DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 21

Réunion du mercredi 11 décembre 2002 à 16 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Audition de M. Jean-Luc Dehaene, vice-président de la Convention sur l'avenir de l'Europe et président du groupe de travail de la Convention sur l'action extérieure de l'Union européenne (audition ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller a remercié le vice-président de la Convention sur l'avenir de l'Europe de venir présenter à la Délégation les recommandations du groupe de travail de la Convention sur l'action extérieure de l'Union européenne, en soulignant en sa qualité de membre de ce groupe que celui-ci avait été très actif et était allé au fond des sujets grâce à la présidence de M. Jean-Luc Dehaene.

Après avoir déclaré qu'il était important que la Convention ne travaille pas en vase clos mais entretienne des contacts réguliers, notamment avec les parlements nationaux et la société civile, pour expliquer et écouter, M. Jean-Luc Dehaene a témoigné que les représentants du Parlement français à la Convention en étaient des membres très actifs.

Le groupe de travail est parti de l'idée qu'il fallait faire de l'Union européenne un acteur crédible et influent sur la scène internationale, c'est-à-dire un acteur global dans la gouvernance mondiale dont nous avons besoin. C'est une nécessité pour l'Union européenne et une finalité centrale de l'intégration européenne. La question n'est pas « est-ce que nous voulons jouer un rôle ? » mais « comment le jouer de façon efficace ? », pour en finir avec la situation observée dans plusieurs secteurs où nous sommes les plus grands contributeurs sans exercer une influence proportionnelle.

Les recommandations du groupe de travail portent essentiellement sur les principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union européenne, les compétences, l'organisation de la cohérence et de l'efficacité, la négociation et la conclusion des accords internationaux, l'organisation de la représentation et des services extérieurs.

Elles ont pour but de définir les voies et moyens d'une action collective plus efficace qui dépend néanmoins d'abord d'une volonté politique. Lorsque l'Union a cette volonté politique, elle est relativement efficace comme dans les Balkans, lorsqu'elle ne l'a pas, elle est en retrait comme au Moyen-Orient ou en Irak.

Il faut donc créer les structures et les procédures capables de favoriser l'émergence d'une volonté politique commune. L'action extérieure concerne des domaines fort différents, elle ne se limite pas à la gestion des crises et peut être en relation directe avec des politiques internes. Il en résulte une multiplicité de procédures et de compétences dans les différents domaines de l'action extérieure et la nécessité d'introduire une bonne articulation entre les différents circuits de décisions qui doivent être suffisamment reliés les uns aux autres.

Le groupe de travail ne propose pas de faire une révolution, mais de tirer les leçons des progrès déjà accomplis et de bâtir dans la continuité de la voie tracée par la réussite de la création du Haut Représentant pour la PESC.

Il essaie de définir les principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union européenne, dans un texte bref utilisant le langage des traités. Ceux-ci se concrétiseront dans des stratégies définies par le Conseil européen pour être mises en œuvre par le Conseil et le Représentant pour les affaires extérieures dans la gestion au jour le jour, qui sera ensuite évaluée par le Conseil européen.

Les compétences au niveau international restent assez proches de la situation actuelle avec deux grands pans : les compétences liées à l'action et l'intégration internes, selon le principe que la compétence internationale doit suivre la compétence communautaire interne, pour lesquelles s'affirme le rôle central de la Commission, en relation étroite avec le Conseil ; les compétences liées à la PESC, de nature intergouvernementale, où prédomine le rôle du Conseil européen et du Conseil des ministres, pour déboucher autant que possible sur une politique étrangère commune à l'Union européenne, et disposant de services et de moyens budgétaires accrus.

La gestion quotidienne assumée par la Commission dans ses domaines de compétence serait assurée par le « Représentant pour les affaires extérieures » et par le Conseil « Action extérieure », formellement dissocié du Conseil « Affaires générales », même s'il n'est pas exclu que les Etats membres puissent y être représentés par le même ministre. La scission du Conseil « Affaires générales » parait nécessaire pour gérer efficacement la politique étrangère et la coordination interne de l'Union européenne.

Par ailleurs, l'exigence de continuité dans l'agenda, la représentation et l'expression de la politique étrangère conduisent à proposer de remplacer la troïka actuelle par une présidence du Conseil « Action extérieure » assumée par le « Représentant pour les affaires extérieures », afin d'éviter un changement de priorités tous les six mois.

En ce qui concerne la cohérence interne et l'efficacité, le souci principal a été d'éviter que les deux pans de la politique extérieure ne débouchent sur deux politiques. Un assez large consensus s'est dégagé au groupe de travail pour une solution de compromis qui satisfait les partisans des deux thèses opposées. Elle établit un pont entre les deux circuits de décision en proposant la création d'un « Représentant européen pour les affaires extérieures » avec un double mandat bien distinct. Nommé par le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, avec l'approbation du président de la Commission et l'accord du Parlement européen, il recevrait du Conseil européen, auquel il devrait rendre compte, un mandat direct pour la PESC. Il serait également membre de la Commission, avec un statut spécifique puisqu'il ne serait pas désigné comme les autres membres de la Commission, et participerait pleinement aux initiatives communautaires dans le cadre des décisions prises par le collège, en sa qualité de commissaire chargé des relations extérieures.

Ce représentant disposerait du droit d'initiative en matière de PESC, mais, lorsqu'il l'exercerait, pour éviter toute contradiction en sa personne, la Commission s'abstiendrait de proposer une initiative concurrente et ses initiatives dans le domaine de la PESC ne seraient pas soumises à une approbation préalable du collège des commissaires. En revanche, le représentant pourrait demander à la Commission de soutenir son initiative ou même lui proposer une « initiative conjointe » pour favoriser une utilisation cohérente des instruments de l'Union européenne pour l'action extérieure.

Enfin, le représentant présiderait le Conseil « Action extérieure » sans disposer du droit de vote en son sein.

La solution du « double chapeau » a pour objectif d'éviter les conflits et d'augmenter les chances d'une action coordonnée. D'autres options ont été examinées, qui n'ont pas obtenu de soutien aussi large au sein du groupe de travail. Une préoccupation importante du groupe a été d'assurer, quelle que soit l'option institutionnelle retenue, une mise en œuvre cohérente des décisions prises et d'éviter les double-emplois. Dans cet esprit, le groupe a préconisé la mise en place d'un service unique de stratégie auquel participeraient à la fois des fonctionnaires de la Direction générale « Relations extérieures » et des fonctionnaires du secrétariat du Conseil ainsi que des diplomates nationaux détachés. De même, le groupe propose la création d'une école de diplomatie de l'Union européenne et d'un service diplomatique de l'Union européenne. Les délégations de la Commission deviendraient des délégations ou des ambassades de l'Union et comprendraient des fonctionnaires de la Commission et du secrétariat du Conseil, ainsi que des membres des services diplomatiques nationaux. Dans les pays où des Etats membres n'ont pas de représentation diplomatique, la représentation de l'Union pourrait remplir certaines fonctions, notamment en ce qui concerne les tâches de chancellerie.

En ce qui concerne le financement de la PESC, le groupe a considéré le budget actuel insuffisant et les procédures trop lourdes pour permettre un financement rapide des activités. Il a recommandé de prévoir des marges de souplesse budgétaire afin de faire face à des développements imprévus et à la nécessité d'agir rapidement.

Lorsque la négociation d'accords internationaux concerne à la fois le champ communautaire et des compétences relevant du domaine intergouvernemental, le groupe de travail préconise que, dans la mesure du possible, un seul accord soit conclu. Dans le même esprit, il recommande que la négociation soit menée par un seul négociateur selon une procédure arrêtée par le Conseil, en tenant compte de l'objet principal de l'accord.

Le groupe a par ailleurs estimé qu'il convenait de renforcer la participation de l'Union, en tant que telle, dans les organisations internationales, notamment au sein des organisations spécialisées des Nations unies, par exemple dans le domaine de l'environnement, comme c'est le cas pour l'Organisation mondiale du commerce. La participation de l'Union contribuerait à renforcer globalement la capacité des organisations internationales d'améliorer la gouvernance mondiale et, à cet effet, l'Union doit s'efforcer de faire modifier les statuts des organisations internationales pour qu'elle puisse en devenir membre. Le groupe a d'autre part recommandé une représentation unique de la zone euro au sein des institutions financières internationales.

M. Jean-Luc Dehaene a souligné que les recommandations du groupe de travail devaient s'apprécier dans le cadre d'un équilibre institutionnel global et qu'elles devront donc être réexaminées lorsque la Convention aura débattu de l'organisation et du fonctionnement des institutions de l'Union.

Enfin, il a estimé que les conclusions du groupe ne pouvaient être déconnectées de celles du groupe de travail sur la défense. Il a considéré qu'il conviendra d'examiner comment s'articulent les recommandations des deux groupes, en particulier, en ce qui concerne la gestion des crises.

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Jean-Luc Dehaene pour la clarté et la précision de son exposé. Il a ensuite mentionné l'importance des questions institutionnelles que soulève le débat sur la politique étrangère européenne et qui sont appelées à occuper, dans les mois à venir, une place croissante au sein de la Convention.

M. Jacques Myard a déclaré que si la communautarisation a bien fonctionné dans les secteurs de la politique commerciale et du marché intérieur, le domaine de la politique étrangère relevait en revanche de l'exercice des souverainetés nationales. Il est certes nécessaire d'améliorer la coordination des politiques extérieures des pays membres pour peser davantage sur la scène internationale, mais à condition d'inscrire ce rapprochement dans un cadre strictement intergouvernemental. Tant les crises afghane et irakienne que le conflit au Moyen-Orient témoignent de l'irréalisme d'une communautarisation. Regrettant enfin un cloisonnement artificiel entre la politique étrangère d'une part, et la politique de défense d'autre part, il a insisté sur la kyrielle de défense d'intérêts nationaux que recouvre l'action extérieure, citant notamment la promotion de la langue et la défense des intérêts économiques à l'étranger.

M. Patrick Hoguet a imputé l'inefficacité de l'action extérieure européenne à l'insuffisante harmonisation des politiques nationales. Il s'est interrogé sur la complexité de la proposition du groupe de travail de la Convention visant à créer un ministre européen des Affaires étrangères qui serait placé simultanément à l'extérieur et à l'intérieur de la Commission. Rappelant la compétence de la Commission sur un certain nombre de sujets tels que, par exemple, la politique de coopération, M. Patrick Hoguet a plaidé pour la désignation d'un vice-Président de la Commission, chargé de coordonner les différentes actions menées au niveau communautaire. En ce qui concerne le ministre européen des Affaires étrangères, celui-ci devrait être placé directement auprès du Conseil européen ou d'un futur Président de l'Europe, tandis que les procédures devraient être radicalement réformées pour être en mesure d'assurer l'efficacité de l'action de l'Union sur la scène internationale.

M. Michel Delebarre a estimé que l'instauration probable d'un Président de l'Europe traduira une meilleure visibilité de l'exercice du pouvoir européen. Mais la création d'un ministre européen des Affaires étrangères fera inévitablement de cette personne le deuxième personnage de l'Union, reléguant de fait le Président de la Commission au troisième rang. Dans cette optique, il a évoqué le risque que la Commission ne se transforme en secrétariat général tandis que la conduite des affaires européennes ne serait plus assurée que par quelques personnalités politiques. M. Delebarre s'est demandé s'il ne serait pas préférable de confier au futur président de l'Europe la représentation extérieure de l'Union, renforçant ainsi la visibilité et l'efficacité de la politique étrangère européenne. Il a interrogé M. Jean-Luc Dehaene sur l'éventualité pour l'Union européenne d'être, à long terme, représentée au Conseil de sécurité de l'ONU.

M. Christian Philip a déclaré que la création d'un ministre européen des Affaires étrangères s'inscrivait dans une démarche de simplification et de rationalisation. Il a néanmoins relevé que d'autres responsables politiques européens - notamment le Président du Conseil européen et le Président de la Commission - seront tout aussi légitimes pour s'exprimer au nom de l'Union, sur la scène internationale. Mais pour éviter que la Commission ne se transforme en secrétariat général, il a plaidé pour la solution d'un Président unique de la Commission et du Conseil européen dont le mode de désignation devrait lui assurer une véritable légitimité, et qui permettrait à la fois de renforcer la Commission tout en donnant un visage à l'Europe, vis-à-vis des pays tiers.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Luc Dehaene a fourni les précisions suivantes :

- au stade actuel de ses travaux, la Convention souhaite conserver la distinction entre l'aspect communautaire et l'aspect intergouvernemental de la politique étrangère. Mais pour éviter que cela n'aboutisse à deux politiques étrangères différentes, il faut accroître la coordination ;

- la Convention a fait du bon travail, et obtenu des résultats significatifs depuis six mois. Toutefois, des divergences subsistent, notamment en matière institutionnelle. C'est la raison pour laquelle le groupe de travail « action extérieure » a volontairement exclu de débattre de la présidence du Conseil. Ce qui est proposé aujourd'hui pourra faire l'objet d'une révision en fonction de l'architecture institutionnelle d'ensemble qui résultera du compromis adopté à la Convention ;

- à titre personnel, son souci est de rechercher un équilibre institutionnel global, les différentes propositions avancées ne pouvant pas faire l'objet d'une discussion séparée ;

- il est essentiel que l'Europe puisse travailler sur la base d'un agenda définissant clairement ses priorités. Or, la présidence a actuellement un rôle trop prépondérant dans la détermination de cet agenda, alors qu'elle ne devrait être qu'une présidence de séance. L'évolution observée depuis dix ans remet en cause la continuité des politiques de l'Union. L'agenda européen doit donc être défini par la Commission ;

- les relations entre MM. Javier Solana et Chris Patten ont été satisfaisantes, en raison de leur bonne entente à titre personnel, et non pas pour des raisons institutionnelles ;

- certaines des propositions présentées à la Convention pour la présidence de l'Union risquent d'entraîner une multiplication des conflits ;

- la solution d'une présidence unique, le Président du Conseil présidant également la Commission, présente de nombreux avantages, et il la défendra s'il apparaît qu'un consensus est possible ;

- les pays du Benelux ont présenté des propositions consistant, d'une part, à maintenir le système de la rotation semestrielle pour le Conseil européen et les Conseils des ministres sectoriels et, d'autre part, à confier à la Commission la présidence du Conseil « Affaires générales » ;

- si la nécessité d'un président permanent du Conseil européen paraît s'imposer, c'est parce que le Conseil travaille actuellement dans le vide et n'est pas suffisamment bien préparé par le Conseil « Affaires générales » ;

- s'agissant de la représentation de l'Union européenne au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, le groupe de travail n'a pas évoqué directement cette question et n'a envisagé qu'une meilleure coordination des Etats membres. A titre personnel, il a dit partager le point de vue de M. Javier Solana estimant que cette représentation unique serait probablement mise en place un jour prochain, mais ce jour n'est pas encore venu, même s'il faut avoir conscience, qu'au sein même des Nations unies, l'équilibre fixé en 1945 sera de plus en plus contesté. Pour l'instant, on a déjà pu s'apercevoir que des solutions pratiques permettaient d'ores et déjà à l'Union européenne de s'exprimer au sein du Conseil de sécurité, lorsqu'un Etat membre cède son siège provisoirement à M. Javier Solana. Dès lors, il importe surtout de se concentrer sur la représentation européenne au sein des autres institutions ayant un rôle primordial dans la définition et la mise en œuvre de la globalisation.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que l'ancien ambassadeur français auprès des Nations unies lui avait récemment fait observer que quatre pays européens - la France, le Royaume-Uni, mais aussi l'Allemagne et l'Espagne - seraient prochainement membres du Conseil de sécurité et qu'une représentation unique pourrait aboutir à un affaiblissement des positions européennes. L'important n'est peut être pas une représentation formelle mais la définition de positions communes.

Après avoir noté que les pêcheurs français et belges bloquaient en ce moment même plusieurs ports de la Manche et de la Mer du Nord à cause des mesures annoncées par la Commission européenne en matière de pêche, M. Guy Lengagne a souligné que les parlements nationaux craignaient d'être de plus en plus écartés sur les matières touchant à la politique étrangère, alors même qu'ils ont déjà des difficultés non seulement pour agir mais également pour être informés en ce domaine. Cette situation a permis de conserver l'Union de l'Europe occidentale. Il a demandé si le groupe de travail avait envisagé d'autres possibilités.

M. Jean-Luc Dehaene a observé que la question du rôle des parlements nationaux pouvait être envisagée à deux niveaux. Elle peut signifier que ces parlements doivent avoir un rôle spécifique au niveau des institutions européennes, mais elle recouvre également le contrôle parlementaire sur les gouvernements. Cette dernière activité lui paraît essentielle et l'exemple des pays scandinaves en est une illustration. En effet, leurs ministres ne peuvent négocier qu'après avoir été auditionnés par les parlements et, dès lors, ces derniers n'expriment aucune plainte sur leur rôle dans l'organisation européenne. En revanche, les parlementaires britanniques critiquent fortement la faible place des parlements nationaux mais, lorsqu'on les interroge sur les contrôles qu'ils exercent sur leur Gouvernement en matière européenne, ils sont encore bien loin d'accomplir effectivement cette mission.

Le Président Pierre Lequiller a précisé que, sur ce point, l'image des parlementaires français devrait s'améliorer compte tenu des initiatives récemment prises, sur sa suggestion, par le Président Jean-Louis Debré, qui a notamment annoncé la création de séances de questions portant spécifiquement sur les affaires européennes.

M. Jean-Luc Dehaene a ajouté que la création d'un Congrès ne conduirait pas à renforcer le rôle des parlements nationaux.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité rappeler deux propositions qu'il avait présentées au groupe de travail et qui n'ont pas été retenues faute d'avoir pu en débattre, à savoir la définition d'un pacte de convergence liant les Etats membres dans le cadre de la PESC et l'encouragement à la diversité culturelle. Or, sur ce dernier point, le groupe de travail recommande d'étendre le vote à la majorité qualifiée et la codécision aux services et à la propriété intellectuelle pour la conclusion d'accords internationaux et le minimum serait que le passage à la majorité qualifiée dans ces domaines soit contrebalancé par des garde-fous au niveau des principes et des objectifs de l'action extérieure, pour éviter les dérives d'une mondialisation mal maîtrisée.

M. Jean-Luc Dehaene a constaté que, malheureusement, la définition d'un pacte de convergence n'avait pas donné lieu à une véritable discussion au sein du groupe de travail, mais qu'il serait souhaitable de revenir en séance plénière sur cette idée intéressante. Sur l'encouragement à la diversité culturelle, un consensus ne s'est pas dégagé. Il a suggéré que la France réfléchisse au moyen de limiter le recours à l'exception, en particulier dans le domaine du commerce extérieur, pour renforcer l'efficacité des institutions, car la liste des domaines où il faut un commun accord des Etats membres pour négocier couvre la culture, l'audiovisuel, l'éducation, la formation professionnelle et la santé et celle-ci est trop longue.

Enfin, il a tenu à faire part des deux avancées suggérées par le groupe de travail. En premier lieu, une initiative conjointe du Haut Représentant et de la Commission dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune pourrait se traduire par un vote à la majorité qualifiée. Par ailleurs, la Grande-Bretagne propose que le Conseil puisse décider seul d'élargir la majorité qualifiée sur certaines matières, ce qui constituerait une simplification du fonctionnement des institutions.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B

¬ Commerce extérieur

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur les deux textes suivants :

- proposition de règlement du Conseil visant à éviter le détournement vers des pays de l'Union européenne de certains médicaments essentiels (document E 2142) ;

Cette proposition de règlement du Conseil vise à interdire le détournement et l'importation, sur le territoire douanier de la Communauté, de produits pharmaceutiques essentiels servant à la prévention, au diagnostic et au traitement du SIDA, de la tuberculose, du paludisme et des maladies associées, qui font l'objet de prix différenciés et sont destinés à être exportés vers les pays en développement les plus pauvres.

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'importance de l'objectif poursuivi par ce texte, qui place l'Union européenne en tête du combat mené par la communauté internationale pour l'accès des pays en développement aux médicaments essentiels.

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche (document E 2156).

III. Information sur des propositions d'actes non soumises à l'article 88-4 de la Constitution

Le Président Pierre Lequiller a informé la Délégation de l'adoption prochaine de deux propositions de décisions ayant pour objet de modifier le régime d'importation de blé de moyenne et de basse qualité et d'orge de la Communauté, qui selon le SGCI présentent un caractère réglementaire. Ces propositions ne sont pas examinées au titre de l'article 88-4 de la Constitution.

Présentant ces textes, M. Patrick Hoguet a rappelé qu'ils devraient être adoptés par le Conseil « Agriculture » du 16 décembre 2002, et qu'ils faisaient suite aux deux accords conclus, le 12 novembre 2002, dans le cadre de l'OMC, avec les Etats-Unis et le Canada respectivement, les principaux partenaires commerciaux céréaliers de l'Europe.

Conformément aux règles de cette organisation, ces accords constituent une étape préalable devant être franchie avant que la Communauté européenne ne puisse adopter un nouveau régime d'importation de céréales permettant de limiter celles provenant de la Russie et de l'Ukraine, non-membres de l'OMC. Ces dernières perturbent en effet le marché communautaire depuis un an. Ainsi, durant la campagne céréalière 2001/2002, l'Union européenne est devenue le premier importateur mondial de blé tendre. Elle en a importé 7,9 millions de tonnes, au lieu de 2 à 2,5 millions habituellement. La France a été le premier pays affecté par ces importations, puisqu'elle a perdu 55 % de ses débouchés en blé tendre sur l'Italie et 21 % sur l'Espagne. Il en est résulté une telle dépression sur le marché que les prix d'acompte des céréales de la récolte 2002 ont été de 20 à 25 % inférieurs à ceux de la récolte 2001.

S'agissant du contenu des accords conclus le 12 novembre 2002, M. Patrick Hoguet a indiqué que ceux-ci ne modifient pas les droits applicables aux importations de blé tendre de haute qualité. Le plafond de droits de douane prévu par les accords de Marrakech, qui limite le droit d'importation des céréales à 155 % du prix d'intervention communautaire, continue de s'appliquer dans ce domaine.

En revanche, à compter du 1er janvier 2003, le régime douanier applicable au blé tendre de moyenne et de basse qualité, instaure un contingent annuel d'importation de 2 981 600 tonnes avec droit de douane de 12 euros par tonne, tout volume importé au-delà des 2 981 600 tonnes étant soumis au droit de 95 euros par tonne. Sur ce contingent, 38 000 et 572 000 tonnes seront respectivement réservées au Canada et aux Etats-Unis, le reste étant ouvert à d'autres importateurs.

M. Patrick Hoguet a indiqué que, selon le ministre de l'agriculture, la fixation d'un tel quota contribuait de façon satisfaisante à la stabilité du marché céréalier communautaire, en permettant de limiter l'afflux des céréales en provenance de la Mer Noire.

La Russie et l'Ukraine demandaient l'institution de quotas spécifiques pour leurs exportations, à l'instar de ce qui a été obtenu par le Canada et les Etats-Unis. Sur ce point, la Commission a annoncé qu'elle présenterait un nouveau texte créant au sein du contingent à droits réduits de 2,9 millions de tonnes deux parts réservataires pour la Russie et l'Ukraine, initiative que les autorités françaises et les organisations professionnelles jugent satisfaisante dans la mesure où elle ne crée pas un nouveau quota à droits réduits aux côtés de celui négocié à l'OMC.

M. Patrick Hoguet a cependant souligné que le nouveau régime d'importation de céréales comportait le risque d'être contourné par les blés de basse et de moyenne qualité de la mer Noire, en raison des critères actuellement retenus par la réglementation communautaire pour la définition du blé de haute qualité. Celle-ci doit correspondre à un taux de protéine minimum de 14 %, avec un taux de tolérance de 0,7 % ; ce qui a amené l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales à demander la suppression de ce seuil de tolérance, car elle estime qu'il permettra d'importer des blés originaires de Mer Noire de basse ou moyenne qualité comme des blés de haute qualité.

Par ailleurs, 5 % seulement des cargaisons de blés de la Mer Noire débarquées dans la Communauté font l'objet d'un contrôle de la qualité déclarée par les services douaniers.

Après l'intervention du Président Pierre Lequiller, ainsi que de M. Edouard Landrain sur les importations de poulet, la Délégation a pris acte de ces propositions et pris note de la position des autorités françaises.