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No  989
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ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
 

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Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juin 2003.

DÉCLARATION
DU GOUVERNEMENT
d’orientation budgétaire pour 2004

 

            Finances publiques.
                    Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés,
        La tenue de ce débat témoigne de notre volonté commune de faire vivre la loi organique du 1er août 2001. Bien que notre nouvelle constitution financière n’ait pas rendu ce débat d’orientation obligatoire - la seule obligation juridique étant la remise d’un rapport par le Gouvernement -, votre commission des finances et le Gouvernement ont voulu conjointement qu’il ait lieu, malgré l’ordre du jour très chargé de votre assemblée.
        En effet, ce débat est particulièrement utile. Étant donné que le budget de l’État se prépare désormais tout au long de l’année, le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement ne peut plus se résumer aux traditionnels rendez-vous de l’automne.
        En fait, cette année, il y aura même eu deux débats d’orientation budgétaire dans cet hémicycle : nos échanges du 8 avril dernier sur le contrôle et la maîtrise des finances publiques - et surtout des dépenses publiques - nous ont, en effet, aidés à préparer la discussion d’aujourd’hui. Les souhaits qui ont été émis à cette occasion, notamment par votre commission des finances, ont contribué à la fixation des premières orientations retenues par le Gouvernement dans la préparation du budget pour 2004 et, plus précisément, au choix de la norme globale d’évolution des dépenses.
        L’article 48 de la loi organique, qui régit le contenu du rapport du Gouvernement, assigne à ce rapport deux champs principaux : préciser les évolutions enregistrées depuis l’automne en matière économique et budgétaire, d’une part ; éclairer, autant que faire se peut, notre horizon à moyen terme en ce domaine économique et budgétaire, d’autre part.
        Permettez-moi de présenter d’abord le contexte macroéconomique de notre politique économique et les grandes orientations retenues par le Gouvernement. Je préciserai ensuite les conséquences qui en résultent pour le budget de l’État.
        La situation économique de cette année est, bien entendu, complexe. Un obstacle majeur s’opposait à la reprise : le climat de tension internationale. Il est largement levé, et les conditions sont désormais remplies pour une reprise, au niveau mondial, dans la zone euro, et particulièrement en France.
        C’est le cas dans la zone euro, où les taux d’intérêt sont bas, et la Banque centrale européenne a donné, comme nous l’attendions, un signal clair en ce sens. Certes, la baisse du dollar ne facilite pas nos exportations, mais elle permet la désinflation, donc des gains de pouvoir d’achat et la poursuite de la baisse des taux d’intérêt. Par ailleurs, la situation financière des ménages est bonne en général, notamment par rapport aux États-Unis.
        C’est encore plus vrai dans le cas de la France : les ménages ont du pouvoir d’achat. Le Gouvernement y contribue non seulement en baissant les impôts, mais également en relevant fortement le SMIC - jusqu’à 5,3 % - au 1er juillet. Quant à la situation des entreprises, elle s’est améliorée, celles-ci ayant des besoins d’investissement et de stockage.
        Pourtant, la reprise n’est pas encore là.
        Les chiffres n’en sont pas encore connus de manière précise, mais, à ce que nous savons, le premier semestre a été décevant.
        La croissance risque de ne pas atteindre cette année le chiffre de 1,3 % que nous avions retenu en mars et qui est d’ailleurs rappelé dans le document que vous avez reçu.
        D’un autre côté, une bonne surprise est encore possible. Rappelons-nous qu’en novembre et en décembre derniers le consensus des prévisions privées pour 2002 était - à un mois de la fin de l’année - de 1 %. Or la croissance moyenne a finalement été de 1,2 %. Il ne faut donc pas accorder aux prévisions, seraient-elles les plus sérieuses, la précision qu’elles ne peuvent pas avoir. Le Premier ministre a évoqué une fourchette de croissance de 0,8 % à 1,5 %.
        Cette approche est raisonnable et prudente.
        Comme l’a dit Francis Mer devant votre commission des finances, nous avons encore le temps d’examiner l’éventualité d’une croissance plus faible.
        Examinons à présent plus en détail notre situation et nos perspectives budgétaires. Ce n’est un secret pour personne que les comptes publics se sont massivement dégradés l’an passé. Entre 2001 et 2002, le besoin de financement des administrations publiques est passé de 1,5 point à 3,1 points de produit intérieur brut.
        Comment en est-on arrivé là ?
        Cette dégradation résulte, certes, du ralentissement conjoncturel, personne ne songe à le nier. Toutefois, elle procède également de facteurs structurels. Dans la période de forte croissance qu’a connue la France de 1998 à 2000, l’effort d’assainissement a été très insuffisant.
        La Commission européenne souligne elle-même que l’effort d’ajustement des comptes publics entamé en 1995 avait été stoppé en 1999, au profit d’une politique budgétaire expansive, alors que nous étions en phase haute de cycle.
        Le précédent gouvernement a conduit une politique de baisse d’impôt qui ne reposait sur aucun financement pérenne, c’est-à-dire sans réduction à due concurrence des dépenses publiques.
        Pour pouvoir critiquer mon argumentation, il faut que vous l’écoutiez, mesdames et messieurs les députés. Pour ma part, je vous écouterai tout à l’heure, lorsque vous interviendrez.
        C’est ainsi que les baisses discrétionnaires de prélèvements obligatoires ont été supérieures de 2,5 points de produit intérieur brut à la baisse des dépenses publiques dans ce produit intérieur brut.
        Cette dérive structurelle a été masquée un temps par les plus-values fiscales exceptionnelles de la bulle Internet des années 1999 à 2001. Je me contenterai de rappeler que, de 1999 à 2001, l’élasticité des recettes fiscales a été proche de 2. A titre d’illustration, les recettes de l’impôt sur les sociétés ont quasiment doublé entre 1996 et 2001, passant de 26 à 49 milliards d’euros. On voit la volatilité de l’impôt sur les sociétés, et à quel point les plus-values fiscales de cet impôt peuvent donner à un gouvernement qui manquerait de prudence l’illusion qu’il a des moyens.
        Quel usage a été fait de cette manne ? L’application d’une politique de « bon père de famille » - selon la formule qui a consacré le sens le plus élevé de la responsabilité - aurait conduit à mettre à profit ces recettes pour assainir nos comptes publics. Tel n’a pas été le choix du précédent gouvernement, qui a diminué optiquement les impôts et a augmenté les dépenses - qu’il avait par ailleurs sous-évaluées. L’État s’est alors comporté comme ces start-up de la nouvelle économie qui, à la même époque, ont brûlé en quelques mois leurs fonds propres.
        Nous pouvons aujourd’hui, mesdames, messieurs les députés, analyser les comptes et clarifier les responsabilités de chacun.
        Nous assumerons, je vous le dis très clairement, notre part dans le déficit pour 2002.
        Oui, nous avons décidé 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour restaurer l’autorité de l’État dans ses missions régaliennes de police, de justice et de défense. Ces dépenses étaient nécessaires et attendues par les Français. Nous les revendiquons, et j’écouterai avec beaucoup d’attention ceux qui nous les reprochent.
        En regard, quelle est la responsabilité du précédent gouvernement ?
        J’écouterai également la critique qui pourra m’être faite sur ce point.
        Près de 20 milliards d’euros de dépenses pérennes nouvelles ont été engagés pour financer les 35 heures, la création de 48 000 emplois nouveaux de l’État sur la durée de la législature, celle de 220 000 postes d’emplois-jeunes et trois prestations nouvelles : l’APA, la CMU et l’aide médicale au profit des étrangers en situation irrégulière.
        Je dois ajouter les sous-budgétisations de la loi de finances initiale, mises en évidence par l’audit M. Nasse et de M. Bonnet, pour plus de 7,4 milliards d’euros.
        Enfin, pour être complet, je ne dois pas oublier les dettes de l’État que nous avons dû apurer à hauteur de 1,8 milliard. Je rappelle que nous avons payé trois primes de Noël en décembre dernier : celle de 2002 mais également celles de 2000 et de 2001.
        La situation de nos finances publiques porte, en 2003, le poids des déséquilibres structurels accumulés depuis trois ans. Selon les organisations internationales, le structurel s’est dégradé de près de 1,5 point de PIB entre 1999 et 2002.
        Dans un contexte économique plus difficile qui affecte les recettes, le Gouvernement a décidé de laisser jouer les stabilisateurs automatiques de recettes, tout en maîtrisant strictement les dépenses publiques.
        Le ralentissement de la conjoncture a pour effet une dégradation des recettes de l’État que nous estimons à ce stade à 5,1 milliards.
        Le principal facteur de révision porte sur l’impôt sur les sociétés. Je dois souligner que cette mauvaise nouvelle n’a pas de lien direct avec le ralentissement conjoncturel persistant en 2003. Nous anticipons sur l’impôt sur les sociétés un écart d’au moins 3,1 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale. Cette prévision dégradée s’explique par la diminution du bénéfice fiscal en 2002, qui pèsera doublement sur les recettes de 2003 par le jeu du mécanisme d’acompte et de solde. Les acomptes étaient en effet restés relativement élevés en 2002. La chute du bénéfice fiscal de 2002 devrait donc se traduire, pour 2003, par des soldes faibles et par des acomptes diminués à compter du mois de juin.
        Le rapport présenté par le Gouvernement vous décrit l’ensemble des facteurs de correction identifiables aujourd’hui, impôt par impôt. C’est la première fois qu’une information aussi détaillée est fournie au Parlement.
        Nous avons tenu l’engagement pris devant vous à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2003.
        Les dépenses publiques en 2003 seront maîtrisées, également dans la plus complète transparence. Les dépenses de l’État ne devront pas dépasser le niveau autorisé par le Parlement en loi de finances initiale, soit 273,8 milliards d’euros. A cette fin, le Gouvernement a déployé de manière précoce un dispositif de mise en réserve, touchant à la fois des crédits de la loi de finances initiale, pour 4 milliards d’euros, et les crédits reportés des gestions précédentes, pour 6,6 milliards d’euros. Conformément aux dispositions de la nouvelle « Constitution financière », le Gouvernement a informé, étape par étape, le Parlement.
        Au total, le déficit pour 2003 pourrait s’inscrire, compte tenu de moindres recettes, dans une fourchette de 3,5 à 3,6 % du PIB.
        Quelles sont à présent les perspectives pour 2004-2006 ?
        L’objectif central pour le Gouvernement est de reconstituer des marges de manœuvre fiscales et budgétaires, pour une autre politique que celle du service de la dette. En effet, le financement de la dette risquerait rapidement de devenir notre première et navrante priorité si nos finances publiques n’étaient pas assainies.
        Au regard du traité de Maastricht, la France se trouve aujourd’hui en situation de « déficit public excessif » : l’Europe nous invite à redescendre en dessous du seuil de 3 % dès 2004. Les règles européennes ne font qu’affirmer des principes de bon sens : il n’est pas possible d’accumuler sans fin des déficits publics, nous ne ferions qu’accroître le fardeau de la dette que nous léguons à nos enfants.
        Le pacte de stabilité est nécessaire à tous : il constitue le règlement de copropriété de la monnaie unique européenne que nous avons en partage. A terme, si les déficits se pérennisaient en Europe, c’est la stabilité de l’euro qui serait menacée. Les taux d’intérêt augmenteraient de manière néfaste pour la croissance européenne.
        Face à la situation difficile qui est la sienne, la France doit s’engager dans une véritable consolidation budgétaire.
        Que nous enseignent à cet égard les comparaisons internationales ? Je considère, pour ma part, qu’elles sont plutôt réconfortantes et porteuses d’espoirs. Elles montrent qu’il n’y a pas de fatalité en matière budgétaire. Les exemples du Canada, de la Suède et des Pays-Bas, même si ce pays traverse actuellement des difficultés, attestent qu’il est toujours possible pour un pays d’assainir en profondeur ses comptes publics, en dépit d’une situation initiale très dégradée. Notre déficit prévisionnel est de l’ordre de 3,5 % du PIB en 2003. Mais rappelons que le Canada, où je me suis rendu récemment, a résorbé en moins de quatre ans un déficit de plus de six points de PIB.
        Et il achève cette année son sixième exercice excédentaire d’affilée.
        Il a résorbé ce déficit non par l’accroissement des impôts, mais par la maîtrise de la dépense.
        Les comparaisons internationales nous indiquent également que le facteur clef du succès de ces consolidations budgétaires réussies et pérennes réside dans l’aptitude à réduire significativement le poids de la dépense dans le PIB.
        Le cadrage du budget pour 2004 porte cette ambition - c’était d’ailleurs le souhait que vous aviez exprimé lorsque nous avions eu ce même débat dans cette enceinte. Les dépenses de l’État seront globalement stabilisées en volume, tandis que les dépenses, hors dette et fonction publique, seront stabilisées en valeur.
        Nous souhaitons poursuivre cette stratégie de maîtrise des dépenses de l’État jusqu’à l’horizon 2006 afin d’assainir profondément nos comptes publics et dégager des marges de manœuvre pour les baisses d’impôts et de charges.
        Il ne faut pas sous-estimer l’effort qu’une telle politique représente.
        Dans un scénario de stabilisation sur trois ans des dépenses de l’État en volume, les crédits progresseraient au même rythme que les prix, soit une augmentation globale sur trois ans de 12,5 milliards d’euros. Mais, sur ce total, la progression mécanique des dépenses de pensions, du service de la dette et la hausse prévisible de la masse salariale préempteraient 12,2 milliards d’euros.
        Afin de pouvoir assurer le financement des dépenses concernant l’autorité de l’État - défense, sécurité, justice -, les autres dépenses de l’État devraient être réduites de près de 2 milliards d’euros.
        Cette politique d’assainissement suppose que l’État puisse se doter d’outils de redéploiement des crédits. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé cette année au Premier ministre de rénover en profondeur la procédure budgétaire. La préparation du budget s’inscrit désormais dans une démarche plus structurante.
        Le Gouvernement a instauré des conférences de réformes structurelles qui permettent, très en amont dans l’année, d’identifier, dans le processus d’élaboration du projet de loi de finances, les sources d’économies possibles et les voies de réforme qui doivent être empruntées. Les réformes ayant ainsi été examinées à cette époque trouveront leur première traduction dans le projet de loi de finances pour 2004.
        Elles permettent notamment le non-renouvellement d’une partie des départs à la retraite des fonctionnaires, tout en améliorant la qualité du service public rendu aux usagers.
        S’agissant de la réduction des impôts et des charges, notre cap est clair : il faut alléger le fardeau des prélèvements qui pèsent sur les Français et brident leurs énergies.
        En 2004, les charges sur les bas salaires seront allégées pour faciliter la convergence des SMIC. Enfin des mesures ont déjà été votées ou sont en passe de l’être pour développer l’initiative économique, promouvoir le mécénat, aider l’outre-mer, soutenir l’investissement locatif et le développement territorial à travers les zones franches urbaines.
        Toutes ces mesures, dont le coût sera traduit dans le projet de loi de finances pour 2004, témoignent de la volonté du Gouvernement d’aider les acteurs économiques à réussir dans leurs activités par des aides précises, efficaces et ciblées. Nous pouvons donc déjà affirmer que l’effort en 2004 sera ainsi substantiel.
        Notre objectif de réduction des impôts et des charges sera donc poursuivi. L’effort sera bien sûr déterminé par la vigueur de la conjoncture et notre réussite dans la maîtrise de la dépense. La baisse des impôts devra demeurer compatible avec la résorption de nos déficits publics. La politique du Gouvernement se veut à cet égard réaliste et responsable.
        Au total, mesdames et messieurs les députés, notre action s’inscrit dans une cohérence de long terme, en dépit d’une conjoncture aujourd’hui plus difficile.
        Elle se résume en ces quelques lignes : maîtriser la dépense, pour dégager des marges de manœuvre ; ne pas accroître les prélèvements et, au contraire, continuer à les abaisser, au service de l’emploi et d’une croissance plus soutenue et réformer. Réformer dans la durée. Réformer les retraites pour sauver notre système par répartition, le rendre plus juste en donnant plus de liberté à chacun. Réformer l’État pour rendre un service plus efficace, plus proche des citoyens grâce à la décentralisation, et en prélevant moins sur la richesse nationale. Réformer la santé, pour sauver, là aussi, un système auquel nous sommes attachés mais qui peut et doit être plus performant sans que son coût échappe à tout contrôle, comme c’est le cas actuellement.
        Mesdames et messieurs les députés, les Français percevront nécessairement les fruits de cette politique qui est une politique de courage, de responsabilité à travers une économie plus forte, des finances publiques assainies et une plus grande liberté pour les agents économiques qui sont la meilleure chance pour la France.

N° 989 – Déclaration du Gouvernement d’orientation budgétaire pour 2004