DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 13

Réunion du jeudi 24 octobre 2002 à 9 heures 45

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président
et, pour l'audition commune, de M. Emile Blessig,
Président de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire

I. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur les dix textes suivants figurant en point A de l'ordre du jour :

¬ Agriculture

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1258/1999 relatif au financement de la politique agricole commune (document E 2043) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/97 du Conseil en ce qui concerne l'utilisation des points d'arrêt (document E 2084).

¬ Commerce extérieur

- proposition de règlement du Conseil fixant le régime applicable aux produits agricoles et aux marchandises résultant de leur transformation, originaires des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Etats ACP) (document E 2081).

¬ Pêche

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échanges de lettres relatifs à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République d'Angola concernant la pêche au large de l'Angola pour la période allant du 3 mai 2002 au 2 août 2002 (document E 2079) ;

- proposition de règlement du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République d'Angola concernant la pêche au large de l'Angola pour la période allant du 3 mai 2002 au 2 août 2002 (document E 2080) ;

- proposition de décision du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord entre la Communauté économique européenne et la République démocratique de Sao Tomé e Principe concernant la pêche au large de Sao Tomé, pour la période du 1er juin 2002 au 31 mai 2005 (document E 2082) ;

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord entre la Communauté économique européenne et la République démocratique de Sao Tomé e Principe concernant la pêche au large de Sao Tomé, pour la période du 1er juin 2002 au 31 mai 2005 (document E 2083) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n  1936/2001 du Conseil du 27 septembre 2001 établissant certaines mesures de contrôle applicables aux activités de pêche de certains stocks de poissons grands migrateurs (document E 2086) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1035/2001 du Conseil établissant un schéma de documentation des captures pour le dissostichus spp (document E 2087).

¬ Questions budgétaires et fiscales

- proposition de modification des actes constitutifs des organismes
communautaires suite à l'adoption du nouveau règlement financier (document E 2089).

Par ailleurs, la Délégation a pris acte de la levée de la réserve d'examen parlementaire selon la procédure en urgence sur les cinq textes suivants :

- projet de règlement (CE) de la Commission portant règlement financier cadre des organismes visés à l'article 185 du règlement (CE-Euratom) du Conseil (règlement financier applicable au budget général) (document E 2088) ;

- proposition de règlement du Conseil instituant le Fonds de solidarité de l'Union européenne (document E 2100) ;

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'importance de ce texte, qui constitue la réponse de l'Union européenne aux inondations qui ont récemment touché l'Europe orientale et certains pays candidats. L'objectif du fonds de solidarité est d'apporter une aide rapide dans le cas de catastrophes majeures survenant dans un Etat membre ou un pays dont l'adhésion est en cours de négociation.

Pour entrer dans le champ de l'aide, la catastrophe concernée devra être de grande ampleur. Il faudra qu'elle ait occasionné des dégâts estimés à plus de trois milliards d'euros ou bien qu'elle représente plus de 0,6 % du PIB de l'État touché, cette dernière proposition étant plus particulièrement favorable aux petits Etats. Par ailleurs, dans des circonstances exceptionnelles, une catastrophe pourrait également ouvrir droit à l'aide du fonds, si elle affecte une partie substantielle de la population de la région ou de l'Etat concerné.

Le domaine d'activité du fonds ne couvrirait que la réponse aux besoins les plus urgents, la reconstruction à long terme devant être du ressort d'autres instruments. L'aide communautaire viendrait s'ajouter aux efforts des pays concernés. Elle aurait notamment pour objet de :

- rétablir immédiatement les approvisionnements en eau et en énergie, les réseaux de communication et de transport, les structures de santé ;

- reloger provisoirement les habitants ;

- assainir les zones naturelles endommagées.

L'enveloppe budgétaire du fonds serait fixée au minimum à cinq cents millions d'euros en 2002 et à un milliard d'euros par la suite.

Devant l'émotion générale qu'ont suscitée dans l'opinion les inondations historiques du mois d'août 2002, la Commission n'a pas craint d'utiliser en l'espèce une procédure qui requière l'unanimité des Etats, car un accord politique d'ensemble s'est dégagé dès l'origine pour instituer rapidement un fonds de solidarité européen.

Entre temps, des dissensions sont cependant apparues entre le Conseil et le Parlement, rétif à précipiter sa prise de position. Quoiqu'il ait semblé à l'origine que le Parlement dût seulement être consulté, il a adopté au cours des consultations une attitude réticente qui n'a pu être surmontée que par les importantes concessions que le Conseil lui a faites.

C'est à ce prix que les premiers fonds pourront être libérés dès le 1er novembre, conformément à l'objectif initialement fixé.

Un accord politique sur ce projet de règlement est intervenu le 22 octobre 2002.

La France contribuera à hauteur de 17 % au financement du fonds, ce qui correspond à la part de son PIB dans le PIB de l'Union. Cette dépense supplémentaire, mais par définition imprévisible, pourra ainsi s'élever jusqu'à 170 millions d'euros par an.

Le Président Pierre Lequiller a rapporté les récents propos de M. Javier Solana, lors de la réunion du groupe de travail « action extérieure » de la Convention : il est indispensable que l'Europe soit capable de réagir plus rapidement lorsque les circonstances l'exigent, que ce soit à la suite d'une catastrophe naturelle ou pour aider l'Afghanistan et la Bosnie. Le Président a regretté que, dans le cas des secours d'urgence apportés à l'Allemagne orientale, la procédure ait été très longue et les aides financières trop tardives ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, d'un accord sous forme de protocole d'accord entre la Communauté européenne et la République fédérative du Brésil concernant des arrangements dans le domaine de l'accès au marché des produits textiles et d'habillement, et autorisant son application provisoire (document E 2106) ;

- projet de règlement de la Commission portant modalités d'exécution du règlement (CE) du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (document E 2107) ;

- projet de position commune du Conseil 2002/.../PESC modifiant et prorogeant la position commune 96/635/PESC relative à la Birmanie/au Myanmar (document E 2117).

Enfin, la Délégation a pris acte de l'accord tacite de l'Assemblée nationale, en vertu d'une procédure mise en œuvre en 2000, dont a fait l'objet la proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne et la France à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 3 de la directive 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (document E 2095).

II. Convention sur l'avenir de l'Europe

M. Marc Laffineur a évoqué certaines informations parues dans la presse, critiquant le flou des positions françaises à la Convention.

Le Président Pierre Lequiller a répondu que la Délégation avait eu le bénéfice de la première prise de position officielle de la France sur les principaux enjeux de la Convention, lors de l'audition du ministre des affaires étrangères, M. Dominique de Villepin.

Il a toutefois estimé qu'il était préférable de ne pas adopter, à ce stade, une position trop rigide sur certains sujets, afin de conserver une marge de négociation.

Il a souligné que l'Espagne et l'Allemagne n'avaient pas non plus une attitude unitaire et définitive. Les conventionnels français sont réunis par la ministre des affaires européennes avant chaque séance plénière, ce qui permet la recherche de points de vue communs.

Il a enfin rappelé que lors des travaux de la Convention et de ses groupes de travail, les propositions les plus fortes avaient été formulées par la France.

III. Audition, commune avec la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, sur l'amélioration de la gestion des fonds structurels européens

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'intérêt de réunions tenues conjointement par la Délégation avec les autres commissions et délégations de l'Assemblée, et a précisé qu'il s'agissait de la première réunion commune avec la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire.

Il a estimé qu'il était important de faire le point sur l'organisation et le fonctionnement des fonds structurels européens. Beaucoup d'idées fausses circulent à propos du fonctionnement de ces fonds, notamment celle selon laquelle la responsabilité des difficultés rencontrées incombe à la Commission européenne, alors qu'en réalité ce sont souvent les Etats membres eux-mêmes qui sont responsables des dysfonctionnements constatés. Il a salué les initiatives prises très rapidement par le Gouvernement dans ce domaine, pour rendre l'utilisation des fonds structurels plus simple et plus rapide et éviter une pénalisation financière de la France. Il a souhaité que l'apport des fonds structurels européens au développement régional soit davantage mis en valeur auprès des citoyens, comme c'est le cas en Espagne ou au Portugal.

Le Président Emile Blessig a souligné l'intérêt de réunions communes entre les différentes commissions et délégations de l'Assemblée. Il a indiqué que la délégation qu'il préside avait, dès le début de ses travaux, posé le problème de la sous-consommation chronique des fonds structurels européens par la France. Il a noté que le Gouvernement s'était attaqué très vite à cette question. Il a par ailleurs souhaité que soient abordées les conséquences de l'élargissement pour les fonds structurels et l'aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a considéré que l'utilisation des fonds structurels constituait un sujet essentiel, souvent sous-évalué. Il a souligné l'importance du rôle joué par les fonds structurels pour le développement régional, mettant en exergue leur effet de rattrapage économique, dont notamment l'Espagne, le Portugal et l'Irlande ont bénéficié au cours de la décennie 1988-1998, et les conséquences majeures des fonds structurels pour la cohésion économique et sociale de l'Europe. Il a précisé que le Gouvernement avait souhaité que soit maintenue au niveau européen la règle selon laquelle, au terme d'une période de deux ans, les crédits non utilisés sont perdus, afin de conserver la rigueur nécessaire pour l'utilisation des fonds. Il a indiqué que l'utilisation par la France des fonds structurels se trouvait en juin dernier en retard important de consommation par rapport aux niveaux prévus, tant en programmation qu'en exécution.

Le ministre a souligné que cette sous-consommation était liée à un manque de projets, conséquence d'une complexité excessive des procédures. Il a précisé que cette complexité n'était pas seulement le fait de la Commission européenne mais des administrations françaises. Il a indiqué que certaines administrations nationales considéraient favorablement la sous-utilisation des fonds européens, y voyant un élément de modération des dépenses publiques, du fait de la règle de la contrepartie nationale aux fonds européens. Il a rappelé que le Gouvernement avait, dès la fin juillet, pris un ensemble de mesures destinées à simplifier les procédures et à raccourcir les délais, parmi lesquelles : la suppression des conventions en-dessous d'un certain seuil, une procédure d'examen global des dossiers lorsque plusieurs projets sont liés, la déconcentration plus rapide des crédits au niveau des préfets de région sous la forme de fonds de concours locaux, la mise en concurrence du Trésor public avec d'autres structures, dont la Caisse des dépôts et consignations. Il a estimé que les administrations concernées avaient réagi rapidement et positivement à ces mesures. Il a indiqué que le champ d'utilisation des fonds structurels avait été étendu à certains domaines essentiels pour le développement régional - comme la téléphonie mobile - et que le Gouvernement avait en outre obtenu de la Commission européenne une révision immédiate des documents de programmation (DOCUP), à condition que cette modification ne remette pas en cause l'économie générale des projets.

Dans les régions, un dispositif d'animation a été mis en place. Les SGAR (Secrétariats généraux pour les affaires régionales) peuvent désormais mobiliser les fonds par eux-mêmes et mettent en place avec l'aide du partenariat régional l'ingénierie administrative aux auteurs de projets. Sans ces relais, les projets ne peuvent en effet se dérouler convenablement. Sur le plan national, la DATAR a formé un autre dispositif d'animation qui vient en appui des dispositifs régionaux.

Il s'est félicité de ce que le décret de décembre 1999 soit en cours de révision, de façon à ce que les subventions d'Etat puissent bientôt être versées alors même que les travaux auraient déjà été engagés. La modification devrait être adoptée avant la fin de l'année.

M. Jean-Paul Delevoye a rappelé que, dès maintenant, les services devaient se concentrer davantage sur l'ingénierie des projets, soulignant que les collectivités territoriales devaient être mieux associées à ces derniers. Dans l'immédiat, les taux de cofinancement communautaire avaient été portés à leur maximum, soit 50 % en métropole pour les zones d'Objectif 2, et même 75 % pour l'Objectif 1 dans les départements d'outre-mer.

Il a mentionné ensuite l'expérience en cours en Alsace, où la gestion des programmes a été transférée à la région. Il a subordonné l'extension du dispositif aux conclusions qui pourraient être tirées de cette première expérience. Il a indiqué qu'un tableau des régions avait été dressé, où les résultats de chacune étaient régulièrement mis à jour.

Le ministre s'est réjoui que les taux de programmation des crédits soient ainsi passés en quatre mois de 15 à 19 %, même si cela est encore insuffisant. Il a salué la mobilisation des SGAR, qui a attiré des éloges du commissaire Michel Barnier.

Quant à la réunion qui s'est tenue à Bruxelles le 7 octobre, le ministre a souligné qu'elle faisait apparaître que la Commission elle-même était soumise à des contrôles stricts de la commission de contrôle du Parlement européen et, en dernier ressort, de la Cour des comptes européenne. Il est cependant apparu que, dans cet encadrement maintenu, la Commission était toute disposée à réviser immédiatement les documents de programmation. Désormais, les avances pourront être considérées comme des dépenses susceptibles de subventions et les comités de suivi seront mieux coordonnés.

Sur l'avenir des fonds structurels après 2006, le ministre a annoncé l'existence d'un mémorandum français qui se déclare favorable à leur reconduction. Nombre des Etats membres aujourd'hui y émettent pourtant des objections, l'Allemagne ne comprenant pas l'utilité de passer par les autorités communautaires pour venir en aide à ses provinces orientales, tandis que les pays du Nord saisissent mal la raison d'être même desdits fonds. En tout état de cause, la France pourrait perdre après 2006 en partie le bénéfice des fonds de l'actuel Objectif 2 du fait de l'entrée des nouveaux Etats membres. Pour l'outre-mer cependant, l'Objectif 1 devrait pouvoir continuer à apporter son aide après 2006.

Le commissaire Michel Barnier est, quant à lui, partisan de reconduire cette politique régionale. Les futurs objectifs seraient encore à débattre et il serait possible d'y inclure la politique urbaine ou la préservation des espaces naturels. Le problème de fond est cependant budgétaire, du fait des dissensions entre bénéficiaires et contributeurs nets.

Le ministre a abordé quelques points particuliers : le programme Leader +, le programme Interreg et le récent Fonds de solidarité aux sinistrés des catastrophes naturelles.

Il apparaît aujourd'hui que le programme Leader + aura mis trois ans pour se mettre en marche, tout comme le précédent programme de ce nom.

Le programme Interreg est peut-être plus difficile encore à mettre en place, du fait de règles compliquées de mobilisation des fonds. À cet égard, la DATAR réfléchit en ce moment à la coopération transfrontalière. Le ministre a cité les exemples des migrations de personnel hospitalier, du grand nombre de travailleurs frontaliers lorrains au Luxembourg, des besoins ressentis aussi dans la région belgo-lilloise. Le ministre a souligné que, dans tous ces points, la dynamique du territoire dépassait les frontières.

Le Gouvernement espère que le fonds de solidarité récemment créé permettra d'indemniser les sinistrés du Gard.

Revenant ensuite à l'exemple alsacien, il a nettement signifié que les transferts du paiement et de la gestion devaient aller de pair avec un transfert de responsabilité juridique. Aujourd'hui encore, seul l'Etat peut être, du point de vue européen, incriminé en cas de paiements indus. À l'avenir, ce devrait être aux régions, si elles deviennent autorités de gestion, de rembourser les aides irrégulièrement versées.

Le ministre a ainsi attiré l'attention sur le fait qu'une délégation totale emportait de lourdes responsabilités, et qu'elle était peut-être susceptible elle aussi d'alourdir la procédure et d'allonger les délais. Aussi s'est-il déclaré plutôt partisan d'un partenariat plus efficace entre préfets et présidents de région, fût-ce sous une forme informelle.

M. Nicolas Jacquet, délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, a indiqué combien les dispositifs d'animation régionaux pouvaient être des pôles efficaces s'ils savaient rassembler les moyens aujourd'hui dispersés. L'objectif est d'assigner à chaque ressource, à chaque projet un organisme et un groupe d'experts donnés. Les projets de défrichage pourraient ainsi relever d'un certain groupe d'études tandis que la Caisse des dépôts prendrait en charge les projets d'action économique.

Parallèlement, la DATAR a mis en réseau toutes les informations disponibles sur les projets qui réussissent, de sorte que les futurs concepteurs sachent où prendre le meilleur exemple. Les techniques nouvelles apportent un grand secours à cet égard. Un réseau REPERE (Réseau d'échange sur les programmes européens régionaux) utilise ainsi les différents canaux d'un numéro vert, d'un portail internet et d'un réseau intranet.

Le Président Pierre Lequiller a félicité le ministre pour son action, qui a permis d'augmenter en quelques mois le taux de programmation des crédits. Il l'a interrogé sur le fait de savoir si la bonne utilisation des fonds structurels par l'Allemagne était due à son organisation régionalisée autour des Länder. Constatant par ailleurs de nettes différences dans le taux d'utilisation des crédits selon les régions - qui est bon dans des régions comme l'Auvergne ou la Bourgogne, mais mauvais pour le Nord-Pas-de-Calais, selon des éléments chiffrés distribués aux députés -, il lui a demandé à quoi elles tenaient.

M. Marc Laffineur s'est enquis de savoir s'il était vrai que pour bénéficier de fonds structurels, il était nécessaire de passer un contrat avec l'Etat ou la région, alors même que cette contrainte est une source de blocage. S'agissant de la période postérieure à 2006, il a indiqué qu'il voyait mal comment on pouvait s'opposer à la reconduction des fonds structurels, au regard à la fois de ses effets positifs - notamment dans des pays comme l'Irlande ou le Portugal - et des besoins des futurs Etats membres. En effet, comment, sans ces fonds, aider ces Etats dans le cadre de l'élargissement ?

M. Edouard Landrain a posé la question du bien-fondé du mode de financement actuel. Il s'est étonné que, dans un même pays, certaines zones soient éligibles et d'autres pas. Ne faudrait-il pas davantage se déterminer, pour l'attribution des crédits, en fonction de l'utilité des projets plutôt que de zones déterminées, dont les limites présentent une inévitable part d'arbitraire ?

En réponse à ces interventions, M. Jean-Paul Delevoye a apporté les éléments de réponse suivants :

- la bonne utilisation des fonds structurels dépend moins des acteurs choisis que des procédures retenues : si les régions françaises avaient été soumises aux mêmes règles que les Länder allemands, elles auraient sans doute enregistré les mêmes résultats ; la rapidité avec laquelle l'Allemagne a réagi face aux problèmes provoqués par les inondations atteste son efficacité en la matière. Il faut donc alléger les procédures applicables en France et passer d'une culture du soupçon à une culture de la confiance - autrement dit faire confiance aux préfets pour l'utilisation des fonds et apprécier leur action en fonction des résultats obtenus ;

- les différences de performance selon les régions dépendent de l'importance des projets réalisés. Il convient de rappeler à cet égard combien la fin 2003 sera une échéance capitale : si la France n'a pas exécuté 15 % de ses crédits d'ici là, elle perdra une partie des fonds qui lui sont réservés. Si on veut éviter cela, il est nécessaire que les décisions relatives à ces projets soient prises et engagées au plus tard vers mars ou avril 2003 et que la définition des projets soit achevée d'ici la fin de cette année ;

- le Gouvernement entend alléger les règles actuelles en matière de contractualisation et s'attacher davantage à la qualité des projets qu'à la structure juridique chargée de leur financement ou de leur mise en œuvre. Cette souplesse est d'autant plus nécessaire au regard de l'échéance de la fin de 2003. Elle devra s'appliquer notamment aux petits projets, susceptibles d'être réalisés dans des délais rapides ;

- le rôle des fonds structurels après 2006 est au cœur des réflexions actuelles de la Commission. L'Union européenne devra inévitablement aider les nouveaux Etats membres, mais ces fonds devraient pouvoir bénéficier à l'ensemble de l'espace européen : les besoins en matière de revalorisation des espaces urbains le montrent notamment. Cependant, si la France n'avait pas bien utilisé ses crédits, il lui serait plus difficile de défendre cette position. Cela doit nous conduire à une attention particulière à l'égard des régions d'outre-mer, qui peuvent connaître des problèmes de financement ;

- le financement des projets repose sur l'idée d'une responsabilité partagée. Mais ce qui importe surtout est l'effet de levier provoqué par l'injection des fonds. Quand on regarde l'évolution du PIB par habitant concernant les zones d'Objectif 1 au cours de la dernière période d'exécution, on constate par exemple que l'Espagne est passée de 62 à 67 % du PIB moyen communautaire, l'Irlande de 64 à 108 % et la France de 49 à 56 %. Certes, les fonds structurels ne constituent pas le seul moteur de cette évolution - il faut aussi prendre en compte l'environnement réglementaire ou fiscal notamment -, mais ils peuvent jouer un rôle déterminant. Par ailleurs, on peut mesurer ces effets à l'aune de différents critères : la création d'emploi, mais aussi le supplément de valeur ajoutée ou la croissance du PIB ;

- la définition des zones éligibles ne peut être remise en cause pour l'instant, car elle est déterminée par un accord entre les Quinze. Cependant, cette question appelle sans doute une réflexion, voire une réforme à l'avenir, tant les règles relatives au zonage constituent aujourd'hui une source inutile de confusion ;

- le pays doit être un espace de projet porté par une structure juridique souple et non un espace d'exécution. Par ailleurs, il faut éviter que cet échelon ne soit instrumentalisé à des fins de pouvoir par le département et la région. D'une manière générale, l'attitude des administrations et des élus les conduit à analyser les enjeux des projets en termes de répartition du pouvoir et non sous l'angle de la pertinence de l'action envisagée. Cette attitude très humaine inspire aussi la façon dont est perçue la règle du cofinancement. Il est donc nécessaire, comme le montre l'exemple des régions italiennes, de désigner une administration chef de file, qui engage toutes les administrations de l'Etat, et permet ainsi d'éviter au porteur d'un projet d'engager un parcours du combattant auprès de tous les niveaux de collectivité.

M. René André a observé que, dans ce domaine, chaque niveau d'administration locale voulant préserver ses prérogatives, il était effectivement souhaitable de désigner un chef de file pour la définition et la mise en œuvre des projets. Il a considéré que le département avait parfois tendance à vouloir empêcher le pays d'exister en matière de développement de projets, ce qui l'a conduit à se demander s'il était utile de conserver l'échelon du pays.

Le Président Emile Blessig a estimé que les propos du ministre et du délégué de la DATAR tendaient à démontrer l'atout que constitue la simplification administrative pour la compétitivité et l'attractivité des territoires. Les performances des Etats membres en matière de consommation des crédits des fonds structurels doivent certainement refléter l'efficacité de leur organisation territoriale. Il a jugé que la règle de la contrepartie nationale pour le financement des projets pesait sur les collectivités des départements d'outre-mer, situées en régions d'Objectif 1. En effet, ces collectivités ne parvenaient pas toujours à mobiliser des fonds pour soutenir des projets intéressant leur développement. M. Emile Blessig a observé que le manque de réactivité des territoires était parfois dû à l'absence d'équipes spécialisées dans l'ingénierie territoriale. Il a déclaré que le grand débat à venir sur la politique régionale allait porter sur la nécessaire conciliation entre la correction des efforts de péréquation et la capacité de soutenir l'excellence des projets.

M. Jacques Le Nay a déclaré que les propos du ministre sur les conséquences que pouvaient entraîner la sous-exécution des crédits et les réformes nécessaires à engager annonçaient en fait une véritable révolution. Les communes sont ainsi souvent mal placées pour mener à bien des projets en raison notamment des règles qui parfois les empêchent de percevoir des crédits européens lorsqu'elles sont bénéficiaires de certains fonds nationaux. Il a néanmoins estimé possible d'améliorer la gestion des fonds de la politique régionale et souhaité que dans ce but la volonté du ministre puisse se traduire dans les faits. Observant par ailleurs que le ministre n'était pas favorable à la méthode du zonage, il a considéré que l'élargissement, en accentuant les disparités entre régions, rendait nécessaire l'invention de systèmes de péréquation efficaces.

M. Pierre Forgues a émis des doutes sur le résultat qu'obtiendrait le ministre dans sa volonté de substituer une culture de projet à la culture du pouvoir. Il a souligné le paradoxe d'une situation dans laquelle la France souhaite réformer sa pratique administrative alors qu'elle ne bénéficiera plus des fonds structurels après l'élargissement. Il a ensuite posé trois questions au ministre. L'exigence de cofinancement local ou national est-elle imposée par le droit communautaire ? Comment se fait-il qu'un projet de la région Midi-Pyrénées visant à construire une gare multimodale se soit vu refuser par les services de l'Etat l'attribution des fonds européens au motif que la SNCF en était le chef de file ? Qui enfin de l'Etat ou de la collectivité locale doit financer l'animateur d'un projet impliquant l'utilisation des fonds structurels ?

M. Jérôme Lambert a observé que, dans sa circonscription où dix cantons ruraux sont éligibles, à divers titres, aux fonds structurels européens, le problème principal réside dans la faiblesse des structures administratives. La complexité du montage des dossiers n'explique pas tout, il y a également un manque de moyens. Il a donc salué les initiatives annoncées pour accompagner la mise en œuvre des projets. Il a souhaité savoir si la téléphonie mobile pourrait désormais être éligible, ce qui permettrait de développer de nombreux petits projets, et si la règle, autorisant le versement des subventions dès que les travaux ont démarré, ne concernait que les fonds européens.

M. Jean-Paul Delevoye a confirmé que, dans ce dernier cas, tout projet éligible à un financement communautaire pouvait bénéficier de la dérogation.

M. André Chassaigne s'est réjoui de la « révolution culturelle » annoncée par le ministre, en espérant qu'elle aura un retour en milieu rural. Les chiffres concernant l'utilisation des fonds structurels au niveau régional devraient être affinés car, en Auvergne, par exemple, le taux global important est certainement dû à de grands projets, tels que le parc Vulcania, et dissimule de plus faibles consommations dans des zones défavorisées. Il a souligné, à cet égard, le rôle important que peuvent jouer les parcs naturels régionaux dans le développement local. Il importe également de mettre fin aux blocages liés à la culture du soupçon et à la rigueur des procédures existant en France. Il a souhaité distinguer, dans la mise en œuvre des projets, le stade de l'ingénierie et celui de l'animation. Beaucoup de projets sont mis en place et finalement n'aboutissent pas faute de moyens au niveau de l'animation. Par ailleurs, la « révolution culturelle » annoncée ne doit pas se limiter à la gestion des fonds structurels européens, mais doit être également étendue aux financements étatiques, ce qui imposera probablement une formation spécifique du personnel préfectoral.

M. Didier Quentin a estimé que les fonds structurels européens pourraient être un excellent instrument pour réconcilier l'opinion publique avec l'idée européenne, mais que malheureusement leur gestion était trop opaque.

Le Président Pierre Lequiller a confirmé le manque de visibilité, en France, des fonds européens, contrairement à ce que l'on peut constater en Espagne où le moindre investissement financé par l'Europe est signalé de manière ostensible.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Paul Delevoye a apporté les précisions suivantes :

- il importe de réintroduire la citoyenneté européenne, qui ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme une opportunité de développement ;

- dans un monde de plus en plus réactif, il faut réduire le délai entre la prise de décision politique et la réalisation effective ;

- les départements d'outre-mer devraient rester éligibles aux fonds structurels et il serait souhaitable que l'Europe perçoive mieux l'intérêt de ces départements à établir des liens avec les pays qui leur sont périphériques ;

- l'inégalité entre les territoires réside essentiellement dans les différences de moyens administratifs. Une réforme devrait être engagée en la matière, mais les élus locaux doivent comprendre que cela conduira parfois à une déconnexion territoriale entre l'organisation politique et l'organisation administrative ;

- la révolution culturelle dont a parlé M. André Chassaigne est déjà en marche et les messages sont passés, notamment avec la circulaire adressée en août aux préfets de région, même s'il faut continuer à diffuser l'information auprès de certains élus locaux qu'elle n'a pas encore vraiment atteints et aussi s'efforcer de convaincre certains fonctionnaires que ce qu'ils attendaient depuis longtemps est enfin arrivé ;

M. Nicolas Jacquet a indiqué qu'il fallait distinguer l'assistance technique qui touche à l'animation et à la prospection générale de projets et l'ingénierie propre aux projets, Bruxelles ne voulant pas financer l'ingénierie d'un projet sur les crédits de l'assistance technique. Cette position conduit à incorporer les frais d'ingénierie au budget du projet proprement dit, ce qui amène à différer, voire à abandonner, le remboursement de dépenses qui sont engagées tout de suite.

Le taux de consommation de l'assistance technique est faible parce que Bruxelles ne paye jamais l'intégralité de la dépense. Il est souvent difficile pour une petite commune ou une intercommunalité d'apporter 50 % d'un financement, ce qui réduit d'autant les occasions d'intervention des fonds communautaires. De plus, les autorités communautaires sont entrées dans une logique de remboursement qui s'est progressivement substituée à la logique de préfinancement prévalant il y a dix ans.

Le principe d'additionnalité, c'est-à-dire de cofinancement, est incontestablement source de complexité, mais il répond à la crainte de Bruxelles que les fonds structurels ne servent à financer des dépenses propres des Etats membres et de leurs collectivités locales.

Le ministre a souligné la nécessité de renforcer de manière permanente la traçabilité des fonds européens, de manière à ce que les élections au Parlement européen, où ne s'exprime pas un soutien à une politique mais plutôt un défoulement sur le sentiment du quotidien, n'enregistrent pas en 2004 une montée du parti des extrêmes dans une période où les crispations se développent en France et dans les autres Etats membres.

Il a indiqué que le ministère et la DATAR étaient à l'entière disposition des parlementaires en cas de difficultés et qu'un tour de France avait été entrepris pour analyser l'état de la consommation des crédits et les difficultés rencontrées par les acteurs locaux.

L'efficacité de ce partenariat sera la preuve que la révolution culturelle enclenchée pourrait s'étendre à l'administration de l'Etat, en partant des pratiques de bon sens conduisant à appliquer non seulement la loi mais aussi l'esprit de la loi.

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'importance et l'intérêt de ce débat et souhaité que tous les parlementaires en prennent connaissance.