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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 22 février 2007

149e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CHRISTOPHE LAGARDE

1. Protection de l'enfance. – Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (nos 3683, 3687)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, suppléant Mme Valérie Pecresse, rapporteure.

discussion générale

MM.  Patrick Braouezec,

Pierre-Louis Fagniez,

Lilian Zanchi,

Jean-Pierre Soisson.

Clôture de la discussion générale.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

discussion des articles

Article 1er bis, 4 ter, 5, 19, 20, 22, 23, 25 et 27. – Adoptions (p.

vote sur l’ensemble (p.

Adoption de l’ensemble du projet de loi.

M. le ministre.

2. Préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur. – Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (nos 3607, 3688)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

discussion générale (p.

MM.  Patrick Braouezec,

Pierre-Louis Fagniez,

Jean-Marie Le Guen.

Clôture de la discussion générale.

discussion des articles

Article 1er – Adoption (p.

Article 2 (p.

Amendements nos 13 et 1 : MM. le rapporteur, Jérôme Bignon. – Retrait de l’amendement n° 1.

MM. le ministre, Guy Geoffroy. – Adoption de l’amendement n° 13.

Amendement n° 14 : MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Marie Le Guen. – Adoption.

Amendement n° 2 : M. Jérôme Bignon. – Retrait.

Amendement n° 15 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 10 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 11. – Adoption.

Amendement n° 12. – Adoption.

Amendement n° 3. – Adoption.

Amendement n° 4. – Adoption.

Amendement n° 5 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 6. – Adoption.

Amendement n° 7. – Adoption.

Amendement n° 8. – Adoption.

Amendement n° 9 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l’article 2 modifié.

Article 3 à 12. – Adoptions (p.

explication de vote (p.

MM. Jérôme Bignon.

vote sur l’ensemble (p.

Adoption de l’ensemble de la proposition de loi.

M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance (p.

3. Modernisation de la diffusion audiovisuelle et télévision du futur. – Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 3684)

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur de la commission mixte paritaire.

discussion générale

MM.  Patrick Braouezec,

Dominique Richard,

Jean-Marie Le Guen,

Patrick Ollier.

Clôture de la discussion générale.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication.

texte de la commission mixte paritaire

Amendement n° 1. – Adoption.

Amendement n° 2. – Adoption.

vote sur l’ensemble

Adoption de l’ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements adoptés.

Suspension et reprise de la séance (p.

4. Prévention de la délinquance. – Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 3736)

M. Philippe Houillon, rapporteur de la commission mixte paritaire.

discussion générale

MM.  Patrick Braouezec,

Jérôme Bignon,

Jean-Pierre Blazy.

Clôture de la discussion générale.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire.

texte de la commission mixte paritaire

vote sur l’ensemble

Adoption de l’ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

Suspension et reprise de la séance (p.

5. Droit au logement opposable. – Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 3767)

Mme Christine Boutin, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

discussion générale

MM.  Jean-Yves Le Bouillonnec,

Patrick Braouezec,

Michel Piron,

Mme  Annick Lepetit.

Clôture de la discussion générale.

texte de la commission mixte paritaire

Amendement n° 3. – Adoption.

Amendement n° 1. – Adoption.

Amendement n° 2 : Mmes la ministre, la rapporteure. – Adoption.

vote sur l’ensemble

Adoption de l’ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements adoptés.

Mme la ministre.

M. le président.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CHRISTOPHE LAGARDE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

protection de l’enfance

Discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi réformant la protection de l’enfance (nos 3683, 3687).

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, suppléant Mme Valérie Pecresse, rapporteure.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, suppléant Mme Valérie Pecresse, rapporteure. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, mes chers collègues, je vous remercie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Valérie Pecresse, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui se trouve dans l'impossibilité de participer à l'ultime phase de l'adoption de ce projet de loi tant attendu. Elle en est d'autant plus désolée que son implication a été totale au cours du long travail effectué pour mener à bien la réforme de la protection de l'enfance, qu'il importe maintenant d'adopter définitivement.

Le projet de loi, monsieur le ministre, ayant été inscrit très tardivement à l’ordre du jour, elle m’a demandé de vous faire part de ses regrets de n'avoir pu présenter des amendements qui auraient permis d'améliorer la rédaction du texte, notamment à l'article 1er, pour préciser certains aspects de la réorganisation des services de la protection maternelle et infantile et à l'article 5, relatif à la distinction entre protection administrative et protection judiciaire des mineurs en danger.

Je salue le travail de la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant, créée par notre assemblée à l'initiative du président Jean-Louis Debré et dont Valérie Pecresse était la rapporteure. Pendant près d'un an, elle a mené sans tabou une réflexion approfondie sur l'évolution de la famille avec, comme fil conducteur, le seul intérêt de l'enfant. Ce travail a débouché, notamment, sur le texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture.

Sur les trente articles que comporte le projet de loi après deux lectures au Sénat et une à l'Assemblée, trois articles ont été introduits par la Haute assemblée – dont celui créant le fonds national de financement de la protection de l'enfance – et seize l'ont été par notre assemblée, essentiellement pour prendre en compte les travaux de la commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs. Un important travail d'amélioration du texte initial a donc été effectué par le Parlement.

En deuxième lecture, le 12 février dernier, le Sénat a adopté neuf amendements, et il reste aujourd'hui neuf articles en discussion.

Les modifications apportées par le Sénat sont, à une exception près, conformes aux objectifs généraux du texte et notamment à l'objectif principal qui est de combler les failles nombreuses existant dans notre système de protection de l'enfance.

La commission des affaires sociales a, lors de sa réunion du 13 février, adopté le projet de loi issu des travaux du Sénat sans modification, la rapporteure ayant retiré deux amendements pour permettre l'adoption conforme de ce texte avant le terme de la législature.

Néanmoins, je souhaite revenir sur quelques-uns des articles restant en discussion.

Tout d'abord, je salue l'adoption par le Sénat de l'article 4 ter, qui donne la possibilité à tout mineur en âge de discernement de former une demande d'accès aux origines personnelles, avec l'accord de ses représentants légaux. Ce droit personnel de l'enfant n'existait pas jusqu'alors, et notre commission avait accepté en première lecture un amendement identique que l'Assemblée avait finalement rejeté en séance.

S'agissant de l'article 5, qui réforme le dispositif départemental de signalement des enfants en danger, en créant au sein du département une cellule de recueil des informations préoccupantes, et énumère les cas dans lesquels la protection administrative doit céder le pas à la protection judiciaire, une divergence importante est apparue avec le Sénat sur ce dernier point.

L'Assemblée avait adopté un amendement de la commission, visant à mieux définir trois cas dans lesquels l'autorité judiciaire doit obligatoirement être saisie : premièrement, le danger grave et manifeste, telle que la situation d'un enfant battu ou victime de sévices sexuels, qui interdit toute possibilité de mesure sociale et exige une décision judiciaire dans les plus brefs délais ; deuxièmement, le danger au sens de l'article 375 du code civil, c'est-à-dire la situation qui menace la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation du mineur, alors que les mesures administratives n'ont pas permis de remédier à la situation ; troisièmement, la présomption d'un danger de même nature que le précédent, alors qu'il est impossible aux services sociaux d'évaluer la situation ou que la famille refuse ou se trouve dans l'impossibilité de collaborer avec ces services.

Le Sénat a considéré qu'il n'était pas aisé de distinguer les cas de danger « grave et manifeste » des cas de danger « normal », au sens de l'article 375 du code civil, et que l'introduction de cette nouvelle notion risquait de compliquer la tâche des services sociaux. Je tiens à préciser que l'amendement de la commission avait été préparé en accord avec les professionnels de la protection de l'enfance.

Le Sénat a donc adopté une nouvelle rédaction de l'article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles, qui distingue le cas des enfants connus et déjà suivis par le service social et pour lesquels les mesures mises en œuvre se révèlent insuffisantes et le cas des enfants inconnus des services sociaux, si la mise en œuvre des mesures administratives est impossible faute d'accord des parents ou lorsqu'il y a présomption de danger, s'il est impossible d'évaluer la situation.

En ne retenant pas la situation de danger grave et manifeste, qui peut déboucher sur des poursuites pénales et qui exclut par nature toute espèce de consentement des parents pour la mise en œuvre d'une protection administrative, le Sénat ne formule pas dans cet article la liste exhaustive des différentes situations qui conduiront le président du conseil général à saisir le juge. Pourtant, l'objectif fondamental du projet de loi est précisément de clarifier et de préciser le partage des responsabilités entre autorité administrative et autorité judiciaire, afin de resserrer le filet de protection autour des enfants en danger.

Il est regrettable qu'aucun compromis n'ait pu être trouvé entre les deux assemblées pour améliorer la rédaction du premier cas de saisine obligatoire. Si on peut admettre que la notion de danger grave et manifeste – c'est-à-dire un danger pouvant mettre en péril la vie de l'enfant – n'est pas la plus opérante, il reste essentiel de permettre aux professionnels, comme à toute personne confrontée à une telle situation, de savoir clairement quelle conduite tenir.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure proposant de revenir à la rédaction de l'Assemblée ; mais, constatant que cela risquait de compromettre l'adoption définitive du projet de loi aujourd'hui même, Mme Pecresse a accepté de retirer son amendement. C’est un point, monsieur le ministre, sur lequel il faudra que vous nous donniez votre point de vue.

Les autres amendements adoptés par le Sénat vont dans le bon sens. À l'article 19, relatif aux sanctions applicables à la pédopornographie sur Internet, le Sénat a supprimé le deuxième alinéa, qui s'efforçait de définir l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique. Il est en effet préférable de laisser à la jurisprudence le soin d'élaborer cette définition au cas par cas.

Le Sénat a également précisé la rédaction de l'article 20, qui offre aux femmes enceintes la possibilité de reporter après la naissance de l'enfant une partie du congé de maternité.

Parmi les articles adoptés par l'Assemblée nationale à la lumière des travaux de la commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire, figure l'article 22. Cet article n'autorise l'instruction à domicile, permise par le code de l'éducation, que si les enfants sont issus au plus de deux familles, afin d'éviter le détournement, par des associations sectaires, de cette liberté offerte aux familles. Le Sénat s'est montré encore plus restrictif, en limitant cette possibilité à une seule famille, s'en tenant ainsi à une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1903.

À l'article 23, l'Assemblée avait proposé de compléter l'article L. 444-5 du code de l'éducation, relatif à la qualification des directeurs des organismes privés d'enseignement à distance, en énumérant les diplômes et les qualifications requis pour cette activité. Le Sénat a considéré qu'il était préférable de renvoyer à un décret la définition de ces conditions.

L'article 25 fixe la liste des condamnations et interdictions entraînant l'incapacité d’exercer des fonctions de direction au sein d'un organisme de soutien scolaire. Le Sénat a étendu les interdictions et les sanctions prévues aux personnels enseignants de ces organismes.

Enfin, l'article 27 détermine les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations vaccinales prévues par la loi. Le Sénat a maintenu le principe posé par l'Assemblée nationale, mais a introduit la possibilité de se soustraire à l'obligation vaccinale en cas de contre-indication médicale reconnue, ce qui est déjà le cas pour le BCG et le vaccin contre la poliomyélite.

Voici donc l'aboutissement d'un long et remarquable travail parlementaire sur un problème dont l'actualité reste malheureusement brûlante, si l'on en juge par les nombreux drames de l'enfance maltraitée. Il faut donc d'urgence fournir de nouveaux outils aux professionnels de l'enfance, tant pour la prévention que pour le signalement et le traitement de la maltraitance.

D'ailleurs, au-delà de la détection de la maltraitance, l'objectif est d'épauler les familles, lorsqu'elles sont confrontées à des difficultés éducatives et relationnelles, et de diversifier les formes de prise en charge et de soutien qui peuvent leur être proposées.

C'est pourquoi, même s'il comporte encore des imperfections,…

M. Patrick Braouezec. Eh oui !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur suppléant. …la commission des affaires culturelles, familiales et sociales vous invite à adopter ce projet de loi sans modification. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Braouezec, premier orateur inscrit.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, je tiens, au terme de nos débats, à saluer l'esprit constructif qui y a présidé, dans le souci de l'intérêt supérieur des enfants. Il faut bien le rappeler : la protection de l'enfance et de l'adolescence concerne directement ou indirectement environ 10% de la population française. En 2004, 263 000 enfants ont été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, dont 100 000 en action éducative à domicile et 150 000 placés.

Les conseils généraux gèrent effectivement depuis 1986 les compétences de protection de l'enfance. Ils y consacrent des sommes importantes, en constante évolution, exercent cette mission par l'action de personnels qualifiés au sein d'équipes pluridisciplinaires et accordent des aides financières aux parents en difficulté pour l'éducation de leurs enfants.

Face à cette situation, des décisions ont été prises au niveau national. La protection de l'enfance a, en effet, connu des avancées : dans les modalités d'intervention –plus respectueuses des droits des personnes –, dans les formes de soutien aux parents et dans la lutte contre la maltraitance.

J'ai quand même quelques regrets. Je déplore notamment que la précipitation vous ait conduit, monsieur le ministre, à rejeter la proposition de créer une délégation aux droits de l'enfant.

Une divergence importante s'est exprimée en deuxième lecture au Sénat sur la rédaction du troisième alinéa de l'article 5, relatif au signalement des mineurs en danger, et sur la définition adoptée par l'Assemblée des cas dans lesquels l'autorité judiciaire doit obligatoirement être saisie.

L'Assemblée avait modifié la rédaction de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles, en distinguant clairement trois cas de saisine obligatoire du juge : le danger grave et manifeste, telle que la situation d'un enfant battu ou victime de sévices sexuels, qui interdit toute possibilité de mesure sociale et exige une décision judiciaire dans les plus brefs délais ; le danger au sens de l'article 375 du code civil, c'est-à-dire une situation qui menace la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation du mineur alors que les mesures administratives n'ont pas permis de remédier à la situation ; enfin, la présomption d'un danger de même nature que le précédent, alors qu'il est impossible aux services sociaux d'évaluer la situation ou que la famille refuse ou se trouve dans l'impossibilité de collaborer avec ces services.

Le Sénat n'a pas repris ce dispositif, considérant qu'il ne serait pas aisé de distinguer les cas de danger « grave et manifeste » des cas de danger « normal », au sens de l'article 375 du code civil, et que l'introduction de cette nouvelle notion risquait de compliquer la tâche des services sociaux, alors que ces derniers sont demandeurs de la prise en compte de ce type de situation. Il a en conséquence adopté une nouvelle rédaction de l'article L. 226-4, qui distingue le cas des enfants connus et déjà suivis par le service social et pour lesquels les mesures mises en œuvre se révèlent insuffisantes et le cas des enfants inconnus, si la mise en œuvre des mesures administratives s'avère impossible, faute d'accord des parents, ou lorsqu'il y a présomption de danger s'il est impossible d'évaluer la situation.

En ne retenant pas la situation de danger grave et manifeste, qui peut déboucher sur des poursuites pénales et exclut par nature toute mise en œuvre d'une protection administrative, le Sénat ne formule pas dans cet article la liste exhaustive des différentes situations qui conduiront le président du conseil général à saisir le juge. Cela contredit l'objectif fondamental du projet de loi, qui est précisément de clarifier et de préciser le partage entre autorités administrative et judiciaire afin de resserrer le filet de protection autour des enfants en danger.

Au rebours de vos propositions floues et sujettes à caution – et ces divergences en sont la preuve –, afin de permettre un diagnostic partagé des situations individuelles et des prises de décisions administratives et judiciaires cohérentes, comprises par les parents, les enfants et les professionnels, nous demandons que la loi définisse clairement le danger en établissant des référentiels servant de base aux évaluations et aux décisions.

Par ailleurs, le Sénat a supprimé le deuxième alinéa de l'article 19 relatif aux sanctions applicables à la pédopornographie sur Internet, qui s'efforçait de définir l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique, considérant qu'il est préférable de laisser à la jurisprudence le soin d'élaborer cette définition au cas par cas. Cette modification est aussi regrettable.

Par ailleurs, l'article 20, introduit par l'Assemblée nationale à la suite du vote d'un amendement déposé en séance publique, offre aux femmes enceintes la possibilité de reporter après la naissance de l'enfant une partie du congé de maternité. Le Sénat a ajouté un alinéa précisant que, lorsque la salariée a fait usage de son droit de reporter après la naissance de l'enfant une partie du congé auquel elle peut prétendre et qu'elle se voit prescrire un arrêt de travail pendant la période antérieure à la date présumée d'accouchement, celui-ci est annulé et la période de suspension du contrat de travail est décomptée à partir du premier jour de l'arrêt de travail. La période initialement reportée est réduite d'autant. Une fois encore, je tiens à exprimer mon étonnement devant cette réflexion hâtive sur le congé de maternité, au détour d'un texte quelque peu éloigné du sujet, vous en conviendrez.

Je sais bien que cette loi ne pouvait pas traiter toutes les questions, mais je tiens quand même à rappeler l'ambition qui doit être la nôtre en matière de protection de l'enfance : celle-ci ne peut pas faire l'économie des problèmes de logement, de santé ou d'exclusion, dont l'incidence est indéniable sur la situation des enfants.

Toutes les solidarités sont mises à mal. Pour notre part, l'urgence pour améliorer la protection de l'enfance est de diminuer la maltraitance sociale, qui est un facteur aggravant de danger pour les enfants.

Je regrette aussi qu'on n'ait pas avancé davantage sur la question des mineurs demandeurs d'asile – pour ne citer qu’un seul exemple – qui aurait mérité un engagement beaucoup plus ferme de la part du Gouvernement.

Mais la plus grande incertitude concerne les moyens : seront-ils suffisants pour rendre ces mesures effectives ? On a souligné notamment la disparité qui existe entre les départements en termes de besoins. Il ne suffit pas en effet de voter les lois : encore faut-il avoir les moyens de les appliquer.

Je rappelle que certaines dépenses sont aujourd'hui imputées aux départements, en particulier le financement du RMI. Or bien qu'on nous ait promis que ces dépenses seraient compensées, l'État doit encore au seul département de la Seine-Saint-Denis – que je connais bien – 50 millions d'euros au titre du RMI. À cela, s'ajouteront la compensation du handicap et les moyens nécessaires pour répondre aux besoins de formation du personnel. Je crains que toutes ces dispositions ne viennent encore alourdir la fiscalité locale. À cet égard, je souhaite réellement que l'on tienne compte, lors des discussions budgétaires à venir, des textes que nous adoptons et qui, parfois, faute de moyens, ne peuvent être mis en pratique.

Malgré des avancées non négligeables et bien que j’aie obtenu satisfaction sur certains amendements, ce texte me laisse encore, outre les incertitudes que je viens d’évoquer, un sentiment de déception.

Le groupe communiste et républicain ne s'opposera donc pas à ce texte, mais il s'abstiendra.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.

M. Pierre-Louis Fagniez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une certaine émotion que je m'exprime, au nom du groupe UMP, sur ce texte, l'un des derniers de cette législature, mais sans doute l'un des plus importants, l'un des plus forts sur le plan des principes.

Je tiens tout d'abord, monsieur le ministre, à rendre hommage à la ténacité dont vous avez fait preuve, malgré les obstacles – toujours nombreux –, malgré un calendrier parlementaire chargé et écourté, ténacité qui doit aujourd'hui nous permettre de mener à bien cette réforme, tant attendue par les professionnels de la protection de l'enfance.

Je sais combien Mme Valérie Pecresse, rapporteure de ce texte, y est attachée. Et pour cause : ce projet de loi s'inspire très largement des propositions de la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant dont elle était rapporteure et dont le travail remarquable a été unanimement salué. Oui, je crois pouvoir le dire, nous sommes heureux que cette réforme, qui fait suite à de terribles drames – drames de la maltraitance, drames de la pédophilie – dont les seuls noms d'Outreau et de Drancy suffisent à évoquer l'horreur et l'indicible, soit aujourd'hui sur le point d'être adoptée définitivement. Au-delà de ces affaires très médiatisées, ce sont, comme l’a dit M. Braouzec, près de 19 000 enfants, dont personne ne parle mais qui, chaque année, souffrent en silence et sont victimes de mauvais traitements.

Ce texte est d'abord une réponse aux drames de la maltraitance et de la pédophilie ; il est aussi une réponse au problème de l'isolement social et de l'éclatement accru des familles que nous observons ces dernières décennies. Réponse d'urgence donc, mais aussi réponse de fond à une évolution profonde de notre société. Notre dispositif de la protection de l'enfance a des failles ; à nous, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, de « resserrer les mailles du filet ».

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Absolument !

M. Pierre-Louis Fagniez. Cette réforme est maintenant attendue par les professionnels de la protection de l'enfance : il importe de ne pas les décevoir.

Le premier axe du projet renforce la prévention. Certes, il convient de rappeler le rôle majeur que jouent aujourd'hui les départements dans le domaine social – je pense notamment à la mission d'aide sociale à l'enfance, qui relève de leur compétence depuis 1984. L'effort financier des conseils généraux a été multiplié par deux en vingt ans, pour atteindre un peu plus de 5 milliards d'euros en 2005. Néanmoins, la part consacrée dans ce budget à la prévention reste modeste, autour de 4 %. Ce constat ne s’adresse pas à la seule protection de l'enfance ; il vaut pour tout notre système de soins, qui a encore trop tendance à se polariser sur le curatif au détriment du préventif. Je sais, monsieur le ministre, l'action déterminée que vous menez aux côtés de Xavier Bertrand pour inverser cette tendance. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui va pleinement dans ce sens. Il comporte de réelles avancées, avec la mise en place d'un entretien psychosocial au quatrième mois de grossesse ou encore d'actions de suivi des parents en période post-natale. Notre assemblée, suivant les propositions de Valérie Pecresse, a souhaité aller plus loin et nous pouvons nous en féliciter : le texte prévoit désormais l'instauration de visites médicales obligatoires au cours des sixième, neuvième, douzième et quinzième années de l'enfant. C'est une disposition essentielle, qui doit permettre de mieux suivre les enfants à des âges critiques.

Le deuxième point concerne une meilleure organisation du signalement : c’est le cœur du projet de loi. Le texte vise à conforter le rôle du président du conseil général comme chef de file de la protection de l'enfance dans le département. Pour ce faire, il prévoit la mise en place d'une cellule de signalement des enfants en danger, placée sous son autorité. Le projet de loi permet également une meilleure articulation entre protection administrative et protection judiciaire de l'enfance. Tous ces éléments vont dans le bon sens ; ils doivent permettre sur le terrain un meilleur partage des rôles entre administratif et judiciaire et un meilleur partage des informations entre les différents professionnels de la protection de l'enfance. C'est précisément ce croisement d'informations, dans un cadre bien défini, qui doit permettre de resserrer les mailles du filet.

Le troisième volet de ce texte concerne la diversification des modes de prise en charge. Il est en effet important d’offrir une alternative au maintien à domicile ou au placement en établissement. Le texte permettra désormais une prise en charge plus adaptée à la situation de chaque enfant et de chaque famille grâce à la mise en place de dispositifs innovants, prise en charge qui va de l'accueil de jour à l'accueil d'urgence. Ce besoin, exprimé par l'ensemble des professionnels, sera ainsi satisfait.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, il s'agit davantage d'une réforme d'organisation que d'une réforme de moyens – car elle ne coûte pas cher. Néanmoins, face aux inquiétudes de nombreux conseillers généraux – étant moi-même conseiller général, je les connais bien – vous avez souhaité introduire un mécanisme de compensation financière au profit des départements, et nous vous en remercions. Le texte prévoit ainsi la mise en place d'un fonds national de financement de la protection de l'enfance, alimenté par les crédits de l'État et par une contribution de la Caisse nationale d'allocations familiales. Il est important, monsieur le ministre, que ce financement soit, non seulement à la hauteur des besoins, mais aussi assuré dans le temps. J'espère que vous pourrez nous apporter quelques assurances sur ce point. Il en va de la crédibilité de cette réforme, mais aussi de son succès sur le terrain. À cet égard, le bilan de la cellule de signalement, qui sera réalisé deux ans après la promulgation de la loi, est une garantie pour les élus. Il sera examiné avec la plus grande vigilance par le Parlement.

Ce projet de loi, qui comportait initialement seize articles, en comporte aujourd'hui plus du double : il a, en effet, été enrichi de nombreuses dispositions, fruit du travail mené au cours de cette législature par plusieurs de nos collègues

Il s'agit d'abord de la mission d’information sur la famille et les droits de l'enfant, à laquelle j'ai eu le privilège de participer avec nombre de nos collègues. Sous l'impulsion de Valérie Pecresse et sous la présidence de Patrick Bloche, nous avons beaucoup travaillé et nous avons, je crois, progressé sur nombre de sujets. Ces travaux ont été unanimement salués et reconnus. Nous pouvons nous réjouir que plusieurs des propositions figurant dans ce rapport aient été introduites dans le texte. Nous pouvons en être fiers, collectivement, car il est le résultat du travail mené en commun. Je pense, par exemple, à la notion d'intérêt supérieur de l'enfant, qui doit guider toute politique en ce domaine, à l’application de la convention internationale des droits de l'enfant, au droit de chaque enfant à être entendu par la justice s'il le souhaite, ou encore au droit d'un enfant d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, et notamment ses grands-parents. Seul l'intérêt de l'enfant pourra désormais faire obstacle à l'exercice de ce droit.

Il s'agit ensuite des travaux de la commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, présidée par Georges Fenech. Là aussi, plusieurs des propositions de la commission ont trouvé une traduction dans ce texte et permettront de mieux protéger les enfants de l'influence de sectes.

Permettez-moi toutefois d'émettre un bémol : je regrette que le Sénat ait souhaité durcir la disposition figurant à l'article 22, en limitant l'instruction à domicile aux enfants « d'une seule famille ».

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je le regrette également.

M. Pierre-Louis Fagniez. Je crois que la rédaction à laquelle nous étions parvenus à l'Assemblée nationale, qui limitait à « deux familles », était plus équilibrée.

M. Jean-Pierre Soisson. En effet !

M. Pierre-Louis Fagniez. Enfin, je tiens à saluer les mesures que vous nous avez proposées, monsieur le ministre, notamment l'assouplissement du congé de maternité, qui offre aux femmes enceintes la possibilité de reporter après la naissance de l'enfant une partie du congé de maternité. Au moment où notre rapporteure Valérie Pecresse vient de remettre au Premier ministre un rapport comprenant plusieurs propositions visant à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, cette mesure tombe à pic.

Je me réjouis enfin de l’amélioration du texte initial, que nous avons réalisé ensemble, avec nos collègues sénateurs. Au terme de ce travail, seuls neuf articles restent en discussion. Alors que les travaux de notre assemblée touchent à leur fin, il est important que cette réforme puisse être définitivement adoptée. C'est pourquoi, le groupe UMP votera ce texte sans modification. J'ai l'espoir que nous saurons, au-delà des bancs de l'UMP, nous retrouver plus largement autour de cette réforme importante qui doit nous permettre de renforcer, de moderniser, de rationaliser notre dispositif de la protection de l'enfance. Les débats constructifs et consensuels, dans cet hémicycle comme au Sénat, l'ont montré, et je m'en félicite.

Nous vous renouvelons, monsieur le ministre, notre confiance pour, dans le temps qui reste, mettre en œuvre ce texte, mobiliser les acteurs de terrain autour de cette réforme, afin que jamais, plus jamais, nous n'ayons à connaître des drames de la nature et de l'ampleur de ceux que nous avons connus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Un beau geste ! Votez le texte !

M. Lilian Zanchi. Dès le début de la discussion de ce projet de loi sur la protection de l’enfance, monsieur le ministre, vous avez dit que vous souhaitiez un vote conforme avec le Sénat, nous privant de fait, avec votre majorité, d’une discussion sur le fond en deuxième lecture, puisque même les deux amendements déposés par la rapporteure ont été rejetés par la commission. Il est vrai qu’en ce dernier jour de séance, sans vote conforme, il ne peut y avoir d’adoption de votre projet de loi.

Lors de la première lecture et pendant la discussion préalable en commission, le groupe socialiste vous a proposé des amendements. Vous en avez accepté certains et nous vous en remercions. Mais ce texte reste insuffisant face aux enjeux, aux défis que nous impose la protection de l’enfance.

Que devons-nous répondre aux 270 000 enfants actuellement pris en charge du fait d’une situation de danger ? Aux 80 000 nouveaux cas signalés en moyenne tous les ans depuis dix ans ? Aux 12,2 % de mineurs victimes d’actes de violence révélés par les enquêtes de victimation, et dont la plupart ne sont pas pris en charge par l’ASE ? Votre texte, monsieur le ministre, propose des avancées, mais est bien loin encore de répondre à ces enjeux.

Mme la rapporteure nous a proposé en première lecture, avec l’appui du Gouvernement, une définition floue de l’intérêt de l’enfant : « la prise en compte de ses besoins et le respect de ses droits ». Plusieurs députés, de gauche comme de droite, vous ont invité à revoir votre copie, en raison de la variété d’interprétations que pourraient en donner les juges. Il a notamment été proposé de faire référence à la notion de satisfaction des besoins physiques, intellectuels, affectifs et sociaux de l’enfant. En effet, nous savons tous que lorsqu’il y a carence des parents, il ne sert à rien de retenir la notion d’attachement parental, car l’enfant exprime son attachement aux personnes qui lui garantissent la santé, la sécurité, la moralité et l’éducation.

Mais Mme Pécresse nous avait répondu qu’il était « préférable que la notion d’intérêt de l’enfant se définisse au fil de la jurisprudence ».

La Cour de cassation vient d’estimer que l’adoption d’un garçon par la compagne de sa mère naturelle était contraire à « l’intérêt supérieur » de l’enfant. La semaine dernière encore, la cour d’appel d’Amiens avait donné un espoir aux associations en acceptant cette adoption.

Au regard de ces décisions, au regard de la position de Mme Pécresse et de celle du Gouvernement, le législateur ne peut pas laisser dans le flou la question de l’intérêt de l’enfant et, dans ce cas précis, celle des droits et devoirs que nous devons fixer pour les familles homoparentales. En effet, à partir du moment où on reconnaît la famille homoparentale comme une famille, elle doit avoir le droit de concevoir un projet familial. Si un homosexuel peut adopter seul, pourquoi un couple homosexuel ne pourrait pas le faire ? Nous devons franchir le pas de la reconnaissance de l’homoparentalité sur la base de la qualité du projet familial.

Votre texte ne répond pas à cette situation, laissant près de 30 000 enfants dans l’incertitude. De même, il n’apporte pas de réponse claire aux 1,6 million d’enfants vivant dans des familles recomposées, faute de reconnaissance du rôle des personnes assurant l’éducation d’un enfant sans en être le parent biologique et sans pouvoir en être le parent adoptif. Ma collègue Patricia Adam vous l’a rappelé en première lecture.

Autre question sur laquelle vous n’avez pas voulu avancer malgré la décision particulièrement grave prise par la Cour de cassation le 10 octobre dernier : la kafala, qui concerne 300 enfants. Ce dispositif, en vigueur dans certains pays musulmans, permet que des enfants soient confiés à des tiers chargés de leur éducation, mais fait obstacle au prononcé d’une adoption simple en France. Il en résulte que ces enfants ne peuvent jouir des droits reconnus aux enfants adoptifs et que les personnes qui en assurent l’éducation et subviennent à leurs besoins ne peuvent non plus disposer des prérogatives d’autorité parentale. Soulignons par ailleurs que la kafala concerne parfois des enfants français ; les positions prises à leur sujet par certaines juridictions sont alors d’autant moins admissibles. En tant que ressortissants français, ils doivent se voir appliquer les règles de notre droit, celles d’un État laïc. Notre proposition visait donc à rendre possible l’adoption simple des enfants sous kafala, ou, à défaut, à aligner leurs droits et ceux des personnes auxquelles ils sont confiés sur ceux des enfants et des adoptants ayant accompli les formalités d’une adoption simple. J’ai eu l’occasion, lors d’un déplacement fin janvier en Algérie, de m’entretenir de ce sujet avec Mme Djaffer, ministre de la famille et de la condition féminine. Je peux vous assurer que nous pouvons aborder la question très simplement, dans le respect des croyances des uns et des autres, et qu’un dialogue peut s’instaurer, sur ce sujet comme sur bien d’autres, avec nos amis Algériens.

Vous aviez promis le 10 janvier, monsieur le ministre, en accord avec le garde des sceaux, de mettre en place, « dès la semaine prochaine », un groupe de travail chargé de rechercher ce qui, je vous cite encore, « permettrait, dans l’immédiat, de faciliter la vie des enfants concernés ». Pouvez-vous nous dire, un mois après, quelles propositions vous ont été faites pour garantir l’intérêt supérieur des enfants ?

Enfin, le mode de financement institué par l’article 17 ne peut pas nous satisfaire, car il ne répond pas aux enjeux. Le fonds que vous avez créé sera abondé pour partie – 30 millions d’euros – par la branche famille de la sécurité sociale, par la voie de la CNAF et pour partie par l’État. Or nous ne connaissons toujours pas le montant de la participation de ce dernier, alors que vous avez vous-même, monsieur le ministre, estimé le coût d’application de votre projet de loi à 150 millions d’euros, et que 115 millions d’euros seront à la charge des conseils généraux.

Nous vous l’avons déjà demandé, mais comme il vous reste plus que deux mois à exercer vos fonctions, nous vous reposons la question : comment allez-vous financer ces mesures ? Par redéploiement de crédits ? Mais lesquels ? Avec des crédits nouveaux ? C’est le flou le plus complet. À moins qu’une fois de plus, le Gouvernement se décharge totalement sur les collectivités locales et en particulier sur les conseils généraux, qui devront supporter les errances financières du Gouvernement !

La dernière zone d’ombre concerne l’article relatif au congé maternité, qui nous laisse perplexes. Certes, vous avez consulté les professionnels de la santé, comme vous l’avez précisé au Sénat, mais pas les syndicats de salariés. Dans la mesure où Valérie Pécresse vient juste de remettre au Premier ministre son rapport sur la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, la mesure prise nous paraît hâtive et injustifiée. Elle peut certes séduire, car elle permet d’allonger la durée du congé, mais elle est risquée, le congé prénatal répondant à des impératifs de santé publique pour la mère comme pour l’enfant. Elle n’est donc pas satisfaisante en l’état, même si elle correspond au souhait des mères de rester plus longtemps avec leurs enfants avant de les confier à la crèche ou à l’assistante maternelle.

Permettez-moi de vous interroger à nouveau – car vous ne m’avez pas répondu sur le fond en première lecture – sur les contradictions entre votre projet de loi et le projet de loi sur la prévention de la délinquance présenté par le ministre de l’intérieur.

Votre projet de loi n’a pas pour objectif, selon Mme la rapporteure, je la cite, « de doter la société de nouveaux outils d’encadrement des familles défaillantes, ni de punir leurs carences éducatives, mais plutôt de contribuer à ce que toutes les familles puissent remplir leurs devoirs éducatifs ». « Par cette loi, ajoute-t-elle, la société ne cherche pas à se doter de nouveaux outils pour repérer au plus tôt des comportements déviants. ».

Le conseil pour les droits et les devoirs des familles, présidé par le maire, n’est-il pas cet encadrement des familles défaillantes que vous ne souhaitez pas ? Quel sens donnez-vous à l’accompagnement parental, qui consiste en un suivi individualisé au travers d’actions de conseil et de soutien à la fonction parentale ? N’est-ce pas un outil de contrôle des familles par le maire, en raison, notamment, de la délivrance d’une attestation comportant l’engagement solennel des parents à se conformer aux obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale ?

Le fichier des données à caractère personnel que peut mettre en place le maire – liste des enfants scolarisés, montant des prestations familiales, absentéisme scolaire et avertissements adressés aux personnes responsables de l’enfant par l’inspecteur d’académie – n’est-il pas, selon les termes du ministre de l’intérieur, un outil pour repérer au plus tôt des comportements déviants ?

Et que pensez-vous de la possibilité donnée aux conseils généraux de mettre à la disposition des communes et des communautés urbaines, par convention, les services des départements correspondant à tout ou partie de leurs compétences dans le domaine social, alors que vous-mêmes renforcez le rôle du conseil général, qui devient, dans votre projet, une collectivité chef de file en matière de protection de l’enfance ?

Que pensez-vous enfin de l’obligation faite aux parents d’accomplir à leur frais un stage de responsabilité parentale ? N’est-ce pas, là encore, un outil destiné à punir leurs carences éducatives, en contradiction avec ce que le rapport révèle de vos intentions ?

Le projet de loi sur la prévention, qui sera certainement adopté cette après-midi, s’inscrit donc en totale opposition avec la philosophie de votre projet de loi. Il sera donc difficile, pour les collectivités locales, les élus locaux et tous les professionnels du travail social, d’appliquer conjointement votre loi et celle du ministre de l’intérieur. Je vous le dis sincèrement, je regrette que vous vous soyez laissé influencer par M. Sarkozy qui, dès 2003, à Toulouse, a défini la sanction comme la meilleure des préventions.

Demain, il nous faudra donc aller plus loin, répondre aux problèmes posés par l’enfance et la jeunesse de notre pays, et envisager une refonte totale des politiques que vous avez engagées. Nous devrons mener une politique qui englobe la totalité de la sphère de l’enfance, de la prévention primaire à l’insertion professionnelle, en passant par la santé, l’éducation, la formation et la lutte contre la délinquance et la maltraitance ; une politique efficace qui permette à la jeunesse de notre pays de construire un vrai projet de vie ; une politique qui englobe prévention et protection, clarifiant le rôle des villes et des conseils généraux et affirmant le rôle de l’État, afin d’assurer la cohérence et la complémentarité des actions engagées.

Le dépôt tardif, en fin de législature, de votre projet de loi n’aura pas permis de répondre correctement aux enjeux que soulève la protection de l’enfance. Il est plus une déclaration d’intention qu’une réelle avancée, puisque son financement n’est toujours pas garanti.

M. Georges Fenech. Mais si !

M. Lilian Zanchi. Des questions majeures restent sans réponse, sans doute parce que vous avez manqué de volonté politique, ou faute de coordination entre les différents ministères. Dans ces conditions, vous le comprendrez, le groupe socialiste s’abstiendra.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut en finir. Neuf articles restent en discussion. Certains peuvent poser problème, comme l’article 22, mais le groupe UMP, suivant les conclusions du président de la commission, votera ce texte conforme pour permettre son adoption définitive. En effet, il est attendu par tous les professionnels de la protection de l’enfance. Et il a fallu votre obstination, monsieur le ministre, et la volonté d’un certain nombre d’entre nous pour en arriver là. L’essentiel est maintenant de le voter. Un pas devant l’autre, monsieur Zanchi ! Si nous ne le votons pas aujourd’hui, les avancées que vous avez reconnues ne pourront pas être mises en application.

M. Fagniez nous a dit qu’il s’agissait plus d’une réforme d’organisation que d’une réforme de moyens. Il vous a aussi dit, monsieur le ministre, que nous attendions des précisions sur le mécanisme de compensation financière que vous avez souhaité introduire au profit des départements.

M. Lilian Zanchi. À la charge des départements, vous voulez dire !

M. Jean-Pierre Soisson. Nous attendons des précisions sur les conditions dans lesquelles ce fonds, dispositif essentiel, pourra être pérennisé.

Enfin, comme Pierre-Louis Fagniez, Georges Fenech et Valérie Pecresse, je regrette la formulation restrictive adoptée par le Sénat pour l’article 22, sans doute sous l’emprise de la peur ou de la menace de je ne sais quel mouvement extérieur. Nous étions, en effet, parvenus, après une longue discussion, à la rédaction d’un texte équilibré et qui convenait aux uns et aux autres.

Adoptons néanmoins ce projet sans modifications pour permettre cette avancée. Nous vous faisons confiance pour le mettre en œuvre. Il répond à un véritable problème de fond de notre société lié à l’éclatement de la famille, à l’isolement social des enfants auxquels nous devons apporter une réponse, peut-être imparfaite,…

M. Lilian Zanchi. C’est vous qui l’avez dit !

M. Jean-Pierre Soisson. …mais indispensable, même en l’état, et que tous les professionnels appellent de leurs vœux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission en charge, notamment, des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, nous voici au terme d’un long parcours : celui de ce projet de loi réformant la protection de l’enfance voulu par les professionnels de la protection de l’enfance, par les associations de sauvegarde de l’enfance – les bénévoles –, par les présidents de conseil général qui ont organisé de nombreux débats à ce sujet en 2005. Vous vous êtes saisis de ce texte après les travaux remarquables de votre mission d’information sur la famille et les droits de l’enfant. Je tiens à rendre hommage à Mme la rapporteure, également rapporteure de la mission, qui, malheureusement ne pouvait être présente aujourd’hui…

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur suppléant. Que je représente dignement !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …mais que M. le président Dubernard a représentée, je veux parler, bien sûr de Valérie Pecresse à qui ce texte doit tant. Je tiens également à rendre hommage à chaque membre de la mission d’information et tout particulièrement à M. le député Pierre-Louis Fagniez. Je sais combien il s’est personnellement investi (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) comme il l’avait fait lors de la révision de nos lois de bioéthique et dans la préparation de la loi sur la fin de vie. Cette législature peut s’honorer de leur adoption grâce à votre travail, cher Pierre-Louis Fagniez !

M. Georges Fenech. Excellent !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout simplement vous dire ma joie, et j’ose le mot, ma fierté de revenir à nouveau devant vous pour proposer ce texte qui doit permettre de mettre fin à des situations bouleversantes de tant d’enfants qui souffrent en secret pendant des années, sans que personne ne s’en aperçoive ni ne leur vienne en aide.

Je ne reviendrai pas longuement sur les grands axes de cette réforme dont vous avez déjà amplement débattu. Cela passe d’abord par plus de prévention en permettant que ces carrefours de la vie – qui, aujourd’hui, ne donnent pas lieu à un examen d’ensemble de la situation des parents et de l’enfant – soient mis à profit pour détecter les difficultés et venir en aide aux familles. Je pense, par exemple, à cet examen au quatrième mois de grossesse qui ne doit plus être seulement médical. Il doit être aussi l’occasion d’un entretien confiant, sur la base d’un guide élaboré avec les professionnels, entre la sage-femme ou le médecin et la jeune femme qui, malgré une grande détresse sociale, et parfois les violences subies, a décidé de garder son enfant. Il faut détecter suffisamment tôt ces situations sociales très compliquées pour lui permettre d’établir le lien indispensable de mère à enfant sans lequel il ne peut grandir et sans lequel, même si on ne peut pas toujours parler de maltraitance, il n’y a pas de « bien traitance » possible.

Il fallait aussi sortir de ces situations où, en cas de doute, on n’avait pas d’autre choix que le silence avec le risque que cela implique pour l’enfant ou, au contraire, l’alerte donnée sans motif suffisant, mettant en cause toute une famille. Jusqu’à présent en effet, la maîtresse d’école ou l’assistante sociale hésitait parfois, quand elles avaient une suspicion, à agir ou, au contraire, agissaient trop fortement. Grâce à cette réforme, ces professionnels, en présence d’une situation de maltraitance ou de « prémaltraitance », ne seront plus seuls face à leur conscience. Ils pourront alors saisir une cellule départementale des signalements spécialisée dans les difficultés de l’enfance et partager, dans l’intérêt de l’enfant, les informations parcellaires dont disposent les acteurs de la protection de l’enfance, mais aussi les enseignants, les médecins et les travailleurs sociaux. Cela n’était pas envisageable jusqu’à présent et empêchait les acteurs d’agir avec efficacité.

Un autre axe consiste à sortir du tout ou rien, c’est-à-dire d’une situation où, soit on maintient l’enfant dans sa famille, malgré les risques, pour ne pas rompre un lien essentiel, soit on l’en arrache. Ce texte offre des solutions concrètes. En cas de conflits quotidiens au retour de l’école, au moment des devoirs, de la toilette, du dîner ou du coucher, l’enfant pourra être confié à une famille d’accueil et, pendant ce temps, on aidera sa famille à rependre le cours normal de son éducation.

Grâce à ces mesures, nous parviendrons à franchir un véritable palier dans la qualité de la prise en charge des enfants et dans l’aide apportée à tous les parents de France pour qu’ils puissent devenir réellement des parents bien traitants.

Je tiens à exprimer toute ma gratitude à votre assemblée, en particulier à la majorité qui s’est déjà exprimée plusieurs fois en faveur de ce texte, et à l’opposition qui, au cours d’un débat constructif, a obtenu l’adoption de plusieurs de ses amendements, comme vous l’avez rappelé, monsieur Zanchi. Je renouvellerai enfin ma gratitude à Mme Pecresse.

M. le président Dubernard nous a rappelé les interrogations de la commission des affaires sociales partagées sur tous les bancs de cette assemblée quant à l’article 5 dans la rédaction du Sénat. Cet article a, de fait, nourri beaucoup de débats dans les deux assemblées. Il y a eu le texte du Gouvernement, un premier texte du Sénat, celui de l’Assemblée nationale, puis un second texte du Sénat, différent de celui qu’il avait adopté en première lecture. Ce second texte du Sénat, qui vous est soumis aujourd’hui, tient malgré tout compte du vote de l’Assemblée nationale en première lecture. En effet, le Sénat ne s’est pas borné à reproduire sa première rédaction, mais a voulu en formuler une nouvelle. La difficulté qui subsiste est qu’il ne mentionne pas l’hypothèse du danger grave et imminent qui justifierait la saisine immédiate du juge sans s’adresser aux services de la protection sociale à l’enfance. En réalité, l’obligation de saisir le juge, quand il n’y a rien d’autre à faire, va de soi. Je remercie sur ce point M. Jean-Pierre Soisson d’avoir exprimé publiquement sa confiance au Gouvernement pour la bonne application du texte. Le Gouvernement chargé de son application inscrira, dans le guide de bonnes pratiques élaboré au cours de la discussion de ce projet de loi par les deux assemblées, l’exigence de saisir immédiatement le juge s’il apparaît que l’intervention de l’aide sociale à l’enfance serait vouée à l’échec.

Pierre-Louis Fagniez, Jean-Pierre Soisson, Patrick Braouezec et Lilian Zanchi se sont interrogés sur le financement. En l’occurrence, l’article 72 de la Constitution ne s’applique pas, puisqu’il ne s’agit pas d’un transfert de compétences, mais de l’exercice d’une compétence décentralisée depuis maintenant vingt-trois ans. Le Gouvernement n’a pas voulu que la réforme crée de charges nouvelles pour les départements. C’est pourquoi je vous ai proposé d’instituer un fonds, alimenté, comme le texte le prévoit, par l’action sociale et familiale de la Caisse nationale des allocations familiales et par l’État. Cela permettra de financer la montée en régime de la réforme, en complément des crédits que l’État affectera à la rénovation du système de médecine scolaire, et qui contribuera à la réussite de sa mise en œuvre. Je tenais à vous apporter cette précision dont je sais qu’elle a beaucoup d’importance.

Le Gouvernement a naturellement été très attentif à la question que M. Zanchi a soulevée et qui ne se limite pas à l’homoparentalité.

M. Lilian Zanchi. Je l’ai dit ! Elle concerne 1 600 000 enfants !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Elle vaut pour tous les couples. La Cour de cassation vient, en effet, de rendre une décision très importante – il s’agit d’une clarification du droit positif – en reconnaissant que l’adoption simple implique la déchéance de l’autorité parentale de plein exercice qui sera transmise à l’adoptant. Cette question ne peut pas être uniquement traitée par le prisme de la question de l’homoparentalité.

M. Lilian Zanchi. Je n’ai pas dit cela !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Toute solution doit être subordonnée au seul intérêt supérieur de l’enfant.

M. Lilian Zanchi. Si on le définit bien !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C’est ce qui nous a préoccupés pendant tout le débat sur le projet réformant la protection de l’enfance.

Je suis prêt à réfléchir à une évolution de notre législation pour que l’adoption simple par le conjoint n’implique plus nécessairement de déchéance de l’autorité parentale, du moins en ce qui concerne les couples formés d’un homme et d’une femme.

L’homoparentalité est une autre question. Elle doit être abordée également avec prudence, en tenant compte des solutions positives apportées par la Cour de cassation en 2006, qui a reconnu la possibilité d’associer le conjoint, quel que soit son sexe, à l’éducation de l’enfant et à l’exercice de l’autorité parentale. Voilà une piste que nous gagnerions à explorer davantage.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur suppléant. Très bien !

M. Lilian Zanchi. C’est ce qu’on demande !

M. Patrick Braouezec. C’est ce qu’on fera

M. Lilian Zanchi. Plus que deux mois à attendre !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je voudrais, au terme de cette intervention, vous dire toute l’importance que le Gouvernement attache à l’adoption de cette réforme et exprimer ma reconnaissance aux orateurs qui se sont succédé à la tribune et qui, les uns et les autres, ont souligné la nécessité que cette réforme soit menée dès aujourd’hui à son terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Articles 1er bis, 4 ter, 5, 19, 20, 22, 23, 25 et 27

M. le président. Les articles 1er bis, 4 ter, 5, 19, 20, 22, 23, 25 et 27 du projet de loi ne font l’objet d’aucun amendement.

Je vais les mettre aux voix successivement.

(Les articles 1er bis, 4 ter, 5, 19, 20, 22, 23, 25 et 27, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je veux simplement exprimer de nouveau ma reconnaissance à l’égard de l’Assemblée. Grâce à ce texte très important nous éviterons que, dans notre pays, des d’enfants continuent à souffrir en secret pendant des années et des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le maire de Drancy que je suis souhaite que vous ayez raison.

M. Patrick Braouezec. On aurait pu mieux faire !

2

préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur

Discussion d’une proposition de loi
adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur (nos 3607, 3688).

La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, du chikungunya à la canicule, en passant par la menace d’une pandémie grippale ou le risque d’attentats terroristes, notre système de santé est susceptible d’être en permanence confronté à l’urgence, urgence des crises sanitaires, urgence de la mobilisation des moyens humains, logistiques et administratifs.

La proposition de loi que vous allez examiner aujourd’hui et qui a été adoptée le 23 janvier dernier au Sénat est un texte attendu par les professionnels de santé. Il n’a pas l’ambition de réformer en profondeur notre système de gestion des crises sanitaires. Les structures de suivi et d’alerte existent. Le travail de préparation et de planification à la française a porté ses fruits, et nous disposons déjà de forces d’intervention opérationnelles rapidement mobilisables sur le terrain.

Je tiens ici à saluer tout particulièrement, avec l’ensemble des professionnels de santé, le rôle des sapeurs-pompiers dans la gestion de l’urgence. Je sais que certains ont pu exprimer des inquiétudes par rapport à ce texte. Je veux redire qu’il n’est en aucun cas question de remettre en cause leur rôle et leurs missions, bien au contraire, mais je sais que nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. Dominique Richard. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Bien au contraire, forts de nos atouts, des initiatives mises en place depuis le début de la décennie, forts aussi de notre expérience de terrain, nous pouvons aujourd’hui rationaliser notre approche, mieux organiser les structures et donner un cadre juridique solide aux initiatives qui ont montré leur efficacité à l’épreuve des crises successives que nous avons traversées.

Je pense notamment à la crise du chikungunya, au cours de laquelle, pour la première fois dans notre pays, une mobilisation volontaire de médecins, d’infirmiers, de logisticiens et de permanenciers du SAMU s’est organisée afin de renforcer les effectifs à la Réunion et à Mayotte.

Je pense aussi à la canicule de l’été dernier, quand les étudiants en médecine, les étudiants infirmiers et les médecins retraités ont répondu présents à l’appel que j’avais lancé.

Tous ces professionnels savent qu’un jour ou l’autre, ils pourront être mobilisés à nouveau.

Ce texte va nous permettre de rattraper un retard qui date, osons le dire, de plus de trente années.

Sur le plan humain tout d’abord, il propose la constitution d’un corps de réserve sanitaire, qui reposera sur un principe clé, le volontariat, comme c’est le cas pour les réserves militaires ou de sécurité civile.

Les différentes crises au cours desquelles nous l’avons expérimenté l’ont montré, le volontariat est la garantie du bon fonctionnement humain de la gestion de la crise. Parce qu’il est aussi la manifestation concrète de la mobilisation des esprits et des volontés, il devient, sauf inaptitude reconnue, un véritable droit pour ceux qui choisissent de l’assumer. Les obligations personnelles qu’il implique au service de la nation ont pour contrepartie les droits qui sont accordés aux volontaires et la reconnaissance qui leur est due.

S’agissant des droits des réservistes, je tiens à souligner l’importance accordée par cette proposition de loi à la mise en place d’un statut très protecteur pour le réserviste, qui bénéficiera, quel que soit son secteur professionnel d’origine, d’une totale continuité de ses droits en matière de protection sociale et, le cas échéant, d’ancienneté, d’avancement et de congés payés, grâce au maintien de son régime habituel. Ce statut favorable est complété par la protection de l’État au réserviste en cas de mise en cause de sa responsabilité civile ou pénale à l’occasion de son activité au sein de la réserve sanitaire. Le réserviste sera également indemnisé par l’État pour les dommages qu’il pourrait subir.

Cette réserve comprendra des professionnels de santé en activité ou retraités depuis moins de trois ans, ainsi que des étudiants poursuivant une formation médicale ou paramédicale, sous conditions de formation. Nous parviendrons d’autant mieux à développer le volontariat que les futurs professionnels de santé auront été mobilisés, sensibilisés, au cours de leur cursus, aux principes fondamentaux de la médecine de crise. Grâce à ce texte, les pouvoirs publics auront ainsi une plus grande capacité de réponse et davantage de souplesse pour utiliser les moyens sanitaires.

Ces renforts interviendront en priorité à l’occasion de crises survenant sur le territoire national, de façon occasionnelle ou circonstanciée, au niveau local, au niveau régional ou sur l’ensemble du territoire, afin de permettre au système de soins de faire face et d’assurer en toutes circonstances l’ensemble des missions et des objectifs qui lui incombent. Ils pourront bien entendu être engagés dans d’autres régions lors de crises localisées, comme le chikungunya, ou plus étendues, de type pandémie grippale.

Le texte prévoit deux niveaux d’engagement, une réserve d’intervention, qui sera appelée en priorité – ses membres seront soumis à des règles de perfectionnement et de formation contraignantes, eux seuls pourront effectuer des missions à l’étranger – et une réserve de renfort, qui permettra aux volontaires de s’engager avec des contraintes moins lourdes. Elle sera mobilisée en second lieu si le système sanitaire, appuyé par la réserve d’intervention, ne parvient plus à faire face à ses obligations.

Deuxième axe fort du texte, un soutien logistique et administratif opérationnel, avec la mise en place d’un établissement public dédié à la prévention et à la gestion des risques sanitaires exceptionnels.

Je sais que certains d’entre vous s’interrogent sur la mise en place d’un établissement public supplémentaire, mais il ne s’agit certainement pas de créer une énième agence publique. Face à l’accroissement du risque, aux impératifs de l’urgence, face à l’ampleur de la tâche que représentent la préparation et la gestion des crises sanitaires, la direction générale de la santé ne pouvait continuer à assurer seule ces missions. Ce n’est pas sa vocation première.

Ce texte nous propose la création d’un établissement public, placé sous tutelle du ministère de la santé, qui répondra aux besoins de soutien administratif et logistique des plans sanitaires, avec une organisation fonctionnelle et opérationnelle plus efficace. Il sera ainsi un outil au service des acteurs des plans d’urgence sanitaire.

Trois fonctions principales lui seront dévolues.

Il sera chargé d’administrer la réserve sanitaire et d’assurer l’affectation des réservistes.

Il aura aussi pour mission de mener des actions de prévention et de gestion des risques sanitaires exceptionnels, et notamment d’acquérir, de fabriquer, d’importer, de distribuer et d’exporter des produits et des services nécessaires aux populations concernées par la crise.

Je voudrais vous dire quelques mots de cette mission. Comme vous le savez, le nombre croissant de plans de réponse aux crises sanitaires impose une organisation logistique de plus en plus complexe. Cela implique notamment de multiplier les marchés d’acquisition des produits et des services nécessaires, par exemple, pour le stockage ou le transport des produits, de multiplier les volumes et les différents types de produits acquis, et de multiplier, par conséquent, les interlocuteurs publics et privés intervenant dans la mise en œuvre de ces plans. Le suivi opérationnel de ces différents circuits ne peut donc plus être assuré efficacement par un seul service administratif – c’est actuellement le DESUS, le département des situations d’urgence sanitaire, placé au sein de la direction générale de la santé –, car il nous faut allier rapidité d’action, efficacité et économie financière. Et parce qu’il implique une mobilisation totale, ce suivi opérationnel s’effectue bien souvent au détriment de l’élaboration des plans et de la stratégie de réponse aux menaces.

C’est pourquoi nous soutenons cette mesure, et nous nous mettrons ainsi en cohérence avec les souhaits que vous aviez exprimés lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, s’agissant de la création d’un établissement public administratif gérant l’ancien fonds Biotox, qui serait délégué, à titre transitoire, au fonds de solidarité vieillesse. L’établissement prévu dans cette proposition de loi se substituera à celui qui était prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale. Il n’y aura donc pas doublon en la matière.

Enfin, cet établissement public pourra intervenir pour assurer la couverture en médicaments ou dispositifs médicaux là où les besoins n’auraient pas été satisfaits.

En revanche, il n’aura pas vocation à piloter l’élaboration des plans ou à recueillir et traiter l’alerte sanitaire, ni à définir la politique d’emploi de la réserve et des produits stockés. Je tiens à le souligner, tout cela restera la mission de l’État.

Cette création permettra ainsi d’établir la distinction nécessaire entre les tâches de conception et les tâches de mise en œuvre opérationnelle. Ainsi, l’administration centrale pourra assumer son rôle de conception et de pilotage de la politique publique de sécurité sanitaire, mieux éclairer la décision publique et sécuriser la décision politique. La gestion du déclenchement et du pilotage de la réponse aux crises sera rendue efficace, car la direction générale de la santé pourra se consacrer davantage à son cœur de métier.

Dans le souci de distinguer les différentes missions pour garantir une meilleure organisation logistique et, donc l’efficacité du système, un établissement pharmaceutique sera créé au sein de l’établissement public.

L’utilisation des produits relevant du monopole pharmaceutique est fréquente, et bien souvent nécessaire en cas de crise sanitaire. Après l’épisode du Nivelar, il était important de trouver une solution pérenne et sûre pour nos concitoyens, pour garantir la mise à disposition de ce type de produits.

Ainsi, lorsque les activités de l’établissement public porteront sur des produits relevant du monopole pharmaceutique, dont les médicaments, elles seront réalisées par un établissement pharmaceutique créé au sein de l’établissement public et soumis à l’essentiel du régime juridique applicable à ce type d’établissements.

Cet établissement sera en outre chargé d’exercer les mêmes activités que l’établissement public principal en cas de cessation de commercialisation, de rupture de stock, de production insuffisante ou d’indisponibilité de certaines formes de médicaments, de dispositifs médicaux ou de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Il pourra également être titulaire de licences d’office concernant les produits relevant du monopole pharmaceutique, lorsque le ministre chargé de la propriété intellectuelle en aura autorisé l’attribution.

Ces dispositions ne dispensent pas les industries concernées de remplir leur rôle, mais permettront à l’établissement public, soit par le biais de l’établissement pharmaceutique, soit directement, soit en sous-traitant à d’autres opérateurs, de compenser les éventuelles carences dans des délais compatibles avec les impératifs de la gestion de la crise.

Cette proposition de loi est l’aboutissement d’un travail approfondi et d’une concertation nourrie avec l’ensemble des acteurs de ce domaine. Elle tire les leçons des crises que nous avons traversées. Elle mêle l’étude de terrain, l’écoute des acteurs et le souci constant d’adapter au mieux notre système de gestion des crises sanitaires aux devoirs d’anticipation et de préparation.

Je voudrais, pour conclure, vous assurer que le Gouvernement s’engage à ce que l’adoption par le Parlement d’une telle proposition de loi soit suivie d’une mise en œuvre concrète, rapide et exemplaire de ses dispositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce texte, très important, survient à un moment crucial. Alors que le Gouvernement vient de relever le niveau de risque épizootique en France de « négligeable » à « faible », après l’identification de foyers de grippe aviaire à virus H5N1, hautement pathogène dans des élevages en Hongrie, au Royaume-Uni et en Russie, la nécessité de perfectionner la préparation du système de santé français, face à des menaces sanitaires de grande ampleur, s’impose aujourd’hui avec la force de l’évidence. Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’avoir bien voulu inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour avant la fin de cette législature.

Nous sommes de plus en plus confrontés à l’urgence et à la multiplication des menaces sanitaires, qu’il s’agisse d’épisodes caniculaires, du chikungunya ou du risque d’attentats terroristes. Il ne se passe pas une semaine sans qu’une alerte survienne. Et la crainte de voir surgir on ne sait quel vecteur ennemi, nous rappelle la nécessité de se préparer à lutter efficacement. Longtemps le risque épidémique a été sous-évalué, mais aujourd’hui les pouvoirs publics ont pris le problème à bras-le-corps. Des progrès considérables ont été réalisés pour identifier les risques, sous l’impulsion de l’Institut de veille sanitaire et de l’OMS.

Face à cette évolution, le système français de gestion des crises sanitaires s’est progressivement doté d’un réseau performant d’agences sanitaires, chargées de la veille et du suivi. La philosophie générale sur laquelle repose ce réseau, qui consiste à séparer les fonctions d’expertise et de gestion de crise, a depuis lors été validée par l’expérience.

De la même façon, un important travail de planification et de préparation aux risques sanitaires majeurs a été mené, qu’il s’agisse de la mobilisation de l’administration centrale – avec notamment la création en 2004 au sein de la direction générale de la santé d’un département des situations d’urgence sanitaire – ou de celle des professionnels de santé, au travers de l’institution des « plans blancs » d’établissement et des « plans blancs » élargis, ou encore de plans opérationnels de réponses à des menaces sanitaires majeures spécifiques, tels que le bioterrorisme ou la grippe aviaire, ce dernier plan ayant été actualisé très récemment.

Parallèlement à ce travail d’organisation et de planification, le ministère de la santé a acquis en grande quantité les produits de santé et les équipements de protection prévus par ces différents plans, en particulier des antibiotiques, des antiviraux et, s’agissant du risque de pandémie grippale d’origine aviaire, des vaccins pandémiques et prépandémiques, ainsi que des masques de protection individuelle. La valeur des stocks ainsi constitués représenterait aujourd’hui 812 millions d’euros.

Pourtant, malgré ces avancées indéniables, l’efficience du dispositif de réaction aux crises sanitaires majeures demeure encore limitée par certaines faiblesses opérationnelles. L’action des pouvoirs publics se heurte à plusieurs difficultés qu’il nous faut résoudre dans le cadre d’une gestion de crise, voulue la plus optimale possible : le caractère largement imprévisible du risque d’abord, la mise en œuvre locale des dispositifs étudiés au plan national qui souffre de ce que les collectivités locales sont insuffisamment associées à ce travail, l’insuffisante intégration des médecins à des réseaux de santé publique et enfin la quasi-absence de réflexion de la population sur son autoprotection par des moyens élémentaires tels que des masques et le respect des règles d’hygiène de base.

Le renfort des professionnels de santé volontaires n’est pas assez organisé, ni suffisamment encadré juridiquement. Pour être utilisé de façon optimale, l’expérience a en effet montré que l’afflux de bénévoles en période de crise nécessite d’être régulé par un opérateur unique. De plus, les droits et la protection des volontaires doivent être garantis. Par ailleurs, l’éventualité que des professionnels de santé puissent eux-mêmes être touchés par un risque sanitaire, surtout s’il s’agit d’une pandémie, doit être mieux appréhendée. Enfin, la gestion du stockage des produits de santé, acquis dans le cadre des divers plans de préparation à des menaces sanitaires de grande ampleur, ainsi que la capacité d’exploitation pharmaceutique de l’État en situation de crise, doivent mieux répondre aux défis sanitaires à venir.

II faut donc se féliciter de la volonté du ministre de la santé d’améliorer la réactivité du système sanitaire français sollicité en urgence. Elle trouve aujourd’hui une traduction concrète avec cette proposition de loi de M. Francis Giraud, qui a été adoptée en première lecture par le Sénat, le 23 janvier dernier, et qui prend pleinement en compte l’exigence constitutionnelle qui s’attache à la protection de la santé publique.

Sans avoir l’ambition de réformer l’ensemble de notre système de gestion des menaces sanitaires graves, la proposition de loi vise à rationaliser, sécuriser juridiquement, et surtout à renforcer 1e dispositif actuel en s’appuyant notamment sur l’expérience acquise sur le terrain.

Ce texte permet en effet de doter les pouvoirs publics d’une capacité de réponse accrue et adaptée à la nature de chaque crise sanitaire, au travers tout d’abord de la création d’un corps de réserve sanitaire, qui répond à une attente forte des professionnels de santé. Cette réserve pourra ainsi être mobilisée à tout moment afin de faire face aux situations de catastrophe, d’urgence, ou de menaces sanitaires graves, et prioritairement en France.

Le principe du volontariat est placé au cœur de ce dispositif, non seulement parce qu’il constitue la garantie du bon fonctionnement de la gestion de la crise, mais aussi et surtout, comme vous l’avez rappelé avec beaucoup de force, monsieur le ministre, parce qu’il est, je vous cite, « l’expression ultime du sens et de la réalité d’un engagement, placé sous le signe de l’acceptation du devoir et du dévouement ».

Comprenant des professionnels de santé – en activité ou retraités depuis moins de trois ans – et, sous certaines conditions, des étudiants poursuivant une formation médicale ou paramédicale, la réserve permettra de mettre à la disposition du système de santé des renforts entraînés et structurés, dans les cabinets libéraux, les hôpitaux ou les cliniques privées. Selon les premières estimations, elle pourrait rassembler 10 000 personnes.

Afin d’organiser et de graduer la réponse des pouvoirs publics en cas de risque majeur, deux niveaux d’engagement sont prévus : la réserve d’intervention, hautement opérationnelle, sera mobilisée en priorité, ses membres étant soumis à des règles de perfectionnement et de formation d’un niveau plus élevé. Ces derniers pourront seuls effectuer des missions internationales. À cet égard, il convient de rappeler que la réserve n’a en aucun cas vocation à concurrencer, mais à intervenir, sur un volet strictement sanitaire, en complémentarité et en soutien, avec les autres acteurs compétents, en particulier le corps des sapeurs-pompiers lorsqu’une crise grave survient. Si le système sanitaire, appuyé par la réserve d’intervention, ne parvient plus à faire face à ses obligations, la réserve de renfort sera alors mobilisée – ses membres étant soumis à des contraintes moins lourdes en termes de disponibilité.

En contrepartie des obligations personnelles et des risques qu’implique la participation à la réserve, la proposition de loi accorde des droits et des protections. II s’agit là d’une condition essentielle au bon fonctionnement de la réserve et incontestablement l’un des éléments majeurs de cette proposition de loi. En effet, les volontaires ne doivent pas subir préjudice, notamment financier, du fait de leur participation à la réserve, mais au contraire être pleinement reconnus pour leur action au service de la nation. C’est pourquoi ce texte prévoit la mise en place d’un statut très protecteur, qui garantit aux réservistes le maintien de la rémunération et la continuité totale de leurs droits en matière de protection sociale. Ils seront également protégés par l’État en cas de mise en cause de leur responsabilité, et indemnisés en cas de dommages subis.

Face à l’accroissement du risque épidémique, aux impératifs de l’urgence et à l’ampleur de la tâche que représentent la préparation et la gestion de crises sanitaires majeures, ce texte prévoit également la création d’un établissement public, qui apportera un soutien logistique et administratif au ministère de la santé. La direction générale de la santé, placée au cœur des situations de crise, doit être soutenue pour être en mesure de faire face à ses tâches.

Trois grandes missions lui seront confiées : l’administration de la réserve et sa projection sur le terrain ; les actions de prévention et de gestion des risques sanitaires exceptionnels – en particulier la constitution de stocks de produits nécessaires à la protection de la population, reprenant ainsi les missions du fonds de prévention des risques sanitaires, institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Il s’agit ainsi d’accroître l’efficacité et la rapidité de réaction des pouvoirs publics, mais également de générer des économies, à travers une meilleure gestion des stocks. L’établissement pourra enfin assurer la fabrication et la distribution des médicaments et dispositifs indispensables en cas de crise sanitaire grave, afin de remédier aux carences des circuits habituels qui pourraient survenir dans de telles circonstances. Dans ce sens, la proposition de loi permet également de renforcer l’information des autorités sanitaires en cas de rupture de stock, ou de cessation de commercialisation d’un médicament, ce qui constitue une avancée majeure. Il est en effet important de garantir une bonne articulation entre l’établissement et les différentes instances de conseil et d’expertise compétentes dans ce domaine, en particulier l’Institut national de veille sanitaire.

Avec la création de cet établissement, l’administration centrale sera ainsi déchargée des tâches de mise en œuvre opérationnelle et jouera pleinement son rôle de conception et de pilotage de la politique publique de sécurité sanitaire, pour mieux éclairer et sécuriser la décision publique. Toutefois, s’il est légitime que l’assurance maladie soit représentée au sein du conseil d’administration de cet établissement en raison de sa contribution au financement de celui-ci. Mais les missions régaliennes de protection sanitaire de la population doivent incomber prioritairement à l’État. C’est pourquoi le ministère de la santé conservera un rôle prééminent dans la prévention, l’alerte, la gestion des crises sanitaires et l’emploi de la réserve et des stocks de produits de santé. L’État sera également majoritaire au sein du conseil d’administration de l’établissement. Il est évident que la coordination avec le ministère de sécurité civile est nécessaire et indispensable. Pour cela, nous vous proposerons, monsieur le ministre, quelques amendements de précision.

M. le président. Merci de conclure, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Pour renforcer l’efficacité ce dispositif, il pourrait par ailleurs être envisagé de créer, dans chaque zone de défense, un référent sanitaire, qui constituait l’une des mesures prévues par la proposition de loi que j’ai déposée récemment avec plusieurs de mes collègues. Ce référent sanitaire, spécialiste en épidémiologie, pourrait être un maillon essentiel pour améliorer la coordination de l’action publique contre les risques épidémiques et renforcer les actions de sensibilisation en direction des personnels médicaux et du grand public.

En conclusion, pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales a adopté la présente proposition à l’unanimité lors de sa réunion du mardi 13 février dernier. Je vous invite donc, mes chers collègues, la voter également afin de consolider notre système d’anticipation et de gestion des crises sanitaires, dont la qualité a encore récemment été reconnue par l’OMS. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, notre ordre du jour est chargé, je demanderai donc à chacun de respecter son temps de parole.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est un texte important, monsieur le président !

M. le président. Sans doute. Mais je suis persuadé, monsieur le ministre que vous avez d’autres occupations…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Non ! Je suis à la disposition du Parlement !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Braouezec, premier orateur inscrit.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise cet après midi est la curiosité de cette fin de législature.

M. Jean-Marie Le Guen. Exact !

M. Patrick Braouezec. Au milieu d’autres textes d’une tout autre portée, comme ceux relatifs à la réforme de la justice, à la télévision du futur, à la réforme des tutelles ou encore au droit au logement opposable, cette proposition d’origine sénatoriale a connu un sort bien heureux. En effet, pendant que vous renonciez à certains projets de loi, je pense notamment au projet de loi en faveur des consommateurs, vous acceptiez d’inscrire à l’ordre du jour un texte examiné au Sénat le 23 janvier dernier et ici même aujourd’hui le 22 février, en espérant, j’imagine, un vote conforme.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est préférable !

M. Patrick Braouezec. C’est surtout la seule condition pour qu’elle devienne un texte de loi ! Mais pourquoi tant de précipitation ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. L’urgence sanitaire !

M. Patrick Braouezec. Le danger de la grippe aviaire n’est pas nouveau, celui du chikungunya non plus. Vous avez eu tout le loisir, monsieur le ministre, de présenter au Parlement un projet de loi, depuis les premières épizooties de grippe aviaire et surtout pour donner suite au rapport de la commission d’enquête.

Quitte à se préoccuper sérieusement des risques et des précautions à prendre, autant le faire globalement. C’est pourquoi, plutôt que de légiférer par petites touches, nous aurions préféré nous prononcer sur un schéma d’ensemble, avec des financements clairs, de façon que tout un pan, qui n’est pas abordé par cette loi, trouve une réponse, à savoir l’organisation dans son ensemble de notre système de santé, et en particulier du milieu hospitalier. D’autant que cette proposition de loi sème le trouble par certains de ses aspects.

Nous partageons le sentiment que l'appel au renfort des professionnels de santé volontaires n'est pas suffisamment encadré : il faut prévoir, dans le cadre du détachement, les modes de rémunération, la protection sociale et la couverture juridique de ces personnes qui viendront soutenir les équipes en place sur le terrain.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ça commence bien !

M. Patrick Braouezec. En effet !

Un statut très favorable – ce qui est n’est que justice – va leur être appliqué, notamment en matière de continuité des droits sociaux et d'indemnisation en cas d'événements tragiques. Nous sommes toutefois interpellés sur le fait que ce statut n'est pas appliqué à l'ensemble des acteurs intervenant dans le champ de la sécurité civile. En effet, la réserve sanitaire comprendra des professionnels de santé en activité ou retraités depuis moins de trois ans, ainsi que des personnes poursuivant des études médicales et paramédicales, sous condition de niveau d'études naturellement. Dans tous les cas, il s'agira de volontaires, comme pour les réserves militaires ou de sécurité civile, tels les pompiers. Pourquoi ne pas étendre alors ce statut protecteur, qui est une avancée, à l'ensemble de ces volontaires ?

Nous nous interrogeons également sur la façon dont le corps de réserve sanitaire pourra intervenir en cohérence avec les volontaires des réserves opérationnelle et citoyenne, d'ordre militaire ; mais aussi avec ceux de la réserve civile de la police nationale ou de la réserve communale de sécurité civile, ou encore des sapeurs pompiers volontaires qui, pour ces deux derniers, sont habilités à intervenir prioritairement pour apporter un soutien aux populations en situation de catastrophe ou de crise ?

Ne risque-t-on pas de créer des doublons et des difficultés de coordination opérationnelle ? Un tel choix est-il cohérent avec le fait, relevé par beaucoup d'entre nous, jusque dans les rangs de la majorité, qu'une pandémie aurait des conséquences, non seulement sanitaires, mais également économiques et sociales, qui nécessiteraient la mobilisation de tous les acteurs ?

Il ne faut pas oublier non plus, comme le fait observer la Fédération nationale des sapeurs pompiers de France, la FNSPF, dans un courrier adressé aux parlementaires, les difficultés d'intervention en cas d'appartenance d'une même personne à plusieurs de ces réserves. Quelle sera la priorité ?

On peut enfin s'interroger sur la différence entre les moyens consacrés à ce corps de réserve sanitaire et ceux qui ont été débloqués en faveur des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, qui peuvent intervenir dans le même champ.

Nous partageons le sentiment d'inégalité de traitement de la Fédération nationale des sapeurs pompiers de France, concernant la faiblesse persistante de l'engagement financier de l'État en faveur des SDIS. Celle-ci pose avec une acuité croissante la question de la capacité des départements à supporter seuls les charges de ce service, nonobstant le report au 1er janvier 2010 de la suppression des contributions communales et intercommunales à leur budget, étant donné l'absence de transfert de nouvelles ressources susceptibles de financer les missions de plus en plus nombreuses que les SDIS sont amenés à effectuer, que ce soit sur décision de leur conseil d'administration ou de manière contrainte, hors de leur cadre légal pour pallier les carences et le recentrage des acteurs privés ou publics normalement compétents.

Cette proposition ne doit pas faire oublier non plus que si des moyens exceptionnels doivent être débloqués en cas de crise, il faut aussi s'assurer que les moyens déjà existants fonctionnent. Or les restrictions budgétaires de ces dernières années dans le domaine de la santé risquent d'avoir pour effet de limiter les capacités de faire face. C'est ce qu'ont d'ailleurs révélé les travaux de la mission parlementaire sur la grippe aviaire.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux !

M. Patrick Braouezec. Non, c’est vrai.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Citez le passage qui dirait cela !

M. Patrick Braouezec. Ne m’interrompez pas, monsieur le ministre, vous me répondrez tout à l’heure.

Aujourd'hui nos hôpitaux sont appauvris, les services d'urgence, qui fonctionnent en permanence à flux tendus, peinent à faire face durablement aux phénomènes de surcharge ; la permanence des soins de ville n'est toujours pas effective et l'évolution de la démographie médicale n'est pas faite non plus pour nous rassurer.

Beaucoup de professionnels de santé nous ont alertés sur les graves défaillances de la réactivité du système de veille et d'alerte, malgré les progrès accomplis, il faut en convenir, depuis l'épisode de canicule.

Il ne s'agit pas de noircir le tableau et d'instiller la peur, mais simplement d'alerter sur l'asphyxie des hôpitaux et l'absence de volonté de former des professionnels de santé ; montrant que les premiers remparts sont fragiles.

La création d'un établissement public administratif chargé de gérer cette réserve, comme de faire office, autant que de besoin, de laboratoire pharmaceutique semble également aller dans le sens d'une complexité accrue et d'un retrait de l'État.

Nous sommes en droit de nous interroger sur l'opportunité de créer un nouvel établissement public dans le domaine de la sécurité sanitaire, qui se caractérise déjà malheureusement par une prolifération des acteurs et des structures, source de complexité, de redondances et de lenteur.

Je veux pour finir dire un mot du financement. Une nouvelle fois, le Gouvernement, avec la complaisance de sa majorité, fait supporter à la sécurité sociale le coût des missions régaliennes de l'État que la loi de finances doit assumer !

Ainsi, la reprise du fonds de prévention des risques sanitaires, anciennement fonds Biotox, par l'établissement public constitue un délestage sur l'assurance maladie et fait passer la part de financement par l'assurance maladie à plus de 50 %, tandis que l'État devient un contributeur parmi d'autres. Ce procédé est à nos yeux inacceptable. Il serait d'ailleurs intéressant de faire le bilan de l'ensemble des mesures décidées par le Gouvernement dont la charge a été transférée de l'État vers la sécurité sociale, tout particulièrement l'assurance maladie. Les ressources de la sécurité sociale ne sont pas faites pour financer les mesures de prévention sanitaire de notre pays, ni les plans d'anticipation, qui relèvent de la compétence, donc du budget de l'État.

Toutes ces remarques nous incitent à nous abstenir. En effet, s’il n’est pas question pour nous de ne nous opposer à tout moyen susceptible de nous aider à faire face à une crise sanitaire, nous doutons de la cohérence et l'efficacité des moyens employés. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas ce qu’a fait le groupe communiste du Sénat !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.

M. Pierre-Louis Fagniez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays est comme le reste du monde, confronté depuis quelques années à de nouvelles menaces sanitaires d'une ampleur inconnue jusqu'alors : explosion de l'usine AZF de Toulouse, SRAS, canicule, épidémie de chikungunya, grippe aviaire. Certaines de ces crises ont frappé directement notre territoire ; d'autres l'ont concerné de manière plus lointaine. Aucun pays n'est aujourd'hui à l'abri d'une crise sanitaire de grande ampleur. À l'évidence le problème se pose à l'échelle mondiale et appelle de nouvelles solidarités. Derniers exemples en date, de nouveaux foyers du virus H5N1 ont été récemment identifiés en Grande-Bretagne et en Hongrie. La semaine dernière, monsieur le ministre, vous étiez en Égypte pour apporter l'aide de la France. Les menaces, auxquelles nous sommes confrontés sont diverses et variées ; elles sont aussi difficiles à cerner car elles évoluent constamment. Le Président de la République a récemment déclaré que « face au risque de grippe aviaire, plus que jamais, nous devons être d'une extrême vigilance. C'est un impératif majeur de santé publique ».

C'est dans ce contexte que s'inscrit la proposition de loi relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur que notre Assemblée examine aujourd'hui. Ce texte, l'un des derniers de cette législature, revêt une importance toute particulière que je tiens à souligner. Il touche en effet à un sujet vital : celui de la santé publique. Ce texte doit nous permettre de mieux nous préparer à des menaces sanitaires de grande ampleur, notamment par la création d'un corps de réserve sanitaire. C’est pourquoi je remercie notre collègue sénateur Francis Giraud qui en est à l’origine, et bien entendu le Gouvernement, et vous tout particulièrement, monsieur le ministre : personne n’oubliera que vous avez fait en sorte que cette proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.

Permettez-moi de souligner, avec le président Jean-Michel Dubernard, combien la démarche d'anticipation des crises sanitaires qui inspire ce texte est remarquable.

M. Patrick Braouezec. On pouvait espérer mieux !

M. Pierre-Louis Fagniez. À l'heure où on reproche bien souvent aux responsables politiques d'agir dans l'urgence, au coup par coup, ce texte est un heureux contre-exemple dont nous pouvons être fiers. Sans aucun doute, nous donnerons ainsi tout son sens à l'expression bien connue d'Émile de Girardin, que Claude Gaillard aime à citer : « Gouverner, c'est prévoir ».

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo ! Quelle citation !

M. Pierre-Louis Fagniez. Depuis 2002, le Gouvernement a renforcé, avec le soutien de la majorité parlementaire, le dispositif de veille, d'alerte et de préparation qui doit nous permettre de faire face à des crises sanitaires graves, dont les bases avaient été posées par les lois portant notamment création d'établissements spécialisés tels que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ou l'Institut de veille sanitaire.

Parallèlement, un important travail de préparation aux risques sanitaires majeurs et de planification a été mené, que nous pouvons saluer. Je rappellerai pour mémoire le plan et le fonds Biotox, les plans blancs et les plans blancs élargis, le plan de prévention et de lutte de pandémie grippale, salué par l'Organisation mondiale de la santé, et la création d'une délégation interministérielle, tellement nécessaire et efficace ; l'acquisition en nombre de produits de santé et d’équipements de protection ou de veille, qui a permis la constitution de stocks importants. Cet effort mérite d'être poursuivi.

À travers la mission d'information sur la grippe aviaire et l'Office parlementaire d'évaluation scientifiques et technologiques, l’OPESCT, notre assemblée est à l’origine de certaines de ces mesures. Jean-Pierre Door, rapporteur de la mission d'information et aujourd'hui rapporteur de ce texte, a tenu dans ces travaux un rôle éminent. Qu'il en soit ici publiquement remercié.

Malgré tous ces efforts, des faiblesses importantes demeurent : l'absence de dispositif d'ensemble pour la rémunération, l’insuffisance de protection sociale ou de couverture juridique des professionnels de santé volontaires, une gestion inadaptée des produits de santé et des équipements achetés et stockés ; enfin, et surtout, un défaut d’une stratégie alternative dans le cas où les professionnels de santé seraient eux-mêmes massivement affectés par la propagation d'une pandémie virale ou bactériologique.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui doit nous permettre de répondre à ces difficultés, en mettant en place, d'une part un corps de réserve sanitaire qui permettra d'augmenter les ressources en personnel de santé, d'autre part, un établissement public chargé de l'administration de la réserve sanitaire et de la logistique des produits et équipements prévus par les différents plans de prévention, qui sera doté d'un statut d'établissement pharmaceutique.

Comme vient de le souligner notre excellent rapporteur, Jean-Pierre Door, ce texte vise à clarifier et à rationaliser nos dispositifs de protection sanitaire de la population en cas de crise de grande ampleur ; il n'a pas pour ambition de révolutionner le dispositif actuel, dont chacun a souligné la qualité.

Cette réserve sanitaire s'appuiera sur les professionnels et anciens professionnels de santé, mais aussi sur toutes personnes satisfaisant à des conditions d'activité, d'expérience professionnelle ou de niveau de formation. Elle sera fondée, et c’est évidemment fondamental, sur le volontariat. Elle comprendra une réserve d'intervention, mobilisable en premier ressort et susceptible d’être déployée à l'international, et une réserve de renfort.

Ce texte est, comme vous le savez, très attendu par les professionnels de santé, qui pour le moment ne bénéficient, lorsqu'ils sont mobilisés, d'aucun réel cadre juridique et financier. On l'a encore récemment constaté lors des trois semaines de canicule de cet été, au cours desquelles nous avons dû faire appel à d'autres professionnels, étudiants en médecine ou médecins retraités. Ces bénévoles sont pourtant, du fait de leur dévouement à la collectivité, en droit d'attendre de l'État un statut plus protecteur, partant plus incitatif à l’engagement. C'est précisément ce que prévoit ce texte, à travers la mise en place d'un statut juridique très protecteur pour les réservistes : ces derniers bénéficieront d'une rémunération, y compris pendant les périodes de formation, et d'une continuité totale de leurs droits en matière de protection sociale, d'avancement, d'ancienneté et de congés payés. À cet égard, monsieur le ministre, j'espère que vous pourrez, à l'occasion de ces débats, nous préciser la teneur des textes réglementaires à venir, et en particulier en ce qui concerne les conditions de formation et de rémunération de ces réservistes.

Comme l'a souligné notre rapporteur, le dispositif proposé a vocation à compléter les dispositifs existants. Il s'inscrit clairement dans une logique de complémentarité et non de concurrence – je tenais à mon tour à le rappeler – notamment avec les quelque 250 000 sapeurs-pompiers qui constituent le pivot de notre dispositif de sécurité civile. Il me semble utile de rappeler ici, le rôle essentiel que jouent ces sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires, en matière de sécurité civile, notamment de lutte contre l'incendie et contre les calamités et les catastrophes, de mise en sécurité et de sauvetage en cas d'accident, mais aussi en matière de premiers secours, en complémentarité avec le SAMU, pour la prise en charge médicale pré-hospitalière.

MM. Jérôme Bignon et Claude Gaillard. Très bien !

M. Pierre-Louis Fagniez. Je tiens ici à rendre hommage au dévouement exemplaire dont ils font preuve dans leurs fonctions, souvent au péril de leur vie, et au très grand professionnalisme qui est le leur au service de nos concitoyens sur le territoire national, mais aussi hors de nos frontières, par les missions d'assistance qu'ils réalisent dans des pays étrangers. Ils méritent, sans doute, plus que d'autres, la reconnaissance de la Nation.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Patrick Braouezec. Ils aimeraient que cette reconnaissance ne soit pas que verbale !

M. Pierre-Louis Fagniez. Les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, la FNSP, que nous avons rencontrés à plusieurs reprises dans le cadre de la concertation menée sur ce texte, souscrivent aux objectifs poursuivis par la proposition de loi. Ils nous ont toutefois fait part de leurs interrogations quant à l'articulation des différents dispositifs, point qui, effectivement, ne fait l'objet, pour l'instant, d'aucune disposition dans la proposition de loi.

M. Patrick Braouezec. Ah ! Quand même !

M. Pierre-Louis Fagniez. Compte tenu du rôle de premier ordre des sapeurs-pompiers en cas de nouvelles crises sanitaires, il semble souhaitable de préciser clairement l'articulation de ces dispositifs.

Il me semble également important d’associer les sapeurs-pompiers aux décisions qui seront prises dans le cadre de ce nouveau dispositif au moyen des instances de dialogue mises en place dans le cadre de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, telles que la conférence nationale des services d’incendie et de secours.

C’est pourquoi, j’ai souhaité cosigner les deux amendements déposés par Thierry Mariani et Jérôme Bignon, qui ont pour objet d’inscrire dans la loi la logique de complémentarité que j’évoquais et de garantir une parfaite coordination des dispositifs existants. C’est la condition de son succès sur le terrain.

Permettez-moi, en guise de conclusion, de revenir sur l’essentiel : notre pays a le devoir de se préparer au mieux et au plus vite aux crises sanitaires dont on sait aujourd’hui que la probabilité est grande. C’est pourquoi, dans un esprit de responsabilité, le groupe UMP votera ce texte enrichi des quelques améliorations que j’évoquais à l’instant et qui sont le fruit de la concertation approfondie avec l’ensemble des acteurs concernés.

Je suis certain que nous saurons nous retrouver très largement sur ces bancs autour de cette proposition, comme nos collègues sénateurs, qui l’ont adoptée à l’unanimité. Compte tenu de l’importance de ce texte et du très large consensus dont il fait l’objet, il me semble essentiel, monsieur le ministre, qu’il puisse être définitivement adopté avant la fin de cette législature. J’espère que vous pourrez nous le confirmer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prenant très au sérieux l’objet du texte qui nous est soumis, je trouve quelque peu singulier qu’il vienne en examen au moment même où nous sommes, pour ainsi dire, en train de fermer les portes et d’éteindre la lumière.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous comptons sur une majorité plurielle !

M. Jean-Marie Le Guen. La majorité politique n’exclut pas la discussion au fond de certains sujets.

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’invoquais une majorité plurielle parce que vous évoquiez un texte singulier !

M. Jean-Marie Le Guen. J’entends bien, monsieur le ministre, mais le pluralisme politique, ne suffit pas toujours à assurer la qualité d’un texte, ni son opportunité – ou, plus exactement, son insertion dans la réforme de l’État.

M. Patrick Braouezec. Si on prenait au mot M. Fagniez, enrichir le texte ne serait pas très facile : il faudrait faire l’aller-retour avec le Sénat !

M. Jean-Marie Le Guen. Je le répète : je prends très au sérieux l’objet de ce texte, qui est même, selon moi, l’un des éléments essentiels d’une vision moderne de l’action publique.

Notre société sera confrontée – elle l’est d’ailleurs déjà – à des menaces sanitaires d’une autre nature que celles qu’elle a connues historiquement, ne serait-ce que parce que nous avons du risque et de sa gestion une autre connaissance et que, dans la société de l’information, il ne s’agira pas de constater a posteriori les dégâts, mais de gérer à l’avance les menaces et les risques auxquels nous sommes confrontés.

Ce texte évoque, et c’est nécessaire, des menaces sanitaires de première importance. Il évoque aussi un système de santé – mais je ne suis pas certain que nous ayons un système de santé dans notre pays.

L’autre incongruité de notre discussion est de voir surgir ce texte sous la forme d’une proposition de loi sénatoriale. Il semble que tout le monde, jusqu’à présent, ait oublié de citer l’origine parlementaire de ce texte – et de fait, monsieur le ministre, je crois savoir que chacun dans cet hémicycle vous reconnaît une bonne part de paternité dans ce texte.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il s’agit plutôt d’un grand intérêt !

M. Jean-Marie Le Guen. Cependant, si ce texte est une proposition de loi du Sénat, c’est bien qu’il n’y avait pas de projet de loi, ce qui signifie, monsieur le ministre, que vous n’avez pas souhaité – ou peut-être que vous n’avez pas pu – obtenir un accord global et une implication globale du Gouvernement sur ce texte. La manière dont vous procédez, certes positive en ce sens qu’elle exprime votre volonté de voir inscrire ce texte, pose aussi une interrogation quant à la capacité globale de l’État à prendre véritablement en compte une réforme nécessaire, qui reste incomplète dans votre proposition.

Ce détournement de l’action collective de l’État est d’autant plus singulier qu’outre le Premier ministre, la question concerne aussi, de toute évidence, le ministre de l’intérieur. Celui-ci, que vous avez parfois l’occasion de rencontrer (Sourires), a pour ainsi dire été contourné par cette initiative parlementaire,…

M. Guy Geoffroy. Il est incontournable, vous allez vous en apercevoir bientôt !

M. Jean-Marie Le Guen. J’ai cru comprendre que vous vous en étiez vous-même déjà aperçu.

M. Patrick Braouezec. Il a réussi à en contourner quelques-uns !

M. le président. Chers collègues, restons dans le débat parlementaire !

Monsieur Geoffroy, le ministre de l’intérieur n’étant pas parmi nous, je vous prie de bien vouloir laisser l’orateur terminer.

M. Jean-Marie Le Guen. Il me semble donc qu’un débat avec le ministre de l’intérieur était nécessaire.

Le problème se pose alors au fond. Notre pays doit-il se doter dans ce domaine d’une agence ayant vocation essentiellement logistique ? Je le crois profondément, car la forme d’organisation traditionnelle de l’État, avec par exemple une direction de la sécurité civile dépendant du ministère de l’intérieur, ne correspond plus véritablement à nos besoins face à la pluralité des menaces qu’il nous faut gérer.

Faut-il ajouter une structure ou faut-il impliquer l’État dans une réforme globale où il se dotera d’un outil adapté, tel que la désormais célèbre FEMA aux États-Unis. Si la politique de cette fameuse agence a pu être critiquée – impliquée en particulier dans la catastrophe de la Nouvelle-Orléans, elle n’a en effet pas toujours fait preuve d’une grande réactivité – il me semble que son principe n’est pas critiquable.

Notre société est confrontée à un changement de nature de la menace à laquelle elle est confrontée. Pendant des siècles en effet, quelle que soit cette menace – sanitaire ou politique, terrorisme ou accidents technologiques –, elle visait le plus souvent l’État. Aujourd’hui, elle est fondamentalement tournée contre la société et les démocraties demandent plus encore une défense de la société qu’une défense de l’État.

Il faut donc aujourd’hui une autre structure et une autre organisation de l’État pour gérer l’essentiel de ces menaces – à condition que nous soyons capables de coordonner véritablement, dans un cadre interministériel, l’ensemble des compétences et des interventions de l’État. Cette nécessité s’applique évidemment aux interventions relevant de tous les secteurs décentralisés – au premier rang desquels, bien entendu, les sapeurs-pompiers, qui ont un rôle de terrain de première importance –, mais également aux organisations de la sécurité civile et au monde associatif. On ne peut, en effet, parler de réserve sanitaire si on oublie qu’il existe dans notre pays un monde associatif déjà organisé, qui s’efforce de structurer des éléments de réponse à ces menaces.

Votre intuition est donc juste, monsieur le ministre, et je la partage. Nous devons en effet disposer d’un outil moderne, transversal, capable d’impliquer les différents niveaux de l’administration pour faire face aux problèmes de gestion logistique et d’approvisionnement liés à différentes menaces. L’idée d’un établissement public ne me choque donc pas.

Ce qui me gêne, en revanche, c’est que, malgré vos dénégations, sa création viendra s’ajouter à des structures existantes, ce qui induira un problème de coût. Au moment où certains parlent de réforme de l’État et prévoient de diminuer le nombre de fonctionnaires et de réduire les budgets consacrés par l’État à la défense de l’intérêt public, on s’aperçoit qu’aujourd’hui encore, cette majorité vient plutôt rajouter des dépenses et de l’administration, au lieu de se montrer capable de réaliser cette fusion des administrations et cette mutualisation des moyens. C’est là un signe très négatif envoyé à ceux qui espèrent une réforme de l’État.

L’ambiguïté est en outre très forte quant au niveau des financements dont pourrait bénéficier cette agence. La discussion de ce point n’est pas réglée et les propos de plusieurs intervenants, qui ont rappelé que le ministère de la santé devrait financer sur son budget l’essentiel de ces dépenses, nous laissent quelque peu soucieux en songeant au risque de voir l’assurance maladie prendre en charge des fonctions qui relèvent par essence et par tradition de l’État.

Il ne faut pas systématiser ce que nous avons pu accepter, face à l’urgence et dans l’esprit d’une évolution modérée des responsabilités, pour le financement des plans Biotox et des mesures relatives à la pandémie grippale. Nous ne devons pas puiser dans les fonds de l’assurance maladie pour financer des politiques de prévention et d’ordre public.

J’en viens enfin au problème de la réserve, qui est un sujet important. Le travail de réflexion sur les cadres organisationnel, juridique et financier dans lequel interviennent les professionnels de santé et les volontaires mobilisés par l’État est loin d’être achevé.

Peut-être pourriez-vous nous éclairer par exemple, monsieur le ministre, sur l’avancement du dossier juridique de la protection des professionnels de santé face à un risque de pandémie. L’idée d’une réserve est certes toujours positive et sympathique, mais la première question qui se pose n’en est pas moins celle de la structuration de l’active, c’est-à-dire des formes que revêt aujourd’hui l’implication de nos professionnels de santé, qu’ils appartiennent à la fonction publique, par exemple hospitalière, ou exercent dans le cadre libéral. Quelle est leur responsabilité en cas d’une crise sanitaire ? Quel est leur statut ? Quel est leur mandat ? Qui pourra s’impliquer dans cette action, et qui pourra s’y soustraire ?

Il ne me semble pas que, là encore, nous ayons véritablement avancé au cours des derniers mois sur ces questions – qui d’ailleurs seraient peut-être redondantes par rapport à une certaine réflexion sur la mutation que connaît l’exercice des professions libérales. Nous sommes de plus en plus nombreux, y compris au sein du corps médical, à demander que les professionnels de santé libéraux puissent bénéficier d’un mandat de service public, qui correspondrait à certaines tâches de santé publique comprenant, outre les tâches quotidiennes, la préparation à ces tâches exceptionnelles qui relèveraient de la mobilisation en cas de grave crise sanitaire.

Il me semble donc qu’il faut, avant d’évoquer la réserve, aborder le problème de l’active, c’est-à-dire des médecins, des infirmières, des professionnels de santé en activité, dans les hôpitaux publics comme dans les cliniques privées ou en exercice libéral : quelles seront les responsabilités, les droits et les cadres juridiques des uns et des autres ? Répondre à ces questions nous permettrait d’envisager la création d’une réserve avec plus de sérénité et de logique.

À cet égard, l’idée d’élargir le dispositif existant me paraît positive, mais la question se pose encore de savoir si cette nouvelle réserve ne sera pas redondante avec, par exemple, la réserve militaire sanitaire, constituée de médecins qui l’ont rejointe après un service militaire ou par adhésion.

Qu’en sera-t-il de tous ceux qui sont engagés de façon personnelle et volontaire dans le mouvement associatif, par exemple à la Croix-Rouge, à Médecins du Monde ou Médecins sans frontières ? Comment tout cela s’organisera-t-il, puisqu’une grande partie du corps médical et des professionnels de santé n’a pas attendu que nous parlions de réserve sanitaire pour se structurer, s’organiser et se doter de la capacité à se mobiliser.

Toutes ces questions ne semblent pas véritablement réglées par la proposition de loi qui nous est soumise. Les intuitions que ce texte met sur la table et les problématiques qu’il souligne sont, je le répète, parfaitement justes pour l’essentiel, il me semble qu’elles ne devraient pas entrer dans le débat et dans le cadre juridique par le biais quelque peu subreptice d’une proposition de loi. La question aurait mérité une véritable réflexion sur la modernisation de l’État, sur la transversalité des fonctions et sur la gestion des risques nouveaux auxquels sont confrontées nos sociétés. J’aurais souhaité que nous puissions aborder ce texte avec une vision plus globale et que nous puissions mettre très clairement sur la table le problème des statuts juridiques et des droits et devoirs de chacun, ainsi que les problèmes de financement, le rôle des collectivités locales et l’implication des systèmes d’information, quels qu’ils soient.

Nous restons donc, je le répète, dans l’expectative à propos de ce texte. De nombreuses personnes se sont exprimées, notamment parmi les professionnels de la sécurité civile, au premier rang desquels les associations et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. Ils ont des inquiétudes, que je ne suis pas sûr que nous ayons toujours pu véritablement lever.

Il est dommage que nous n’ayons pas saisi l’occasion qui aurait pu nous être donnée d’avoir un débat plus public sur l’ensemble des fonctions de l’État, profitant de la question juste posée dans ce texte pour aborder plus globalement la problématique de la modernisation de l’État.

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président. L’article 1er ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. Sur l’article 2, je suis saisi de deux amendements, nos 13 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 13.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. L’amendement vise à donner une définition plus précise du domaine de compétence de la réserve sanitaire car, par souci et besoin de clarification, il faut rappeler la cohérence entre sa mission et celle des services publics ou des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour défendre l’amendement no 1.

M. Jérôme Bignon. Je mesure toute l’importance de ce texte. J’en comprends l’urgence, compte tenu des risques existants et pour que, si un malheur devait survenir, nous soyons prêts dans les moins mauvaises conditions possibles.

Mais il est apparu à Thierry Mariani et à tous les collègues qui ont signé cet amendement que cette proposition de loi pouvait être utilement complétée en rappelant notamment le rôle essentiel de nos 250 000 pompiers, dont 200 000 sont des volontaires, leur dévouement, leur engagement, leur disponibilité. Ils sont évidemment toujours prêts à être mobilisés pour assurer des missions difficiles ; c’est dire l’extraordinaire capacité de réaction qu’ils représentent. Que la commission prenne en compte cette dimension sur laquelle nous avons voulu attirer l’attention du rapporteur et du Gouvernement va dans le bon sens par rapport à l’esprit de ce texte. Il ne s’agit évidemment pas d’opposer un corps à un autre mais, bien au contraire, d’organiser une mobilisation générale sur un point aussi fondamental.

M. Pierre-Louis Fagniez. Bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement no 1 ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Monsieur Bignon, nous sommes tout à fait d’accord sur le fond. C’est pourquoi la commission a adopté l’amendement no 13. Les deux amendements étant à peu près identiques, je vous demande de retirer le vôtre.

M. le président. Monsieur Bignon, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jérôme Bignon. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n1 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement no 13 ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable, mais je comprends l’esprit de l’amendement que vous avez présenté, monsieur Bignon.

Claude Gaillard. Bon esprit ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je sais que vous avez travaillé sur ce dossier avec Thierry Mariani. Le Gouvernement était favorable aux deux amendements car il s’agit bien de complémentarité et absolument pas de concurrence entre ces différents corps. Il ne suffit pas de le dire. Il faut aussi le montrer. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons voulu enrichir ce texte.

Sans attendre l’adoption de l’amendement no 13, qui apporte des garanties supplémentaires, nous avons d’ores et déjà, comme je m’y étais engagé, travaillé sur les décrets, pour bien montrer qu’il ne s’agit pas de voter un texte qui correspondrait à un quelconque effet d’annonce. Vous savez que je ne suis pas le champion du monde des effets d’annonce ; je n’ai jamais travaillé comme ça et je ne vais pas commencer aujourd’hui.

M. Jérôme Bignon. Je le sais, monsieur le ministre ! Je vous connais !

M. le ministre de la santé et des solidarités. S’agissant de ces décrets, je suis prêt à m’engager auprès du rapporteur comme auprès de Francis Giraud, qui est à l’origine de ce texte, et de tous les parlementaires qui le souhaiteraient, à les mener à bien. Nous avons engagé une réflexion, déjà très avancée, avec le ministère de l’intérieur à ce sujet. Nous soumettrons ces projets de décret à l’ensemble des partenaires – je pense notamment à la commission des SDIS – pour que les pompiers aient la garantie que les choses se feront bien en complémentarité avec les autres services et en aucun cas en concurrence.

M. Jérôme Bignon. Je vous remercie.

M. le ministre de la santé et des solidarités. L’articulation du dispositif a aussi été évoquée par Pierre-Louis Fagniez, et je tenais, par la même occasion, à lui répondre.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. J’ai regretté de ne pas avoir pu, pour des raisons uniquement matérielles, cosigner les amendements en discussion, mais je voulais manifester ma totale satisfaction après les propos qui viennent d’être tenus. Nous savons tous, sur nos territoires, combien les populations sont sensibles au travail effectué par l’ensemble des personnels, notamment ceux des services départementaux d’incendie et de secours.

Vous venez de rappeler, monsieur le ministre, qu’il n’est pas question de remettre en cause, ni même de jeter une ombre sur le travail fait par les uns et par les autres. Nous n’avions pas de doute à ce sujet, mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant. Avec ce texte, c’est véritablement d’un plus qu’il s’agit, et le fait que l’amendement n13 ait l’accord du Gouvernement ne peut que combler l’ensemble des élus locaux présents dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 14.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Lors de la mission parlementaire sur la grippe aviaire, Jean-Marie Le Guen et moi-même avions évoqué la nécessité de renforcer le pilotage interministériel, au côté du directeur général de la santé. Cet amendement est donc bienvenu, puisqu’il va établir une coordination entre le ministre chargé de la santé et le ministre chargé de la sécurité civile.

M. Jérôme Bignon et M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Même esprit que l’amendement précédent, même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ou bien cet amendement en dit trop, ou il n’en dit pas assez. Si personne n’a pensé, au point de départ, que cet établissement public devait être coordonné avec le ministère de l’intérieur, c’est qu’il y avait peut-être des raisons…

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Ah !

M. Jean-Marie Le Guen. … liées à la professionnalisation, mais aussi des raisons politiques : il s’agit de savoir qui doit piloter certaines crises sanitaires.

Je vois présents ici plusieurs membres de la mission sur la grippe aviaire et la pandémie grippale : avouez, mes chers collègues, qu’à plusieurs reprises, quand nous avons demandé à contacter les ministres concernés par cette question sanitaire, nous avons été totalement satisfaits par le ministre de la santé, qui est venu autant que de besoin devant notre mission ; de même, le ministre de l’agriculture s’est mobilisé, le ministre de l’éducation nationale est venu nous nous voir,… mais jamais personne du ministère de l’intérieur ! Jamais personne ! Il y a tout de même des problèmes de mobilisation dans ce ministère sur ces questions-là. Voir arriver aujourd’hui le ministère de l’intérieur et de la sécurité civile dans notre discussion, alors qu’en fait il est assez peu mobilisé – c’est le moins que l’on puisse dire – sur ces risques nouveaux, traduit un malaise.

Le fait que ce ministère ne figurait pas initialement dans le texte me laisse penser que l’on n’est pas en train de pointer les problèmes ni de trancher les questions. Nous savons très bien qu’il y a une lutte d’influence entre des administrations, lutte qui a peu à voir avec l’objet de cette proposition de loi, et on introduit dans ce texte, avec cet amendement, beaucoup plus des logiques d’administration que des logiques politiques de mission.

Personnellement, je suis donc réservé sur cet amendement, et en tout cas très inquiet sur sa signification.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Le Guen, ne soyez pas réservé sur ce texte sur la réserve ! Il nous semblait qu’il n’y avait pas de difficulté. Mais on s’aperçoit que ça va encore mieux en le disant et en l’écrivant, notamment par souci de cohérence avec l’ordonnance de 1959 sur la sécurité civile.

Vous avez parlé de la pandémie grippale. Vous savez fort bien, en raison des fonctions qui sont les vôtres au sein de la mission parlementaire sur la grippe aviaire, que le ministère de l’intérieur intervient ès qualités dans la phase pré-pandémique. Je peux vous dire, parce que j’ai participé à plusieurs réunions avec le délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, en présence des préfets, au ministère de l’intérieur, que chacun est sur le pont. De plus, vous savez aussi que c’est le ministère de l’intérieur qui aurait toute compétence en cas de phase pandémique. Je vous assure donc que chacun est à sa place et sait précisément ce qu’il a à faire en fonction du niveau de risque décrété par l’Organisation mondiale de la santé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2.

La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le soutenir.

M. Jérôme Bignon. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 15.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Bignon, d’avoir retiré votre amendement, dont l’adoption aurait fait tomber les amendements nos 15, 10 et 11 de la commission.

L’amendement no 15 vise à mettre les moyens mobilisés en adéquation avec les besoins exprimés par les préfets, directeurs des opérations de secours. C’est une volonté exprimée dans le rapport de la mission parlementaire que de donner au préfet de région et éventuellement au préfet de zone des pouvoirs de mobilisation, parce qu’il faut aller au plus près de la proximité. Nous avons d’ailleurs reçu des préfets lors de nos auditions. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement no 10.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Cet amendement vise, dans le quarante-sixième alinéa de cet article, à insérer les mots « sur le territoire national » après le mot « face ». Comme le précédent, il pour objet d’inscrire le recours à la réserve sanitaire dans la cohérence de notre système français.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 11.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. C’est un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. L’amendement vise à préciser le rôle des préfets dans l’affectation des réservistes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Il a le même objet que l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4. Il est de précision.

L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. L’amendement vise à substituer aux mots : « l’administration », les mots : « la gestion administrative et financière » parce qu’il faut bien donner un rôle à cette administration : celui d’inscrire les moyens de lutte contre les risques sanitaires dans la cohérence de notre système français.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 7 et 8, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Défendus !

M. le président. Le Gouvernement y est favorable.

Je vais mettre successivement aux voix les amendements 7 et 8.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 9.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. L’amendement précise que l’établissement public peut financer des actions de prévention des risques sanitaires. C’est donc très important.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est un amendement important qui porte sur la prévention. Mieux vaut prévenir que guérir ! Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 3 à 12

M. le président. Les articles 3 à 12 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 3 à 12, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 13

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 13.

Explication de vote

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour une explication de vote.

M. Jérôme Bignon. Je voudrais remercier la commission, son président et son rapporteur, pour leur excellent travail. Nous avons pu, jusqu’au bout, améliorer un texte qui, tel qu’il nous arrivait du Sénat, pouvait sembler satisfaisant : la discussion parlementaire a ainsi porté tous ses fruits.

Je remercie également le ministre et son administration pour leur écoute : une concertation importante peut ainsi s’organiser, en coopération avec le ministre de l’intérieur. Elle était attendue, tant par les professionnels de la santé que par ceux de la sécurité civile. Le groupe UMP, monsieur le ministre, prend volontiers acte de votre volonté en la matière. La concertation permettra de favoriser le rapprochement des points de vue : sur des sujets aussi essentiels, nous n’avons pas le droit de laisser s’installer des difficultés ou des divergences d’interprétation entre les services.

Merci, donc, d’avoir accepté cette concertation dans la préparation des textes réglementaires et de soumettre ces derniers à la conférence nationale des services d’incendie et de secours : les pompiers y seront très sensibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je remercie l’Assemblée nationale d’avoir adopté cette proposition de loi présentée à l’initiative du sénateur Francis Giraud, et tout particulièrement Jean-Pierre Door pour son travail. Je remercie également chacun d’entre vous : nous sommes parvenus à compléter le texte, et donc à rassurer ceux qui avaient exprimé leur inquiétude.

Il s’agit pour moi du dernier texte de la législature, et nous pouvons tous être fiers de son adoption. Les crises sanitaires auxquelles nous avons eu à faire face ne sont ni de droite, ni de gauche. J’entends bien les différentes observations qui ont été faites, mais ce texte, même s’il arrive en fin de législature, sera appliqué : nous sommes déjà au travail pour ce qui concerne les décrets. Notre pays bénéficiera ainsi, y compris pour toute autre crise que celle de la grippe aviaire, d’ici à l’été prochain, d’un outil supplémentaire.

Notre état de préparation n’en sera que renforcé. Même si certains disent que la France est aujourd’hui l’un des pays les mieux préparés, mieux vaut ne pas s’abandonner aux satisfecit.

MM. Jérôme Bignon et Guy Geoffroy. Absolument !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Continuons plutôt d’améliorer notre état de préparation : cela profitera tous, quel que soit le futur gouvernement.

Votre assemblée vient de voter un texte important. Votre travail l’a été tout autant, que ce soit dans l’hémicycle ou en commission : j’ai su l’apprécier, monsieur le président Dubernard, à sa juste valeur. Certes, les débats ont parfois été plus animés qu’aujourd’hui, mais chacun d’entre vous, avec son tempérament et ses arguments, m’aura permis de prendre beaucoup de plaisir à travailler avec l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Braouezec. Merci, monsieur le ministre !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

3

modernisation de la diffusion audiovisuelle et télévision du futur

Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, 22 février 2007.

« Monsieur le président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 3684).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, les membres de l'Assemblée nationale et du Sénat sont parvenus, le 13 février dernier, à s'entendre sur une rédaction commune du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Avant route chose, je tiens à remercier les rapporteurs de l’Assemblée et du Sénat, qui ont beaucoup travaillé sur ce texte et permis des évolutions significatives, ainsi que les présidents des commissions des affaires culturelles et des affaires économiques, ici présents, qui, avec les administratrices et administrateurs, nous ont apporté un appui précieux. Je remercie également le Gouvernement d’avoir inscrit ce projet en urgence, ce qui permettra de répondre à des demandes très fortes de l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel.

Le texte qui nous est revenu du Sénat avait déjà été très largement amélioré par nos collègues sénateurs en première lecture. Les deux chambres ont eu, sur ce projet de loi, une approche complémentaire et non pas contradictoire. Ce travail approfondi du Sénat, puis de l'Assemblée, a permis d'enrichir et d'améliorer très largement la rédaction du texte initial.

Sous réserve de quelques aménagements, la rédaction retenue demeure celle de l'Assemblée nationale. Je vous présenterai succinctement les principales modifications intervenues en commission mixte paritaire, pour la plupart issues d'amendements conjoints aux deux rapporteurs. D'ordre rédactionnel ou de clarification, elles ont permis de clarifier certaines dispositions très techniques du projet de loi.

À l'article 2 bis, la commission mixte paritaire a adopté un amendement des deux rapporteurs visant à donner au CSA les moyens de recomposer plus facilement les multiplexes pour favoriser le passage en numérique des télévisions locales analogiques.

À l'article 5, la CMP a adopté un amendement de M. Retailleau, sénateur, qui prévoit un délai de quatre mois pour que le CSA établisse le calendrier de l'extension de la couverture en TNT pour les opérateurs nationaux. Un amendement des rapporteurs a également été adopté, visant à lever une ambiguïté quant aux bénéficiaires de la compensation financière accordée par l'État pour la diffusion de l'ensemble des programmes régionaux de France 3 sur une des plate-formes satellitaires : cette compensation sera bien accordée à France Télévisions et non au distributeur.

S'agissant des obligations de production et de diffusion des canaux compensatoires, la commission mixte paritaire a adopté un amendement des rapporteurs, substituant à l'obligation « particulière » de soutien à la création de ces canaux compensatoires, une obligation « renforcée » de soutien, afin de lever toute ambiguïté rédactionnelle.

À l'article 5 bis, elle a adopté un amendement de MM. Ollier, Soulier et Retailleau tendant à compléter le dispositif prévu à cet article pour la mise en conformité des conventions passées entre les câblo-opérateurs et les collectivités territoriales.

À l'article 5 quinquies, à l'initiative du sénateur de Broissia et de moi-même, nous avons adopté un amendement prévoyant que les services de radios numériques se voient attribuer une part significative des fréquences des bandes L et III.

À l'article 7 bis, la commission mixte paritaire a adopté plusieurs amendements des rapporteurs, de M. Dominique Richard et de Mme Catherine Morin-Dessailly, complétant utilement le dispositif voulu par l'Assemblée nationale concernant la conformité numérique des équipements audiovisuels.

Un premier amendement vise à garantir aux consommateurs, à compter du 1er décembre 2008, l'intégration dans les téléviseurs, mais également dans les enregistreurs, d'un adaptateur permettant la réception effective des programmes en haute définition.

Un deuxième amendement crée un label « Prêt pour la haute définition » pour les seuls terminaux permettant la réception effective des services en haute définition.

Un troisième amendement prévoit que les industriels et les distributeurs doivent informer de façon détaillée et visible les consommateurs des capacités de l'ensemble des matériels récepteurs de télévision – adaptateurs, enregistreurs, etc. – et non plus uniquement des téléviseurs, à recevoir les signaux numériques, notamment en haute définition.

Enfin, un dernier amendement ouvre à tous les terminaux la possibilité de se voir attribuer le label « Prêt pour la radio numérique ».

À l'article 9, la commission mixte paritaire a adopté un amendement de MM. Ollier et Retailleau précisant que les contrats de droits exclusifs passés antérieurement à la présente loi, y compris en télévision mobile personnelle, produisent leurs effets jusqu'à leur terme.

À l'article 10, la CMP a adopté un amendement de MM. Ollier, Retailleau et Soulier qui, d'une part, supprime la faculté pour les éditeurs de services de s'opposer à la reprise de leurs programmes si le distributeur n'a pas pris les mesures techniques permettant le respect des engagements de ces éditeurs à l'égard des ayants droit et, d'autre part, précise que les distributeurs de services de TMP ne doivent pas faire obstacle à la mise en œuvre desdites mesures techniques.

À l'article 13, a été adopté un amendement présenté par les rapporteurs visant à garantir que, lors des appels à candidatures lancés par le CSA pour la télévision mobile personnelle, une part des fréquences réservées à la diffusion d'autres services de communication audiovisuelle que de télévision soit consacrée à la diffusion des services de radio.

Sous réserve de l'adoption de trois amendements rédactionnels présentés par le Gouvernement, j’inviterai l’Assemblée à adopter le projet de loi dans le texte de la CMP. Il s’agit en effet d’un texte équilibré qui convient à la grande majorité des acteurs de l’audiovisuel français, ce qui n’était pas assuré d’avance étant donné les enjeux économiques et industriels et le contexte de très forte inquiétude dans lequel ce projet s’inscrivait. Les craintes exprimées par les acteurs tant des télécoms que de l’audiovisuel, qui avaient besoin de trouver leur place, sont aujourd’hui apaisées avec le texte tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Braouezec, premier orateur inscrit.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi prévoit le basculement de la télévision analogique vers le numérique à partir du 31 mars 2008 pour s'achever le 30 novembre 2011. À cette date, la télévision numérique terrestre, la TNT, devra être accessible à 95 % de la population, les 5 % restants étant desservis par voie satellitaire gratuite.

Le texte organise également le lancement, dès l'été 2007, des deux autres composantes de la télévision du futur : la télévision haute définition, ou TVHD, et la télévision mobile personnelle, ou TMP. À l'heure où l'image occupe une place toujours grandissante dans notre quotidien, il aura indiscutablement des effets sur la vie de tous les jours de nos concitoyens.

La ressource numérique étant un bien public, donc commun, les décisions ne sauraient être prises que dans l'intérêt général, afin de garantir la diversité des contenus, l'exception culturelle, l'accessibilité pour tous et le pluralisme.

Une quarantaine d'amendements, pour la plupart d'ordre technique, ont été adoptés en CMP. Celle-ci, entre autres modifications majeures, a créé un label « Prêt pour la haute définition », et étendu à chaque « enregistreur ou tout autre équipement » l'obligation – imposée aux téléviseurs vendus « dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi » – de disposer d'un adaptateur numérique.

Monsieur le ministre, ce texte me laisse pourtant sur un sentiment d'insatisfaction, voire de profonde déception. Si une lecture un peu rapide peut le faire apparaître comme étant de bon sens, en réalité, il élargit immensément le poids des puissants. De rachats en fusions, nous assistons en effet à l’augmentation et à l’accélération des concentrations dans les médias et les industries culturelles.

Énumérons le total des cadeaux que le Gouvernement leur fait : cadeau aux trois opérateurs audiovisuels historiques privés – TF1, Canal+ et M6 – d'un canal supplémentaire qui pourra émettre sur tout le territoire gratuitement ou non ; cadeau d'un accès automatique au futur réseau de télévision mobile personnelle pour les « nouveaux entrants » de la TNT, dont les chaînes des groupes Bolloré, Bertelsmann-RTL, Lagardère-Hachette et Canal+-TPS ;...

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Il va y en avoir des cadeaux !

M. Patrick Braouezec. Eh oui !

...cadeau du marché de la haute définition aux industries de l'électronique grand public et aux installateurs – un marché réservé de millions de personnes ; cadeau du marché de la télévision mobile personnelle...

M. Patrick Ollier. Un vrai Père Noël, le ministre !

M. Patrick Braouezec. ...aux trois grands opérateurs de télécommunications – je vous fais grâce de leurs noms : vous les connaissez mieux que moi.

Chacun sait pourtant que le monopole dans le domaine des médias constitue un réel danger pour la démocratie – nous en avons des exemples tous les jours. Or les verrous anticoncentration sont quasiment absents du texte, alors que la vigilance démocratique devrait au contraire conduire à les renforcer.

M. Dominique Richard. Parole d’expert !

M. Patrick Braouezec. J'aurais pourtant souhaité apporter mon soutien, car nos débats ont démontré que nous pouvions nous rencontrer et faire avancer les choses sur certains points.

M. le ministre de la culture et de la communication. Mais bien sûr !

M. Patrick Braouezec. Nous jugeons, par exemple, très positif le passage à la télévision numérique terrestre et l'ouverture de la télévision mobile. Ce sont de beaux objectifs, si, bien entendu, l'on tend pour la TNT vers une couverture à 100 % du territoire. Les Françaises et les Français ont en effet droit à une qualité de télévision qui soit à la hauteur des possibilités technologiques offertes par le XXIe siècle. Notre vote ne signifie donc pas que nous soyons contre cet objectif, bien au contraire.

Cela étant, nous aurions pu – ou dû – prendre le temps d'élaborer un texte qui anticipe davantage les évolutions futures, notamment dans le domaine de l'Internet, le développement des technologies recelant des potentialités énormes. C’est en fait à un véritable déni de justice et à une inégalité de traitement entre chaînes auxquels on assiste, ce qui témoigne, entre autres, de votre volonté de canaliser les spectateurs vers un certain type de diffuseur d'information, de divertissement ou de culture.

Vous avez par ailleurs oublié que le téléspectateur était de plus en plus un acteur, et vous avez négligé l'interopérabilité, l'interactivité entre les émetteurs, que sont les chaînes de télévision, et les récepteurs, que sont les téléspectateurs, en ne misant pas sur tout ce que pouvait offrir l'utilisation d'Internet.

Votre texte manque également l’occasion de réfléchir en profondeur à ce que peuvent apporter à notre pays la télévision de proximité et les télévisions associatives en termes de démocratie, grâce à la prise en compte, au plan local, voire régional, d'une culture ou de réseaux d'information propres à nos quartiers, à nos villes et à nos campagnes.

Enfin – c'est vrai pour les vingt chaînes qui seront présentes sur la TNT, mais c'est surtout flagrant pour la télévision mobile –, le service public n'a pas toute sa place dans le projet de loi.

M. Dominique Richard. C’est le plus important en Europe !

M. Patrick Braouezec. Il n'y est pas suffisamment présent pour satisfaire les besoins et garantir à tous les usagers une égalité de traitement leur permettant de bénéficier d'une vraie télévision publique de qualité. C'est un raté que nous regrettons.

La télévision de service public n'est pas prête à affronter les nombreux défis liés à la modernisation des modes de diffusion. Pourtant, comment imaginer une télévision du futur sans un service public fort, offensif, capable de rivaliser avec les moyens de plus en plus colossaux des grands groupes privés et les opérateurs de télécommunications ? Sans volonté politique résolue, nous assisterons à la marginalisation du groupe France Télévisions.

Ce dernier possède pourtant de réels atouts : d'abord, l'attachement d'une majorité de citoyens au service public audiovisuel ; ensuite, un inestimable savoir-faire dans la production de contenus à haute valeur ajoutée culturelle et artistique.

La prochaine législature – c’est du moins ce que nous espérons – permettra d'aller beaucoup plus loin dans ce domaine.

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce sera difficile !

M. Patrick Braouezec. En attendant, nous ne pourrons pas voter ce projet de loi.

M. Guy Geoffroy. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans vouloir revenir sur l’ensemble des aspects du projet de loi, je tiens néanmoins à réaffirmer, au nom du groupe de l’UMP, toute l’importance que nous attachons à ce texte et combien nous nous félicitons de son adoption.

Toute la filière audiovisuelle, dans sa grande diversité – des industriels aux distributeurs, des éditeurs aux producteurs, des auteurs aux techniciens –, l’attendait avec beaucoup d’impatience. Il fera date, car il ouvre une nouvelle ère de la télévision.

Pouvions-nous laisser notre pays accuser ne serait-ce qu’un, voire deux ou trois ans de retard dans la mise en place des outils juridiques nécessaires à la télévision de demain ? À l’évidence, non.

Le texte permet quatre avancées majeures. Tout d’abord, il fait entrer pleinement le numérique dans les foyers. Les Français vont désormais bénéficier gratuitement d’une offre de télévision d’une qualité proche de celle du format DVD. L’image et le son numériques seront à la portée de tous, y compris des plus modestes.

Ensuite, il assure plus de diversité et de pluralisme. Aussi, quand j’entends le porte-parole intermittent de Mme Royal – M. Arnaud Montebourg – parler de « berlusconisation » de l’audiovisuel, je me dis que, décidément, il a des problèmes avec la télévision, lui dont la formation politique a offert une chaîne à Silvio Berlusconi,...

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Dominique Richard. ...la défunte Cinq,...

M. Patrick Ollier. Bravo, monsieur Le Guen !

M. Dominique Richard. ...dont l’apport culturel au paysage audiovisuel français n’avait à l’époque échappé à personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour notre part, nous sommes fiers, à l’UMP, d’appartenir à la majorité qui aura permis de passer de quatre groupes audiovisuels diffusant en clair, dont un pôle public conforté, à neuf groupes participant à l’offre élargie de dix-huit chaînes.

Cette diversité est, n’en doutons pas, un facteur de réussite et d’équilibre de notre nouveau paysage audiovisuel qui a besoin autant d’acteurs forts, capables de rivaliser avec les grands groupes européens – je rappelle que le premier groupe français audiovisuel diffusé en clair n’est que le douzième européen – que d’une diversité de chaînes conventionnées ou diffusées sur la TNT.

Troisième avancée notoire, la sécurisation juridique de la couverture à 100 % du territoire en numérique d’ici à 2011, avec le lancement prochain d’une offre satellitaire gratuite et la sécurisation de l’offre de l’audiovisuel public avec la reprise garantie des stations locales de France 3.

Enfin, quatrième progrès à souligner, un soutien affirmé à la création de programmes permettant d’alimenter ces nouveaux écrans, grâce aux engagements qualitatifs demandés aux chaînes compensatoires – sur ce point encore, nous innovons quand d’autres étaient moins regardants en 2000 –, grâce à l’augmentation du taux de contribution au COSIP, le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels, des chaînes haute définition et de la TMP, grâce enfin à la modernisation du compte de soutien qui s’adapte aux nouvelles réalités. Je me réjouis à cet égard que le principe de neutralité technologique ait été conforté et étendu.

Nous aurons ainsi été la majorité qui aura véritablement œuvré en faveur de la création audiovisuelle.

M. le ministre de la culture et de la communication. Çà, c’est sûr !

M. Dominique Richard. La majorité qui aura cherché en permanence à concilier la croissance économique du secteur avec le souci de la diversité, du pluralisme et du développement de la production.

Le Parlement, sous l’impulsion des deux rapporteurs, dont je salue la qualité du travail, a largement contribué à enrichir ce projet et je veux remercier le Gouvernement, et particulièrement vous, monsieur le ministre, pour son esprit d’ouverture face à nos propositions.

M. Patrick Ollier. C’est vrai.

M. le ministre de la culture et de la communication. Merci. Je suis moins buté qu’il n’y paraît.

M. Dominique Richard. En effet, et en dehors du COSIP déjà cité, le travail parlementaire aura permis de répondre notamment à la question des écrans noirs, des jeux vidéo, de l’équipement des ménages en numérique ou de la radio.

Lors de sa réunion du 13 février dernier, la CMP est arrivée à un point d’équilibre, reconnaissant qu’il y avait une « urgence technologique et démocratique » à adopter ce texte, selon l’expression avisée du président de la commission des affaires culturelles.

Ce challenge était vraiment vital pour l’ensemble de la filière. Le groupe UMP pourra, lui, avoir la fierté d’y avoir répondu en votant ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, mes chers collègues, loin de donner le signal d'une nouvelle diversité audiovisuelle, loin de pérenniser sérieusement le financement de la création et de tracer les contours de ce que pourrait être la télévision du futur, ce projet de loi que nous avons examiné dans l'urgence, sans justification sérieuse…

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur. Oh !

M. Jean-Marie Le Guen. …met en œuvre l'arrêt de la diffusion de la télévision analogique et ne promeut que des avancées purement technologiques…

M. le ministre de la culture et de la communication. Oh !

M. Jean-Marie Le Guen. …sans pour autant éclairer l'avenir sur le pluralisme, la répartition objective des fréquences, l'interopérabilité des terminaux, la réduction de la fracture numérique, etc.

M. Dominique Richard. Vraiment, vous découvrez le texte !

M. Jean-Marie Le Guen. Cher collègue, je vous signale que je m’occupais de télévision avant que vous ne vous intéressiez à ce sujet !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur. Ça, vous n’en savez rien.

M. Dominique Richard. Le monde a changé !

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui, il faut savoir évoluer.

M. Guy Geoffroy. C’est à vous que vous adressez ce conseil ?

M. Jean-Marie Le Guen. J’espère que vous-même aurez l’occasion d’évoluer. Mais, dans l’opposition, vous changerez peut-être de sujet.

M. Dominique Richard. Dans quinze ou vingt ans !

M. Jean-Marie Le Guen. Comme vous y allez pour votre carrière de parlementaire !

Ce texte baptisé pompeusement « télévision du futur » aurait mérité, au-delà des nouveaux outils de communication, un grand débat national sur la place et l'avenir de la télévision sur quelque support que ce soit.

Quelques mois supplémentaires n'auraient pas non plus été inutiles pour affiner normes et dispositifs techniques sur des secteurs encore en devenir et que nous maîtrisons tous, à vrai dire, de façon encore imparfaite. D'ailleurs, face à de tels bouleversements, le service public de l'audiovisuel est-il prêt ? Hélas ! le maintien de sa qualité, pour lequel les parlementaires socialistes se battent sans répit, risque, une fois de plus, d'être marginalisé. Face à des opérateurs privés de plus en plus puissants, il eût été fondamental de donner à France Télévisions et à Arte les moyens de lutter à armes égales afin que le service public audiovisuel soit l'avant-poste de l'exigence de qualité de notre paysage audiovisuel.

M. Dominique Richard. C’est le cas !

M. Jean-Marie Le Guen. Il y a quelques progrès à faire, je crois que chacun peut en convenir.

M. Guy Geoffroy. Oh !

M. Jean-Marie Le Guen. La réalité de cette loi est qu'elle transcrit les dernières volontés d'une majorité qui souhaitait encore distribuer quelques avantages pour services rendus, et peut-être rendre quelques services, qui sait ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Oh ! là ! là !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur. Pas vous, pas çà !

M. Jean-Marie Le Guen. Malheureusement, cette loi aura pour conséquence de concentrer dans les mains de quelques puissants industriels multicartes, multicartes essentiellement en matière économique, les chaînes de télévision, les programmes et l'information. Elle est un rendez-vous manqué avec l'avenir puisqu'elle passe sous silence les nouveaux modes de production et de consommation de la télévision à l'ère du numérique, niant la place d'Internet dans le paysage audiovisuel.

M. le ministre de la culture et de la communication. Ah bon ?

M. Jean-Marie Le Guen. Ignorant les chaînes indépendantes qui contribuent à la diversité et au pluralisme de l'offre et les chaînes du service public audiovisuel, la loi favorise l'ensemble des groupes audiovisuels privés éditeurs de la TNT en leur donnant une priorité pour l'obtention d'une autorisation d'émettre en haute définition. De plus, il leur sera possible de cumuler des autorisations TNT, au nombre de sept, avec la détention d'un cinquième du marché de la télévision mobile personnelle. Autant d'entraves au pluralisme qui accentuent la concentration du secteur audiovisuel et qui ne répondent en rien aux impératifs de service universel ou de neutralité des supports qu'impose en théorie la loi de 2004.

Il est regrettable que le groupe socialiste se soit vu refuser notamment un amendement qui proposait un dispositif anticoncentration s'inspirant du rapport Lancelot et un amendement qui limitait la dépendance des chaînes à l'égard des groupes dont le chiffre d'affaires se nourrit abondamment de la commande publique.

Un des points les plus contestables de la loi est qu'elle accorde à chacune des trois grandes chaînes privées un canal supplémentaire, en compensation du basculement de l'analogique au numérique. C'est un nouvel avantage accordé sans justification à ceux qui ont déjà bénéficié, lors du lancement de la TNT, d'un tel bonus de prorogation d'autorisation d'émettre.

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur. Sans contrepartie à l’époque.

M. le ministre de la culture et de la communication. Oui, c’est de la repentance !

M. Jean-Marie Le Guen. Or, le passage au numérique fera baisser de façon conséquente les coûts annuels de diffusion d'une chaîne, en rendant très attrayant économiquement le changement de mode de diffusion.

Il faudra donc une nouvelle fois rappeler que le CSA, qui n’est pas une institution totalement dévouée à l’opposition, avait émis, dans son avis sur le projet de loi, des doutes sur « la proportionnalité des avantages prévus en faveur des chaînes nationales analogiques et le respect des principes constitutionnels de pluralisme et d'égalité ». De même, l'ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, s'était fermement manifestée contre cette libéralité en déclarant qu'offrir une chaîne bonus aux chaînes existantes aurait pour effet de préempter encore un peu plus le dividende numérique au profit de ces seuls éditeurs et elle demandait la suppression de cet avantage « aucunement justifié ». Quant au Conseil d'État, s'il avait parlé de compensation, il n'avait pas indiqué qu'il était nécessaire de donner trois chaînes bonus aux chaînes « historiques » privées, en oubliant le service public audiovisuel.

M. le ministre de la culture et de la communication. On aurait pu payer, ça, c’est sûr !

M. Dominique Richard. Vous auriez préféré que nous fassions un chèque à M. Le Lay ?

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n’étiez en rien contraints à faire de tels cadeaux !

De plus, cerise sur le gâteau, les autorisations d'émettre des opérateurs nationaux « historiques » qui ont basculé en numérique seront prorogées de cinq ans, à condition que ces opérateurs adhèrent au GIP chargé de coordonner l'extinction de l'analogique et la continuité de la réception des téléspectateurs.

Au final, compte tenu des possibilités successives de reconduction automatique des autorisations, ces chaînes auront bénéficié d'une autorisation d'usage de la ressource, de plus de trente ans pour TF l et M6 et de trente-deux ans pour Canal +.

En développant une vision trop financière de la télévision, le Gouvernement a fait l'impasse sur l'enjeu démocratique que représente la télévision du futur.

Nous avons pour notre part une tout autre conception : la télévision n'est pas qu'un marché, elle fabrique aussi du lien social, elle met en jeu des questions centrales pour la société, touchant à l'information, à l'éducation, à la culture, à la perception démocratique.

C'est pourquoi nous avons proposé dans ce débat plusieurs amendements visant à redonner à nos concitoyens un minimum de garanties sur la démocratie audiovisuelle.

Le passage au tout-numérique représente une formidable chance pour répondre aux enjeux d'une offre télévisuelle pluraliste, indépendante et diverse. Car cette télévision du futur, telle que nous la concevons en tout cas, ne saurait aller à rebours de l'histoire. Il aurait été bon d'éclairer l'avenir en préparant les nouveaux équilibres nécessaires, afin d'éviter d'avoir à jouer dans quelques années les pompiers de l'audiovisuel, comme il faut le faire aujourd’hui pour la presse écrite.

La convergence des médias est non seulement une réalité technique, mais une mutation sociétale et culturelle. Ce n'est pas qu'une affaire de standards et de normes qui s'uniformisent. C'est aussi de nouveaux usages qui émergent, de nouveaux modes de consommation, en particulier sur Internet. Ne pas prendre en compte ces changements, les ignorer comme vous le faites dans ce projet de loi, c'est s'engager sur une voie sans issue.

S'agissant de la télévision mobile personnelle, elle est sans aucun doute promise à un succès et à un développement comparables à ceux que rencontrent les téléphones portables. La TMP a toutes les chances de devenir un média de masse si l'on observe ce qui se passe dans divers pays. Quant à ses conséquences en matière de culture, d'éducation et de lien social, elles ne sont pas véritablement abordées. On peut craindre aussi que ce nouveau marché ne soit à son tour accaparé par quelques grands groupes.

Alors, comment trouver le juste équilibre entre les nouveaux usages, qu'on entrevoit à peine aujourd'hui, et la diffusion de programmes hertziens classiques ? Quelle part de ces rares fréquences attribuer aux opérateurs traditionnels, aux chaînes de la TNT, et aux chaînes thématiques ou indépendantes ? Comment arbitrer la concurrence naissante entre les diffuseurs et les éditeurs ? Comment favoriser la création ? Où est l'intérêt des créateurs, des téléspectateurs ? Il n'y a pas de réponse à ces questions parce qu'il n'y a pas eu de concertation suffisante pour préparer ce texte examiné dans l'urgence, à la fin de la législature.

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est faux ! Ils sont tous avec nous !

M. Dominique Richard. Quel culot !

M. Jean-Marie Le Guen. En conclusion, sous le vernis de la technique, se dissimulent en fait des choix très politiques de la télévision du passé : vous avez privilégié les intérêts de quelques-uns en distribuant de façon discrétionnaire une ressource rare et en renonçant à des objectifs fondateurs de la civilisation numérique. On ne peut y souscrire. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre ce texte.

M. Guy Geoffroy. Quelle surprise !

M. le ministre de la culture et de la communication. Le suspens était à son comble !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je regrette le discours manichéen que vous venez de prononcer, monsieur Le Guen. Soit vous n’avez pas lu le texte, ce qui m’étonnerait de votre part, soit vous vous sentez obligé, parce que vous êtes dans l’opposition, de vous y opposer.

M. Patrick Braouezec. Eh oui !

M. le ministre de la culture et de la communication. On sentait qu’il voulait voter.

M. Patrick Ollier. Et vous venez de faire votre exercice d’opposant, sans grande conviction, je vous l’accorde. Je regrette qu’en cette dernière séance de notre législature, vous n’ayez pas dit, au fond, ce que vous pensiez.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est légèrement dictatorial : vous avez les moyens de me faire parler ?

M. Patrick Braouezec. Et vous, monsieur Ollier, vous dites toujours ce que vous ne pensez pas.

M. Patrick Ollier. Il est dommage que vous n’ayez pas avoué ce que tout le monde pense ici, à savoir que le ministre et le Gouvernement font faire, dans le cadre de cette technologie nouvelle, un progrès important à notre pays.

Monsieur le ministre, en fin de législature, quel meilleur exemple que ce projet de loi pour illustrer justement la capacité d’initiative législative du Gouvernement et c’est bien d’avoir procédé comme vous l’avez fait, le temps comptait, il fallait agir comme le Gouvernement l’a fait.

Les débats parlementaires ont en effet ajouté au projet initial, parce que vous avez permis de le faire, des modifications essentielles aux yeux de la commission des affaires économiques : la couverture de 100 % du territoire, l’utilisation pour cette couverture des réseaux d’initiative publique, la montée des chaînes de TNT en clair sur le satellite, les règles pour la réallocation du dividende numérique, l’adaptation du service antenne du câble, le bon équilibre du régime de la télévision mobile personnelle, l’aide aux fabricants de jeux vidéo, la réforme du COSIP, etc.

Frédéric Soulier, rapporteur de la commission des affaires économiques, aurait certainement aimé être présent pour vous rendre cet hommage mérité. Car il faut vous rendre hommage, comme l’ont fait M. Hamelin et M. Richard en abordant l’ensemble des dispositions positives qui ont pu être prises grâce à ce partenariat que vous avez su organiser et structurer : toutes ces avancées représentent, aux yeux de la commission des affaires économiques, une évolution capitale.

En définitive, vous avez permis une réelle prise en compte des besoins de la vie locale. Pour la commission qui s’occupe aussi du territoire, c’était particulièrement important, car le basculement vers la télévision numérique terrestre doit profiter à l’ensemble des Français.

M. Guy Geoffroy. C’est essentiel !

M. Patrick Ollier. C’est aussi une forme d’aménagement du territoire, et je suis heureux de pouvoir le souligner.

Monsieur le ministre, je tiens à vous rendre hommage à l’occasion de cette dernière séance, car pendant tous ces mois durant lesquels nous avons travaillé ensemble, vous avez toujours su aller jusqu’au bout du dialogue, vous n’avez jamais bloqué les dispositifs du partenariat et nous avons ainsi pu faire passer certaines de nos idées, ce qui n’est pas toujours possible avec tout le monde. Hommage vous soit rendu !

M. le ministre de la culture et de la communication. Merci !

M. Patrick Ollier. Je tiens aussi à remercier mes collègues de la commission des affaires culturelles, en particulier M. Hamelin et le président Dubernard, pour le partenariat constructif qu’ils ont réussi à instaurer pendant des années, chose assez rare dans notre assemblée. Chaque fois qu’un texte intéresse nos deux commissions, nos rapporteurs se réunissent et nous travaillons ensemble. C’est une initiative qui honore notre parlement.

Je ne reviendrai pas sur la couverture à 100 % du territoire qui constitue une garantie fondamentale pour les campagnes. Il était important que les territoires ruraux ne ressentent pas la télévision numérique comme une nouvelle occasion de fracture numérique. Le Sénat l’a d’ailleurs bien compris.

Je voudrais aussi souligner deux autres apports, qui intéressent particulièrement la commission des affaires économiques.

D’abord, il était essentiel de rappeler que les territoires ruraux, parce qu’ils ont besoin, plus que les zones densément peuplées, de systèmes de communication à distance et d’équipements de sécurité publique à longue portée, dépendent fortement, pour leur désenclavement et leur développement, de la disponibilité des fréquences basses utilisées par les services de communications électroniques.

À cet égard, la réutilisation du dividende numérique constitue un enjeu crucial pour l’aménagement du territoire. En effet, les fréquences libérées par l’arrêt de la télévision analogique sont justement de celles qui portent le son et l’image loin, et efficacement, car elles traversent facilement les murs. Ce sont donc des fréquences précieuses pour la couverture numérique du territoire. Aussi avons-nous tenu à ce que l’article 2 mentionne bien clairement que la réutilisation des fréquences doit prendre en compte également les préoccupations d’aménagement du territoire.

À côté de cet objectif de bonne couverture du territoire, notre commission a estimé que ce projet de loi pouvait être l’occasion de promouvoir d’autres médias culturels que ceux de l’audiovisuel. C’est pourquoi nous avons proposé la mise en place d’un crédit d’impôt en faveur de la création de jeux vidéo. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l’avoir non seulement accepté, mais encouragé.

Face à une concurrence accrue dans un marché mondial en fort développement, l’industrie française des jeux vidéo subit une crise inquiétante : par rapport à 1994, il y a eu, en 2005, deux fois moins d’emplois – 12 000 contre 25 000 – et quatre fois moins de studios. C’est une profession en crise.

Or, le jeu vidéo est bien une forme moderne de l’expression culturelle. Il est en tête des ventes de produits culturels en France, et la mise au point d’un jeu vidéo repose de façon croissante sur la création artistique, qu’il s’agisse notamment du graphisme, du son ou du scénario.

En conclusion, je ne peux donc que me féliciter d’un projet de loi qui ouvre la voie de la télévision du futur en offrant toutes les garanties souhaitables :

L’assurance qu’elle profitera à tous les Français, et je remercie encore M. le ministre pour les initiatives qu’il a prises dans ce sens ;

La conviction que la création culturelle française en sortira renforcée, portée aussi bien par ses acteurs naturels que sont nos chaînes de télévision que par des acteurs nouveaux comme les créateurs de jeux vidéo.

Je voudrais profiter de ma dernière intervention dans cet hémicycle, puisque la session va s’interrompre dans quelques heures, pour renouveler mes remerciements non seulement au Gouvernement, mais également aux commissions partenaires et à notre majorité. Pendant des années nous avons pu nous appuyer sur cette dernière, qui nous a toujours soutenu d’une manière parfaitement loyale et, surtout, constructive, car nous avons beaucoup gagné dans ces débats où nous avons pu faire passer nos idées même lorsque nous étions en désaccord avec le Gouvernement, ce qui est arrivé. C’est un exercice de démocratie extrêmement utile pour l’intérêt général.

Enfin, permettez-moi, monsieur le président, de vous remercier pour la manière dont les travaux sont conduits dans cette assemblée, et de remercier aussi toutes celles et tous ceux qui œuvrent derrière et sans lesquels nous ne pourrions rien faire devant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Peut-être êtes-vous un peu pessimiste, monsieur le président Ollier, lorsque vous dites que c’est la dernière fois de la législature que vous vous exprimez dans cette enceinte…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cette semaine est placée sous le signe de la culture à l’ère numérique. Il faut concilier dans une même dynamique les évolutions technologiques et l’offre. Lundi dernier, Marc Tessier m’a remis un rapport, que je lui avais commandé, sur la presse à l’heure du numérique, pour voir comment le numérique et la presse écrite peuvent cohabiter. J’ai ouvert ce matin à Sciences Po un colloque sur L’avenir du livre à l’ère numérique. Enfin, le Parlement doit aujourd’hui voter le projet de loi permettant à la télévision de basculer définitivement à l’ère numérique.

Pour la presse, pour le livre, pour la télévision, l’enjeu est à chaque fois celui d’une alliance entre la création et l’offre technologique. C’est une ambition partagée du Gouvernement et de votre assemblée. J’aurais souhaité, car je pense que le sujet le permettait, qu’au-delà des députés de l’UMP, que je remercie de leur clairvoyance, les autres formations politiques de l’Assemblée nationale s’associent à ce mouvement. En effet, faire en sorte que tous nos concitoyens puissent bénéficier de ce progrès de la technologie est un objectif d’unité nationale. On peut toujours améliorer certaines dispositions, et je crois avoir fait preuve d’ouverture d’esprit. Cela dit, je regrette, mais sans doute est-ce la période qui veut ça, que l’esprit partisan consistant à se livrer à des caricatures pour produire un effet de tribune facile l’emporte sur le sentiment que le monde politique devrait donner à l’extérieur de savoir s’unir lorsque l’essentiel est en jeu.

M. Jean-Marie Le Guen. L’essentiel, c’est l’élection !

M. le ministre de la culture et de la communication. L’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et la télévision du futur a ouvert un débat au cours duquel chacun a pu présenter son point de vue, ses arguments, ses convictions et ses interrogations. Un débat approfondi qui a été préparé par les travaux de votre commission des affaires culturelles et de votre commission des affaires économiques, dont je tiens à remercier les présidents et les rapporteurs. Jean-Michel Dubernard, Patrick Ollier, Emmanuel Hamelin, Frédéric Soulier. Vous avez su à la fois maintenir l’équilibre global, faire preuve d’un véritable esprit de concertation et enrichir ce projet de loi en ayant le souci permanent du service apporté à nos concitoyens.

M. Patrick Braouezec. Prix d’honneur !

M. le ministre de la culture et de la communication. Moi, j’aime les gens passionnés, les gens qui s’engagent, qui sont aptes à faire preuve de courage pour arriver à tous les rendez-vous. Il faut avoir un peu de mémoire. Il y a deux ans, la quasi-totalité de nos concitoyens ne pouvaient recevoir que six chaînes gratuites. Grâce à toute une série de décisions prises par le Gouvernement et par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, avec le soutien constant du Parlement, nous sommes en train de rattraper un immense retard et de nous qualifier pour la course des pays européens à l’heure de ces rendez-vous technologiques. Vous avez ainsi su incarner une manière moderne et efficace de légiférer, et je tiens à vous en remercier de la façon la plus vive.

En adoptant ce texte à l’issue d’un débat de qualité, qui fait honneur tout à la fois à la tradition républicaine et à votre sens de l’initiative et de la prospective, l’Assemblée nationale pose les bases de la télévision du futur qui concerne la vie quotidienne de chacune et chacun de nos concitoyens.

L’honneur du législateur, c’est de légiférer pour l’avenir. Ce n’est pas d’entériner les situations de fait. C’est de permettre, dès aujourd’hui, les choix de demain. Il y avait urgence à ce que cette loi soit votée : urgence technologique au profit des Français qui recevront, plus vite et avec une qualité accrue, plus de chaînes de télévision, chez eux comme en mobilité ; urgence technologique au service de la création et de la diversité culturelle, ainsi que des emplois qu’elles permettent de créer et de développer.

Aux parlementaires qui ne voteront pas cette loi, je dis tout simplement…

M. Pierre Hellier. Qu’ils n’auront pas la TNT !

M. le ministre de la culture et de la communication. …que, pour le monde de l’intelligence,…

M. Jean-Marie Le Guen. Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas !

M. le ministre de la culture et de la communication. …le monde du jeu vidéo, leur attitude engendrera des délocalisations,…

M. Jean-Marie Le Guen. Johnny !

M. le ministre de la culture et de la communication. …des catastrophes. C’est désormais de ce côté de l’hémicycle, celui des parlementaires de l’UMP, que le monde de l’intelligence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Le Guen. Encore une greffe de Dubernard !

M. le ministre de la culture et de la communication. …trouve désormais son vrai soutien. Celles et ceux qui ont le courage de légiférer pour pérenniser le droit d’auteur, celles et ceux qui veulent que chacun de nos concitoyens puisse profiter des évolutions technologiques sont de ce côté de l’hémicycle. Mesdames, messieurs de l’UMP, merci de votre intelligence ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Le ministre est comblé ! Attention à l’overdose !

M. le ministre de la culture et de la communication. Le projet de loi est sorti considérablement enrichi de vos débats. En l’adoptant, vous permettrez à 100 % des Français d’avoir accès à une vingtaine de chaînes gratuites de la TNT sur 100 % du territoire. Je souhaite bien du plaisir aux parlementaires de l’opposition qui tenteront d’expliquer que cela n’est pas un progrès, contrairement à ce que constatent tous nos concitoyens. Je sais votre attachement à la couverture du territoire en utilisant les différents réseaux, y compris ceux construits par certaines collectivités territoriales, pour rendre la télévision numérique accessible à tous, en particulier sur les territoires les plus fragiles.

La télévision publique sort considérablement renforcée du projet du Gouvernement et de vos débats. Pour rétablir la vérité, je veux dire quelle était la situation avant et ce qu’elle sera désormais. Avant, il y avait trois chaînes de télévision publique gratuites, accessibles à tout le monde. Actuellement, nous avons France 2, France 3, France 4, France 5 et Arte diffusées vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les chaînes parlementaires, temples de la démocratie, diffusées également vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour 100 % des Français, et France Ô, qui sera diffusée très prochainement gratuitement en Île-de-France. C’est ça l’unité de la République ! C’est ça la volonté de faire en sorte que la diversité soit partout constatée ! Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir sur la télévision publique.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas en multipliant les canaux que vous allez multiplier les contenus !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je comprends que cela gêne, mais la réalité des décisions que nous avons prises, c’est une multiplication de l’offre publique et c’est aussi les nouveaux entrants, toutes les chaînes qui défendent avec fièvre des programmes, des idées nouvelles. C’est, là encore, ce gouvernement et cette majorité présidentielle qui ont donné une telle perspective à ces nouveaux entrants.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. L’offre satellitaire gratuite diffusera dès l’été prochain tous les programmes du service public, en particulier les vingt-quatre éditions régionales de France 3, qui bénéficiera d’une compensation financière de la part de l’État, ainsi que les programmes de France Ô.

Cette loi, c’est aussi une information systématique, plus honnête et plus transparente pour tous les consommateurs sur leur équipement en téléviseurs et les modalités du basculement en numérique. Mesdames, messieurs les députés de l’UMP, soyez fiers du souci concret que vous avez de nos concitoyens et des consommateurs.

M. Guy Geoffroy. Nous le sommes !

M. le ministre de la culture et de la communication. Par le vote de cette loi, vous ne vous contentez pas de définir un principe virtuel. Vous vous attachez aux plus démunis de nos concitoyens, à ceux pour qui la télévision est véritablement le compagnon de la vie quotidienne.

Pour que personne ne soit induit en erreur et que chacun soit pris par la main pour comprendre la nature des enjeux, les mesures que vous allez adopter permettront l’étiquetage. Ainsi, dans un délai très proche, nos concitoyens sauront, quand ils achèteront un téléviseur, qu’il est compatible avec ce progrès technologique. En la matière, nous avons le souci d’une égalité concrète. La feuille de route que j’avais reçue du Président de la République prévoyait que la révolution technologique ne devait pas créer une France à deux vitesses. C’est la raison pour laquelle les plus démunis de nos concitoyens seront aidés pour acheter l’installation appropriée, mesure qui me semble très importante. Étiquetage et information seront partout dans les lieux de vente, campagne de communication qui sera relayée par les médias nationaux et locaux dès cette année, afin de garantir l’information des consommateurs sur les modalités de l’extinction de la diffusion analogique et la mise en place de la télévision numérique. Il s’agit d’une chance concrète pour chacune et chacun de nos concitoyens. Je ne veux pas que se déclenche une peur ou que se créent des inégalités supplémentaires. Et, si le texte rend possible la réalisation d’engagements concrets, mesdames, messieurs les députés de l’UMP, c’est grâce à vous.

Cette loi, c’est une triple garantie d’équipement, et je tiens à saluer combien, sur ce sujet majeur, le rôle de votre commission des affaires culturelles et de votre commission des affaires économiques a été déterminant.

Premièrement, dans les prochains mois, les téléviseurs en vente seront tous équipés en numérique. Dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, les téléviseurs vendus par les industriels aux distributeurs d’équipement électronique grand public intégreront un adaptateur permettant la réception de la télévision numérique terrestre. Un an après la promulgation de la loi, les téléviseurs vendus aux consommateurs sur le territoire national intégreront un adaptateur.

Deuxièmement, les immeubles neufs seront équipés pour tous les réseaux de communication.

Troisièmement, le fonds d’aide permettra aux plus démunis de nos concitoyens de s’équiper. Il a pour objectif une égalité sociale et une égalité géographique. Ce qui veut dire que, là où subsistent des zones d’ombre, notamment en montagne, où seul le satellite permet la diffusion gratuite de l’offre de TNT, le fonds d’aide prendra en charge cette différenciation. Il permettra l’équipement et la réception par voie satellitaire. Il sera aussi modulé en fonction du coût de l’équipement et neutre sur le plan technologique, ce qui est capital. Je tiens là encore à rendre hommage au travail constructif des membres de l’Association nationale des élus de montagne et de leur président Martial Saddier. D’ailleurs, chacune et chacun d’entre nous, quelle que soit sa circonscription, partage le même sens de l’égalité entre nos concitoyens. Vouloir tout simplement, dans la réalité, l’unité nationale ne relève pas d’une mesure catégorielle.

Cette loi, c’est la garantie d’un plus grand pluralisme pour tous, car elle développe la diversité des sources d’information et des contenus. Ceux qui la critiquent au nom du pluralisme font preuve d’un esprit de paradoxe et d’incohérence. En effet, en plus de l’offre d’information des chaînes dites historiques, les téléspectateurs auront désormais accès à deux chaînes d’information en continu, ainsi qu’aux chaînes parlementaires. Je pense bien évidemment à La Chaîne Parlementaire, chaîne civique qui a pu, grâce à la TNT, multiplier son audience, pour faire mieux connaître à l’ensemble des Français le travail et le rôle du Parlement, ce qui renforce notre démocratie.

Ce texte d’équilibre fait toute sa part aux télévisions locales, qui contribuent au pluralisme des courants d’expression sociaux et culturels. Tout d’abord, à ma demande, la décision de recomposer les multiplexes de la TNT est prise, afin de permettre la diffusion des télévisions locales privées dans de bonnes conditions, sans dégrader pour autant la qualité de diffusion des chaînes du service public, ce qui est essentiel.

M. Dominique Richard. En effet !

M. le ministre de la culture et de la communication. Le texte prévoit par ailleurs la diffusion simultanée, qu’on appelle en anglais le simulcast, des chaînes locales analogiques en numérique, ainsi qu’une prorogation de leurs autorisations.

Grâce à cette loi, nos concitoyens auront accès dès cette année à la télévision mobile personnelle et à la télévision en haute définition. Je regrette que M. Le Guen, député socialiste, ait quitté l’hémicycle : je ne peux pas lui laisser dire qu’il y aura, sur ce plan, une France à deux vitesses du fait de la division entre secteur public et secteur privé. Parce qu’elles relevaient de la compétence du Gouvernement, nous avons pris toutes les mesures pour que l’audiovisuel public puisse participer à la haute définition, de manière parfaitement équilibrée et juste par rapport à l’audiovisuel privé, et pour qu’il soit au rendez-vous de ces progrès technologiques.

Ne nous y trompons pas : c’est une révolution dans la vie quotidienne des Français, qui regardent la télévision plus de trois heures par jour. La télévision mobile personnelle peut être reçue par des supports dédiés ou par des téléphones. Elle permettra à nos concitoyens, par une nouvelle forme d’accès à l’offre de programmes de télévision, de regarder une vingtaine de chaînes. Cette révolution est comparable au passage de la TSF au transistor, qui a fait de la radio un média personnel et portable. La diffusion en télévision mobile personnelle et en haute définition s’accompagnera d’une contribution au compte de soutien à l’industrie des programmes. C’est essentiel, parce que ces progrès technologiques ont pour conséquences la diversité et, partant, un soutien accru à ce qui représente la force française : un monde du cinéma et de la production audiovisuelle puissant, synonyme d’emplois et de rayonnement pour notre pays.

L’enjeu, au-delà du progrès technologique, qui est un vecteur et non une fin en soi, est avant tout culturel. Il est essentiel que l’innovation technologique bénéficie à la création. En raison du basculement vers le numérique, qui débutera en 2008 pour s’achever en 2011, le préjudice subi par les chaînes à qui les autorisations confèrent le droit de diffuser en mode analogique, jusqu’à 2012 pour TF1 et M6, et 2010 pour Canal +, leur donne droit en compensation, à l’arrêt de l’analogique, à une chaîne supplémentaire. Les chaînes compensatoires qui seront diffusées, une fois que les chaînes auront éteint leur diffusion analogique, seront donc assujetties à des obligations renforcées de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique.

C’est pourquoi, à mon sens, les reproches que nous adressent les élus de gauche ne peuvent être interprétés que comme une forme de repentance : ceux-ci doivent songer à ce qu’ils n’ont pas fait en l’an 2000, quand ils ont donné des chaînes supplémentaires sans aucune contrepartie en termes de contenu ou de soutien au monde cinématographique et audiovisuel !

Vous pouvez le vérifier, mesdames, messieurs les députés de l’UMP : par ce projet de loi, vous allez apporter un soutien renforcé aux artistes et aux techniciens du cinéma et de l’audiovisuel. Soyez-en certains, l’ensemble du monde de la création est avec nous pour ce projet de loi, parce que c’est une chance pour lui.

Ce texte loi garantit l’avenir de la création audiovisuelle et cinématographique, son développement et son financement pérennes à l’ère numérique, grâce à plusieurs réformes majeures voulues par l’Assemblée nationale. Je pense bien sûr à l’importante réforme du compte de soutien à l’industrie des programmes, qui repose désormais sur une assiette élargie à l’ensemble des distributeurs de programmes. Je pense aussi à la création d’un crédit d’impôt en faveur du jeu vidéo.

Enfin, l’Assemblée a consolidé la définition de l’œuvre audiovisuelle, attendue des professionnels, en ajoutant les vidéo-musiques aux œuvres de fiction, d’animation, aux documentaires de création et aux captations ou recréations de spectacles vivants. Cette loi ouvre enfin de nouvelles perspectives de développement de l’emploi dans les métiers de la création.

C’est dire que votre vote aura valeur de symbole. Il consacre le décloisonnement, l’alliance féconde entre la culture et la communication, entre les perspectives technologiques et le progrès pour chacune et chacun de nos concitoyens.

Et, puisque nous sommes dans une période où ceux-ci ont droit à un grand débat que j’appelle de mes vœux, je souhaite qu’on nous explique quelle est l’alternative. Que certains osent s’engager ! Remettront-ils en cause un progrès constaté par tous pour l’ensemble de nos concitoyens ? Décideront-ils de donner un coup d’arrêt à vingt chaînes de télévision gratuites ? Dans le cas contraire, pourquoi ne votent-ils pas ce texte aujourd’hui ? Ce serait un geste de rassemblement, or je crois que la culture et la communication ont vocation à créer l’unité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. le ministre de la culture et de la communication. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, ainsi que l’amendement n° 2.

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

4

prévention de la délinquance

Transmission et discussion
du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, 22 février 2007.

« Monsieur le président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (n° 3736).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Philippe Houillon, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un riche processus parlementaire, qui nous aura permis de poser les jalons d’une politique globale de prévention de la délinquance. Souvent longs et passionnés, les débats sur le projet de loi auront aussi été très utiles. Aussi, nous ne pouvons que nous féliciter que le Gouvernement ait choisi de ne pas déclarer l’urgence sur ce texte, laissant ainsi toute leur place aux initiatives parlementaires. De fait, au cours des deux lectures dans chaque assemblée, chacun aura pu exposer sa vision de la prévention de la délinquance.

La prévention de la délinquance est une politique globale, fondée à la fois sur des mécanismes de police administrative, afin de prévenir les troubles à l’ordre public, sur la rénovation des outils répressifs et – c’est l’aspect novateur du projet de loi – sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs qui peuvent se retrouver confrontés à la délinquance, c’est-à-dire – outre les acteurs traditionnels que sont la police, la gendarmerie et la justice –, les travailleurs sociaux, les bailleurs, les entreprises de transport en commun, les aménageurs urbains ou l’éducation nationale.

Les deux assemblées ont pleinement approuvé les principales orientations du projet de loi, qu’il s’agisse du rôle pivot confié aux maires en matière de prévention de la délinquance, des moyens accrus de lutte contre la délinquance des mineurs ou de la rénovation de la lutte contre la toxicomanie.

Par ailleurs, grâce aux débats parlementaires, le texte aura pu être sensiblement amélioré et enrichi. Amélioré, car le projet de loi a été substantiellement modifié pour tenir compte de nombreuses propositions et de quelques objections formulées par les maires, les départements et, plus récemment, les professionnels de la psychiatrie. Enrichi, car les députés et les sénateurs ont largement utilisé leur pouvoir d’initiative en première lecture, en proposant des dispositions fort utiles dans de nombreux domaines touchant à la vie quotidienne des Français. Je pense notamment aux troubles de voisinage, au problème des chiens dangereux, au stationnement illégal des gens du voyage ou aux jeux d’argent en ligne.

Ainsi, lorsque la commission mixte paritaire a été convoquée, les deux assemblées étaient déjà parvenues à un très large accord. Sur les quatre-vingt-quatorze articles que comptait le projet de loi à l’issue de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, seuls vingt-cinq restaient encore en discussion, dont sept articles relatifs à l’hospitalisation d’office, qui ont été supprimés en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. La CMP a donc pu aboutir sans difficulté à un accord sur les quelques questions qui faisaient encore débat entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Une divergence subsistait sur la création des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Alors que l’Assemblée considérait qu’il revenait à l’organe délibérant de l’EPCI d’en décider, le Sénat avait donné à la commune la plus peuplée de l’intercommunalité un véritable droit de veto sur cette question. La CMP a considéré que l’opposition à la création d’un conseil intercommunal ne pouvait se justifier que si les communes s’y opposant représentaient au moins la moitié de la population de l’EPCI.

Un autre désaccord, plus formel que fondamental, était apparu sur la procédure du rappel à l’ordre. L’Assemblée nationale avait en effet prévu que celui-ci serait précédé d’une convocation de l’intéressé, alors que le Sénat ne prévoyait qu’un rappel à l’ordre verbal. La CMP a décidé que, si la convocation préalable n’était pas obligatoire, il était néanmoins possible pour le maire de procéder au rappel à l’ordre après convocation en mairie.

Enfin, le Sénat a finalement accepté la proposition faite par l’Assemblée nationale de permettre l’engagement de la responsabilité des propriétaires qui négligent d’utiliser les droits dont ils disposent à l’égard de locataires causant des troubles de voisinage. En effet, le Sénat avait refusé cette possibilité en deuxième lecture, après avoir pourtant proposé en première lecture une procédure de résiliation d’un bail à l’initiative d’un tiers au contrat. Afin d’obtenir un large accord sur cette disposition, toutes les précautions ont été prises pour l’encadrer et en éviter une utilisation abusive.

Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire, qui est équilibré et comprend de nombreuses dispositions utiles pour lutter plus efficacement contre la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Braouezec, premier orateur inscrit.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, nous arrivons au terme de l’examen d'un texte qui aura au moins permis de montrer la dynamique réactive de notre société. En effet, le Gouvernement est parvenu à susciter la mobilisation de nombreux syndicats, associations, fédérations de parents et enseignants, qui organisent une résistance citoyenne par le biais de pétitions et d’un travail d'analyse pointant et dénonçant les dangers de ce texte.

Ce mouvement n'est pas terminé, puisque ces mêmes organisations appellent, dans les prochains jours, à des mobilisations dans différentes villes de France pour dénoncer ce projet de loi qui s'attaque aux fondements de l'action sociale et éducative et qui fragilise la position des travailleurs sociaux, en remettant en cause le secret professionnel et la relation de confiance avec les jeunes et leur famille et en désignant du doigt les parents en difficulté sociale. À l’instar de nombreux autres textes de cette législature, ce projet affaiblit encore un peu plus notre société, en faisant des citoyens les plus en difficulté des coupables potentiels.

Depuis plusieurs années, la responsabilité de la société à l'égard de chacun de ses enfants s'efface au profit de la pénalisation systématique de certains actes commis par des adolescents, lesquels sont considérés comme dangereux. Ce projet s’inscrit dans la même logique. À l'occasion de faits divers surmédiatisés, les propositions gouvernementales démagogiques se multiplient, ainsi que nous l’avons souligné lors des différents débats sur ce projet. Vous avez ainsi créé un nouveau cas de complicité avec le happy slapping. Or la définition de ce délit manque de précision en ce qui concerne l’auteur. Tout d’abord, celui-ci risque, s'il se trouve être témoin de bonne foi, de devoir apporter la preuve de son innocence ; nous nous sommes déjà élevés contre le principe d'inversion de la preuve, qui remet en cause la présomption d'innocence. Ensuite, ce délit peut être sanctionné à la même hauteur que le viol et les actes de barbarie.

Vous préférez adopter une posture morale et attribuer la cause de tous les problèmes au prétendu laxisme du passé, pour mener une politique de la surveillance et de la punition. Or envisager de lutter contre la délinquance par une prévention raisonnée suppose de comprendre – ce qui ne signifie pas accepter ou justifier – ou, tout au moins, de chercher à comprendre les raisons pour lesquelles certaines personnes entrent dans la délinquance. Celle-ci ne doit d’ailleurs pas être confondue avec les actes de provocation. Si cette distinction était faite, certaines situations de tension n'existeraient pas, et l’on pourrait s'interroger sur l'origine de la délinquance.

Car il faut tout de même que le Gouvernement admette ce que clament depuis longtemps les spécialistes, à savoir que la probabilité d'entrer dans la délinquance est principalement liée à l'échec scolaire. Celui-ci est le symptôme de l’impossibilité d’entrer dans la société de la performance, de la concurrence et de l’argent, ce qui entraîne des frustrations identitaires qui se transforment souvent en actes de violence. Violence contre soi, d’abord : on ne peut passer sous silence le nombre grandissant de jeunes qui se suicident ou tentent de le faire, en ville comme à la campagne. Violence contre les autres, ensuite, qui se traduit par des actions qui relèvent du registre de la provocation ou de celui de la délinquance.

L'échec scolaire prend un sens complètement différent dans une société méritocratique et de compétition telle que la nôtre. Dès lors, œuvrer contre les phénomènes de délinquance suppose de mener un travail individualisé pour lutter contre l'échec scolaire. Mais ce choix est loin d’être le vôtre. Vous cherchez les coupables : les jeunes, mais aussi leurs parents. Ceux-ci faillissent à leurs devoirs et, pour pallier leurs défaillances, vous instaurez un gardien suprême en la personne du maire, à qui vous donnez un rôle central, dont certains se passeraient bien d'ailleurs.

Plutôt que la démission des parents, ne serait-ce pas les facteurs socio-économiques qui seraient les plus déterminants dans la genèse de la délinquance ? On ne peut nier que ces facteurs ruinent les capacités de contrôle des parents, et peut-être plus particulièrement celles des pères. En fait de démission, il faudrait se demander si certains parents ont encore la possibilité d'exercer un contrôle adéquat, tant leur existence est difficile. Dès lors, est-il nécessaire de les présenter à de nombreux acteurs qui sont en relation avec eux comme défaillants, démissionnaires, voire irresponsables ? À ce propos, notre groupe avait demandé, comme le réclament les travailleurs sociaux, que la diffusion d'informations à caractère confidentiel se fasse dans le respect du secret professionnel. En refusant d'accéder à cette demande, vous favorisez les atteintes à la vie privée. Hélas ! le Gouvernement s'obstine à n'entendre ni l'ensemble des professionnels et des associations, ni les parents, ni les médecins, et encore moins les élus.

Par ailleurs, il est important de s'interroger, du point de vue de l'ordre public, sur les formes de délinquance économique qui sont valorisées à l'échelle nationale et internationale, et même relayées en permanence par le système médiatique. Elles agissent comme une incitation aux différentes formes de petite délinquance. Au reste, on ne peut ignorer qu'en de nombreux endroits, il existe un lien direct entre cette petite délinquance, notamment liée à la drogue, et ce que l'on pourrait appeler la grande délinquance économique. On ne peut faire l'économie de cette analyse : la délinquance est aux deux bouts de la chaîne. N'oublions pas que l'ensemble de l'économie des stupéfiants rapporte dix fois plus que les 50 milliards de dollars qui seraient nécessaires aux Nations unies pour éradiquer la faim et permettre aux 6 milliards d'êtres humains d’avoir accès à l'eau potable et aux soins de base.

Autre question, celle de la nature des projets de vie proposés aux enfants, aux adultes et aux personnes âgées. Pour l'instant, ces projets sont basés, pour l'essentiel, sur l'« avoir », ce modèle de société étant incapable de compenser un déficit de l'ordre de l'« être ». On répond au mal-être par un désir de possession, de consommation. Voilà le modèle proposé aux jeunes et à leurs parents, et il porte une lourde responsabilité. À ce propos, il me revient en mémoire une phrase du psychiatre Alexander Lowen : « Traverser la vie le cœur fermé, c'est comme faire un voyage en mer à fond de cale ». L'idéologie qui domine la société que vous appelez de vos vœux n’offre à la plupart des jeunes d’autre perspective que le fond de cale. Ce que nous voulons, nous, c'est monter ensemble sur le pont, construire des politiques sociales où chacun compte et faire en sorte que la prévention conçue comme un investissement soit au service d'une intelligence démocratique. Telle est l'alternative à ces logiques de peur, qui sont infantilisantes et préparent les différentes peurs de nettoyage social.

Je reviens au projet de loi. Il remet en question, nous l’avons dit également, l’ordonnance de 1945 et le principe qui voulait que le mineur soit mis au centre des valeurs démocratiques en consacrant ses droits et les obligations de la société envers lui. Nous refusons toute remise en cause du principe de spécialisation de la justice des mineurs et rappelons la primauté des réponses éducatives sur les mesures répressives. Cela passe par le renforcement, la coordination et la professionnalisation de l’ensemble des mécanismes de prévention et de réinsertion dans les quartiers populaires, afin que soient canalisés les désordres juvéniles. Précisons, en ce qui concerne les travailleurs sociaux, qu’il ne s’agit pas pour eux d’exercer un contrôle des comportements, comme vous le souhaitez, mais d’exercer une action éducative auprès des jeunes, et d’accompagner les habitants jeunes et adultes qui le souhaitent dans des actions collectives visant à améliorer la vie dans les quartiers. Cette professionnalisation de l’action sociale implique également la garantie du maintien de l’autonomie de fonctionnement et de décision de ses services, une autonomie aujourd’hui doublement menacée par les acteurs répressifs – police et justice – et par les pouvoirs municipaux vers lesquels l’État se désengage de plus en plus.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement propose un modèle de contrôle social coercitif qui l’emporte sur le modèle de régulation sociale passant par la participation démocratique des habitants et des intervenants sociaux. Ainsi, la coercition monte d’un cran avec la comparution immédiate pour les mineurs au prétexte qu’il s’agirait de « la meilleure arme pour lutter contre l’impunité » – selon les termes employés par le Premier ministre –, mais aussi avec l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans qui vise à appliquer aux mineurs la justice des majeurs. Les acteurs du lien social attendent autre chose – notamment des moyens – pour sortir de la position intenable où ils se trouvent, débordés d’injonctions sécuritaires et privés des moyens d’exercer leur mission éducative.

Si la répression assure par la force un ordre très relatif parmi la jeunesse populaire d’aujourd’hui, seule l’éducation peut assurer la véritable concorde sociale de demain, à la condition expresse que nos gouvernants et la société tout entière luttent parallèlement contre les processus économiques et sociaux qui fabriquent l’exclusion et le mépris, ressorts logiques de la violence. Si nous voulons une société équitable et solidaire, nous devons rétablir les moyens budgétaires nécessaires à la mise en œuvre des mesures éducatives en milieu ouvert et au fonctionnement des structures d’hébergement et de prise en charge non fermées.

La logique initiale de ce projet, fondée sur le tout-répressif, sans réel contenu en matière de prévention, est toujours de rigueur. La prévention et la réinsertion en sont les grandes absentes. Ce texte constitue toujours une menace pour la prévention, l’éducation, les jeunes et leur famille et surtout pour les libertés individuelles. Pour toutes ces raisons, le groupe communiste votera contre.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les remarquables résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance par le Gouvernement, en particulier par le ministre de l’intérieur, durant cette législature…

M. Jean-Pierre Blazy. Remarquables ? Cela reste à démontrer !

M. Jérôme Bignon. Les chiffres sont là, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Quels chiffres ?

M. Jérôme Bignon. Ces remarquables résultats, disais-je, méritent d’être approfondis. C’est l’objet de ce texte, produit d’un riche processus parlementaire. Le travail de la commission des lois de l’Assemblée nationale, à qui je rends hommage, et de celle du Sénat, a permis d’aboutir, à l’issue d’une première phase, à un accord sur une cinquantaine d’articles sur les 94 que comportait le projet. Les représentants des deux commissions réunis en commission mixte paritaire pour examiner les 41 articles restant en discussion ont, d’emblée, accepté l’idée défendue par le ministre selon laquelle la prévention de la délinquance doit être assurée au moyen d’une politique globale fondée à la fois sur des mécanismes de police administrative et sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs qui peuvent se trouver confrontés à la délinquance, notamment les travailleurs sociaux.

Une expérience remarquable a été menée dans ma circonscription, consistant à coordonner, dans des secteurs particulièrement difficiles, les actions des forces de gendarmerie et de la circonscription d’action sociale du département. Ce qui paraissait difficilement concevable au départ – y compris aux acteurs concernés – s’est en fin de compte révélé particulièrement fructueux, notamment dans la lutte contre les délits liés aux difficultés intrafamiliales, à tel point qu’elle a été étendue à l’ensemble du département de la Somme. C’est dire l’intérêt que peut revêtir le fait d’associer les actions de la police et des services sociaux.

Les deux assemblées ont pleinement approuvé les principales orientations du projet de loi : d’une part le rôle pivot confié au maire, d’autre part l’accroissement des moyens de lutte contre la délinquance des mineurs ou la rénovation de la lutte contre la toxicomanie. Le travail parlementaire a évidemment permis d’améliorer et d’enrichir le texte. Améliorer, car le projet de loi a été modifié pour tenir compte de nombreuses propositions. Enrichir, car les députés et les sénateurs ont mis à profit leur expérience sur le terrain dans de nombreux domaines touchant à la vie quotidienne des Français, qu’il s’agisse des troubles de voisinage, des chiens dangereux ou de bien d’autres formes de cette délinquance qui empoisonne la vie de nos concitoyens.

Comme je l’ai dit, la commission mixte paritaire n’avait plus qu’une quarantaine d’articles à régulariser…

M. Jean-Pierre Blazy. On régularise des articles de loi maintenant ?

M. Jérôme Bignon. Il ne lui restait plus qu’à trouver un consensus sur une quarantaine d’articles, voulais-je dire. (Rires et exclamations sur divers bancs.)

M. le président. Allons, mes chers collègues ! Je constate que la fatigue fait son œuvre, mais j’aimerais que chacun se reprenne afin de permettre à M. Bignon de terminer son intervention.

M. Jérôme Bignon. Les articles restant en discussion ont pu, grâce à la collaboration très constructive des deux assemblées, trouver une solution sur les points qui faisaient débat.

L’un de ces points portait sur la création des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance. La commission mixte paritaire a considéré que l’opposition à la création d’un conseil intercommunal ne pourrait dorénavant se justifier que si les communes s’y opposant représentaient au moins la moitié de la population de l’EPCI. Un second désaccord, moins fondamental, comme l’a souligné notre rapporteur, portait sur la procédure du rappel à l’ordre. La commission mixte paritaire a décidé que si la convocation préalable n’était pas obligatoire, il était néanmoins possible pour le maire de procéder à un rappel à l’ordre après convocation en mairie.

Enfin, si j’ai bien écouté notre rapporteur, j’ai noté avec satisfaction que le Sénat avait finalement accepté la proposition faite par l’Assemblée nationale de permettre l’engagement de la responsabilité des propriétaires qui négligent d’utiliser les droits dont ils disposent à l’égard des locataires causant des troubles de voisinage.

Nous avons obtenu une avancée sensible vers l’objectif que nous devrions tous partager, à savoir la poursuite de la lutte contre la délinquance. Au nom du groupe UMP, je vous propose d’adopter ce texte tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, un texte équilibré et comprenant de nombreuses dispositions utiles pour lutter plus efficacement encore contre ce fléau qu’est la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux lectures dans chaque assemblée ont permis de mettre en évidence non pas la réussite, mais l’échec de la politique de sécurité du Gouvernement. La délinquance générale reste à un niveau élevé, et les violences aux personnes ont fortement augmenté en quatre ans : avec M. Sarkozy, il y a, selon les chiffres de l’Observatoire national de la délinquance, chaque jour plus de 150 personnes agressées en plus par rapport aux années 1997-2002. Je ne reviendrai pas une nouvelle fois sur ce constat, mais lorsque le ministre d’État, largement absent tout au long de ces débats, prétend avoir réduit la délinquance, il a en réalité échoué à juguler la violence. Les objectifs affichés dans ce projet de loi se trouvent donc être ceux-là mêmes que le Gouvernement et sa majorité ont été incapables d’atteindre pendant cinq ans.

Ce tardif projet de loi relatif à la prévention de la délinquance a usurpé son nom, puisqu’il s’agit en réalité d’un sixième texte de loi aggravant les peines et créant encore de nouveaux délits.

M. Guy Geoffroy. C’est très réducteur !

M. Jean-Pierre Blazy. À deux mois des élections, c’est pour masquer la réalité de votre bilan que vous faites le choix de la fuite en avant législative.

Le texte adopté par la CMP a peu varié depuis son adoption en première lecture par l’Assemblée. Il comporte cependant une modification de taille : la suppression des articles relatifs à la réforme de l’hospitalisation d’office. Quelle comédie ! Certes, on ne peut que se satisfaire du retrait de ces dispositions, mais il aura fallu bien des péripéties pour y parvenir. Nous demandions pourtant depuis le départ, avec les usagers et les professionnels de la psychiatrie, le retrait de ces dispositions entretenant l’amalgame entre maladie mentale et délinquance. Mais le Gouvernement et Nicolas Sarkozy se sont longtemps obstinés, pour finalement reculer au dernier moment.

Mme Christine Boutin. Sagesse !

M. Jean-Pierre Blazy. Hélas, à l’exception de ce chapitre, toutes les autres dispositions inutiles et dangereuses que nous dénoncions lors des deux lectures demeurent. Ce projet de loi, qui nous paraît toujours aussi inutile et brouillon, entretient la confusion entre les différents niveaux de compétence.

M. Guy Geoffroy. Non, c’est le contraire !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez, certes, reculé et renoncé à rendre obligatoire le conseil des droits et des devoirs des familles, mais au lieu de procéder de façon concertée, vous imposez des dispositifs qui risquent de semer la confusion dans la chaîne des acteurs et, partant, de manquer l’objectif que constitue la prévention de la délinquance.

Ce texte est également dangereux. Sous prétexte de faire du maire le « pivot » de la prévention de la délinquance, vous aboutissez à une véritable défausse de l’État sur les maires. Mais le maire ne saurait combler les carences ou les insuffisances de l’État qui, dans une république, doit avant tout assurer la protection du citoyen. La condition de la réussite de toute politique de prévention et de sécurité, c’est que le droit commun des moyens s’applique s’agissant des policiers, des juges, des éducateurs spécialisés, des enseignants et des adultes à l’école. Si l’État n’est plus le protecteur des citoyens, le maire sera impuissant et les inégalités territoriales face à l’insécurité ne pourront que se creuser davantage. En réalité, votre projet ne fait pas du maire le chef d’orchestre de la prévention de la délinquance, mais l’homme-orchestre à qui on va demander de tout faire sans moyens. Le maire doit effectivement être un acteur majeur des politiques partenariales de sécurité et de prévention, mais dans le strict respect de la séparation des pouvoirs et des compétences, ce qui exclut toute incursion dans la chaîne pénale.

L’inquiétude demeure également sur la question du secret partagé. Il ne saurait être question de se défier du maire, qui dispose d’une véritable légitimité, mais vous avez rejeté nos propositions destinées à favoriser l’articulation entre les différentes compétences professionnelles pour trouver des réponses, et vous méprisez la déontologie des travailleurs sociaux.

M. Georges Fenech. N’exagérons rien !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce projet de loi constitue également la quatrième réforme de l’ordonnance de 1945 depuis 2002, toujours dans le même sens, celui de l’alignement du droit applicable aux mineurs sur celui des majeurs. La misère actuelle de la justice des mineurs reste l’obstacle réel à son efficacité et à sa réactivité. Vous avez ouvert une nouvelle brèche dans l’ordonnance de 1945 en remettant en cause l’excuse de minorité, et vous progressez encore, sans l’avouer, vers la fin de la spécificité de la justice des mineurs…

M. Guy Geoffroy. Non !

M. Jean-Pierre Blazy. …au mépris du respect de nos principes fondamentaux et constitutionnels et des conventions internationales.

M. Georges Fenech. Et les droits des victimes ?

M. Jean-Pierre Blazy. Les droits des victimes doivent évidemment être pris en compte. C’est pourquoi nous sommes pour une politique de sécurité et de prévention de la délinquance globale et équilibrée, pratiquée dans le respect de certaines valeurs.

M. Georges Fenech. Nous aussi !

M. Jean-Pierre Blazy. J'ai déjà montré au cours des deux premières lectures le caractère largement inconstitutionnel des dispositions de ce texte. Je ne reviendrai pas sur les dangers que font courir certaines dispositions pour les libertés fondamentales avec la multiplication des fichiers, de leurs croisements et des personnes autorisées à les consulter. Je les ai largement évoqués dans le cadre des exceptions d'irrecevabilité que j'ai défendues lors des deux lectures de ce texte à l'Assemblée.

Depuis quatre ans, les lois Sarkozy et Perben sont passées, mais la violence s'est durablement enracinée – j’ai donné les chiffres. La police de proximité, qui alliait prévention et sanction, et qui était une police présente dans les quartiers a été démantelée au profit d'une police d'ordre public destinée à faire du chiffre. Nous en constatons aujourd'hui les conséquences. Nous proposons donc, avec Ségolène Royal, la création d'une nouvelle police de quartier pour mieux assurer la sécurité quotidienne. Il est aussi urgent de procéder à une répartition plus juste des effectifs et de donner la priorité aux renforcements quantitatifs et qualitatifs des zones sensibles. Vous savez très bien, monsieur le rapporteur, que dans notre département, le Val-d’Oise, il manque de nombreux effectifs de policiers et de gendarmes.

M. Guy Geoffroy. Vous, vous allez mettre des militaires dans les quartiers !

M. Jean-Pierre Blazy. Il est quand même surprenant d'apprendre aujourd'hui même que le ministre de l'intérieur a confié une mission à un groupe d'experts afin de jeter les bases d'une police de quartier qui est dans le programme de Ségolène Royal. Après avoir démantelé et raillé la police de proximité, le ministre candidat rallierait-il la position de la candidate socialiste ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Georges Fenech. Avec vous, c’est plutôt l’encadrement militaire !

M. Jean-Pierre Blazy. Pourquoi pas s’il est nécessaire ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. L’armée dans les quartiers !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous caricaturez notre position. Les militaires peuvent, et ont déjà, participé à des opérations.

M. Georges Fenech. Quelle évolution !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous êtes dans la caricature, monsieur Fenech. Mais les citoyens jugeront !

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’armée à Gonesse !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce texte nous mène à nouveau dans une impasse qui ne peut conduire qu'à une violence accrue, une aggravation de l'insécurité et de la crise de confiance envers les institutions démocratiques. Là réside le véritable laxisme de votre politique qui crée le désordre injuste. Nous avons une autre conception des choses qui est celle de la solution démocratique pour la sécurité. C'est ce que propose le pacte présidentiel de Ségolène Royal.

Pour prévenir efficacement les violences scolaires, il faut absolument renforcer la présence des adultes dans les établissements. À l’opposé de votre politique de suppression des postes, il faut recruter des surveillants dans les collèges et doter chaque établissement d'une infirmière scolaire et d'une assistante sociale à temps plein. Nous proposons la mise en place d'une politique de prévention précoce de la violence, ce qui doit passer par un encadrement éducatif renforcé et la mise en place de tuteurs référents. Nous proposons aussi de développer les brigades des mineurs dans chaque commissariat des grandes zones urbaines. Cela n’existe pas aujourd’hui, en tout cas dans le Val-d’Oise.

Il faut évidemment être ferme face aux mineurs violents. Pour chaque acte de délinquance commis par un mineur, il faut donc prendre des sanctions fermes et rapides. Un plan d'urgence sera mis en place pour la justice des mineurs, toujours sinistrée, avec notamment le recrutement de juges des enfants, d'éducateurs, de greffiers.

M. Guy Geoffroy. M. Blazy ne s’exprime pas sur le texte : il expose le programme électoral de Ségolène Royal !

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez nier que la situation est très mauvaise dans le Val-d’Oise !

M. Philippe Houillon, rapporteur. À Gonesse peut-être, mais pas ailleurs !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous proposons donc que le budget de la justice soit doublé. Nous estimons devoir mettre en application des solutions nouvelles pour extraire les mineurs de la délinquance, comme la suppression des peines de prison pour les mineurs en dehors des cas d'atteintes graves aux personnes ou le développement des centres éducatifs renforcés, si besoin avec encadrement militaire. Seule une vraie prévention mais aussi une sanction rapide et proportionnée, permettront de faire reculer durablement la délinquance des mineurs.

Nous estimons que l'efficacité de la lutte contre la violence appelle une démarche globale fondée sur la précocité de la prévention et de la sanction. C'est essentiel pour nous et c'est tout le contraire de ce que vous envisagez. Nous avons ainsi proposé une définition de la politique de prévention de la délinquance. Un véritable renouveau de la politique de prévention aurait consisté à trouver un point d'équilibre entre les réponses aux causes des comportements déviants et les réponses qui concernent à la fois les auteurs, mais aussi les victimes…

M. Georges Fenech. Ah, enfin !

M. Jean-Pierre Blazy. … qui doivent être placées au cœur de l'action publique. En ce domaine, vous ne savez faire que de la compassion.

M. Guy Geoffroy. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Jean-Pierre Blazy. La prévention de la récidive constitue un volet important de la prévention de la délinquance, mais elle ne saurait s'y substituer. La politique de prévention de la délinquance doit impliquer la prévention primaire et continue des violences juvéniles, la prévention des incivilités qui ne sont pas de nature pénale, la prévention situationnelle, de nature dissuasive et relative aux situations de risque de passage à l'acte, la prévention des violences urbaines accompagnées d'une politique de la ville continue et renforcée, et, enfin, la prévention de la récidive.

Cette politique doit intégrer aussi la lutte contre les discriminations, contre la ghettoïsation territoriale et sociale, contre l'échec scolaire et contre les communautarismes. En résumé, nous voulons être durs avec le crime car toute violence est inexcusable. Mais nous voulons également être durs avec les causes du crime pour mieux prévenir la délinquance.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre le texte issu de la commission mixte paritaire.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous allez dans quelques instants, examiner, en vue de son adoption définitive, le projet de loi sur la prévention de la délinquance, dont la discussion a commencé au Sénat le 13 septembre dernier.

Ces cinq mois de débat auront été utiles, pour conforter, compléter et, quand cela était nécessaire, clarifier le projet de loi.

Ces cinq mois de débats auront été fructueux, si l'on en croit le nombre très limité d'articles qui restent en discussion : si l'on met de côté les 7 articles relatifs aux hospitalisations d'office, seulement 18 articles, sur un peu plus de 90, étaient soumis à l'examen de la commission mixte paritaire.

Ces cinq mois de débats auront été efficaces, si l'on en juge par le texte que votre commission mixte paritaire a finalement retenu, et que le Gouvernement vous proposera, mesdames et messieurs les députés, d'adopter sans modification.

Je veux donc sans attendre adresser, au nom du Gouvernement et du ministre d'État Nicolas Sarkozy, mes remerciements très sincères à Philippe Houillon, qui, malgré un agenda parlementaire particulièrement chargé, a su être un rapporteur rigoureux et courageux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je veux aussi remercier la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et son président Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis : chacun sait le rôle déterminant qu'il a joué dans le débat sur les hospitalisations sous contrainte. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Comme le soulignait Nicolas Sarkozy devant vous, mardi dernier, ce projet de loi est ambitieux, pragmatique, et juste.

Ambitieux, car il veut donner à la lutte contre la délinquance une nouvelle dimension : il s'agit d'intervenir pour éviter la violence, avant d'avoir à la combattre.

Ambitieux, parce qu'il marque une étape dans la nécessaire réforme de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs. Les réponses pénales seront plus nombreuses, plus adaptées, plus rapides. En outre, les magistrats pourront écarter plus facilement l'excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans puisque, lorsqu'il s'agira de récidivistes, ils n'auront pas à motiver cette décision.

M. Georges Fenech. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ambitieux parce que, là où certains prétendent qu'il faut « accompagner » la consommation de stupéfiants, nous n'avons pas, pour notre part, renoncé à combattre le fléau de la drogue.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous non plus !

M. Guy Geoffroy. C’est récent, monsieur Blazy !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pour cela, nous faisons le choix d'être moins durs en théorie, pour être plus efficaces en pratique. Notre objectif est de redonner force à l'interdit social par des sanctions plus crédibles et plus rapides, tout en développant la prise en charge des usagers grâce aux médecins relais.

M. Jean-Pierre Blazy. Et les trafiquants ? Ce sont eux qu’il faut combattre !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ambitieux enfin parce que, pour la première fois, nous avons pu débattre d'un sujet majeur : celui de l'écart entre les peines qui sont prévues et celles qui sont prononcées. Désormais, en cas de récidive, la juridiction devra motiver le choix de la peine qu'elle prononce. C'est un premier pas vers des peines plancher que nous jugeons nécessaires pour les délinquants récidivistes coupables d'atteintes à l'intégrité physique des personnes. Je veux à nouveau remercier Philippe Houillon d'avoir permis à ce débat d'avoir lieu. Il ne pouvait pas être différé plus longtemps.

Ce projet de loi est aussi un texte pragmatique. Je veux sur ce point souligner les apports nombreux et les avancées réelles qu'a permis le travail parlementaire, concernant la lutte contre le stationnement illicite des gens du voyage, le contrôle des chiens dangereux, et les différents aspects de la prévention dite « situationnelle ».

Je veux remercier tous les députés qui se sont investis dans ce débat et qui, forts de leur expérience d'élu local, ont contribué à enrichir ce texte, notamment Alain Bénisti, Pierre Cardo, Nathalie Kosciusko-Morizet, Thierry Mariani, ou encore Jean-Christophe Lagarde. Je veux saluer aussi la qualité des échanges que nous avons pu avoir avec l'Association des maires de France par la voix de son président Jacques Pélissard.

Je voudrais également m'adresser à Claude Goasguen. Il a souhaité que le dispositif des interdictions administratives de stade soit renforcé. Le ministre d'État partage cette volonté constante de lutter contre les dérives qui font de certaines rencontres sportives le lieu où se manifestent les comportements les plus haineux et les plus brutaux. Il souhaite donc que Claude Goasguen procède, conjointement avec le sénateur Philippe Goujon et son collègue Pierre-Christophe Baguet, à une évaluation des dispositions issues de la loi du 23 janvier 2006 et de celle du 5 juillet 2006, en liaison avec les fédérations sportives et les préfets concernés, et avec le concours de l'inspection générale de l'administration et celui de l'inspection générale de la police nationale.

Monsieur Blazy, je ne veux pas oublier les députés de l'opposition. Les propos que vous venez de tenir avec tant de sérieux m’ont fait penser à un auteur célèbre qui disait : la permanence du sérieux est la nécessité des médiocres.

M. Jean-Pierre Blazy. Quel manque d’intelligence !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Alors que nous sommes au terme de nos débats, vous cherchez une fois encore à manipuler les chiffres.

M. Jean-Pierre Blazy. Non, ce sont les vrais chiffres !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous avez utilisé cette tribune pour porter un projet, le vôtre ou celui que votre candidate a nourri au fil des dernières journées. Jamais, en effet, vous n’aviez fait allusion à de telles mesures au cours des cinq ans qui viennent de s’écouler et pendant lesquels vous avez combattu tous les textes présentés par le ministre de l’intérieur ou le garde des sceaux.

M. Jean-Pierre Blazy. J’ai donné les vrais chiffres sur la violence !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Blazy, vous avez soutenu, entre 1997 et 2002, l’action d’un gouvernement qui a fait monter la délinquance de près de 14,8 % dans notre pays, alors qu’elle a baissé de plus de 9 % au cours des cinq dernières années. Vous avez combattu ici même, en 2002 et en 2003, la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. C’est la première loi de ce type dans l’histoire de la Ve République où tous les objectifs qui ont été fixés ont été respectés.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Jean-Pierre Blazy. Non, c’est faux !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Dans la loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, que vous avez combattue, nous avons créé 6 500 postes de policiers et 7 500 postes de gendarmes…

M. Jean-Pierre Blazy. C’est faux ! Aucun poste de gendarme n’a été créé dans le Val d’Oise !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et maintenant vous vous étonnez de la diminution des effectifs. Cette diminution est la conséquence de l’application des 35 heures, qui a fait brutalement chuter les effectifs de policiers de 20 % dans notre pays. Grâce à la loi d’orientation, qui prévoit la compensation de chaque départ en retraite, nous avons réussi à les faire remonter.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez démantelé la police de proximité !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Blazy, dans votre intervention à cette tribune, il s’agissait bien de médiocrité : vous parlez d’une augmentation de la violence aux personnes…

M. Jean-Pierre Blazy. C’est vous qui êtes médiocre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …mais si le nombre de plaintes pour violence à la personne a augmenté dans nos commissariats, c’est que nous avons fait disparaître les tabous…

M. Jean-Pierre Blazy. C’est faux !

M. Georges Fenech. Vous souffrez d’angélisme, monsieur Blazy !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et que nous avons pris pour cible tant les violences conjugales et intra-familiales que les violences aux personnes.

M. Jean-Pierre Blazy. Il n’y a pas que les violences conjugales ! Chaque jour, en France, cinquante personnes sont agressées !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Aujourd’hui, les conjoints maltraités ont le courage de se rendre au commissariat pour déposer une plainte…

M. le président. Mes chers collègues, vous aurez tout loisir de vous exprimer devant les Français d’ici quelque temps !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …ce qui explique leur augmentation dans les statistiques. C’est à l’honneur de ce gouvernement et de cette majorité d’avoir défendu cette politique ! Ce que vous proposez, monsieur Blazy, avec votre prétendue politique de proximité, c’est de revenir au chiffre de 2002 – quatre millions de victimes ! Les Français ne veulent pas retrouver une situation qui, pendant des années, les a terrorisés. Désormais, la police intervient dans les quartiers.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est faux !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Désormais, la police veille à ce que nos commissariats soient ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

M. Jérôme Bignon. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pour vous, le rôle de la police de proximité consiste à ouvrir les commissariats dans la journée et à les fermer la nuit, aux heures justement où nos concitoyens ont le plus besoin de la présence de policiers.

M. Georges Fenech. Cela ne servait à rien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Les Français ne veulent plus de cette politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Ce sont des discours, pas la réalité !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ce projet de loi ambitieux et pragmatique sur la prévention de la délinquance est un texte juste. Si, à l’évidence, certaines dispositions vont dans le sens d’une plus grande fermeté, c’est que la certitude de la sanction est la première des préventions.

Ce texte permettra une plus grande coordination des travailleurs sociaux, dans le respect du secret professionnel, et un meilleur accompagnement des familles grâce aux conseils pour les droits et devoirs des familles. Il permettra également de lutter plus efficacement contre l’absentéisme scolaire et les violences conjugales, grâce au renforcement du dispositif issu de la loi du 4 avril 2006. Je m’étonne d’ailleurs de l’absence de ceux – ou de celles – qui ont la prétention de proposer à la France une politique de lutte contre les violences conjugales mais n’ont pas participé un seul instant à ce débat qui nous a permis de prendre des dispositions en ce sens.

Ce texte permettra enfin de mieux protéger les mineurs contre la délinquance liée aux nouvelles technologies, notamment grâce à la mise en place de cyber-patrouilleurs.

Enfin, je voudrais revenir brièvement sur les raisons pour lesquelles Nicolas Sarkozy, à cette tribune, a proposé de retirer du projet de loi les dispositions relatives aux hospitalisations d’office.

M. Jean-Pierre Blazy. Il vaut mieux être bref sur ce point !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Saisi par l’opposition, le Conseil constitutionnel a rejeté, pour un motif de procédure, l’habilitation à légiférer par ordonnance qui devait permettre d’inclure dans un même texte les dispositions sur les hospitalisations d’office et les autres éléments de la réforme de la loi de 1990.

M. Jean-Michel Dubernard. C’est regrettable !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nicolas Sarkozy et Xavier Bertrand ont considéré que le consensus obtenu sur le projet de réforme de la loi de 1990 tenait non seulement au contenu de la réforme, mais aussi à son caractère global.

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle belle reculade !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Telle est la raison du retrait des articles 18 à 24 du projet de loi et de l’engagement que nous avons pris de présenter cette réforme au Parlement dès que possible.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, l’esprit dans lequel ce texte a été élaboré nous a permis de l’enrichir et de le clarifier. Vous l’avez approuvé, comme l’illustre le consensus auquel est parvenue la commission mixte paritaire. Le Gouvernement vous propose donc à présent de l’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je vais suspendre la séance jusqu’à vingt heures dix, en attendant que le dernier texte inscrit à l’ordre du jour, dont la discussion vient de commencer au Sénat, nous parvienne.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

5

droit au logement opposable

Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, 22 février 2007.

« Monsieur le président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 3767).

La parole est à Mme la rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Christine Boutin, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, mes chers collègues, nous voici donc à l'ultime étape de notre course contre la mort… (Rires.)

M. le président. Souhaitons que vous ayez tort, madame Boutin !

Mme Christine Boutin, rapporteur. …contre la montre, voulais-je dire, lancée il y a près de deux mois par le Président de la République : quel chemin parcouru et quel travail ! Je dois vous dire qu'il m'est particulièrement agréable de clore cette mandature par ce texte fondateur. Instituer le droit au logement opposable, c'est d'abord une réponse, une réponse à la hauteur de l'urgence et de la gravité des situations de précarité que connaissent certains de nos concitoyens. Mais le droit au logement opposable, c'est aussi la création de la garantie pour tous de ne jamais se retrouver sans toit. Sous cet angle, on peut dire que ce nouveau droit permet de progresser en humanité. Le droit au logement opposable nous met chacun devant nos responsabilités : aux législateurs de légiférer – ce que nous faisons –, aux élus de construire, aux Français d'accepter les constructions.

L'Assemblée nationale examine donc ce soir le texte élaboré ce matin par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Je souhaite tout d'abord saluer le travail conjoint des deux assemblées, qui a permis qu'un large accord se fasse sur un certain nombre de questions en discussion, et ce avant même cette réunion de la commission mixte paritaire.

Le texte, tel qu'abouti maintenant, est un texte d'équilibre qui respecte la situation de chacun, dissocie clairement l’hébergement du logement. Les discussions parlementaires ont montré la volonté de voir disparaître à terme l'hébergement d'urgence pour des solutions plus pérennes. La garantie qualifiée d’ « universelle » des risques locatifs devrait rassurer les propriétaires et mettre sur le marché 600 000 logements actuellement vacants, rendant l'effectivité de la mise en application de la loi plus rapide. Bien d'autres aspects pourraient être développés, mais il faut souligner l’essentiel, mes chers collègues : la loi que nous allons voter maintenant, c’est une volonté politique qui s'inscrit dans un calendrier. Elle s'imposera au prochain Président de la République et à la future majorité. Je mets ma confiance dans le comité de suivi qui, à l'occasion de la remise de son rapport le 1er octobre 2007, proposera les premières mesures à mettre en place. Sans revenir sur l'ensemble des dispositions du texte, ni sur tous les enjeux que celui-ci recouvre, je centrerai cette intervention sur les apports les plus importants de la CMP.

L'article 2 ter proposait un dispositif de détermination du logement indigne, conférant à la commission de médiation des pouvoirs importants en la matière. Le sujet est essentiel, mais il est vrai qu'il est aussi complexe, et l'on pouvait s'interroger sur l'opportunité de confier à cette commission, et non au préfet, de tels pouvoirs. Aussi la commission mixte paritaire a-t-elle décidé de supprimer cette disposition qui appelle des expertises complémentaires.

Concernant l'article 3, l'Assemblée avait adopté une disposition précisant que, pour l'appréciation des besoins d'un demandeur étranger, il est tenu compte du conjoint titulaire d'un titre de séjour, ainsi que des enfants au titre desquels les prestations familiales peuvent être demandées : la CMP n'a pas considéré cette mesure comme indispensable et a décidé de la supprimer.

Dans ce même article 3, une disposition avait été supprimée à l'Assemblée nationale, relative à l'établissement d'une procédure alternative dans le cas où les commissions de médiation n'existent pas dans le département. Cette disposition avait été prévue au Sénat dans un souci de pragmatisme et la commission mixte paritaire a décidé de la rétablir.

La commission mixte paritaire a en outre procédé à la suppression de l'article 5 decies, prévu à l'Assemblée pour offrir une solution concrète dans des cas d'abandon manifeste de logement par leurs occupants, le dispositif proposé n'ayant pas été considéré comme présentant toutes les garanties de cohérence juridique requises.

Pour ce qui est de la seconde partie du texte relative aux mesures de cohésion sociale, la commission est également revenue sur certains votes de l'Assemblée, en supprimant l'article 6 NA relatif au financement de la formation professionnelle et de l'action sociale dans la branche de l'intérim, car il ne paraissait avoir fait l'objet ni d'une étude préalable de son impact financier, ni d'un dialogue social, pourtant nécessaire pour une mesure touchant à la formation de salariés. La commission mixte paritaire est également revenue au texte du Sénat, sous réserve d'un ajustement rédactionnel, à l'article 6 bis, afin de préserver l'équilibre trouvé sur la gestion du régime social des indépendants.

Concernant les dispositions applicables aux accueillants familiaux, inscrites à l'article 6 quinquies, la commission mixte paritaire a voulu garantir aux personnes hébergées, durant les vacances de leurs accueillants, un accueil temporaire de qualité. À cette fin, elle a repris un amendement qui provenait du groupe socialiste et était malencontreusement tombé durant les débats de l'Assemblée.

Nous avons également revu les dispositions de l'article 8, c'est-à-dire le crédit d'impôt remboursable pour les services à la personne, qu'il vous est finalement proposé d'élargir aux demandeurs d'emploi.

Enfin, la commission mixte paritaire a souhaité améliorer le texte de l'article 13. Il concerne les frais bancaires consécutifs aux incidents de paiement, afin d'instaurer un plafonnement des frais afférents à tous les types d'incidents, plafonnement qui sera modulé par décret.

Voilà donc les principales dispositions adoptées par la commission mixte paritaire, que je vous invite à adopter au terme de la présente discussion.

Mes chers collègues, avec la mise en place du droit au logement opposable, c'est notre politique du logement en France qui arrive à maturité. Je suis convaincue qu'avec ce texte, que l'on pourrait qualifier de révolutionnaire, la France renoue avec sa tradition de pionnière en matière de droits de l'homme et joue un des rôles qui lui revient au plan européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, c'est par ce projet de loi exceptionnel, qui institue le droit opposable au logement, que nous clôturons une législature qui fut particulièrement riche et intense.

Ce projet de loi a été rédigé, discuté et adopté définitivement en l'espace d'un mois, entre le 17 janvier et le 22 février.

Cette rapidité, nous la devons à votre mobilisation, et je tiens à adresser des remerciements appuyés aux rapporteurs, à l'ensemble des parlementaires qui se sont investis sur ce texte porteur d'une réforme fondamentale pour notre République.

Ces remerciements vont tout particulièrement à vous, madame la rapporteure, puisque vous qui fûtes la première à déposer une proposition de loi sur le sujet ; vous venez d’ailleurs de le redire, madame Boutin : chacun sait combien ce texte vous tenait à cœur. Monsieur le président Dubernard, je voudrais vous dire combien nous avons apprécié la mobilisation de la commission des affaires sociales sur ce texte.

En instituant le droit au logement opposable, nous consacrons l'aboutissement d'un long parcours républicain, entrepris depuis vingt ans par les gouvernements successifs.

Avec ce texte, les collectivités publiques auront désormais l'obligation d'offrir un logement aux personnes qui n'ont pas de ressources suffisantes pour y accéder.

Le droit au logement est ainsi placé au même rang que le droit aux soins ou à l'éducation : il fera de la France l'un des pays les plus avancés en matière de droits sociaux.

Pour autant, ne nous y trompons pas, cette avancée sociale majeure n'est aujourd'hui possible qu'en raison de l'effort sans précédent qui a été fait par le Gouvernement en matière de logement tout au long de cette législature. Elle consacre l'action que nous avons entreprise depuis 2002 pour relancer toute la chaîne du logement.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 421 000 logements mis en chantier l'année dernière, le meilleur résultat depuis quasiment trente ans ; 103 000 logements sociaux financés en 2006, en hausse de 150 % par rapport à l'année 2000.

Ce projet de loi vient encore amplifier ces efforts : 120 000 logements locatifs sociaux seront réalisés en 2007 dans le parc public, et plus de 140 000 en 2008 comme en 2009.

N'oublions pas non plus les efforts engagés dans le cadre du plan de cohésion sociale – bâti par Jean-Louis Borloo et que vous avez voté – pour développer et améliorer l'accueil dans les structures d'hébergement pour les plus démunis et les personnes sans abri : le nombre de places a augmenté de 50 % depuis 2002 ; il dépassera les 100 000 cette année. Et avec le plan d'action du 8 janvier 2007, nous allons plus loin encore puisque 4 500 places supplémentaires de CHRS vont être créées.

L'été dernier, j'ai lancé une réforme qui assigne des objectifs entièrement nouveaux à ces structures d'hébergement : il s'agit de passer progressivement d'une simple mise à l'abri à un véritable parcours d'insertion qui permettra à chacun de se reconstruire pour retrouver son autonomie et se réinsérer dans l'emploi.

Je voudrais dire aux associations spécialisées qui s’occupent du sujet depuis longtemps combien je mesure le chemin parcouru grâce à elles. Je n’oublierai pas non plus celles arrivées plus récemment, qui ont relayé avec beaucoup de vigueur les attentes des mal logés et des sans-logis.

Nous allons transformer les simples places d’urgence en places pérennes et adaptées, et créer ces fameuses places de stabilisation. Le principe de non-remise à la rue adopté dans ce projet de loi concrétise cette réforme à mes yeux fondamentale.

À côté de ces avancées majeures que sont le droit au logement opposable et l’hébergement de stabilisation, vous avez également adopté des dispositions importantes en faveur de la cohésion sociale. Je pense notamment à la domiciliation, qui est au cœur de l’accès aux droits des plus défavorisés de nos concitoyens ; à l’aide aux vieux migrants…

Mme Christine Boutin, rapporteure. Absolument !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. …à laquelle Jean-Louis Borloo était tellement attaché ; à la garantie des risques locatifs ; à l’indexation automatique de l’allocation logement, dont on a si souvent eu l’occasion de parler dans cet hémicycle ; au surendettement et au plafonnement des frais bancaires.

Ce projet de loi exceptionnel, que je vous demande d’approuver définitivement, illustre la qualité et la densité de nos travaux tout au long de ces cinq années. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 436 lois adoptées, dont 160 projets de loi et 54 propositions de loi. J’ai eu, pour ma part, l’honneur de défendre devant vous onze textes, dont celui portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et ceux sur le retour à l’emploi, l’égalité des chances, l’égalité salariale et la lutte contre les violences conjugales.

Ces lois ont toutes un même fondement et une préoccupation commune : l’humain. Nous les avons élaborées, nous les avons défendues, animés les uns et les autres par une conviction profonde, celle que chaque homme et chaque femme portent, comme le disait Montaigne, « la forme entière de l’humaine condition » et que, à ce titre, personne − je dis bien personne − ne doit être laissé au bord du chemin.

Les discriminations, la lutte contre l’exclusion, l’égalité des chances, le droit au logement : sur tous ces sujets, qui doivent dépasser les clivages politiques, les élus de la République − et je tiens à remercier aussi bien les élus de la majorité que ceux de l’opposition − ont su prendre leur responsabilité pour faire avancer les droits de l’ensemble de nos concitoyens.

Pendant ces cinq années, l’Assemblée nationale a tenu tout son rôle : son rôle de législateur, avec plus de 240 000 amendements déposés et près de 17 000 adoptés, avec 1 863 rapports rédigés, soit plus de un par jour ; sa mission de contrôle également, à travers les 5 000 questions que vous avez posées au Gouvernement, dont plus de 3 200 d’actualité.

Ce texte, qui clôt notre législature, est pour moi tout un symbole, car notre majorité est fière d’avoir porté des réformes qui savent articuler social et économie. Ces réformes sociales d’envergure que nous avons menées à bien ensemble traduisent notre souci commun de prendre toutes nos responsabilités face aux défis qui se posent à notre pays : responsabilité pour les retraites, responsabilité envers les personnes âgées dépendantes, responsabilité pour nos quartiers en difficulté, avec la loi sur la rénovation urbaine, chantier sans précédent de 35 milliards d’euros, responsabilité à l’égard des femmes, avec des réformes essentielles, et, enfin, responsabilité face au problème de l’emploi.

Pendant cinq ans, c’est dans un esprit d’ouverture et d’échanges constructifs avec le Parlement que les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin puis de Dominique de Villepin, sous l’impulsion du Président de la République, se sont mobilisés et ont travaillé d’arrache-pied au service de nos concitoyens.

Dernier ministre à m’exprimer devant vous pour cette législature, je voudrais très simplement, une fois encore, vous remercier, mesdames et messieurs les parlementaires, et remercier vos commissions. Vous ne serez pas surpris que j’aie un mot tout particulier pour les membres de la délégation aux droits des femmes.

Tout au long de ce quinquennat, nous avons prouvé qu’aucune fatalité ne s’attachait aux difficultés de notre pays, que, en faisant preuve de détermination, de persévérance, de volonté, nous pouvions ensemble faire bouger les choses. L’action politique est d’autant plus belle qu’elle est au service de la République fraternelle, restaurant chacun dans sa dignité, fidèle à notre idéal de Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, premier orateur inscrit.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, lors de la discussion générale du projet de loi instituant un droit au logement opposable, mon groupe politique a regretté que ce texte comporte « un grand objectif et des moyens dérisoires ». Cette grave insuffisance des moyens nous a paru d’autant plus suspecte que les circonstances incertaines qui l’ont vu naître justifiaient des craintes légitimes sur la bonne foi de ses auteurs.

Convaincu, depuis longtemps, de la nécessité d’établir l’opposabilité du droit au logement, mon groupe politique ne saurait admettre que cette ambition soit rabaissée au rang des slogans de campagne. Nous avons donc abordé la discussion de ce projet portés par cette seule exigence : il convenait de faire le partage entre la volonté et l’incantation, l’action et la manœuvre, le progrès et l’artifice. En cet instant, je crois pouvoir affirmer que tous les amendements défendus par les socialistes, dans cet hémicycle comme dans celui du Palais du Luxembourg, ont été l’expression fidèle de cette unique intention.

Au terme d’une semaine de débats souvent animés et parfois bien tardifs, il nous revient ce soir d’en dresser le bilan. Mon groupe vous le concède bien volontiers, madame la ministre, madame la rapporteure, au cours de leurs dernières séances de travail, les députés de la XIIe législature auront sensiblement enrichi le corps du texte. Nos collègues du Sénat avaient d’ailleurs déjà montré la voie en quintuplant le nombre des articles et en adoptant certains amendements majeurs.

Présenté par les sénateurs socialistes, l’amendement créant ce qu’il est déjà convenu d’appeler « l’article 55 pour l’hébergement d’urgence » a marqué une première avancée incontestable. Si nous regrettons vivement que les députés de la majorité aient réduit le montant des sanctions financières qu’il prévoit, le dispositif qu’il met en place devrait cependant améliorer l’effectivité des obligations faites aux communes par la loi de 1994.

Astreindre des communes à compter au moins une place d’hébergement d’urgence par tranche de 2 000 habitants, c’est un moyen simple et efficace pour apporter un début de réponse aux situations dramatiques des personnes sans domicile fixe.

Des améliorations significatives ont également été apportées, grâce aux amendements des sénateurs socialistes, à la phase contentieuse de la procédure mise en place par le projet.

La possibilité de saisir directement le juge administratif en l’absence de commission de médiation et, surtout, la possibilité de faire appel contre ses jugements offriront des garanties supplémentaires aux requérants.

Enfin, les sénateurs socialistes peuvent se féliciter d’avoir corrigé, au moins partiellement, deux des plus graves lacunes du texte. D’une part, l’extension du champ d’application de l’article 55 de la loi SRU assurera une meilleure mobilisation des communes sur l’ensemble de notre territoire. D’autre part, la concentration des responsabilités aux mains des EPCI qui le souhaitent permettra de commencer à rationaliser le partage des compétences au plan local.

Même limitées, ces avancées obtenues au Sénat sont essentielles, car elles renvoient, comme je l’expliquerai, à deux conditions fondamentales du droit au logement opposable.

Lors de la lecture du projet de loi par notre assemblée, mes collègues du groupe socialiste et moi-même nous réjouissions d’avoir pu rallier une majorité de députés à certains de nos amendements.

Je pense, en premier lieu, à l’adoption de notre amendement prévoyant que toute sortie d’un centre d’hébergement d’urgence devra désormais être accompagnée d’une proposition de placement dans un centre d’hébergement d’insertion, voire, lorsque c’est possible, d’une offre de logement.

Popularisé sous un titre peu délicat pour les personnes qu’il vise, l’amendement dit « anti-remise à la rue » répond cependant à l’un des problèmes les plus cruciaux des sans-domicile-fixe. Sur l’ensemble de nos bancs, chacun sait bien en effet que la première priorité est de stopper la spirale de l’exclusion en offrant à nos concitoyens les plus démunis le temps et l’espace nécessaires pour se reconstruire.

Mon groupe est également satisfait d’avoir pu améliorer la phase de médiation de la procédure mise en place par le projet de loi. L’obligation de créer, dans chaque département, des commissions de médiation avant le 1er janvier 2008, le principe de la composition paritaire de ces commissions et l’exigence d’une motivation écrite de leurs avis : chacune de ces avancées, mes chers collègues, devrait mieux assurer les conditions de leur fonctionnement.

L’adoption de notre amendement permettant aux associations agréées d’assister les requérants tout au long de la procédure va dans le même sens.

Enfin, le vote d’un amendement socialiste − également déposé par Mme la rapporteure − ouvrant la possibilité de reloger les requérants chez les bailleurs ayant signé une convention avec l’ANAH marque une dernière avancée. En mobilisant davantage le parc privé, il devrait contribuer efficacement à désengorger le contingent préfectoral et à mieux répartir l’effort de solidarité sur l’ensemble des communes.

Aux différents motifs de satisfaction suscités lors de la lecture du texte par chacune des deux chambres, s’ajoutent, depuis ce matin, ceux engendrés par la discussion en commission mixte paritaire.

Mon groupe se félicite d’abord de l’adoption de son amendement − identique à celui de Mme la rapporteure − supprimant l’obligation de limiter l’appréciation des besoins du requérant « à sa famille proche en situation régulière ». Comme cela a été dit sur tous les bancs, une telle disposition aurait constitué une discrimination inutile et vexatoire à l’encontre des étrangers disposant d’un titre de séjour sur notre territoire.

De même, madame la rapporteure, nous vous remercions d’avoir soutenu avec un succès identique notre amendement supprimant la possibilité de résilier le bail au terme d’une mise en demeure de deux mois. Attaquant le principe fondamental d’inviolabilité du domicile, cette mesure aurait pu porter atteinte aux droits des locataires. Par ailleurs, faute de préciser les conditions caractérisant « l’abandon manifeste du logement », elle aurait ouvert la voie de tous les abus aux bailleurs les moins scrupuleux.

Alors, oui, mes chers collègues, notre parlement a fait du bon ouvrage à l’occasion de la discussion du projet de loi instituant un droit au logement opposable.

M. Michel Piron. Ah, quand même !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En introduisant dans la loi le principe de l’opposabilité du droit au logement, il a fait acte de progrès. Mais l’ampleur de la crise, l’urgence des attentes et des besoins, nous font dire que ce n’est pas un progrès suffisant.

Trop de nos craintes sont restées sans écho, au premier rang desquelles l’absence de mesure significative en faveur du renforcement de la mixité sociale. L’extension de l’article 55 de loi SRU à de nouvelles communes ne dissuadera pas les villes les plus aisées de préférer la contribution financière à l’effort de construction.

Il aurait fallu montrer davantage de volontarisme pour contraindre les maires à programmer des logements sociaux là où ils sont déficitaires. À défaut, votre dispositif va être non seulement inefficace mais injuste. Ce sont les communes qui ont déjà fait le plus d’efforts en matière de logements sociaux qui seront le plus sollicitées.

Mme Annick Lepetit. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y a ensuite l’absence de mesures crédibles en faveur de la construction de logements adaptés au plus grand nombre des demandeurs. À quelques semaines de la fin de sa mission, le Gouvernement corrige la loi budgétaire pour améliorer sensiblement le financement des logements PLUS et PLAI. Mais que va-t-il advenir de ces nouveaux crédits inscrits ?

Avez-vous fait un chèque en blanc que devront assumer vos successeurs ou préparez-vous une désaffectation de ces enveloppes, comme vous l’avez pratiqué à de nombreuses reprises par le passé ?

Dois-je rappeler, pour illustrer la pertinence de nos craintes, que les crédits initialement prévus dans la loi de programmation sociale étaient de 610 millions pour l’année 2007. La loi de finances pour l’année 2007 n’en a pourtant accordé que 458, soit 25 % de moins.

Votre volonté délibérée, pendant des années, de ne pas privilégier les logements PLAI et PLUS, susceptibles de répondre au mieux à l’attente des demandeurs de logements, a accentué la crise du logement.

M. Michel Piron. C’est incroyable !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En lui donnant une gravité au paroxysme de la rupture sociale, vous avez provoqué les mouvements de pression qui vous ont placé, à plusieurs reprises ces derniers mois, dans l’obligation d’improviser les solutions.

M. Michel Piron. C’est de la provocation !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En ce domaine, c’est le pire tant la complexité technique s’ajoute aux contraintes des délais opérationnels que personne n’ignore. Annoncer, dans ces conditions, que la crise est derrière nous, est-ce de l’ignorance, de l’impuissance ou de l’indifférence ?

M. Michel Piron. Qui a dit cela ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité et Mme Christine Boutin, rapporteure. Personne n’a dit cela !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est un ministre de ce gouvernement qui l’a dit ici même !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission mixte paritaire. Moi, je ne l’ai pas entendu !

M. Patrick Braouezec. C’est que vous n’étiez pas là, monsieur Dubernard !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est un ministre qui l’a dit lors des questions au Gouvernement !

Nous craignons, comme beaucoup, notamment les acteurs du logement social ou de l’hébergement social, les associations d’accompagnement, d’insertion ou d’action sociale − que le dispositif que vous mettez en place ne serve beaucoup plus à modifier l’ordre des priorités dans la liste d’attente…

M. Guy Geoffroy. Entendre ça dans la bouche de ceux qui n’ont pas fait grand-chose !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …que le nombre de personnes qui pourront effectivement en sortir par l’accès à l’hébergement ou au logement.

M. Guy Geoffroy. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous ! Surtout pas de vous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout reste à faire pour donner un réel et efficace contenu au droit au logement opposable.

M. Loïc Bouvard. Qu’avez-vous fait, avant ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Votre projet de loi reste vicié par sa genèse précipitée. En n’ouvrant pas préalablement une concertation nationale, vous avez contrevenu aux recommandations du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées.

Et ce n’est pas seulement une question de forme : sans la mobilisation de tous, sans la reconnaissance du caractère prioritaire que doivent trouver les réponses à apporter à ces dramatiques attentes de logement, rien de réellement efficace ne pourra être construit par la loi.

Nous mesurons le chemin accompli pour rendre effectif le droit au logement, singulièrement, grâce à l’intervention des parlementaires lors de l’élaboration de ce texte. Mais nous considérons également tout ce qui reste à faire pour donner un réel et efficace contenu au droit au logement opposable, tout ce que vous n’avez pas voulu faire.

M. Guy Geoffroy. Et que vous n’aviez pas fait davantage !

Mme Annick Lepetit. Assumez, mesdames et messieurs de la majorité !

M. Loïc Bouvard. Arrêtez de nous donner des leçons !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour ces raisons, le groupe socialiste s’abstiendra lors du vote.

Mme Annick Lepetit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les circonstances qui ont poussé le Gouvernement à présenter le texte dont nous achevons aujourd'hui l'examen.

Ce que je tiens en revanche à souligner, c'est que la reconnaissance du droit au logement opposable correspond à une attente forte de nos concitoyens comme des associations qui agissent, depuis des années, sur le terrain, auprès des personnes privées de logement ou en situation de grande précarité.

Le droit au logement ne peut se satisfaire d'une réponse législative de circonstance, et c’est pourtant ce que vous nous proposez. Le droit au logement mérite mieux qu'un texte écrit dans la précipitation, sans tenir compte ni des recommandations du Haut comité, ni de celles du Conseil économique et social, ni même de celles des associations.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Braouezec. Je les cite, parce qu’elles ont leur importance : la fondation Abbé-Pierre, les Restos du cœur, le DAL, ATD Quart Monde, la Ligue des droits de l'homme, Médecins du monde, ou encore la CNL.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Nous les avons toutes auditionnées.

M. Patrick Braouezec. Vous les avez peut-être toutes consultées, mais vous ne les avez sans doute pas toutes entendues.

Depuis ma première élection, ici en 1993, je suis un de ceux – je le rappelais hier – qui n'ont cessé de dénoncer, sous tous les gouvernements, l'insuffisance des efforts consentis en matière de logement, en particulier en matière de logement social et de logement très social.

Nous avons longtemps espéré que l'institution d'un droit au logement opposable permettrait de rendre effectif le droit au logement, et nous attendions donc beaucoup d'un tel projet de loi.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Vous devriez être content de ce que nous avons fait. C’est déjà ça !

M. Patrick Braouezec. Mais votre texte demeure au milieu du gué. Ce projet de loi est d'abord, à mes yeux, une posture humanitaire, un texte d'affichage, à l'image de ce que vous nous proposez depuis cinq ans. Mais les Français ne sont pas dupes de vos effets d'annonce, particulièrement les trois millions qui souffrent de situation de mal-logement.

Ce que l'écho médiatique, considérable, rencontré par le mouvement récent des Enfants de Don Quichotte, aura révélé, c'est que le voile de tels effets d'annonce ne peut masquer durablement la triste réalité.

Selon un sondage réalisé par CSA pour l'Union sociale de l'habitat, en septembre dernier, 84 % des Français estiment que les responsables politiques ne s'occupent pas suffisamment des problèmes de logement, et 66 % d’entre eux jugent qu'il n'y a tout simplement pas assez de logements sociaux. Comment mieux souligner ce qui doit ici constituer la priorité des priorités de l'action publique : proposer une offre suffisante de logements accessibles ?

Pour répondre à cet objectif, une autre majorité avait fait adopter une loi, qui fait encore grincer des dents nombre de nos collègues de la majorité d'aujourd'hui : la fameuse loi de solidarité et du renouvellement urbains et son article 55.

C’est une loi qu'il faudrait aujourd'hui renforcer et doter de nouvelles dispositions. Dans un contexte tendu, le risque est grand, en effet, de voir disparaître les disponibilités foncières dont nous avons besoin, sur l'ensemble du pays, pour construire des logements sociaux, créer de nouveaux quartiers, donner sens et réalité au droit au logement et au droit à des conditions de vie décentes pour le plus grand nombre. Le risque est grand, également, de voir mises en œuvre des politiques ségrégatives, ne respectant pas la réalité de la demande sociale, au seul motif qu'elle correspondrait à des plans locaux d'urbanisme conçus dans le secret de quelques services municipaux ou intercommunaux, avec le concours de promoteurs avisés.

Face à l'ampleur de ces enjeux, force est de constater que le texte que vous nous présentez aujourd'hui souffre de graves insuffisances, quand il ne fait pas l'impasse sur des mesures essentielles. Il laisse en tout cas apparaître des failles importantes, dénoncées du reste par de nombreuses associations.

Ces mêmes associations s'étaient mobilisées, rappelez-vous, au printemps dernier, pour s'opposer à votre majorité quand celle-ci a voulu s'attaquer à l'article 55 de la loi SRU. La revendication qu'elles portaient alors était celle de la nécessité d'une juste répartition du logement social sur l'ensemble du territoire, de façon à garantir le maintien du lien des exclus avec leur ville et leur quartier d'origine, pour garantir aussi, et conjointement, une mixité sociale de l'habitat. On comprend, dès lors, qu'ils soient aujourd'hui, comme nous, dubitatifs à l'égard de votre texte.

Comme nous, ces associations soutiennent la notion de droit opposable pour les ménages qui, en raison de leur situation très difficile, n'ont pu obtenir d'attribution de logement. Pour autant, nous partageons avec elles le point de vue selon lequel le droit au logement ne peut se concevoir sans interroger et modifier la politique du logement.

L'opposabilité est un outil dont la pertinence s'évalue au regard d'une politique d'ensemble, une politique que vous n'avez pas menée, une politique à construire, sans jamais opposer droit au logement et mixité sociale.

Nous nous félicitons, bien sûr, des quelques avancées adoptées par le Sénat et notre assemblée, qui ont donné plus de consistance au projet, en particulier l'indexation des aides au logement sur l'indice d'augmentation des loyers, l'élargissement du nombre de communes soumises aux 20 % de la loi SRU, l'élargissement des sanctions SRU aux places d'hébergement, et enfin l'augmentation des objectifs de production de logements sociaux PLUS et très sociaux PLAI, même si ceux-ci restent insuffisants au regard des besoins.

Si, d'aventure, certains de nos amendements avaient été adoptés, notamment ceux visant à responsabiliser davantage les maires qui, aujourd'hui, se dérobent à l'obligation de construire des logements sociaux, nous aurions pu considérer que le Gouvernement avait pris la mesure du problème et aurions pu aller jusqu'à voter le texte. Ces amendements ont, hélas, été refusés, et votre obstination à les repousser révèle d'ailleurs que ce projet de loi est d'abord pour vous l'occasion de maintenir le statu quo.

Nous avons en revanche apprécié le fait que vous ayez su résister à certains amendements émanant de la majorité et vous en sommes reconnaissants. Cela évite que ne reviennent par la fenêtre des dispositions que certains députés avaient tenté de faire entrer par la porte à plusieurs reprises.

Dans ces circonstances, nous nous abstiendrons donc. Il s'agira d'une abstention positive, puisque nous nous battons depuis longtemps pour l'institution d'un droit au logement opposable et que le prochain gouvernement, quel qu'il soit – nous espérons, pour notre part, une rupture avec les cinq années passées…

Mme Christine Boutin, rapporteure. Nous aussi !

M. Patrick Braouezec. Mais une rupture non pas libérale, madame Boutin, une rupture antilibérale !

Nous pensons que devra se rouvrir ici le débat sur le droit effectif au logement, la responsabilité de l'État en ce domaine et la nécessité d'un véritable service public du logement dans notre pays.

Il aurait été symbolique, madame la ministre, que nous terminions notre session par un vote unanime. Mais le symbole était sans doute trop fort, et nous nous abstiendrons donc.

Vous me permettrez pour conclure de faire un commentaire sur le satisfecit que vous avez décerné à l’action gouvernementale, à propos notamment de la fracture sociale et de ces gens, dont vous avez parlé, qui sont aujourd’hui à la rue ou dans des situations très précaires. Je suis élu d’une circonscription où ces personnes sont très nombreuses.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. J’en suis certaine.

M. Patrick Braouezec. Leur situation ne s’est pas améliorée au cours de ces cinq dernières années. Je ne dis pas que tout est de la faute de votre gouvernement et de l’action qu’il a menée. D’ailleurs, quel que soit le gouvernement en place, je suis toujours intervenu sur la question de la construction de logements sociaux et très sociaux.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vrai. Je vous en donne acte.

M. Patrick Braouezec. Prenons conscience ici, ce soir, même si nous ne sommes pas nombreux, que, si le prochain gouvernement ne se donne pas comme priorité l’accès effectif au logement de toute la population qui vit sur notre territoire, nous allons au devant de drames aux conséquences violentes pour notre société, c’est cela que nous devons redouter ! (Applaudissements.)

M. Guy Geoffroy. Nous sommes d’accord !

M. le président. Monsieur Braouezec, à défaut de l’unanimité, vous avez réussi à obtenir les applaudissements de la majorité !

M. Guy Geoffroy. C’est normal, quand cela est mérité !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Guy Geoffroy. Le dernier orateur de la législature !

M. le président. Non, ce sera Annick Lepetit.

M. Patrick Braouezec. Le mot de la fin sera pour la gauche !

M. le président. Monsieur Piron, vous avez la parole.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un droit au logement opposable, un droit fondamental, appelant une loi fondatrice, tel est le droit qu’au travers de ce texte débattu pendant quelques jours et, pour partie, quelques nuits nous allons entériner dans la loi.

Un tel droit nous crée, bien évidemment, et surtout pour l’avenir, un devoir supplémentaire, celui de mettre en œuvre une politique partagée, une politique assumée.

Une politique partagée, comme l’exige, à vrai dire, toute politique de l’habitat digne de ce nom. Car qu’est-ce qu’une politique nationale de l’habitat qui ne s’appuierait pas sur les collectivités territoriales ? Le droit des sols relève des communes, le relevé de l’intercommunalité par délégation implique les agglomérations, en tout état de cause avec les SCOT, et fait souvent appel, quant aux moyens, aux départements, voire aux régions – je pense notamment aux requalifications d’ANRU. Chacun peut donc bien voir que c’est la responsabilité de toutes les collectivités qui est ici engagée, tout comme l’est, évidemment, celle de l’État qui, rappelons-le en la circonstance, est le garant de l’application de l’opposabilité de ce droit.

La loi requiert l’engagement de tous et ce que j’évoquais ne peut manquer de soulever deux difficultés qu’il nous faudra bien surmonter. La première difficulté est ancienne, et je ne suis pas certain qu’elle aille en diminuant. C’est celle des freins procéduraux dont la complexité génère malheureusement souvent plus d’inertie que d’efficacité.

La deuxième difficulté naît du nombre d’interlocuteurs que je viens de citer : communes, communautés, départements, régions, État. C’est celle de la gouvernance.

On a évoqué le problème particulier et extraordinairement aigu de la région parisienne, qui concentre plus de 40 % des problèmes et qui construit pour mille habitants trois fois moins de logements que la Bretagne. S’agissant de cette région, comme des autres, d’ailleurs, on ne peut pas ne pas poser la question de la gouvernance.

Politique assumée. Assumée, elle l’est depuis la loi de cohésion sociale de 2005 et depuis la loi portant engagement pour le logement de 2006. C’est une politique assumée à l’égard des plus fragiles, ce qui implique de faire des choix. Devant les difficultés en effet, et nous sommes dans une situation difficile – on l’a dit, la crise remonte à quelque vingt-cinq ans –, il faut définir des priorités, accepter la si belle formule : « Gouverner c’est choisir. »

Pour cela, nous avons retenu six publics prioritaires. C’est d’abord cela une politique assumée, c’est une politique qui consiste, même si c’est un choix difficile, à ne pas considérer que tout est prioritaire, ce qui reviendrait à supprimer toute priorité.

Notre politique est assumée avec des moyens renforcés ; ils étaient déjà considérables, ils sont encore accrus, à l’initiative, d’ailleurs, du Sénat.

L’accroissement des constructions, permises notamment par les crédits ouverts dans le domaine du logement social, et qui permettra d’atteindre en 2008 et 2009 142 000 logements, l’augmentation considérable des financements consacrés aux PLAI sont autant de signes de ces moyens renforcés.

Nous avions déjà construit en 2005 et 2006, deux fois plus de logements et deux fois plus de logements sociaux, ce progrès étant le résultat des choix faits au cours des trois années précédentes. Avec les moyens décidés aujourd’hui, notre objectif est encore supérieur.

Les moyens sont renforcés dans le domaine de l’hébergement comme dans celui du logement. Car il nous a aussi fallu concilier l’urgence du court terme et l’exigence du long terme. L’urgence du court terme vise à garantir l’hébergement – vous le savez mieux que personne, madame la ministre – et l’exigence du long terme consiste à lever un certain nombre d’obstacles.

Vous avez cité Montaigne, madame Vautrin, et je n’ai pu m’empêcher, en entendant cette si belle phrase, de songer, comme faisant écho à travers les siècles, à l’Aliocha de Dostoïevski : « Chacun de nous est responsable de tout devant tous ».

M. Loïc Bouvard. Bravo !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est beau, et tellement vrai !

M. Michel Piron. Ce très beau texte nous appelle à nos responsabilités.

Si c’est toujours le rôle et l’honneur de cette assemblée que de discuter, d’amender et de voter, et donc, de choisir, ce l’est peut-être un peu plus encore ce soir, en clôturant cette législature par un texte aussi emblématique. Cela n’a pu se faire qu’avec le concours – sinon l’approbation – de tous, et particulièrement de nos trois rapporteurs, Christine Boutin, Jérôme Bignon et Georges Fenech. Aussi, permettez-moi, en vous demandant de voter ce texte, d’en remercier tous les acteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette réforme a été engagée de manière précipitée. Pourtant, elle méritait beaucoup mieux qu'un débat improvisé, expédié à la va-vite, à quelques semaines de l'élection présidentielle et à quelques jours de la fin des travaux parlementaires. En effet, trois jours pour légiférer sur le droit au logement opposable, c’est bien peu et c'est aussi prendre le risque d'une mise en œuvre cafouilleuse et d'un calendrier impossible à respecter.

Le droit au logement opposable ne peut être opérationnel sans des constructions massives et soutenues de logements sociaux, ce qui n'est le cas aujourd'hui. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ça l’est plus qu’en 2000 !

Mme Annick Lepetit. J'en veux pour preuve que le Gouvernement et sa majorité ont accepté de revoir à la hausse le nombre des PLAI et des PLUS à construire, ces logements qui correspondent le mieux à la demande et qui sont pourtant les grands oubliés depuis 2002. Jean-Louis Borloo a voulu faire croire que sa politique rendait possible le droit au logement opposable, mais le relèvement de la programmation de logements sociaux prouve le contraire. L’examen de ce texte aura ainsi permis de mettre en lumière les incohérences de la politique du logement menée depuis cinq ans.

M. Guy Geoffroy. Dans la bouche de socialistes, c’est un comble ! Quel culot !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vous qui n’avez rien fait !

Mme Annick Lepetit. Nous regrettons que le Gouvernement et sa majorité aient mis de côté l'article 55 de la loi SRU, jugeant qu'il n'entrait pas dans ce dispositif – je parle de votre sujet favori. Pourtant, le droit au logement opposable ne va pas sans une mobilisation de toutes les communes de France. Qui dit droit au logement opposable dit respect et renforcement des dispositions de l'article 55, faute de quoi le dispositif sera inefficace et injuste. En effet, ce sont les communes qui participent déjà largement à la solidarité nationale qui seront les plus sollicitées.

Mme Christine Boutin, rapporteure. Mais non !

Mme Annick Lepetit. Nous craignons que soient ainsi accentuées les inégalités territoriales, la paupérisation et la ghettoïsation de nombreux quartiers.

Quant aux communes qui ne respectent pas l'article 55 en refusant de construire des logements sociaux, elles sont épargnées par cette loi. Le véritable enjeu, en matière d'opposabilité du droit au logement, est pourtant bien de disposer d'une offre suffisante, pour tous sur tout le territoire, ce que le texte ne garantit pas.

Parce que nous sommes favorables au droit au logement opposable, nous sommes particulièrement insatisfaits par la faiblesse des moyens prévus pour le garantir. Au cours du bref examen parlementaire, des avancées, parfois inespérées, ont néanmoins été obtenues, s'agissant des politiques publiques du logement : par exemple, un équivalent de l’article 55 de la loi SRU pour l'hébergement d'urgence, la revalorisation des aides au logement et leur indexation sur l'indice de référence des loyers ou le relèvement des objectifs de construction sociale et très sociale. Nous sommes particulièrement ravis que le Gouvernement et sa majorité aient accepté ces dispositions, qu'ils nous avaient toujours refusées et que nous avions toujours réclamées.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai !

Mme Annick Lepetit. D'autres initiatives importantes ont pu voir le jour concernant les commissions de médiation et le nombre de logements mobilisés. Ces avancées sont souvent issues d'amendements socialistes, que nous avons défendus un par un avec un bel acharnement.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité et Mme Christine Boutin, rapporteure. Pas toutes, quand même !

M. Guy Geoffroy. À les écouter, ce sont eux qui ont fait le texte ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Annick Lepetit. Cependant, rien ne nous assure que le droit au logement opposable sera une réalité pour nos concitoyens et non une simple déclaration de principe. Flou, imperfections et lacunes demeurent dans ce texte. Ce serait mentir que de proclamer que le droit au logement opposable sera bel et bien effectif. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne peut que s’abstenir. (M. Jean-Yves Le Bouillonnec applaudit.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3 du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 3.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Boutin, rapporteure. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1.

La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Boutin, rapporteure. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous en arrivons à un amendement n° 2.

La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Cet amendement, qui revient sur un sujet que nous avons déjà évoqué, concerne les maisons de retraite et celles qui accueillent des personnes handicapées, sans but lucratif.

L’objectif de cet article était de baisser le taux de la TVA à 5,5 %. Mais cela n’est pas possible sans préciser que ces établissements ont également une approche de logement social, de manière à être parfaitement conforme à l’article R.331-17 du code de la construction. C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à préciser qu’il s’agit de PLS.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Boutin, rapporteure. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans les explications de vote.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je remercie l’ensemble des parlementaires de leur unanimité. Lors de ses vœux à la nation, le Président de la République a rappelé sa volonté de faire du droit au logement une réalité. Avec l’adoption de ce texte, toutes les conditions sont réunies pour que ce droit devienne en effet une réalité pour chacun de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de lever ce qui devrait être la dernière séance de la législature, à moins qu’un événement totalement imprévu, surprenant, impromptu ne nous réunisse à nouveau dans les prochains jours, pour un ultime vote,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Impromptu, vraiment ?

M. le président. C’est ainsi que nous devons le considérer ! (Sourires.)

…je veux remercier à mon tour celles et ceux qui font vivre cette noble institution qu’est l’Assemblée nationale. En premier lieu, le secrétaire général, les services de la séance et des lois, pour l’aide qu’ils m’ont apportée et l’indulgence dont ils ont fait preuve à mon égard, et pour leur vigilance juridique constante, qui a permis un travail législatif de qualité entre nos deux assemblées et le Gouvernement ; les personnels des comptes rendus intégral et analytique, à qui nous ne rendons pas la vie facile, avec nos interventions parfois intempestives, mais qu’ils saisissent au vol ; les administrateurs des commissions dont les conseils nous sont indispensables ; les huissiers, discrets, mais si précieux dans cet hémicycle, ce que l’on ne sait pas assez ; les personnels d’étage et de restauration, que nous pressons bien souvent, parce que nous travaillons toujours à un rythme excessif ; bref, les 1 360 fonctionnaires de notre assemblée qui font vivre ce temple de la démocratie, dont je regrette parfois qu’il ne soit pas aussi fort qu’il le devrait face à l’exécutif, …

Mme Annick Lepetit. C’est vrai ! Il faudrait que cela change !

M. le président. … dans lequel nous avons siégé cinq ans. Je n’oublie pas nos assistants parlementaires, qui sont toujours dans l’ombre, mais dont le dévouement est exceptionnel, même si l’on ne parle que rarement d’eux.

Mes chers collègues, c’est l’heure de rendre des comptes, l’heure des campagnes, des joutes et des confrontations de projets : nous verrons bien qui reviendra et qui ne le pourra pas. Mais cela ne doit pas faire oublier le travail, dans la vérité ou dans l’erreur – selon nos convictions – et l’investissement de chacun des 577 députés – même si, en raison des circonstances, nous ne sommes pas très nombreux ce soir – qui ont œuvré pendant cinq ans pour le bien de notre pays. Vous vous êtes inscrits, chers collègues, dans la lignée des 15 000 députés que le président Debré a salués dans un ouvrage publié par notre institution, ces 15 000 députés qui se sont succédé au service de leurs idéaux et de la nation. Je tenais à le rappeler, car le Parlement est trop souvent décrié.

En tout état de cause, cela restera pour moi un souvenir émouvant et inoubliable d’avoir fait partie de cette douzième législature – je suis sûr qu’il en est de même pour vous – et plus encore d’avoir eu l’honneur d’en présider quelques séances, et notamment celle-ci. Je vous souhaite, à toutes et à tous, bonne chance. (Applaudissements.)

Nous avons achevé l’examen des textes inscrits à l’ordre du jour.

Conformément à l’usage, l’Assemblée voudra sans doute laisser à son président le soin de la convoquer si les circonstances le justifiaient.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quinze.)