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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 40

Réunion du mercredi 9 avril 2003 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen du rapport d'information de M. Thierry Mariani, sur l'adhésion de la Slovénie à l'Union européenne

M. Thierry Mariani, rapporteur d'information, a rappelé, en introduction, que la Slovénie s'est déjà prononcée par la voie référendaire en faveur de l'adhésion : en effet, le 23 mars 2003, 89,61 % des électeurs slovènes ont voté en faveur de l'entrée de leur pays dans l'Union européenne. Ce vote massif en faveur de l'Europe est aussi celui du pays adhérent dont l'intégration ne devrait susciter aucune difficulté particulière pour l'Union européenne.

Le rapporteur a cependant insisté sur le fait que ce profil « d'adhérent modèle » ne doit pas inciter l'Union à se désintéresser de la Slovénie pour deux raisons essentielles. D'une part, en intégrant cette ancienne république de l'ex-Yougoslavie, l'Europe fera un premier pas stabilisateur en direction de la région des Balkans. Il s'agit là d'une avancée capitale, car les autres pays balkaniques ne pourront échapper à leur mal-être historique, politique et économique que par une perspective claire d'adhésion à l'Union européenne dont la Slovénie offre le modèle.

D'autre part, la Slovénie est un « petit pays », qui ne disposera que de quatre voix au Conseil et de sept députés européens, mais dont la vision du projet européen devra être respectée : seul un compromis fructueux entre grands et petits pays sur l'avenir institutionnel de l'Union permettra à l'Europe de progresser.

Abordant la première partie de son exposé, le rapporteur a évoqué la logique profonde qui guide la volonté d'adhésion de la Slovénie, ainsi que l'état de préparation de ce pays, qui est très avancé.

La Slovénie conçoit son adhésion comme une démarche à caractère essentiellement politique, qui doit lui permettre de normaliser sa relation à l'Europe.

En effet, ce petit pays a subi pratiquement six siècles de domination des Habsbourg, puis il s'est éloigné de l'Occident auquel il avait toujours été rattaché pour appartenir à partir de 1919 à un deuxième ensemble plurinational, la Yougoslavie, qui n'a pas respecté non plus son identité nationale.

Faire le choix de l'Union équivaut pour la Slovénie à réintégrer sa famille d'origine, comme l'illustrait le slogan utilisé en faveur du oui pour la campagne référendaire, « Etre chez nous en Europe ».

Ce consensus national très fort en faveur de l'adhésion se double d'un état de préparation à l'entrée dans l'Union plus que satisfaisant.

La Slovénie est aidée en cela par le fait qu'elle est un pays adhérent richement doté, dont la situation privilégiée a d'ailleurs été acquise dès l'époque de la République fédérale de Yougoslavie. Le PIB par habitant de la Slovénie atteint, en 2001, 69 % de la moyenne communautaire, voire même 90 % dans la région de la capitale. Cette bonne santé économique et sociale fait que la Slovénie recevra, entre 2004 et 2006, seulement 3,6 % des crédits de paiement destinés aux dix pays adhérents.

En ce qui concerne la reprise de l'acquis communautaire, la Slovénie fait figure de « premier élève de la classe » : elle a été le seul des dix pays adhérents à ne pas recevoir, le 5 mars dernier, une note d'alerte rapide de la Commission européenne concernant les retards « sérieusement inquiétants » apparus dans la transposition de la législation de la Communauté. Les capacités administratives d'un nombre limité d'organismes de surveillance, qui exigent le recrutement de quelques fonctionnaires supplémentaires, doivent être toutefois encore renforcées, ce que prévoient de faire les autorités slovènes.

Dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, le renforcement du contrôle aux frontières est l'enjeu le plus important : en effet, la Slovénie, qui partage 670 km de frontières communes avec la Croatie, sera chargée de surveiller l'une des futures frontières extérieures de l'Union européenne. La Slovénie est consciente de la responsabilité éminente qui sera la sienne dans la surveillance de la « route des Balkans », qui appelle la plus grande vigilance. En effet, ce pays n'a cessé d'accroître les moyens qui sont affectés à cette tâche prioritaire et entend les renforcer d'ici son adhésion. Il a d'ailleurs obtenu des résultats visibles en matière de lutte contre l'immigration clandestine, en faisant passer le coût du franchissement illégal de la frontière méridionale de 250 à 1 200 euros. Cette augmentation est directement liée à l'action de la police : le nombre de franchissement illégaux détectés est passé de 4 175 en 1992 à 35 892 en 2000 pour baisser ensuite à 6 926 en 2002. Le taux de reconduite des étrangers ayant franchi illégalement la frontière était de 66 % en 2002, chiffre à comparer avec le taux de reconduite de la France, qui est d'environ 20 %.

Abordant la seconde partie de son exposé, le rapporteur a présenté les interrogations de la Slovénie sur les contours et le contenu de la future Europe, pour faire trois séries d'observations.

Premièrement, sur le plan géopolitique, l'entrée de la Slovénie dans l'Union présente un réel intérêt pour l'Europe, car elle peut avoir un effet stabilisateur sur les autres pays balkaniques.

C'est la raison pour laquelle la Slovénie a accueilli favorablement la demande officielle d'adhésion de la Croatie, présentée le 21 février 2003. Elle estime que ce pays mérite un chemin d'adhésion accéléré en raison des progrès qu'il a enregistrés. Pour les autres pays des Balkans, l'adhésion n'est envisageable qu'à long terme, dès qu'ils se seront stabilisés par la mise en œuvre des critères de Copenhague. La Slovénie adopte le même raisonnement en ce qui concerne la Turquie.

Deuxièmement, s'agissant de la perspective d'une Europe puissance, la Slovénie en a une vision pour le moins contrastée. D'abord, l'Europe puissance paraît encore trop lointaine pour un pays qui a élevé, dès sa déclaration d'indépendance de juin 1991, la double appartenance à l'Union et à l'OTAN au rang de priorité de sa politique étrangère.

Ainsi, le jour même du référendum sur l'adhésion, une seconde consultation concernant l'entrée de la Slovénie dans l'OTAN a vu le « oui » l'emporter avec 66 % des voix. Le rapporteur s'est déclaré quelque peu surpris par ce score relativement élevé, ses interlocuteurs en Slovénie ayant plutôt prédit une courte majorité, surtout après le début de la guerre en Irak.

Les partisans de l'entrée dans l'OTAN ont fait valoir que celle-ci offre à la Slovénie le meilleur système de sécurité collective en Europe, à moindre frais pour son budget, et lui permet également d'être assise à la table des grands. A l'inverse, la faiblesse du contenu opérationnel de la PESC et un certain scepticisme concernant un rapprochement durable entre les grands pays sur la défense commune ne plaident pas immédiatement en faveur de l'Europe puissance.

Cependant, le peu d'enthousiasme actuellement constaté pour l'Europe puissance ne signifie pas pour autant que la Slovénie ait fait le choix d'un atlantisme inconditionnel, et ce malgré la signature de la déclaration du groupe de Vilnius dans laquelle cinq pays adhérents à l'Union européenne affirment leur soutien à la politique des Etats-Unis à l'égard de l'Irak.

D'abord, l'opinion publique slovène est majoritairement hostile à la guerre contre l'Irak. Ensuite, la signature de la déclaration du groupe de Vilnius est critiquée dans le pays comme étant un signe d'allégeance trop marqué à l'égard des Etats-Unis, alors que les Slovènes sont attachés à la construction d'une identité internationale spécifiquement européenne.

Ces différents éléments indiquent que la réflexion sur la place de l'Europe dans le monde vient à peine de commencer en Slovénie. Mais il s'agit d'une réflexion inquiète en raison du véritable sentiment de malaise qu'éprouvent les autorités slovènes face aux déchirements provoqués par la crise irakienne. La Slovénie ne cesse d'en appeler à l'unité de l'Europe, de la communauté atlantique et des Nations unies, car elle ne veut pas, en tant que petit pays, être la victime des tensions qui opposent les grands entre eux.

Troisièmement et dernièrement, la Slovénie fera partie des petits Etats membres de l'Union européenne pour qui il est essentiel de pouvoir se faire entendre au sein des institutions de l'Europe élargie.

C'est pourquoi elle souhaite que la future architecture institutionnelle de l'Union renforce le rôle de la Commission européenne, car celle-ci est la garante de l'intérêt général communautaire et donc des intérêts de tous les Etats membres.

D'autre part, elle est favorable au maintien du système de la présidence tournante du Conseil, afin que les grands et les petits pays puissent exercer alternativement le rôle d'impulsion politique qui échoit au Conseil.

La Slovénie est par ailleurs réticente à toute évolution institutionnelle trop marquée vers une Union de type fédéral, le concept de fédération étant pour elle, pour des raisons historiques évidentes, connoté de manière négative.

Cette dernière observation conduit le rapporteur à penser, en conclusion, que la France ne saurait négliger « l'atout slovène » dans le processus global d'élargissement : outre le fait que ce pays offre un modèle irremplaçable de stabilité, de prospérité et d'intégration à l'Union pour ses voisins balkaniques, sa vision du projet européen est plus proche de la nôtre que la conception étroitement fédéraliste d'une Union qui ne s'appuierait pas sur les Etats nations.

Le Président Pierre Lequiller a observé, s'agissant de la signature de la déclaration du groupe de Vilnius, que le Premier ministre de Slovénie avait fait de récentes déclarations qui revenaient à remettre en question la participation de son pays à cette démarche.

M. Jacques Floch a souhaité savoir pourquoi le rapporteur avait affirmé que la France se démarquait d'une conception étroitement fédéraliste de l'Union européenne alors que le ministre des affaires étrangères avait tenu des propos allant dans le sens contraire.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité répondre à cette intervention en rappelant que le débat sur la nature de l'Union à construire est tranché par les autorités françaises. Celles-ci ont une vision pragmatique de l'Union, qui consiste à distinguer les compétences à caractère fédéral, comme la monnaie unique, des compétences partagées ou devant demeurer aux Etats membres. Il a estimé par ailleurs que les pays comme la Slovénie sont, en raison de leur histoire, préoccupés par leur sécurité militaire. Cette recherche de la sécurité explique la difficulté de leur positionnement entre un pôle européen de défense et un pôle américain constitué autour de l'OTAN. Les scores respectifs du oui aux deux référendums, soit près de 90 % des voix pour l'entrée dans l'Union et 66 % des voix pour l'entrée dans l'OTAN, qui dénotent un certain décrochage entre l'importance accordée à chacune des deux adhésions, constituent une bonne surprise.

M. Gérard Voisin a estimé que l'appétit des petits pays tels que la Slovénie et Malte en faveur de l'exercice de la présidence de l'Union dans le cadre d'un système tournant va poser de redoutables problèmes à la bonne marche des institutions d'un ensemble devant comprendre 450 millions d'habitants.

Le Président Pierre Lequiller a noté à cet égard que seize pays européens parmi les actuels et futurs Etats membres ont signé une déclaration critiquant le projet qui vise à instituer une présidence stable de l'Union.

M. Christian Philip a demandé si la volonté d'adhérer à l'OTAN est motivée par le fait que la Slovénie est dépourvue d'une armée.

M. Jacques Myard a souhaité savoir si la Slovénie continue d'être tournée vers la Bavière.

M. Jean-Claude Lefort, après avoir rappelé qu'il avait effectué une mission en Slovénie pour le compte de la Délégation lors de la précédente législature, a souhaité obtenir des informations concernant les problèmes de voisinage posés par les minorités autrichienne et italienne et l'importance des moyens affectés à la surveillance de la frontière avec la Croatie, cette dernière étant une « frontière verte » par laquelle passent tous les types de trafic.

Le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

- il est vrai que certains responsables slovènes regrettent ouvertement la signature de la déclaration du groupe de Vilnius et vont jusqu'à considérer que la Slovénie a été piégée dans cette affaire ;

- la méfiance de la Slovénie envers une évolution de l'Union trop marquée vers le fédéralisme s'explique par le fait que ce pays ne souhaite pas que sa souveraineté acquise depuis seulement douze ans soit dissoute dans un ensemble trop intégré ;

- l'Union européenne est perçue comme le cadre permettant d'apporter la prospérité à la Slovénie, tandis que l'OTAN est considérée comme la meilleure garantie de sécurité existant en Europe. De plus, l'adhésion à l'Alliance atlantique permet de réduire les dépenses affectées à la défense, un aspect important pour un pays qui n'a jamais eu de vocation guerrière même s'il entretient depuis son indépendance une petite armée ;

- les réticences de la Slovénie à l'égard d'une présidence stable de l'Union résultent d'abord du désir qu'a ce pays de pouvoir à son tour exercer cette fonction au sein des institutions de l'Union. Cet argument s'exprime souvent sous la forme d'un cri du cœur en faveur du respect de cette ambition ;

- la Slovénie est moins tournée vers la Bavière que vers l'Autriche. L'enseignement du français occupe une place modeste, cette langue étant la quatrième avec 2,7 % d'apprenants seulement ;

- la question des minorités ne semble plus poser de difficultés particulières pour les autorités slovènes ;

- la Slovénie est très consciente de la responsabilité éminente qu'elle devra assumer en surveillant de manière efficace la frontière commune avec la Croatie. Ainsi, 60 des 66 postes frontières slovènes se situent sur cette frontière ; 1 900 policiers supplémentaires doivent être recrutés d'ici 2005 pour se consacrer à la surveillance des frontières, ce qui portera à 3 344 le nombre de policiers affectés à cette tâche ; plus de 400 fonctionnaires des douanes doivent être également envoyés à la frontière méridionale après mai 2004 et deux hélicoptères seront employés à partir de 2005 pour effectuer cette mission de contrôle de la frontière.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a donné un avis favorable à l'adhésion de la Slovénie à l'Union européenne.

II. Examen du rapport d'information de M. Christian Philip, sur l'adhésion de Chypre à l'Union européenne

M. Christian Philip a déclaré qu'il présentait ce rapport sans avoir pu accomplir de mission sur place, en raison de la campagne présidentielle en février, puis de l'attente des résultats de la négociation sur le plan Annan en vue de la réunification de l'île, enfin du déclenchement de la guerre en Irak.

Chypre est une île de 9 251 km2 où vivent 855 000 habitants dont 652 000 membres de la communauté grecque orthodoxe dans la zone sud et 203 000 membres de la communauté turque musulmane dans la zone nord.

Ce pays souffre d'une division née d'un conflit vieux de trente ans qui n'a pu encore être résolu. Le coup d'Etat du 15 juillet 1974 fomenté par les colonels grecs contre Monseigneur Makarios, le Président de la République de Chypre, créée en 1960, a eu le mérite de précipiter leur chute, mais il a entraîné une réaction de la Turquie qui a envahi militairement la partie nord de l'île et a provoqué sa division ainsi que la proclamation, le 15 novembre 1983, de la République turque de Chypre du nord, reconnue comme Etat souverain par la seule Turquie.

Malgré diverses négociations, il n'y a eu aucune évolution et le Secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, a essayé d'imposer un plan de réunification en profitant des perspectives d'adhésion à l'Union européenne, avec l'accord de celle-ci. Il avait laissé aux parties jusqu'au 10 mars pour conclure et soumettre ensuite l'accord à référendum, mais les négociations ont échoué parce que le chef historique de la communauté chypriote turque est resté très fermé, que les militaires turcs n'ont pas voulu évoluer même si le gouvernement turc avait donné des signes d'ouverture, et que le plan prévoyait des rétrocessions de terres et un retour limité des Chypriotes grecs qui n'ont pas pu être assumés. En particulier, les Chypriotes turcs ont fait venir des Turcs d'Anatolie qui ne veulent pas laisser les terres. En outre, dans la perspective du rendez-vous de décembre 2004, la Turquie n'a vraisemblablement pas voulu perdre la carte de Chypre pour en faire un des éléments de la future négociation.

En tout état de cause, le maintien de la division de l'île ne pouvait pas bloquer son adhésion depuis que le Conseil européen d'Helsinki de décembre 1999 avait décidé que le règlement politique de la division ne constituait pas une condition préalable de l'adhésion.

On peut d'ailleurs penser que l'adhésion va favoriser une évolution, dans la mesure où le développement économique est déjà beaucoup plus élevé dans la partie grecque et où l'écart va encore se creuser avec la partie turque, comme l'on compris les manifestants chypriotes turcs qui ont réclamé la réunification.

L'Union européenne ne pouvait pas retarder l'entrée de la République de Chypre dans la mesure où sur les plans politique, division mise à part, et économique, elle remplissait toutes les conditions. Le plus riche des dix candidats a un PIB par habitant supérieur à celui de l'Espagne.

Sa candidature soulevait deux problèmes économiques spécifiques.

En premier lieu, la faible imposition des sociétés et son activité de centre de blanchiment des capitaux a longtemps placé Chypre sur la liste noire, mais une véritable évolution est en cours et des engagements ont été pris.

Le gouvernement a fait adopter en juillet 2002 une réforme fiscale globale concernant la fiscalité directe et indirecte. Elle comporte en particulier l'harmonisation des taux de l'impôt sur les sociétés appliqué aux sociétés off-shore (qui était de 4,25 %) et aux sociétés nationales (qui se situait entre 20 et 25 % selon les cas) sur un taux unique de 10 % pour les sociétés chypriotes et étrangères, dans le minimum de la fourchette autorisée et qui reste encore en dessous de ceux pratiqués par la plupart des Etats de l'Union. Par ailleurs, un régime transitoire a été accordé, en vertu duquel les sociétés offshore internationales en activité au 31 décembre 2001 continueront d'être imposées à un taux inférieur au taux normal de l'impôt sur les sociétés jusqu'au 31 décembre 2005.

Le gouvernement a également pris des dispositions pour traiter la question du blanchiment des capitaux. La loi de 1996 offre des moyens efficaces à cet égard. L'unité chargée de la lute contre le blanchiment de l'argent (MOKAS) existe depuis 1997. Elle apporte tout son soutien à la coopération internationale et accorde la priorité aux demandes d'entraides judiciaires présentées par les autorités étrangères. Le FMI a établi un rapport d'évaluation positif sur la MOKAS.

Chypre a ratifié en 1997 la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime. Si la convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption est entrée en vigueur en juillet 2002, la ratification de la convention civile sur la corruption signée en novembre 2002 a pris du retard.

Enfin pour achever l'alignement de sa politique en matière de visa sur la liste des obligations de visa imposées par l'Union européenne, la Commission, dans son rapport de l'automne 2002, a demandé à Chypre d'y intégrer les ressortissants de la fédération de Russie et de l'ancienne République de Yougoslavie.

La sécurité maritime constituait le deuxième secteur sensible. Chypre a une marine marchande qui se situe au sixième rang dans le monde et a été accusée d'être un pavillon de complaisance. Là aussi des évolutions importantes sont en cours et la France qui s'était montrée inflexible durant sa présidence de l'Union pour que les négociations intègrent les paquets Erika I et II, estime, comme la Commission, qu'il n'y a plus d'obstacle dirimant à l'adhésion.

Chypre n'a par ailleurs pas demandé beaucoup de dispositions transitoires parce qu'elle n'en éprouvait pas le besoin et qu'elle voulait éviter tout prétexte qui aurait pu desservir sa position dans l'autre négociation sur la réunification.

Les relations avec la France montrent notamment un fort déséquilibre des échanges en faveur de notre pays : sur les six premiers mois de 2002, les exportations de la France s'élèvent à 141 millions d'euros tandis que les importations en provenance de Chypre se situent à 5,4 millions d'euros. Par ailleurs, dans un pays longtemps administré par le Royaume-Uni, la langue française, jusqu'alors obligatoire en fin de cycle secondaire, l'est devenue dès le collège.

En conclusion, le rapporteur a proposé de donner un avis favorable à l'adhésion de la République de Chypre à l'Union européenne.

M. Jacques Myard a souhaité que la ministre française de l'industrie s'inspire de cet exemple de plurilinguisme pour défendre la langue française dans le cadre du règlement sur le brevet communautaire.

M. Jean-Claude Lefort a jugé inacceptable que la Turquie puisse espérer monnayer son activité de puissance militaire occupante et colonisatrice en échange d'une ouverture de négociation pour son adhésion à l'Union européenne. Après l'attitude que l'Union européenne a prise par rapport au respect du droit international dans la crise irakienne, elle serait mal venue d'encourager ce pays à ne pas respecter les résolutions du conseil de sécurité des Nations unies qui ont condamné son occupation militaire, et de lui laisser croire qu'il pourrait contourner un problème de droit international par des astuces. Au-delà, il y a les principes et il faut saluer, à cet égard, l'adhésion de la République de Chypre qui a déjà entraîné dans la zone nord des manifestations positives en faveur de la réunification.

Le rapporteur a déclaré que l'Union européenne défendait une position parfaitement claire sur cette question, comme le montre encore le rejet, par la présidence de l'Union européenne, aujourd'hui, d'une demande du gouvernement turc visant à remplacer dans le traité d'adhésion la dénomination « République de Chypre » par « Chypre » au motif que la Turquie ne reconnaît pas la République de Chypre depuis les événements de 1974.

Le Président Pierre Lequiller a exprimé son accord avec M. Jean-Claude Lefort et souhaité que la Délégation assortisse son avis favorable à l'adhésion de la République de Chypre d'une observation déplorant qu'après la chute du mur de Berlin et la fin de la division en Europe, il subsiste encore une division à Chypre et une occupation militaire inacceptable, et souhaitant que cette division ne perdure pas.

M. Thierry Mariani a indiqué qu'il avait eu l'impression, lors de visites à Chypre, que l'île était devenue une sorte de colonie russe et précisé que la Russie était devenue l'un des rares pays dont les ressortissants n'avaient pas besoin de visas pour y entrer. Il s'est interrogé sur les garanties obtenues par l'Union européenne sur ce point.

M. Jean-Claude Lefort a souligné que Chypre donnerait à l'Union européenne une profondeur et une avancée vers le Proche et Moyen-Orient.

M. Edouard Landrain a demandé si les autorités régissant la flotte de commerce exerceraient leur pouvoir dans la partie de Chypre intégrée à l'Union européenne ou dans la partie hors Union européenne.

Le rapporteur a indiqué que la marine marchande se trouve sous le contrôle des autorités de la République de Chypre, soumise aux textes communautaires.

La Délégation a donné un avis favorable à l'adhésion de la République de Chypre à l'Union européenne.

Elle a également adopté l'observation suivante :

« Après avoir déploré l'échec des négociations sur la réunification de l'île et de ce fait, le maintien inacceptable d'une occupation militaire en violation du droit international, la Délégation forme le souhait que l'adhésion crée une dynamique de réconciliation et permette de dépasser un antagonisme de plus de trente ans entre les communautés chypriotes grecque et turque ».

III. Examen du rapport d'information de M. André Schneider, sur l'adhésion de l'Estonie à l'Union européenne

M. André Schneider, rapporteur d'information, a rappelé que l'Estonie, située au nord des pays baltes, est une vaste plaine parsemée de lacs, prolongée de plus de 1 500 îles. Comme les autres Républiques baltes, l'Estonie n'a retrouvé son indépendance qu'en 1991 après d'immenses souffrances. Les nombreuses discussions qu'il a eues avec ses interlocuteurs estoniens, et notamment son long entretien avec le Président Arnold Ruutel, lui ont confirmé la capacité de l'Estonie à intégrer l'Union dès 2004.

La Constitution de 1992 a institué une véritable démocratie parlementaire. A l'occasion des récentes élections législatives, un nouveau parti « Res publica » a obtenu 28 des 101 sièges du Parlement monocaméral. La coalition gouvernementale n'était toutefois pas définitivement constituée lors de la mission effectuée les 25 et 26 mars 2003. Les partis russophones ont presque totalement disparu, ce qui semble être le signe d'une bonne intégration de la minorité russophone.

L'Estonie compte en effet 29 % de Russes, sur 1,4 million d'habitants. En 1995, le Parlement a adopté une nouvelle loi sur la citoyenneté, très exigeante pour les étrangers souhaitant devenir estoniens, notamment sur le plan linguistique. Pourtant le nombre des
non-citoyens est en diminution rapide. Ils ont d'ailleurs le droit de vote aux élections locales, ce qui serait inconcevable en Lettonie.

L'Estonie est passée en 10 ans d'une économie centralisée à une économie de marché performante avec un taux de croissance annuel de plus de 5 %. Si les indicateurs internes sont positifs (baisse de l'inflation et du chômage, et excédent budgétaire), la forte aggravation des déséquilibres extérieurs est un point qui mérite une surveillance particulière.

L'ouverture, le 1er avril 2003, par Estonian Air, d'une liaison aérienne directe entre Tallinn et Paris devrait contribuer au renforcement des échanges et des investissements entre la France et l'Estonie, encore très insuffisants.

En dépit d'un niveau élevé d'alignement sur l'acquis communautaire, il reste à poursuivre la réforme de l'administration publique et des collectivités territoriales, à entreprendre des efforts dans le secteur vétérinaire et alimentaire et dans le domaine de la sécurité maritime.

L'opinion publique manifeste un intérêt croissant pour l'adhésion. 58 % des Estoniens sont aujourd'hui favorables à l'Union européenne, ce qui confirme une diminution du nombre des eurosceptiques. Les Estoniens entendent avant tout préserver leur identité et leur culture après l'adhésion. Avec ses voisins, l'Estonie est aujourd'hui disposée à jouer dans l'Union européenne un rôle très constructif. L'entrée de l'Estonie dans l'Union est une chance pour elle-même, mais c'est aussi une chance pour l'Europe.

Le Président Pierre Lequiller a remercié l'ensemble des rapporteurs pour la qualité de leurs rapports sur l'élargissement. Il a estimé que les pays candidats attendent beaucoup de la France. Les rapporteurs devront donc garder des liens étroits avec leurs interlocuteurs, qu'il faudra envisager de recevoir à Paris.

M. André Schneider a constaté que les trois Etats baltes étaient impatients de voir leurs futurs députés européens siéger au Parlement européen à Strasbourg.

M. Edouard Landrain s'est félicité de l'entrée dans l'Union européenne de peuples qui ont toujours été profondément européens, malgré l'occupation soviétique. Rappelant que le « Prestige » était parti du port de Tallinn, il a toutefois souhaité que l'Estonie soit en mesure d'appliquer rapidement la législation communautaire en matière de sécurité maritime.

M. André Schneider a jugé, à titre personnel, après avoir visité les trois Etats baltes, que l'Estonie faisait des efforts considérables pour s'aligner sur l'acquis communautaire.

M. Jean-Marie Sermier a évoqué les risques de pollution dus au stockage de résidus radioactifs.

M. André Schneider lui a répondu que ce sujet n'avait pas été évoqué lors de sa mission en Estonie mais qu'il avait constaté, lors de son passage à Vilnius, les efforts entrepris par la Lituanie, avec le soutien financier de la Commission européenne, pour démanteler la centrale nucléaire d'Ignalina et mettre fin au stockage de déchets radioactifs.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a donné un avis favorable à l'adhésion de l'Estonie à l'Union européenne.

IV. Communication du Président Pierre Lequiller sur le statut et le financement des partis politiques européens

Le Président Pierre Lequiller a présenté une communication sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens (E 2228).

Après avoir mentionné l'objectif de ce texte, qui vise à clarifier le statut juridique des partis politiques européens et à encadrer leur financement, il a rappelé que les partis politiques au niveau européen ont été reconnus pour la première fois en 1992 dans le traité de Maastricht, comme « facteur d'intégration important », citant l'article 191 du traité instituant la Communauté européenne qui dispose que « les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation d'une conscience européenne et à l'expression de la volonté politique des citoyens ». Le Président Lequiller a également rappelé les dispositions de l'article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne - que la Convention intégrera vraisemblablement dans le futur Traité constitutionnel - qui énonce que « les partis politiques au niveau de l'Union contribuent à l'expression de la volonté politique des citoyens ou citoyennes de l'Union ».

Puis, il a souligné qu'en février 2001, la Commission avait présenté une première proposition, sur laquelle aucun accord n'avait pu être trouvé au Conseil de l'Union européenne, en raison de l'exigence de l'unanimité alors en vigueur. Mais le traité de Nice, entré en application le 1er février 2003, a modifié la procédure de décision sur cette question par le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée au Conseil et la reconnaissance au Parlement européen d'un pouvoir de codécision en vertu de l'article 251 TCE.

Le Président Pierre Lequiller a ensuite exposé le contenu de la proposition de règlement qui définit un « parti politique européen » comme un parti politique ou une alliance de partis politiques ayant un statut enregistré auprès du Parlement européen conformément aux conditions et aux procédures définies dans ledit règlement. Pour être enregistré, un parti doit être présent dans au moins trois Etats membres et doit avoir participé aux élections au Parlement européen ou en avoir exprimé officiellement l'intention. Il a précisé que tous les partis enregistrés devront respecter les principes de liberté, de démocratie, des droits de l'homme et de l'état de droit et qu'un parti ne répondant plus aux conditions d'enregistrement pourra ainsi être radié par le Parlement européen. Il a néanmoins estimé que le fait de confier au seul Parlement européen le soin de se prononcer sur le respect par un parti politique européen de ces principes démocratiques pouvait être contestable, dans la mesure où les formations politiques européennes se trouveront en concurrence les unes par rapport aux autres. C'est pourquoi il pourrait être préférable d'accorder cette compétence à un organisme indépendant, voire d'impliquer dans ce contrôle la Cour de Justice des Communautés européennes.

S'agissant du financement des partis politiques européens, la proposition de règlement prévoit, comme c'est le cas dans la plupart des Etats membres, un financement public, à hauteur de 75 %, dans le but de leur garantir une certaine autonomie par rapport aux dons privés. Pour accéder au financement européen, un parti doit être représenté par des élus au Parlement européen, ou dans les parlements nationaux ou régionaux dans au moins un tiers des Etats membres, ou bien avoir obtenu au moins 5 % des suffrages lors des dernières élections européennes dans au moins un tiers des Etats membres. Dans un souci de transparence, un parti européen qui bénéficie d'un financement communautaire doit publier chaque année ses recettes et dépenses, ainsi qu'une déclaration relative à son actif et à son passif ; il doit également déclarer ses donateurs et les dons de chaque donateur. Le financement européen ne peut pas servir à financer des campagnes électorales ou à financer directement ou indirectement des partis nationaux et les partis politiques européens ne pourront plus accepter de dons provenant des budgets des groupes politiques constitués au sein du Parlement européen, ce qui doit mettre fin à une pratique dénoncée par la Cour des comptes européenne.

Le Président Pierre Lequiller a alors souligné la contradiction, avec la législation française, de l'article 5 de la proposition de règlement, qui autorise le financement des partis politiques européens par des personnes morales, à hauteur de dons n'excédant pas 5 000 euros par an et par donateur. Il a ainsi relevé que les dons d'un parti politique faisant partie d'un parti politique européen étant permis, cela pourrait conduire à un contournement de l'interdiction française de financement des partis nationaux par des personnes morales en permettant le financement des campagnes électorales européennes par des personnes morales, sur les fonds autonomes des partis politiques européens, provenant éventuellement de partis nationaux.

Il a enfin mentionné l'obligation de publication des comptes qui pèsera sur les partis politiques européens et leur certification annuelle par un audit externe et indépendant.

Evoquant le déroulement des négociations actuellement en cours au sein du Conseil, le Président Lequiller a indiqué que la France était favorable au principe d'un statut des partis politiques européens, nécessaire au développement d'une démocratie parlementaire européenne et à la consolidation de la citoyenneté européenne. Mais il a précisé que la délégation française avait manifesté de fortes réticences quant au financement autorisé des partis politiques européens par des personnes morales en raison de l'interdiction par la législation française de tout financement politique par des personnes morales. Le projet de texte devant faire l'objet d'une adoption à la majorité qualifiée, il a indiqué que la France ne serait pas en mesure de s'y opposer, une très forte majorité de délégations étant favorable au financement des partis politiques européens par des personnes morales. Dès lors, la stratégie de la France vise davantage à encadrer au maximum la possibilité de dons par des personnes morales, en limitant strictement leur montant alors que plusieurs délégations souhaitent porter le seuil à 20 000 euros, certaines proposant même de le déplafonner.

Plusieurs observations ont été formulées à l'issue de l'exposé du Président Pierre Lequiller.

M. Jean-Claude Lefort a précisé que le terme de « partis politiques européens » faisait également référence aux coalitions de partis politiques au niveau européen, certaines formations n'étant pas présentes dans les différents pays de l'Union.

M. Christian Philip a évoqué les difficultés liées au contrôle de l'utilisation de leurs fonds par les partis politiques européens, soulignant la confusion qui résultera de l'impossibilité pour un parti politique français d'apporter la preuve qu'il n'a pas financé une activité nationale sur des fonds provenant d'une personne morale.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que la France disposait de l'une des législations les plus strictes d'Europe en matière de financement des partis politiques.

Puis, la Délégation a approuvé la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens, sous réserve des conclusions suivantes, adoptées à l'unanimité :

Exposé des motifs :

Au terme de l'article 191 du traité CE, « les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation d'une conscience européenne et à l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union ». Quant à l'article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il énonce que « les partis politiques au niveau de l'Union contribuent à l'expression de la volonté politique des citoyens ou citoyennes de l'Union ».

Les partis politiques sont une composante essentielle de la démocratie et de l'Etat de droit. S'ils bénéficient dans chaque pays membre de l'Union d'un statut juridique qui définit le cadre de leur action et des règles de financement, un tel statut fait aujourd'hui défaut au niveau de l'Union.

Entré en vigueur le 1er février 2003, le traité de Nice offre désormais la base juridique nécessaire à l'adoption d'actes communautaires fixant les règles applicables aux partis politiques européens, notamment en ce qui concerne leur financement.

Alors que la Convention européenne réfléchit aux moyens de renforcer la légitimité démocratique de l'Union et de favoriser l'expression d'une citoyenneté européenne, la reconnaissance de partis politiques européens s'inscrit dans la perspective d'une meilleure perception des enjeux politiques de la construction européenne, notamment dans le cadre des élections européennes.

Dans le respect des traditions constitutionnelles des Etats membres de l'Union, le statut des partis politiques européens doit ainsi offrir les garanties permettant de satisfaire à la double exigence de pluralisme politique et de transparence financière.

« La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 191 du traité instituant la Communauté européenne,

Vu la Déclaration n° 11 annexée au traité de Nice, relative à l'article 191 du traité instituant la Communauté européenne,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens COM(2003) 77 final / E 2228.

S'agissant du statut des partis politiques européens :

1.  Estime que l'adoption d'un statut des partis politiques européens, tels que définis par la Commission, permettra de garantir le pluralisme des opinions au sein d'un espace public européen.

2.  Souhaite que les nouvelles dispositions envisagées puissent entrer en vigueur avant les élections européennes de juin 2004.

3.  Considère que le statut des partis politiques européens devrait reconnaître à ceux-ci la personnalité juridique dans tous les Etats membres de l'Union européenne.

4.  Recommande que la Cour de justice des Communautés européennes soit associée à la procédure de vérification par les partis politiques européens des conditions de respect des droits fondamentaux mentionnés à l'article 3-2 de la proposition de règlement.

S'agissant du financement des partis politiques européens :

5.  S'oppose à tout financement des partis politiques européens par des personnes morales, qui serait contraire à la législation française en vigueur depuis la loi du 19 janvier 1995.

6.  Estime nécessaire de confier à la Cour des comptes européenne, compétente pour contrôler l'utilisation des fonds publics européens, le contrôle du financement octroyé aux partis politiques européens et de prévoir des sanctions financières en cas de non respect des règles en vigueur. »

V. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, et de MM. Marc Laffineur et Thierry Mariani, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B

La Délégation a approuvé les quatre textes suivants :

¬ Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, d'un accord sous forme d'échange de lettres modifiant l'accord entre la Communauté européenne et la République socialiste du Vietnam relatif au commerce de produits textiles et d'habillement et à d'autres mesures d'ouverture des marchés, et autorisant son application provisoire (document E 2243).

M. Marc Laffineur a rappelé que la Commission européenne et le Vietnam ont paraphé, le 15 février 2003, un accord commercial qui contient des engagements de libéralisation dans plusieurs secteurs.

Les plus importants d'entre eux concernent les échanges de produits textiles :

- l'Union européenne augmentera les quotas qu'elle accorde au Vietnam de 50 % pour les catégories de produits les plus sensibles. La valeur de ces concessions est estimée à 200 millions d'euros pour 2003 et à 225 millions d'euros pour 2004 et 2005 ;

- le Vietnam s'engage à réduire ses droits de douane frappant ses importations de produits textiles en provenance de l'Union européenne.

Dans les autres secteurs :

- à partir du 1er janvier 2004, le Vietnam autorisera les opérateurs européens, dans le cadre d'entreprises communes, à exercer des activités d'agence de transport de marchandises par voie maritime, actuellement interdites aux sociétés non vietnamiennes ;

- il accordera une licence de courtage supplémentaire ;

- il introduira le 1er janvier 2004 un contingent tarifaire pour l'importation annuelle de 3 000 cyclomoteurs et scooters ;

- il réduira ses droits sur les importations de vins et boissons spiritueuses originaires de l'Union européenne.

L'article 3 de l'accord conditionne l'augmentation des quotas communautaires au respect de certains engagements de la part du Vietnam. Il comporte par ailleurs une clause de « retour en arrière » en cas de violation des engagements vietnamiens, qui permet de réintroduire les quotas actuels.

La France est favorable à la conclusion de cet accord, car il va permettre d'obtenir une amélioration de l'accès au marché vietnamien, tant pour les produits textiles que pour les autres produits et services européens.

Les professionnels du textile sont également favorables à la conclusion de cet accord.

¬ Questions budgétaires

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'adaptation des perspectives financières en fonction de l'élargissement, présentée par la Commission conformément au point 25 de l'accord interministériel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (document E 2229).

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que ce document avait déjà été largement présenté par M. René André à l'occasion de l'examen de son rapport d'information général sur l'élargissement. Il a simplement indiqué que la proposition de décision, examinée par le Parlement européen le 9 avril, serait soumise au Conseil « Budget » dans les prochains jours.

¬ Transports

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes en matière d'indemnisation des passagers aériens et d'assistance en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol (document E 1923).

M. Thierry Mariani a expliqué que cette proposition, qui porte sur la pratique appelée « surbooking », fixe un certain nombre de droits des passagers aériens et, en contrepartie, certaines obligations et interdictions pesant sur les compagnies aériennes. En 1999, 250 000 passagers auraient été victimes d'un refus d'embarquement sur les vols des principaux transporteurs aériens de la Communauté.

Un autre inconvénient de la réglementation actuelle est qu'elle fixe des compensations forfaitaires, quel que soit le désagrément subi et la perte de temps à laquelle les passagers sont confrontés.

C'est pourquoi, pour régler les cas de refus d'embarquement, la Commission propose de faire appel aux « volontaires », ce qui se pratique déjà au demeurant chez certaines compagnies. La Commission fait valoir qu'aux Etats-Unis, ce système de volontariat a permis de réduire, en 2000, à 18 000 les cas de refus d'embarquement, le nombre de volontaires ayant été d'environ 330 000.

En second lieu, afin de dissuader les transporteurs aériens de recourir trop souvent à la pratique du « surbooking », la Commission propose un taux fixe d'indemnisation égal à deux fois le montant de la plupart des tarifs de la classe affaires, soit 750 euros pour les vols de moins de 3 500 kilomètres, et 1 500 euros pour les vols supérieurs à cette distance.

La réglementation proposée comporte trois importantes nouveautés :

l conformément à une demande formulée par le Parlement européen en 1998, les dispositions prévues pour le refus d'embarquement sont étendues à l'annulation du vol pour des considérations d'ordre commercial, sauf dans le cas où le transporteur est en mesure de prouver que sa responsabilité n'est pas engagée ;

l pour ce qui est des passagers victimes de retards, la Commission propose qu'ils puissent prendre le plus rapidement possible un autre vol, ou bénéficier du remboursement de leur billet, s'ils estiment que le déplacement n'a plus de raison d'être ;

l enfin, le projet de texte de la Commission étend son dispositif aux vols charters.

Le Parlement a modifié très sensiblement les montants de la compensation accordée en cas de refus d'embarquement. Il a décidé que le règlement devrait exclure les participants à des voyages à forfait. Il a souhaité que les passagers de tous les modes de transport puissent bénéficier d'un traitement équivalent et des mêmes droits en matière d'indemnisation.

La position commune arrêtée par le Conseil le 18 mars 2003 - en dépit même de la demande de réserve parlementaire formulée par la France - a repris l'amendement du Parlement européen concernant les modalités de l'indemnisation, sous réserve d'une légère majoration de leurs montants, lesquels ont été portés à 250, 400 et 600 euros, contre 750 euros pour les vols les plus courts dans le texte de départ.

En revanche, comme la Commission, le Conseil n'a retenu ni l'amendement excluant les voyageurs à forfait du champ d'application du règlement, ni celui suggérant l'instauration d'un traitement identique en matière d'indemnisation dans tous les modes de transport.

Le Président Pierre Lequiller a noté que ce texte concernait la vie quotidienne des usagers.

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la sécurité des aéronefs des pays tiers empruntant les aéroports communautaires (document E 1931).

M. Thierry Mariani a expliqué que le texte porte sur la sécurité des aéronefs. Se référant à l'expérience récente, la Commission constate que les transporteurs des pays tiers empruntant les aéroports communautaires ne respectent pas toujours les normes de sécurité minimales internationales, ce qui peut être source de dangers pour les ressortissants communautaires voyageant dans ces aéronefs ou vivant à proximité des aéroports de la Communauté.

Les informations seront collectées et diffusées de manière à établir des preuves suffisantes pour arrêter les mesures nécessaires visant à garantir la sécurité des voyageurs et de la population au sol. Les aéronefs des pays tiers, leur exploitation et leur équipage seront inspectés chaque fois que l'on a des raisons de suspecter la non-conformité avec les normes de sécurité internationales, ces aéronefs pouvant alors être immobilisés au sol si cette mesure est nécessaire pour assurer la sécurité immédiate.

Le Parlement européen a adopté plusieurs amendements. Il a estimé que ces inspections pourraient être menées selon une procédure de sondage sur les avions n'éveillant pas particulièrement de soupçons, à condition que la procédure ne soit pas discriminatoire. Les inspections pourraient être plus nombreuses sur des avions ayant déjà fréquemment présenté des carences dans le passé ou sur des avions appartenant à des compagnies aériennes dont les avions ont fréquemment attiré l'attention.

De plus, à l'exception de produits médicaux, aucun matériel ou déchets nucléaires ne devraient être transportés sur des vols transportant également des passagers.

La proposition modifiée de la Commission retient, en totalité ou partiellement, 13 des 19 amendements adoptés par le Parlement européen en première lecture.

Les modifications proposées par la Commission visent notamment à :

- souligner que l'action communautaire ne vise pas les pays tiers comme tels mais les aéronefs de pays tiers qui ne répondent pas aux normes de sécurité internationales ;

- préciser que l'efficacité des inspections au sol est garantie par l'application de méthodes uniformes ;

- introduire également des contrôles ponctuels, pour autant qu'ils ne soient pas discriminatoires.

Le Conseil « Transports » des 27 et 28 mars 2003 est parvenu à un accord politique sur ce texte, malgré la réserve parlementaire demandée par la France.