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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 80

Réunion du mercredi 14 avril 2004 à 17 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Réunion de travail avec une délégation du Comité des affaires européennes du Seimas de Lituanie (réunion ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller, après avoir souhaité la bienvenue à la délégation du Comité des affaires européennes du Seimas de Lituanie, a proposé de débattre des points suivants : rôle du comité parlementaire des affaires européennes, adhésion des nouveaux pays, projet de Constitution européenne et relations qu'entretient la Lituanie avec les Etats-Unis et la Russie.

M. Gintaras Steponavičius, Vice-Président du Seimas, a remercié les députés français pour la qualité de leur accueil et précisé qu'il s'exprimerait en lituanien, sa langue maternelle qui deviendra dans quelques jours une langue officielle de l'Union, sur un pied d'égalité avec le français. Evoquant le rôle du Comité pour les Affaires européennes dont il est membre, il a souligné les similitudes avec les missions dévolues à la Délégation pour l'Union européenne. Le Comité des Affaires européennes, qui a initié plusieurs débats européens au sein du Parlement lituanien, est à l'origine de certains amendements constitutionnels liés à l'adhésion à l'Union. L'élargissement représente une étape essentielle, et le soutien marqué par la France lors du vote de ratification du traité d'adhésion - tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat - est presque aussi important que celui manifesté par le peuple lituanien à l'occasion du référendum d'adhésion. L'élargissement est un jeu à somme positive tant au niveau du développement économique qu'au plan des valeurs ; de nouvelles perspectives s'ouvrent à l'Union et la croissance soutenue en Lituanie contribuera à dynamiser l'économie de l'Union. Les craintes liées aux conséquences de la liberté de circulation des travailleurs sont infondées et il est probable que ces mouvements se produiront des actuels vers les nouveaux Etats membres ; c'est pourquoi il a souhaité que le régime applicable pendant la période transitoire puisse être assoupli par la conclusion d'accords bilatéraux avec la France.

En ce qui concerne le projet de Constitution européenne, M. Gintaras Steponavičius a estimé qu'un accord était désormais proche, et envisageable sous présidence irlandaise. Un consensus devrait être possible sur la règle de la double majorité, même si l'on peut regretter le refus d'essayer le mécanisme de vote prévu par le traité de Nice. S'agissant du champ d'application de la majorité qualifiée, la Lituanie considère avec de nombreux autres pays adhérents qu'il est essentiel que certains secteurs continuent de relever de la compétence des Etats membres. La fiscalité doit rester régie par la règle de l'unanimité ; le maintien d'une fiscalité plus attractive est en effet nécessaire pour que la Lituanie atteigne progressivement le niveau de développement économique des actuels Etats membres.

Evoquant la composition de la Commission, M. Gintaras Steponavičius a souhaité que les « grands » pays comprennent la nécessité pour les Etats moins peuplés de faire entendre directement leur voix grâce à la présence d'un commissaire, même si un collège pléthorique pourrait perdre en efficacité. Quant à la volonté exprimée par la France de limiter le budget communautaire à 1 % du PNB de l'Union, il a qualifié cette position de logique. S'exprimant enfin sur le processus de Lisbonne, il s'est déclaré insatisfait par la situation actuelle et pessimiste sur les perspectives de croissance économique au sein de l'Union européenne, en retard par rapport au reste du monde. Il est urgent de prendre des mesures concrètes, notamment dans le domaine de l'investissement en faveur de la recherche.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que l'élargissement de l'Union européenne constitue une réunification. Il a été approuvé à une très large majorité par l'Assemblée nationale. L'entrée de la Lituanie dans l'Union européenne, le 1er mai prochain, sera très favorablement accueillie par les Français.

Sur le projet de Constitution européenne, il serait dangereux pour l'Europe de restreindre le champ d'application de la majorité qualifiée. Ainsi, l'accident aérien de Charm El Cheik aurait peut-être été évité, si un projet de directive de 1997 sur la sécurité aérienne n'avait pas été bloqué en raison de divergences entre l'Espagne et la Grande-Bretagne, au sujet de Gibraltar. On peut comprendre que la Lituanie ne soit pas favorable au passage à la majorité qualifiée en matière fiscale, afin de conserver ses avantages comparatifs. Mais, le renforcement de la gouvernance économique de l'Europe est indispensable pour soutenir la croissance. Il faut donc commencer à harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés, tout en laissant la liberté de fixation des taux.

Comme l'a fait remarquer M. John Bruton, membre du présidium de la Convention, et ancien Premier ministre irlandais, l'intérêt des petits pays n'est pas que la Commission devienne pléthorique. Une Commission trop nombreuse serait affaiblie. Le futur Président de la Commission sera d'ailleurs certainement issu d'un petit pays. Les Lituaniens auront l'occasion de constater, pendant la période transitoire prévue par le traité de Nice, que le principe d'un commissaire par Etat membre n'est bon ni pour l'Europe ni pour les nouveaux Etats membres à faible population. Il ne faut pas défigurer le principe fondateur de l'Union, selon lequel un commissaire européen ne doit pas défendre les intérêts de l'Etat dont il est originaire.

Au-delà de cette divergence sur la composition de la Commission, le Président Pierre Lequiller a constaté un accord entre la France et la Lituanie sur de nombreuses dispositions de la Constitution. Il s'est également félicité de l'importance accordée par M. Steponavičius au processus de Lisbonne. Il convient en effet d'éviter des divergences de politiques économiques entre pays de la zone euro, afin de soutenir la croissance et l'emploi.

Le Président Pierre Lequiller a enfin abordé les relations entre la Lituanie et les Etats-Unis. La France souhaite que l'Europe de la défense permette à l'Europe d'acquérir une certaine autonomie, tout en entretenant un dialogue et un partenariat très étroit avec les Etats-Unis. Cependant, des décisions qui engagent l'avenir du monde entier ne doivent pas pouvoir être prises unilatéralement par un Etat isolé, voire un homme seul. Des relations partenariales confiantes et équilibrées entre l'Europe et les Etats-Unis sont indispensables pour résoudre certaines crises, comme le conflit israélo-palestinien.

M. Gediminas Dalinkevičius a indiqué que si les relations avec les Etats-Unis étaient importantes, celles avec la Russie sont tout aussi essentielles pour la Lituanie, qui partage avec ce pays des frontières étendues et a signé plusieurs accords avec lui. Il a estimé que les bonnes relations établies avec la Russie - grâce notamment à plusieurs responsables politiques lituaniens - pourront être profitables à l'Union européenne, dans la mesure où elles empêchent que cet Etat ne constitue une menace. Il a rappelé que le souhait de la Lituanie d'intégrer l'OTAN était concomitant de celui d'entrer dans l'Union européenne, sachant que Vilnius a une position particulière en matière de défense. Selon lui, la défense européenne est une question complexe, qui doit être traitée en tenant compte des grands problèmes géostratégiques mondiaux. De ce point de vue, l'adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne ouvre, pour la Lituanie, de nouvelles perspectives, d'autant que la volonté de ce pays d'assurer sa sécurité est conforme à la politique défendue par ces deux grandes organisations.

Il s'est déclaré satisfait que la France, comme la Lituanie, approuve le projet de Constitution européenne, qui constitue un document d'importance primordiale pour l'Union européenne et devrait être adopté rapidement. S'il comprend bien les arguments avancés en faveur d'un nombre réduit de commissaires au sein de la Commission, il a estimé nécessaire de prévoir un commissaire par Etat, dans une période transitoire, afin de rassurer les nouveaux Etats membres sur leur capacité à être entendus. En tout état de cause, si le principe d'un commissaire par Etat membre devait être maintenu, les commissaires n'en auraient pas moins pour mission de défendre l'intérêt général de l'Union.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que le principe d'un commissaire par Etat membre était de toute façon retenu pour les cinq prochaines années et que la question de l'établissement d'une Commission à composition réduite ne se poserait que par la suite.

Après avoir relevé l'enjeu important que constituait l'entrée des dix nouveaux Etats membres dans l'Union européenne, M. Gintautas Kniuk_ta a souligné le rôle essentiel de la politique agricole commune, qui existe depuis plusieurs décennies et mobilise presque la moitié du budget communautaire. Rappelant la réforme récemment proposée par la Commission - qui concerne notamment le développement rural, l'équipement, les alternatives à la production agricole - il a indiqué que l'agriculture européenne était marquée par une production toujours plus importante et une consommation toujours plus faible. Dans ces conditions, les pays adhérents sont confrontés à un problème de surproduction, qui est d'autant plus significatif en Lituanie que le secteur primaire représente 18 % du produit intérieur brut, contre 5 % pour la France. Il a souhaité connaître le point de vue des Quinze, notamment de la France, sur ce sujet. Il a précisé, par ailleurs, que son pays avait entrepris d'importantes réformes de modernisation des exploitations agricoles au cours des dernières années. Celles-ci sont devenues très rentables, au point que les agriculteurs français ont exprimé quelques craintes face à l'entrée, dans l'Union européenne, de nouveaux concurrents. Il a rappelé qu'il avait été difficile, au cours des négociations d'adhésion, d'obtenir des périodes transitoires dans certains secteurs agricoles, alors que celles-ci se révèlent nécessaires pour laisser le temps à la Lituanie d'achever l'adaptation de son agriculture. Il a enfin relevé que beaucoup d'agriculteurs lituaniens avaient exprimé des réticences concernant l'entrée dans l'Union européenne, dans la mesure où les subventions communautaires qui leur seraient octroyées seraient, selon eux, inférieures à celles bénéficiant aux agriculteurs français. Cet état de fait nécessite de la part des responsables politiques un travail d'explication de la politique agricole commune à leurs concitoyens.

M. Christian Philip a souhaité connaître la position de la Lituanie concernant, dans le projet de Constitution européenne, la désignation d'un Président stable du Conseil européen et d'un ministre des affaires étrangères. Se félicitant de ce que les Lituaniens aient approuvé à plus de 90 % l'entrée de leur pays dans l'Union européenne, il a demandé quel était le vœu prioritaire que la Lituanie souhaitait exprimer au moment de son entrée dans l'Union européenne.

M. Gintaras Steponavičius a tenu à relativiser les résultats du référendum lituanien, en précisant que la participation des eurosceptiques avait été faible.

M. Christian Philip a néanmoins observé qu'un taux de participation de plus de 60 % demeure convenable, si l'on se réfère aux référendums organisés en France par le passé.

M. Gintaras Steponavičius a souligné que l'adhésion à l'Union européenne suscite encore de nombreuses craintes dans son pays. A quelques semaines de l'élargissement, de nombreux Lituaniens s'interrogent, par exemple, sur les conséquences de cet événement sur le niveau des prix et s'inquiètent notamment d'une éventuelle augmentation des prix des produits alimentaires. De même, le résultat du référendum traduisait une approbation de l'Europe, telle qu'elle est aujourd'hui, et ne préjuge pas d'un soutien aux évolutions que pourrait entraîner l'éventuelle adoption d'un traité constitutionnel. Dès lors, il importe d'accorder une grande importance à la procédure de ratification retenue pour mettre en œuvre cette future Constitution européenne.

S'il avait à formuler un vœu pour l'Union européenne, ce serait certainement de la voir évoluer dans le sens d'une moindre centralisation, afin que non seulement chaque Etat membre puisse y trouver pleinement sa place, mais également chaque individu.

M. Gintautas Kniuk_ta a rappelé que les discussions concernant l'adhésion de la Lituanie avaient été passionnées et que certains sondages envisageaient même une victoire des eurosceptiques lors du référendum. Quant à son vœu pour l'Union européenne, ce serait que la Lituanie, parfois perçue comme l'un des facteurs de l'effondrement de l'Union soviétique, ne soit pas présentée dans l'avenir comme un élément destructeur de l'Union.

M. Gediminas Dalinkevičius a confirmé que la Lituanie adhérait à l'Union pour renforcer la construction communautaire et non pas pour la détruire. Les pays baltes, dans leur ensemble, ont un impérieux besoin de sécurité, du fait de leur passé douloureux. La Lituanie perçoit donc l'Union européenne comme un instrument garant de sa sécurité. Il faut d'ailleurs insister sur le consensus de l'ensemble des partis politiques du pays en faveur de l'adhésion à l'Union européenne, d'une part, et à l'OTAN, d'autre part.

L'institution d'un ministre des affaires étrangères est une étape positive. En revanche, la création d'un Président stable du Conseil européen est plus problématique et mérite d'être débattue.

M. René André s'est réjoui de la venue de la délégation lituanienne et de la prochaine adhésion à l'Union de la Lituanie. Il faut se féliciter également que la France commence à percevoir les spécificités de chacun des trois pays baltes et à personnaliser chacun d'entre eux.

La Lituanie aura un rôle essentiel au sein de l'Union européenne, compte tenu de son expérience des relations avec la Russie. Ce dernier pays a longtemps donné l'impression d'être plus réservé à l'égard de l'entrée de ses anciens satellites dans l'OTAN que dans l'Union. Toutefois, depuis quelques mois une évolution est perceptible et la Russie ayant pris acte de l'entrée de ces pays dans l'OTAN, semble davantage réticente à l'égard de l'adhésion à l'Union. A cet égard, il a précisé qu'une délégation de la commission des affaires étrangères devrait se rendre en Lituanie, en mai prochain, pour étudier précisément cette question des relations entre l'Union européenne et la Russie et, notamment, le rôle de la Lituanie dans ces relations.

Plus largement, la Lituanie, constituant une nouvelle frontière de l'Union, aura un rôle primordial en matière de relations avec l'Ukraine et la Biélorussie. Il serait souhaitable, d'ailleurs, d'obtenir des précisions sur les relations actuelles de l'Ukraine et de la Russie et sur la situation intérieure de l'Ukraine.

M. René André a souligné qu'il était particulièrement apte à mesurer les craintes des agriculteurs lituaniens puisque, dans sa circonscription, la population agricole, qui représentait 25 % de la population active totale en 1981, n'en constitue aujourd'hui que 6 %. La réforme de la politique agricole commune va probablement accentuer cette évolution en incitant à l'accroissement de la taille des exploitations et, parallèlement, à une réduction du nombre des agriculteurs. Le choc que va subir l'agriculture lituanienne devra donc être amorti par un soutien de l'Union européenne.

Les fonds structurels accordés à la Lituanie s'élèvent à 2,7 milliards d'euros, mais on peut s'interroger sur les capacités des structures politiques et administratives de ce pays pour les utiliser de façon efficace, d'autant que la France n'a pas toujours été en mesure d'utiliser pleinement ses propres fonds structurels à cause de la lourdeur de son administration.

Il aurait également souhaité faire le point sur les problèmes liés à la modernisation énergétique, notamment sur la question de la fermeture de la centrale nucléaire d'Ignalina. Les industriels français n'ont pas toujours été assez actifs pour travailler avec les autorités lituaniennes dans ce secteur.

La France soutient l'idée d'une Europe-puissance et non pas d'une simple zone de libre-échange mais, sans les moyens de cette puissance - à savoir la diplomatie et la défense - l'Europe restera un nain politique alors qu'elle est un géant économique.

M. Gintaras Steponavičius a souligné que les relations avec la Russie n'ont jamais été meilleures depuis l'accès à l'indépendance de la Lituanie. Le règlement de la question de l'enclave russe de Kaliningrad a considérablement progressé, notamment en ce qui concerne le transit des personnes, et la croissance économique soutenue de cette zone est très positive pour tous. De bonnes relations doivent également être établies avec l'Ukraine et des initiatives doivent être prises, dans le cadre de la politique de bon voisinage de l'Union, pour contribuer au développement de la société civile dans ces pays.

Il a indiqué que la libéralisation du secteur énergétique lituanien est en cours. La centrale nucléaire d'Ignalina sera fermée, mais une alternative devra être trouvée, telle que la construction d'une nouvelle centrale nucléaire. La Lituanie regrette effectivement le manque de réactivité des entrepreneurs français sur cette question ; le gouvernement français a, en revanche, formulé des propositions très constructives. La Lituanie entend rester un Etat nucléaire, comme la France, et attirer un investisseur privé sur le site. En ce qui concerne la défense européenne, la Lituanie a participé, alors même qu'elle n'était pas encore dans l'Union, aux opérations menées au Kosovo et dans les Balkans. Mais la sécurité de la Lituanie est assurée par son adhésion à l'OTAN, l'entrée dans l'Union signifiant plutôt la sécurité économique ou civile que militaire.

M. Gintautas Kniuk_ta a rappelé qu'un tiers de la population lituanienne vit en zone rurale et que 40 % du territoire lituanien est constitué par des terres arables. Le secteur agricole est donc très important, notamment en termes d'emploi. Ce secteur devra être modernisé, et les exportations agricoles seront augmentées pour permettre le développement des zones rurales. La législation agricole lituanienne a déjà été mise en conformité avec le droit communautaire. En ce qui concerne les capacités d'absorption des fonds structurels, l'instrument agricole de préadhésion (le programme SAPARD) a permis d'acquérir une expérience dans ce domaine, et la Lituanie présente l'un des meilleurs bilans sur ce point. La gestion de ces fonds sera assurée par l'Agence nationale de paiement.

M. Gediminas Dalinkevičius a indiqué que la devise lituanienne est arrimée à l'euro, ce qui devrait contribuer à développer le tourisme en provenance des Etats membres. La population lituanienne éprouve quelques inquiétudes à l'égard de l'adhésion, en particulier parce qu'elle craint une hausse des prix et que la fermeture de la centrale nucléaire d'Ignalina n'a pas été bien comprise. L'adhésion présente cependant de nombreux avantages, notamment pour les relations de la Lituanie avec ses voisins. La Lituanie dispose d'un potentiel énergétique qui n'a pas encore été pleinement exploité.

M. Jérôme Lambert s'est félicité de l'adhésion de la Lituanie, qui apporte une énergie nouvelle à l'Europe, grâce notamment à ses excellents résultats économiques et à ses nombreux atouts. Cette énergie permettra à l'Union d'avancer, à condition que plusieurs obstacles soient franchis. Il faudra définir de nouvelles règles permettant aux institutions européennes de bien fonctionner à vingt-cinq, bientôt vingt-sept ou plus. L'harmonisation
- qui ne signifie pas l'uniformisation - de nos règles de protection sociale, par le haut, est indispensable, et devra à terme concerner également la fiscalité, pour éviter une concurrence néfaste entre Etats membres. L'Europe devra affirmer son ambition politique, pour que ses citoyens partagent un projet porteur de justice sociale et de démocratie, à travers une politique étrangère commune. La Lituanie peut jouer un rôle important dans nos relations avec l'Est de l'Europe, en particulier avec la Russie. Ses préoccupations en matière de sécurité sont légitimes. Les politiques communes en matière de commerce, d'énergie, d'agriculture, doivent être définies au plus près des citoyens, conformément au principe de subsidiarité. Pour atteindre ces objectifs, l'Europe doit disposer des moyens et des ressources nécessaires, ce qui suppose davantage d'efforts de la part des Etats membres.

Le Président Pierre Lequiller, en conclusion, a réitéré le plaisir de la Délégation d'accueillir, aujourd'hui, des parlementaires lituaniens et souhaité que ces rencontres amicales puissent de nouveau avoir lieu. Puis, il a souligné que la vision d'une Europe-puissance est largement partagée au sein de l'Assemblée, quelle que soit la couleur politique des députés. Bien entendu, les partisans de cette conception de la construction européenne sont des réalistes : l'Europe-puissance ne se fera pas en quelques jours, à l'instar de l'union monétaire, qui a nécessité cinquante années d'efforts. Toutefois, sur le long terme, on constate que l'Europe a toujours, malgré les reculs et les revers, progressé dans sa construction. Elle l'a d'ailleurs fait grâce à des crises ou des accélérations imprévisibles, comme l'a montré l'exemple récent de l'adoption probable de la Constitution européenne. Ce dénouement, qui semblait inimaginable il y a quelques mois seulement, est désormais en voie de se concrétiser, en raison notamment des attentats dramatiques ayant frappé Madrid.

Le Président Pierre Lequiller a insisté sur le fait que l'intérêt de tous les Européens est de se doter d'une véritable politique commune de la défense. Cette évolution est indispensable, car la meilleure garantie de sécurité pour l'Europe, par-delà le rôle indispensable de l'OTAN, consiste à prendre son destin en main. Aussi, après que la Lituanie ait fait le choix d'entrer dans l'OTAN et dans l'Union, elle doit maintenant, aux côtés de tous ses partenaires européens, réfléchir à la nature ultime de l'Union que les Etats membres souhaitent bâtir.