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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 92

Réunion du jeudi 8 juillet 2004 à 9 heures 30

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen d'un texte soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné le texte suivant :

Point B

¬ PESC et relations extérieures

- projet d'action commune du Conseil 2004/.../PESC du ... juillet 2004 relative à l'opération militaire de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine (document E 2630).

Le Président Pierre Lequiller a précisé que le lancement d'une opération militaire de l'Union européenne pour remplacer une force militaire de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine est hautement symbolique des changements intervenus dans la politique étrangère et de défense de l'Union européenne depuis dix ans. L'Union européenne n'avait pas réussi dans les années 1990 à définir une politique commune pour les Balkans et les Etats-Unis avaient dû intervenir dans une région d'Europe ne présentant pas pour eux un intérêt stratégique prioritaire. La politique étrangère et de défense commune a cependant commencé à devenir une réalité à partir de la prise de conscience des Européens de leur incapacité politique et militaire à réagir aux crises yougoslaves.

Depuis la rencontre franco-britannique de Saint-Malo en 1998 et les Conseils européens de Cologne (juin 1999) et d'Helsinki (décembre 1999), quatre interventions civiles et militaires ont été menées par l'Union européenne au titre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) : une première opération de police en Bosnie-Herzégovine pour prendre les suites de l'opération de police de l'ONU, à partir du 1er janvier 2003 ; une première opération militaire en Macédoine « Concordia » pour remplacer une force de l'OTAN, suivie d'une intervention militaire en République démocratique du Congo « Artemis » sans aucun recours aux moyens de l'OTAN, mais sous mandat de l'ONU ; enfin une opération de police, en Macédoine « Proxima », pour prendre le relais de l'opération militaire de l'Union européenne dans ce pays, à partir du 15 décembre 2003. Aucune n'a l'importance du prochain engagement de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine. Cette opération militaire sera d'abord un test de la capacité militaire de l'Union dans la gestion des crises.

Le Conseil européen de décembre 2003 a annoncé que l'Union européenne était prête à conduire une opération militaire en Bosnie-Herzégovine pour prendre la relève de l'opération de la SFOR menée par l'OTAN. L'action commune qui devrait être adoptée par le Conseil « Affaires générales - Relations extérieures » du 12 juillet devrait autoriser le lancement de la planification opérationnelle, aboutissant fin octobre à une conférence de génération des forces et au lancement de l'opération en décembre 2004 par le Conseil. L'Euroforce (EUFOR) devrait comprendre environ 7 000 hommes.

La mission de l'EUFOR est de jouer le rôle défini par les annexes 1a et 2 des accords de Dayton/Paris (accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine), pour contribuer à instaurer l'environnement sûr nécessaire à la mise en œuvre de la mission du Bureau du Haut représentant et du processus de stabilisation et d'association de l'Union européenne pour ce pays. Cette opération militaire s'inscrit en effet dans l'approche globale de l'Union européenne et appuie les progrès de ce pays en vue de son intégration dans l'Union européenne, dans l'objectif de signer un accord de stabilisation et d'association.

Il subsistera cependant une structure résiduelle de l'OTAN dans ce pays, chargée principalement de conseiller les autorités bosniaques dans la réforme de leur défense, mais aussi d'apporter un soutien opérationnel dans le contre-terrorisme, la recherche des personnes comme Karadjic et Madlic incriminés pour crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, ainsi que le partage du renseignement avec l'Union européenne. Le recours aux moyens de l'OTAN pour cette opération militaire de l'Union européenne est prévu, conformément aux dispositions de l'échange de lettres du 17 mars 2003 entre le Haut représentant pour la PESC et le Secrétaire général de l'OTAN. Le Conseil de l'Atlantique Nord a accepté de mettre à disposition en tant que commandant de l'opération de l'Union européenne l'adjoint au commandant supérieur des forces alliées en Europe, l'amiral Rainer Feist. Le quartier général de l'opération sera situé au Commandement supérieur des forces alliées en Europe (SHAPE). Le commandant de la force devrait être un Britannique.

La définition de la structure de décision de l'opération repose sur le principe d'autonomie complète de l'Union européenne par rapport à l'OTAN. Le Conseil approuve le plan d'opération et les règles d'engagement puis décide du lancement de l'opération. Il décide également des objectifs et de la poursuite de l'opération, au plus tard au 31 décembre 2005, ainsi que de sa fin. Sous la responsabilité du Conseil, le Comité politique et de sécurité (COPS), présidé par le Haut représentant pour la PESC, assure le contrôle politique et la direction stratégique de l'opération, et le Comité militaire de l'Union européenne (CMUE) surveille la bonne exécution de l'opération et en informe le COPS.

Une participation des Etats tiers à cette opération est possible pour les membres européens de l'OTAN non-membres de l'Union européenne et d'autres Etats tiers.

Le financement des dépenses opérationnelles sera à la charge des Etats membres de l'Union européenne. Il est réparti entre les Etats membres selon la clé du produit national brut, sauf si le Conseil en décide autrement. Le montant provisoire des coûts communs de l'opération est estimé entre 70 et 110 millions d'euros.

Cette opération sera également surtout un test de la capacité politique de l'Union européenne à convaincre la Bosnie-Herzégovine de s'engager dans la voie du redressement. Ce pays est stabilisé et la région n'est plus menacée par un conflit majeur, mais il est encore loin d'avoir accompli les réformes politiques et économiques indispensables à sa future intégration à l'OTAN et à l'Union européenne.

Au Sommet d'Istanbul, l'OTAN n'a pas proposé à la Bosnie-Herzégovine de rejoindre son partenariat pour la paix parce que ce pays, en particulier des éléments obstructionnistes de l'entité de la Republika Sprska, ne remplit pas son obligation de coopérer pleinement avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

En ce qui concerne l'adhésion à l'Union européenne, la Bosnie-Herzégovine est jusqu'à présent en bas de la file d'attente des pays des Balkans pour une future entrée. En tant que candidat potentiel à l'Union européenne, ce pays doit, comme les autres pays des Balkans, respecter les trois critères politiques, économiques et institutionnels de Copenhague, mais aussi les critères spécifiques du processus de stabilisation et d'association définis par le Conseil « Affaires générales » d'avril 1997 : coopération totale avec le TPIY, respect des droits de l'homme et des minorités, offre de réelles possibilités aux réfugiés de regagner leur lieu d'origine et coopération régionale.

Les dernières décisions de l'Union européenne montrent que du chemin reste à accomplir. Le Conseil vient d'adopter une position commune qui étend l'interdiction d'entrer et de transiter sur le territoire de l'Union européenne à treize individus supplémentaires qui entravent le travail du TPIY. Enfin, le Représentant spécial de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine vient de renvoyer soixante responsables serbo-bosniaques soupçonnés d'aider les fugitifs recherchés par le TPIY.

M. René André s'est réjoui de l'engagement de l'Union européenne, tout en soulignant qu'il ne croit pas à la pérennité des accords de Dayton, compte tenu de la fragilité de l'équilibre trouvé. La Bosnie-Herzégovine relève davantage, actuellement, d'une forme de protectorat que d'une réalité.

M. Daniel Garrigue a jugé très importante cette intervention de l'Union européenne, et a rappelé que ce n'est pas la première fois que les Etats européens s'engagent. La force de réaction rapide, mise en place en 1995 sur l'initiative du Président de la République, rassemblait en effet des forces françaises, britanniques et néerlandaises, avec le soutien logistique de l'Allemagne.

La Délégation a approuvé le projet d'action commune.

II. Examen du rapport d'information de M. René André sur l'avant-projet de budget européen pour 2005

M. René André, rapporteur, a précisé que le budget pour 2005 sera le premier budget prévoyant des dépenses pour vingt-cinq Etats membres sur l'ensemble de l'exercice.

Les prévisions budgétaires pour 2005 s'inscrivent dans le cadre des perspectives financières 2000-2006. Elles sont inférieures au plafond des dépenses autorisées, qu'il s'agisse de crédits d'engagement ou de crédits de paiement.

Cette stabilité pourrait cependant n'être que temporaire. Le débat sur le futur cadre financier postérieur à 2006, que la Commission a lancé en février 2004 et qui va se conclure avant la fin 2005, ainsi que le récent accord sur la nouvelle Constitution devraient profondément influer sur les futures négociations budgétaires. A cet égard, le budget 2005 apparaît donc comme un budget de transition destiné à garantir la continuité des politiques et des institutions communautaires.

Ce budget rigoureux permet à l'Union européenne d'honorer ses engagements tout en intégrant les nouveaux Etats membres.

S'agissant des crédits de paiement (crédits pouvant être dépensés durant l'exercice en cours, y compris pour couvrir des engagements plus anciens), le volume des dépenses proposé par la Commission est de 109,5 milliards d'euros, soit 1,03 % du RNB de l'UE-25, et l'équivalent de 250 euros par habitant. Or, les perspectives financières prévoyaient un plafond de plus de 114 milliards d'euros (1,08 % du RNB) pour l'exercice 2005. La marge est de 4,7 milliards d'euros.

Néanmoins, par rapport au budget 2004, la hausse est de 9,7 milliards d'euros. Cette évolution est due pour l'essentiel à l'intégration complète des nouveaux Etats membres (+3,9 milliards d'euros, soit au total plus de 10 milliards d'euros pour les 10 nouveaux membres), à la réforme de la PAC, décidée par le Conseil à Luxembourg (+1,3 milliard d'euros) et à l'amélioration de l'utilisation des fonds structurels (+2,7 milliards d'euros).

S'agissant des crédits d'engagement (montant maximal des engagements financiers nouveaux que l'Union peut contracter durant l'exercice), ils s'élèvent à 117,2 milliards d'euros pour l'UE-25 (1,1 % du RNB). Cela représente une augmentation de 5,8 milliards d'euros (+5,2 %) par rapport au budget 2004. Il en résulte une marge de 2,38 milliards d'euros sous le plafond des perspectives financières pour 2005.

Les propositions de dépenses permettent d'assurer la continuité des politiques communautaires, mais laissent peu de marge pour des initiatives nouvelles.

Les crédits de l'agriculture représentent 50,67 milliards d'euros, dont 6,8 milliards prévus pour le développement rural et 43,8 milliards pour les dépenses agricoles proprement dites.

Alors que les dépenses pour l'Union européenne à quinze sont stabilisées, les nouveaux Etats membres devraient se voir attribuer 3,6 milliards d'euros, dont 1,9 milliard pour le développement rural.

La France demande à la Commission de suivre tout particulièrement le secteur laitier, pour vérifier que les crédits concernant les mesures de marché soient suffisants, notamment en ce qui concerne les restitutions dont le niveau semble trop faible, compte tenu des prévisions de marché.

Le volume des crédits d'engagement proposés pour les actions structurelles (fonds structurels et fonds de cohésion) augmente de 3,3 % par rapport à 2004. Sur un total de 42,37 milliards d'euros, 7,7 milliards bénéficieront aux nouveaux Etats membres. La Commission prévoit en parallèle une forte augmentation des crédits de paiement (+14,8 %), qui s'explique par l'amélioration de la consommation des crédits dans l'UE-15, et par la multiplication par deux des dépenses prévues dans les nouveaux Etats membres.

Malgré les justifications avancées, la France considère que la progression des crédits de paiement est trop forte. La faible exécution des fonds structurels, en dépit des progrès enregistrés, a conduit, au cours de ces dernières années, à une surbudgétisation récurrente, qui s'est encore traduite en 2003 par un excédent budgétaire de 5 milliards d'euros.

Le niveau des dépenses prévues pour les politiques internes demeure relativement stable, comparé au budget 2004. La Commission propose 8,95 milliards d'euros en crédits d'engagement (+ 2,9 %) et 7,7 milliards d'euros en crédits de paiement. Un montant de 5 milliards d'euros en crédits d'engagement est consacré aux dépenses de recherche, ce qui montre que les objectifs de Lisbonne continuent à bénéficier d'une priorité élevée dans l'Union élargie.

Les nouvelles frontières extérieures et la zone élargie de libre-circulation seront protégées au moyen d'actions soutenues par le programme Douanes, et un montant de plus de 530 millions d'euros sera alloué au domaine de la justice et des affaires intérieures, comprenant le système d'information sur les visas et le Fonds pour les réfugiés. Un montant de 336 millions d'euros est prévu pour le contrôle aux frontières extérieures des nouveaux Etats membres, ainsi que 13 millions d'euros pour financer un dispositif de transit concernant Kaliningrad.

La Commission propose d'engager en 2005 des crédits supérieurs à 5,2 milliards d'euros pour les actions extérieures, ce qui correspond approximativement au niveau de 2004 (+1,1 %).

De plus, la Commission prévoit, comme en 2004, de mobiliser l'instrument de flexibilité pour dépasser le plafond du cadre financier pluriannuel afin de soutenir la stabilisation et la reconstruction en Irak (200 millions d'euros), en espérant que ce ne soit pas en pure perte.

La Commission propose de programmer une dotation de 55 millions d'euros, en crédits d'engagement, pour la PESC (politique extérieure et de sécurité commune). Les missions de police commune de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine jouent un rôle très important à cet égard, en souhaitant qu'elles soient couronnées de succès.

La France considère que le niveau de la dotation proposée pour la PESC est tout à fait insuffisant, et elle défend un budget de 75 millions d'euros. Elle souhaiterait un renforcement du caractère prioritaire des relations avec les pays du Moyen-Orient et de la Méditerranée du Sud, à la fois en raison de leur cohérence avec les dernières orientations européennes sur la politique de voisinage et des risques spécifiques d'instabilité présents actuellement dans cette zone, ce qui ne signifie pas qu'on doive se désintéresser des voisins de l'Est.

Les dépenses administratives prévues pour les institutions de l'Union européenne s'élèveront à 6,36 milliards d'euros, soit 3,9 % de plus qu'en 2004.

La Commission demande 700 nouveaux postes dans le cadre de l'adaptation à moyen terme à l'élargissement. La moitié de ces nouveaux personnels sera affectée aux services linguistiques.

Les crédits d'engagement de préadhésion seront, en 2005, de 1,85 milliard d'euros (+7,1 %). La stratégie de préadhésion s'applique désormais à la Roumanie, à la Bulgarie et à la Turquie. Les aides accordées à ces trois pays seront considérablement renforcées. L'aide de préadhésion pour la Roumanie et la Bulgarie s'établira à 1,55 milliard d'euros, tandis que des crédits d'engagement de 300 millions d'euros (au lieu de 250 millions en 2004) seront consacrés à la Turquie.

L'approfondissement de la cohésion de l'Union élargie et l'accroissement des compétences communautaires nécessiteront de réformer le budget européen après 2006.

Dans la difficile négociation sur les prochaines perspectives financières, deux tendances se dessinent.

Les six principaux contributeurs nets au budget communautaire (Allemagne, Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas, Autriche et France) souhaitent stabiliser les dépenses au niveau actuel, soit 1 % du RNB communautaire. De son côté, la Commission a proposé de porter le budget à 1,15 % du RNB en paiements et 1,27 % en engagements.

La négociation, qui doit se conclure par un accord à l'unanimité des Vingt-cinq, s'annonce très difficile, car plusieurs Etats ont des sujets sensibles.

La croissance souhaitée par la Commission résulte en grande partie de la dotation proposée pour la période 2007-2013 en matière de politique régionale. Les nouveaux membres attendent des aides, les anciens bénéficiaires veulent les conserver ou en perdre le moins possible.

Ces financements s'ajouteraient à ceux de la politique agricole commune, dont la France a obtenu la sanctuarisation en octobre 2002 à Bruxelles. Il conviendra donc de veiller, à l'occasion de la négociation sur les perspectives financières, à ce que cet accord ne soit pas remis en cause, alors que certains Etats n'attendent que cette occasion pour le faire, et qu'un récent rapport du Président de la Commission du budget du Parlement européen l'a fortement critiqué.

Enfin, le sujet de négociation le plus délicat constituera la répartition du financement des dépenses entre Etats membres. Dans la proposition de la Commission, le solde contributeur net de la France passerait de 2 milliards d'euros à 8 milliards d'euros en 2013. C'est la raison pour laquelle il convient de remettre en cause la correction britannique, dont la France assure le tiers du financement depuis les accords de Berlin en 1999. Ce véritable privilège, accordé en 1984, sous la forme d'une importante réduction de la contribution britannique au budget communautaire, était justifié à l'époque par le faible niveau de vie britannique (de 11 % inférieur à la moyenne communautaire). Or, aujourd'hui, le niveau de vie des Britanniques est supérieur de 20 % à la moyenne communautaire.

En conclusion, le rapporteur a souligné que ce budget de transition permettra à l'Union européenne d'honorer ses engagements et d'assurer la continuité des politiques communes, malgré l'élargissement. Mais il ne semble pas de nature à donner à l'Europe un nouvel élan, en prenant des initiatives fortes dans les domaines où la nécessité de son intervention se fait le plus sentir : PESC, grandes infrastructures de transport, recherche et développement, environnement, défense, justice et affaires intérieures.

L'Europe doit retrouver une véritable marge de manœuvre afin d'assurer une véritable cohésion dans tous les secteurs structurants. Une telle évolution passe par une redéfinition des domaines budgétaires nationaux et communautaires. La Constitution européenne reste trop discrète sur ce sujet, mais elle a ouvert la voie à une simplification du processus décisionnel.

C'est dans ce contexte difficile que doit s'ouvrir prochainement le débat sur le nouveau cadre financier de l'Union européenne entre 2007 et 2013, auquel le rapporteur a souhaité que la Délégation pour l'Union européenne prenne une part active.

Après avoir indiqué qu'il souscrivait aux observations du rapporteur, le Président Pierre Lequiller a rappelé que l'objectif du plafond de 1 % était de provoquer un réexamen de la correction de la contribution du Royaume-Uni au budget communautaire. Ce dispositif, fondé sur l'infériorité invoquée du niveau de vie britannique à l'époque, conduit actuellement à des transferts contestables. En l'état, la Slovénie serait un contributeur à la restitution britannique, alors que le niveau de vie anglais est maintenant supérieur de 20 % à la moyenne communautaire. S'agissant du niveau des fonds structurels prévus pour les pays adhérents, il ne faut pas négliger que les crédits correspondants ne pourront aisément être engagés en l'absence de structures administratives adéquates, sur place. Le budget 2005 sera donc dans l'ensemble un budget de transition.

M. Daniel Garrigue a indiqué que le plafond de 1 % répondait à un souci de rigueur et de remise en cause de l'avantage britannique, mais qu'il n'était pas tenable à moyen terme compte tenu des exigences du financement non seulement de la PAC et des fonds structurels, mais également du développement des autres actions communautaires. S'agissant de la recherche, un effort est indispensable, même si la demande de la Commission d'un doublement du programme-cadre de recherche et de développement peut paraître excessif. L'Europe est déjà en retard par rapport aux Etats-Unis et d'autres grands Etats ont prévu d'importants programmes de recherche, non seulement le Japon mais également la Chine et l'Inde. Au-delà, il convient également de songer aux actions internationales et à la PESC.

Sur un autre plan, la mention des crédits de préadhésion pour la Turquie pose un problème de principe. Il n'est pas envisageable de continuer à alimenter ce processus sans que la question de l'adhésion ait été posée devant l'opinion publique. La difficulté tient d'ailleurs moins à la Turquie et à la manière dont elle remplit certains critères, qu'à l'idée que les Européens se font de l'Europe. Son périmètre n'a pas, en effet, été défini.

S'agissant enfin des actions de l'Europe envers le Proche-Orient, le Moyen-Orient et les pays du Sud de la Méditerranée, les observations du rapporteur sont d'une grande justesse et il conviendrait d'en faire la mention dans proposition de résolution.

Après s'être associé à l'observation de M. Daniel Garrigue sur la question du périmètre de l'Europe, le Président Pierre Lequiller a indiqué qu'une mission de la Délégation se rendrait en Turquie au mois de septembre 2004. Elle est destinée non à se prononcer sur l'opportunité de l'adhésion, qui est une question d'ordre politique qui doit être tranchée dans d'autres instances, mais à procéder à un constat objectif sur la manière dont le respect des critères politiques de Copenhague est assuré, en particulier au regard des droits de l'homme. Les enseignements de cette mission seront donc connus avant que la Commission ne rende, au mois d'octobre, son rapport.

M. Jérôme Lambert a d'abord relevé que l'augmentation du budget communautaire était inférieure au montant des dépenses destinées aux nouveaux adhérents, ce qui entraînait mécaniquement une réduction du niveau des crédits dont bénéficient les anciens Etats membres.

Il s'est ensuite étonné que la proposition de résolution soumise à la Délégation ne remette pas en cause les crédits de préadhésion destinés à la Turquie, ce qui serait la conséquence des opinions qui viennent d'être exprimées.

Il a enfin demandé quelques aménagements à la rédaction du point relatif à la réduction de la contribution britannique, jugeant que celle-ci n'était clairement plus justifiée selon les critères actuels.

M. Daniel Garrigue a proposé que la résolution mentionne la question de la présence au budget communautaire de crédits de préadhésion de la Turquie.

Le Président Pierre Lequiller a précisé que l'inscription de ces crédits relevait d'une obligation juridique, compte tenu du statut de candidat reconnu à cet Etat lors du Conseil européen d'Helsinki, en 1999.

M. Jacques Myard a souligné que le budget est le reflet du type de construction européenne que l'on souhaite. Dans cette perspective, la limitation du budget à 1 % du revenu national brut communautaire n'est pas logique car on s'oriente actuellement vers une Union de transferts, dans laquelle les crédits sont centralisés au niveau de l'Union, puis redistribués au plan local, par exemple dans le domaine du soutien aux petites et moyennes entreprises, des fonds structurels ou de la recherche. Cette situation conduit à un excès de centralisation, à un éparpillement des crédits et à des doublons du fait de l'intervention simultanée des différents acteurs nationaux et de l'Union. Il convient, à l'inverse, de fixer au niveau européen les grandes orientations et de conserver des moyens nationaux, ce qui justifie une limitation du budget européen.

Par ailleurs, il est vrai que la correction de contribution dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984 n'a jamais été justifiée, au regard du bénéfice que celui-ci a tiré de l'entrée dans le marché commun.

En ce qui concerne la Turquie, il est manifeste, dans les conclusions du Conseil européen de Bruxelles, que les chefs d'Etat et de gouvernement se fondent sur des considérations géostratégiques. Historiquement, cette dimension a été prise en compte lors de l'adhésion de la Turquie au Conseil de l'Europe en 1949, à l'OTAN en 1952 et lors de la signature de l'accord d'association initié par le général de Gaulle et le Chancelier Adenauer en 1963. Cependant, la volonté d'intégrer la Turquie à une Europe uniforme entre en contradiction avec les préoccupations géostratégiques. L'Europe doit prendre en compte les différences nationales.

M. René André, rapporteur, a rappelé que la France avait pris des engagements lors du Conseil européen d'Helsinki en 1999 à propos de la Turquie, et que ceux-ci ne devaient pas être remis en cause. Ils ne préjugent cependant pas de la position qu'aura la France sur l'ouverture des négociations d'adhésion. Se ralliant aux différentes remarques intervenues sur les crédits de préadhésion pour la Turquie, il a proposé l'introduction d'un nouveau point ainsi rédigé dans la proposition de résolution : « Prend acte des crédits d'aide à la préadhésion de la Turquie mais souligne qu'ils suscitent de nombreuses interrogations en France ».

Par ailleurs, l'augmentation des crédits pour l'agriculture et des crédits pour les fonds structurels en faveur des nouveaux Etats membres ne modifiera pas les sommes attribuées aux agriculteurs français. Mais les conditions d'accès des Quinze aux fonds structurels vont évoluer.

Enfin, la correction de la contribution du Royaume-Uni au budget n'a jamais été justifiée. Si le niveau de vie au Royaume-Uni est aujourd'hui supérieur à la moyenne de l'Union européenne, il convient de souligner que seule une partie de la population en bénéficie.

M. Jérôme Lambert a estimé que l'argument des engagements pris par la France évoqué à propos de laTurquie s'appliquait également à cette question.

Après les observations du Président Pierre Lequiller, M. René André, rapporteur, a accepté la suppression dans le point 11 des mots « si tant est qu'elles aient jamais existé ».

Le Président Pierre Lequiller a souligné que l'accord d'association de 1963 avec la Turquie était intervenu dans un contexte très différent de celui d'aujourd'hui. Il concrétisait la recherche d'une alliance stratégique, dans un monde bipolaire où l'Europe avait surtout une dimension économique. Le problème de la Turquie doit être posé aujourd'hui, dans le contexte d'une union politique.

Par ailleurs, il est important de faire preuve de détermination à propos du budget car une négociation va intervenir. Le maintien du plafond de 1 % du revenu national brut communautaire est justifié tant que cette négociation n'a pas commencé.

Après que les membres de la Délégation aient marqué leur accord aux modifications proposées, la Délégation a adopté - M. Jacques Myard s'abstenant - la résolution ainsi modifiée :

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu l'article 272 du traité instituant la Communauté européenne et l'article 177 du traité Euratom,

- Vu l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire,

- Vu l'avant-projet du budget général de la Commission européenne pour l'exercice 2005 (E 2605 annexe 1).

1. Prend acte des grandes orientations de l'avant-projet de budget pour 2005, première année complète pour l'Union européenne élargie à vingt-cinq Etats membres ; constate que les priorités budgétaires pour 2005 permettront d'assurer la continuité des politiques communautaires dans une Europe élargie, tant en respectant l'impératif de discipline budgétaire ;

2. S'oppose à toute réduction des dépenses agricoles au cours de la procédure budgétaire et, compte tenu des prévisions de marché, déplore l'insuffisance des crédits dans le secteur du lait, dont la fragilité ne permet pas d'exclure des besoins supplémentaires ;

3. Recommande d'accroître l'effort financier en faveur du développement rural, en particulier les subventions aux jeunes agriculteurs et la lutte contre les maladies animales, et demande le maintien du projet de création de labels de qualité européens en matière agricole ;

4. Rappelle l'importance des actions structurelles dans le cadre de la mise en œuvre d'une politique efficace de cohésion et de soutien à la croissance ; mais estime, malgré les progrès enregistrés dans l'exécution des programmes, que la croissance des crédits de paiement programmée en 2005 est trop forte, compte tenu des excédents budgétaires constatés en 2003 pour cette rubrique ;

5. Se déclare favorable à des mesures communautaires en faveur des petites et moyennes entreprises, conformément à la stratégie de Lisbonne, pour promouvoir la compétitivité sur un marché unique pleinement intégré ;

6. Rappelle que la politique de recherche et de développement demeure l'une des priorités de l'Union européenne et souhaite un budget plus ambitieux pour le septième programme-cadre de recherche et de développement ;

7. Suggère qu'une attention particulière soit accordée au renforcement d'un espace européen de sécurité, de liberté et de justice ; propose en particulier d'accélérer la mise en place du système d'information Schengen et du système d'information sur les visas dans les nouveaux Etats membres ;

8. Demande que la politique à l'égard des agences obéisse à une approche budgétaire plus rigoureuse ;

9. Exprime son soutien à une nouvelle politique de voisinage qui vise à la mise en place d'une zone de prospérité et de stabilité au sud et à l'est des frontières de l'Union européenne ;

10. Souhaite que les moyens financiers de la PESC (politique étrangère et de sécurité commune) soient renforcés et que des progrès soient réalisés vers l'établissement d'une diplomatie européenne commune ;

11. Prend acte des crédits d'aide à la préadhésion de la Turquie mais souligne qu'ils suscitent de nombreuses interrogations en France ;

12. Considère que les raisons qui ont conduit, en 1984, à l'octroi au Royaume-Uni d'une correction sur sa contribution au budget communautaire ont aujourd'hui disparu ; demande une renégociation de cet avantage injustifié dans le cadre de la préparation des futures perspectives financières 2007-2013. »