DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 3

Réunion du mardi 16 juillet 2002 à 17 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller,
Président de la Délégation pour l'Union européenne,
et de M. Patrick Ollier,
Président de la Commission de la production et des échanges

Audition conjointe avec la Commission de la production et des échanges de M. Franz Fischler, membre de la Commission européenne chargé de l'agriculture, du développement rural et de la pêche

M. Patrick Ollier, Président de la Commission de la production et des échanges, après avoir salué la présence de M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances, de l'économie générale et du plan, et celle de M. Hubert Haenel, Président de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, a remercié M. Franz Fischler d'avoir bien voulu se rendre devant la Commission et la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Il a souligné que la France avait le sentiment que les propositions de la Commission européenne sur la révision à mi-parcours de la politique agricole commune, rendues publiques le 10 juillet dernier, constituaient davantage une refonte profonde et une réforme globale qu'un simple réexamen. Se déclarant surpris de la précipitation manifestée par la Commission européenne, il s'est demandé si des considérations budgétaires n'étaient pas à la base de cette réforme ambitieuse qui dépassait le cadre des accords de Berlin. Après avoir estimé que les orientations de la Commission, rigoureuses et restrictives, justifiaient toutes les inquiétudes, il a indiqué que certaines des intentions, liées aux exigences de qualité des produits et à la promotion du développement rural, pouvaient cependant recueillir un avis favorable.

Compte tenu des conséquences des propositions de la Commission sur les régions et l'agriculture françaises, ainsi que des réticences d'ores et déjà formulées par le Gouvernement de la France et le monde agricole, il a souhaité savoir si le mandat donné à la Commission n'avait pas été dépassé et s'est enquis du calendrier d'examen du dispositif proposé. De plus, il s'est demandé s'il était opportun pour l'Union européenne de réformer son système d'aides aux producteurs agricoles, au moment où le « Farm Bill » prévoyait un accroissement des aides publiques aux agriculteurs des Etats-Unis.

M. Franz Fischler, membre de la Commission européenne, a considéré que le système actuel était très lourd sur le plan administratif et qu'il constituait une entrave à la liberté entrepreneuriale des agriculteurs. Il a souligné le rôle que jouaient les producteurs agricoles dans l'aménagement du territoire et dans la préservation de l'environnement. Les objectifs de la Commission consistent à simplifier le système d'aides, à rendre rentables les productions agricoles de qualité et à justifier les financements publics à l'égard non seulement des contribuables mais aussi des consommateurs européens. C'est pourquoi la Commission souhaite veiller à ce que les paiements directs ne conduisent pas à favoriser l'essor quantitatif des productions, mais qu'ils rémunèrent les nouvelles prestations des agriculteurs. Elle souhaite également le renforcement de la politique de développement rural.

Il a alors précisé que le système d'audit qui a été prévu devait permettre de traiter équitablement tous les agriculteurs dans tous les Etats membres.

Enfin, M. Franz Fischler a souligné la nécessité de renforcer le développement durable sans modifier les enveloppes financières et, par conséquent, d'effectuer des transferts financiers pour abonder le développement rural à partir des paiements directs, afin d'aider en priorité les agriculteurs qui promeuvent des productions de qualité et privilégient des campagnes de promotion de leurs produits.

Puis, le Commissaire a évoqué la situation particulière de deux organisations communes de marché, celle des produits laitiers et celle des céréales.

S'agissant des produits laitiers, les décisions prises à Berlin seront mises en œuvre entre 2005 et 2008. Avant de faire de nouvelles propositions, les mesures arrêtées à Berlin doivent faire l'objet d'une évaluation. Cependant, le Conseil européen de Berlin a aussi invité la Commission à réfléchir sur l'avenir de ce secteur d'activité dans la perspective d'une suppression, en 2008, des quotas laitiers. C'est la raison pour laquelle la Commission a présenté dans sa communication quatre scénarios possibles d'évolution. M. Franz Fischler a néanmoins souligné que l'évolution du secteur des produits laitiers devra être appréciée au regard de l'impact de la suppression des quotas sur les revenus des producteurs. Or, il a estimé que cette mesure entraînerait une variation importante des dépenses de marché et des prix des produits laitiers, ceux-ci pouvant baisser de 35 % par rapport aux prix actuels. Il a donc considéré que, dans ces conditions, le maintien d'un système de quotas après 2008 pouvait se justifier.

S'agissant des céréales, M. Franz Fischler a considéré que la réforme devait tenir compte de deux impératifs. En premier lieu, il est nécessaire de limiter le recours aux subventions pour les exportations de céréales, car ces exportations peuvent augmenter considérablement avec l'entrée des pays candidats, ce qui risque de solliciter trop fortement les mécanismes d'intervention sur le marché. En second lieu, la protection des frontières de l'Union vis-à-vis des importations de céréales doit être renforcée, ce qui implique l'adoption d'un calendrier de négociations précis dans le cadre de l'OMC.

En conclusion, M. Franz Fischler a estimé que les propositions de la Commission permettaient de respecter les plafonds de dépenses fixés jusqu'en 2006 par les accords de Berlin et d'obtenir des garanties dans les négociations à l'OMC vis-à-vis des revendications des pays tiers et notamment des pays en développement. Il a par ailleurs déclaré que l'Europe ne devait pas commettre la même erreur que les Etats-Unis, qui ont adopté une loi agricole ayant attiré les critiques du monde entier. Il a enfin résumé l'esprit de la communication de la Commission, en considérant qu'elle n'avait pour but que de faire évoluer la PAC dans le sens des exigences de sécurité, de qualité et de durabilité formulées par les citoyens.

M.  Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l'Union européenne, après avoir remercié M. Hubert Haenel, Président de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, de sa présence, a posé quatre questions au Commissaire.

Observant en premier lieu que la Commission avait surpris les députés français par la nature de ses propositions, il a souhaité connaître les raisons pour lesquelles celle-ci avait choisi d'outrepasser le mandat de Berlin pour proposer une réforme de grande ampleur de la PAC. Ce mandat limite en effet la révision à mi-parcours à un exercice de nature essentiellement technique, destiné à faire le point sur la mise en œuvre des accords de Berlin et l'évolution de certains marchés agricoles. Le Président Pierre Lequiller a estimé que si la Commission souhaitait ouvrir un vaste débat sur l'avenir de la PAC, il était dès lors normal que la France, qui entend s'en tenir au mandat donné à Berlin, fixe dès maintenant les bornes de ce qui n'est pas acceptable dans les orientations proposées.

Le Président Pierre Lequiller s'est ensuite interrogé sur le fait de savoir si la vaste réforme proposée ne risquait pas de subordonner l'élargissement de l'Union à la révision de la PAC et donc d'envoyer un signal politique négatif aux pays candidats.

Puis, il a souhaité entendre la position du Commissaire sur l'argument selon lequel le découplage complet des aides directes risquait de transformer les agriculteurs en « assistés » et de rendre moins légitime une politique financée par les contribuables européens. De plus, ce découplage est de nature à accentuer l'asymétrie de la PAC avec la politique agricole américaine, qui a choisi d'augmenter de 70 % les subventions publiques à ce secteur.

Enfin, en proposant que les régions communautaires non défavorisées bénéficient d'un apport communautaire pour les actions de développement rural limité à 60 %, la Commission risque d'ouvrir la voie à une « renationalisation » de la PAC.

Le Commissaire a apporté les précisions suivantes aux Présidents Patrick Ollier et Pierre Lequiller :

- dans le cadre des décisions prises à Berlin, plusieurs questions restaient à approfondir, notamment la mise en œuvre d'une baisse du prix des céréales, le fonctionnement de l'organisation commune de marché de la viande bovine et le calendrier d'application du système des quotas laitiers. De plus, le sommet de Göteborg a décidé que la politique agricole commune devait avoir un caractère plus durable ;

- les préoccupations de la Commission rejoignent celles exprimées par le Premier ministre français, M. Jean-Pierre Raffarin, qui sont relatives à la nécessité de répondre aux aspirations des citoyens. L'Eurobaromètre de juin 2002 montre en effet que de 85 à 90 % de la population européenne exige davantage de sécurité alimentaire, de produits agricoles de qualité et des revenus agricoles suffisants ;

- la Commission n'a pas répondu aux exigences de certains Etats membres quant à la réduction des montants budgétaires consacrés à la politique agricole commune ;

- la communication de la Commission fera l'objet de débats au Conseil de l'Union européenne ainsi qu'au Parlement européen qui devra rendre un avis. La Commission envisage de présenter des propositions normatives à l'automne 2002 pour que les ministres de l'agriculture prennent des décisions début 2003 et que celles-ci entrent en vigueur en 2004 ;

- la Commission est une institution indépendante, qui n'a pas à demander l'autorisation du Conseil pour présenter une réforme qu'elle juge nécessaire au regard des demandes des citoyens. Elle a respecté le mandat de Berlin tout en proposant les évolutions indispensables au maintien d'une PAC légitime ;

- il ne faut pas établir de lien entre l'élargissement et la révision à mi-parcours de la PAC, mais on doit tenir compte du fait que les négociations sur l'élargissement doivent s'achever avant la fin de cette année et que la décision concernant l'extension des aides directes aux pays candidats doit être prise après les élections allemandes ;

- la révision doit respecter le cadre financier défini à Berlin tout en permettant une réorientation des dépenses de la PAC vers la satisfaction des exigences des citoyens ;

- le risque de transformer les agriculteurs en assistés n'existe pas. En effet, la question n'est pas de savoir s'il faut continuer à aider l'agriculture, mais comment le faire. Le coût énorme que représenterait l'entretien des paysages en France, si les agriculteurs n'existaient pas, le révèle clairement ;

- le « Farm Bill » constitue une erreur de la part des Etats-Unis et ne devrait pas survivre au prochain cycle de négociations. Il suffit de voir les nombreuses critiques auxquelles cette loi a donné lieu dans le monde pour s'en convaincre ;

- concernant le financement du développement rural, les mesures proposées tendent en réalité à aider des systèmes de production de qualité, à protéger les appellations d'origine et à permettre un meilleur écoulement des produits sur le marché communautaire ;

- il faut récuser l'idée d'une renationalisation des aides communautaires. Le projet de la Commission européenne prévoit que 60 % des fonds publics consacrés aux régions ne correspondant pas à l'objectif 1 seraient apportés par la Communauté. Par ailleurs, 50 % des mesures financées le seraient en fonction de projets et la part de financement communautaire pour les régions d'objectif 1 serait augmentée, pour atteindre un taux de 85 %.

Revenant sur la question du « Farm Bill », le Président Patrick Ollier a constaté que les Etats-Unis avaient peut-être commis une erreur, mais que les agriculteurs américains ne s'en plaignaient pas et que la compétitivité américaine n'en était pas affectée. Il a demandé si la Commission européenne ne commettait pas une erreur plus grande en s'engageant sur la voie proposée.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis du budget de l'agriculture, a demandé des précisions sur l'avancée des négociations de préadhésion avec les pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne ; il s'est interrogé sur la capacité de la politique agricole de l'Union à demeurer commune dans le cadre de l'élargissement et a souhaité connaître le montant de l'enveloppe budgétaire prévue à cet effet.

Rappelant par ailleurs que les règles de fonctionnement de la PAC comptaient autant que les principes généraux évoqués par le Commissaire, il a alors demandé en quoi les règlements seraient modifiés et ce qui était prévu en la matière pour réguler le volume des productions, en particulier pour les céréales et la viande bovine.

Il a également indiqué que la modulation des aides, telle qu'elle a été pratiquée en France, s'était heurtée à de multiples difficultés pratiques, telles que la complexité des règles, les questions posées par le cofinancement des dépenses ou la pression administrative pesant sur les agriculteurs. Il a demandé comment l'« écoconditionnalité » des aides serait vérifiée et la qualité des produits contrôlée et comment serait appliqué le principe de subsidiarité dans la politique du développement rural.

S'agissant enfin des négociations au sein de l'OMC, après avoir rappelé que les accords antérieurs n'avaient pas permis de résoudre le problème de la surproduction et de la baisse des prix des produits, il a demandé quel système de protection des frontières communautaires la Commission envisageait de négocier, les protections tarifaires étant aujourd'hui exclues.

M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis du budget de la pêche, a considéré que les mesures annoncées par M. Franz Fischler étaient de nature à mettre en péril le secteur de la pêche maritime française. Il lui a demandé s'il ne pensait pas qu'il conviendrait d'associer davantage les professionnels du secteur à la politique menée, ceux-ci contestant fortement les appréciations portées par les scientifiques sur l'état de la ressource. Par ailleurs, l'interdiction des aides à la construction navale et à la modernisation des bateaux risque d'avoir des effets pervers en termes économiques et de sécurité de nos marins pêcheurs. Elle est également susceptible de freiner l'installation des jeunes. Il a également demandé au Commissaire si des mesures telles que la prise en compte des rejets avaient été intégrées et ce qu'il pensait du maintien de la pêche minotière dans certains pays de l'Union européenne.

M. Jean Proriol a indiqué que, s'il existait un accord très large sur la nécessité de réformer la PAC, des interrogations demeuraient sur la solution envisagée. Tout d'abord, sur la méthode, il a demandé pourquoi fixer un calendrier, si celui-ci ne devait pas être respecté. En outre, la Commission peut être accusée d'outrepasser son mandat et encourir à nouveau les critiques des « eurosceptiques », prompts à dénoncer la « technocratie de Bruxelles », ce qui n'est pas opportun au regard notamment de la montée des extrémismes en Europe.

Sur le fond, il s'est demandé si, avec le développement de la pluri-activité, on n'allait pas évoluer vers un nouveau type d'agriculture, qu'on pourrait qualifier d' « écologie libérale ». Rappelant les propos tenus par le Président de la République dans son allocution du 14 juillet, selon lesquels il ne sacrifierait pas « la capacité française à être le premier exportateur mondial de produits agricoles transformés », il a observé que l'activité agricole façonnait les paysages et les territoires.

Par ailleurs, si la Commission propose le découplage entre subventions et productions, l'introduction d'un système de modulation progressive et la réorientation de la production vers le développement durable, elle ne propose rien pour des secteurs aussi fondamentaux que les céréales, la viticulture, les fruits et légumes ou l'aviculture.

Citant les propos du premier ministre australien, qui parle d'un « changement qui donnera davantage d'opportunités aux agriculteurs australiens », ou des autorités américaines qui évoquent « un pas dans la bonne direction », il s'est ensuite demandé si cette réforme ne risquait pas de fragiliser la position de l'Union européenne dans les négociations au sein de l'OMC.

Enfin, évoquant le fait que le projet proposé se réfère aux « besoins mieux ciblés sur les systèmes et les paysages agricoles à haute valeur naturelle », il s'est interrogé sur l'avenir de l'agriculture en difficulté, notamment l'agriculture de montagne, le rapport de la Commission restant très évasif sur ce type d'agriculture et sur celle des zones défavorisées. Il a jugé nécessaire de prévoir une revalorisation des indemnités compensatoires des handicaps naturels et une meilleure reconnaissance des « primes à l'herbe ». Il a souhaité également des précisions sur le soutien aux formes de production dites alternatives, telle que l'agriculture biologique, dont les consommateurs ne semblent pas pour l'instant vouloir payer le prix, et s'est demandé si celle-ci était véritablement à même d'assurer des productions de masse répondant à une consommation de masse.

M. Patrick Lemasle a considéré qu'il était légitime de réfléchir à l'avenir de la politique agricole commune, comme cela a été décidé à Berlin en 1999, et que le rôle de la Commission européenne était effectivement de présenter des propositions. Il a toutefois estimé à la fois non envisageable de modifier la politique agricole commune dès 2004 et inconséquent de ne pas réfléchir à son évolution future avant 2006.

Evoquant le découplage des aides et de la production, introduit dès 1992, il a souhaité en connaître le bilan. Il a, par ailleurs, regretté que les aides les plus importantes aillent aux régions les plus productives. Puis il a interrogé M. Franz Fischler sur la modulation et le plafonnement des aides que suggère la Commission. Les dispositifs retenus qui ne concerneraient que peu d'exploitations en France, comme la diminution de 5 % du prix d'intervention des céréales et la suppression des majorations mensuelles dans ce secteur donnent à penser que la Commission pourrait encourager le maintien des seules exploitations les plus rentables, ce qui aboutirait à la désertification de régions entières et ne correspond pas, par exemple, au dispositif qui avait été retenu en France au cours des dernières années.

Il a déploré l'absence de volet consacré à la maîtrise de la production de viande bovine, dans les propositions de la Commission, alors que le système des quotas laitiers a bien fonctionné. Il a souligné la nécessité de mieux différencier une production extensive et une production intensive. Il a également estimé indispensable de favoriser le secteur des oléoprotéagineux, étant donné la forte dépendance de l'Europe dans le secteur des produits protéiques pour animaux.

Il a demandé si l'élargissement de l'Union européenne pourrait s'effectuer à coût constant sans remettre en cause les aides existantes.

Il a souligné la contradiction existant entre les propositions de désengagement financier de la Commission et la politique mise en œuvre par les Etats-Unis, qui renforcent leurs aides à l'agriculture.

En conclusion, il a souhaité que les propositions de la Commission ne se traduisent pas par une diminution du nombre d'exploitants, mais qu'elles aboutissent à une plus juste répartition des aides et à une plus grande maîtrise de la production. Il a estimé que la Commission n'avait qu'un pouvoir de proposition et que les représentants des Etats auraient la responsabilité des décisions.

M. François Sauvadet a rappelé que les propositions de la Commission européenne faisaient l'objet de nombreuses critiques en France. Il a demandé que soit établi un bilan de ce que la politique agricole commune a apporté à l'agriculture européenne. Il a évoqué les négociations difficiles que l'Europe devrait engager avec les Etats-Unis, qui n'hésitent pas à favoriser leur agriculture nationale.

Après avoir interrogé M. Franz Fischler sur le modèle de développement que l'Europe entendait proposer au reste du monde, il s'est inquiété des effets éventuellement destructeurs de la parité entre l'euro et le dollar et a souhaité obtenir des précisions sur les propositions de la Commission relatives au développement rural. Il a également fait remarquer qu'une politique fondée sur la baisse des aides et des prix pouvait avoir des effets négatifs sur la situation des pays en développement.

S'agissant enfin de la sécurité sanitaire des produits, il a demandé que la Commission européenne prenne des initiatives pour que les règles très strictes qui s'imposent aux producteurs européens en matière de traçabilité s'appliquent également aux importations en provenance de pays tiers.

M. Daniel Paul a rappelé que la politique commune de la pêche n'avait pas fait l'objet d'un véritable bilan. Estimant que la Commission se contentait de proposer une réduction de la flotte en mettant en avant la nécessité de conserver les ressources halieutiques, il a suggéré qu'un rapport sur la situation de la ressource soit préparé en commun par des experts scientifiques et des représentants des pêcheurs. Il a souhaité l'interdiction de la pêche minotière et critiqué l'attitude des grands groupes de distribution, qui mettent en place une filière intégrée aboutissant à supprimer des emplois dans la pêche côtière, qui emploie 50 % des effectifs embarqués, et contribuent à la disparition de la pêche artisanale.

M. Patrick Hoguet a déploré que le prix du marché des céréales soit très souvent équivalent au prix d'intervention, du fait de l'utilisation très insuffisante de la marge offerte par la préférence communautaire. Il a demandé quelles mesures M. Franz Fischler envisageait de prendre pour porter remède à ces dysfonctionnements et protéger les intérêts des agriculteurs européens dans le cadre des négociations de l'OMC.

M. Philippe Martin (Marne), évoquant la réforme de l'OCM vitivinicole intervenue dans une période de et de sécheresse dans certains Etats en 1999, a constaté qu'elle avait contraint le Gouvernement français à accorder d'importantes aides aux viticulteurs. Il a souhaité savoir s'il ne serait pas nécessaire de procéder à une révision de l'OCM vitivinicole et de rendre la distillation obligatoire, solution qui, à ses yeux, permettrait d'enrayer la course au rendement qui existe aujourd'hui.

M. François Guillaume a regretté que M. Franz Fischler se soit limité à une alternative entre une guerre des subventions avec les Etats-Unis et le choix d'une politique malthusienne. Il a estimé que, pour résoudre le problème de l'alimentation des pays en développement, il serait nécessaire de s'orienter vers le doublement de la production agricole dans les 25 prochaines années. Abordant les modalités de fixation de la prime compensatrice, il a considéré que la modulation préconisée par M. Franz Fischler était dépourvue de toute justification économique, tout en déclarant approuver le principe de la dégressivité et du plafonnement des aides.

S'agissant du projet de découplage de l'aide au revenu, il a estimé qu'il risquait d'encourager l'accroissement de la superficie des exploitations et d'empêcher l'installation des jeunes agriculteurs.

M. Christian Paul s'est demandé, d'une part, si M. Franz Fischler ne cédait pas à l'inspiration libérale actuelle en privilégiant le système du prix rémunéré pour les producteurs, lequel favorise une baisse continue des prix et, d'autre part, si sa position sur le développement durable correspondait à la notion d'agriculture multifonctionnelle consacrée par la loi d'orientation agricole de 1998.

M. Franz Fischler a apporté les réponses suivantes aux différents intervenants :

- il serait contraire aux intérêts des agriculteurs de considérer que les accords de Berlin empêchent toute réforme. De nombreuses propositions touchant aux organisations de marché, formulées à l'occasion de la présente audition, n'entrent d'ailleurs pas dans le cadre prévu par les accords de Berlin ;

- les problèmes posés aux viticulteurs ne peuvent être résolus seulement grâce à l'instauration d'une distillation obligatoire, comme l'ont admis les organisations professionnelles françaises ;

- le bilan de la politique agricole commune existe depuis longtemps et peut être consulté sur Internet. La Commission a procédé à des réévaluations concernant différents marchés agricoles : céréales, viande bovine, riz et produits laitiers. Elle a déjà commencé à tenir compte, d'une part, des conséquences potentielles du « Farm Bill » et, d'autre part, de l'évolution de la parité de l'euro par rapport au dollar ;

- le modèle agricole européen s'inscrit dans les objectifs définis dans l'Agenda 2000. Ceux-ci reposent notamment sur la notion d'agriculture durable, laquelle intègre les responsabilités de nature économique et environnementale incombant au secteur agricole ;

- la notion de découplage a été mise en œuvre en 1992, à une époque où l'on recherchait le démantèlement des aides à la production. Cet objectif n'ayant pas été atteint, il a été nécessaire de réduire les paiements directs, conformément à une décision prise à l'unanimité par la Communauté européenne ;

- s'agissant du transfert de primes, notamment dans le cas de cessions de terres, les paiements directs introduits en 1992 ont déjà modifié les prix et l'objectif recherché vise à ce que les sommes versées correspondent à la moyenne de celles attribuées les trois dernières années. Il serait néanmoins souhaitable d'éviter une bureaucratie supplémentaire pour les exploitants agricoles ;

- en ce qui concerne la question de la modulation, il convient d'étendre le dispositif à toute l'Union européenne, afin d'éviter une distorsion de concurrence. Néanmoins, il est encore possible de discuter sur certains points tels que les obligations contractuelles des transformateurs ;

- il faut dégager des sommes d'argent supplémentaires pour financer les investissements en matière de dépollution ou en faveur des régions défavorisées ou des zones de montagne. Compte tenu des règles actuellement en vigueur, ces sommes ne peuvent être trouvées que dans le premier pilier de la PAC ;

- s'agissant de l'articulation des propositions de la Commission avec l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, il n'a jamais été affirmé que cet élargissement ne coûterait rien. Mais les avantages politiques et économiques l'emportent sur les questions financières et, en outre, si l'on rapporte les dépenses agricoles au produit intérieur brut européen, ce pourcentage ne devrait pas croître du fait de l'élargissement. Une diminution de l'aide agricole n'est pas indispensable pour permettre cet élargissement ;

- à la fin du cycle de l'Uruguay, dans le cadre du GATT, les droits de douane ont été révisés selon des modalités complexes. Toutefois, ces droits ne sont pas suffisamment dissuasifs et, dans certains pays comme l'Ukraine, les négociants sont prêts à vendre leur production de céréales en dessous du prix de ces droits, car ils ne disposent pas de capacité de stockage. La Commission européenne propose donc d'abandonner le système douanier et de lui substituer un dispositif de contingents tarifaires par produit. Il convient de mettre en œuvre au plus tôt des discussions relatives à cette substitution, pour lui assurer de plus grandes chances de réussite ;

- les problèmes de la faim dans le monde ne peuvent pas être résolus par la politique agricole commune. Les subventions aux exportations empêchent le développement de la production agricole locale et suscitent de nombreuses critiques dans les pays en développement ;

- en matière de pêche, la Commission a dressé un bilan pour chaque région de l'Union européenne tributaire de l'économie de la pêche. Les propositions de la Commission visent à intégrer les professionnels de la pêche dans le processus décisionnaire. Il convient cependant de mieux distinguer la situation des petits artisans de celle de la pêche minotière. S'agissant de la pêche industrielle, il est par ailleurs souhaitable que les poissons destinés à l'alimentation humaine ne soient plus transformés en farine.

M. Franz Fischler a observé, en conclusion, que le débat devrait se poursuivre dans les prochains mois et a souhaité la participation des parlementaires français.

Le Président de la Commission de la production et des échanges, M. Patrick Ollier, a remercié M. Franz Fischler pour sa disponibilité et la clarté de ses réponses. Il a cependant pris acte que nombre de députés n'étaient pas d'accord avec les orientations de la Commission et que de nombreuses interrogations subsistaient. Il a rappelé qu'en tout état de cause, la décision finale dépendait du Conseil de l'Union européenne et souhaité que la position des parlementaires soit prise en compte.