Commander ce document en ligne
Commander ce document en ligne
Retour vers le dossier législatif

 


No  880
__

ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
 

_____________________________________________________________________________________________

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mai 2003.

DÉCLARATION
DU GOUVERNEMENT
sur les infrastructures 2003-2020,
par M. Gilles de ROBIEN,
Ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer,
et M. Dominique BUSSEREAU,
Secrétaire d’Etat aux transports et à la mer
    
    

DÉCLARATION DE M. GILLES DE ROBIEN,
ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer

                    Monsieur le président,
                    Mesdames et Messieurs les députés,
        Nous voici aujourd’hui réunis, comme le Gouvernement l’avait souhaité et annoncé, pour imaginer ensemble notre nouvelle politique du transport. Dominique Bussereau et moi-même connaissons évidemment l’importance de ce débat pour vous, pour vos circonscriptions, pour leur prospérité, pour l’emploi des hommes et des femmes que vous représentez. Nous savons tous aussi l’importance de ce débat pour notre pays, pour son rayonnement et sa capacité à garder un rôle moteur en Europe.
        Ce débat parlementaire fait suite à l’audit qui a été commandé par le Gouvernement en août dernier au Conseil des ponts et à l’Inspection des finances.
        Cet exercice d’une grande rigueur intellectuelle a suscité de nombreux commentaires, parfois même des polémiques. Cet audit était pourtant indispensable. Comme pour les retraites, il faut dire la vérité, il faut décrire l’état des lieux, même si cela ne fait pas toujours plaisir, et il faut ensuite partir sur des bases transparentes.
        L’audit des grands projets d’infrastructures de transport, je l’ai dit et redit, nous a décrit la situation telle que nous l’avons trouvée, et celle-ci n’est pas fameuse. Les seuls projets identifiés par les auditeurs et retenus dans leur esquisse à vingt ans révèlent une impasse cumulée comprise entre 11 et 15 milliards d’euros par rapport aux ressources existantes mises en place par l’Etat, sans compter les contributions des collectivités locales, évaluées, elles, à 11 milliards d’euros sur vingt ans. D’aucuns pourront considérer que les auditeurs ont été chiches dans leurs simulations financières en renvoyant au-delà de 2020 certains projets, et non des moindres.
        Vous le savez, d’autres rapports sont venus ensuite tempérer la vision purement comptable de l’audit : le rapport des sénateurs Hubert Haenel et François Gerbaud, sur le fret ferroviaire, et celui du sénateur Henri de Richemont sur le cabotage maritime. Enfin, il y a moins d’un mois, la DATAR a publié son étude prospective « La France en Europe : quelle ambition pour la politique des transports ? ».
        Ces travaux sont en effet d’une grande qualité.
        Ces travaux nous invitent à nous poser les bonnes questions, à sélectionner les bons investissements, au nom évidemment de logiques qui doivent être cohérentes et surtout pérennes.
        Oui, le temps du politique est maintenant arrivé. Le Gouvernement souhaite entendre la représentation nationale. Quelle est votre appréciation de la situation actuelle des infrastructures ? Notre pays doit-il ralentir son effort d’équipement, le maintenir ou, au contraire, l’accélérer ?
        Quel avis portez-vous sur les contraintes, les nouvelles donnes de cette politique et, au final, comment appréhendez-vous la question du financement de cet effort ?
        Je finirai mon propos par plusieurs propositions concrètes, mais permettez-moi de revenir sur les quelques problématiques que je viens d’évoquer et sur lesquelles le Gouvernement sollicite votre opinion.
        La première question, essentielle bien sûr, c’est de savoir si nous avons encore besoin de développer nos infrastructures de transport. Question apparemment évidente. La réponse du Gouvernement, est positive, vous vous en doutez. Je vois en effet plusieurs raisons de poursuivre et même d’intensifier notre effort.
        La première raison qui me pousse à aller de l’avant, c’est l’augmentation naturelle de la demande de transport à venir et notre insuffisante capacité à y faire face aujourd’hui. Les perspectives de croissance de la demande de transport sur vingt ans sont les suivantes.
        Le trafic du fret ferroviaire dispose d’un potentiel de développement d’au moins 20 %, en particulier sur les axes d’échange majeurs, et sans doute davantage si la qualité de service est au rendez-vous.
        Le trafic ferroviaire de voyageurs devrait continuer à se développer, mais sa croissance serait réduite, de 16 à 20 %, en l’absence de réalisation de lignes nouvelles à grande vitesse.
        Le trafic fluvial, lui, dispose d’un certain potentiel de dévelopement sur le réseau existant à grand gabarit. La hausse actuelle du trafic en est, j’espère, un signe tangible. Elle a été en 2002 de l’ordre de 7 %.
        Le transport aérien intérieur aurait une croissance très ralentie par rapport aux périodes passées, notamment avec la mise en service de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse. Ce ralentissement pourrait être sensiblement relativisé par un développement de la concurrence des compagnies à bas coût sur le marché intérieur. Le trafic européen resterait lui en expansion.
        Le trafic routier, voyageurs et marchandises, devrait augmenter entre 40 et 60 %, y compris dans un contexte multimodal beaucoup plus affirmé. Dans l’hypothèse d’un prolongement des tendances, observer un doublement du trafic serait loin d’être invraisemblable.
        La question corollaire à cette réflexion sur la demande, c’est bien entendu la capacité de nos infrastructures actuelles à accueillir cette demande nouvelle.
        Contrairement à certains pays voisins à forte densité comme l’Allemagne, le Benelux ou la Grande-Bretagne, qui connaissent déjà des niveaux de congestion très élevés, nos réseaux d’infrastructures ne connaissent pas encore ce phénomène, sauf sur un nombre limité d’axes et de périodes de l’année. L’étude de la DATAR l’a d’ailleurs bien souligné dans sa première partie.
        Si rien n’est fait, cette congestion, aujourd’hui relativement acceptable, pourrait se révéler difficilement supportable dans les vingt prochaines années pour la vie quotidienne des Français. Elle serait aussi contre-productive pour l’économie des régions concernées, notamment pour nos principaux pôles d’activité économique et touristique.
        Telle est donc la première raison pour notre pays de poursuivre son équipement : une demande de transport toujours orientée à la hausse.
        La deuxième raison, c’est le développement économique, et donc l’emploi.
        Un territoire bien desservi, vous le constatez chaque jour dans vos circonscriptions, permet aux hommes de travailler en coopération et contribue, grâce à un meilleur échange de savoir-faire, à la création de richesses et donc à la création d’emplois.
        Je suis convaincu que l’efficacité des investissements de desserte est souvent équivalente, peut-être même parfois supérieure, à celle des investissements consacrés à l’amélioration de l’outil de production. Vous le savez bien, la spécialisation et l’innovation sont les deux grands moteurs de la croissance économique. Le carburant de ces deux moteurs, c’est l’échange, le brassage et le mouvement des hommes. Ce carburant-là a besoin d’un système de transport performant autour des infrastructures traditionnelles évidemment, mais aussi, ne l’oublions pas, autour des fibres optiques et de tout ce qui permettra aux liaisons à haut débit de pénétrer dans chaque foyer, dans chaque entreprise, dans chaque école et dans chaque lieu de service public.
        L’analyse historique ne nous révèle pas autre chose. Les épisodes d’augmentation de la prospérité ont été ou accompagnés ou précédés d’améliorations dans le système de transport.
        Après la demande et l’emploi, la troisième raison pour laquelle nous devons poursuivre notre effort, c’est évidemment l’Europe. Je ne crois pas que notre pays puisse se permettre un statu quo en matière d’équipement si nous voulons relever le défi de l’élargissement européen.
        Quelques chiffres - je n’en ai pas abusé jusqu’à présent - pour nous situer.
        Notre pays est celui où a été construit le plus grand linéaire d’autoroutes entre 1970 et 1999. La France est désormais au sixième rang européen pour la densité autoroutière rapportée à la surface et au quatrième rang pour la densité autoroutière rapportée à la population.
        En matière ferroviaire, la France occupe un rang identique. Elle a pris une avance significative en développant des services ferroviaires à grande vitesse qui relient aujourd’hui la plupart de ses grandes métropoles.
        Nous pouvons, à juste titre, être collectivement fiers des efforts qui ont été accomplis. Cependant, nos voisins continuent à s’équiper fortement en autoroutes et en TGV. Je dois vous avouer que je suis chaque fois impressionné, à la lecture des rapports ou à l’occasion de contacts avec les ministres des transports de l’Espagne ou de l’Italie par exemple, par le volontarisme avec lequel nos voisins rattrapent leur retard. Il est vrai que les pays dits de la « cohésion », l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Irlande, ont grandement bénéficié du fonds de cohésion qui, pour eux, constitue une manne substantielle puisqu’il finance jusqu’à 50 % la réalisation d’infrastructures.
        Le risque d’être dépassé, relégué, est pour moi réel, mais, si nous savons relever ce défi européen en retrouvant un rythme élevé de construction d’infrastructures, nous avons tout à espérer de l’Europe élargie.
        Un échec serait d’autant plus rageant qu’avec notre triple façade maritime, nous bénéficions d’un formidable potentiel géographique. La France est le point de passage obligé des échanges entre l’Italie, l’Espagne et le Portugal, d’une part, la Grande-Bretagne, le Benelux et l’Allemagne, d’autre part. Certes, cette situation entraîne pour notre pays des charges croissantes d’occupation et de développement d’infrastructures sans contreparties directes, mais ces transits constituent aussi une source importante de revenus, si nous savons développer accueil et services, par exemple dans le domaine de la logistique et du tourisme. Pensons à l’importance du tourisme pour l’emploi - un million d’emplois aujourd’hui dans notre pays - et pour le développement territorial.
        Evidemment, le Gouvernement vous fait confiance pour peser en ce sens et positionner notre pays au cœur de la dynamique européenne. De même que chaque territoire aspirait hier à se rapprocher de Paris, les mêmes devront à l’avenir, grâce aux infrastructures de transport, devenir eux aussi acteurs de cette dynamique européenne. Mais, à côté d’espaces qui accumulent activité et parfois nuisances, il existe des régions affectées par le déclin industriel et toujours tenues à l’écart. De tels écarts ne sont tout simplement pas compatibles avec notre idéal républicain. Jean-Paul Delevoye, si vous le voulez bien, y reviendra avec nous ce soir.
        Nécessité de conserver des objectifs ambitieux en matière d’équipement, j’espère vous en avoir convaincus. Nécessité aussi, et ce sera la seconde partie de mon propos, d’intégrer de nouveaux aspects qui caractériseront les transports du xxie siècle. Ces nouvelles donnes de la politique des transports de demain, permettez-moi d’y consacrer quelques minutes.
        Première de ces données nouvelles, le respect de l’environnement, avec, forcément, une réflexion sur l’exigence démocratique.
        Les perspectives d’évolution des trafics sont lourdes de conséquences sur notre environnement. En France comme en Europe, le secteur des transports génère plus du quart des émissions totales de CO2, dont 84 % seraient imputables au transport routier.
        Ajoutons à cela deux problèmes déjà très préoccupants : les pollutions maritimes et plus globalement les risques liés au transport de matières dangereuses, et le bruit.
        Nous sommes confrontés, et nous le serons de plus en plus, aux réactions de rejet de riverains qui réclament la limitation des trafics et l’éloignement des réseaux. Des infrastructures nouvelles sont réclamées.
        Elles seront de fait, et parfois par les mêmes, de plus en plus contestées aussi.
        Il résulte de cette « citoyenneté active » des coûts d’investissement croissants et surtout une durée d’étude et de concertation beaucoup plus longue pour engager une nouvelle infrastructure. L’audit a été de ce point de vue très instructif. Notre expérience aussi, d’ailleurs. Aujourd’hui, il faut compter quatorze à dix-sept ans entre les premières études d’opportunité et la mise en service. Cela veut dire qu’un projet de ligne à grande vitesse, par exemple, dont les études seraient lancées cette année, ne verrait les premières rames circuler qu’en 2020. Ce constat, je le considère comme très préoccupant, et même inacceptable, car nous avons vraiment atteint un seuil qui pose clairement la question de la pérennité des décisions et du calendrier démocratique.
        La question qui nous est posée est donc de savoir comment inscrire la croissance des transports dans une logique de développement durable.
        Pour avoir des transports durables, il faut agir à la fois sur la technologie pour limiter les nuisances à la source - bruit, pollution locale, émissions de gaz à effet de serre - sur la gestion des réseaux, pour orienter la demande sur les horaires et les itinéraires les mieux adaptés, et sur l’intermodalité pour reporter les trafics sur les modes les moins nuisants, partout où des services compétitifs peuvent être développés.
        Après l’environnement, la deuxième et nouvelle donne importante de cette nouvelle politique des transports, c’est l’intermodalité.
        Quelle est notre conviction sur le partage modal ? J’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer, il faut cesser d’opposer stérilement un mode à un autre.
        Le bon fonctionnement du réseau routier conditionne dans une très large mesure l’ensemble du système de transport, donc le développement économique de nos entreprises, et donc le développement de l’emploi dans notre pays.
        Rappelons, en effet, que la route achemine près de 90 % des transports intérieurs de voyageurs et 75 % de ceux des marchandises. N’oublions pas qu’elle assure également les parcours terminaux des autres modes.
        L’idée d’un laisser-faire avec comme conséquence la prédominance de la route et de ses files ininterrompues de camions n’est pas acceptable.
        Le rééquilibrage des modes constitue une des clés du développement soutenable des transports. Réconcilions nos modes de transport, servons-nous de leur complémentarité, favorisons leur développement dans les domaines où ils sont les plus pertinents.
        Concrètement, l’écart persistant entre la route et le rail est préoccupant. Si le trafic ferroviaire de voyageurs connaît une progression sensible grâce au développement des trains à grande vitesse et des services régionaux, tous les indicateurs confirment l’érosion du fret ferroviaire.
        Surtout si l’on continue, comme ce fut le cas pendant des années, à préférer les belles paroles aux actes.
        Avec nous, des actes, peut-être plus modestes, mais concrets qui, sur la durée, amènent vraiment un changement et une véritable amélioration.
        Les causes des difficultés du fret ferroviaire sont connues : déclin des industries lourdes, mutations spatiales et organisationnelles de notre tissu économique, diminution de la taille des envois.
        Ces tendances expliquent largement le caractère utopique de l’objectif annoncé par le précédent gouvernement, jamais réalisé et même pas amorcé.
        Les auditeurs ont d’ailleurs clairement marqué leur scepticisme sur cet objectif de doublement en 2010 et de triplement en 2020 de l’ensemble du fret ferroviaire affiché par mon prédécesseur pendant cinq années, alors que, pendant cinq ans, nous avons assisté à une diminution de la part du fret ferroviaire.
        Hubert Haenel et François Gerbaud, deux vrais spécialistes, proposent à coup sûr une politique de fret crédible.
        Pour arrêter le déclin et amorcer la reconquête, on peut passer de 50 milliards de tonnes/kilomètres transportées, comme aujourd’hui, à 55 ou 60 dans un délai de cinq à sept ans. On peut s’accorder sur cet objectif intermédiaire, même si, à mon avis, l’important est de réaliser des actes concrets qui, ajoutés les uns aux autres, vont faire de l’intermodalité une réalité et pas seulement un joli sujet de colloque.
        Je suis certain qu’un potentiel de développement existe, en particulier sur les axes d’échanges majeurs tels que la magistrale éco-fret Nord-Sud, ou à travers le transport combiné ou l’autoroute ferroviaire.
        A cet égard, la mise en service, à la fin du mois de juin, de la première autoroute ferroviaire française entre Aiton et Orbassano, dans la banlieue de Turin, permettra enfin de vérifier en vraie grandeur l’intérêt du système.
        Enfin, l’amélioration de la qualité du service aux clients est incontournable pour refidéliser les chargeurs. C’est la tâche à laquelle la SNCF doit s’atteler en priorité, y compris dans le travail en cours au sein de l’entreprise sur la réduction de la conflictualité. A cet égard, l’ouverture progressive à la concurrence doit être perçue par cette entreprise comme un véritable stimulant et même comme une chance.
        Après l’environnement et l’intermodalité, la dernière donnée importante à prendre en compte pour les transports de demain est constituée par le tarissement des sources de financement traditionnelles et par la recherche nécessaire de nouvelles ingénieries financières.
        Au cours des vingt dernières années, l’effort de notre pays en matière d’investissements d’infrastructures a connu des fluctuations importantes, entre 1 % et 2 % du produit intérieur brut selon les années. Le niveau des années 2000-2002 est d’ailleurs inférieur à 1 % du PIB consacré aux infrastructures, à la suite d’une baisse régulière depuis 1997.
        Avec votre accord, je ferai un petit historique. Depuis la guerre, les infrastructures de transport ont trouvé à se financer de manière assez autonome sans trop peser sur le budget général de l’Etat.
        Pour la route, les plus anciens se souviennent du FSIR - le fonds spécial d’investissement routier - créé au début des années cinquante et alimenté par une fraction de la TIPP.
        Parallèlement, avec la loi de 1955 sur les autoroutes, s’est mis en place au début des années soixante, le recours au péage et au principe de l’adossement, principe qui s’inspirait du financement du programme ferroviaire de la seconde moitié du xixe siècle.
        Le FSGT - fonds spécial des grands travaux -, a également permis la poursuite du programme routier jusqu’en 1988. Il était encore alimenté par des centimes additionnels à la TIPP.
        Plus récemment, le FITTVN, instauré par la loi Pasqua, avait permis de dépasser les logiques propres à chaque mode. Il se finançait à partir d’une taxe sur le kilowattheure et sur les kilomètres parcourus sur les autoroutes à péage.
        La mise en conformité avec les directives européennes a mis fin au principe de l’adossement et a transformé nos sociétés publiques d’autoroutes en de vraies sociétés anonymes dégageant des dividendes et acquittant l’impôt sur les sociétés. Quant à l’intelligent et multimodal système du FITTVN, il a été tué par la précédente majorité.
        En matière ferroviaire, le recours à l’endettement de l’opérateur a permis de poursuivre, de manière assez indolore, l’amélioration de notre réseau ferré et, en particulier, de lancer les premiers programmes de lignes à grande vitesse. Cette facilité, qui portait en elle de nombreux effets pervers, a disparu en 1997. La création de RFF s’est conjuguée avec une certaine moralisation du financement des investissements : c’est le fameux article 4 qui oblige RFF à amortir ces nouveaux investissements par des recettes. Cela ne règle cependant en rien le passif accumulé. J’y reviendrai.
        En quelques années, nous avons donc vécu, mesdames et messieurs les députés, une véritable révolution qui modifie radicalement la façon de financer un projet nouveau. En contrepartie de cet effort de clarification, l’Etat et les collectivités locales sont maintenant amenés à financer directement par des subventions une partie de l’infrastructure. Le TGV Est, par exemple, ou l’autoroute A28 ont dû se financer dans ce nouveau contexte. Il en sera de même, demain, pour tous les grands projets.
        Certains trouvent cela très choquant, et je ne suis pas loin de partager leur opinion.
        Face à une impasse financière manifeste, sur la base des financements d’aujourd’hui, beaucoup en appellent aux partenariats public-privé. Le PPP est un outil qui doit être encouragé dans son principe. Ses mérites sont connus : transférer une partie des risques vers le privé, accélérer la réalisation d’infrastructures, optimiser la gestion des infrastructures, améliorer le service rendu. Mais, soyons clairs, le partenariat public-privé n’est pas la panacée. Il ne permettra jamais à un projet en manque de rentabilité financière d’en avoir une. Et ces difficultés de mise en œuvre ne doivent pas être négligées, en particulier en matière ferroviaire. A ce titre, l’exemple que je viens de vivre avec Dominique Bussereau, des négociations sur le projet du Perpignan-Figueras, est à méditer.
        De même, il peut être intéressant de mobiliser les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations, mais cela ne saurait être que marginal par rapport aux besoins identifiés dans l’audit.
        Sur la foi des convictions que je viens d’exprimer, dans le cadre d’une politique d’équipements à amplifier, d’une politique européenne durable, intermodale et finançable, à quels engagements pouvons-nous souscrire sans tarder ? Le premier type d’engagement concerne les infrastructures à réaliser, d’abord dans le domaine ferroviaire. Il faut évidemment distinguer le fret et les voyageurs. J’ai abordé un peu plus tôt la question du fret et les recommandations salutaires du rapport Haenel-Gerbaud. En ce qui concerne les voyageurs, la grande vitesse nous apparaît, à Dominique Bussereau et à moi-même, comme une priorité pour brancher toutes les métropoles régionales sur l’Europe. Nous devons donc planifier la réalisation des lignes à grande vitesse déjà étudiées et engager des études pour d’autres lignes qui le méritent.
        Quant au projet Lyon-Turin, je signalerai qu’il existe un accord international et qu’il sera respecté, que ce projet, personne ne le conteste, a un caractère éminemment structurant, et enfin, que, étant donné l’ampleur de l’ouvrage, il est indispensable d’en connaître l’ensemble des aspects techniques, d’en dévoiler avec honnêteté le coût exact, ainsi que le mode de financement et le mode de réalisation technique. Je m’en suis d’ailleurs entretenu avec mon homologue italien, vendredi dernier.
        La provocation venait de la gauche de l’hémicycle, monsieur le député.
        Dans le domaine des routes, je distingue quatre axes principaux de développement. Le premier est la réalisation de grands itinéraires est-ouest et sud-nord, permettant d’assurer le bon écoulement du trafic routier national et européen, ainsi que l’ancrage du territoire dans l’espace européen. Le deuxième axe est constitué par les liaisons transfrontalières, notamment avec l’Espagne et l’Italie. Le troisième est la desserte plus équilibrée de l’ensemble des points du territoire. Le quatrième est la réalisation de contournements destinés à écarter de l’espace urbain le trafic de transit. Un nombre important de grandes agglomérations doivent être traitées. Je vous rappelle que la nouvelle loi de décentralisation offre la possibilité de mettre en place des concessions routières pour réaliser ces contournements.
        Sur le fluvial enfin, les enjeux se situent d’abord dans la restauration et la sauvegarde du patrimoine. Le réseau existant est en effet en mauvais état. En matière de nouveaux projets, l’écluse du Havre, dans le cadre de Port 2000, a toute sa pertinence. Quant au projet Seine-Nord, il a été replacé par la DATAR dans un contexte plus vaste au niveau européen.
        C’est, en effet, le bon niveau d’appréciation pour une telle réalisation. Je suis convaincu qu’il faut le planifier en tête de liste des équipements fluviaux à réaliser.
        Notre deuxième engagement porte sur le respect des usagers et la satisfaction de leurs attentes, grâce à la ressource humaine et à ce que j’appellerai les infrastructures intelligentes. Il nous faut donc porter un intérêt particulier aux investissements susceptibles d’améliorer l’exploitation des réseaux actuels, notamment par le biais des technologies de l’information.
        Les usagers sont de plus en plus attachés à la qualité des services : ponctualité et sécurité du transport, information et prise en charge en cas de crise ou d’intempéries. On s’en est rendu compte une nouvelle fois à l’occasion des chutes de neige du début de l’année. Dans ce domaine, le gisement est énorme -  je pense aux autoroutes ou au fret  - et ces infrastructures intelligentes doivent être encouragées avec détermination.
        En parallèle, l’optimisation de l’usage des infrastructures existantes, la modulation des péages et le développement de l’information donnée aux usagers sur l’ensemble du réseau routier doivent être de grande exigence. De manière générale, il faut développer, sur l’ensemble du réseau routier national, un système d’information qui permette à l’usager de choisir son itinéraire très en amont des difficultés.
        Notre troisième engagement concerne les délais de réalisation à réduire.
        Face à ces besoins quantitatifs et qualitatifs, nous sommes persuadés qu’il nous faut éliminer les procédures inutiles. A ce propos, je vous annonce la suppression de l’IMEC, sigle barbare que tout élu s’est vu opposer pour justifier un allongement des délais. C’est un premier pas dans la bonne direction.
        Que les choses soient bien claires : le coût de l’ensemble des projets nécessaires à notre nouvelle ambition appelle a minima un financement supplémentaire de 1,2 milliard d’euros par an, sur vingt ans. Il s’agit de la part Etat, et simplement de la part Etat supplémentaire, sachant que je suppose acquise la part annuelle actuelle de l’Etat de 3,2 milliards d’euros. C’est dire que, en tout état de cause, se pose devant nous une importante équation financière. Il nous faut donc des ressources nouvelles. Comme chez certains de nos voisins, l’idée s’est fait jour, d’une part, d’une redevance kilométrique sur les poids lourds, y compris les poids lourds étrangers en transit, et, d’autre part, du rapprochement de la TIPP gazole pour les VL de celle qui s’applique à l’essence.
        La redevance assise sur les poids lourds circulant sur un réseau aménagé aux caractéristiques autoroutières - qui ne sont donc pas des autoroutes - pourrait rapporter, d’ici à 2020, 7,5 milliards d’euros d’après l’audit. La mise en œuvre de cette redevance demandera du temps. On pense généralement qu’elle pourrait être opérationnelle en 2006.
        L’analyse fine de ce système est à l’étude, sous les angles technique, juridique et financier, en liaison avec Francis Mer. Nous nous sommes fixé pour objectif de ne pas entraver la compétitivité de nos transporteurs nationaux, qui, en tout état de cause, devraient répercuter sur les chargeurs, c’est-à-dire sur les clients, toute hausse de leurs coûts.
        A ce stade, je crois qu’il faut rester prudent sur le rendement potentiel de cette redevance. Ses frais de gestion pourraient être assez élevés ; il existe des risques de fuites sur le réseau non assujetti et sa compatibilité avec la directive « eurovignette » doit être aussi soigneusement vérifiée.
        En tout état de cause, deux conditions au moins devront être réunies pour garantir sa mise en œuvre éventuelle : une répercussion intégrale sur les chargeurs et une utilisation de la ressource pour l’amélioration des réseaux de transport.
        En ce qui concerne la TIPP, on constate un écart de 20 centimes entre la TIPP gazole et la TIPP essence. D’un point de vue environnemental, il est reconnu que cet écart n’est pas justifié.
        N’est-il pas, dans ce cas, opportun de proposer de le réduire progressivement ? Pour votre information, un centime d’euro supplémentaire sur le gazole des véhicules légers, c’est, grosso modo, 200 millions d’euros en année pleine.
        Aucune décision n’est prise à ce stade, je le répète.
        On ne pourra pas s’exonérer de l’examen des gisements possibles de ressources provenant des péages autoroutiers. Comme je l’avais indiqué, le principe de l’adossement autoroutier a vécu. En parallèle, nos sociétés d’autoroutes sont globalement devenues bénéficiaires et, depuis deux exercices, versent, d’une part, l’impôt sur les sociétés et, d’autre part, des dividendes à leurs actionnaires, c’est-à-dire en grande partie à l’Etat.
        Vous le voyez, ce constat n’est pas anodin dans la perspective de l’ouverture du capital des sociétés d’autoroutes. Sur ce sujet, j’ai toujours eu une attitude pragmatique, posant trois conditions préalables à une éventuelle ouverture du capital. D’abord, l’autorité du concédant - c’est-à-dire de l’Etat - doit être renforcée, comme je l’ai expliqué tout à l’heure. Nous travaillons activement sur cette question, car, dans tous les cas de figure, ce chantier doit être mené à son terme, qu’il y ait ou non ouverture du capital ou privatisation.
        Deuxièmement, la concurrence sur les marchés de travaux publics doit être préservée : il est aussi essentiel de maintenir une pluralité d’acteurs.
        Troisièmement, le retour, vers le secteur des transports, des sommes perçues doit être garanti.
        Quelle que soit la solution que le Gouvernement retiendra à l’issue de ce débat, vous avez déjà été nombreux à souligner un point fondamental, même s’il heurte la doctrine budgétaire la plus pure. C’est l’affectation de la ressource pour que nous soyons certains qu’à un projet donné correspond une ressource déterminée.
        Il faut, le cas échéant, demander un effort à l’usager en l’assurant de la traçabilité de la dépense : c’est, j’en suis d’accord avec la plupart d’entre vous, un gage d’acceptabilité sociale, une crédibilité supplémentaire.
        Dernier point, l’Europe peut-elle fournir un élément de solution financière à nos ambitions ? Il faut, en effet, examiner ce qui est possible en la matière. Aujourd’hui, en tout cas, nous devons constater que les apports de l’Europe sont faibles pour les infrastructures dans un pays comme la France.
        Même si l’élargissement doit s’accompagner d’un redéploiement des ressources vers les nouveaux arrivants, nous devons plaider pour une meilleure prise en compte des projets dont le caractère structurant au plan européen est incontestable : il en est ainsi des projets transfrontaliers, en particulier avec l’Italie et l’Espagne, et plus globalement de tous les projets aujourd’hui étudiés dans le groupe Van Miert.
        En conclusion, mesdames, messieurs les députés, la politique des transports nécessite toujours une volonté et une prise de risque. Nos choix ou notre absence de choix influeront directement sur la vie des générations du xxie siècle. Je constate, pour m’en réjouir, que la démarche qu’a engagée le Gouvernement s’est trouvée démultipliée dans les régions par la mobilisation de nombreux acteurs. Merci -  je le dis aussi, bien entendu, au nom de Dominique Bussereau  - aux élus, aux associations, à tous ceux qui se sont mobilisés pour des projets.
        Le Gouvernement, vous l’avez compris, est résolu à écrire une nouvelle page de cette longue histoire de l’équipement de notre pays. Dans le cadre de cette politique nouvelle, nous devons apprendre à vivre en Européens, à dépasser dans nos choix le cadre de l’Hexagone. Nous devons accepter la multimodalité et les exigences nouvelles et légitimes de nos concitoyens en matière de développement durable. Nous devons redoubler d’attention pour les territoires oubliés.
        Nous devons surtout réhabiliter, restaurer la signature de l’Etat.
        Arrêtons de semer des illusions, mesdames, messieurs les députés, comme certains l’ont fait pendant cinq années. Décidons maintenant, ensemble, quels sont les projets les plus porteurs de développement durable.
        Mettons en face des financements pérennes, des calendriers réalistes. A ces conditions, le transport est une chance pour la France.
    

DÉCLARATION DE M. DOMINIQUE BUSSEREAU,
secrétaire d’Etat aux transports et à la mer

                    Monsieur le président,
                    Mesdames et Messieurs les députés,
        Je voudrais, dans le droit fil de l’intervention de Gilles de Robien, apporter quelques éclairages complémentaires, avant que n’interviennent les présidents de commission et les orateurs inscrits dans ce débat.
        Comme vient de le rappeler excellemment Gilles de Robien, la compétition est rude pour attirer dans notre pays les investisseurs internationaux et pour y retenir, ainsi que cela a été évoqué lors de la séance de questions au Gouvernement, les meilleures entreprises.
        Plusieurs enquêtes ont cherché à mesurer l’attractivité de la France. Trois critères principaux peuvent être mis en avant : premièrement - et c’est au cœur du débat politique actuel - la qualité de la formation de nos concitoyens ; deuxièmement, la qualité de vie dans notre pays ; troisièmement, le nombre et le niveau de nos infrastructures publiques, d’abord dans le domaine des transports, puis dans ceux de l’énergie et des communications.
        On voit donc bien que le débat qui s’ouvre, et qui se poursuivra le 3 juin au Sénat, est crucial pour l’avenir de notre pays.
        Un autre point doit également être pris en considération : la géographie de l’Europe nous a jusqu’à présent placés au cœur de l’Union européenne, ce qui nous impose, en contrepartie, des flux de transit qui pèsent de plus en plus lourds sur nos infrastructures et sur nos budgets. Cette situation nous donne également la possibilité de mettre en place des équipements de logistique.
        Demain, avec l’élargissement, nous ne serons plus au cœur de l’Europe. Nous avons donc un défi supplémentaire à relever.
        Pour ne pas alourdir le propos introductif de ce débat, puisque le Gouvernement souhaite entendre la représentation nationale sur tous ces sujets, je ferai simplement quelques remarques sur le fret ferroviaire, sujet que Gilles de Robien a déjà abordé, sur les voies navigables, sur le cabotage maritime et, enfin, sur le financement des infrastructures.
        S’agissant du fret ferroviaire, nous devons rappeler - et c’est un enjeu important de ce débat - que, dans notre pays, sa situation est mauvaise, ce qui n’est pas une bonne chose pour la France. En effet, les indicateurs financiers de la SNCF sont jusqu’à présent « dans le rouge », la qualité de service est insuffisante et il y a un décalage abracadabrant entre les attentes des entreprises et la réalité, puisque les demandes faites à la SNCF par les entreprises pour qu’elle transporte leurs marchandises sont plus nombreuses que les offres.
        Dans leur rapport, les sénateurs Hubert Haenel et François Gerbaud ont avancé un certain nombre de solutions.
        Premièrement - et c’est certainement souhaitable -, ils proposent une transformation profonde de l’organisation de la SNCF pour aller vers une autonomie de plus en plus grande de l’activité du fret.
        Deuxièmement, et cela a été rappelé par Gilles de Robien, ils suggèrent de donner à l’entreprise les moyens de jouer tout son rôle en Europe.
        Troisièmement, enfin - et en disant cela, je m’adresse à toutes celles et tous ceux d’entre vous qui sont titulaires de mandats départementaux et régionaux -, ils souhaitent une implication plus grande des collectivités locales, en particulier des régions, même si celles-ci sont déjà fortement impliquées dans le transport des personnes avec le TER.
        Les décisions qu’a prises récemment le président de la SNCF, dans le cadre de l’organisation de sa nouvelle équipe de direction, vont dans le sens des préconisations du rapport des sénateurs Haenel et Gerbaud.
        En outre, le président Gallois a, à la demande du Gouvernement, fixé comme priorité de sa nouvelle mandature le développement et le redressement du fret.
        Tout cela se passe, bien sûr, dans un cadre européen. Et même si cela n’est pas apparu brutalement à l’opinion publique, nous sommes, depuis le 7 mars dernier, dans un cadre de libéralisation du fret à l’échelle européenne.
        Je vous sens déçu, monsieur Gremetz, que ce ne soit pas encore le grand soir.
        Naturellement, la gestion des sillons a été confiée à RFF. A ce jour - mais nous n’en sommes qu’au début -, une seule entreprise a demandé une licence ferroviaire, tandis que deux certificats de sécurité et les premières demandes de sillons faites par des opérateurs européens sont en cours d’instruction.
        Le débat que nous allons avoir va permettre d’apporter un éclairage sur la question des infrastructures nécessaires pour développer le fret ferroviaire dans notre pays.
        On voit bien - le gouvernement précédent l’avait d’ailleurs indiqué - qu’il faut mettre en place un réseau quasiment dédié au fret, en particulier sur l’axe Nord-Sud ; qu’il faut réaliser de grands contournements, notamment de l’agglomération dijonnaise ou de celles de Lyon, de Nîmes et de Montpellier ; qu’il faut utiliser, monsieur le maire de Bordeaux, la ligne classique Paris-Bordeaux-Hendaye pour le fret. Tout cela, bien entendu, sera la conséquence de décisions qui pourraient être prises par ailleurs en ce qui concerne le transport des passagers et la réalisation de lignes à grande vitesse.
        Nous avons donc certainement beaucoup de choses à faire pour le fret ferroviaire. Tous les grands projets seront évoqués dans cet hémicycle, et c’est ainsi que Gilles de Robien vient d’évoquer à l’instant la liaison Lyon-Turin. Comme l’a rappelé le ministre de l’équipement, le fret ferroviaire doit être considéré comme une priorité, pas seulement au niveau des discours incantatoires de fin de banquet mais aussi au niveau de la réalisation et de la mise en place de financements.
        J’aborderai maintenant le transport fluvial, que Mme Voynet détestait particulièrement et que le gouvernement précédent a quasiment condamné.
        Ce mode de transport, qui apparaissait à certains comme d’une autre époque, est un de ceux qui, ces dernières années, a gagné le plus de parts de marché.
        Grâce certainement à la création de Voies navigables de France, mais aussi grâce à l’implication des collectivités et des opérateurs, le trafic fluvial en France a augmenté de 22 % en cinq ans, ce qui est considérable.
        Les chargeurs reviennent : ils prennent des parts de marché non seulement à la route mais aussi au fret ferroviaire, ce qui, dans ce dernier cas, n’est pas forcément souhaitable, car cela signifie que l’équilibre n’est pas encore atteint. Par exemple, la grande distribution, qui n’a pas dans notre pays la réputation de toujours agir par vocation sacerdotale, est en train de transférer à la voie fluviale tout son approvisionnement en produits dits « blancs » - c’est le cas notamment de l’électroménager.
        Nous constatons également - et nombre d’entre vous ont pu observer ce phénomène - un développement très important du transport fluvio-maritime sur l’axe de la Seine au départ de Paris ou des ports autour de la capitale ou sur l’axe Saône-Rhône, au départ de Chalon ou de Lyon. Il s’agit de lignes qui utilisent d’abord la voie fluviale puis la voie maritime.
        Notre pays connaît un profond développement de ce mode de transport, qui me paraît un mode de transport d’avenir, puisqu’il réalise la connexion entre le mode fluvial, c’est-à-dire un mode terrestre, et le mode maritime.
        Dans ce contexte, il est important - et Gilles de Robien y a fait allusion - de s’intéresser fortement à l’axe Seine-Nord, ce qui est une évidence sur le plan des transports et ce qui montrerait que les autorités politiques de notre pays ont repris confiance dans le transport fluvial. Il s’agirait d’un geste important.
        De même, il est important - et le gouvernement précédent l’avait oublié -, que, au moment où nous réalisons le très grand projet de Port 2000, qui vise à faire du Havre un des grands ports européens, de construire une écluse fluviale permettant de relier le port du Havre à la Seine à laquelle il est adossé. Sur le plan de l’intermodalité, que citait tout à l’heure Gilles de Robien, ce serait également une réalisation de première importance.
        Ceux qui décideront. Qui dans ce pays décide de qui doit payer, sinon la représentation nationale, c’est-à-dire vous, mesdames et messieurs les députés - en tout cas, ceux qui votent la loi de finances ?
        Pour ce qui est du cabotage maritime, il constitue une vraie solution de rechange à la route pour les liaisons les plus chargées en trafic de transit, comme les itinéraires qui viennent de la Péninsule ibérique et de l’Afrique du Nord et qui remontent vers le nord de l’Europe, et comme les liaisons entre l’Espagne, la France et l’Italie. Ainsi, chaque jour, 16 000 poids lourds traversent les Pyrénées aux deux extrémités de celles-ci. De même, certains axes sont complètement saturés.
        Nous avons le devoir de réfléchir à la mise en place d’un véritable service alternatif de qualité par le biais du cabotage maritime.
        Je voudrais, après Gilles de Robien, rendre hommage au travail du sénateur Henri de Richemont. Ce dernier a fait des propositions extrêmement concrètes pour favoriser le développement du cabotage maritime, comme François Liberti l’avait d’ailleurs fait également en son temps.
        Deux lignes pourraient être structurantes pour notre pays et pour l’Europe : l’une en Atlantique, partant quelque part entre Nantes et La Rochelle, c’est-à-dire à mi-chemin de la façade atlantique française, vers Bilbao ; l’autre en Méditerrannée, partant de la région de Fos ou de la grande zone portuaire de Marseille, vers Barcelone d’un côté et vers un port italien de l’autre.
        Cela devrait s’accompagner d’au moins trois départs par jour dans chaque sens, pour que le cabotage maritime constitue une véritable alternative et un vrai complément du transport ferroviaire et du transport par camion.
        J’indique que le comité interministériel de la mer, qui s’est réuni sous l’autorité du Premier ministre à Matignon le 29 avril dernier - je fais observer au passage qu’il ne s’était pas réuni depuis trois ans, ce qui montre quelle était la vision maritime du gouvernement précédent -, a mis à l’étude ces deux lignes, qui devraient intéresser nombre d’entre vous.
        C’est exactement la vérité, et je le regrette car je crois que la politique maritime peut dépasser les clivages politiques.
        Enfin, en complément des propos de Gilles de Robien, j’ajouterai quelques mots sur le financement des infrastructures, notamment sur l’idée de mettre en place une redevance pour les poids lourds circulant sur certains axes routiers.
        Vous voyez bien, mesdames, messieurs les députés, que, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, nous ne pouvons, à ressources budgétaires inchangées, que financer une ligne de TGV par législature - je devrais même dire une demi-ligne, c’est-à-dire 200 à 250 kilomètres. C’est ce qui a été fait par la majorité précédente et c’est ce que nous ferions si nous suivions cette pente. Bien entendu, c’est très insuffisant par rapport aux besoins. Il faut donc trouver des marges de manœuvre, des ressources nouvelles. Il y en a plusieurs, que je vais évoquer.
        Par exemple, en Allemagne, le gouvernement de M. Schröder a mis en place une taxe sur les camions de plus de douze tonnes, qui porte le nom de LKM Maut. Elle sera perçue à partir du 31 août prochain, et c’est d’ailleurs une entreprise française, la société Cofiroute, qui s’occupera du système de GPS permettant de la gérer.
        Cette taxe, d’un montant d’environ quinze centimes du kilomètre, permettra de rapporter annuellement 3 milliards d’euros, ce qui est considérable.
        La moitié du produit de cette taxe alimentera le budget général et servira à achever l’aménagement de l’ex-Allemagne de l’Est. L’autre moitié sera destinée au financement des infrastructures et sera répartie de la façon suivante : 50 % pour les routes, 50 % pour le rail et la voie d’eau.
        Par ailleurs, nos amis allemands prévoient - ce qui d’ailleurs fait parfois « tiquer » l’Europe - de reverser 300 à 600 millions d’euros à leurs transporteurs pour ne pas les désavantager par rapport aux transporteurs étrangers.
        Dans un pays comme le nôtre, où environ un camion sur deux circulant sur nos routes est un camion étranger en transit dans notre pays, la mise en œuvre d’un tel système permettrait de rapporter de 400 à 600 millions d’euros par an. Même si elles sont considérables, ces sommes ne sont pas suffisantes : ce ne peut donc être la panacée.
        De surcroît, nous avons dans notre pays un très grand nombre de tout petits transporteurs routiers, qui sont souvent en grande difficulté en raison d’une législation sociale qui les pénalise. Si bien que le pavillon routier français voit souvent sa part diminuer par rapport à celle des concurrents étrangers.
        Pour mettre en place un tel système, il faudrait avoir un dialogue préalable, engager une négociation, et peut-être prévoir des compensations pour la profession routière, qui n’est pas toujours dans une situation favorable. Cela implique donc une concertation et d’être assuré, comme l’a souligné Gilles de Robien en rappelant les fonds qui avaient disparu au fil des ans, que les ressources dégagées par ce système seront affectées au financement des infrastructures.
        D’autres ressources peuvent être envisagées, comme des emprunts communautaires - ils impliquent l’accord des Etats européens -, le partenariat public-privé ou une meilleure mobilisation de l’épargne des Français par la Caisse des dépôts.
        L’essentiel est de pouvoir disposer de perspectives cohérentes. Si nous faisons appel à une ressource nouvelle, celle-ci doit servir au financement d’infrastructures nouvelles et non à autre chose, ce qui n’est, je crois, ni le souhait de ce Gouvernement ni celui de la plupart d’entre vous.
        En conclusion, je dirai, mesdames et messieurs les députés, que c’est bien de réaliser de grandes infrastructures, mais qu’il faut aussi moderniser nos entreprises publiques de transport.
        Cela signifie qu’il convient de moderniser encore plus la SNCF bien sûr, mais aussi RFF, dont il faut penser au désendettement, et Aéroports de Paris, qui doit mieux s’adapter à la situation économique mondiale.
        Qui dit nouvelles infrastructures dit aussi nouveaux moyens, nouvelles technologies, lignes de cabotage, nouveaux tracés de TGV, nouvelles techniques ferroviaires, autoroutes ferroviaires. C’est toute une panoplie à laquelle nous devons réfléchir.
        Pour ces infrastructures supplémentaires, il faut trouver des financements innovants.
        Mesdames et messieurs les députés, chacune et chacun d’entre vous est, par-delà son mandat national, un élu de terrrain, porteur de projets spécifiques et soucieux des intérêts de sa région. Le Gouvernement sera donc à votre écoute. Mais, collectivement, nous avons en charge l’avenir de notre pays et du cadre de vie des futures générations. Nous devons donc privilégier, par rapport à cet avenir, une vision globale, une vision responsable.
        En souhaitant ce débat, le Premier ministre, le ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, ainsi que l’ensemble du Gouvernement ont souhaité vous entendre. Nous avons, en préambule à ce débat, précisé quelles étaient les grandes réflexions engagées par le Gouvernement. C’est de ce débat, et de celui qui aura lieu au Sénat, que naîtra la politique des infrastructures que tous et toutes appellent de leurs vœux.