DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 10

Réunion du mercredi 9 octobre 2002 à 9 heures 45

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que, lors de sa réunion du 25 septembre dernier, la Délégation avait refusé de lever la réserve d'examen parlementaire concernant la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d'emballages (document E 1915), dans l'attente d'un complément d'information sur le coût de ce dispositif et, plus généralement, sur le coût des normes européennes en matière d'environnement. La ministre de l'écologie et du développement durable, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ayant fourni des éléments de réponse satisfaisants par un courrier en date du 8 octobre 2002, il a proposé à la Délégation - qui l'a suivi - de lever la réserve d'examen parlementaire sur ce document.

Il a également indiqué qu'une demande d'examen en urgence de la lettre rectificative n° 2 à l'avant-projet de budget 2003 (document E 2098), visant notamment à créer un nouvel instrument financier destiné à faire face à des catastrophes majeures, lui avait été adressée par Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes le 2 octobre 2002. Il a précisé à la Délégation - qui en a pris acte - qu'il avait levé la réserve d'examen parlementaire sur ce texte par un courrier du 4 octobre 2002. La lettre rectificative n° 2 précitée a été adoptée par le Conseil Ecofin le 8 octobre 2002.

II. Informations relatives à la Délégation

La Délégation a désigné dix-neuf rapporteurs d'information :

MM. Jacques Floch et René André, sur la création d'un Procureur européen ;

M. Michel Herbillon, sur la diversité linguistique au sein de l'Union européenne ;

- M. Christian Philip, sur le deuxième paquet ferroviaire ;

M. Jean-Marie Sermier, sur la révision à mi-parcours de la politique agricole commune ;

M. René André, sur le processus d'élargissement de l'Union européenne ;

et sur chaque pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne :

- M. Jérôme Lambert : Bulgarie ;

- M. Christian Philip : Chypre ;

- M. André Schneider : Estonie ;

- M. Michel Delebarre : Hongrie ;

- M. Alfred Almont : Lettonie ;

- M. Pierre Lellouche : Lituanie ;

- M. Jacques Floch : Malte ;

- M. François Guillaume : Pologne ;

- M. Nicolas Dupont-Aignan : République tchèque ;

- M. Jacques Myard : Roumanie ;

- M. Jean-Pierre Abelin : Slovaquie ;

- M. Patrick Hoguet : Slovénie ;

- M. Guy Lengagne : Turquie.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué qu'il recevrait prochainement l'ensemble des ambassadeurs des pays candidats à l'adhésion et qu'il souhaitait que les rapporteurs d'information assistent à cette réunion, afin d'affirmer clairement l'intérêt de la Délégation et de l'Assemblée nationale pour le processus d'élargissement. Il a également précisé qu'il veillerait à associer ces rapporteurs aux rencontres qu'il peut avoir avec les différents ministres des affaires étrangères des pays candidats.

Par ailleurs, il a invité l'ensemble des membres de la Délégation à participer à la séance de la Convention sur l'avenir de l'Europe qui se tiendra à Bruxelles le mardi 29 octobre 2002 et qui sera consacrée au rôle des parlements nationaux. Des déplacements de l'ensemble de la Délégation à Bruxelles seront, en tout état de cause, régulièrement organisés.

III. Audition commune avec la Délégation pour l'Union européenne du Sénat de Mme Gisela Stuart, députée britannique, présidente du groupe de travail de la Convention sur l'avenir de l'Europe sur le rôle des parlements nationaux (audition ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller a d'abord indiqué qu'il s'agissait de la première réunion tenue conjointement avec la Délégation pour l'Union européenne du Sénat et que ce travail en commun devait se développer dans l'avenir, comme c'est notamment le cas dans le cadre des travaux de la Convention.

Il a ensuite accueilli Mme Gisela Stuart en soulignant l'importance centrale pour la Convention des travaux du groupe sur le rôle des parlements nationaux qu'elle préside.

Abordant les orientations qui se dégagent d'ores et déjà des travaux du groupe de travail, le Président Pierre Lequiller a évoqué le renforcement du contrôle des parlements nationaux sur les gouvernements, le rôle des parlements en matière de contrôle de la subsidiarité, l'intensification des relations entre parlements nationaux et le Parlement européen.

Il a également fait référence à l'idée d'un Congrès qui rassemblerait des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen.

M. Hubert Haenel, président de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, a souligné l'intérêt de tenir des réunions conjointes, rassemblant les deux délégations, pour approfondir des sujets d'intérêt commun. Il a félicité Mme Gisela Stuart pour la qualité de la présidence qu'elle exerce à la tête du groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux, et s'est dit très heureux d'avoir pu y participer personnellement. Il a considéré qu'un certain consensus se dégageait sur les objectifs à atteindre, s'agissant du rôle des parlements nationaux, mais qu'il convenait de poursuivre encore la réflexion commune sur les moyens les plus appropriés pour atteindre les objectifs fixés.

Après avoir remercié les délégations de leur accueil, Mme Gisela Stuart a souligné que l'étroite collaboration présidant, dans beaucoup d'Etats membres et notamment au Royaume-Uni, aux relations entre le Gouvernement et le Parlement en matière européenne, ne devait pas masquer le fait que les parlements ont un rôle propre à jouer dans ce domaine. Rappelant l'organisation des travaux de la Convention, elle a précisé que les conclusions des dix groupes de travail seraient toutes disponibles avant la fin de l'année. Elle a souligné l'intérêt qu'un consensus puisse progressivement se dégager sur les futures conclusions de la Convention, afin que la Conférence intergouvernementale, qui sera ensuite saisie de ces conclusions, soit amenée à les faire siennes.

Elle a estimé que le rôle des parlements nationaux au sein de l'Union européenne ne devait pas se limiter au seul contrôle des gouvernements. Elle a considéré que ce rôle était complémentaire de celui du Parlement européen. Soulignant que le groupe de travail avait examiné les divers systèmes de contrôle parlementaire sur l'activité européenne des gouvernements, en vigueur dans les différents Etats membres, elle a jugé que la réflexion sur le rôle des parlements nationaux devait prendre en compte la diversité des réalités nationales, du point de vue culturel, historique et politique, notant, par exemple, que la correspondance étroite entre l'Etat et la nation, existant dans le système français, ne se retrouve pas forcément dans les autres Etats membres.

Elle a souligné la nécessité d'améliorer le flux d'informations à destination des parlements nationaux, dont le contrôle doit s'effectuer le plus en amont possible. Le groupe de travail devrait formuler des recommandations en ce sens.

S'exprimant sur les conclusions du groupe de travail sur la subsidiarité présidé par M. Mendez de Vigo, Mme Gisela Stuart a marqué son accord avec un mécanisme qui permet aux parlements nationaux de jouer le rôle principal dans ce domaine, ce qui permettra de mieux ancrer la prise de décision européenne au sein des institutions nationales.

Reprenant à son compte les propos d'un député italien, Mme Gisela Stuart a estimé que le Parlement européen a le pouvoir mais pas de visage lorsque les parlements nationaux ont un visage mais pas le pouvoir en matière européenne. C'est pourquoi les propositions législatives de la Commission doivent être adressées directement aux parlements nationaux à qui il faut reconnaître le pouvoir de se prononcer. Pour autant, certaines questions restent en suspens à ce stade des travaux : faut-il permettre à chaque chambre d'émettre un avis motivé, ce qui risque de provoquer une inégalité entre les parlements monocaméraux et bicaméraux ? Quelle fonction précise pourrait avoir une réunion périodique entre parlementaires européens et parlementaires nationaux ?

Mme Gisela Stuart a alors évoqué l'instance de la COSAC, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elle doit évoluer. Il faudrait en premier lieu modifier son nom et la transformer en un Forum des parlements nationaux.

Dans le même temps, elle a souligné le besoin d'une meilleure coopération entre parlementaires européens et parlementaires nationaux, qui pourrait se réaliser au sein d'un Congrès ne disposant pas de pouvoir législatif.

A ce stade des travaux de la Convention, Mme Gisela Stuart a indiqué que le débat reste encore imprécis - mais ouvert - sur la composition et les attributions de ce Congrès. Elle a plaidé pour la création d'une semaine européenne au cours de laquelle chaque parlement national débattrait simultanément du programme législatif de la Commission. Le Congrès pourrait aussi se réunir lors de cette semaine.

En conclusion, Mme Gisela Stuart a insisté sur l'enjeu de la Convention, déclarant qu'il s'agit de faire un bond qualitatif en avant, à la veille de l'élargissement. Un échec aurait des conséquences durables, mais une convergence autour des nombreux points communs qui se dégagent permettrait de prendre des décisions qui se démarquent de l'ambiguïté qui prévaut trop souvent dans le débat européen.

Réagissant à ces propos, le Président Pierre Lequiller a remercié Mme Gisela Stuart pour la qualité et la précision de son intervention. Il a salué les orientations du groupe de travail qu'elle préside, et l'évolution du débat qui se développe sur l'idée du Congrès, étant entendu qu'il ne doit pas s'agir d'une nouvelle chambre dotée de compétences législatives.

Le Président Pierre Lequiller a précisé, à titre personnel, sa conception du Congrès : il devrait s'agir d'une instance composée pour un tiers de représentants du Parlement européen et pour deux tiers de représentants des parlements nationaux, qui se réunirait une fois par an pour un débat d'information sur le programme législatif de la Commission. Le Congrès pourrait aussi participer à la désignation d'un Président de l'Europe, proposée par le Conseil européen, qui disposerait ainsi d'une véritable légitimité des peuples. Le Congrès serait également compétent pour prendre part à la procédure de révision de la partie non constitutionnelle du futur traité européen.

Enfin, le Président Pierre Lequiller, réagissant aux propositions du groupe de travail de M. Mendez de Vigo sur la subsidiarité, a souhaité qu'une délégation permanente du Congrès puisse également adresser des avis motivés à la Commission européenne, sans retirer ce droit à chaque parlement national. Il s'agirait, par le biais d'un avis collectif émanant de cette délégation permanente du Congrès, de donner davantage de force au contrôle politique ex ante.

Le Président Hubert Haenel a souhaité que les propositions de la Convention soient simples, efficaces, et compréhensibles par les parlementaires nationaux. Il a jugé que l'idée d'un Congrès méritait d'être étudiée, mais qu'elle ne pourrait être précisée que dans le cadre de propositions globales sur l'architecture des institutions européennes.

Il a estimé que l'un des principaux problèmes à régler serait celui du rôle des parlements nationaux dans le déclenchement d'une procédure d'alerte, lorsque le principe de subsidiarité aura été méconnu par la Commission, puis dans la saisine de la juridiction compétente, qu'il s'agisse d'une juridiction ad hoc, ou d'une nouvelle chambre de la Cour de Justice des Communautés européennes.

Il a souhaité que la COSAC ne soit pas remise en cause, tant qu'aucune décision ne serait prise sur le rôle des parlements nationaux dans les institutions européennes. Il a contesté l'idée d'une représentation du Parlement européen au sein du Congrès.

Mme Elisabeth Guigou a remercié Gisela Stuart de la clarté et de la concision de sa présentation. Elle a estimé que les sujets abordés par le groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux étaient étroitement liés à ceux du groupe de travail sur la subsidiarité tout en soulignant certaines différences entre les deux groupes.

Elle a considéré que l'association des parlements nationaux à l'Union européenne permettrait de rapprocher les citoyens de l'Europe, en particulier dans la perspective de l'élargissement.

Elle a souhaité que les projets de textes européens soient automatiquement et directement transmis aux parlements nationaux par la Commission, et accompagnés d'une fiche « subsidiarité », pour permettre l'exercice du contrôle ex ante.

Elle s'est déclarée favorable à un avis motivé des parlements nationaux - avec en France la possibilité de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale -, sans que cet avis motivé ex ante soit une condition pour le déclenchement de la procédure ex post. En tout état de cause, le pouvoir d'initiative de la Commission ne doit pas être remis en cause.

Evoquant les différentes procédures envisageables pour le contrôle ex post, elle a souhaité que l'on évite une superposition trop complexe d'institutions.

Elle a reconnu que le fonctionnement de la COSAC actuelle n'était pas satisfaisant, mais elle a souhaité que le Congrès ne se substitue pas au Parlement européen et aux parlements nationaux, et contesté la proposition de créer une commission compétente en matière de subsidiarité au sein du Congrès.

Elle a estimé que l'Union européenne a besoin d'un Président, que l'opinion y est favorable, mais qu'il faudra prendre le temps de réfléchir au rôle qui lui serait attribué et aux modalités de sa désignation.

En conclusion, elle a jugé que les résultats des travaux du groupe de travail de la Convention sur le rôle des parlements nationaux étaient très prometteurs, et qu'ils permettraient de dégager des lignes de consensus, avant que les chefs d'Etat et de gouvernement ne prennent des décisions.

M. Michel Herbillon s'est déclaré intéressé par la proposition de Mme Gisela Stuart concernant l'institution d'une « semaine européenne », au cours de laquelle les parlements nationaux de l'Union débattraient simultanément des sujets européens. Cette initiative permettrait de donner davantage de visibilité aux activités de l'Union européenne.

Il a souhaité connaître la position de Mme Gisela Stuart sur les voies et les moyens d'une réforme de la COSAC. Il a notamment demandé si cette COSAC réformée allait se superposer au Congrès ou si l'un de ces organes était appelé à remplacer l'autre. En ce qui concerne le Congrès, il a interrogé Mme Gisela Stuart sur la composition de cette assemblée, la périodicité de ses travaux et ses compétences.

Enfin, M. Michel Herbillon a observé que l'accord de principe sur les deux objectifs de la réforme institutionnelle - rapprocher l'Europe des citoyens et rendre ses institutions plus efficaces, lisibles et compréhensibles - n'entraînait pas pour autant un accord sur les modalités de réalisation de cette réforme aussi bien entre les Etats membres qu'au sein même des parlements nationaux.

M. Patrick Hoguet a estimé souhaitable que les parlements nationaux jouent, aux côtés du Parlement européen, un rôle de médiateur entre les institutions européennes et les citoyens. S'agissant des mécanismes de contrôle de la subsidiarité, il a considéré que la procédure ex ante, impliquant la saisine de la Commission par les parlements nationaux, devait prévoir également la saisine du Conseil de l'Union européenne. Il a en effet jugé que la nature des litiges concernant la subsidiarité imposait le recours à une instance d'arbitrage politique, rôle normalement exercé par le Conseil. Il a donc estimé nécessaire que le Conseil prenne position sur chaque dossier ayant trait à la subsidiarité une fois la Commission saisie d'un avis sur la question.

En ce qui concerne le Congrès, M. Patrick Hoguet a rappelé une première expérience de congrès européen, réuni à la fin des années 1980, pour observer ensuite que celle-ci n'avait pas été concluante. Puis, il a souligné que si un tel Congrès devait être institué, ce dernier devrait logiquement axer ses travaux sur l'ordre du jour du Conseil européen. Cette compétence permettrait ainsi aux parlements nationaux d'exprimer leur avis sur le programme de travail du Conseil européen.

S'agissant de la COSAC, celle-ci devrait, à ses yeux, traiter plus spécifiquement des questions de subsidiarité. M. Patrick Hoguet a considéré que, dans ce cadre, la COSAC devait servir d'organe d'expression collective des parlements nationaux tout en laissant à ceux-ci la possibilité de se saisir individuellement des questions de subsidiarité.

M. Christian Philip s'est interrogé sur la possibilité de maintenir l'existence de la COSAC si un Congrès devait voir le jour. La coexistence de ces deux institutions serait problématique au regard de l'objectif de clarification et de simplification poursuivi par la Convention. Exprimant alors son accord avec l'une des remarques du Président Pierre Lequiller, il a estimé indispensable qu'aucune réforme n'aboutisse à la création d'une chambre supplémentaire. La création d'un organe composé pour partie de parlementaires nationaux et pour partie de parlementaires européens constitue une garantie dans ce sens. De plus, cet organe fonctionnera comme un lieu de dialogue permanent entre le Parlement européen et les parlements nationaux.

Puis M. Christian Philip a considéré, marquant ainsi son accord avec une observation de Mme Elisabeth Guigou, que l'octroi d'un droit de saisine aux parlements nationaux dans le cadre du contrôle de subsidiarité risquait d'aboutir à une inflation des saisines. En outre, la pertinence d'une telle procédure est rendue problématique par le fait que, parfois, ce sont les amendements apportés aux propositions initiales de la Commission européenne qui soulèvent des difficultés au regard du principe de subsidiarité.

M. Christian Philip a déclaré qu'il n'était pas favorable à l'institution d'une chambre spécialisée dans le contrôle de la subsidiarité au sein de la Cour de Justice des Communautés européennes. Il a jugé que cette évolution institutionnelle pouvait porter atteinte à l'autorité de la Cour de Justice et tendait à mélanger deux types de contrôle qui devaient rester distincts. Il a considéré, en revanche, qu'un mécanisme ad hoc pouvait être imaginé pour préserver le caractère spécifique du contrôle de subsidiarité.

Mme Gisela Stuart a apporté les éléments de réponse suivants :

- il convient de coordonner le débat tant au niveau national qu'au niveau européen. Or, si les électeurs peuvent demander des comptes à leurs élus pour leur politique nationale, ce n'est guère le cas s'agissant de la politique européenne ou de textes communautaires. De même, l'opinion peut demander à un Gouvernement de repousser une décision qu'elle ne juge pas opportune, alors qu'elle peut difficilement faire de même vis-à-vis des instances communautaires. Il faut donc faire en sorte que les parlementaires nationaux soient davantage associés à la décision communautaire afin qu'ils puissent rendre compte à leurs électeurs de celle-ci. Le principe de subsidiarité consiste avant tout en cela ;

- du point de vue pratique, la procédure pourrait être la suivante : la Commission ferait part de sa proposition ; les parlements nationaux pourraient demander, au nom du principe de subsidiarité, que le texte soit revu ; si la nouvelle mouture ne leur convenait pas, ils pourraient alors saisir le Conseil des ministres pour l'amener à trancher. Ce n'est qu'après ce contrôle politique qu'un recours juridictionnel pourrait avoir lieu. A ce sujet, Mme Gisela Stuart a marqué son accord avec Mme Elisabeth Guigou sur la nécessité de ne pas faire du dépôt d'un avis négatif par les parlements nationaux une condition pour exercer un recours juridictionnel, car cela pourrait inciter les parlements à multiplier les avis négatifs afin de se ménager la possibilité éventuelle d'un recours en justice ;

- la subsidiarité doit, en tout état de cause, être l'affaire des parlementaires nationaux, et non des parlementaires européens, qui risqueraient d'être en la matière juge et partie ;

- il ne serait enfin pas opportun, alors qu'on cherche à simplifier le fonctionnement des institutions communautaires, de créer un nouvel organe juridictionnel. D'autant que si le contrôle ex ante tel qu'il vient d'être présenté est appliqué, il devrait y avoir peu de recours juridictionnels pour manquement au principe de subsidiarité. C'est, d'ailleurs, au premier chef au pouvoir politique de décider de l'application de ce principe, plutôt qu'à une instance juridictionnelle.

M. Daniel Garrigue a rappelé qu'il existait deux approches possibles de la subsidiarité : l'une, empirique, liée à la notion de proportionnalité, consistant à s'en remettre à la Commission et à la Cour de justice ; l'autre, formaliste, plus conforme à la tradition française, qui tend à définir avec précision les compétences respectives de l'Union et des Etats. Il faudra bien, selon lui, choisir entre ces deux approches.

Par ailleurs, s'agissant de la façon dont les parlements nationaux rendront leur avis motivé, il n'est pas souhaitable de fixer des règles uniformes : mieux vaut au contraire laisser les Etats déterminer celles-ci librement en fonction de la spécificité de leur régime constitutionnel.

Enfin, M. Daniel Garrigue a estimé, au sujet du contrôle ex post, qu'il devrait être exercé par un nouvel organe, distinct de la Cour de justice, faute de quoi continuera à prévaloir la jurisprudence traditionnelle de la Cour.

M. René André a indiqué que de nombreux parlementaires français étaient encore attachés à l'idée de créer une deuxième chambre au sein de l'Union européenne. Ce n'est pas, selon lui, parce que le Parlement européen y est opposé que l'on doit pour autant y renoncer. Il a considéré par ailleurs que si le Congrès devait se réunir tous les cinq ans ou consister en une grande messe annuelle, il perdrait de son utilité. S'il était en revanche conçu comme une véritable instance de débat et de proposition, il deviendrait naturellement une deuxième chambre. De toute façon, il devrait être, selon lui, la seule émanation des parlements nationaux, et de toutes les chambres. A défaut, on créerait un mélange des genres. Pour le reste, il existe suffisamment de structures permettant aux parlementaires nationaux et européens de se rencontrer.

Il a, d'autre part, exprimé son accord sur le contrôle ex ante qui a été présenté. Il s'est dit, en revanche, opposé à ce que le contrôle ex post soit confié à une formation de la Cour de justice. Il a considéré que cette mission devait au contraire être exercée par un organe non judiciaire et ad hoc.

M. Yann Gaillard a souligné qu'en ce qui concerne le contrôle de subsidiarité, le contrôle ex post ne doit en effet pas dépendre de celui exercé ex ante. S'agissant du bicamérisme, le contrôle de la subsidiarité devrait être assuré selon une procédure comparable à la procédure législative, à savoir la navette entre les deux chambres avec possibilité de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale, quoique l'ensemble doive être examiné dans des délais plus brefs qu'en matière législative. Il ne faudrait pas non plus que les deux chambres d'un même pays puissent donner deux avis différents sur un même sujet, au risque d'entamer le crédit et l'influence du Parlement à l'extérieur. Quant aux députés européens, ils n'ont pas à être associés au contrôle, parce qu'ils interviennent déjà directement dans la procédure européenne. Le Congrès en revanche pourrait être composé de parlementaires nationaux ainsi que de parlementaires européens, s'il n'intervient pas dans le contrôle de la subsidiarité. Enfin, il apparaît difficile de maintenir la COSAC si le Congrès est créé, et de superposer les deux institutions.

Le Président Hubert Haenel a précisé qu'il faut laisser s'appliquer, en matière de contrôle de subsidiarité, le système constitutionnel propre à chaque Etat membre. Notamment, ne pas reconnaître de rôle aux secondes chambres des Etats membres poserait un problème au moment de la ratification du traité constitutionnel. Elles permettent au demeurant d'associer au contrôle les entités régionales ou les Etats fédérés des Etats membres : le Sénat français, par exemple, assure la représentation des collectivités territoriales, tout comme le Bundesrat assure celle des Länder. Ecarter les secondes chambres exigerait par conséquent de trouver un autre moyen d'associer au contrôle collectivités locales et régions autonomes.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a rappelé sa double expérience, en tant que sénateur et parlementaire européen, s'étonnant que l'on puisse négliger le rôle du Sénat, tout aussi intéressé que l'Assemblée nationale à la législation communautaire. Il a souligné le désarroi des parlementaires européens, au moins français, devant l'incertitude où ils sont laissés par des parlements nationaux qui gardent le silence ou ne prennent pas position sur certains textes, insistant sur la nécessité de trouver un lieu de rencontre entre les parlementaires européens et nationaux, que ce soit le Congrès ou une « semaine européenne ». Il y a une inquiétude et une frustration, de la part des citoyens comme des parlementaires nationaux, en face de la prolifération des normes européennes, et les réponses à ces préoccupations restent trop souvent confuses. Il faut que les parlements nationaux s'expriment, ce qui exige un contrôle efficace de la subsidiarité, et le Congrès européen ne constituerait sans doute pas une bonne réponse, s'il ne se réunit qu'une fois par an. Il faut une réponse plus appropriée.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que son idée n'est pas de créer un système plus compliqué, mais qu'un Congrès exerçant un contrôle ex ante qui réunisse parlementaires nationaux et européens aurait des effets positifs. Associer les parlementaires européens au contrôle de subsidiarité permettrait en effet de les sensibiliser à cette question. En outre, un contrôle exercé par une commission permanente du Congrès présente l'avantage de conduire à l'adoption d'une position collective européenne ayant davantage de poids que celle d'un parlement national isolé.

Mme Gisela Stuart a exprimé sa conviction que les institutions de base de la citoyenneté se situent au niveau de l'Etat-nation. Chaque pays doit donc décider seul comment il associera ses assemblées régionales ou ses Etats fédérés. Le but est de permettre aux parlements nationaux de s'exprimer sur le respect de la subsidiarité. Au départ, les Allemands voulaient un catalogue de compétences, mais après réflexion, cette solution est apparue trop rigide. La subsidiarité est en effet souvent une question de proportionnalité, sur laquelle les parlements nationaux doivent pouvoir intervenir. Il faudrait, à un stade de la procédure, un avis collectif, mais dans un cadre qui ne doit pas être trop formel, parce que le processus doit être rapide. Un forum de rencontre est nécessaire, mais il ne s'agit pourtant pas de créer une seconde chambre, même si cette évolution, à terme, est envisageable. Les compétences des parlements nationaux doivent être rassemblées et les meilleures pratiques échangées, ce qui ne peut se passer au niveau du Parlement européen. Le Congrès constitue également l'occasion d'incarner concrètement, en un moment solennel, l'identité européenne, d'une manière directement perceptible et visible pour les citoyens européens.

M. Patrick Hoguet a estimé que les travaux du Congrès devraient pouvoir être liés à l'ordre du jour des conseils européens, ce qui permettrait au Congrès de s'exprimer à cette occasion et de donner son avis sur les préoccupations des chefs d'Etat et de gouvernement.

Le Président Hubert Haenel s'est déclaré favorable à la mise en place d'une « semaine européenne » dans tous les parlements nationaux des Etats membres, une fois par an, qui permettrait d'adresser des messages clairs aux opinions publiques. Il a estimé que l'institution de la COSAC devrait être conservée, parce qu'elle est utile, et a approuvé les propositions de la présidence danoise à son sujet. En ce qui concerne le contrôle ex post de subsidiarité, la mise en place d'une juridiction ad hoc représenterait un coût, qui doit être évalué, mais qui n'est pas nécessairement important. Le groupe de travail devrait également rappeler dans son rapport que la méthode conventionnelle est une bonne méthode, en amont des conférences intergouvernementales, pour réviser les traités. Quant à l'idée de créer un Congrès, c'est une idée intéressante, qui doit être précisée davantage.

Mme Gisela Stuart a déclaré qu'il fallait, en tout état de cause, laisser cette idée cheminer lentement au sein de la Convention et dans les esprits, s'engageant à ce que le rapport de son groupe mentionne que la méthode conventionnelle est effectivement très positive pour réviser les traités.

Le Président Pierre Lequiller, en conclusion, a estimé que la Convention devait formuler des propositions suffisamment précises pour être prises en compte à la Conférence intergouvernementale. Le rôle des présidents des groupes de travail est très important à cet égard, en particulier celui de Mme Gisela Stuart, parce que, comme l'a déclaré le président de la Convention, M. Valéry Giscard d'Estaing, il ne se conçoit pas que l'Europe continue à fonctionner sans les parlements nationaux.