DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 4

Réunion du mercredi 17 juillet 2002 à 17 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Informations relatives à la Délégation

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'importance des enjeux auxquels l'Europe doit actuellement faire face, citant l'élargissement, la réforme institutionnelle, la révision de la politique agricole commune. Il a estimé que dans ce contexte, il était particulièrement important que les députés soient mieux informés des questions européennes. De même, il a jugé souhaitable que la Délégation soit plus clairement perçue grâce notamment à un effort renouvelé d'ouverture. Il a considéré qu'il convenait d'organiser davantage de débats sur des questions de fond, notamment par le biais d'auditions plus régulières de membres du Gouvernement. Ces auditions pourront également être tenues conjointement avec l'une ou l'autre des commissions permanentes. Afin de développer la concertation avec les commissions, les présidents ou rapporteurs pourront aussi être personnellement invités à participer à certaines réunions de la Délégation. Il s'est par ailleurs déclaré partisan de l'organisation d'auditions conjointes avec la Délégation pour l'Union européenne du Sénat, et a précisé que le Président Hubert Haenel y était lui-même favorable. Il a indiqué que les membres français du Parlement européen seraient invités à participer à certaines réunions de la Délégation. Il a enfin souhaité développer les relations avec les commissions des affaires européennes des quinze Etats membres et des pays candidats.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation, saisie selon la procédure d'urgence, a levé la réserve parlementaire sur la proposition de règlement du Conseil relatif aux mesures antidumping et compensatoires adoptées en vertu des décisions n° 2277/96/CECA et n° 1889/98/CECA de la Commission (document E 2051).

Par ailleurs, la Délégation a désigné M. Thierry Mariani rapporteur d'information sur les propositions de règlement relatives au ciel unique européen (documents E 1851 et E 1852).

III. Audition de Mme Noëlle Lenoir, Ministre déléguée aux affaires européennes

Le Président Pierre Lequiller a souhaité la bienvenue à Mme Noëlle Lenoir, Ministre déléguée aux affaires européennes, en indiquant que la Délégation souhaitait pouvoir rencontrer la Ministre régulièrement pour débattre des positions de la France sur les principaux enjeux européens.

Mme Noëlle Lenoir s'est déclarée tout à fait disponible pour venir régulièrement devant la Délégation, à un rythme qui pourrait être mensuel, afin de débattre des dossiers communautaires. Elle a souligné l'importance du rôle des parlements nationaux en matière européenne au regard de l'intégration en droit national du droit communautaire, du lien nécessaire avec les citoyens, et de la réforme des institutions, dans le cadre en particulier des travaux de la Convention européenne à laquelle participent comme représentants de l'Assemblée nationale le Président Pierre Lequiller et M. Jacques Floch.

La Ministre a indiqué que depuis son entrée en fonctions, elle avait été amenée à traiter de sujets d'actualité de grande importance, mais qu'il convenait encore de préciser et de formaliser les positions françaises dans certains domaines. Elle a ainsi évoqué la réforme des institutions et le rôle de la France au sein de la Convention. Elle a considéré que le sujet de l'harmonisation fiscale serait en particulier marqué par une réflexion sur la fiscalité des entreprises et de l'épargne, menée dans le cadre du Conseil Ecofin. Elle a rappelé le projet de réforme du mode d'élection au Parlement européen et a estimé qu'il se justifiait notamment par un besoin d'amélioration de la visibilité du Parlement européen vis-à-vis des citoyens. Elle a également indiqué que l'amélioration de la transposition des directives communautaires constituait une priorité du Gouvernement, estimant que la situation actuelle dans laquelle se trouvait de ce point de vue notre pays était souvent liée à des problèmes administratifs. Elle a enfin évoqué la très grande importance de certains dossiers sectoriels, citant la PAC, la pêche et le domaine de l'énergie.

En conclusion, Mme Noëlle Lenoir a souligné à nouveau son souhait d'un dialogue étroit avec la Délégation et s'est déclarée particulièrement ouverte aux suggestions des parlementaires, dans un contexte européen marqué par des échéances capitales, notamment l'élargissement et la réforme des institutions.

Le Président Pierre Lequiller a demandé quelles initiatives la France envisageait de prendre pour relancer le dialogue franco-allemand à la veille du 40ème anniversaire du traité de l'Elysée.

Se référant au discours du Président de la République prononcé à Strasbourg, dans lequel le Président a fait une proposition relative à la Présidence de l'Union, il a demandé de quelle façon la France entendait faire avancer ce projet approuvé, à ce stade, par le
Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie.

Rappelant que la France soutenait l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne, il s'est enquis des conditions dans lesquelles on pourrait éviter que l'adhésion de ce pays
- comme celle de la Roumanie -ne soit repoussée, au risque de l'intégrer à celle des autres Etats des Balkans.

En réponse au Président Pierre Lequiller, la Ministre a apporté les précisions suivantes :

Les relations franco-allemandes ne sont plus aussi satisfaisantes que par le passé, en particulier, à l'époque de la conclusion du traité de l'Elysée par le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer. L'Allemagne a été absorbée par la réunification, dont le coût atteint 75 milliards d'euros par an, contre 15 milliards d'euros par an pour l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale. Quant à la France, elle est apparue moins attentive au rôle du couple franco-allemand, faute d'avoir eu une vision précise de la construction européenne.

L'élargissement pose le problème des relations franco-allemandes en des termes nouveaux, en particulier pour les modalités de fonctionnement des institutions communautaires, que le traité de Nice a déjà modifiées.

Devant ces évolutions, la Ministre a fait part des moyens propres à resserrer ces liens. Il s'agit d'abord des contacts qu'elle-même a pris après son entrée en fonctions avec la Commission des affaires européennes du Bundestag, M. Joschka Fischer, le Ministre allemand chargé des affaires européennes, le secrétaire général du Ministère des affaires étrangères chargé de l'élargissement, MM. Stoiber et Schäuble. De son côté, le Ministre des affaires étrangères, M. Dominique de Villepin a également rencontré M. Joschka Fischer en application du processus dit de Blasheim, qui prévoit des rencontres informelles entre les ministres des affaires étrangères français et allemand pour discuter des problèmes délicats. Ce processus de rencontres s'accélérera, puisque, à la fin du mois de juillet, le Président de la République, le chancelier Gerhard Schröder et les deux ministres des affaires étrangères se réuniront à Schwerin, en vue de discuter des modalités de la commémoration du 40ème anniversaire du traité de l'Elysée.

Evoquant les projets destinés à définir des actions de coopération, la Ministre a indiqué que l'Allemagne avait exprimé de fortes demandes dans le domaine de la recherche
- notamment les biotechnologies et l'espace - en vue d'éviter la fuite des cerveaux aux
Etats-Unis. A cette fin, Mme Claudie Haignere, Ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, a rencontré son homologue allemande. Pour ce qui est de la défense, la France a souhaité qu'en matière d'armement, l'Allemagne puisse accroître ses engagements, bien qu'une telle orientation ne pourra se concrétiser qu'après les élections législatives de septembre prochain. S'agissant de la culture, les deux pays souhaitent favoriser la reconnaissance des diplômes en vue d'encourager la mobilité des étudiants.

Evoquant le problème du traité constitutif dont l'Europe se dotera après l'élargissement, la Ministre a souligné, qu'en ce domaine, une entente entre la France et l'Allemagne - qui ont toujours défendu l'idée d'un projet politique européen - était nécessaire à l'élaboration d'initiatives fortes. Si en la matière, les objectifs des deux pays sont communs, les méthodes sont toutefois différentes.

Pour ce qui est du statut du Président de l'Union, la Ministre a rappelé que la configuration institutionnelle de l'Europe combinait des institutions dotées de fonctions législatives et exécutives comme le Conseil et la Commission. Quant au Parlement européen dont les pouvoirs ont été renforcés du fait de l'extension de la procédure de codécision, il remplit un rôle législatif et possède également le droit de voter des résolutions.

Dans ce contexte, qui repose sur ce que l'on a appelé le triangle institutionnel, la Ministre a fait valoir, d'une part, qu'il était très difficile pour un Etat membre de privilégier l'extension des pouvoirs au profit de la Commission ou du Conseil et, d'autre part, que la France et d'autres Etats membres étaient attachés au maintien d'un triangle institutionnel.

Evoquant les options possibles, la Ministre a fait remarquer que celle défendue par la France et soutenue par le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie visait à renforcer la légitimité du Président du Conseil. Elu par le Conseil européen, le président de l'Union serait doté d'un mandat de deux ans et demi renouvelables et exercerait ses fonctions à temps plein. Une telle orientation n'aurait pas pour objet de remettre en cause le monopole de la Commission en matière d'initiative législative ni ses fonctions exécutives, mais surtout de mettre l'accent sur la fonction de représentation de l'Europe sur la scène internationale, qu'assumerait le président de l'Union. Comme la France, l'Allemagne estime que les grands défis que l'Europe doit relever concernent des problèmes tels que la défense, la compétitivité de l'Europe face aux Etats-Unis et à la Chine et la position de l'Europe quant au rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie. Il s'agit, également, conformément à l'objectif défini par le président de la République, de favoriser l'émergence d'une Europe puissance. Faut-il, à cette fin, favoriser la fusion du Haut Représentant de la PESC et du Commissaire chargé des relations extérieures ou rattacher les fonctions de ce dernier au Conseil ?

L'Allemagne, ayant un système fédéral, n'a pas de difficulté au regard de l'élection d'un Président de l'Union par le Parlement européen ou au suffrage universel direct, avec des commissaires responsables devant le Parlement européen, une Commission qui serait le véritable gouvernement de l'Europe et, peut-être, un droit de dissolution.

Ces positions paraissent donc encore très éloignées, mais les Allemands restent ouverts à des propositions françaises.

M. Marc Laffineur a exprimé sa crainte devant la montée du sentiment anti-européen au sein de l'opinion publique française, due à une mauvaise communication sur l'Europe. Il a jugé souhaitable de mettre davantage en avant les bienfaits de l'Union européenne et de ne pas retenir que les aspects négatifs de son action. Ainsi, il faut faire savoir que la politique agricole commune a eu des effets bénéfiques pour l'agriculture française.

Il a ensuite demandé quelles sont les mesures envisagées pour remédier à la sous-utilisation des fonds européens, après avoir souligné la complexité et le manque d'efficacité de la précédente réforme de leur gestion.

M. Marc Laffineur a également interrogé Mme Noëlle Lenoir sur la liste des pays du premier groupe qui adhèreront à l'Union européenne.

M. Christian Philip, tout en rappelant le caractère prioritaire de l'élargissement, a demandé quelles sont les deux ou trois conditions minimales que la France posait pour qu'il se passe dans de bonnes conditions.

Après avoir souligné l'importance du travail d'analyse pour rattraper le retard en matière de transposition des directives communautaires, il a souhaité connaître les mesures envisagées pour y remédier.

Au sujet du Conseil européen de Séville et des conclusions relatives à la lutte contre l'immigration clandestine, M. Christian Philip s'est interrogé sur la crédibilité des engagements pris dans ce domaine, citant la Convention de Palerme sur les migrants clandestins que la France va ratifier prochainement, mais rappelant qu'elle était seulement le troisième Etat à le faire.

Il a également interrogé la Ministre sur les possibilités de renforcer la position française en ce qui concerne la baisse de la TVA pour les restaurateurs.

M. Christian Philip a observé que tous les sondages et eurobaromètres montrent que les Français ne sont pas majoritairement favorables à l'élargissement, et d'une manière générale à l'idée européenne, et que si un référendum devait avoir lieu aujourd'hui à ce sujet, la situation serait difficile. Il a souligné qu'il ne fallait donc pas s'attacher seulement aux questions institutionnelles - même si la réforme de l'élection des parlementaires européens, par exemple, est un sujet important - mais formuler des propositions concrètes.

En réponse, Mme Noëlle Lenoir a apporté les précisions suivantes:

- en ce qui concerne les fonds européens, la France a récemment perdu 21 millions d'euros pour ne pas avoir consommé 170 millions d'euros dans le cadre du FEOGA. M. Jean-Paul Delevoye, Ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, fera une communication au conseil des ministres à ce sujet le 31 juillet prochain. La situation actuelle conduit en effet la France à payer deux fois, en ne consommant pas les crédits, puis en les voyant annulés. Le Premier ministre a donné des instructions précises à ce sujet ;

- au sujet de l'élargissement, le Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre arrêtera la liste des pays qui feront partie du premier groupe, probablement Malte, Chypre, les trois Etats baltes, la Slovénie, la Slovaquie, la République tchèque, la Hongrie et la Pologne. La Commission doit présenter les rapports de progrès des treize candidats le 16 octobre. La Bulgarie et la Roumanie ne sont pas encore assez avancées pour être admis, et la Turquie est traitée comme un pays candidat et réclame une date pour l'ouverture de négociations d'adhésion.

Quant aux conditions minimales posées par la France, un certain retard a été pris notamment en ce qui concerne le paquet financier, l'agriculture et la concurrence, sur les 31 chapitres de l'acquis communautaire. La France a insisté sur la nécessité d'un « monitorage », c'est-à-dire d'une surveillance afin que ces Etats effectivement mettent en œuvre l'acquis communautaire, notamment en matière de justice et affaires intérieures. La France est également très attentive aux mesures vétérinaires et phytosanitaires, relatives à la sécurité alimentaire ;

- s'agissant de la transposition des directives, la Ministre s'est déclarée disposée à travailler avec la Délégation sur ce sujet et à lui communiquer un document dressant la liste des directives à transposer et classées par ministère technique compétent. Les retards dus à des facteurs politiques sont peu nombreux par rapport à ceux motivés par des dysfonctionnements administratifs ;

- s'agissant de la lutte contre l'immigration clandestine, le Conseil européen de Séville s'est en partie focalisé sur la question des sanctions économiques pouvant être prises à l'encontre des pays étant à l'origine de ce phénomène. En définitive, une telle décision n'a pas été adoptée, en raison notamment de l'opposition très ferme de la France. Une réflexion a été engagée sur plusieurs fronts, afin d'aboutir à une meilleure maîtrise des flux migratoires : le contrôle de la falsification des visas, la coordination de la police des frontières et l'harmonisation des procédures, ainsi que celle du statut de demandeur d'asile. Par ailleurs, le règlement Dublin II, qui prévoit que l'Etat membre d'entrée du demandeur d'asile - et lui seul - doit examiner la demande d'asile, doit être adoptée à la fin de l'année 2002 ;

-  la question du taux de TVA applicable aux restaurateurs est importante, car cette activité joue un rôle culturel indéniable en France et constitue par ailleurs un secteur d'embauche important, notamment pour les jeunes. De plus, les restaurants faisant de la vente à emporter, comme les McDonald, bénéficient de la TVA à taux réduit, ce qui aboutit à créer une inégalité de traitement. De nombreux Etats membres ont obtenu, lors de la négociation de la sixième directive TVA, le droit de conserver le taux réduit qu'ils appliquaient au 1er janvier 1991. Le Gouvernement compte notamment mettre à profit la remise à jour des taux réduits, qui doit intervenir à la fin de cette année, pour plaider sa cause. Le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a écrit, le 4 juillet 2002, un courrier dans ce sens à la Commission ;

- les sondages d'opinion témoignent d'un réel éloignement des Français de la construction européenne, qui pèse sur l'élan nécessaire au processus d'élargissement.

Observant que l'orientation générale des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe et l'impulsion donnée par son président, Valéry Giscard D'Estaing, vont dans le sens de propositions fortes sur l'architecture institutionnelle de l'Union européenne, M. Jacques Floch a souhaité savoir si le Gouvernement comptait informer le Parlement sur sa position concernant le débat européen en cours, afin que les représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat à la Convention puissent prendre une position utile dans cette enceinte. Rapporteur en 2000 du projet de loi habilitant le Gouvernement à recourir aux ordonnances, pour transposer les directives, il a rappelé les dysfonctionnements administratifs qu'il avait constatés.

M. Jacques Myard a souhaité connaître la position de la Ministre sur la question, essentielle à ses yeux, du respect du principe de subsidiarité. Il a noté que des personnalités aussi différentes que Jacques Delors et Joschka Fischer avaient déclaré que plus de 50 % de la législation communautaire n'aurait pas dû être adoptée en application de ce principe. Evoquant ensuite l'astreinte de 150 000 euros par jour que la Commission a demandé à la Cour de justice des Communautés européennes d'imposer à la France dans l'affaire de l'embargo sur le bœuf britannique, il a estimé que l'Europe ne pourrait gagner le cœur de ses citoyens par l'imposition de contraintes et d'astreintes.

En réponse à ces interventions, Mme Noëlle Lenoir a indiqué que le Gouvernement donnerait une feuille de route aux représentants de la France à la Convention. Elle a rappelé que celui-ci travaillait actuellement à définir des positions à cet égard, qui leur seront communiquées une fois qu'elles auront été finalisées.

Le Président Pierre Lequiller a précisé qu'il était jusqu'ici convenu que si chacun s'exprimait librement au sein de la délégation française, les représentants de la France à la Convention devraient coordonner leurs positions.

La Ministre a par ailleurs apporté les éléments de réponse suivants :

- concernant la subsidiarité, la plupart des directives résultent en général d'un accord entre les Etats. La Cour de justice des Communautés européennes doit veiller au respect de ce principe. Un groupe de travail a été créé au sein de la Convention afin d'en permettre une meilleure application ;

- s'agissant de l'affaire du bœuf, le système des astreintes est prévu dans les traités européens. D'ailleurs, il existe en France depuis plusieurs années pour la justice administrative.

M. Bernard Derosier a demandé à la Ministre comment le Gouvernement entendait s'appuyer sur l'instance de représentation des collectivités territoriales au sein de l'Union européenne pour faire avancer les dossiers européens, notamment pour permettre une meilleure utilisation des fonds structurels. Par ailleurs, il a interrogé la Ministre sur le fait de savoir si le Gouvernement soutenait la proposition de directive cadre sur les services d'intérêt économique général, et, dans l'affirmative, a souhaité savoir si cette position serait prise en compte avant que tous les services publics ne soient ouverts à la concurrence.

M. Christian Paul a demandé comment le Gouvernement entendait renforcer la place de l'Europe dans le contexte de la mondialisation, et quelles étaient les instances internationales où l'Union européenne devrait parler d'une seule voix. Jugeant la position de la France statique sur la politique agricole commune, il a souhaité savoir quelle était la position du Gouvernement sur les propositions de réforme avancées par le Commissaire européen Franz Fischler.

En réponse, Mme Noëlle Lenoir a apporté les précisions suivantes :

- des contacts seront pris prochainement avec les représentants du Comité des régions pour prendre en compte leur point de vue sur les différents dossiers en discussion. L'action de communication sur l'Europe doit s'inspirer des propositions émises par les collectivités locales. A cet égard, un séminaire de travail sera organisé avec M. Patrick Devedjian, Ministre délégué aux libertés locales, associant les élus locaux et nationaux, ainsi que des représentants du Parlement européen, voire des pays d'Europe centrale et orientale, pour étudier comment employer de façon plus intelligente les crédits communautaires, notamment les fonds structurels. M. Jean-Paul Delevoye, Ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a déjà contacté le Comité des régions à ce sujet ;

- sur les services d'intérêt économique général, le Gouvernement soutient l'adoption d'une directive cadre. D'ailleurs, dans le prolongement de la communication faite à ce sujet au Conseil européen de Séville, la Commission prépare un livre vert qui pourrait déboucher sur une directive cadre. La conception française fait son chemin au sein des Quinze ;

- s'agissant de la place de l'Europe sur la scène internationale, il revient à l'Union, non seulement de défendre un corpus de principes démocratiques et de valeurs, mais aussi de peser autant que possible sur la solution à apporter aux grands problèmes internationaux. A cette fin, elle doit en effet s'exprimer d'une seule voix. Il en a largement été ainsi à la conférence de Doha en novembre 2001, dans des domaines aussi importants que la santé publique ou l'environnement. C'est actuellement le cas dans le conflit du Proche-Orient, où le Ministre des affaires étrangères français a rappelé la position européenne. De même, le Président de la République a obtenu qu'au sommet de Johannesburg sur le développement durable, l'Union européenne et tous les chefs d'Etat et de gouvernement soient représentés ;

- au sujet de la PAC, la position du Gouvernement n'est pas statique. La PAC actuelle permet à la France d'être le premier pays exportateur mondial de produits agricoles transformés et le deuxième exportateur de produits agricoles non transformés, et le Gouvernement considère - comme d'ailleurs la plupart des partenaires européens et la Présidence danoise - qu'il ne faut pas mélanger le débat sur la PAC et celui sur l'élargissement. La proposition de la Commission remet en réalité davantage en cause les principes de la PAC que son financement. Le système actuel a globalement évité les problèmes de surproduction. Le Gouvernement est très favorable à la politique de développement rural. En revanche, il s'oppose au découplage des aides et à une refonte de la PAC qui déséquilibrerait la production agricole et, ce faisant, serait un mauvais signe envoyé aux pays candidats.

M. Patrick Hoguet a observé que le calendrier proposé pour l'élargissement lui paraissait ambitieux compte tenu des désaccords persistants sur les volets agricole et financier et de l'incertitude des ratifications envisagées dans les différents Etats. Après avoir rappelé que les tentatives pour élaborer une liste des compétences respectives de l'Union européenne et des Etats membres n'avaient pas abouti, il s'est interrogé sur le fait de laisser à la seule Cour de justice des Communautés européennes le soin de se prononcer sur les atteintes au principe de subsidiarité, et estimant que le débat sur la subsidiarité devait trouver une solution au niveau politique, par accord entre Parlements et Gouvernements, il a demandé quel rôle pourrait jouer à cet égard les parlements nationaux.

Citant l'exemple d'un syndicat de communes mis dans l'impossibilité d'effectuer une coupe de bois en raison de la présence de rapaces protégés, M. Pierre Forgues a souhaité savoir si les difficultés d'application de la directive Natura 2000 étaient levées et si une nouvelle rédaction du texte pouvait être envisagée afin d'éviter que la moitié des sites concernés par la directive n'aboutisse à des contentieux.

Soulignant la désaffection croissante des Français à l'égard des questions européennes, parce qu'ils voient trop souvent les contraintes imposées par l'Union et comprennent mal les procédures de décision, M. Daniel Garrigue a souhaité une clarification des compétences respectives de l'Union européenne et des Etats, une simplification des dispositifs nationaux, notamment pour l'engagement des aides et des fonds structurels, et un renforcement des procédures de contrôle. Il a regretté que les Délégations parlementaires pour l'Union européenne soient saisies de la transposition d'une directive à un moment où elles ne peuvent plus juridiquement la modifier. Il s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable d'accroître le rôle de la COSAC, sans pour cela qu'elle constitue une seconde chambre européenne. Il a relevé que le véritable défi européen consistait dans la capacité de l'Union à se positionner sur la scène internationale par rapport aux Etats-Unis. Enfin, évoquant les gens du voyage, il s'est interrogé sur la capacité de certains pays candidats à contrôler leurs migrations.

Mme Noëlle Lenoir a apporté les éléments de réponse suivants :

- la constitution d'un réseau « Natura 2000 », en application des directives « Oiseaux » et « Habitats », se heurte à de nombreuses difficultés, en raison de la nécessité de concilier l'application de ces directives avec le respect des traditions locales ;

- l'Union européenne consacrera 45 milliards d'euros en trois ans à l'élargissement, et de nouvelles perspectives financières seront élaborées pour la période 2007-2013. La présidence danoise est attachée à ce que le calendrier de l'élargissement soit respecté. La liste des pays du premier groupe sera arrêtée au dernier trimestre de l'année 2002. L'année 2003 sera consacrée au processus de ratification ; une incertitude subsiste sur l'organisation de nombreux référendums sur la ratification du traité d'adhésion ;

- le principe de subsidiarité a été introduit à la demande des Lander allemands. Il est souhaitable de mettre en place un mécanisme communautaire, de nature plus politique que juridictionnelle, visant à contrôler le respect du principe de subsidiarité a priori, sur saisine des parlements nationaux ;

- une clarification des compétences est nécessaire mais les compétences de l'Union européenne et des Etats membres ne pourront jamais être complètement délimitées, et certains débordements regrettables ont été décidés par les gouvernements des Etats membres ;

- un compromis entre l'Union européenne et les Etats-Unis a été trouvé sur la relation entre la Cour pénale internationale et les missions de maintien de la paix de l'ONU ;

- des opérations de maintien de la paix sous commandement de l'Union européenne, et utilisant les moyens de l'Otan, sont envisagées ;

- concernant le problème posé par les gens du voyage dans de nombreuses communes françaises, les négociations d'adhésion avec la Roumanie et la Hongrie comprennent des critères très stricts en matière de mouvements de population et des accords de réadmission ont été mis au point.

M. André Schneider a interrogé le Ministre sur les efforts que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour défendre le rôle européen de Strasbourg.

M. René-Paul Victoria a appelé l'attention sur la nécessité de consolider la place de l'Outre-mer au sein de l'Union européenne. Rappelant l'engagement du Président de la République de créer des centres de ressources documentaires européennes dans les départements et territoires d'Outre-mer, il a également proposé la création de centres de ressources dans chaque région métropolitaine, afin de rapprocher l'Union européenne des acteurs économiques et des élus locaux.

M. Jérôme Lambert a interrogé la Ministre sur la révision de la directive « Oiseaux », sur les modalités de la transposition de la directive sur le gaz, sur l'organisation de débats consacrés aux questions européennes en séance publique à l'Assemblée nationale, et sur la prise en compte des réseaux mafieux de prostitution dans les négociations d'élargissement engagées avec les PECO.

Evoquant « Natura 2000 », M. Thierry Mariani a souligné la perplexité de nombreux élus locaux. Il a souhaité connaître les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la chasse. Il a déclaré que la Ministre avait une obligation de résultat sur le taux de TVA dans la restauration.

M. Didier Quentin s'est associé aux questions posées par M. Mariani. Il a constaté une désaffection du sentiment européen dans l'opinion publique. Citant l'exemple de l'Allemagne, il s'est inquiété de l'évolution démographique en l'Europe. Il a jugé que le Parlement européen ne pourra acquérir une véritable légitimité que lorsque le mode de scrutin pour l'élection de ses membres aura été réformé.

Après avoir tenu à préciser qu'elle ne souhaitait pas que ses interventions précédentes, notamment celles relatives au taux réduit de TVA en matière de restauration, puissent être perçues comme traduisant un quelconque scepticisme quant aux chances de réussite des propositions françaises, Mme Noëlle Lenoir a apporté les réponses suivantes aux différents intervenants :

- la France, d'ailleurs appuyée par d'autres Etats membres, a réitéré sa détermination à ce qu'une session mensuelle soit tenue à Strasbourg par le Parlement européen. Pour renforcer la position française, des efforts doivent être entrepris en matière de réseaux transeuropéens, mais il s'agit là essentiellement d'une question budgétaire. En ce qui la concerne, elle appuiera toutes les initiatives permettant de réaliser au plus vite le TGV-Est ;

- la création de centres de ressources documentaires européennes au niveau régional est une excellente idée, qui pourrait prendre aussi appui sur les nouvelles technologies de l'information. On pourrait aussi envisager une décentralisation de « Sources d'Europe », organisme qui fera prochainement l'objet d'une étude ;

- le Gouvernement français travaille avec la Commission européenne en vue d'introduire une plus grande souplesse dans la fixation des dates d'ouverture et de clôture de la chasse et il semble que la Commission ne soit pas hostile à cette demande ;

- les négociations sur l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale s'accompagnent d'un contrôle sur la situation de l'état de droit dans ces pays. Des actions communautaires vont d'ailleurs être menées en ce qui concerne la traite des êtres humains. M. André Schneider ayant observé, en s'appuyant sur l'exemple de Strasbourg où les proxénètes tirent profit notamment de la différence de législation entre la France et l'Allemagne en matière de proxénétisme hôtelier, que ce problème méritait également une harmonisation des textes en vigueur dans les Etats membres, Mme Noëlle Lenoir a constaté que la solution passait par la création d'une Europe pénale. La France est d'ailleurs en pointe en matière d'harmonisation des législations contre la criminalité organisée ;

- la Convention sur l'avenir de l'Europe permettra de tenir des débats sur le rôle du Parlement européen et , en ce qui concerne les modalités de l'élection de ses membres, l'engagement du Gouvernement sera tenu dans les délais les plus brefs, même si certains parlementaires européens semblent réservés ;

- s'agissant de la transposition de la directive du 22 juin 1998 sur le marché intérieur du gaz naturel, Mme Nicole Fontaine, Ministre déléguée à l'industrie, a déjà indiqué qu'un projet de loi serait déposé prochainement et probablement examiné par le Parlement à l'automne.

Le Président Pierre Lequiller a sollicité l'appui de Mme Noëlle Lenoir pour que la Délégation pour l'Union européenne voit son rôle renforcé au sein de l'Assemblée nationale . En réponse à M. Jérôme Lambert, il a ainsi indiqué qu'il souhaitait que des débats européens aient lieu régulièrement en séance publique et qu'il allait s'entretenir de cette question avec le président de l'Assemblée nationale.

M. Patrick Hoguet a insisté sur la nécessaire liaison entre ces débats et l'actualité car l'expérience a prouvé que tout débat déconnecté de cette dernière donnait lieu à un fort absentéisme parlementaire et à une faible audience médiatique.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que, lors de la précédente législature, il avait obtenu un accord de principe pour qu'une séance de questions soit régulièrement consacrée aux problèmes européens. En effet, l'efficacité d'une telle procédure implique à la fois de la régularité et une diffusion télévisée.