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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 51

Réunion du mercredi 25 juin 2003 à 11 heures 30

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Audition de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Thessalonique

Le Président Pierre Lequiller a souhaité la bienvenue à Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, et s'est dit heureux que la Délégation puisse l'entendre sur les conclusions du Conseil européen de Thessalonique des 19 et 20 juin derniers.

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, a présenté les principales conclusions du Conseil européen de Thessalonique, essentiellement marqué par la présentation, par le Président Valéry Giscard d'Estaing, du projet de traité constitutionnel élaboré par la Convention. La ministre a toutefois indiqué que de nombreux autres sujets, non sans lien avec la Convention, avaient été débattus, mentionnant notamment les questions d'asile et d'immigration. La réalisation d'un espace de sécurité, de liberté et de justice constitue en effet la prochaine étape majeure de la construction européenne, et concerne directement les citoyens de l'Union. Puis, elle a évoqué les autres points abordés par les chefs d'Etat et de gouvernement :

- la tenue, au lendemain du Conseil européen, d'un sommet sur l'avenir des Balkans qui a réuni 33 pays (les 28 Etats membres et candidats à l'entrée dans l'Union et les cinq pays des Balkans), en présence notamment du Secrétaire général de l'OTAN ;

- la mise en œuvre du processus d'élargissement de l'Union européenne ;

- la candidature de M. Jean-Claude Trichet à la présidence de la Banque centrale européenne ;

- la politique commune de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, qui a fait l'objet d'une déclaration spécifique annexée aux conclusions du Conseil européen ;

- l'approbation de l'intention de la Commission de lancer une initiative, en coopération avec la Banque européenne d'investissement, pour soutenir la croissance et l'intégration grâce à une augmentation des investissements globaux et à la participation du secteur privé aux réseaux transeuropéens et aux principaux projets de recherche et développement.

S'agissant plus précisément du résultat des travaux de la Convention, la ministre a fait part de la satisfaction des autorités françaises, même si la troisième partie du projet de traité constitutionnel doit encore faire l'objet d'ajustements techniques au cours des deux sessions de la Convention prévues au mois de juillet. Elle s'est félicitée qu'un projet unique, sans options, ait pu être présenté, illustrant ainsi la volonté politique des Etats de ne pas rompre le consensus qui s'est formé. Elle a ensuite salué l'équilibre du projet de la Convention, soulignant notamment :

- l'intégration de la Charte des droits fondamentaux qui permettra à la Cour de justice de l'Union européenne de développer une jurisprudence, notamment sur les droits civils et politiques des citoyens, ce qui est particulièrement important pour les démocraties émergentes que sont les futurs pays membres ;

- la simplification des instruments et des procédures ;

- le renforcement de chacun des côtés du « triangle » institutionnel, fondé sur le respect de la double légitimité de l'Union : celle des Etats et celle des peuples. Le Conseil européen, grâce à l'instauration d'un président stable élu pour un mandat à plein temps de deux ans et demi, pourra donner les impulsions politiques et définir les orientations stratégiques européennes. Ce Président facilitera la recherche des consensus et pourra mieux définir les priorités politiques de l'Union. Le Parlement européen sera renforcé dans son rôle de co-législateur, à égalité avec le Conseil des ministres. Quant à la Commission, sa capacité de coordination sera améliorée grâce au renforcement des pouvoirs de son président, élu par le Parlement européen, et gardien de la collégialité de l'institution. Enfin, les parlements nationaux seront désormais directement associés à la prise de décision communautaire grâce au mécanisme d'alerte précoce instauré pour le contrôle du principe de subsidiarité ;

- l'extension de la règle de la majorité qualifiée, nécessaire pour éviter les blocages liés à l'augmentation du nombre des Etats membres ;

- l'impact positif de la suppression des piliers, surtout en matière de justice et d'affaires intérieures ;

- l'institution d'un ministre européen des affaires étrangères et la création envisagée d'une agence européenne d'armement.

En ce qui concerne la troisième partie du projet de traité constitutionnel, la ministre a toutefois estimé que certains points doivent encore être précisés et a insisté sur les éléments suivants, indiquant que des amendements avaient été déposés en ce sens par les représentants du gouvernement :

- le maintien de la compétence nationale en matière de commerce des services culturels qui ne sont pas des marchandises comme les autres ;

- le statut du ministre européen des affaires étrangères dont la relation avec le Conseil doit être précisée, notamment en ce qui concerne son autorité budgétaire dans le domaine de la PESC ;

- l'extension de la majorité qualifiée à la politique sociale, nécessaire pour éviter le dumping social ;

- la reconnaissance d'un pouvoir de décision autonome de l'eurogroupe pour les questions économiques et financières liées à la gestion de la zone euro ;

- le refus de l'extension de la procédure de codécision à toute la politique agricole commune ;

- un recours facilité aux coopérations renforcées afin de favoriser une intégration plus rapide dans certains secteurs ;

- une procédure de révision allégée pour certaines dispositions du traité constitutionnel, afin que l'exigence de l'unanimité n'empêche pas toute évolution ultérieure d'un traité qui a vocation s'inscrire dans la durée.

En conclusion de son intervention, la ministre a confirmé que la Conférence intergouvernementale devrait s'ouvrir à la mi-octobre et qu'il serait souhaitable qu'elle achève ses travaux avant la fin de l'année 2003, pour une signature du traité constitutionnel après le 1er mai 2004, date d'entrée des dix nouveaux pays dans l'Union européenne. Elle a alors indiqué que le traité sera déposé à Rome mais fera préalablement l'objet d'une signature dans toutes les capitales européennes.

Le Président Pierre Lequiller a demandé à la ministre déléguée quelle était la position de la France concernant la création d'une agence européenne pour la surveillance des frontières - évoquée par le Conseil européen - et le partage des charges relatives à la gestion de ces frontières extérieures. Il a souhaité savoir si le Gouvernement était favorable à la création d'un fonds européen pour le retour, proposé par la Commission. Il a demandé si le Royaume-Uni avait définitivement renoncé à son idée de créer des centres de transit fermés pour les demandeurs d'asile, écartée par le Conseil européen.

Concernant le projet de Constitution européenne élaboré par la Convention, le Président Pierre Lequiller a estimé qu'il ne devait pas être remis en cause par les Etats membres. Il a rappelé qu'il avait proposé, dans le cadre de la dernière réunion des commissions des affaires européennes du Triangle de Weimar, que celui-ci veille au respect des grandes lignes de ce projet au cours de la future Conférence intergouvernementale.

S'agissant du rapport de M. Javier Solana, l'Union européenne semble avoir opté pour une politique d'action préventive. Il a demandé des précisions sur cette politique et si elle se distinguait de celle des Etats-Unis.

M. François Guillaume a demandé à la ministre déléguée si la procédure de codécision s'appliquerait à la politique agricole commune. Il a souhaité savoir quelle était la position de la France au sujet de la proposition britannique en faveur du droit de veto : ne serait-ce pas une bonne façon de conserver le compromis de Luxembourg ? Par ailleurs, si le Président du Conseil européen - élu pour deux ans et demi - ne pouvait cumuler sa fonction avec celle de chef d'Etat ou de gouvernement en exercice, il est permis de se demander parmi quelles personnalités il serait choisi. Enfin, il a considéré que l'élection du Président de la Commission par le Parlement européen risquait de créer un grave conflit d'intérêt entre le Président de la Commission et le Président du Conseil européen.

M. Jérôme Lambert s'est interrogé sur les modifications susceptibles d'être apportées au projet de Constitution élaboré par la Convention par les gouvernements des Etats membres. Il a souhaité savoir si le Gouvernement français était lui-même pleinement satisfait de ce projet ou s'il entendait lui apporter des modifications.

Il s'est demandé en quoi l'élection du Président de la Commission par le Parlement européen constituait un véritable changement par rapport à la situation actuelle. Par ailleurs, si la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est intégrée dans le traité, son encadrement par des dispositions régissant son interprétation et son application dans le traité risque d'en limiter sa portée. Après avoir fait observer que les précédents traités européens avaient permis, au fil du temps, une adaptation des institutions communautaires, il a demandé si les conditions de révision prévues par le projet de Constitution ne risquaient pas d'empêcher de telles adaptations. Il a souhaité connaître les conditions d'adoption du projet de Constitution. Sera-t-il approuvé par référendum ?

Il a enfin demandé quel compromis se dessinait en matière de politique agricole commune et dans quelle mesure l'Union européenne s'engagerait, conformément au souhait du Président de la République, en faveur de la lutte contre le sida.

M. Jean-Marie Sermier s'est félicité de ce que le projet de Constitution associe davantage les parlements nationaux à l'action de l'Union européenne. Il a estimé souhaitable que le maintien de la politique agricole commune figure, au même titre que les principes relatifs à la justice et à l'exception culturelle, parmi les objectifs de l'Union européenne. A défaut, l'extension du cofinancement de la PAC risquerait de remettre en cause la politique de développement rural, indispensable à l'aménagement du territoire et à la protection de l'environnement.

Mme Noëlle Lenoir a apporté les éléments de réponse suivants :

- il y a déjà des textes en discussion dans le cadre de l'Union européenne sur l'asile et le regroupement familial. Le défi majeur est aujourd'hui le contrôle des frontières extérieures et la lutte contre l'immigration clandestine ;

- la France est favorable à la mise en place d'une structure opérationnelle de gestion des frontières. Elle souhaite même aller plus loin, vers une police européenne des frontières, mais cette idée se heurte à des résistances venant des Britanniques et des pays scandinaves. L'Europe s'oriente donc actuellement plutôt vers un renforcement de la coordination entre les polices des frontières nationales, les nouveaux membres de l'Union européenne ne pouvant adhérer à l'espace Schengen qu'après une période transitoire ;

- l'intégration d'une somme de 140 millions d'euros dans les perspectives financières, et son affectation au partage des charges de la lutte contre l'immigration illégale ont été approuvées par le sommet de Thessalonique. On ne sait pas encore quels seront les pays bénéficiaires de ces fonds ;

- les Britanniques ont proposé la mise en place de centres de rétention en dehors des frontières de l'Europe mais l'Union européenne n'a pas retenu cette suggestion ;

- en matière d'asile, les orientations définies par l'Union européenne sont relayées par le projet de loi du Gouvernement français sur l'asile, actuellement en discussion au Parlement, qui prévoit la réduction des délais d'instruction des dossiers ;

- le rapport Solana en matière de PESC n'implique pas le ralliement de l'Europe à une politique de guerre préventive. La référence à l'action préventive n'a, en effet, pas ce sens : l'Europe doit simplement se donner les moyens de prévenir les crises, comme elle le fait actuellement en Macédoine ou au Congo ;

- les représentants français à la Convention, et notamment les présidents des deux délégations parlementaires, ont été particulièrement imaginatifs et constructifs. La France n'a d'ailleurs jamais été isolée, comme en témoignent les contributions franco-allemande, franco-belge, franco-hollandaise, franco-germano-britannique, et les travaux communs avec de nombreux autres pays, dont la Grèce. L'équilibre obtenu dans le projet de Constitution ne doit pas être remis en cause et les débats de la Convention ne doivent pas se prolonger, car plusieurs nouveaux Etats membres doivent encore acquérir l'habitude de la négociation communautaire. Cette prudence n'empêche pas la France de maintenir ses positions, qui ont fait l'objet d'amendements en vue des deux prochaines réunions de la Convention ;

- s'agissant des modalités de calcul de la majorité qualifiée, les autorités françaises considèrent que le traité de Nice avait abouti à un bon équilibre entre la France et l'Allemagne, évitant tout risque de blocage. De façon autonome, le Président Valéry Giscard d'Estaing a souhaité simplifier le dispositif existant, ce qui renforce la position allemande et réduit le nombre de voix accordé à l'Espagne, qui a affirmé que cette solution était inacceptable. La Pologne s'estime également pénalisée par les nouvelles modalités de calcul. La France ne souhaite pas remettre en cause la décision de la Convention et espère obtenir une compensation sur le nombre de sièges attribués aux députés français au Parlement européen. Il serait souhaitable d'ailleurs que les parlementaires cherchent à multiplier les contacts avec leurs homologues, notamment espagnols et polonais, pour tenter de parvenir à un compromis sur ce point ;

- en ce qui concerne le nombre de commissaires réservé à chaque Etat membre, la Convention propose un mécanisme tendant à n'attribuer qu'un seul commissaire au lieu de deux à la France jusqu'en 2009. Au-delà de cette date, la France pourrait être représentée, dans certaines Commissions, par un commissaire sans droit de vote. Cette solution est lourde de conséquences et fait l'objet aujourd'hui d'une réflexion ;

- la France devrait obtenir satisfaction sur l'exception culturelle, mais aura plus de difficultés pour améliorer le texte dans le domaine social. En tout état de cause, la procédure de codécision est inadaptée à la politique agricole commune. La France souhaite des avancées plus importantes en matière de santé publique et de prévention des épidémies, d'autant que ces problèmes vont connaître une importance accrue avec l'adhésion des dix nouveaux Etats membres. L'énergie, le sport et l'espace devraient être ajoutés à la liste des compétences partagées ;

- la France n'est pas favorable à la réouverture du débat sur l'inscription de l'héritage chrétien dans le texte de la Constitution européenne, d'autant que la Charte des droits fondamentaux prévoit déjà la liberté de religion, ce qui constitue une innovation importante pour notre pays, qui ne reconnaît que la liberté de croyance ;

- le Président du Conseil européen devrait acquérir une stabilité à deux niveaux. Tout d'abord, il ne changera plus tous les six mois. Ensuite, il sera un président à plein temps, devant être disponible pour des déplacements dans les capitales des vingt-cinq, et bientôt vingt-sept, Etats membres. Le titulaire de ce poste, pour lequel les candidats ne manquent pas, devra avoir un passé politique prestigieux, tout en sachant respecter la souveraineté des Etats. S'agissant du risque de cohabitation entre ce président et le président de la Commission, la France n'était pas favorable à l'élection de ce dernier par le Parlement européen. L'arbitrage obtenu retient une formule raisonnable, puisque le Conseil européen devra présenter un candidat unique, reflétant la configuration du Parlement européen, élu par ce Parlement. En tout état de cause, la France est hostile à la politisation de la fonction de président de la Commission, car, comme l'illustre l'histoire de la coopération franco-allemande, l'Europe recouvre de nombreux domaines très consensuels, susceptibles d'associer des personnalités de sensibilités différentes ;

- le compromis de Luxembourg n'a jamais été inscrit dans les traités. C'est un accord politique qui continue d'exister en cas de désaccord sur une question d'intérêt vital pour un Etat membre. Dans les négociations communautaires, le droit et le fait coexistent et tout le monde sait qu'il y a des lignes infranchissables pour certains Etats membres. Toutefois, il n'y a pas de droit de veto au sens que revêt cette expression au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Le seul veto susceptible d'être pris en compte pourrait être trouvé dans les domaines où l'unanimité est exigée, mais précisément ces domaines concernent des secteurs où les compétences européennes sont limitées ;

- la Charte des droits fondamentaux n'était, jusqu'à présent, qu'un document déclaratif, sans valeur juridique. Son intégration dans la Constitution européenne devrait permettre aux citoyens de l'invoquer pour contester des décisions devant la Cour de justice. Ces contestations pourront toucher notamment le domaine social, ce qui constitue une grande avancée pour les citoyens d'un pays comme la Grande-Bretagne. Cette intégration devrait donc permettre l'identification de l'Europe à des valeurs fondamentales. Il importe de souligner, néanmoins, que ces règles ne s'appliquent pas dans les matières relevant des compétences nationales ;

- la France regrette que la Constitution prévoit des dispositions autorisant le retrait d'un Etat membre, ce qui pourrait permettre à un Etat ayant largement bénéficié des subventions européennes de quitter l'Union quand son intérêt politique l'y pousserait, sans avoir à effectuer des restitutions. Il serait souhaitable d'aboutir à un dispositif plus équilibré en matière de révision du traité et la France a d'ailleurs déposé un amendement sur ce point ;

- le choix de la procédure de ratification du futur traité constitutionnel et le recours éventuel au référendum relève du Président de la République ;

- en ce qui concerne la politique agricole commune, la France souhaite maintenir une minorité de blocage, avec l'Espagne, l'Irlande, le Luxembourg et l'Allemagne. Il faut éviter que les prix agricoles ne s'alignent sur les prix mondiaux, qui ont beaucoup baissé. Le découplage proposé par la Commission est devenu partiel, mais il ne l'est pas encore suffisamment. Beaucoup d'Etats membres sont en accord avec la France sur ce point et il en va de même de certains Etats adhérents, compte tenu de leurs intérêts agricoles ;

- la France n'a pas obtenu, comme elle le souhaitait avec le Royaume-Uni, que l'Union européenne s'engage à verser un milliard d'euros au fonds mondial contre le sida. Une formule de compromis a été trouvée, aux termes de laquelle la Commission et les Etats membres sont invités à apporter une contribution élevée au financement du fonds.

M. Gérard Voisin a souhaité savoir si la France prendrait des initiatives sur la diversité linguistique dans l'Union européenne et s'est déclaré préoccupé par l'insuffisante prise en compte de cette diversité par l'Union.

M. François Calvet a interrogé la ministre sur son sentiment à l'égard des « petits Etats » de l'Union européenne et sur le rôle que la France pourrait jouer à leur égard. Il a également souhaité connaître les initiatives que la France prendrait en ce qui concerne la création d'un parquet européen.

M. Christian Philip a rappelé que le Conseil européen a qualifié le projet de Constitution élaboré par la Convention de « bonne base de départ » et souligné les risques d'enlisement si la Conférence intergouvernementale s'en écarte. Il s'est demandé si l'absence de lien entre la Convention et la Conférence intergouvernementale n'augmentera pas le risque que les travaux de la Convention soient « détricotés ». Il a également interrogé la ministre au sujet du statut d'observateur accordé à la Turquie au sein de la Conférence intergouvernementale, qui tend à la mettre sur le même plan que la Roumanie et la Bulgarie et donc à franchir une étape supplémentaire sur le chemin de son adhésion. Il a aussi souhaité connaître le bilan du sommet Union européenne-Balkans occidentaux.

M. Michel Herbillon a demandé s'il existait encore des risques de blocage en ce qui concerne la partie III du projet de Constitution, qui doit faire l'objet de discussions au sein de la Convention au début du mois de juillet.

A ces questions, Mme Noëlle Lenoir a apporté les éléments de réponse suivants :

- le multilinguisme doit être préservé et le rapport de la Délégation présenté par M. Michel Herbillon sur le sujet mériterait d'être adressé aux institutions européennes, et notamment à la Commission. Les textes offrent les moyens de faire respecter le multilinguisme, mais l'anglais monte inexorablement en puissance, les représentants de certains Etats membres, comme le Danemark ou la Suède, n'hésitant pas à s'exprimer directement en anglais. Les nouveaux Etats membres tendent à adopter un comportement similaire, même si le français conserve chez eux de solides positions. Dans le nouveau traité, la diversité linguistique sera inscrite parmi les objectifs de l'Union, ce qui, loin d'être une simple pétition de principe, fournira la base juridique à d'éventuels recours contre le non-respect du multilinguisme. Pour le moment, le français reste cependant en usage au Conseil aux côtés de l'anglais et il est la langue de délibéré de la Cour de justice. En outre, nous avons obtenu une avancée très importante lors de la négociation de la réforme du statut des fonctionnaires communautaires puisque, pour avoir leur première promotion (en général dans les trois premières années de leur affectation), les fonctionnaires communautaires devront maîtriser deux (et non plus une) langues étrangères. Cela devrait beaucoup profiter au français. Pour conserver et développer le multilinguisme, des actions communautaires doivent être menées, avec le relais des Etats membres : trop d'enseignants d'allemand restent sans affectation en France, faute d'élèves ; d'autre part, l'activité des lycées français à l'étranger doit être soutenue ;

- au sujet des pays de moindre poids démographique, la France doit tirer profit de sa forte présence économique dans les futurs Etats membres pour s'efforcer de construire des alliances dans l'Europe élargie, ce qui nécessite encore un important travail d'explication de nos positions ;

- la création d'un parquet européen a suscité beaucoup de débats, en Europe mais aussi à l'intérieur de notre pays. Aux termes du projet de Constitution, les Etats membres pourraient décider à l'unanimité d'instituer un ministère public européen, qui serait à même de déclencher et de diriger des enquêtes lorsqu'une coordination des poursuites nationales s'avère nécessaire ; seul un événement extraordinaire paraît cependant capable d'enclencher ce processus, comme l'a montré l'expérience du mandat d'arrêt européen, qui doit son existence aux événements du 11 septembre 2001. Pour lutter contre la criminalité organisée, il est également indispensable d'instituer des mécanismes d'évaluation de la qualité des services judiciaires nationaux ;

- le risque d'un « détricotage » du texte de la Convention ne paraît pas si grand, même s'il faut s'attendre à ce que des pays comme la Pologne et l'Espagne fassent entendre leur voix au moment de la Conférence intergouvernementale ;

- l'adhésion de la Turquie reste en débat ;

- dans les Balkans, la Croatie, profitant de son avance relative, souhaiterait adhérer à l'Union européenne dès 2007, aux côtés de la Bulgarie et de la Roumanie, mais la situation dans la région paraît encore trop instable pour que sa demande n'apparaisse pas prématurée aujourd'hui ; des tensions latentes subsistent en effet dans la région, où les appareils d'Etat peinent à modifier les habitudes anciennes ;

- ces pays, candidats potentiels à l'adhésion à l'Union européenne, devraient développer une collaboration accrue avec le Tribunal pénal international de La Haye.