité, l’indifférence fut totale. Qui s’en préoccupe ? Vos services, madame la ministre, à n’en pas douter.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout de même !

M. Jean-Louis Dumont. La direction de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction a dû, en effet, décortiquer la motion et se demander comment l’on pouvait y répondre. C’est pourquoi, depuis ce matin, nous entendons remercier, à cette tribune, les quelques militants qui ont l’audace de dire : « Ça suffit ! Sortons de l’indifférence et de l’égoïsme ! » Alors, moi aussi je remercie la fratrie des Legrand et Les enfants de Don Quichotte.

M. Patrick Braouezec. Il y en a eu d’autres avant !

M. Jean-Louis Dumont. Je vais y venir !

Avec quelques tentes, au bord d’un canal, affrontant tous les dangers, ils ont su attirer l’attention des médias.

M. Patrick Braouezec. Avec les médias, tout va !

M. Jean-Louis Dumont. Certains s’en sont réjouis, d’autres non. En tout état de cause, grâce à cette couverture médiatique, ils ont interpellé les consciences.

Mais vous avez raison de dire, monsieur Braouezec, qu’ils n’ont pas été les premiers – à droite comme à gauche – et permettez-moi, à cet égard, de citer Roger Quilliot, Louis Besson, l’abbé Pierre qui vient de disparaître, et, pourquoi ne pas le citer, Pierre-André Périssol et les 10 000 logements sociaux qu’il a imposés par la force de sa conviction.

M. Michel Piron. Un jour, on citera Borloo !

M. Frédéric Dutoit. Sûrement pas !

M. Jean-Louis Dumont. Roger Quilliot ne s’occupait que des locataires et Louis Besson que des pauvres, ce qu’on lui a reproché, niant l’évidence. Cela dit, le problème du logement est plus vaste.

Permettez-moi de rapporter une anecdote instructive : fin 1992, j’ai été amené à dire à Pierre Bérégovoy, alors Premier ministre, qu’il fallait relancer la politique du logement, que la priorité était de construire compte tenu de la situation dans laquelle nous étions. Il a levé les bras au ciel et me répondit que les experts de Bercy, forts de leurs statistiques, prétendaient que c’était inutile parce qu’il y avait assez de logements, et que de toute façon, le marché répondrait aux besoins.

Mais lorsqu’on vient, comme moi, de Lorraine et que l’on a vu fermer les mines de fer et se déliter l’industrie sidérurgique, où Bataville – dont tout le monde se souvient – donnée en exemple si longtemps se trouve aujourd’hui dans une situation terrible, lorsque l’on sait que d’autres régions ont subi les mêmes dégâts causés par les mêmes bouleversements économiques, on a du mal à accepter le raisonnement des experts. Car derrière les mots – logement, hébergement –, derrière les statistiques, il y a des hommes, des femmes et des enfants, victimes de la crise économique, cabossés de la vie !

Mme Christine Boutin, rapporteure. Absolument !

M. Jean-Louis Dumont. Il s’agit d’êtres humains qui tentent de trouver un peu d’autonomie lorsque l’hôpital psychiatrique, considérant qu’ils sont en voie de guérison et que leur présence dans un centre hospitalier psychiatrique coûte trop cher, les invite à sortir, alors même qu’il n’y a pas toujours d’association appropriée pour les accueillir, les suivre, les guider, les conseiller, les éduquer. Ils se retrouvent alors souvent seuls dans un logement indigne, indécent, insalubre, quand ce n’est pas au bord d’un canal, dans une tente !

Ce coup d’accélérateur voulu par le Président de la République, après que les projecteurs furent braqués sur cette question du logement et de l’hébergement d’urgence est peut-être une chance en cette fin de législature.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Très bien ! Merci !

M. Jean-Louis Dumont. Nous sommes nombreux à avoir travaillé sur le sujet : militants associatifs et des organismes HLM, hommes et femmes politiques de tous bords politiques.

M. Michel Piron. En effet !

M. Jean-Louis Dumont. Néanmoins, n’oublions pas ceux qui n’en sont pas persuadés ! Essayons de les convaincre que cette loi est bienvenue et qu’il ne s’agit pas d’une loi de circonstance…

Mme Christine Boutin, rapporteure. Formidable !

M. Jean-Louis Dumont. …présentée pour calmer le jeu entre Noël et le jour de l’An, pendant la trêve des confiseurs. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Braouezec. C’est presque un social-traitre !

M. Jean-Louis Dumont. Oui, il va falloir rendre le droit au logement opposable effectif.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Vous ne pouvez pas lui reprocher de dire cela !

M. Jean-Louis Dumont. Il va falloir construire et mobiliser, et bien au-delà du contingent préfectoral. Ils sont tous excellents, nos préfets de la République. C’est tout le parc, public et privé, surtout celui qui a bénéficié d’aides publiques, notamment fiscales, qui va devoir être mobilisé.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Il sait de quoi il parle !

M. Jean-Louis Dumont. Il ne faut peut-être pas construire sur tout le territoire. Le risque, c’est que, une fois votée, cette loi ne s’applique pas là où les besoins se font le plus sentir, mais là où existent les logements nécessaires, notamment les logements d’urgence, parce que des acteurs se sont mobilisés à cette fin.

La première étape à franchir, c’est bien l’hôtel social, le CHRS, le logement d’urgence.

M. Michel Piron. Pas mal !

M. Jean-Louis Dumont. Il faut que tout individu puisse en sortir rapidement, accompagné par des associations,…

M. Michel Piron. Intéressant !

M. Jean-Louis Dumont. … avec un véritable projet de parcours résidentiel.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est excellent ! Je n’ai pas un mot à retirer à ces propos.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Parce qu’il sait de quoi il parle !

M. Michel Piron. En effet, il connaît la question !

M. Jean-Louis Dumont. Pour construire, il faut des aides à la pierre, M. Abelin l’a rappelé. Quel que soit le ministre, il y a eu des promoteurs sociaux qui se sont mobilisés. Mais il y a des conditions à remplir. Les aides à la pierre doivent suivre de façon que, mes chers collègues, les loyer de sortie, charges comprises soient si possible réduits et abordables.

L’on sait bien qu’il est plus facile d’investir que d’assurer le fonctionnement. Le premier président de la Cour des comptes, à cette même tribune, mettait en cause – je caricature à peine – les aides à la personne, dont il a dénoncé le coût qui n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Le président de la Cour des comptes est aussi un homme politique, et on sait qu’il y en a eu d’autres avant lui. Mais l’approche de la Cour des comptes uniquement fondée sur les chiffres est dangereuse pour celles et ceux qui ont besoin d’être aidés pour accéder à un logement décent, ou même un hébergement d’urgence décent. (Mme la rapporteure applaudit.)

Permettez-moi de citer des cas concrets : celui d’une mère qui, après avoir passé un an en CHRS, souhaite travailler, comme elle l’a déjà fait, et voir sa fille réussir ses études ; alors, elle s’endette un peu. Et puis, elle a « la chance » de décrocher un contrat d’accompagnement vers l’emploi de vingt heures par semaine, mais elle se voit interdire de travailler plus. Quand j’entends souvent sur ces bancs demander qu’on « libère les forces du travail », commençons déjà par ne pas empêcher de travailler les personnes qui sont sur le chemin d’une réinsertion sociale et économique, qui n’ont qu’une seule envie, et elles l’ont démontré dans leur vie personnelle, à savoir aller de l’avant. Combien sont-ils ceux à qui on dit qu’ils n’ont pas le droit de travailler ?

Ce qui s’est passé au canal Saint-Martin a montré les limites de l’exercice militant, et est la preuve qu’il faut être à l’écoute afin de trouver des solutions à des situations concrètes, avec l’ensemble des partenaires. Nous devons nous donner les moyens d’aller de l’avant.

Mes chers collègues, si cette loi, une fois adoptée, n’était pas appliquée, je suis persuadé que la justice pénale et administrative, qui dès aujourd’hui pourrait être saisie, demain le sera,…

Mme Christine Boutin, rapporteure. Tout à fait !

M. Jean-Louis Dumont. … surtout quand la loi sur la consommation et les consommateurs sera votée et que les actions collectives pourront être introduites. Que ce soit sur le problème du délaissement ou de la mise en péril de la personne, les maires pourraient voir leur responsabilité mise en cause.

Vous ne semblez pas, monsieur le rapporteur Bignon, partager – et c’est dommage – mon avis.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Tout en n’étant pas juriste, je peux vous assurer, mon cher collègue, que la justice pénale et la justice administrative seront saisies si le droit au logement opposable que nous allons voter n’est pas mis en oeuvre.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. La justice administrative assurément.

M. Jean-Louis Dumont. Nous espérons aussi que celles et ceux qui seront au pouvoir dynamiseront la politique de l’immobilier social.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Excellente intervention !

M. Jean-Louis Dumont. Si jamais nous rations cette occasion, je vous garantis que le monde politique aurait à en souffrir ! J’espère que le militantisme l’emportera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente, madame la ministre, nous entendons beaucoup de propos lénifiants. Dans son discours, M. Piron a affiché plein de bonnes résolutions mais sans nous convaincre, malgré une parfaite diction, car, en cinq ans, vous n’avez pas fait grand-chose. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin, rapporteure. La chute est brutale !

M. Jean-Pierre Brard. Heureusement, vous avez reçu le renfort de notre collègue Abelin, qui a déclaré qu’il allait être votre aiguillon. Mais, on le sait bien, l’UDF, c’est l’aiguillon sans la pointe.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi le droit au logement opposable arrive-t-il subitement devant le Parlement, in extremis, en toute fin de législature, alors que le problème du logement est criant et qu’un projet de loi intitulé « Engagement national pour le logement » a été longuement débattu par le Parlement en 2005 et 2006 ?

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir vu le droit au logement opposable proposé au vote du Parlement. Il l’a été par voie d’amendement au projet de loi portant engagement national pour le logement, le 23 novembre 2005 au Sénat. M. le ministre, et je ne parle pas de vous, monsieur Daubresse, mais de M. Borloo – je n’organise pas de course à l’échalote entre vous –…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je vous rassure, monsieur Brard, il n’y en a pas.

M. Jean-Pierre Brard. …a alors déclaré : « Donc, même s’il soutient le concept républicain, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement ». Autrement dit, l’idée est bonne mais surtout hâtons-nous de ne rien faire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin, rapporteure. Nous n’étions sans doute pas prêts !

M. Xavier de Roux. Vous restez dans le vague !

M. Jean-Pierre Brard. Eh bien, je vais être plus précis et vous n’allez pas le regretter ! Beaucoup moins subtil, le rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat, M. Braye, brocardait le droit opposable au logement en parlant d’« esprit du “ y a qu’à, faut qu’on ” ».

Mme Christine Boutin, rapporteure. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

M. Jean-Pierre Brard. Je suis entièrement d’accord avec vous, madame Boutin, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et, de ce point de vue, il doit y en avoir beaucoup sur ces bancs, car nombreux sont ceux qui ne changent pas d’avis.

M. Xavier de Roux. N’est-ce pas, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. L’inconstitutionnalité d’une telle disposition fut même doctement débattue par des sénateurs UMP parmi les plus éminents : je veux citer Mme Lucette Michaux-Chevry ou M. Vasselle. Mais le droit constitutionnel semble avoir heureusement accompli de grands progrès, depuis que la grâce a touché le Président de la République, à la suite des actions déterminées menées par les Enfants de Don Quichotte.

Quant à vous, madame Boutin, vous avez déposé une proposition de loi visant à instaurer le droit opposable au logement en septembre 2005 avec un petit groupe de députés appartenant à l’UMP. Mais quand on fait de l’apostolat, madame la rapporteure, vous le savez bien, il faut parfois prêcher seul avant de convertir les foules. Curieusement, le groupe UMP n’a jamais cru utile d’inscrire ce texte dans l’une des séances réservées à ses propositions. L’inspiration n’est venue que très tardivement sur ce sujet au président de l’UMP. Peut-être est-ce, madame Boutin, depuis que vous l’avez rejoint. Comme quoi il n’est pas inutile que vous lui serviez de béquille.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Je l’avais convaincu avant !

M. Jean-Pierre Brard. Cette proposition est un alibi commode pour la majorité mais la réalité est que, quand des maires refusent délibérément et publiquement d’appliquer l’article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbains, ils nient, en acte, le droit au logement opposable car ce dernier n’aura de réelle consistance que si les logements sociaux et très sociaux permettant de le mettre en œuvre existent effectivement. M. Sarkozy, premier consul des Hauts-de-Seine, ne sera crédible que lorsque des logements sociaux seront réalisés à Neuilly-sur-Seine et qu’il acceptera enfin de ne plus faire de sa ville une zone d’exclusion où le mot de solidarité peut être prononcé sans jamais être concrétisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Mais sans doute y-a-il trop de milliardaires au mètre carré pour laisser de la place pour les logements sociaux.

Madame la rapporteure, madame la ministre, si vous souhaitez vraiment que le droit au logement opposable entre dans les faits, dites clairement à ces maires délinquants qui refusent d’appliquer la loi qu’ils vous savonnent la planche alors qu’ils sont vos amis politiques.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Il n’y en a pas que d’un seul côté.

M. Jean-Pierre Brard. Je le sais bien, il n’y en a pas que d’un seul côté, et vous êtes d’une tradition où l’on vous a appris à tendre la joue gauche, lorsque l’on vous a frappé à la joue droite. (Sourires.) Mais reconnaissez quand même qu’ils sont légion, sur les bancs situés à droite de la présidence, à l’Assemblée comme au Sénat, à soutenir ces maires délinquants ou même à être pratiquants.

Mme la présidente. Souvenez-vous, monsieur Brard, que vous n’avez que cinq minutes de temps de parole.

M. Michel Piron. Il est en pleine exégèse !

M. Jean-Pierre Brard. Je le sais, madame la présidente, mais vous conviendrez que j’ai été interrompu à plusieurs reprises.

On ne peut à la fois fermer les yeux sur les violations de la loi dont se rendent coupables ces maires délinquants et faire croire aux Français que l’on va faire du droit au logement un droit opposable au bénéfice de tous. Vous nagez en pleine contradiction, si tant est que l’on puisse vous faire crédit, et je ne m’adresse pas spécialement à vous, madame Boutin.

Malgré votre autosatisfaction permanente en matière de logement, les ménages modestes et pauvres sont victimes de votre politique. La plupart des logements sociaux construits ne leur sont pas accessibles. En effet, depuis 2002, le pourcentage des logements attribués sous condition de ressources ou ayant des loyers inférieurs à ceux du marché est passé de 63 % à 40,8 %. Voilà la courbe qui rend perceptible le renforcement de l’exclusion. Et si nous retournions cette courbe, nous verrions la progression du nombre de RMIstes, qui résulte de votre politique.

Pénalisés par l’absence d’offre locative adaptée à leurs ressources, les ménages modestes et moyens sont également défavorisés dans l’accession à la propriété. Le pourcentage d’accédants dont les revenus sont inférieurs à deux SMIC mensuels est passé de 28,5 % en 1999 à 16,1 % en 2005. Dans ce contexte, on ne peut que s’inquiéter de voir se recréer pour héberger des personnes en situation d’urgence des sortes de cités de transit, peuplées de bungalows, semblables à celles des années soixante, ce qui est une bien piètre manière d’accueillir des personnes sans domicile.

Ce débat sur le droit au logement opposable, derrière l’affichage de belles intentions préélectorales, éclaire les choix politiques de fond du Gouvernement et de sa majorité. C’est ainsi que la commission des affaires économiques a dégradé le texte, en particulier s’agissant de la sanction financière des communes qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’hébergement d’urgence. N’oublions pas qu’il est des municipalités – je pense à celle de Saint-Maur dans le Val-de-Marne – où certains expliquent à leurs concitoyens que payer l’impôt pour se voir épargner la présence de pauvres gens est légitime. Madame Boutin, je connais votre sincérité mais vous seriez encore plus convaincante si vous châtiiez comme il convient – politiquement s’entend –, ces amis qui n’honorent pas la cause à laquelle vous dites être fidèle. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a dit excellemment M. Dumont, une grande politique du logement se bâtit dans la durée. C’est tout le paradoxe du grand débat républicain qui nous réunit aujourd’hui : il n’y aurait pas eu de grande politique de reconstruction de la France sans l’appel de l’abbé Pierre en 1954 et nous ne serions sans doute pas ici sans l’impact de ce qui s’est passé à la fin de l’année dernière et la déclaration du Président de la République du 31 décembre dernier appelant à mettre en place, dans les plus brefs délais, le droit au logement opposable.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes chiraquien ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ce n’est pas une tare !

M. Jean-Pierre Brard. À quand la conversion !

M. Marc-Philippe Daubresse. On ne met pas les fraîchement convertis en tête de procession, vous le savez, monsieur Brard.

Cependant cette cause immédiate n’a pu produire un tel effet que parce que le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo en avait posé tous les fondements il y a plus de deux ans, j’y insiste, et parce que l’évolution des esprits s’est effectuée, à droite, comme à gauche. C’est au cours des Assises du logement en 2004, que nous avons débattu avec des personnes comme Xavier Emmanuelli et Paul Boucher, que je tiens à saluer, et le Haut comité, et que nous sommes engagés à mettre en place le droit au logement par étapes.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Marc-Philippe Daubresse. Nous avons indiqué qu’avant que ce droit au logement puisse être instauré, il fallait créer les conditions de son effectivité, en rattrapant le retard considérable que nous a légué le gouvernement précédent. N’oubliez pas que c’est dans l’exposé des motifs de la loi portant engagement national pour le logement que le droit au logement opposable a été inscrit pour la première fois dans un texte de loi, ce qui n’avait été fait ni dans les lois Quilliot, ni dans les lois Besson, même si elles ont contribué à faire avancer la cause du logement.

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’avez pas péché par excès de vitesse !

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est donc l’aboutissement d’un long processus, monsieur Brard.

Faut-il s’opposer au droit opposable au logement ? Je voudrais vous convaincre du contraire. Il y a une impérieuse nécessité à voter ce texte préparé par Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin, et qui a reçu, rappelons-le, l’approbation unanime du Haut comité.

Car enfin de quoi s’agit-il ? Rendre le droit au logement opposable pour les plus démunis, mais aussi pour les SDF, les travailleurs pauvres ou les femmes isolées en respectant trois étapes : mettre en place un mécanisme juridique qui, au bout d’un délai d’attente anormalement long, permet de saisir un juge – mis en place dans la loi portant engagement national pour le logement, il est ici perfectionné ; désigner une autorité compétente en la matière et rappeler que l’État est le garant du droit au logement, et c’est inscrit en toutes lettres dans le texte ; disposer d’un parc suffisant pour s’acquitter de cette obligation, condition nécessaire qui explique qu’il a fallu attendre un peu. Bref, il s’agit de se donner un objectif en termes de résultats plutôt que de moyens.

En 2002, le gouvernement de Lionel Jospin, dont le ministre du logement et de l’équipement était M. Gayssot, nous a légué une situation calamiteuse en bâtissant 308 000 constructions neuves chaque année là où il en aurait fallu 400 000 et en finançant 42 262 logements sociaux – dont 38 181 PLUS et PLAI qu’évoquait M. Le Bouillonnec ce matin – là où il en aurait fallu 100 000. En 2007, 450 000 constructions neuves sont prévues, soit une augmentation de 50 %, ainsi que 80 000 PLUS et PLAI, et j’excepte les PLS destinés aux classes moyennes dont vous ne voulez pas que nous parlions. Voilà des chiffres qui tordent le cou aux affirmations de ceux qui nous expliquent que le plan Borloo a certes permis d’augmenter fortement la construction dans notre pays mais qu’il a réservé ses financements aux personnes aisées de notre société ou aux classes moyennes.

Halte à la désinformation, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2000, il y a eu 38 181 logements financés dans le cadre des PLUS et PLAI, en 2001, 47 000, en 2006, 67 000 et en 2007, il y en aura 96 000, dont 16 000 au titre de l’ANRU, soit 80 000 logements sociaux ou très sociaux.

Sous les regards sceptiques de l’opposition, j’avais déclaré : « la crise du logement se joue à quitte ou double, nous avons choisi de doubler ». Eh bien, aujourd’hui, nous avons tenu nos engagements et nous pouvons en être fiers. Oui, nous avons doublé le financement du logement social ou très social depuis 2000. Oui, nous avons augmenté de plus de 50 % les constructions neuves. Oui, nous avons quadruplé le financement des logements privés à loyers maîtrisés de type ANAH. Oui, nous avons presque triplé l’accession sociale à la propriété. Oui, nous avons augmenté de 75 % le nombre de places d’hébergement pour les plus démunis en CADA. Alors, nous n’avons pas de leçons à recevoir de ceux qui n’ont pas fait en leur temps les efforts nécessaires et qui nous ont légué un passif qui a obéré l’avenir pour plusieurs années, en créant une situation de crise calamiteuse que nous ne surmontons qu’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est un plaidoyer post mortem !

M. Marc-Philippe Daubresse. Cela suppose en particulier de permettre à tous ceux qui le souhaitent de réaliser également d’autres efforts sur toute la chaîne du logement.

Pour que la chaîne du logement redevienne un ascenseur social, elle doit en effet être dégrippée en effet dans l’ensemble de ses maillons : sur la chaîne de l’hébergement, bien sûr, sur le logement social et très social dont je viens de parler, mais aussi sur l’accession sociale à la propriété et la nécessité de réaliser le rêve de propriété que souhaitent la plupart de nos concitoyens ainsi que sur la logique gagnant-gagnant qu’il faut retrouver entre propriétaires et locataires en particulier.

Toutes ces propositions ont été émises le 14 septembre dernier par Nicolas Sarkozy lors de la convention sur le logement.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà la conversion !

M. Marc-Philippe Daubresse. Et c’est bien Nicolas Sarkozy qui déclarait le 12 octobre à Périgueux : « Je propose qu’au bout de cinq à dix ans le droit au logement devienne opposable devant les tribunaux de façon à créer une forte incitation à construire des logements manquants là où ils sont nécessaires pour que tous les Français puissent retrouver un toit (…). Je vous le dis : l’opposabilité des droits va tout changer. En devenant effective de façon irréversible à une date donnée, elle mettra tout le monde au pied du mur. » C’était bien avant les tentes du canal Saint-Martin !

Au même moment, le parti socialiste inscrivait dans son programme une proposition qui fera date. Il demandait en effet au Conseil économique et social une étude sur la possibilité de rendre le droit au logement opposable. Nous avions déjà eu les deux rapports sur la réforme des retraites et aucune réforme effective des retraites sous le gouvernement Jospin. On voit bien ce que cela aurait donné si le Président de la République et le ministre en charge de ce dossier n’avaient pas activé la manœuvre !

M. Pierre Cohen. Ce genre de réflexion ne vous va pas !

M. Marc-Philippe Daubresse. En définitive, vous n’avez fait que courir, tel Sancho Pança, derrière Don Quichotte !

M. Jean-Pierre Brard. Et Sarkozy, c’est Rossinante ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Moins de six mois plus tard, c’est notre assemblée qui élabore, non pas un discours ou des promesses, mais un texte de loi fondamental que nous allons pouvoir voter avant la fin de la session.

Mes chers collègues, voter le droit opposable, c’est mettre en mouvement la République fraternelle, comme avait su le faire le général de Gaulle quand il a donné le droit de vote aux femmes ou quand il a créé la sécurité sociale.

Mme Huguette Bello. On s’est battus pour cela !

M. Marc-Philippe Daubresse. Car enfin, quels sont les arguments de ceux qui s’opposent au droit opposable au logement ?

Sur certains bancs, des réticences se manifestent quant à notre capacité à tenir nos engagements.

M. Jean-Pierre Brard. Quant à votre honnêteté !

M. Marc-Philippe Daubresse. Certains se demandent si l’État aura les moyens de fournir à tous un logement décent et indépendant à terme.

M. Pierre Cohen. La réponse est non !

M. Marc-Philippe Daubresse. On peut, bien entendu, discuter des dates et des catégories de populations qui peuvent ou doivent être progressivement concernées.

M. Jean-Pierre Brard. On peut aussi discuter des lieux !

M. Marc-Philippe Daubresse. Je vais y venir, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Lambersart ou Neuilly, par exemple !

M. Marc-Philippe Daubresse. Rassurez-vous, mon cher collègue, je parlerai de la mixité sociale !

Il est exact que, pour atteindre notre objectif, notre pays devra continuer à produire plus de 430 000 logements par an et à tenir le niveau de financement des logements sociaux que j’ai indiqués tout à l’heure. Il est exact qu’en maintenant ce rythme, il faudra environ dix ans pour y parvenir.

M. Jean-Pierre Brard. Pitié : pas Sarkozy pendant dix ans !

M. Marc-Philippe Daubresse. Il est exact qu’une étude d’impact et une évaluation permanente seront nécessaires pour ajuster le dispositif à la réalité de l’offre produite. Mais tout l’intérêt de l’objectif de résultat que nous nous fixons dans ce projet de loi, c’est qu’aucun gouvernement ne pourra reprendre le risque demain de diminuer les moyens budgétaires ou fiscaux consacrés à la politique du logement, comme l’avait fait en son temps un autre gouvernement en utilisant une bonne partie des fonds du 1 % logement pour boucler ses fins de mois. Je le répète : nous n’avons pas de leçons à recevoir en la matière.

M. Pierre Cohen. Il fut un temps où vous étiez meilleur !

M. Marc-Philippe Daubresse. On pourrait disserter sur la commission de médiation, sur les problèmes de durée, de capacité ou d’autorité pour saisir le juge. Mais, tout cela, c’est de la digression.

M. Jean-Pierre Brard. La digression se suffit à elle-même !

M. Marc-Philippe Daubresse. Force est de reconnaître que toutes ces questions techniques ont trouvé de très bonnes réponses dans les excellents amendements présentés par nos trois rapporteurs Christine Boutin, Georges Fenech et Jérôme Bignon.

On peut enfin répondre au plaidoyer de M. Le Bouillonnec qu’il est en totale contradiction avec les propos tenus à l’instant par M. Dumont.

M. Michel Piron. M. Dumont est bien meilleur !

M. Marc-Philippe Daubresse. M. Le Bouillonnec nous a expliqué que le texte issu du Sénat allait dans la bonne direction mais pas forcément dans le bon sens, et que pour tenir le pari que nous voulons prendre ensemble, il fallait une construction massive abordable, c’est-à-dire des moyens en rapport avec les objectifs, ce sur quoi Jean-Louis Borloo a pris ce matin des engagements précis qui feront l’objet d’un amendement.

Il nous a également expliqué qu’il fallait solvabiliser les familles, ce qui est précisément l’objet de l’indexation des aides au logement adoptée par nos collègues sénateurs, qu’il fallait une mobilisation des collectivités locales pour construire plus, ce qui a fait précisément l’objet de la loi portant engagement national pour le logement…

M. Michel Piron. Exactement !

M. Marc-Philippe Daubresse. …et qu’il fallait enfin une meilleure mixité sociale. Nous nous doutions bien que, faute d’arguments de fond, on nous jouerait le sempiternel refrain de l’article 55 de la loi SRU. Je ferai simplement remarquer à ce sujet que, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, la majorité n’a pas remis en cause cet article.

M. Pierre Cohen. Il s’en est fallu de peu ! Heureusement que l’abbé Pierre était là !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’appliquez pas cet article !

M. Marc-Philippe Daubresse. J’insiste aussi sur la nécessité de ne pas toujours penser à sanctionner le passé par des dispositifs coercitifs sur le stock mais plutôt à encourager les maires à bâtir au lieu de les en dissuader par des lois bureaucratiques, planificatrices, dirigistes, comme vous avez su les faire en leur temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Ce sont des spécialistes !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse. J’insiste enfin sur la nécessité de mobiliser davantage le parc privé locatif.

Dans ma région Nord-Pas-de-Calais, l’association Emmaüs produit plus de logements très sociaux et avec 95 % de réinsertion dans le parc privé que la métropole lilloise n’en fait dans le parc public.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vrai !

M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la ministre, il est essentiel de faire appliquer par l’ANAH le dispositif qui a été voté à l’article 6 G du projet de loi permettant aux associations de louer des logements pour les plus démunis, dans le cadre du programme social thématique. Je souhaiterais que vous preniez des engagements précis sur ce point.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je vais le faire !

M. Marc-Philippe Daubresse. Les associations sérieuses, comme Emmaüs, les attendent.

Non, mes chers collègues, il serait vain de s’opposer au droit opposable sous prétexte d’arguments fallacieux ou politiciens. Le sujet qui nous réunit aujourd’hui est celui de la République fraternelle. Sur le fronton de nos hôtels de ville…

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’êtes pas pratiquant en ce domaine !

M. Marc-Philippe Daubresse. …c’est bien de cela que l’on parle : la République de Mirabeau et des droits de l’homme, celle de Jules Ferry et des instituteurs, celle de Victor Hugo et des Misérables, celle du général de Gaulle et des résistants. La République, ce n’est pas l’affaire d’un parti contre un autre, d’un clan contre un autre.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. C’est bien cela qui gêne la gauche !

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est l’affaire de tous les Français autour d’une continuité de principes, de valeurs et d’objectifs.

La République, c’est un idéal de progrès et, dans ce monde qui change, la République immobile, comme vous avez voulu la faire pendant des années, est vouée au déclin.

C’est donc au nom de cette République fraternelle que nous voterons avec détermination et sans réticence ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Avec vous, c’est la fraternité platonique !

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, souhaitée depuis des décennies, l’inscription dans la loi du droit opposable au logement est saluée par tous ceux – et ils sont nombreux – qui savent à quel point l’accès à un logement est fondamental et conditionne la vie de chacun. Elle recueille aussi l’adhésion de ceux qui considèrent que cette question est centrale pour la société.

Pour dissiper toute ambiguïté, pouvez-vous nous confirmer dès à présent, madame la ministre, que ce nouveau droit social garanti par l’État sera, de façon identique et simultanée, effectif outre-mer ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. La réponse est oui !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. C’est indispensable !

Mme Huguette Bello. Telle est en effet la question que se posent bon nombre d’intervenants après l’adoption, au cours de cette législature, de grands textes qui mobilisent des moyens financiers importants en faveur du logement social mais qui, de façon constante, ont négligé l’outre-mer.

Malgré nos demandes réitérées, le volet logement du plan de cohésion sociale voté en 2004 reste exclusivement hexagonal. Les départements d’outre-mer se trouvent donc privés de la programmation sur cinq ans des financements en faveur du logement que ce projet de loi propose d’ailleurs de renforcer à nouveau, privation regrettable à plus d’un titre. Outre qu’elle permet une visibilité sur plusieurs années, cette programmation a l’avantage de protéger les sommes affectées contre les régulations du ministère des finances en fin d’exercice budgétaire.

De même, dans le texte adopté en 2006 et qui s’intitule pourtant engagement national pour le logement, le logement social outre-mer est oublié.

Plus grave, l’examen du budget de l’outre-mer s’est transformé en une véritable fiction. Déjà insuffisantes, les sommes votées pour le logement sont systématiquement revues à la baisse. Non seulement la ligne budgétaire unique ne cesse de diminuer mais, de façon encore plus fâcheuse, les crédits de paiement accusent un retard inédit. La dette de l’État s’élève à un milliard d’euros.

«Absence de politique responsable », « gestion des crédits hasardeuse », « politique suicidaire » : tels sont les termes utilisés dans les rapports parlementaires ou les missions d’audit de Bercy pour qualifier la politique du logement social outre-mer, qui restera, je le répète, l’un des plus grands échecs de ces cinq dernières années.

Les conséquences pour les populations d’une politique faite de reports successifs, de renoncements et de désengagements ont été maintes fois décrites ; je n’y reviendrai pas.

La reconnaissance du droit opposable au logement dans l’outre-mer intervient donc dans un contexte où, à une pénurie de logements sociaux, correspond paradoxalement une baisse continue des moyens financiers. En fait, la démarche est à l’opposé de ce qui se passe sur le reste du territoire puisque le droit opposable au logement n’est pas accompagné de mesures en faveur du logement social. Il faut au moins espérer que ce nouveau droit les précédera puisque le Gouvernement organisera, le 27 février prochain, la première conférence nationale pour le logement outre-mer.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Absolument !

Mme Huguette Bello. À La Réunion, le droit opposable au logement s’inscrira dans un contexte où la chute vertigineuse des mises en chantier de logements sociaux n’est pas enrayée, où, notamment en raison de la défiscalisation, le marché du logement est de plus en plus déséquilibré du fait d’une offre qui ne correspond pas aux capacités de la population,…

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

Mme Huguette Bello. …où le foncier fait l’objet d’une spéculation effrénée,…

Mme Marylise Lebranchu. Eh oui !

Mme Huguette Bello. …où la mise à mal des LES et la suppression du PTZ 40 rendent de plus en plus difficile aux plus modestes et aux classes moyennes l’accession à la propriété.

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

Mme Huguette Bello. Nous savons que l’instauration de ce nouveau droit n’est pas une fin en soi. Mais nous savons aussi qu’il n’aura véritablement de sens que si l’État réaffirme pleinement sa place dans le domaine du logement et si ce droit va de pair avec un effort important de construction.

À La Réunion, où plus des trois-quarts de la population sont éligibles à la LBU, où les retards se sont accumulés, où les capacités foncières sont faibles et où les besoins futurs sont importants, il est urgent de commencer à intervenir. Tous les acteurs du logement social ont signé, dès 2003, une charte de l’habitat qui identifie les blocages et préconise des remèdes. Les collectivités, les opérateurs sociaux, les entreprises du bâtiment sont disposés à intervenir si les conditions sont réunies, En un mot, à La Réunion, si les moyens budgétaires et les outils opérationnels nous sont donnés, nous sommes prêts à satisfaire, en quelques années, les 26 000 demandes de logements aujourd’hui enregistrées.

Pour conclure, je veux insister sur la nécessité de concevoir les logements sociaux non plus seulement dans la perspective de l’utilité et de l’urgence immédiate mais, comme tous les autres logements, selon toutes les exigences qui sont aujourd’hui celles de l’habitat. Il s’agit de la construction de lieux de vie à part entière, qui doivent répondre aux mêmes soucis que tous les autres logements. La question de l’habitat social ne peut donc se réduire aujourd’hui aux seuls enjeux sociaux, économiques et démographiques. Elle doit intégrer les aspects environnementaux, énergétiques et esthétiques.

On ne saurait en effet accepter de construire des logements qui ne soient pas durables, qui se dégraderaient en une décennie ou en une seule génération. Les logements sociaux doivent être conçus de telle façon que ceux qui y habitent aient plaisir à les occuper, à les entretenir, à les embellir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Quel talent !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Nul ne peut contester que le logement est l’une des deux grandes préoccupations de nos concitoyens, avec l’emploi. Ce sont les deux éléments essentiels pour pouvoir affirmer son droit à une vie sociale, à une vie civique reconnue.

Alors que l’on s’apprête à réviser la Constitution, il serait bon que le droit au logement soit expressément inscrit dans notre texte fondamental, comme le droit au travail. Il serait ainsi reconnu comme une véritable priorité dans notre pays, et l’on affirmerait ainsi que le logement reste une compétence régalienne de l’État.

Oui, la France est actuellement confrontée à une grave crise du logement, surtout social, due au manque criant de disponibilités en logements sociaux et très sociaux. Elle frappe en priorité les plus démunis : les personnes privées de logement, menacées d’expulsion et sans relogement, ou hébergées dans une habitation insalubre, mais aussi les ménages modestes à qui leurs ressources ne permettent pas de payer un loyer en dehors du parc social. Dès lors, et le mouvement HLM l’a souligné, il est impératif de créer une offre nouvelle importante de logements sociaux et très sociaux, et de mettre en place les financements publics nécessaires à la réalisation de cet objectif.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Alain Néri. Vous affirmez, madame la ministre, votre volonté de construire 120 000 logements sociaux par an. Il faudrait que les chiffres soient cohérents : vous nous avez parlé de 400 000 au cours de la législature... Il faudra nous expliquer.

M. Jean-Pierre Brard. Ils ne savent pas compter. Il faudra demander à M. Breton.

M. Alain Néri. Je voudrais surtout que vous nous précisiez la catégorie exacte de logements sociaux et le nombre de logements très sociaux accessibles aux familles les plus démunies, qui seront construits.

Toutes les espèces animales se battent pour avoir qui un gîte, qui un terrier, qui un nid.

M. Michel Piron. Le chasseur parle...

M. Alain Néri. Pourquoi l’homme devrait-il se résigner à ne pas avoir un toit ? Il y a urgence, madame la ministre, car, malgré les efforts faits par les uns et les autres, depuis de nombreuses années – il suffit de se rappeler les actions des ministres qui se sont succédé, comme Roger Quilliot, Louis Besson,...

M. Jean-Louis Dumont. Marie-Noëlle Lienemann !

M. Alain Néri. ...ou d’autres sur d’autres bancs –, la réussite n’a pas été au rendez-vous puisque le problème se pose toujours avec la même acuité.

M. Michel Piron. C’est vrai !

M. Alain Néri. Autre difficulté fondamentale aujourd’hui : le prix du foncier explose.

Certaines communes ne veulent pas accepter le plancher de 20 % fixé dans la loi SRU, et il faut dénoncer le scandale de ceux qui considèrent le logement social comme une gangrène et, plus grave encore, qui, au moment des batailles électorales, accusent leurs adversaires politiques de vouloir mettre fin à la tranquillité des habitants en construisant du logement social.

M. Philippe Pemezec. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. Mais non !

M. Marc Bernier. Archifaux !

M. Alain Néri. Le double langage, c’est-à-dire proclamer que l’on est pour le logement social à l’Assemblée nationale et le dénoncer dans sa commune, est inacceptable !

M. Marc Bernier. N’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. Allez donc à Saint-Maur !

M. Philippe Pemezec. Il y a des logements sociaux au Plessis-Robinson !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas vous qui les avez construits !

M. Alain Néri. Lisez donc les documents électoraux de certains partisans de la majorité !

Il faut affirmer ensemble le droit au logement. Cela étant dit, d’autres communes sont dans l’incapacité de maîtriser le foncier et de fournir les terrains nécessaires à la construction de logements sociaux. Il arrive que les municipalités, en mettant à disposition gratuitement les terrains et en les viabilisant – en réalisant les VRD, voirie et réseaux divers, comme on dit – apportent une aide plus importante que l’État. Il faut revoir l’aide à la pierre pour agir efficacement en faveur de la construction de logements sociaux.

Je souhaiterais également qu’une réflexion s’engage sur la possibilité de mettre rapidement à la disposition des opérateurs HLM notamment des terrains libres appartenant à l’État : je pense en particulier aux terrains militaires et aux casernes aujourd’hui désertés et qui sont autant de friches dans nos communes où le logement est rare.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. Alain Néri. Nous pourrions alors agir plus rapidement car nous maîtriserions le foncier.

Je salue votre annonce, madame la ministre. Construire 120 000 logements sociaux par an est une proposition alléchante mais, en réalité, on en reste au stade des bonnes intentions. En effet, pour des raisons d’ordre purement technique – maîtrise des sols, appels d’offres, délais de construction – il faudra attendre les réalisations au minimum trois à quatre ans après le déblocage des crédits, quelle que soit votre bonne volonté.

M. Jean-Louis Dumont. Et encore, quand il n’y a pas de recours !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Disons deux ans, mais nous sommes bien d’accord sur le fond.

M. Alain Néri. Les responsables sur place le savent bien ! D’ailleurs, M. Borloo l’a reconnu au cours d’un débat précédent.

C’est beaucoup trop long ! Une première solution pour y remédier consisterait à remettre en route les PALULOS et à augmenter les crédits pour les opérations programmées d’amélioration de l’habitat qui permettraient la rénovation des logements insalubres et anciens dans les centres bourgs ou dans les centres villes. Elle présenterait plusieurs avantages : premièrement, remettre sur le marché des logements sociaux dans un délai de deux ans dans la mesure où le gros-œuvre serait déjà fait ; deuxièmement, offrir des logements de qualité en centre-ville, lequel en serait revitalisé, et à moindres frais pour la collectivité puisque les VRD existent déjà ; troisièmement, donner du travail aux PME et artisans locaux parce que les travaux de rénovation leur sont accessibles, ce qui donnerait un nouvel élan à l’activité économique et permettrait sans doute d’offrir un emploi sur place à ceux qui aspirent à se loger dans nos communes.

Mais deux ans, c’est encore long, madame la ministre ! C’est pourquoi, pour aller plus vite, j’avais, en janvier 2006, proposé dans cet hémicycle de créer un fonds national de garantie des loyers pour agir sur le parc privé.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est fait !

M. Alain Néri. J’ai réitéré en juin 2006 et j’avais cru trouver un certain écho.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Et la garantie des risques locatifs ?

M. Alain Néri. C’est vrai, madame la rapporteure, la GRL est un progrès. Mais je le trouve insuffisant. Il est vrai que les cautions sont souvent trop élevées. Vous proposez de les prendre en charge, de même que vous déclarez que la GRL permettra de réagir dès les premiers loyers impayés. De telles incitations devraient permettre de remettre sur le marché des logements aujourd’hui vacants, j’en suis persuadé. Mais ne pourrait-on envisager un plan sur quatre ans avec les logements financés sur les crédits inscrits au budget, et un plan sur deux ans avec les PALULOS, en accélérant les crédits d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat et en remettant immédiatement sur le marché les logements vacants ?

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. Alain Néri. Pourquoi les logements privés sont-ils vacants ? Principalement parce que leurs propriétaires ont peur de ne pas toucher leur loyer et de retrouver leur logement dégradé. J’ai déposé un amendement à ce sujet, mais la commission n’a pas cru bon de le retenir, et j’ai même déposé une proposition de loi. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de la prochaine législature, et, je l’espère, tous ensemble. Il faut passer un pacte avec les petits propriétaires, qui ont besoin de leurs loyers comme complément de retraite ou comme revenu d’appoint pour aider leurs enfants ou petits-enfants.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis, et Mme Christine Boutin, rapporteure. Exactement !

M. Alain Néri. Le plus simple serait de leur garantir, en contrepartie d’un bail de neuf ans et d’un loyer conventionné, pour le rendre accessible aux plus modestes, le paiement du loyer, qui serait encaissé par un organisme – pourquoi pas les associations Pact Arim qui ont une grande expérience en la matière ? – à charge pour lui de le reverser au propriétaire. La garantie porterait également sur la remise en l’état du logement à la fin du bail. Il ne s’agit pas de forcer qui que ce soit. J’entends déjà les mises en garde contre la collectivisation ! Pas du tout ! Simplement, ceux qui décideront d’adhérer au Fonds national de garantie des loyers seront assurés de percevoir leur loyer, à un niveau sans doute moindre que ce qu’ils espéraient, mais la sécurité se paie !

Cela aurait l’avantage de rendre possible une certaine mixité sociale qui nous fait défaut, et qui est sans doute l’une des raisons des difficultés que l’on rencontre dans les quartiers. Et, s’agissant de mixité, je souhaiterais que, lorsque la situation sera un peu moins tendue, les commissions tiennent compte, pour l’attribution des logements, de la mixité des générations.

Mme Christine Boutin, rapporteure. C’est très important, en effet !

M. Alain Néri. Ainsi, les personnes âgées pourraient vivre dans un cadre plus harmonieux, en continuant à voir des jeunes adultes et des enfants.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Il y a déjà eu des expériences en ce sens.

M. Alain Néri. Parfois, les conditions de vie font qu’elles sont privées de leurs enfants, partis au loin. Les enfants, eux aussi, peuvent avoir besoin d’une aide. Or leurs parents ne sont pas toujours présents : ils pourraient trouver un accueil auprès des plus âgés.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Très bien !

M. Alain Néri. Alors, tous ensemble, nous aurions contribué à instaurer un véritable lien social, dans nos quartiers et dans nos communes. Le logement deviendrait l’instrument d’une véritable politique sociale d’harmonisation, d’intégration et de cohésion nationale. Mes chers amis, mon amendement aurait pu servir de base de réflexion et je regrette qu’il n’ait été retenu par la commission. Il ne me paraissait pas scandaleux.

M. Jean-Pierre Dufau. Il y aura peut-être une session de rattrapage.

M. Alain Néri. Je souhaite que, dans un avenir proche, notre proposition de loi puisse être votée par l’ensemble de l’Assemblée : je vois Mme la rapporteure hocher la tête, et M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques aussi.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Cela mérite d’être étudié.

M. Alain Néri. Ces mesures seraient plus efficaces que le droit au logement opposable car l’opposabilité risque d’être inopérante. En effet, ce texte ne prendra effet qu’à partir du 1er décembre 2008 pour les demandes prioritaires, et seulement au 1er janvier 2012 pour les demandes éligibles.

Une telle crise sociale, qui nous interpelle tous – qui peut rester insensible devant ces familles vivant dans des logements insalubres, mettant en péril la santé des enfants ? – exige des mesures énergiques, rapides et concrètes, comme le sont les propositions du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Pas mal !

Mme Christine Boutin, rapporteure. Très bien !

M. Jean-Louis Dumont. Il est constructif !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vrai !

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Jean-Pierre Brard. Un Versaillais républicain !

Mme Christine Boutin, rapporteur. Il y a des logements sociaux à Versailles !

M. Étienne Pinte. Pas suffisamment, madame la rapporteure !

M. Jean-Pierre Brard. Vous pouvez reconvertir quelques couvents !

Mme la présidente. Ne vous laissez pas distraire, monsieur Pinte.

M. Étienne Pinte. Madame la présidente, madame la ministre, lors de la discussion de la loi portant engagement national pour le logement, nous avons été un certain nombre, dont vous-même, madame la rapporteure, à souhaiter l’inscription dans la loi du droit au logement opposable. Malheureusement, le ministre n’avait pas, à l’époque, répondu favorablement à nos sollicitations.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Il fallait du temps !

M. Étienne Pinte. Je me réjouis donc de la création aujourd’hui d’un droit au logement opposable. C’est une manière pour la République, me semble-t-il, de reconnaître à tous ceux qui vivent dans la rue ou dans des logements insalubres le droit de vivre dans des conditions décentes, en ayant un chez-soi. C’est une formidable marque de solidarité et de fraternité. J’ai apprécié ce matin l’appel, fait par Jérôme Bignon, à notre génie des droits de l’homme. En tant que maire de la ville de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, je suis très surpris qu’il ait fallu attendre les cris de l’abbé Pierre ou les actions des Enfants de Don Quichotte pour nous remettre sur nos chemins d’humanité.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Étienne Pinte. Force est malheureusement de constater que, pour susciter la construction de logements sociaux en France, il faut recourir à la loi et à des contraintes financières et juridiques.

La loi solidarité et renouvellement urbains, qui a instauré un seuil de 20 % de logements sociaux, et la loi de cohésion sociale ont permis, sans aucun doute, d’augmenter la construction de logements. Toutefois, l’offre est encore insuffisante, notamment – plusieurs orateurs l’ont rappelé – en matière de logements très sociaux. De surcroît, un grand nombre de centres d’hébergement sont dans un état lamentable et il manque des structures intermédiaires de réinsertion et d’accompagnement.

II ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Je regrette notamment, madame la ministre, que cette loi ne s’inspire pas davantage du modèle écossais en donnant une plus grande place au pragmatisme. J’aurais préféré que nous procédions immédiatement par étapes en nous fixant des objectifs intermédiaires précis assortis de procédures d’évaluation.

En effet, nous le savons tous, construire des logements sociaux, a fortiori très sociaux, nécessite une énergie invraisemblable en raison des multiples obstacles à surmonter, tant d’ordre foncier, administratif, technique, financier que juridique, le moindre n’étant pas de devoir quelquefois convaincre nos concitoyens d’accepter des logements sociaux dans leur quartier, voire dans leur ville.

Mme Christine Boutin, rapporteure. C’est vrai, hélas, et c’est insupportable !

M. Étienne Pinte. Nous devons donc faire preuve d’une grande souplesse et de beaucoup de réalisme. Il me semble indispensable, madame la ministre, d’aider les élus et les bailleurs sociaux à produire du logement social.

Je donnerai quelques exemples. En dépit des promesses de l’État, nous éprouvons les pires difficultés à négocier la rétrocession des terrains appartenant à l’État et à faire respecter la décote de 35 %. De telles opérations traînent des années durant, faisant perdre un temps précieux et beaucoup d’énergie, alors qu’il y a urgence. Il y a ainsi trois ans, un de vos prédécesseurs, madame la ministre, avait proposé de céder à la ville de Versailles des terrains appartenant à la direction départementale de l’équipement. Je n’ai toujours rien vu venir !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vrai.

M. Étienne Pinte. De même il est aujourd’hui quasiment impossible d’acheter des terrains à un prix raisonnable à Réseau ferré de France, qui cherche à vendre au meilleur prix les nombreux terrains dont il dispose.

Un grand nombre de bailleurs sociaux seraient également intéressés par la signature de baux emphytéotiques, une option à laquelle l’État, malheureusement, n’est toujours pas ouvert.

Je le répète : c’est de souplesse que nous avons besoin et non pas de rigidité. Je donnerai un autre exemple. La ville de Versailles avait proposé à la direction départementale de l’équipement un montage intéressant sur un immeuble du centre ville. La ville rachetait trente appartements de cet immeuble et en revendait immédiatement dix au secteur privé en vue de financer la conversion des vingt autres en logements sociaux : un refus nous a été opposé.

Mme Christine Boutin, rapporteure. C’est incroyable !

M. Jean-Pierre Dufau. C’est l’imagination au pouvoir !

M. Étienne Pinte. II est urgent d’harmoniser les orientations en matière de financement des différents partenaires, que ce soit l’État, la région, le département, les établissements publics de coopération intercommunale ou les villes. La coordination d’orientations parfois contradictoires est en effet très difficile et conduit dans certains cas, malheureusement, à renoncer à certains projets.

Pourquoi ne pas exonérer de la taxe sur la propriété bâtie les bailleurs sociaux dont le patrimoine a plus de vingt-cinq ans, en exigeant en retour l’investissement du montant correspondant dans la construction de nouveaux logements sociaux ? Une telle exonération permettrait de doubler la capacité d’investissement des bailleurs sociaux sur fonds propres.

Je terminerai par un dernier exemple. Certains de nos concitoyens résidant dans un logement social n’osent pas dépanner durant quelques semaines un voisin ou un membre de leur famille, de peur que le bailleur ne le leur reproche ou même que les revenus de la personne hébergée ne soient pris en compte dans le calcul de leur loyer.

M. Jean-Pierre Brard. C’est exact !

M. Étienne Pinte. Pourtant, quelques semaines d’hébergements pourraient dans un grand nombre de cas éviter à bien des personnes de se retrouver très vite dans la rue. Ne décourageons pas la solidarité au sein de la famille ou du voisinage. N’oublions pas non plus nos devoirs envers le logement solidaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Christine Boutin, rapporteure. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Irène Tharin.

Mme Irène Tharin. Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi ne vise pas seulement à résoudre un problème technique ni à améliorer un mécanisme administratif précis, comme c’est le cas d’autres textes : aujourd’hui, avec le droit opposable au logement, il s’agit surtout de porter un regard de générosité et d’humanité sur ceux de nos concitoyens qui sont dans le besoin.

M. Jean-Pierre Brard. De générosité électorale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin, rapporteure. Procès d’intention !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Cette remarque est nulle !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous ai vus à l’œuvre !

Mme la présidente. Monsieur Brard, je vous prie de laisser s’exprimer Mme Tharin.

Mme Irène Tharin. Permettez-moi, madame la ministre, d’apporter, comme Jérôme Bignon ce matin, un témoignage personnel. Durant l’hiver 54 – j’étais alors militante jociste, c’est-à-dire membre des Jeunesses ouvrières chrétiennes –, après l’appel de l’abbé Pierre, mes camarades et moi-même nous étions mobilisés pour porter assistance à plusieurs familles très mal logées dans ce que nous appelons aujourd’hui des caravanes et qui s’appelait alors des roulottes. Nous avons mené des actions très concrètes : donner des vêtements chauds, accueillir de jeunes enfants ou apporter un simple soutien. Cinquante-trois ans plus tard, je suis émue de participer, comme vous, Jérôme Bignon, à ce travail législatif.

Ce projet de loi nous permet en effet à tous de rendre leur dignité à de nombreux Français laissés pour compte. Désormais, le droit pour chaque être humain d’avoir un toit constituera un impératif catégorique puisque, grâce à la mesure-phare du projet de loi, l’État garantira le droit au logement à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et stable, ne sera pas en mesure d’accéder par ses propres moyens à un logement décent et indépendant, ainsi que de s’y maintenir. Ce texte viendra plus particulièrement en aide aux sans-abri et aux familles qui sont logées, avec leurs enfants mineurs, dans des conditions inacceptables.

Toutefois, madame la ministre, mon expérience d’élue locale me permet de déceler certains écueils que dissimulent ces mesures méritoires et louables et qu’il convient d’éviter. Il existe en effet un risque réel de confusion entre les responsabilités de l’État et celles des collectivités territoriales dans le domaine du logement. Comme la majorité des associations représentatives des élus, je suis très réservée sur le transfert automatique de la responsabilité du droit au logement aux collectivités territoriales qui seront signataires d’une convention de délégation du contingent préfectoral.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison.

Mme Irène Tharin. On peut aisément le comprendre, notamment en ce qui concerne l’exercice, en vue de permettre la mise en œuvre du droit au logement, des pouvoirs coercitifs du préfet en matière de réquisition : ne disposant pas de ces pouvoirs, les collectivités locales n’ont pas vocation à exercer de telles responsabilités.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison.

Mme Irène Tharin. Or un consensus semble se dégager en faveur d’une responsabilité exclusive de l’État en la matière. J’espère que nos débats permettront de le confirmer.

Mme Christine Boutin, rapporteure. C’est le cas.

Mme Irène Tharin. Toutefois, dans la nouvelle version du texte, des cas d’expérimentation permettront aux EPCI délégataires des aides à la pierre qui le souhaitent d’exercer pour une durée déterminée la responsabilité du droit opposable au logement en contrepartie d’un renforcement de leurs compétences. En tant que vice-présidente de la communauté d’agglomération du pays de Montbéliard, EPCI responsable de l’urbanisme et de l’habitat, qui a obtenu une délégation de compétence pour la gestion des aides à la pierre en janvier 2006, je souhaite appeler votre attention sur l’importance qu’il y aura à déléguer les moyens que requerront de telles expérimentations. En effet, nous sommes face à des publics aux besoins très lourds, qui demandent des moyens spécifiques en termes de logement, de suivi social et de réinsertion. J’ai pu constater l’importance de ces besoins dans la communauté d’agglomération du pays de Montbéliard, qui a fait le choix de conduire une politique de développement de l’habitat très ambitieuse, que ce soit dans le cadre de l’ANRU – la communauté d’agglomération y participe à hauteur de plus de 14 millions d’euros jusqu’en 2011 –, ou dans celui du soutien aux actions du programme local de l’habitat, pour un montant annuel de 3,5 millions d’euros.

Mon expérience d’élue de terrain me conduit également à approuver les dispositions prévues visant à accroître le nombre de logements sociaux par la modification de l’article 55 de la loi SRU. Ces mesures nationales correspondent à un besoin local. En effet, la fragilisation économique de certains ménages peut avoir des répercussions sur leur maintien dans leur logement. Du reste, la communauté d’agglomération de Montbéliard a décidé de soutenir fortement la production de logements sociaux. Nous avons ainsi mis en œuvre une politique foncière très ambitieuse visant à faciliter la réalisation d’opérations d’urbanisme à destination de l’habitat, mais en imposant pour chaque opération aidée un pourcentage de logements sociaux. Au vu du travail ainsi réalisé sur le plan local, je ne peux que soutenir les mesures nationales qui vont dans le même sens.

Je tiens donc à saluer, madame la ministre, l’avancée sociale que constitue le droit au logement opposable. Il s’agit du résultat de l’effort sans précédent accompli par notre majorité depuis 2002 en matière de logement. Ce texte contient également diverses mesures très attendues visant à favoriser la cohésion sociale, avec notamment la mise en œuvre d’un dispositif de réinsertion des anciens migrants ou l’élargissement du crédit d’impôt aux ménages qui recourent à des services à la personne. C’est pourquoi vous pouvez compter sur mon soutien tout au long de l’examen de ce texte méritoire, inspiré des principes fondamentaux sur lesquels repose notre devoir d’humanité et de solidarité envers l’ensemble de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin, rapporteure et M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les objectifs du projet de loi pourraient faire l’objet d’un large consensus si l’UMP votait l’ensemble des amendements qui ont été déposés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pourquoi pas, en effet ?

Mme Marylise Lebranchu. Mais nous n’en avons pas la certitude !

Du reste, si M. Jean-Pierre Borloo se plaît à évoquer le nombre de logements en construction – les chiffres ont explosé –, il convient toutefois de les rapporter au nombre de logements effectivement réservés aux populations les plus en difficulté, lesquelles sont celles qui en ont le plus grand besoin.

Chaque semaine ou presque – beaucoup d’élus font de même –, je me livre à un exercice tout simple, qui consiste à examiner les types de logements à louer dans ma circonscription. Or les maires de cette même circonscription ont constaté, tout comme moi, que les listes d’attente ne cessent de s’allonger en même temps que s’accroît, en Bretagne comme ailleurs, le nombre de caravanes abritant des familles. On ne saurait s’en étonner lorsqu’on connaît la faveur dont jouissent les lois de Robien et Borloo, qui permettent de transmettre un patrimoine en toute sécurité. On peut ainsi venir acheter à Roscoff, Carhaix ou Le Guilvinec en investissant 387 euros par mois, tout en économisant 7 379 euros d’impôt sur le revenu et en complétant sa retraite de 539 euros !

M. Pierre Cohen. Voilà la politique du logement du Gouvernement !

M. Michel Piron. C’est un peu facile !

Mme Marylise Lebranchu. Et pour quel résultat ? Savez-vous à combien s’élève le loyer d’un T1, d’un T2 ou d’un T3 !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Tout cela ne correspond à rien !

Mme Marylise Lebranchu. Si : cela correspond à quelque chose !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Il n’en reste pas moins qu’en 2000 vous n’avez construit que 40 000 logements ! Comparez ce chiffre avec les nôtres !

M. Pierre Cohen. C’est vos chiffres qui ne correspondent à rien !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. 535 000 logements, cela ne correspond à rien, peut-être !

Mme la présidente. Laissez Mme Lebranchu s’exprimer !

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le rapporteur pour avis, laissez-moi préciser ce point, après quoi vous pourrez tourner la page. Prenez, dans une petite commune suburbaine, un appartement parmi les plus éloignés des endroits chers ; le loyer de tout logement de type T2 bis ou T3 s’élève à 500 euros par mois quand, pour la très grande majorité, malheureusement, de nos concitoyens, les salaires mensuels dans le secteur agroalimentaire sont compris entre 981 euros et 1 104 euros. Voilà la réalité !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

Mme Marylise Lebranchu. Nous devons donc réfléchir sur le fait de savoir pourquoi le projet prévoit un tel élargissement du crédit d’impôt, alors que nous avons besoin d’argent pour construire des logements vraiment sociaux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

Mme Marylise Lebranchu. Cette question doit pouvoir rassembler tous les bancs !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est certain !

Mme Marylise Lebranchu. Qu’on arrête donc de penser que l’immobilier relève avant tout de la spéculation et qu’on pense plutôt au rôle de l’État, qui n’est pas d’élargir le crédit d’impôt – laissons faire, dans ce cas, le marché s’il existe vraiment –, mais d’aider le logement social…

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu. …et d’éviter que seulement 23 % des logements produits soient destinés à 70 % de la population.

Il existe un autre outil que le crédit d’impôt : l’établissement public foncier régional. Nous nous sommes littéralement jetés sur ce « produit », en Bretagne, pour faire face au problème majeur que constitue, dans les communes rurales, dans les communes littorales et dans les communes suburbaines, l’impossibilité, désormais, de trouver des terrains à des prix raisonnables pour les organismes qui construisent des logements sociaux.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. C’est vrai ! Je suis d’accord !

Mme Marylise Lebranchu. Nous avons donc lancé cet établissement public foncier régional et, en juin 2006, le ministre Borloo est venu nous dire qu’il s’agissait d’une très bonne idée, au point que les collectivités souhaitant bénéficier de l’ANRU devraient se conformer à ce système.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Vous avez de la chance en Bretagne ! Nous aimerions bien que toutes les régions agissent de même !

Mme Marylise Lebranchu. Nous avons peut-être de la chance en Bretagne, monsieur le rapporteur pour avis, mais le Gouvernement, pour des raisons que j’ignore, vient d’« encalminer » le dossier. Le rapport de consultation s’est perdu entre le bureau du préfet de région et le ministère.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !

M. Jean-Louis Dumont. Le préfet est aux ordres !

Mme Marylise Lebranchu. On m’assure, au ministère de M. Borloo, qu’on reste tout à fait favorable à cet établissement public foncier régional mais, quand j’interroge Matignon, on me répond qu’on se heurte à des problèmes politiques. Pourquoi rencontre-t-on ces problèmes politiques ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Écoutez bien Mme Lebranchu, mes chers collègues !

Mme Marylise Lebranchu. Parce qu’un certain nombre de collectivités se portent très bien, disposent de fortes réserves foncières et n’entendent pas participer à l’effort de solidarité !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis, Ce n’est pas bien !

Mme Marylise Lebranchu. Et qu’ajoute-t-on ? Que nous n’avons qu’à procéder comme en Île-de-France ! Tiens donc ! Et quand je m’intéresse à ce qu’on a fait en Île-de-France, on me répond que l’on a dû constituer l’établissement public foncier sans certains départements réticents. Quels sont les départements en question ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Donnez-nous les noms !

Mme Marylise Lebranchu. Les Hauts-de-Seine et les Yvelines ! (Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et voilà !

M. Manuel Valls. C’est cela, la vérité !

Mme Christine Boutin, rapporteure. J’ignorais que Sartrouville et Mantes-la-Jolie étaient des communes si riches !

Mme Marylise Lebranchu. Autrement dit, on institue avec l’aide de ce gouvernement le droit de se désolidariser des communes qui essaient d’encadrer le prix du foncier pour construire des logements sociaux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

Mme Marylise Lebranchu. On n’a pas le droit d’agir ainsi ! En Bretagne, quand on explique la situation aux maires de certaines communes riches qui n’avaient pas voulu contribuer à l’effort de solidarité, ils se montrent prêts à faire machine arrière !

On peut s’interroger sur le fait que le Gouvernement n’ait pas eu la force d’imposer une idée qu’il a soutenue.

M. Jean-Pierre Brard. Il n’en a pas la volonté !

Mme Marylise Lebranchu. Il n’en a en effet peut-être pas la volonté. Quoi qu’il en soit, il reste anormal que les élus de quelques communes qui se portent bien puissent ainsi s’affranchir de ce que prône le Gouvernement lui-même !

M. Jean-Pierre Brard. La présence de Sarkozy dans les Hauts-de-Seine n’a pas été un cadeau !

Mme Marylise Lebranchu. Pour en revenir à mon propos initial, j’ai toujours trouvé dur que quelqu’un qui cherche un logement voie à quel point le crédit d’impôt est intéressant pour celui qui a les moyens de construire le deuxième, le troisième ou le quatrième logement de son patrimoine.

M. Jean-Pierre Brard. C’est inhumain !

Mme Marylise Lebranchu. Or je crains que cette situation qui privilégie le crédit d’impôt par rapport au logement social, ne conduise les gens de l’amertume à la révolte, voire au-delà. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Cohen. C’est cela, l’échec de la majorité !

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait !

M. Manuel Valls. Voilà un exposé brillant, clair et précis !

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Hénart.

M. Laurent Hénart. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, je comptais surtout parler des services à la personne et vous connaissez mon intérêt pour ce dossier. Je souhaite néanmoins commencer par dire quelques mots à propos du logement, à la suite de l’intervention de Mme Lebranchu.

M. Jean-Pierre Brard. D’habitude, vous êtes plutôt gentil !

M. Laurent Hénart. Tout d’abord, ainsi que le mentionnent fort bien les rapports, le droit au logement opposable ne relève pas de la magie du verbe mais vient consacrer une politique cohérente menée depuis 2003 en la matière.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non !

M. Laurent Hénart. Politique cohérente à propos de laquelle, sur les bancs socialistes, on restait en général bien mutique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous ne sommes pas d’accord !

M. Laurent Hénart. Tandis que vous pratiquiez l’humour, nombre de collectivités locales socialistes, elles, étaient amenées à solliciter le bénéfice des dispositifs que nous avions prévus pour ensuite les mettre en œuvre avec vigueur, ce dont on ne peut que se réjouir.

M. Manuel Valls. C’est normal.

M. Laurent Hénart. C’est l’esprit de la loi républicaine.

M. Manuel Valls. Les maires socialistes sont républicains !

M. Laurent Hénart. Je rappelle simplement que la politique du logement me paraît équilibrée en ce sens qu’elle vise à rassembler les différents acteurs nécessaires à l’instauration d’un droit au logement effectif au lieu de les opposer.

Soutenir la construction de logements privés pour les ménages modestes et pour les jeunes ménages grâce au prêt à taux zéro et ainsi passer – tout de même – de la construction de moins de 90 000 logements en 2002 à plus de 250 000 cette année, ce n’est que justice. Une dynamique générale de construction de logements privés est indispensable puisque c’est au sein de ce parc que l’on parviendra à mettre en œuvre, par exemple, une garantie du risque locatif…

M. Jean-Pierre Brard. Et Les enfants de Don Quichotte, alors ?

M. Laurent Hénart. …qui doit permettre aux salariés modestes dont vous vous souciez, madame Lebranchu, un accès plus rapide au logement.

Par ailleurs, il est évidemment nécessaire de mener une politique en faveur du logement social,…

M. Jean-Pierre Brard. Non, monsieur Hénart ! Vous exagérez ! Vous cherchez un maroquin ministériel !

M. Laurent Hénart. …qui protège les plus fragiles, surtout dans des périodes d’instabilité économique. Il est important de garder un « filet de logements » dont l’État conserve la maîtrise. De ce point de vue, un peu de pudeur de la part des socialistes aurait été bienvenue. En effet, en 2000, 42 000 logements sociaux ont été construits…

M. Michel Piron. Et même 38 000, c’est-à-dire moins de 40 000 !

M. Laurent Hénart. …contre près de 100 000 en 2006, et, puisque vous vous intéressez au PLAI-PLUS plus, c’est-à-dire aux logements « très sociaux », comme on dit, seuls 38 000 étaient financés en 2000 alors qu’on en compte plus de 58 000 en 2006.

M. Michel Piron. Exactement !

M. Pierre Cohen. Et en 2001, combien étaient-ils, mon cher collègue ?

M. Laurent Hénart. Qu’il faille continuer à développer l’effort du plan de cohésion sociale, personne n’en doute ; nous sommes d’ailleurs les premiers à avoir voté une loi de programmation sur ces questions depuis vingt ou trente ans. Néanmoins, si l’on peut se réjouir du souhait unanime d’un sursaut républicain, d’une réflexion qui dépasse les clivages, arrive le moment où les actes, les votes doivent être en cohérence avec des mots qui ne doivent pas seulement servir d’anesthésiants.

S’agissant des services à la personne, mon propos tient en trois points.

D’abord – je me fais ici l’écho de l’ensemble des associations, des entreprises, de la fédération des particuliers employeurs qui travaillent au sein de l’Agence nationale des services à la personne –, nous ne pouvons que nous réjouir, moins de deux ans après l’adoption de la loi de développement des services à la personne, de pouvoir examiner dès aujourd’hui les dispositions relatives au crédit d’impôt, déjà évoqué à l’époque. Il est nécessaire pour une raison simple qui est une raison d’équité : si la moitié de nos concitoyens ne paient pas l’impôt sur le revenu, ils n’en ont pas moins besoin, comme les autres, et sûrement même un peu plus que les autres, des services à la personne qu’entend développer l’État. Il s’agit en effet d’aider les plus fragiles, les tout petits, les personnes handicapées, les personnes âgées mais aussi et surtout d’aider ceux qui travaillent. Notre pays est celui où les femmes travaillent le plus, c’est aussi celui où les ménages, parmi les pays développés, recourent le moins régulièrement et légalement aux services à domicile. De ce point de vue, ce crédit d’impôt est une mesure attendue et que nous sommes déjà amenés à examiner puisqu’il a suffi des premières évaluations par l’Agence nationale des services à la personne, de l’évolution de la demande ainsi que de la création d’emplois dans le secteur en 2006 – on note une hausse de l’activité de 10 % correspondant à une augmentation d’emplois de 10 % – pour que le Gouvernement « survitamine » le dispositif.

Ensuite, par rapport à la loi de finances rectificative pour 2006, le projet de loi recadre très utilement les textes issus des différentes navettes et qui, de ce fait, présentaient de nombreuses imperfections. Il convient notamment de garder une cohérence aux vingt activités. Le texte a donc veillé à ce qu’elles soient offertes comme un bouquet de services. Ainsi doit-on pouvoir passer de l’une à l’autre, ce qui paraît cohérent, j’insiste, en termes de qualité de vie, en particulier pour les plus âgés. En effet, être aidé dans sa vie quotidienne quand on devient dépendant est important mais il l’est tout autant de ne pas voir dépérir son logement ou son jardin et d’être aidé dans l’accompagnement de son animal domestique. Ce bouquet de services est donc une approche humaine, respectueuse de la personne. Rétablir les vingt métiers est un pas important ; veiller à ce que l’avantage soit accordé aussi quand on recourt à des prestataires tels que les associations d’entreprises est indispensable. Face à l’emploi direct, ce sont les plus fragiles, les plus anciens qui sont souvent les plus démunis. Ainsi, le chèque emploi service universel est simple d’utilisation. Je rappelle simplement que l’on reste employeur et, beaucoup de ménages tendent à l’oublier, que plus on vieillit, plus on est fragile…

M. Jean-Pierre Brard. Commencez-vous déjà à en ressentir les symptômes ?

M. Laurent Hénart. …et plus ces responsabilités d’employeur sont susceptibles d’être oubliées et de donner lieu à des contentieux et donc à des difficultés personnelles réelles. Il me paraissait donc important d’ouvrir le dispositif aux associations et aux entreprises.

Enfin, je partage l’avis de Mme la rapporteure sur le fait que la limitation aux seuls ménages actifs ne constitue qu’une étape, et sur le fait qu’il faudra bien que ce crédit d’impôt, après évaluation, soit, à terme, en parfaite symétrie avec la réduction d’impôts. Il ne s’agit pas seulement d’une question d’égalité formelle mais de la pleine portée de la loi sur les services à la personne. Ce texte concerne tout le monde et vise à rétablir l’égalité des chances par l’intervention au domicile des personnes. Elle doit évidemment profiter aux plus faibles revenus ou à ceux que la vie a, hélas, placés en situation de handicap ou de dépendance.

Aussi, je remercie le Gouvernement d’avoir poursuivi jusqu’au bout son travail, qu’il s’agisse du droit au logement ou, plus concrètement, du service à la personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi instituant le droit au logement opposable est soumis à l’examen de l’Assemblée dans un contexte très particulier : celui de la médiatisation du problème des sans-abris qui, après le décès de l’abbé Pierre, nous interroge tous sur « l’humanité » de la société française ; celui aussi de la spéculation foncière ou immobilière record et de la flambée du prix des loyers sur fond de libéralisme. Ce problème majeur est abordé hâtivement en fin de législature en termes de droit – ce qui est certes respectable et suscite notre accord –, alors que la question de fond – déjà évoquée – est surtout celle des moyens pour que chacun ait non seulement un droit au logement mais un accès réel au logement. Vaste programme.

Depuis des décennies, nous n’avons pas été capables collectivement, tous gouvernements confondus, de régler en France le défi complexe que présente le logement : défi de l’hébergement, défi du locatif social, défi du locatif financièrement acceptable, défi de l’accession à la propriété – tout en respectant la mixité sociale sur l’ensemble du territoire, seule capable de garantir durablement la cohésion sociale.

Or il faut bien reconnaître que la politique menée par votre gouvernement a terriblement aggravé la situation. Le dispositif de Robien en est la triste illustration. Là ou les lois Besson et Lienemann garantissaient l’équilibre entre la modération des loyers et la défiscalisation pour le propriétaire, le dispositif Robien a dérégulé les loyers à la hausse et privilégié la défiscalisation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est exact !

M. Jean-Pierre Dufau. Marylise Lebranchu en a fait une étonnante démonstration tout à l’heure. C’est le résumé de votre politique : les avantages pour quelques-uns, les inconvénients pour le plus grand nombre.

M. Philippe Pemezec. Quel aveuglement !

M. Jean-Pierre Dufau. Cette politique est non seulement injuste mais elle est aussi un échec. J’ai reçu récemment la fédération du bâtiment de mon département qui m’a assuré qu’il faudrait rapidement que les organismes sociaux de type HLM rachètent le parc immobilier Robien inutile et vide.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tiens, tiens !

M. Jean-Pierre Dufau. C’est aussi le scandale de votre majorité, qui voulait retirer les dispositions de l’article 55 de la loi SRU imposant aux communes l’existence de 20 % de logements sociaux. Seule la présence dans les tribunes de l’abbé Pierre, qui s’opposait à ce retrait, vous a fait reculer.

M. Michel Piron. Oh !

M. Pierre Cohen. Ce fut un moment historique !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous nous en souvenons encore !

M. Jean-Pierre Dufau. Les faits sont têtus !

M. Michel Piron. Je regrette, mais nous sommes majeurs ! Même venu du ciel, tout mandat impératif est nul !

M. Jean-Pierre Dufau. Enfin, croire, comme vous le faites, que la loi de l’offre et de la demande, bref le libéralisme, votre philosophie politique, est la bonne réponse confine, au mieux, à l’égarement et, au pire, au cynisme. Jamais la spéculation foncière et immobilière n’a été aussi forte, jamais le niveau des loyers n’a été aussi élevé. La spéculation règne, les ménages trinquent.

Vous savez comme moi que ce projet de loi ne va pas par enchantement, par magie, régler les problèmes des SDF, des mal logés souvent surendettés, ni de ceux qui sont obligés de consacrer plus de 30 % de leurs revenus pour se loger. Cette magie pourrait être un tour d’illusion. Plus de 3 millions de personnes vivent dans des conditions indécentes et indignes ; près de 1,5 million sont sur les listes d’attente d’HLM ; plusieurs dizaines de milliers dorment dans la rue. Ce que je crains, avec ce texte, c’est qu’il suscite un espoir qui sera forcément déçu.

Madame la ministre, vous déclariez en novembre 2005 :…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je vous écoute.

M. Jean-Pierre Dufau. « Une proclamation de l’opposabilité du droit au logement serait prématurée et irréaliste. » C’était il y a à peine un an. Sans commentaire !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Depuis, le Haut comité a formulé une demande.

M. Jean-Pierre Dufau. Ce texte va uniquement modifier l’ordre des personnes prioritaires dans la liste d’attente ; elle ne permettra ni de réduire cette liste, ni d’accélérer leur relogement.

Le recours à la médiation n’a d’intérêt que si l’on peut proposer un appartement adapté. Il importe en effet, cela a été dit, de construire des logements sociaux adaptés aux besoins. En 2005, selon le rapport de la Fondation Abbé-Pierre, madame la ministre, moins de 23 % des logements produits étaient destinés à 70 % de la population. Il s’agit d’une grande cause nationale alors que l’État a tendance à se défausser sur les collectivités locales, du moins certaines d’entre elles puisque toutes n’assurent pas leur devoir – Neuilly soit qui mal y pense !

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Jean-Pierre Dufau. La question est complexe, je vous l’accorde, et les réponses doivent être diversifiées pour correspondre au « parcours du logement » dans la vie de chacun. C’est un secteur dans lequel la solidarité nationale, locale voire privée doit prendre toute sa place.

L’abbé Pierre aimait à dire : « La politique, c’est de rendre possible ce qui est nécessaire ».

Il faut un véritable plan Marshall du logement.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous êtes mal placés pour en parler !

M. Jean-Pierre Dufau. Votre logique doit être inversée : ce n’est pas l’offre, souvent synonyme de spéculation, qui doit sélectionner les besoins, mais la demande, dans toute sa diversité, qui doit fixer le niveau de l’offre et la rendre accessible à tous, par bassin d’habitat. Une telle politique est non seulement possible, mais nécessaire. Elle suppose une analyse rigoureuse des besoins et la mise en œuvre de moyens importants. Elle doit associer à l’action publique les efforts de la promotion privée et des propriétaires. Cela prendra du temps, alors commençons tout de suite !

En résumé, il est impérieux de faire de la politique au sens étymologique du terme, c’est-à-dire de construire et d’aménager la cité pour tous. J’aimerais pouvoir conclure avec Saint-Exupéry : « Notre tâche fut de construire, la vôtre sera d’habiter. » Il y va de la dignité de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-André Périssol.

M. Pierre-André Périssol. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous vivons ce moment rare où le droit, les discours, les actes entrent en cohérence. Le droit au logement qu’a voulu instituer le Président de la République vient à la suite du combat mené pendant cinquante ans par l’abbé Pierre, et avec l’appui du Haut comité au logement.

Les étapes de la longue maturation du concept ont déjà été rappelées : loi Quilliot, loi Besson.

M. Jean-Pierre Brard. Loi Périssol !

M. Pierre-André Périssol. Mais aujourd’hui l’approche est radicalement différente, pour deux raisons.

D’abord, on passe des déclarations d’intention à l’obligation. Avec l’opposabilité, on s’oblige collectivement à réussir.

M. Michel Piron. Exact !

M. Pierre-André Périssol. En faisant assumer à l’État les conséquences financières d’un éventuel non-respect du droit au logement, en fixant des échéances, en nommant les bénéficiaires, en arrêtant les modalités de sa mise en œuvre, on brûle ses vaisseaux. C’est une bonne chose, car on s’oblige ainsi à agir, y compris à long terme : ceux, quels qu’ils soient, qui seront demain aux responsabilités seront obligés de poursuivre dans la voie ouverte par Jean-Louis Borloo.

Ensuite, les résultats de votre action, madame la ministre, vous autorisent à proposer l’introduction de ce droit opposable dans la loi. Si le rythme que vous avez imposé est poursuivi, il deviendra possible de le mettre en œuvre.

Dans le domaine du logement, en effet, il y aura un avant et un après Borloo. Quand 310 000 logements étaient lancés en 2002, 430 000 l’ont été en 2006. Il y avait 40 000 logements sociaux construits en 2001 ; ce nombre est aujourd’hui de 96 000, et de 143 000 si on prend en compte le parc social privé.

M. Michel Piron. Ce n’est pas rien !

M. Pierre-André Périssol. En matière d’urgence, le nombre de places a augmenté de plus de 50 % depuis 2002. Dès lors, on comprend l’embarras des socialistes : en criant très fort, ils tentent de faire oublier leurs propres résultats lorsqu’ils avaient la majorité. Mais sachant l’action qu’ils ont menée entre 1997 et 2000 – ou plutôt qu’ils n’ont pas menée alors qu’ils en avaient les moyens –, quel crédit peut bien avoir leur candidate à l’élection présidentielle…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y avait longtemps !

M. Pierre-André Périssol. …quand elle déclare sur RTL, trois heures et demie après le décès de l’abbé Pierre, qu’elle s’engage à réquisitionner des locaux vides si elle est élue ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et alors ?

M. Pierre-André Périssol. Alors ? Deux choses. Tout d’abord, le contexte immobilier a aujourd’hui changé et ne justifie pas une telle mesure.

M. Pierre Cohen. Vraiment ?

M. Pierre-André Périssol. Mais surtout, qui donc a réquisitionné entre 1995 et 1997 ? Nous. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Périssol, bolchevik ! (Sourires.)

M. Pierre-André Périssol. Qui n’en a plus eu le courage en 1997 ? C’est vous. Vous avez fait voter une loi que vous n’avez jamais appliquée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et votre gouvernement, l’a-t-il fait ? Vos préfets l’appliquent-ils ?

M. Pierre-André Périssol. Nous avons agi, pas vous. Et vous prétendez faire demain ce que vous n’avez pas fait hier ?

M. Pierre Cohen. Parlez-nous plutôt de votre bilan !

M. Jean-Pierre Dufau. Oui ! Il n’y a pas grand-chose dont vous pouvez vous glorifier !

M. Pierre-André Périssol. Notre bilan ? C’est facile : qui a lancé, en 1996, le plus important plan de logements d’urgence et d’insertion ? C’est nous. Qui l’a arrêté en 1997 ? C’est vous.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Parlez-en à Louis Besson !

M. Pierre-André Périssol. M. Besson a beaucoup agi ; je me contente de rappeler certains faits.

La solution du problème du logement des plus défavorisés est le fruit d’une action menée sur tous les segments du logement : l’urgence, l’insertion, le secteur locatif social public et privé, mais aussi le secteur locatif intermédiaire. Je vous entends décrier les PLS et l’accession sociale à la propriété, mais ce sont eux qui entraînent une offre plus large de logements dans le parc HLM locatif social.

Par ailleurs, n’est-ce pas vous qui avez régulièrement réduit l’accès au prêt à taux zéro ? Seulement 90 000 prêts étaient accordés à la fin de la législature précédente !

M. Michel Piron. Moins de 80 000 même !

M. Pierre-André Périssol. Vous aviez d’ailleurs combattu la création de ce dispositif. Et qui lui a redonné tout son dynamisme et son efficacité ? C’est, en 2004, Jean Louis Borloo et Nicolas Sarkozy.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On l’avait oublié, celui-là !

M. Jean-Pierre Brard. Serait-ce un ralliement ?

M. Pierre-André Périssol. Alors un peu de pudeur et de discrétion. Vos déclarations tonitruantes ne sauraient faire oublier la faiblesse de votre action.

Je vous propose de voter un texte qui correspond aux demandes des associations et qui marque un véritable progrès social, dans un secteur essentiel pour chacun de nos concitoyens et pour la cohésion de notre société. Ayons le courage de l’adopter tous ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Quel culot !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Jean-Pierre Brard. Encore un dangereux gauchiste !

M. Thierry Mariani. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, chers collègues, je tenais tout particulièrement à intervenir aujourd’hui, car le projet de loi instituant le droit au logement opposable constitue une avancée majeure pour la France. Il répond au souhait du Gouvernement de trouver une issue à la crise du logement.

Désormais, l’État sera le garant d’un droit au logement opposable et encadré par un calendrier de mise en œuvre précis et raisonnable. Il aura, une fois ce projet de loi adopté, la responsabilité de trouver une offre de logement ou d’hébergement répondant aux besoins de demandeurs reconnus prioritaires par une commission de médiation. En l’absence d’offre de sa part, un juge administratif se chargera de faire appliquer ce droit. À la différence des socialistes, lorsque nous créons des droits, nous donnons aux citoyens les moyens de les faire valoir !

Sont d’ores et déjà exclus de la liste des bénéficiaires de ce nouveau droit les étrangers clandestins.

M. Jean-Pierre Brard. Ça commence bien !

M. Thierry Mariani. En tant que rapporteur des deux lois Sarkozy de 2003 et de 2006 relatives à l’immigration et à l’intégration, je me félicite que le Gouvernement ait fait ce choix.

M. Jean-Pierre Brard. Comment vous appelez-vous, déjà ? Comment ont débuté vos aïeux ?

M. Thierry Mariani. Pour vous faire plaisir, monsieur Brard, et pour clore ce débat, je précise que mes aïeux étaient maçons : ils ont construit leur logement, et ceux des Français de l’époque.

Il ne serait pas admissible qu’un étranger puisse bénéficier de droits alors même qu’il transgresse les lois de la République. La France n’a pas vocation à devenir un guichet social universel ! Le droit au logement doit être réservé aux seuls citoyens français et aux ressortissants étrangers qui ont rempli leurs devoirs envers notre pays.

M. Philippe Pemezec. Très bien !

M. Thierry Mariani. En dépit de son caractère novateur, il demeure dans ce projet des zones d’ombre qui méritent d’être éclairées. L’article 1er prévoit que la liste des étrangers en situation régulière qui pourront bénéficier du droit au logement sera définie par décret. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas raisonnablement laisser un simple décret en décider. Il appartient aux élus de la nation de déterminer de manière transparente et juste les personnes qui peuvent bénéficier de ce droit. Je proposerai par un amendement de le réserver aux seuls étrangers titulaires d’une carte de résident, c’est-à-dire ayant accompli un parcours d’intégration, qui nécessite en moyenne cinq ans.

Je voudrais par avance écarter l’argument d’inconstitutionnalité que l’on semble vouloir opposer à ma proposition : la jurisprudence du Conseil constitutionnel n’interdit pas de traiter différemment les titulaires d’une carte de résident des titulaires d’une carte temporaire de séjour. De même, le droit communautaire reconnaît un statut particulier aux résidents de longue durée et aux réfugiés, lequel justifie un traitement différencié concernant l’attribution du droit au logement.

M. Philippe Pemezec. Très bien !

M. Thierry Mariani. D’autre part, si l’on votait l’article 3 dans la rédaction proposée, le tribunal administratif devant lequel les citoyens étrangers pourraient se prévaloir de ce droit devrait prendre en compte « leurs besoins et leurs capacités » sans autre précision. Ainsi, les étrangers pourraient poursuivre l’État qui ne fournit pas un logement décent à leurs conjoint et enfants séjournant avec eux, même s’ils sont entrés en France en dehors du regroupement familial et sont donc en situation irrégulière. Là aussi, une précision est nécessaire.

Lors de la discussion des articles, je reviendrai plus en détail sur les améliorations qu’il conviendrait d’apporter.

Reste que ce projet de loi me semble tout à fait satisfaisant, ainsi que l’a montré notre excellente rapporteure Mme Boutin.

M. Jean-Pierre Brard. Elle est insensible à la flatterie !

M. Thierry Mariani. Il nous appartient de le porter au point d’excellence par les amendements que nous défendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. À moins d’une semaine de la fin de cette session parlementaire, nous voici en train de légiférer dans l’urgence, l’affichage et la posture. Ce projet de loi méritait pourtant mieux. L’urgence ne peut se justifier par le besoin, car nul ne peut nier que ce besoin existe depuis longtemps. Bien que vous ayez programmé plusieurs lois, vous ne vous êtes jamais sérieusement préoccupé du secteur du logement.

M. Guy Geoffroy. On croit rêver !

M. Pierre Cohen. Ce texte ne révèle pas une prise de conscience de votre part. Vous avez toujours louvoyé entre ceux qui considèrent qu’il y a un réel problème de production du logement dans ce pays et ceux, plus de votre sensibilité, qui voient dans le logement social une source de difficultés pour leur commune.

M. Guy Geoffroy. Quelle caricature !

M. Jean-Pierre Brard. Qui a parlé de « racaille » ?

M. Pierre Cohen. Aujourd’hui, on peut remercier les Enfants de Don Quichotte, qui ont su faire passer l’émotion nécessaire, en période de Noël, pour vous culpabiliser ; les associations, qui œuvrent depuis des années sans être entendues ; les élus comme Jean-Yves Le Bouillonec, dont vous avez systématiquement rejeté les propositions audacieuses destinées à renforcer vos projets de loi. Je leur dis  bravo !

Comment afficher sur le plan législatif le principe du droit opposable, par ailleurs ambitieux et louable, alors que votre politique en matière de logement a largement contribué à la situation désespérante que d’aucuns dénoncent ? Que retenir effectivement de votre bilan si glorieux ? Aucune réponse aux besoins de production de places d’urgence – pire, vous avez supprimé l’ALT, qui permettait à certaines collectivités de soutenir ce secteur. Des statistiques sur les logements sociaux erronées, gonflées – vous y intégrez des logements, les PLS, qui s’adressent à 80 % des salariés et en aucun cas à ceux qui en ont le plus besoin. Un engagement financier en faveur des investisseurs privés – le dispositif de Robien – qui dépasse la contribution de l’État en matière de logement social, mais ne correspond nullement aux besoins car une partie de ces logements sont vacants. In fine, cette politique contribue à augmenter le coût du logement, et donc des loyers.

Votre politique est loin d’être un succès. Nous en mesurons aujourd’hui la portée : inutile de renvoyer la faute sur les autres ! Élu depuis 1997, jamais je n’ai reçu dans mes permanences autant de personnes en quête d’un logement que depuis que vous êtes aux responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est un fait ! Je présume que vous aussi, mais vous n’osez pas le dire !

M. Denis Jacquat. Vous n’avez pas dû en tenir beaucoup, de permanences !

M. Pierre Cohen. Le droit opposable au logement ne sera crédible que lorsque l’offre de logements sera importante et permettra un véritable parcours résidentiel, même s’il est souvent difficile d’évaluer ses propres besoins en logement à moyen terme. Pour cela, il faut créer un hébergement d’urgence pour 1000 habitants – disposition prévue par la loi, mais que vous ne faites pas appliquer –, et donner aux associations et aux collectivités des moyens pour l’accompagnement des situations les plus difficiles ; imposer la construction de 10 à 20 % de logements PLAI pour les personnes en grande difficulté et les plus démunies, car seules ces aides permettront d’assurer un logement pérenne ; construire des logements pour les étudiants et accompagner les collectivités territoriales dans ces réalisations ; atteindre 120 000 logements sociaux en 2008 avec l’obligation pour les préfets de se substituer aux communes qui n’appliquent pas l’article 55 de la loi SRU ; favoriser l’accession sociale à la propriété en priorité pour les locataires des logements sociaux – l’objectif devrait être de libérer des logements sociaux plutôt que de les vendre – ; stopper le dispositif de Robien et inciter à la création d’offices fonciers, ce qui permettra de limiter la spéculation foncière et de soutenir les programmes des collectivités locales pour le logement du plus grand nombre.

Alors, oui à un droit opposable, accompagné d’une politique permettant de le garantir à tous, sans avoir à choisir ceux qui pourront en bénéficier et ceux pour qui il pourra être différé ; oui à un droit opposable avec une politique d’accompagnement et de justice sociale par l’emploi, la qualification et la lutte contre les discriminations ; enfin, oui à un droit opposable qui donne à la puissance publique de véritables outils d’offre et de régulation face au marché, qui rend le logement de plus en plus inaccessible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Bernier.

M. Marc Bernier. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, s’il est un texte de loi de nature à créer un consensus au sein de cet hémicycle, c’est bien celui qui est aujourd’hui soumis à notre examen et qui porte sur le droit au logement opposable. Sous cette notion devenue aussi empirique que médiatique, c’est probablement le mal français le plus manifeste qui se dessine et auquel nous avons enfin décidé de nous attaquer.

Pour autant, le droit au logement ne peut et ne doit pas se limiter au cas dramatique des sans-abri, à l’égard desquels une compassion populaire apparaît presque machinalement à l’approche des premiers frimas de l’hiver.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas machinal, c’est profond !

M. Marc Bernier. Au-delà du simple réflexe pavlovien ou de la compassion bienséante et collective,…

M. Jean-Pierre Brard. Parlez pour vous !

M. Marc Bernier. …nous abordons avec la notion de droit au logement opposable un véritable problème de société. Les SDF, auxquels nous avons le devoir moral et humain d’offrir des lieux d’hébergement adaptés, ne sont malheureusement que la partie visible de l’iceberg. En effet, le droit opposable au logement ne les concerne pas eux seuls, il va bien au-delà car il doit permettre de s’attaquer à ce problème de société qu’est l’exclusion. L’exclusion, c’est bien sûr de ne pas pouvoir être hébergé alors qu’il fait froid. Mais l’exclusion, c’est aussi de ne pas pouvoir louer un logement alors que l’on est salarié. L’exclusion, c’est de travailler honnêtement et d’être écarté de l’accession à la propriété.

M. Jean-Pierre Brard. Quel réquisitoire !

M. Marc Bernier. L’exclusion, c’est enfin de faire des économies, de s’acheter un bien et de le voir confisqué en tout ou partie. Oui, mes chers collègues, beaucoup de nos concitoyens se sentent exclus de la propriété, du droit au logement, du simple plaisir de se constituer un « chez-soi ». C’est pourquoi, je partage la position de l’UMP selon laquelle le droit opposable au logement est avant tout l’obligation qui incombe aux pouvoirs publics, collectivités, organismes publics ou privés de faire construire assez de logements pour répondre à la demande et aux besoins des Françaises et des Français.

M. Jean-Pierre Brard. Y compris au conseil régional de la Mayenne !

M. Marc Bernier. Le droit au logement doit avant tout permettre de répondre à l’urgence des sans-abri et des mal logés, mais aussi d’éradiquer la crise immobilière que connaît actuellement la France.

À cet égard, je tiens à saluer, à l’instar de mes collègues, le travail exceptionnel entrepris par le Gouvernement, en particulier par Jean-Louis Borloo, sous l’impulsion duquel une politique ambitieuse a été lancée dans le domaine de la construction, afin de répondre aux besoins et de résorber le déficit immobilier.

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’êtes pas réinvesti ? (Sourires.)

M. Marc Bernier. En comparaison avec l’an 2000, les mises en chantier ont ainsi augmenté de 40 %, tandis que la délivrance de permis de construire a progressé de 70 %. Mais cet effort devra être poursuivi, afin de produire dans notre pays davantage de logements sociaux, de logements locatifs privés et de logements destinés à l’accession populaire à la propriété. Telle est l’ambition des élus de l’UMP, derrière Nicolas Sarkozy. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En aucun cas, en effet, cette crise ne pourra se résoudre au moyen des réquisitions prônées par certains de nos détracteurs, dont on ne connaît que trop bien les effets désastreux. Si Henri IV avait formulé le vœu, en période de disette, que chaque foyer ait de quoi manger correctement le dimanche, nous devons avoir aujourd’hui, en période de crise immobilière, l’audace de souhaiter que chaque foyer puisse accéder à la propriété.

M. Jean-Pierre Brard. Il ne s’agit pas de le souhaiter, mais de le permettre !

M. Marc Bernier. Pour que le droit au logement devienne un droit réel opposable à l’État, il faut tout d’abord permettre aux plus jeunes d’accéder à leur premier logement en supprimant le dépôt de garantie et la caution, tout en assurant aux propriétaires la perception de leurs loyers. Par ailleurs, il faut permettre aux Français les plus modestes de disposer d’un logement digne en développant le parc HLM et le parc locatif privé à vocation sociale.

M. Jean-Pierre Brard. Y compris dans la Mayenne !

M. Marc Bernier. C’est ce que nous faisons.

M. Jean-Pierre Brard. Ah bon ? Combien ?

M. Marc Bernier. En contrepartie d’aides publiques, les propriétaires pourraient ainsi s’engager à pratiquer des loyers modérés.

Le droit au logement doit pouvoir être également invoqué par celui qui a un emploi, quel qu’en soit le lieu. C’est pourquoi il faut développer des logements d’insertion pour les jeunes travailleurs qui débutent dans la vie, afin que nul qui travaille ne se retrouve sans logement. De plus, il faut donner toute latitude aux Français pour accéder à la propriété grâce à un crédit d’impôt sur les intérêts de l’emprunt. Il convient également de permettre à tous ceux qui n’ont pas d’apport personnel d’emprunter pour leur logement grâce au crédit hypothécaire et à la caution publique de l’État.

Enfin, l’État ne doit pas être là pour confisquer la propriété : chacun doit pouvoir transmettre son bien à ses enfants ou à ses petits-enfants sans que ceux-ci aient à s’acquitter de droits de succession ou de donation sur la résidence principale.

M. Jean-Pierre Brard. Pensez -vous à Mme de Bettencourt ? (Sourires.)

Mme Christine Boutin, rapporteure. Il fallait qu’elle soit citée !

M. Denis Jacquat. C’est une obsession !

M. Marc Bernier. Voilà en substance, madame la ministre, mes chers collègues, le sens que je donne à la notion de droit au logement opposable, qui me paraît essentielle mais doit cependant s’accompagner de certains garde-fous. Notre collègue Thierry Mariani a proposé deux amendements que j’ai cosignés, visant à éviter que les mesures introduites par les articles 1er et 3 de ce texte n’aient pour effet induit de faire de notre pays l’eldorado de la misère européenne ou mondiale.

Telles sont, madame la ministre, les explications que j’ai souhaité apporter sur le texte soumis à notre examen. Convaincu du bien-fondé de ce projet, je le voterai, tout en restant persuadé qu’il n’est que la première étape du grand chantier qui s’ouvre à nous dans le domaine du logement et de l’accès à la propriété pour tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, rendre opposable le droit au logement consiste à passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat, l’opposabilité impliquant une cohérence et une responsabilité dans l’action publique.

À cette fin, je me permettrai de vous soumettre trois propositions.

Une politique de droit au logement opposable ne peut fonctionner, ni même exister, que si le nombre de logements est suffisant.

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai !

M. Denis Jacquat. La mise en œuvre de ce droit est directement conditionnée par la capacité à développer l’offre de logements, ce qui exige une grande disponibilité foncière.

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr !

M. Denis Jacquat. Or nous devons faire face en la matière à deux difficultés principales : la production actuelle de logements est inadaptée à la demande solvable des habitants et les tensions suscitées par les capacités financières des organismes publics d’habitations à loyer modéré – OPHLM et OPAC – à investir pour construire une offre nouvelle et rénover le patrimoine social ne cessent de s’aggraver.

M. Jean-Pierre Brard. Jusque-là, ça va !

M. Denis Jacquat. Je vous remercie, monsieur Brard.

Tout cela pèse sur les objectifs de programmation et les mises en chantier.

Il faut continuer d’augmenter la construction de logements et donner à la production sociale des conditions adaptées. Les bailleurs sociaux ont pris des engagements dans le cadre du plan de cohésion sociale et du programme de rénovation urbaine, mais le financement de la construction sociale, la disponibilité et le coût du foncier sont la clé de leur réalisation. Il faut impérativement alléger le coût du logement. Pour vaincre ces difficultés, le rôle de l’État reste incontournable. La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement prévoit la cession de terrains par l’État aux OPHLM et aux OPAC, mais à titre onéreux, Compte tenu de la priorité donnée au logement social, l’État pourrait mobiliser, encore en plus grand nombre, des terrains ou des bâtiments dont il n’a plus l’utilité, et les céder aux OPHLM et aux OPAC à titre gratuit. C’est ma première proposition.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Denis Jacquat. Le droit au logement est la possibilité d’accéder et de se maintenir dans un vrai logement. C’est permettre à chacun de vivre dans la dignité. L’une des composantes de ce droit est l’aide publique. Le financement du logement en France s’inscrit dans une longue tradition d’intervention de l’État. Le problème social que pose le seuil en deçà duquel l’aide personnalisée au logement – APL – n’est plus versée en raison de coûts de fonctionnement trop lourds donne régulièrement lieu à débat. Nous avons récemment ramené ce seuil mensuel de non-versement de 24 à 15 euros. Dès 2007, 117 000 foyers supplémentaires toucheront l’aide personnalisée au logement. Mais cela n’est pas suffisant. Toutes les sommes dues doivent être perçues, car la perte financière engendrée par l’existence d’un seuil de non-versement est importante pour les familles concernées, souvent très modestes. Il s’avère donc nécessaire de faire primer l’intérêt des familles sur celui de l’État. Pour cela, c’est ma deuxième proposition, il convient de regrouper les sommes mensuelles inférieures à 15 euros et de les verser trimestriellement ou semestriellement.

Élu d’un département frontalier, je souhaite enfin appeler l’attention du Gouvernement sur l’un de nos problèmes spécifiques, celui des réfugiés sans statut. Dans ce cas, je pense que nous devons parler de droit à l’hébergement opposable et non au logement.

Madame la ministre, ce projet de loi constitue une importante avancée sociale. Il fait honneur à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Pemezec.

M. Philippe Pemezec. Madame la ministre, je comprends que le Gouvernement ait souhaité répondre à une situation d’urgence : c’est tout à son honneur. Votre travail en matière de logement, social en particulier, est remarquable : nous n’avons jamais autant construit depuis deux ans ! De plus, une œuvre immense a été entreprise dans les banlieues en difficulté. Vous pouvez en être fière.

Mais, alors que nous réalisons en matière de construction de véritables performances, le problème du logement de grande urgence demeure, et nous devons, bien entendu, y répondre. Il aurait été fort dommageable de minimiser la portée du formidable travail qui a été accompli en omettant de prendre à bras-le-corps ce gravissime problème de l’urgence.

Néanmoins, je suis pour ma part quelque peu réservé sur la notion de droit au logement opposable, et cela pour quatre raisons.

D’abord, l’urgence et l’opposabilité nous ont été imposées par les médias, qui ont laissé croire que rien n’avait été fait par les associations spécialisées, les centres communaux d’action sociale et tous ceux qui mettent en œuvre la politique publique financée par l’État, d’ailleurs surpris d’avoir été oubliés dans ce concert médiatique. Je tiens donc à rendre hommage à tous ceux qui travaillent sans relâche, avec discrétion, au profit des plus vulnérables. Le fonctionnement de la démocratie peut-être parfois surprenant et donner le sentiment d’une confusion avec la démagogie. Je suis en tout cas opposé à cette conception de la République des droits.

En deuxième lieu, pour rendre le droit au logement effectif, n’est-il pas moins nécessaire de le rendre opposable que d’augmenter la construction de logements en général et de logements pour les plus modestes en particulier ? Comment créer un droit supplémentaire, placé au même rang que le droit aux soins ou le droit à l’éducation sans, au préalable, donner à tous les acteurs les moyens de construire plus et dans tous les secteurs : privé, intermédiaire et social ? En clair, avant d’être opposable, le droit au logement doit être réel. Pour inciter à la construction, j’ai d’ailleurs soutenu en commission une série d’amendements visant à aligner, en matière fiscale, le régime applicable aux cessions à la Foncière Logement sur celui des cessions aux bailleurs sociaux. Ces amendements permettront une plus grande mixité sociale dans les quartiers en grande difficulté. J’espère qu’ils seront retenus.

Par ailleurs, pour encourager les élus à libérer du foncier, il faut abonder la dotation globale d’équipement des communes qui construisent, pour leur permettre de financer les équipements publics qui vont avec. Il faut également doubler les contreparties pour encourager les maires à construire des logements spécifiques, en abondant la DGE et la DSU de ces communes, mais aussi considérer qu’un logement d’urgence, un logement étudiant ou un logement médicalisé représente deux logements au sens de l’article 55 de la loi SRU. D’une façon générale, je ne suis pas favorable à la contrainte, je préfère l’incitation.

Ma troisième inquiétude est la suivante : avec le droit opposable au logement, ne risque-t-on pas de faire de la France le nouvel eldorado du logement automatique ?

Comme vous, madame la ministre, je considère qu’il est de notre devoir de ne plus supporter qu’une personne qui travaille ne puisse avoir droit à un logement décent, de ne plus tolérer qu’une famille puisse vivre, moyennant des sommes exorbitantes, chez des marchands de sommeil, de ne plus accepter que des sans-abri puissent perdre la vie faute de toit.

Pourtant, l’expression « droit opposable au logement » ne risque-t-elle pas de résonner, au-delà de nos frontières, comme un droit acquis et d’appeler sur notre territoire des personnes en grande difficulté, leur faisant miroiter une vie meilleure que nous n’aurons pas les moyens de leur offrir ? Comment ne pas comprendre que l’on regarde la France avec une envie légitime, la France du RMI, la France de la CMU, et maintenant la France du droit au logement opposable ?

Je souhaite donc que nous allions plus loin en ce domaine, et c’est pourquoi j’ai tenu à m’associer aux amendements présentés par Thierry Mariani visant, d’une part, à permettre aux seuls étrangers titulaires d’une carte de résident de dix ans, et non d’un an, de bénéficier du droit au logement opposable ; d’autre part, à ne prendre en compte que le conjoint et les enfants séjournant légalement en France pour l’opposabilité de ce nouveau droit.

Enfin, pourriez-vous rappeler aux nombreux élus locaux qui vous écoutent de quelle façon il reviendra à L’État, et non aux maires, d’être le garant du respect du droit au logement opposable ?

Cela signifie-t-il, comme le proposent certains candidats à l’élection présidentielle, que l’État imposera des constructions de logements aux communes, et ce au détriment du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales ?

Le texte prévoit des garde-fous, tels que le respect du droit commun dans l’attribution des logements, faisant du droit opposable au logement un droit non absolu et soumis à certaines conditions. Cela devrait donc signifier que, pas plus qu’aujourd’hui, il ne s’agira de donner des logements gratuits aux publics en grande difficulté. Il ne sera pas non plus possible de décider du jour au lendemain de s’établir sur telle ou telle commune pour mettre en œuvre son droit opposable au logement. Le projet de loi pose en effet une exigence de résidence d’un an sur le territoire de la commune ou de l’EPCI.

Mais alors, madame la ministre, pouvez-vous nous dire de quelle façon le préfet remplira sa responsabilité lorsqu’il aura l’obligation de loger, dans une ville dénuée de logements sociaux, une personne sans domicile et, de ce fait, non résidente d’une commune plus que d’une autre ? Les communes disposant de nombreux logements sociaux ne risquent-elles pas de se retrouver les premières asphyxiées par ce droit opposable ? Je pense que, dans un souci de mixité sociale, il serait injuste de pouvoir opposer ce nouveau droit aux communes disposant de plus de 35 % de logements sociaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est le dernier grand texte de la législature.

M. Manuel Valls. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Pierre Soisson. Le droit au logement a déjà été défini par le législateur. Le rendre opposable, c’est imposer à l’État l’obligation d’offrir à chacun un logement décent et permettre à chacun d’aller en justice pour la faire respecter. C’est un nouveau progrès, nous l’approuvons. Il s’inscrit dans un mouvement d’affirmation progressive du droit au logement. Le Conseil constitutionnel, dans des décisions de janvier 1995 et de juillet 1998, a considéré que la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent était un objectif de valeur constitutionnelle.

Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées s’est naturellement saisi de ce dossier, et le Conseil économique et social, en janvier 2004, a invité le législateur à s’emparer de cette question pour – je cite son rapporteur, Mme Prud’homme – « en définir le champ et le contenu, définissant une obligation de résultat dès lors que le droit au logement est manifestement inappliqué, refusé ou différé ». C’est l’objet du présent projet de loi.

Ce projet a été largement modifié par le Sénat,…

M. Jean-Louis Dumont. Heureusement !

M. Jean-Pierre Soisson. …et je le regrette.

M. Jean-Louis Dumont. Ah ? Il n’y avait rien dans le premier texte !

M. Jean-Pierre Soisson. La création d’un droit au logement effectivement garanti suppose, et c’est le point essentiel, que l’offre de logements sociaux soit augmentée de manière significative dans les années à venir. Le texte repose donc sur la volonté du prochain gouvernement.

M. Alain Néri. Ce sera le nôtre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Faut pas rêver !

M. Jean-Pierre Soisson. Vous partez perdants !

M. Alain Néri. Jamais ! Même avec vous, on arrivait à gagner !

M. Jean-Pierre Brard. Vous, monsieur Soisson, vous ne perdez jamais, vous changez de camp !

M. Jean-Pierre Soisson. Quel que soit le gouvernement, il devra demain augmenter les crédits du logement.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Soisson. Sinon, ce texte n’aurait aucune signification.

Mme Christine Boutin, rapporteure. C’est l’intérêt de le voter maintenant !

M. Jean-Pierre Soisson. Ce que je regrette, c’est l’introduction de dispositions sans rapport avec le projet initial.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Vous avez raison !

M. Jean-Pierre Soisson. Le texte que nous examinons est devenu un fourre-tout.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Absolument !

M. Jean-Pierre Soisson. Les administrations, en cette fin de législature, ont vidé leurs tiroirs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et le Sénat a ajouté des dispositions qui n’ont aucun rapport avec le droit au logement.

M. Jean-Pierre Brard. Comparer le Sénat à une balayeuse, c’est un peu fort !

M. Jean-Pierre Soisson. J’en veux pour preuves l’article 8, sur l’élargissement du crédit d’impôt pour les dépenses de services à la personne ; l’article 9, sur la restriction de l’accès à certaines prestations sociales ; l’article 10, sur la compensation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales au titre des transferts de personnels de l’État ; et plus encore l’article 12, sur la majoration des moyens disponibles pour le désendettement des agriculteurs de Corse.

J’espère, mes chers collègues, que le Conseil constitutionnel saura faire le tri…

M. Alain Néri. On fait confiance à Jean-Louis Debré !

M. Jean-Pierre Soisson. …et rétablira l’unité d’un texte qui n’a pas besoin pour exister d’apports qui le dénaturent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est pour ça que Jean-Louis Debré y va !

Mme la présidente. La parole est à M. Tony Dreyfus.

M. Tony Dreyfus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Jean-Pierre Soisson vient de rappeler que ce projet est le dernier grand texte de la législature. C’est vrai, mais il est en même temps d’une grande actualité. Ce n’est pas vous, madame la ministre, qui me démentirez, cela dit sans vous agresser, car j’ai trop besoin de vous pour régler les problèmes du Xe arrondissement et des berges du canal Saint-Martin. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Soisson. Au moins c’est franc !

M. Tony Dreyfus. Je crois n’avoir jamais fait preuve de dissimulation dans les relations nombreuses que nous avons eues, madame la ministre. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Jean-Pierre Soisson. Quel aveu ! (Sourires.)

M. Tony Dreyfus. Je crois qu’il n’est pas malvenu de rappeler quelques éléments de fait avant d’envisager des solutions.

Depuis 2002, et il n’y a aucune intention malveillante de ma part à prendre cette référence, les loyers du secteur privé ont augmenté de 24,2 % et le prix au mètre carré, pour l’accession à la propriété, de 72 %. Aujourd’hui, les ménages consacrent plus de 24 % de leur revenu au logement. Cette crise du logement accentue et la précarité, et l’exclusion.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Bien sûr !

M. Tony Dreyfus. De trop nombreux dirigeants ont parlé de l’accroissement de la valeur du patrimoine. Ce qui est en cause, c’est le besoin de logements de l’ensemble de la population. Je ne suis pas venu ici pour justifier l’assujettissement à l’ISF d’un certain nombre de propriétaires qui ont vu augmenter la valeur de leurs biens immobiliers. Ce n’est pas le problème et c’était un mauvais angle d’attaque.

Aujourd’hui, le déficit se situe entre 700 000 et 900 000 logements.

La première cause de cette déconfiture, qui est générale, c’est que l’on n’a pas anticipé l’évolution démographique. Dans un arrondissement comme le Xe, dont je suis maire, personne n’avait envisagé le rajeunissement de la population. Les jeunes ont alors bien voulu m’élire, ce qui n’était pas prévu au programme. (Rires.)

Il y a par ailleurs une régression du parc locatif privé abordable. Dans le grand Lyon, par exemple, 6 % des logements privés ont un loyer de niveau HLM en 2005, contre 50 % en 1990.

Que, dans ce contexte, la plus grande partie des communes de la majorité s’opposent à l’application de la loi SRU traduit un dysfonctionnement.

C’est donc bien gentil, madame la ministre, mes chers collègues, de parler d’un grand texte, que, certes, le Sénat a tenté d’améliorer, même si l’on ne sait pas quelles seront les interprétations du Conseil constitutionnel, mais il s’agit d’un problème beaucoup plus grave et nous devons dépasser les blocages juridiques pour permettre aux demandeurs de logement de franchir les contrôles et de ne pas toujours rester derrière la porte.

Si, en tant que membre du parti socialiste, je m’oppose à l’adoption de ce texte, ce n’est pas par sectarisme, c’est parce que c’est trop peu, que cela ne convient pas aux circonstances et que nous allons dans le mur. Je souhaite que nous n’y allions pas tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Je vais suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, cette discussion générale a démontré qu’au-delà des clivages politiques nous avions la possibilité de nous retrouver sur un texte – le dernier de cette législature – hautement symbolique, comme la rapporteure, Christine Boutin, dont chacun connaît le combat historique dans ce domaine, l’a dit ce matin avec la force de conviction que nous lui connaissons. Je salue le travail qu’elle a accompli, avec les deux autres rapporteurs, M. Bignon et M. Fenech, dans un délai très court. Jérôme Bignon, en sa qualité de membre du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, porte lui-même depuis longtemps la notion de droit au logement opposable, dont il travaille à déterminer les conditions de mise en œuvre.

Instituer l’opposabilité du droit au logement, c’est bien sûr garantir à chacun la capacité de disposer d’un toit décent, quelles que soient ses ressources et ses capacités. Depuis maintenant trois ans, Jean-Louis Borloo a mené ce combat en cherchant avant tout à créer les conditions de ce droit. Il est vrai, monsieur Dufau, qu’en novembre 2005, nous n’étions pas prêts, car, au-delà de l’incantation, la question est bien de savoir comment ce droit au logement opposable peut devenir réalité.

Marc-Philippe Daubresse, donc chacun a pu mesurer l’action au service du logement, a fort bien montré que ce texte est l’aboutissement d’un très long parcours républicain, qui a commencé avec la loi Besson de 1990 et s’est achevé avec la remise du rapport du Haut comité début janvier.

Même si cela dérange certains, cette avancée sociale n’est aujourd’hui possible qu’en raison des efforts sans précédent des gouvernements qui se sont succédé pendant cette législature.

M. Le Bouillonnec et M. Bono ont cherché à expliquer l’évolution des chiffres du logement, mais l’exercice était difficile dans la position qui est la leur. Il est en effet des vérités qui dérangent : cette crise du logement n’est pas arrivée toute seule. Nous connaissons tous l’origine du mal, d’autant, monsieur Néri, que vous l’avez très bien expliquée : vous avez dit vous-même que les logements ne sont construits que deux ans, dans le meilleur des cas, et bien souvent quatre ans après que les crédits inscrits en PLF ont été votés : un calcul tout simple vous permettra de comprendre, monsieur Cohen, l’augmentation des demandes de logements à laquelle vous êtes confronté durant vos permanences. Les faits sont là et le temps a ses exigences : on ne construit pas de nouveaux logements en quelques semaines.

Vous avez également raison, monsieur Néri, quand vous soulignez que le problème est d’abord foncier. C’est la raison pour laquelle notre gouvernement a mis en place une structure administrative exceptionnelle : la délégation interministérielle pour développer l’offre de logements, la DIDOL. Avec Jean-Louis Borloo, nous faisons le point chaque mois. Les chiffres sont les suivants : fin 2006, 130 terrains ont été mobilisés, sur lesquels la construction de 30 000 logements pourra être lancée à la fin de 2007.

Je sais, Mme Lebranchu, combien la question de l’établissement public foncier de Bretagne reste sensible. Jean-Louis Borloo travaille, avec Dominique Perben et les services de l’équipement, à trouver les moyens d’avancer sur le sujet.

Vous prétendez, monsieur Bono, que seuls 25 % des logements construits seraient accessibles aux deux tiers des Français les plus modestes : c’est faux, mesdames et messieurs les députés. Plus de 50 % sont accessibles aux ménages sans ressources et, grâce aux prêts locatifs sociaux, PLS, aux prêts locatifs à usage social, PLUS, aux prêts locatifs aidés d’intégration, PLAI, et aux prêts à taux zéro, PTZ, ce sont deux tiers des Français les plus modestes qui sont concernés.

Vous prétendez que les PLS ne seraient pas des logements sociaux. Je voudrais quand même vous rappeler qu’un plafond de ressources a été fixé, critère que les commissions d’attribution sont tenues de prendre en compte. Je vous ferai surtout remarquer que c’est vous qui avez créé ce type de logements et qui les avez intégrés dans le quota de logements sociaux imposé par la loi SRU ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ne venez pas nous dire aujourd’hui qu’ils ne devraient pas entrer dans le calcul !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y avait seulement 2 000 PLS en 2001 ; 30 000 aujourd’hui !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Nous nous sommes contentés de respecter scrupuleusement les règles que vous aviez posées.

En matière de PLAI et de PLUS, qui ne sont pas sujets à polémique, le Gouvernement s’est engagé au Sénat, engagement qu’il renouvellera aujourd’hui devant vous, à ce que nous allions plus loin ensemble. Ces engagements seront inscrits dans la loi et applicables dès qu’elle sera votée. Ne rejetons pas pour autant des outils qui peuvent également répondre aux besoins de nos concitoyens.

M. Brard a parlé de « maires délinquants ». Pour ma part, je préfère parler de maires qui doivent rattraper leur retard pour atteindre l’objectif des 20 % de logements sociaux. Plutôt que de les stigmatiser, je les invite à rejoindre au plus tôt le camp des maires bâtisseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est comme ça que nous pourrons apporter les bonnes réponses.

À ceux qui nous accusent de ne pas appliquer la loi SRU, je voudrais rappeler qu’à la fin de la première période triennale les préfets ont dressé 144 constats de carence : la loi a donc bien été appliquée.

On a stigmatisé tout à l’heure la municipalité de Saint-Maur : selon les informations dont je dispose, des logements sociaux doivent y être prochainement construits sur des terrains appartenant à l’État.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous donnerai tous les éléments qui prouvent que la mairie s’y oppose !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Nous examinerons ce point, mais en attendant je ne peux que vous transmettre les informations dont nous disposons.

Vous avez d’autant plus de légitimité à parler de la réquisition, monsieur Périssol, que vous avez été le seul à la mettre réellement en œuvre. En instaurant la garantie des risques locatifs, le Gouvernement a préféré faire le choix de la confiance : ce dispositif, qui sécurise le paiement des loyers, incite les propriétaires à remettre des logements sur le marché locatif. Là encore regardons les chiffres : notre objectif de 100 000 logements remis sur le marché par an est à comparer avec les 1 000 logements que vous aviez, monsieur Périssol, obtenus par la voie de la réquisition, après les difficultés que l’on sait. Quant à Mme Lienemann, elle avait obtenu, après dix mois d’efforts, la remise sur le marché de seulement cinquante logements !

Ce que nous cherchons aujourd’hui ensemble, mesdames et messieurs les députés, ce sont de vraies réponses aux difficultés de logement de nos concitoyens. À nous de trouver des outils susceptibles de changer positivement le cours des choses.

En ce qui concerne la mise en œuvre du droit au logement, monsieur Pemezec, il faut distinguer très clairement deux situations. Quand une période anormalement longue s’est écoulée depuis le dépôt de la demande de logement social, celle-ci doit être normalement satisfaite par la commune du demandeur, quel que soit le pourcentage de logements sociaux sur son territoire. Quand les demandeurs sont prioritaires aux termes de la loi – c’est le cas des personnes sans domicile fixe –, le préfet doit trouver une solution dans les communes qui comptent le moins de logements sociaux. C’est ainsi que nous pourrons, ensemble, assurer la mixité.

Vous nous avez interpellés à juste titre, madame Bello, sur la situation de l’outre-mer. Vous le savez mieux que quiconque, les crédits sont inscrits sur la ligne budgétaire unique et sont gérés par le ministre de l’outremer, non par le ministre chargé du logement. Le Premier ministre a annoncé, en octobre 2006, que les crédits de la LBU seraient augmentés de 120 millions d’euros au cours des années 2007, 2008 et 2009, dont 60 millions d’euros dès 2007. La première conférence nationale du logement outre-mer se tiendra le 27 février. Il y a là une mobilisation incontestable, qu’il faut accentuer.

Mme Huguette Bello. Je ne le crois pas.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je rappellerai à M. Pinte que la loi portant engagement national pour le logement a créé beaucoup d’outils pour inciter les maires à construire plus de logements sociaux. Je confirme que le Sénat a prorogé jusqu’en 2013 l’abattement de 20 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties en ZUS par les organismes HLM qui font de la cession de proximité. C’est là encore une opportunité de réinvestir dans la construction neuve pour améliorer le patrimoine HLM.

Je rejoins totalement Marc-Philippe Daubresse quand il préconise que l’article 6G, qui facilite la location d’appartements à des associations, soit appliqué dans les meilleurs délais. En effet, comme vous l’avez souligné avec beaucoup d’humanité, madame Tharin, bon nombre d’associations ont réclamé la faculté d’externaliser les moyens de logement. Cela permettra à certains de nos concitoyens d’avancer vers l’autonomie tout en gardant un lien très fort avec les associations. C’est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement soutiendra les amendements présentés par vos commissions.

Comme M. Abelin l’a souligné, le Gouvernement a la volonté de se battre afin d’alléger pour nos concitoyens le coût du logement, objectif essentiel. Vous avez rappelé, monsieur Jacquat, que je m’étais engagée, au moment de l’examen des crédits du logement, à abaisser le seuil de non-versement de l’aide personnalisée au logement : celui-ci est passé de 24 à 15 euros. Au-delà, nous avons surtout travaillé à établir une indexation automatique de l’APL, comme vous l’avez rappelé ce matin, madame la rapporteure, afin de pérenniser cette augmentation : nous enverrons ainsi un signe fort à nos concitoyens.

MM. Mariani, Pemezec et Bernier nous ont interrogés à propos de l’ouverture aux étrangers du droit au logement opposable. Le droit au logement opposable tel que nous l’avons conçu bénéficiera aux étrangers qui ont vocation à rester durablement sur notre territoire, c’est-à-dire celles et ceux qui ont souscrit un contrat d’accueil et d’intégration. Je rappelle que, conformément au souhait de Nicolas Sarkozy et au nôtre, ce contrat est obligatoire depuis le vote de la loi de juillet 2006 – dont vous avez été le rapporteur, monsieur Mariani – dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État du 23 décembre 2006 : nous nous inscrivons dans la logique de ce décret.

En matière d’urgence, le Gouvernement auquel j’appartiens, comme tous ceux de cette législature, a été amené à travailler sur plusieurs registres. Le premier problème était celui du nombre de places d’hébergement. Mais aujourd’hui le problème de l’hébergement se pose moins en termes de capacités que de qualité de l’accueil. Autrement dit, le Gouvernement veut faire de l’accueil la première marche vers la sortie de l’exclusion. Cela suppose plusieurs conditions que le Gouvernement s’est engagé à réunir.

La première condition est que chacun soit accompagné, quel que soit son parcours : c’est ce que certaines associations appellent « la non-remise à la rue ». Il s’agit de dresser le bilan de chaque parcours singulier afin de choisir la structure d’accueil la mieux à même de satisfaire les besoins de la personne. Nous en parlions il y a un instant avec le député-maire du Xe arrondissement, confronté à ces problèmes depuis de nombreuses années. Nous savons tous que chacun de ceux dont nous parlons a des besoins particuliers : qu’y a-t-il de commun entre un SDF qui vit dans la rue depuis vingt ans, une femme chassée de son foyer depuis trois jours après des violences conjugales et un jeune toxicomane ? Ce ne sont que quelques exemples de situations fort diverses. Les dispositifs que nous mettons en place doivent présenter une souplesse suffisante pour répondre aux spécificités et aux attentes de chacun. S’agissant de l’humain, il ne sert à rien de décréter ; nous ne pouvons qu’accompagner et convaincre. C’est ce que font les associations qui, depuis des années accomplissent, avec les uns et les autres, un travail de terrain.

Mme Annick Lepetit. Alors, ne leur supprimez pas de subventions !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement doit donc amorcer une évolution essentielle qui transformera les places d’hébergement d’urgence en « places de stabilisation » : ce jargon désigne un accueil à la fois digne et humain, dans de toutes petites structures, de vingt, trente ou quarante places, plutôt que dans de grandes structures à cent places, offrant le plus souvent possible des chambres individuelles, susceptibles de préserver une intimité à laquelle chacun a droit.

Il nous faut également augmenter le nombre de centres d’hébergement et de réinsertion sociale, CHRS, et créer des maisons-relais. Nous devons aussi faciliter le passage entre CHRS et logement : c’est tout le sens du plan annoncé le 8 janvier. Cela suppose que nous recensions, CHRS par CHRS, les personnes que leur parcours a conduites suffisamment près de la sortie de l’exclusion pour qu’elles puissent aller vers l’autonomie pourvu qu’on les accompagne vers le logement. Une telle démarche vise également à réintroduire de la fluidité dans cette grande chaîne du logement. En effet, monsieur Néri – vous l’avez tellement bien dit que je ne résiste pas à la tentation de vous citer – l’embolie ne se limite pas à l’hébergement d’urgence ou au logement social : c’est toute la chaîne du logement qui est atteinte.

Je vous remercie, monsieur Piron, pour votre proposition relative à la TVA à 5,5 % et à l’exonération du foncier bâti, en vue de favoriser l’application du plan d’urgence pour 2007. Ce sont 27 000 places et 7 000 logements qui sont concernés, sans compter les CHRS ou les maisons-relais, ou d’autres formes expérimentales d’hébergement. À ce propos, j’assume tout à fait les bungalows que M. Brard nous a reprochés ce matin. Nous répondons ainsi au souhait formulé par des associations, qui veulent expérimenter ce type d’hébergement. De telles expériences doivent évidemment être provisoires, se limiter à un petit nombre de places et être soigneusement encadrées. Mais pourquoi écarter a priori des solutions susceptibles de permettre à quelques-uns de s’en sortir ? Tous ces outils doivent nous permettre d’assurer un hébergement digne, propre à donner à chacun une chance supplémentaire.

Ce texte instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale – cela explique, monsieur le ministre Soisson, la présence des quelques autres mesures que vous dénonciez…

M. Jean-Pierre Soisson. Il ne suffit pas, pour changer d’habit, de changer la cravate !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. … – permettra une mise en place claire et progressive du droit au logement opposable, au même rang que le droit aux soins ou le droit à l’éducation. Je partage à ce propos l’analyse de M. Dumont, partiellement reprise par M. Soisson : en cette fin de mandat, mesdames et messieurs les députés, ce texte nous donne la chance de nous rassembler. Je souhaite que nous puissions ensemble, au-delà du droit au logement opposable, faire suffisamment avancer l’hébergement d’urgence pour que, demain, rien ne puisse être remis en question. Ce dernier texte de notre législature nous aura donné l’occasion de démontrer que lorsque l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement se retrouvent, ce pilier de la République fraternelle permet une véritable conquête sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les critiques et les propositions entendues au cours de la discussion générale justifient pleinement le renvoi en commission du projet de loi instituant le droit opposable au logement.

Tout d’abord, il faut bien l’avouer, le calendrier choisi pour examiner ce texte rend le débat difficile, ou tout au moins en limite la portée.

Ce projet de loi a été annoncé par le président de la République dans ses vœux le 31 décembre, et par le Premier ministre le 3 janvier. Il a été présenté en conseil des ministres le 17 janvier, puis examiné par le Sénat du mardi 30 janvier au jeudi 1er février. Force est de constater que cette réforme est engagée dans la précipitation, ce qui ne signifie pas qu’elle n’est pas nécessaire – bien au contraire !

M. Michel Piron. Eh bien alors ?

Mme Annick Lepetit. C’est justement parce que nous sommes favorables au droit au logement opposable que nous regrettons la manière dont cette réforme est menée.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Vous regrettez surtout de ne pas l’avoir faite !

Mme Annick Lepetit. Elle aurait mérité un débat digne de ce nom, au lieu d’une discussion réduite à quelques jours devant le Sénat et l’Assemblée nationale, à quelques semaines de l’élection présidentielle. Cette réforme mérite beaucoup mieux qu’un débat improvisé, expédié à la va-vite et dans l’urgence.

M. Guy Geoffroy. On connaît la rengaine !

Mme Annick Lepetit. Cependant, nous nous réjouissons que le Gouvernement et une partie de sa majorité acceptent enfin de parler du droit au logement opposable.

M. Michel Piron. Vous voyez !

Mme Annick Lepetit. Ce n’était pas gagné. En effet, dès 2004, les députés socialistes ont déposé des amendements défendant le droit au logement opposable.

M. Guy Geoffroy. Qu’avaient-ils fait pendant cinq ans ?

Mme Annick Lepetit. Ils ont, à chaque fois, reçu une fin de non-recevoir de la part du Gouvernement et de sa majorité. Lors de l’examen par le Sénat du projet de loi portant engagement national pour le logement, Catherine Vautrin a même déclaré, le 23 novembre 2005, qu’« une proclamation de l’opposabilité du droit au logement serait prématurée et irréaliste ».

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je viens de vous répondre sur ce point, madame Lepetit.

Mme Annick Lepetit. J’en conclus que cette proclamation est maintenant d’actualité et réaliste, du moins pour le Gouvernement. On peut cependant s’interroger sur cette volte-face et sur son fondement.

Le 30 janvier, Jean-Louis Borloo a déclaré au Sénat que cette réforme « n’est possible aujourd’hui qu’en raison de l’effort sans précédent qui a été réalisé en matière de logement depuis plusieurs années par les gouvernements qui se sont succédé au cours de cette législature. ». Le ministre veut nous faire croire que la politique menée depuis cinq ans rend possible le droit au logement opposable.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est la vérité !

Mme Annick Lepetit. C’est peine perdue, car personne n’est dupe : le principe de l’opposabilité que veut instituer ce texte est en totale contradiction avec sa politique.

En effet, le droit au logement opposable ne va pas sans une construction massive et soutenue de véritables logements sociaux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, puisque deux tiers des ménages ne peuvent accéder aux nouvelles constructions à cause du coût trop élevé des loyers. Un quart seulement des 421 000 mises en chantier de 2006 produiront des logements accessibles à la majorité de nos concitoyens. En outre, bien qu’il y ait 1,3 million de demandeurs de logement et que leur nombre ne cesse de croître, le Gouvernement a préféré privilégier les logements intermédiaires de type PLS, qui ne lui coûtent pas grand-chose, au détriment des logements type PLAI, qui répondent pourtant aux besoins de la majorité des demandeurs. Le décalage entre l’offre et la demande est flagrant et rend problématique la mise en œuvre du droit au logement opposable.

Le droit au logement opposable ne va pas non plus sans moyens budgétaires suffisants et pérennes. Depuis 2002, cependant, le Gouvernement fait le contraire de ce qu’il faudrait pour cela. Le budget de cette année en est un bon résumé : les crédits de l’État pour la construction locative sociale baissent encore de 77 millions d’euros par rapport à 2006 et sont en retrait de 152 millions d’euros par rapport au programme du plan de cohésion sociale. Quant aux aides personnelles au logement, le Gouvernement pratique une nouvelle coupe sombre de 196 millions d’euros. En revanche, le budget consacré aux dispositifs fiscaux est en hausse. Le dispositif Robien a ainsi augmenté de 14 % et a déjà coûté à l’État 300 millions d’euros en 2006. Il devrait désormais coûter entre 400 et 500 millions d’euros par an jusqu’en 2012. Bonjour la facture !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Elle ne sera pas pire que la vôtre !

Mme Annick Lepetit. Ce dispositif est un véritable scandale car, outre qu’il contribue à la hausse des prix de l’immobilier, il n’a aucune contrepartie sociale. Quant à son frère jumeau, le « Borloo populaire », il coûte plus cher à la collectivité et va engendrer les mêmes effets. En pleine crise du logement, la priorité de la majorité est donc de ne pas aider les plus modestes – ceux-là mêmes qui sont visés par le droit au logement opposable. En novembre 2006, le Gouvernement fait voter, une fois encore, un budget du logement en baisse et, dès janvier 2007, il propose d’instituer le droit au logement opposable : cherchez l’erreur !

Le droit au logement opposable ne va pas non plus sans une mobilisation de toutes les communes de France. Or les dispositions de l’article 55 de la loi SRU, menacées à plusieurs reprises par les députés maires UMP, ne sont ni appliquées, ni renforcées pour contraindre les maires récalcitrants à construire du logement social. Un tiers des communes ne respectant pas l’obligation de construire 20 % de logements sociaux n’ont toujours pas commencé à en construire : un tiers !

Qui dit droit au logement opposable dit respect et renforcement des dispositions de l’article 55 de la loi SRU. Le Sénat ayant fait un petit pas en ce sens, l’Assemblée nationale pourrait en faire un bien plus grand. Cependant, les débats qui ont eu lieu en commission, et notamment en commission des affaires économiques, laissent présager le pire. Aucun de nos amendements tendant à renforcer l’article 55 de la loi SRU n’a été retenu et la disposition votée au Sénat a été assouplie.

Après des années de surdité, le Gouvernement et sa majorité ont été contraints de voir la vérité en face. Sans la médiatisation des actions conduites par les Enfants de Don Quichotte sur les berges du canal Saint-Martin à l’approche d’échéances électorales majeures, examinerions-nous aujourd’hui ce projet de loi dans l’hémicycle ? Je ne le crois pas, et je pense ne pas être la seule. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Louis Idiart. Ils s’en tapent comme de leur première chemise !

Mme Annick Lepetit. Il reste que, si nous regrettons la manière dont la réforme est engagée et le flou de son contenu, nous sommes favorables au levier que constitue le droit au logement opposable. Nous avons donc proposé au Sénat des amendements, que nous défendrons à nouveau ici, tendant à rendre effectif ce droit au logement opposable. Il ne doit pas être, en effet, une nouvelle déclaration de principes, mais une réalité pour nos concitoyens.

La situation actuelle, qu’ont décrite avant moi de nombreux intervenants, ne peut garantir l’effectivité du droit au logement. Pour que ce nouveau droit soit garanti, il faut changer de politique. Ce sera la responsabilité du prochain gouvernement et de la prochaine majorité parlementaire.

Pour l’heure, nous devons bâtir un texte qui garantisse la mise en œuvre du droit au logement. De nombreuses associations travaillant sur ce sujet depuis des années craignent que ce texte ne soit sans effet. Nous les avons écoutées. Espérons que la représentation nationale fera de même.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est celui qui a été adopté par le Sénat. Il a été enrichi de 33 articles nouveaux, dont 23 portent sur les politiques publiques du logement. Des avancées sont à noter. Elles seront, je l’espère, maintenues et renforcées par l’Assemblée nationale.

Nous sommes particulièrement satisfaits de l’article 1er bis, qui résulte d’un amendement des sénateurs socialistes. À l’image de l’article 55 de la loi SRU pour les logements sociaux, le mécanisme retenu prévoit une sanction financière à l’encontre des communes concernées qui ne disposent pas sur leur territoire d’une place d’hébergement d’urgence pour 2 000 habitants. Pour toutes les communes comprises dans une agglomération de plus de 100 000 habitants, la capacité à atteindre est d’une place pour 1 000 habitants. Ainsi, à compter du 1er janvier 2009, les communes qui ne satisferont pas à ces conditions feront l’objet d’un prélèvement de solidarité : c’est l’émergence d’un droit à l’hébergement opposable, distinct du droit au logement opposable.

L’adoption de cet article par l’Assemblée nationale doit être l’occasion de rappeler la responsabilité de tous dans l’accueil des plus démunis comme dans le respect de la mixité sociale voulue par la loi SRU. Je rappelle que l’on dénombre une place d’hébergement d’urgence pour 474 habitants à Paris, alors que ce rapport n’est que d’une place pour 2 049 habitants dans les Hauts-de-Seine…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et voilà !

Mme Annick Lepetit. …et une pour 2 126 habitants dans les Yvelines. Cette disposition est donc particulièrement nécessaire et attendue.

Nous sommes également satisfaits que les sénateurs aient inscrit dans le texte la revalorisation annuelle des aides au logement et leur indexation sur l’indice de référence des loyers, ce que nous demandons depuis plusieurs années. Afin de limiter les pertes considérables de pouvoir d’achat qu’ont fait subir aux ménages les plus modestes, au cours des cinq dernières années, l’explosion des loyers et la revalorisation insuffisante des aides personnelles au logement, il est primordial que cette disposition adoptée par le Sénat le soit aussi par notre assemblée.

Pour parfaire ce dispositif, nous proposons la suppression du mois de carence qui s’applique au versement des aides personnelles au logement. Cette proposition, que nous formulons chaque année, a toujours été rejetée par le Gouvernement et sa majorité. À mon grand étonnement, la commission des affaires économiques a pourtant adopté notre amendement, qui, comme l’a exprimé le rapporteur pour avis, veut envoyer un signal au Gouvernement. Bien évidemment, nous souhaitons comme lui que le Gouvernement l’entende !

Alors que le texte initial ne comportait aucune disposition visant à renforcer l’effort public en faveur de la construction abordable, le Sénat a revu à la hausse la programmation de logements sociaux pour les trois prochaines années. Il a également retenu la proposition des sénateurs socialistes qui prévoit 20 000 logements PLAI par an d’ici à 2009. Distinguer au sein des logements sociaux les PLUS et les PLAI permet d’engager l’État sur un nombre minimum de logements très sociaux. Ces derniers, je tiens moi aussi à y insister, sont les grands oubliés depuis 2002, alors que nos concitoyens ont le plus besoin. Deux tiers des demandeurs de logement ne peuvent, compte tenu de leurs ressources, accéder qu’à ces logements. C’est pourquoi nous demandons que l’effort de l’État soit plus marqué : alors que le Sénat a voté 80 000 PLUS et PLAI pour 2007, nous en demandons 100 000. Le droit au logement opposable ne sera, en effet, véritablement effectif qu’à certaines conditions, dont la première est l’amplification de l’effort en faveur du logement social.

Autre avancée, si modeste soit-elle : l’extension du champ d’application de l’article 55 de la loi SRU. Cette mesure, essentiellement symbolique, concerne potentiellement 250 communes supplémentaires environ. On ignore en effet combien de ces communes disposent de moins de 20 % de logements sociaux et seront donc soumises à l’article 55. L’impact en termes de construction sera donc sans doute très faible. Cependant, moins d’un an après la tentative de l’UMP de vider de sa substance l’article 55 de la loi SRU avec l’amendement Ollier déposé à l’occasion de l’examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, ce soudain revirement a de quoi surprendre. J’espère en tout cas que cette avancée sera enrichie par les députés, mais j’avoue que j’en doute quelque peu.

Nos amendements tendant à étendre plus largement le périmètre d’application de l’article 55 et à renforcer les sanctions pour son non-respect ont été rejetés par la commission des affaires économiques au motif que la réforme de l’article 55 est hors sujet. Patrick Ollier a déclaré mercredi 7 février en commission qu’« il convient de distinguer les enjeux associés à la politique du logement, dont relèvent les débats relatifs à l’article 55 de la loi SRU, de ceux attachés au droit opposable à l’hébergement et au logement, qui relèvent d’autres logiques et soulèvent d’autres questions ». Le véritable enjeu, en matière d’opposabilité du droit au logement, est pourtant bien de disposer d’une offre suffisante de logements pour tous sur tout le territoire. L’opposabilité du droit au logement ne va pas sans une politique publique volontariste faisant du logement une grande cause nationale.

C’est pourquoi nous demandons que des communes plus nombreuses soient mobilisées pour participer à la solidarité nationale, que l’État cède ses terrains à des coûts compatibles avec la production d’un parc locatif social et que les acquéreurs d’immeubles et de terrains appartenant précédemment au domaine privé de l’État soient obligés d’y réaliser des logements locatifs sociaux, en particulier dans les communes soumises à l’obligation prévue par l’article 55.

Nous demandons aussi la suppression d’une disposition, introduite par la loi portant engagement national pour le logement, qui permet de comptabiliser pendant cinq ans comme logements sociaux au sens de l’article 55 les logements dont la convention est venue à expiration.

L’article 55 est un véritable levier pour permettre l’effectivité du droit au logement opposable – dès lors, bien sûr, qu’il est appliqué.

Grâce à cette disposition, 16 000 PLAI et PLUS ont déjà été mis en place en 2006. C’est que la loi SRU, madame la ministre, votée en 2000 sous le gouvernement Jospin et souvent combattue par la droite, a permis d’enjoindre à des communes de réaliser ces logements. Mais quand Jean-Louis Borloo fait ses comptes, il oublie fréquemment de le rappeler.

M. Yves Bur. Vous auriez mieux fait de construire des logements plutôt que de faire des lois !

Mme Annick Lepetit. Mais ne boudons pas notre plaisir : les sénateurs de la majorité et le Gouvernement ont adopté des dispositions qu’ils avaient toujours refusées et que nous avions toujours réclamées. Cela ressemble un peu aux soldes avant fermeture : ce doit être « l’effet élections ».

Au-delà des avancées réalisées par le Sénat, il s’agit d’assurer l’effectivité du droit au logement opposable car sa mise en œuvre reste très insatisfaisante dans le cadre du dispositif qui nous est proposé. Nous faisons donc plusieurs propositions pour améliorer celui-ci.

Le dispositif proposé reste fondé sur un système à double détente : d’abord la saisine de la commission de médiation qui désigne les demandeurs dont elle estime le dossier urgent, et détermine pour chacun les caractéristiques du logement qui devrait lui être attribué ; puis la saisine éventuelle du tribunal administratif en cas de décision favorable de la commission non suivie d’effet.

La première étape de la procédure est donc la saisine de la commission de médiation. Or force est de constater que tous les départements n’en disposent pas. Ces commissions, je le rappelle, ont été mises en place par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Sur les soixante qui ont été constituées, deux seulement ont effectivement siégé. Si l’obligation de les créer avant l’entrée en vigueur du droit au logement n’est pas prévue par le projet de loi, le système ne pourra pas fonctionner. Le Sénat a certes prévu à l’article 3 une disposition organisant les modalités du recours juridictionnel en l’absence de commission de médiation. Cependant, l’essentiel du texte reposant sur ces fameuses commissions, faisons en sorte que le dispositif proposé puisse fonctionner.

La deuxième faiblesse du dispositif est que le délai dans lequel la commission doit rendre ses décisions n’est pas précisé par le projet de loi, qui renvoie à un décret. Nous proposons un délai maximal de trois mois car nous souhaitons que les commissions répondent dans les plus brefs délais pour ne pas laisser à la rue des gens qui n’ont pas de toit. Tel est d’ailleurs, je crois, le sens et l’esprit de ce projet de loi. En outre, le texte prévoit que les commissions jugeront sans motivation écrite du caractère prioritaire et urgent d’une demande. C’est tout à fait infondé. Les commissions des affaires économiques et des affaires sociales ont accepté de modifier le texte pour imposer la motivation écrite. J’espère que l’Assemblée les suivra.

La troisième faiblesse est que la commission de médiation peut déterminer, pour ceux des demandeurs qu’elle estime prioritaires, qu’un hébergement est plus adapté qu’un logement sans que sa décision puisse être contestée autrement que par la procédure existante, particulièrement longue, auprès du juge administratif.

Enfin, pour qu’elles puissent fonctionner efficacement, nous demandons que les commissions soient dotées des moyens en secrétariat et des moyens nécessaires à la réalisation d’enquêtes sociales. L’expérience montre qu’elles n’ont pas fonctionné, souvent, faute de moyens appropriés.

Nous craignons donc que le dispositif, qui repose sur les commissions de médiation, ne connaisse quelques imperfections. Nous craignons également que ces instances ne soient amenées à jouer le rôle de filtre, à trier les demandes, à modifier uniquement l’ordre des personnes prioritaires dans la liste d’attente.

Concernant la saisine du tribunal administratif, le Sénat n’a guère fait évoluer le texte. Cependant, une des modifications qu’il a introduites est primordiale et satisfait l’une de nos demandes : il s’agit de la saisine directe du juge administratif en l’absence de commission de médiation dans le département, assortie de la possibilité de faire appel des décisions dudit juge. Mais des insuffisances demeurent : le texte ne précise pas le délai dans lequel le préfet doit attribuer un logement à un demandeur reconnu prioritaire par la commission de médiation. C’est pourquoi, afin de protéger efficacement le demandeur, nous proposons de fixer à trois mois le délai laissé au préfet pour lui attribuer un logement. Passé ce délai, le demandeur pourra saisir le tribunal administratif. À ceux qui nous objectent qu’il faut de la souplesse, je réponds qu’un droit n’est effectif que s’il est bien défini et encadré. En outre, il serait incohérent qu’une demande prioritaire, déclarée urgente par la commission de médiation, reste des mois et des mois sans être traitée par le préfet. C’est pourquoi nous demandons que le délai de saisine du tribunal administratif ne soit pas fixé par voie réglementaire, mais précisé dans la loi.

S’agissant des astreintes, nous proposons de les rendre systématiques dans le cas où le tribunal administratif ordonnerait le relogement ou le logement d’un ménage reconnu prioritaire. De cette manière, la décision du tribunal n’aura que plus de poids et incitera le préfet à apporter une réponse rapide au requérant. Nous proposons également que les astreintes décidées par la juridiction administrative soient directement versées au profit des demandeurs et que leur montant ne soit pas inférieur à 100 euros par jour afin qu’ils puissent utiliser ces sommes pour se loger de manière provisoire. Pour le moment, le texte prévoit que l’astreinte soit versée par l’État aux fonds d’aménagement urbains régionaux : la puissance publique se verserait à elle-même des astreintes !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Pas du tout !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Jamais !

Mme Annick Lepetit. Le versement d’une somme, quel qu’en soit le montant, à un fonds n’aidera en rien le requérant à trouver par ses propres moyens le logement que l’État ne peut lui fournir. Quelle satisfaction retirera-t-il de la condamnation de l’État ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ça, c’est vraiment de la démagogie !

Mme Annick Lepetit. Aucune, au regard du texte ! Concrètement, sa situation n’aura pas changé. Après un véritable parcours du combattant, il n’aura rien, alors que la puissance publique aura reconnu sa demande urgente et prioritaire, et qu’elle aura en plus été condamnée.

S’agissant de l’application de la décision du tribunal administratif, nous demandons que le juge puisse s’assurer que l’autorité responsable du droit au logement opposable s’engage également à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour faciliter l’accès et le maintien du demandeur dans le logement ou la structure adaptée. En effet, certains demandeurs nécessiteront des mesures temporaires de suivi pour assurer la réussite du logement ou de l’hébergement. Le suivi et l’accompagnement doivent donc être garantis. Vous en avez parlé, madame la ministre, mais il faut que ce soit garanti.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. En effet, mais moi, je ne fais pas que parler : j’agis !

Mme Annick Lepetit. Nous proposons aussi que les délégataires du contingent préfectoral assument la responsabilité de la mise en œuvre du droit au logement. Il faut pouvoir solliciter directement les délégataires afin de renforcer l’effectivité de ce droit. C’est d’ailleurs ce que proposait le texte initial du gouvernement. En outre, quels logements vont proposer les préfets ayant délégué leur réservation aux maires ?

Autre lacune du texte : les personnes concernées ne pourront être accompagnées par des associations au cours de l’ensemble de la procédure.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Si !

Mme Annick Lepetit. Or chacun sait que nombre de ces personnes ne seront pas aptes à faire face seules compte tenu de la complexité de la procédure. En leur refusant d’être assistées par des associations, on vide le texte de sa substance, on abandonne l’ambition proclamée. De plus, cette revendication est aussi celle des associations.

Enfin, le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre de la loi ne sont pas garantis. Le Sénat a inscrit dans le projet de loi, comme nous le demandions, l’établissement d’un haut comité de suivi, d’ailleurs également réclamé par toutes les associations. Cependant, sa composition et ses missions ne sont pas précisées. Elles sont renvoyées à un décret. Jean-Louis Borloo a dit le 30 janvier au Sénat que « le présent projet de loi ne prétend pas détailler l’ensemble du processus opérationnel ». C’est bien le reproche qu’on peut lui faire : il est bien trop approximatif pour garantir l’opposabilité du droit au logement.

Ce texte risque aussi d’être sans effet car, pour que le droit au logement opposable soit effectif, il faut des logements pour tous et partout sur le territoire. J’ai commencé mon propos en démontrant que la politique menée depuis 2002 entrait totalement en contradiction avec l’opposabilité du droit au logement. Je vais démontrer maintenant que le projet de loi que nous examinons ne mobilise pas tous les logements et tous les territoires nécessaires à la bonne application de ce droit. Il risque même d’accentuer les inégalités territoriales, la paupérisation et la ghettoïsation de nombreux quartiers. Sur ce point aussi, nous avons des propositions à faire.

Le projet de loi cantonne la mise en œuvre du droit au logement opposable au seul contingent préfectoral.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement et Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Non !

Mme Annick Lepetit. Or les droits de réservation de l’État sont trop restreints pour garantir une réelle effectivité du droit au logement opposable. Il convient, pour que l’État soit en mesure d’assurer son rôle de garant du droit au logement, qu’il dispose effectivement de réservations de logements dans tous les programmes de logements sociaux. C’est pourquoi nous proposons que la loi impose un taux minimum de 25 % de logements réservés. Sachant que le taux de rotation dans le parc social est particulièrement bas, il est également nécessaire de solliciter le parc privé conventionné pour la mise en œuvre du droit au logement. Le Sénat a fait quelques avancées dans cette direction, mais on peut mieux faire. Nous devons mobiliser le parc locatif privé qui a fait l’objet d’un accompagnement par l’État à travers un certain nombre de dispositifs fiscaux au bénéfice des propriétaires. Nous défendrons des amendements en ce sens.

Comme il y a beaucoup de demandes, nous ne voulons pas nous limiter au seul contingent préfectoral, qui est bien maigre au regard des besoins. Nous ne voulons pas non plus nous limiter à ce contingent, car ce serait accentuer les inégalités territoriales, la paupérisation et la ghettoïsation de nombreux quartiers.

C’est pourquoi nous demandons que les territoires qui possèdent déjà de nombreux logements sociaux, soit 50 % du nombre de résidences principales, ne soient pas concernés. Il serait en effet anormal que l’application du droit au logement consiste, pour le préfet, à ne proposer des logements que là où ils existent, c’est-à-dire dans des communes qui ont déjà fait de gros efforts en termes d’accueil sur leur territoire. Cela conduirait, d’une part, à dédouaner les communes qui refusent de construire des logements sociaux, et, d’autre part, à faire supporter le droit au logement opposable à celles qui participent déjà largement à la solidarité nationale. Aussi proposons-nous de rendre responsables de la mise en œuvre du droit au logement opposable les communes qui font l’objet d’un constat de carence en application de l’article 55 de la loi SRU.

Nous proposons également d’affecter un coefficient supérieur aux logements financés par un PLAI et de minorer les PLS afin de mieux accompagner les collectivités locales qui accueillent sur leur territoire les populations les plus modestes. En outre, cette disposition incite à la réalisation de logements sociaux et très sociaux davantage qu’à la réalisation de logements intermédiaires. Il y a aussi le cas des communes ayant entrepris une opération de renouvellement urbain et ayant, à cet effet, dégagé un certain nombre de logements libres : ce texte menace de leur imposer, par injonction du préfet, des familles à reloger.

Si nos amendements ne sont pas retenus, il est évident que la plupart des attributions seront prononcées dans des territoires qui concentrent déjà un grand nombre de logements sociaux, créant ainsi de la ségrégation urbaine. Au Sénat, Jean-Louis Borloo a reconnu le problème et a indiqué qu’il serait examiné avec le comité de suivi avant le mois de juillet prochain. Voilà qui n’est guère rassurant ! Le ministre reconnaît qu’il y a un problème mais il n’en discutera que lorsque la loi sera votée. Cette façon de procéder pose question : légiférons-nous sur le droit au logement opposable ou pas ? Si oui, nous devons alors être consciencieux et examiner tout ce qui pourrait troubler sa mise en œuvre.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, un tel projet de loi ne peut être examiné en quelques jours, dans la précipitation. Une telle réforme aurait nécessité des débats plus longs, enrichis par des consultations de tous les acteurs du logement et des élus. Aussi, afin d’accroître la portée de ce texte, d’en corriger les intolérables lacunes et de mettre le citoyen au cœur du dispositif, il est de toute évidence impératif de renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Dufau. Belle démonstration !

M. Jean-Louis Idiart. Quel talent !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame Lepetit, je ne reprendrai que quelques points de votre intervention puisque nous avons déjà longuement évoqué les principaux aspects de ce texte de loi.

Tout d’abord, comme je l’ai déjà dit à M. Dufau, les conditions de l’opposabilité n’étaient pas réunies en novembre 2005. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Dufau. Si !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Haut comité n’avait même pas été saisi et nous n’avions pas encore entrepris les actions qui permettent aujourd’hui de rendre ce droit opposable effectif.

Vous affirmez que le PLS ne coûte rien à l’État : c’est faux !

Mme Annick Lepetit. Il coûte moins que le PLAI !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Peut-être pouvez-vous demander à M. Éric Besson de venir nous parler de finances publiques. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Annick Lepetit. Laissez tomber la polémique !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ça vous va bien de dire cela !

M. Jean-Louis Idiart. C’est mesquin, madame la ministre ! Et Dutreil, est-ce qu’il va venir ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. On sait tous que le PLS, eu égard aux caractéristiques fiscales qui sont les siennes, représente un équivalent de subvention de pratiquement 15 %. Oui, le PLS coûte, et c’est normal. Il faut néanmoins aujourd’hui, je vous le répète, augmenter le nombre de PLAI et de PLUS. Nous sommes tous d’accord. C’est d’ailleurs dans la loi. Et on va le faire parce que c’est indispensable. C’est ainsi que nous répondrons correctement aux besoins de nos concitoyens.

M. Michel Piron. Bravo !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. En ce qui concerne les commissions de médiation, 76 départements en sont pourvus. Bien sûr, il en faut dans les cent départements, et ce dans les meilleurs délais, pour que cette loi soit applicable. Dans la loi ENL, plusieurs amendements avaient déjà permis de renforcer ces commissions, et nous verrons comment, avec les amendements proposés aujourd’hui, nous pourrons les renforcer encore.

Par ailleurs, le comité de suivi du Haut comité veillera à la mise en œuvre de ce texte dont nous connaissons tous la complexité. Nous souhaitons cependant passer outre à ces difficultés pour inscrire notre volonté dans la loi. Tel est le sens de notre engagement. Oui, ce sera long et difficile, mais il appartient à chacun d’entre nous de tout faire pour avancer.

Un mot sur les fonds d’aménagement urbain régionaux. Vous dites que les requérants ne percevront pas les indemnités correspondant aux astreintes. Mais vous savez bien que le tribunal administratif ne peut pas verser d’indemnités à des particuliers. Rien n’empêche en revanche de le faire par la procédure de droit commun.

S’agissant de l’hébergement d’urgence, vous avez cité des chiffres relatifs aux Hauts-de-Seine et aux Yvelines. Je suis d’accord avec vous sur le principe de la répartition, mais gardons à l’esprit que les acteurs de l’urgence réclament surtout, dans leurs documents, des petites structures situées près des lieux de vie des personnes en difficulté.

Mme Annick Lepetit. Ce n’est pas contradictoire avec ce que je disais.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Or les métropoles, on le sait, attirent les populations et les besoins y sont importants. Qu’il y ait demain, ailleurs, des lieux d’une qualité telle qu’ils attirent beaucoup de monde, j’en serais ravie, mais pour l’heure, il nous faut adapter l’offre à la demande.

Ce texte apporte des réponses constructives, qui feront progresser notre droit mais aussi l’égalité entre nos concitoyens : le Gouvernement est donc tout à fait opposé au renvoi en commission.

Mme Christine Boutin, rapporteure, et M. Yves Bur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je voudrais d’abord, madame Lepetit, saluer votre intervention, qui était à la fois précise et structurée. On ne peut cependant être d’accord sur aucun de vos arguments.

M. Jean-Louis Idiart. Ça nous rassure !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Mme la ministre vient d’évoquer l’aspect technique des choses. Ayant été devancé sur ce plan, je voudrais pour ma part m’exprimer sur le fond, sur la dimension humaine et sociale qui est au cœur de notre démarche et à laquelle chacun, dans cet hémicycle, est sensible.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Très bien !

Mme Annick Lepetit. Pourquoi ne vous en êtes-vous pas rendu compte avant ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Avons-nous le droit d’attendre ? Avez-vous le droit d’utiliser tous les artifices de la procédure parlementaire pour différer ce débat ? Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Annick Lepetit. C’est vous qui avez attendu ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Ce texte est une étape indispensable, qui permettra de concrétiser le principe du droit au logement opposable. Certes, la dimension juridique comporte beaucoup d’incertitudes. Je l’ai rappelé ce matin à M. Borloo : l’application du projet de loi imposera une simplification des procédures. Bien avant la loi Gayssot-Besson, les structures se sont empilées, les mécanismes sont devenus si complexes et les acteurs si nombreux qu’une simplification s’impose. Mais, je le répète, avons-nous le droit d’attendre ?

Mme Christine Boutin, rapporteure. Non !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Quant au renvoi en commission que vous proposez, je veux dire que le travail de la commission a été approfondi et ajouter que les délais imposés par le calendrier parlementaire sont très courts. Nous ne sommes qu’à quelques jours de la fin de la session. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Annick Lepetit. Vous venez de le découvrir ?

M. Denis Jacquat. Arrêtez ! Les députés de l’opposition n’étaient même pas présents en commission !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je préfère franchir une étape tout de suite plutôt que ne rien faire du tout !

Je regrette moi aussi que le Sénat ait fait passer le texte de 9 à 42 articles, mais nous pourrons y remédier.

En dépit de ces circonstances, notre commission a eu à cœur d’examiner attentivement les nombreuses propositions visant à modifier le texte. Au total, au cours de ses trois réunions, elle a examiné 337 amendements et en a adopté 158, ce qui n’est pas négligeable, dont plusieurs de l’opposition.

Il y a des signes qui ne trompent pas. Bon nombre des amendements adoptés ont été cosignés par des députés de tous les groupes et la commission, je le répète, a adopté un nombre non négligeable d’amendements déposés par l’opposition.

En outre, de nombreux amendements ont été adoptés à l’identique avec les deux commissions saisies pour avis, la commission des affaires économiques et la commission des lois. Je profite de cette occasion pour saluer la qualité constante de notre coopération.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous avons très bien travaillé !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je veux enfin mentionner les quelque vingt auditions organisées par notre rapporteure, Mme Christine Boutin, en association avec le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Bignon, et celui de la commission des lois, M. Fenech. Ces nombreuses auditions ont permis d’entendre les parties prenantes de la politique du logement, dans toute leur diversité.

Tous ces éléments attestent la qualité du travail d’étude préalable et du climat de bonne entente qui a régné entre nous.

M. Jean-Louis Idiart. Comme c’est beau !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Soyons constructifs, écoutons-nous et oublions la politique politicienne.

Mme Martine Billard. Oh ! Oh !

Mme Annick Lepetit. C’est vous qui dites cela ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Autant dire que le renvoi en commission n’est pas opportun. Commençons au contraire l’examen des articles et des amendements dans cet esprit de concorde : la cause le mérite bien.

M. Yves Bur. Voilà ! Soyons tous réunis ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. De mon point de vue, ce texte constitue en effet un grand pas en avant dans la lutte contre l’exclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UMP.

M. Michel Piron. J’avoue avoir toujours beaucoup de mal à comprendre certaines objections.

Mme Annick Lepetit. Vous ne faites pas beaucoup d’efforts !

M. Michel Piron. En ce qui concerne le calendrier, si les problèmes sont urgents, pourquoi déplorer qu’on les traite aujourd’hui ? Je ne comprends toujours pas pourquoi ce qui est urgent devrait être indéfiniment reporté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais peut-être cette logique est-elle trop simple…

M. Jean-Louis Idiart. On aurait aimé vous voir l’appliquer plus tôt !

M. Michel Piron. Pourquoi maintenant et pas en 2004 ? On a déjà répondu abondamment à cette question… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez M. Piron s’exprimer.

M. Michel Piron. La relance du logement ne se fait ni en un jour, ni en un an :…

Mme Annick Lepetit. Encore moins en deux mois !

M. Michel Piron. …cela a été très bien rappelé par quelques-uns des intervenants socialistes, notamment M. Néri.

Je rappelle aussi que le nombre de logements financés dans le cadre des PLUS et des PLAI était d’environ 38 000 en 2000,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et en 2001 ?

M. Michel Piron. ... de 47 651 en 2001, de 44 000 en 2002, d’un peu plus de 43 000 en 2003, de 53 000 en 2004 et de 58 780 en 2006. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) L’effet des décisions se faisant sentir au bout de deux ou trois ans, on voit bien que celles prises en 2000 ont eu des conséquences jusqu’en 2002 et 2003, avant que le temps de la relance ne fasse à nouveau progresser la courbe. Ainsi, nous pouvons enfin, et de manière réaliste, répondre à un certain nombre de priorités. Certes, toutes les demandes ne sont pas satisfaites : il manque quelque 800 000 logements, dont probablement 400 000 logements sociaux. Mais, je le répète, au moins sommes-nous désormais en mesure de répondre aux priorités définies par l’article 2 du projet de loi et de tenir nos promesses.

J’entends par ailleurs les accusations étranges dont font l’objet les PLS. Tous les demandeurs de logement ne sont pourtant pas logés à la même enseigne : il existe des plafonds de ressources différents. Il est heureux que nous répondions également aux demandes de logements intermédiaires, car si celles-ci n’étaient pas satisfaites, elles accroîtraient d’autant le nombre de demandes – et donc le déficit – de logements sociaux. Les PLS répondent-ils à une vraie demande ? Oui, car les logements acquis grâce à eux sont occupés : c’est donc autant de logements libérés pour les plus démunis de nos concitoyens.

Mme Annick Lepetit. Cela dépend où !

M. Michel Piron. Vous savez que c’est globalement vrai, madame Lepetit. Or, à vous entendre, l’immense majorité des logements construits au cours de ces dernières années ne répondraient guère aux besoins ni aux demandes. En ce cas, ils seraient tous vacants ! Soyons sérieux, reconnaissons que ce n’est pas le cas. Sur l’ensemble du parc de logements – environ 32 millions –, 2 % à peine sont vacants, ce qui équivaut à environ 600 000 logements, lesquels sont loin d’être tous en état. Bref, c’est là un mauvais procès. Pour répondre à la diversité des situations, nous avons besoin de toute la gamme des logements.

J’en viens enfin aux engagements financiers, qui constituent la meilleure preuve de la crédibilité de la politique que nous soutenons. Ces engagements, dit-on, ne seraient pas au rendez-vous. Soyons sérieux, là encore : la programmation de 2007 à 2009, approuvée par le ministre lors du débat au Sénat, devrait entraîner un surcroît de dépenses d’environ 850 millions d’euros. Les comptez-vous pour rien ?

Mme Annick Lepetit. Pourquoi avoir attendu 2007 ?

M. Michel Piron. L’indexation de 2,8 % de l’aide personnalisée au logement a été appliquée au 1er janvier.

Mme Annick Lepetit. Oui ! Au 1er janvier 2007 !

M. Michel Piron. Faut-il vous rappeler qu’un point d’indexation équivaut à 140 millions d’euros ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et alors ?

M. Michel Piron. Comptez-vous également ces nouveaux crédits pour rien ? Les moyens sont au rendez-vous aujourd’hui, alors qu’ils ne l’étaient pas lorsque vous étiez aux affaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n’y a eu que trois revalorisations depuis 2001 !

M. Michel Piron. Oui, madame Lepetit, nous soutenons une politique du logement tournée en priorité vers les plus fragiles d’entre nous. Nous voterons donc les moyens considérables qui lui sont consacrés. C’est une raison amplement suffisante pour ne pas différer ce débat si urgent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Frédéric Dutoit. Je ne reprendrai pas les arguments avancés par Mme Lepetit. Vous me donnez en revanche l’occasion, monsieur Piron, de répondre, non à l’intervention que vous venez de faire, mais à l’appel que vous avez lancé tout à l’heure : s’il y a une raison de renvoyer ce texte en commission, c’est bien, en effet, la nécessité d’être tous rassemblés sur une loi instituant le droit opposable au logement !

M. Michel Piron. J’en suis d’accord.

M. Denis Jacquat. Il n’y avait pas un député communiste présent en commission !

M. Frédéric Dutoit. Nous partageons l’objectif d’instituer un droit opposable au logement. Nous voulons donc réussir. Mais l’attitude de la majorité et de Mme la ministre me rend sceptique quant à la volonté de ne pas passer en force sur un projet de loi qui évacue l’essentiel de la question, à savoir assurer à tous, et sur l’ensemble de notre territoire, un droit réel au logement. Cette question doit aussi nous rassembler, sans quoi, nous le savons, ce projet de loi ne sera que poudre aux yeux – et le Front national, alors, se régalera ! Je vous tends donc la main afin qu’avant de nous engager dans la campagne électorale, nous donnions ce droit à l’ensemble du peuple français.

Nous avons entendu tout à l’heure des propos qui ne sont pas acceptables. Admettez que tout citoyen résidant en France, quelle que soit sa nationalité, et même s’il n’a pas de papiers, doit pouvoir bénéficier du droit au logement. À défaut, ses conditions de vie dans notre pays ne pourront que s’aggraver.

Pour toutes ces raisons, pour vous tendre la main afin que ce projet de loi puisse être voté par nous tous, le renvoi en commission serait opportun. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes au terme de cette première étape de la discussion, et j’espère que ce soir, à la reprise de nos travaux, nous aborderons les amendements.

Mme la présidente. Nous allons même entamer leur examen avant la fin de la séance. La décision est prise.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans ce cas, je vais user des armes qui nous appartiennent, car nous avons un petit problème. Il s’agit de la centaine d’amendements que nous n’avons pas pu examiner ce matin à la commission des affaires sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Denis Jacquat. Il n’y avait pas un seul député communiste et vous étiez le seul représentant de votre groupe ! Les socialistes ne viennent pas et il demandent le renvoi en commission !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qu’est-ce que cela signifie ? C’est incroyable ! Un député socialiste participe à la commission des affaires sociales, il examine avec les rapporteurs – ce qui est une tâche difficile en 17 minutes, 37 secondes, 4 dixièmes – …

M. Jean-Louis Dumont. C’est précis !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …des amendements émanant de tous les groupes, et on le lui reprocherait ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Il y en avait aussi du groupe socialiste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr. Mais je reviens à la motion de renvoi. Vous nous dites qu’il est urgent de faire cette loi, car des gens en ont besoin. Mais est-ce seulement maintenant que vous vous en rendez compte ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy. Vous n’allez pas nous faire la morale, tout de même !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si c’est le cas, Annick Lepetit a eu raison de dire que les Enfants de Don Quichotte, à quelques semaines des échéances électorales avaient réussi à vaincre votre surdité, j’ajouterai même votre cécité !

Si vraiment vous justifiez l’urgence par la crise du logement et de l’hébergement, par le nombre de gens qui sont sans domicile fixe depuis des années, alors qu’on l’inscrive au Journal officiel à l’attention de tous les Français, car cela fait cinq ans que vous êtes aux affaires !

Quant aux arguments que vous avancez sur la nécessité d’avoir des éléments d’informations sur lesquels fonder la loi, je rappelle que le premier rapport du Haut comité qui évoquait l’opposabilité du droit au logement date de 2002 !

Mme Annick Lepetit. Absolument !

M. Lucien Degauchy. Et vous, qu’avez-vous fait ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Depuis, tous les rapports, sans exception, du Haut comité ont repris cette proposition. Mieux encore : en 2004, le Conseil économique et social a déposé un rapport qui concluait également à la pertinence du droit au logement opposable ; la Fondation Abbé-Pierre a déposé chaque année depuis 2003 des rapports annuels qui, avec la FNARS, l’UNIOPSS et l’ensemble des associations, posaient aussi le problème de l’opposabilité.

M. Yves Bur. C’est le procès des années Jospin que vous faites !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est pour cela, mes chers collègues, que j’avais déjà déposé en 2004 des amendements sur la loi de cohésion sociale. Il ne s’agissait pas de défendre en mon nom je ne sais quel projet mais de me faire l’écho de ce que disaient les acteurs du logement social. Mme Boutin, qui est l’auteur d’amendements semblables et d’une proposition de loi sur la question, s’est, elle aussi, inspirée de ces travaux. N’invoquez donc pas l’urgence d’un problème qui dure depuis des années et que vous n’avez pas su voir, ni la difficulté à élaborer un dispositif que les acteurs concernés avaient préparé depuis longtemps !

J’irai plus loin : l’improvisation dont a fait montre le Gouvernement lui a fait commettre l’erreur de préparer un premier texte, en décalage complet avec le travail du Haut comité. À cet égard, demandons-nous d’ailleurs non pas quand le Haut comité a déposé son rapport officiellement, devant les caméras, mais à quel moment il l’a porté à la connaissance du Premier ministre et du Gouvernement : ce n’était certainement pas le 31 décembre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tant mieux, donc, s’il s’agit de répondre au problème qu’ont mis en lumière les Enfants de Don Quichotte, mais si nous demandons le renvoi en commission, c’est que nous aurions souhaité être associés, pour sa pertinence juridique et sociale, à la construction de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je suis membre du Haut comité…

M. Jean-Pierre Dufau. À quel titre intervient-il ? Nous sommes dans les explications de vote !

Mme la présidente. Monsieur Dufau, c’est moi qui suis chargée de la police dans l’hémicycle. J’ai donné la parole à M. Bignon simplement pour qu’il nous éclaire sur une date.

M. Jérôme Bignon. Je trouve extraordinaire que M. Le Bouillonnec qui, à ma connaissance, n’a jamais participé aux travaux du Haut comité, refasse l’histoire telle qu’elle ne s’est pas passée. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont et Mme Annick Lepetit. Scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas parce que je n’y participe pas que je n’en prends pas connaissance !

Mme la présidente. Dans ces conditions, nous allons passer au vote !

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Rappels au règlement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Sur le fondement de quel article ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je considère que le fait de reprocher à un député d’invoquer un rapport du Haut comité simplement parce qu’il n’en est pas membre est indigne d’un rapporteur ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne suis membre ni du Conseil constitutionnel, ni du Conseil d’État, ni du Conseil économique et social, ni du Conseil national des villes, …

M. Jean-Pierre Soisson. Heureusement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …mais admettez quand même qu’un député puisse prendre connaissance des rapports de ces institutions quand ils sont publiés – celui dont nous parlons l’a été en 2002 – et ait pu s’appuyer sur ces réflexions pour déposer dès 2004, au nom de son groupe, des amendements sur le droit au logement opposable.

Le débat que nous entamons peut être extrêmement intéressant.

Mme la présidente. Oui, pourvu qu’on se calme !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais nous ne pourrons le mener de façon responsable si, sous prétexte que nous sommes dans l’opposition, on oppose à chaque argument, éventuellement pertinent, que nous avançons, notre incompétence ou notre inaptitude.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas parce que vous êtes dans l’opposition, c’est parce que vous dites des contrevérités !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans le domaine du logement, il y a des théoriciens et des acteurs ; j’ai la prétention, comme beaucoup de mes collègues, de faire partie des seconds. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.). Qu’on m’autorise donc, bien que député de l’opposition depuis une législature seulement, à livrer mon expertise.

Madame la présidente, je demande une suspension de séance pour que mon groupe puisse décider des conditions dans lesquelles il poursuivra le débat.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Ce débat mérite un autre ton, car le logement est un problème grave. Il y a une crise du logement, c’est vrai. Mais d’où vient-elle ? Que s’est-il passé entre 1997 et 2002 ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) J’étais maire à l’époque et mes souvenirs sont précis. Cessez de vociférer !

Mme Annick Lepetit. Cessez de faire croire que tous les problèmes sont apparus à cette époque !

M. Marc Laffineur. Vous avez fait voter la loi SRU, qui a entraîné partout une révision des plans d’occupation des sols et bloqué la construction pour plusieurs années. Nous avons alors pris un retard considérable. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy. Écoutez-le. Il a raison !

M. Marc Laffineur. Depuis 2002, nous assistons en revanche à une reprise importante, et les constructions s’accélèrent à un rythme inégalé depuis vingt ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Essayons donc de débattre avec calme et efficacité. Il est urgent de légiférer pour redonner espoir à des millions de Français. Pour cela, c’est dans la sérénité que nous devons aborder ce projet de loi.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3656, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale :

Rapport, n° 3671, de Mme Christine Boutin, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 3675, de M. Jérôme Bignon, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3685, de M. Georges Fenech, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)