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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 166

Réunion du mardi 28 mars 2006 à 18 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Audition de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 mars 2006, réunion ouverte à la presse

Après avoir accueilli la ministre, le Président Pierre Lequiller s'est réjoui que le Conseil européen des 23 et 24 mars ouvre la voie à un accord rapide sur la directive « services », sur la base du vote du Parlement européen. Il a indiqué que la Délégation avait récemment rejeté une proposition de résolution du groupe communiste, qui s'élevait contre le texte adopté par le Parlement européen.

Sur la politique énergétique, il a noté avec satisfaction la volonté des Vingt-cinq d'élaborer une stratégie commune à l'égard de nos partenaires extérieurs. Il a souligné que l'énergie nucléaire n'était pas expressément mentionnée dans les conclusions du Conseil et que l'adoption de décisions était renvoyée au Conseil européen du printemps 2007. En outre, la proposition du mémorandum français visant à confier à l'Union la programmation des investissements ne semble pas avoir été reprise.

Sur ce sujet de l'énergie, auquel les opinions publiques européennes sont très sensibles, le Président Pierre Lequiller a demandé à la ministre s'il lui semblait souhaitable qu'une mesure phare soit annoncée rapidement, par exemple, en matière de coordination et de solidarité en cas de crise d'approvisionnement.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, s'est félicitée de cette audition, qui complète le débat en séance publique du 21 mars dernier.

Le Conseil européen s'est déroulé dans une atmosphère de sérénité propice au travail, très différente de celle des deux derniers Conseils européens consacrés au budget de l'Union. C'est un signe de la capacité des Européens à se retrouver et à aller de l'avant pour prendre des décisions. Le Conseil avait été très bien préparé par la présidence autrichienne et a permis de progresser sur des projets concrets et importants pour l'avenir.

La seule déclaration de politique étrangère concerne la Biélorussie. Elle condamne l'arrestation par les autorités biélorusses de manifestants pacifiques qui protestaient contre le déroulement de l'élection présidentielle. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé des mesures restrictives contre les responsables, y compris contre le président Loukachenko. En parallèle, le Conseil a décidé de renforcer les actions de l'Union en direction de la société civile et des médias.

La ministre a ensuite abordé les autres résultats du Conseil européen.

L'énergie a été le sujet principal des travaux, ainsi que le sujet le plus nouveau dans un Conseil européen. Il est essentiel que l'Union se dote d'une véritable politique énergétique et n'aborde plus ces questions comme auparavant sous le seul angle de la libéralisation du marché et de la concurrence.

La France avait proposé cet automne à la présidence britannique qu'elle retienne l'énergie parmi les sujets d'avenir évoqués au Conseil de Hampton Court, puis elle avait élaboré et transmis à ses partenaires, en janvier, un mémorandum proposant une politique européenne de l'énergie, avec trois grands objectifs : la compétitivité, la sécurité des approvisionnements et le développement durable. La Commission s'en est d'ailleurs largement inspirée dans le Livre vert publié le 8 mars. La France a travaillé en coopération avec l'Autriche, l'Allemagne ainsi que le Royaume-Uni, qui a beaucoup évolué par rapport à ses positions antérieures.

Les conclusions du Conseil européen prévoient que l'Europe élabore une stratégie énergétique externe, qui devra être débattue à brève échéance. Il ne s'agit que d'un volet d'une politique énergétique mais c'est certainement le plus urgent. Le Conseil européen a invité la Commission et le Haut représentant M. Javier Solana à lui faire des propositions en vue du Conseil européen de juin prochain. La Commission devra aussi faire un rapport stratégique annuel. Par ailleurs, le Conseil appelle la Russie à ratifier la charte de l'énergie signée en 1994 et souhaite le renforcement du dialogue avec les grands fournisseurs.

Les conclusions appellent aussi à l'augmentation des efforts d'investissement des Etats membres, avec le développement d'une analyse commune des perspectives d'offre et de demande et des capacités de production nécessaires, sans exclure la contribution possible du nucléaire, mais aussi le développement des interconnexions électriques (avec l'objectif d'un taux d'interconnexion de 10 %). L'énergie nucléaire figure dans le Livre vert mais il s'agit d'une question difficile pour beaucoup d'Etats membres, dont l'Allemagne, qui ne sont pas prêts à un accroissement des compétences européennes. Les conclusions prévoient également le renforcement de la transparence sur l'état des stocks de gaz et de pétrole, indispensable en cas de crise énergétique.

Le mémorandum français ainsi que le Livre vert allaient plus loin, mais ce Conseil européen constituera la première étape d'une véritable politique européenne de l'énergie. La France sera très attentive à la mise en œuvre de ce programme, à commencer par le volet externe qui sera le premier test crucial pour l'Union, dans les mois qui viennent.

La proposition de directive sur les services a été le point le plus longuement débattu. La France est particulièrement satisfaite des conclusions adoptées. Elle a en effet obtenu que celles-ci prévoient expressément que le futur texte qui sera proposé par la Commission se fonde sur le vote du Parlement européen, qui a totalement remanié la proposition initiale. L'accord des deux grandes formations au Parlement européen et l'ampleur de la majorité acquise de ce fait ont créé une réalité politique qui s'impose au Conseil comme à la Commission. Le Président de la Commission, après le Président du Parlement européen, a appuyé les efforts français et ceux des pays qui voulaient préserver l'équilibre atteint le 16 février (l'Autriche, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les pays scandinaves, la Grèce, Chypre et d'autres). C'est un résultat très intéressant au regard de la capacité d'influence de notre pays car la France était minoritaire au Conseil il y a quelques mois. Nous n'avons pas retrouvé les clivages encore présents au Conseil Compétitivité. Il y a donc eu, lors de ce Conseil européen, un véritable renversement de situation.

Les conclusions adoptées sont bonnes et c'est un hommage à notre pays qui a été le premier à identifier les difficultés politiques posées par la proposition initiale de la Commission, puis a su convaincre et gagner des alliés au fil des mois. Au total, le réalisme a prévalu. Le prochain rendez-vous sera début avril, avec la publication de la proposition révisée de la Commission.

S'agissant de la stratégie de Lisbonne, dont se sont dotés les pays européens en 2000 pour développer la croissance et l'emploi, principaux sujets de préoccupation de l'opinion, il n'y a eu aucune polémique ni remarque sur le soi-disant « protectionnisme ». Ainsi que l'a souligné le Président de la République, la France est, selon les données incontestables du FMI et de l'OCDE, le pays européen parmi les plus peuplés le plus ouvert aux investissements étrangers. Rapportés à la richesse nationale, ces derniers y sont pratiquement deux fois plus élevés qu'en Allemagne et trois fois plus qu'en Italie. La France ne peut donc être décrite comme un pays protectionniste ou fermé.

La stratégie de Lisbonne est une bonne stratégie qui n'est pas remise en cause, même si elle a été trop peu reprise, jusqu'ici, dans les politiques nationales. Il faut donc l'appliquer. Ont ainsi été mis en place, à l'automne dernier, des Programmes nationaux de réforme. Cette innovation est destinée à permettre une meilleure appropriation de cette stratégie européenne par les Etats membres. L'élaboration et la préparation du deuxième programme devraient cette année mieux intégrer ces préoccupations et intervenir en concertation avec le Parlement et les partenaires sociaux. Le calendrier du premier programme a été très court.

Plusieurs projets ont par ailleurs avancé.

En matière de recherche et d'innovation, le Conseil européen a soutenu l'idée de la Commission de lancer un Institut européen de technologie, qui devrait fonctionner en réseau. Tel est le sentiment qui s'est majoritairement exprimé. La Commission a été invitée à présenter une proposition concrète d'ici le milieu du mois de juin.

Le Conseil européen a également repris l'idée du Président de la République d'utiliser la Banque européenne d'investissement en cofinancement avec l'Union, pour augmenter les fonds consacrés à la recherche selon une enveloppe pouvant atteindre 30 milliards d'euros. Déjà, lors des discussions du Conseil européen sur les perspectives financières, la proposition d'une utilisation de 10 milliards d'euros selon les mêmes modalités avait été évoquée.

Un autre projet important a été abordé sur l'initiative de la présidence autrichienne, celui de faciliter le rôle des PME, fortement créatrices d'emplois. Le Conseil européen s'est donc donné des objectifs précis, comme la réduction des formalités administratives de manière à permettre d'ici 2007 la mise en place d'un guichet unique pour la création de PME dans un délai qui n'excède pas une semaine, dans l'Europe entière.

S'agissant de l'éducation, le Conseil européen a expressément validé, à la demande de la France, l'idée d'une augmentation du budget affecté aux bourses Erasmus et Leonardo. L'accord du 16 décembre dernier sur les perspectives financières le permet. C'est un excellent moyen de diffuser l'idée européenne auprès d'une jeunesse qui ne comprend plus nécessairement les raisons de la construction européenne. Actuellement 25 000 Français, étudiants ou apprentis, bénéficient de ces aides, que nous proposons de doubler.

Par ailleurs, le Conseil a validé deux mesures très importantes, à nos yeux, l'une concernant le Fonds d'ajustement à la mondialisation, qui doit permettre d'aider à faire face aux chocs brutaux avec une enveloppe pouvant aller jusqu'à 500 millions d'euros, l'autre relative au Pacte européen pour l'égalité des hommes et des femmes au travail. Il s'agit d'un objectif essentiel sur le plan européen comme sur le plan national.

Enfin, le Conseil européen a mentionné pour la première fois dans ses conclusions un paragraphe spécifique à la zone euro. La France et un certain nombre d'Etats y sont attachés. C'est un signal de bon augure pour le renforcement de la coordination au sein de l'eurozone, que nous appelons de nos vœux, à différents niveaux.

En ce qui concerne l'avenir de l'Union et l'élargissement, la présidence autrichienne a souhaité un premier échange informel entre les ministres, en marge du Conseil. Un autre échange de ce type devrait intervenir dans quelques semaines, vraisemblablement en Autriche. Ces thèmes sont, en effet, à l'ordre du jour Conseil européen de juin. Il s'agira notamment de préciser ce que l'on entend par la capacité d'absorption de l'Union, qui est l'un des critères de Copenhague, même si on l'avait progressivement un peu oublié. C'est la France qui a demandé, et obtenu, lors du Conseil européen de décembre 2005, que l'on redonne à ce critère sa juste place.

En conclusion, la France a pris sur ces thèmes plusieurs initiatives et a obtenu des résultats. C'est la bonne méthode pour agir au niveau européen. Il n'y a pas de recul de l'influence française. Le progrès des idées françaises se constate. Dans le même ordre d'idées, il faut d'ailleurs se réjouir de la décision de la Commission du 22 mars dernier, validant le système français d'aide au cinéma et à l'audiovisuel. C'est un élément important de la diversité culturelle.

Plusieurs orateurs sont ensuite intervenus.

M. Daniel Garrigue a salué le sens des efforts engagés pour préciser le contenu de la stratégie de Lisbonne, qui ne constitue pas au demeurant une véritable stratégie, mais repose sur la définition d'objectifs qu'il appartient aux Etats membres de mettre en œuvre. Il faut apprécier le contenu du 7ème PCRD, ainsi que l'idée d'une association de la Banque européenne d'investissement qui permet la mobilisation d'une enveloppe substantielle. Les conséquences de la diminution des crédits de la recherche dans les perspectives financières 2007-2013 par rapport aux propositions de la Commission sont donc amoindries.

M. Daniel Garrigue ensuite évoqué le Pacte européen pour la jeunesse, avant de demander si le programme national de réforme ferait bien l'objet d'un examen dans le cadre du prochain débat d'orientation budgétaire. S'agissant enfin de la fusion entre Suez et GDF, il ne faut pas méconnaître que les Etats qui ont une stratégie en matière énergétique sont peu enclins à voir les centres de décision se déplacer hors de leur cadre, en l'absence de stratégie européenne en la matière. Il faut donc saluer les avancées qui viennent d'intervenir au dernier Conseil européen. La place du nucléaire y a-t-elle été abordée ?

M. Didier Quentin a souhaité obtenir des précisions sur le contenu de la politique envisagée en faveur du développement des énergies renouvelables et des biocarburants. En particulier, il s'est enquis de la possibilité de soutenir la recherche dans les régions enregistrant des excédents vinicoles. Il a également interrogé la ministre sur le rôle de l'Institut européen de technologie.

La ministre a apporté les réponses suivantes :

- il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que la stratégie de Lisbonne devienne une stratégie des Européens et non plus seulement de l'Europe. La mise en place des PNR a été une innovation utile qui doit inciter les Etats membres à s'approprier la mise en œuvre la stratégie de Lisbonne. Il faut espérer que le deuxième PNR permette d'améliorer l'articulation entre les politiques nationales et les objectifs poursuivis par l'Union et d'associer davantage le Parlement et les partenaires sociaux à son élaboration.

L'évaluation des PNR par la Commission revêt également un aspect positif, en introduisant l'idée de surveillance multilatérale, laquelle peut favoriser des progrès grâce à la comparaison des bonnes pratiques. En ce qui concerne la France, le PNR sera, cette année, examiné à l'occasion du débat budgétaire ;

- la fusion en cours entre Suez et Gaz de France correspond à un véritable projet industriel qui s'inscrit dans la logique économique et industrielle de l'Union européenne ;

- il est vrai qu'une politique européenne de l'énergie ne sera possible que si se constituent de grands groupes. Mais tant qu'une telle politique fera défaut, il sera difficile de demander aux entreprises de s'engager plus avant ;

- le Pacte européen pour la jeunesse n'a pas fait l'objet de réflexions particulières de la part du Conseil européen. Il est seulement mentionné dans les conclusions, car il s'inscrit dans le cadre plus général de la problématique démographique identifiée lors du Conseil européen informel à Hampton Court;

- la question de l'énergie nucléaire n'est pas aussi clairement abordée dans les conclusions du Conseil européen que dans le Livre vert de la Commission. Cette question divise toujours les Européens, notamment parce que certains Etats tiennent à pouvoir fixer en toute indépendance leurs choix énergétiques ;

- le développement des biocarburants - dont le prix n'est pas actuellement compétitif - est une piste qui mérite, à l'avenir, d'être explorée à mesure que la recherche favorisera des progrès. Devraient également y contribuer la réflexion sur l'avenir de la PAC et la raréfaction des énergies fossiles, qui posera la question des avantages comparatifs des différentes énergies ;

- l'Institut européen de technologie en est seulement à l'état de projet. Il s'agit, pour la Commission, non pas de créer un nouvel organisme mais de mettre en réseau diverses institutions existantes. La Commission doit faire des propositions d'ici la mi-juin sur cette idée qui recueille l'adhésion de la majorité des Etats membres. Contrairement à certaines rumeurs, il n'est nullement question de faire siéger cet Institut à Strasbourg.

Mme Arlette Franco a rappelé qu'elle avait établi un rapport d'information sur les problèmes démographiques évoqués dans le point 73 des conclusions. Relevant que la France enregistrait un des taux de fécondité les plus élevés en Europe, elle a constaté que ce taux était indépendant de facteurs religieux ou du niveau de richesse, puisque d'une part, celui de l'Irlande diminue, tandis qu'en Catalogne on dénombre un actif pour sept inactifs. Mme Arlette Franco a estimé que le véritable problème résidait dans la possibilité pour les femmes de choisir entre la conciliation de la vie professionnelle et l'éducation des enfants et la cessation de l'activité professionnelle pour élever les enfants. Sur ce point, elle a constaté qu'en Allemagne, la France était jugée comme un modèle, puisqu'à la différence de notre pays, l'accueil des enfants en bas âge se heurte à de sérieuses difficultés.

S'agissant de l'égalité des salaires entre hommes et femmes, elle y a vu un objectif nécessaire et évident, bien qu'il ne soit malheureusement pas toujours mis en oeuvre, y compris en France. Evoquant le Pacte européen pour la jeunesse, Mme Arlette Franco a considéré que les jeunes devront accepter le principe de la mobilité professionnelle, laquelle est liée, selon elle, à la règle de l'équivalence des diplômes dans l'Union européenne. Celle-ci doit inciter les jeunes à aller dans les autres Etats membres, ce qui ne pourra que favoriser l'indispensable retour d'expérience.

M. François Guillaume a posé à Mme la ministre deux questions :

- s'agissant de la Biélorussie, le Conseil européen a formulé une condamnation des dirigeants et de la dérive anti-démocratique, et a constaté qu'il fallait apporter un soutien plus actif à ce pays : comment ce soutien peut-il se concrétiser ?

- le Conseil européen a-t-il abordé la question du « patriotisme économique » sans que cela ne provoque de tensions ? La distinction, établie par le Président de la République, entre les opérations correspondant à de véritables projets industriels et les opérations à simple but financier a-t-elle été bien accueillie par les partenaires de la France ?

La ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- elle a indiqué souscrire pleinement aux propos de Mme Arlette Franco sur la démographie. La situation de la France est, effectivement, plutôt meilleure que celle des autres pays, même si la population française n'assure pas pleinement le renouvellement naturel des générations. La France a su développer des politiques orientées vers les familles et favorisant les naissances. C'est l'un des domaines dans lesquels les politiques publiques ont un réel impact sur la vie des individus. Le sujet avait déjà été mis en exergue lors du Sommet de Hampton Court, où les autres pays avaient salué les politiques menées par la France, et ce sujet sera nécessairement abordé de nouveau lors des futurs Sommets. C'est une question vitale, au sens propre du terme, et qui a des conséquences économiques puisque l'évolution démographique a un impact sur la croissance ;

- sur la jeunesse, elle a souligné l'importance des programmes engagés ;

- sur la parité, le Conseil européen a donné un certain nombre d'indications. Il faut maintenant que les Etats agissent sur cette base, en complément. Il subsiste encore des écarts de salaires entre hommes et femmes, à niveau de qualification égal, que rien ne justifie. Le Président Jacques Chirac avait rallié, sur cette question, la proposition suédoise, ainsi que plusieurs autres pays. C'est une question qui sera de nouveau évoquée ultérieurement ;

- sur la Biélorussie, il n'y a pas eu que des condamnations formelles. L'Union européenne a déjà développé des actions de soutien, en y consacrant des moyens financiers, humains et physiques, en veillant à ne pas franchir la ligne au-delà de laquelle ces actions deviendraient contre-productives. L'une des actions les plus efficaces est constituée par les émissions de radio et de télévision, puisque la liberté de la presse n'existe pas en Biélorussie. Une radio spécifiquement destinée à la population biélorusse a été ouverte cet hiver, et l'Union européenne soutient notamment Euronews, accessible sur le territoire biélorusse, afin de permettre à la population d'accéder à une information objective ;

- quant au « patriotisme économique », il a été très peu abordé, même par des intervenants comme M. Silvio Berlusconi. Il est certain que l'on ne fera pas de l'Europe un ensemble fort si l'on ne peut pas s'appuyer sur des industries fortes et compétitives. C'est le cas en particulier dans le secteur de l'énergie : il faut des groupes européens forts et complémentaires.

M. Bernard Deflesselles a indiqué qu'il ne partageait pas tout à fait l'enthousiasme de la ministre sur les résultats de ce Conseil européen. S'agissant de la stratégie de Lisbonne, il a fait observer que celle-ci avait été lancée en 2000 et que, six ans après, les résultats étaient bien minces car très peu d'Européens la connaissent, la société civile ne la percevant pas. Sur l'énergie, l'Europe se trouve dans une position purement défensive. Alors que l'on aurait pu prévoir depuis des années que le problème de l'approvisionnement et de la dépendance se poserait, l'Europe se contente de réagir, et n'a qu'une stratégie défensive et non pas offensive. Dans le domaine de la recherche, les progrès sont bien lents. S'agissant des PME, il est curieux de ne s'apercevoir qu'aujourd'hui que ce sont elles qui créent des emplois ; la lecture des conclusions du Conseil européen laisse mal augurer des conséquences concrètes des actions qu'elles préconisent.

Les deux sujets qu'il faut impérativement traiter sont l'élargissement et l'avenir des institutions, comme l'a montré la teneur des échanges entre parlementaires allemands et français lors de la réunion conjointe du 15 mars dernier à l'Assemblée nationale. Dans de nombreux pays, les parlementaires attendent manifestement que la France formule des propositions.

M. Bernard Deflesselles a conclu son intervention en indiquant que, lors de la dernière session plénière de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, les débats s'étaient focalisés d'une part sur l'affaire des caricatures, et d'autre part sur les questions d'immigration, et que sur ces deux thèmes, les intervenants avaient critiqué la position de l'Union.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité prolonger l'intervention de M. Bernard Deflesselles, en faisant part des enseignements qu'il a tirés de la rencontre récente avec les membres de la Commission pour les affaires de l'Union européenne du Bundestag.

Les échanges entre parlementaires étant, par nature, plus libres que ceux entre gouvernements et diplomates et ceux-ci, en l'espèce, ayant été particulièrement francs et denses, les divergences franco-allemandes sur le sort du traité constitutionnel se sont révélées au grand jour. En résumé, la France, qui ne peut être, de toute évidence, amenée à se prononcer une nouvelle fois sur le même projet, est favorable à l'adoption d'un texte plus court, ramassé, pour l'essentiel, sur la partie du traité consacrée aux institutions, tandis que l'Allemagne ne jure, à ce stade, que par la « Constitution, rien que la Constitution ».

Le Président Lequiller a considéré que, dans ces conditions, la Délégation devrait renouveler, avec l'appui de la ministre, l'expérience des missi dominici, envoyés dans plusieurs Etats membres, afin de débattre, cette fois-ci, avec les parlementaires nationaux sur les moyens de la relance européenne. Les entretiens pourraient être conduits à partir d'un questionnaire type, centré sur deux thèmes, la réforme des institutions, d'une part, et l'élargissement d'autre part.

Sur ce dernier point, le Président Pierre Lequiller a souhaité obtenir des éclaircissements sur le contenu du critère de la capacité d'absorption, examiné par l'excellent rapport de M. Elmar Brok, président de la commission des affaires étrangères du Parlement européen. Le concept est utile, car grâce à lui, l'Europe se pose, enfin, la question de sa capacité à accueillir tous les pays tiers candidats à l'adhésion à l'Union, mais il reste, malgré les travaux du Parlement européen, encore trop peu précis.

En réponse aux intervenants, la ministre a apporté les éléments de précision suivants :

- on peut instruire les résultats d'un Conseil européen « à charge et/ou à décharge ». Les résultats évoqués ne sont certes pas spectaculaires, mais ils sont réels. En ce qui concerne l'énergie, un accord a été trouvé pour engager une véritable politique européenne dans ce domaine, ainsi que pour définir un programme, deux points qui n'avaient jamais pu être atteints dans le passé. Quant aux programmes nationaux de réforme, à terme, ils apparaîtront pour ce qu'ils sont en réalité, un gage vers plus d'efficacité. S'agissant de la recherche, les dépenses pour la période 2007-2013 augmentent de 33 %, soit 30 milliards d'euros supplémentaires, ce qui n'est pas rien. Le Conseil européen s'est également penché sur les problèmes auxquels sont confrontées les PME, un fait en soi non négligeable. Des engagements concrets ont été pris par ailleurs dans ce domaine, notamment pour le guichet unique, même si les Etats membres devront attendre fin 2007 pour vérifier la bonne mise en œuvre de cette initiative ;

- qu'aurait-on dit de ce Conseil européen si la stratégie de Lisbonne avait continué de « flotter », si chaque Etat membre avait préservé ses seuls intérêts nationaux en matière d'énergie au détriment d'une approche commune qui commence à voir le jour, si la jeunesse avait été oubliée ou si la politique de recherche européenne avait marqué un recul ? Le bilan dressé, aujourd'hui, du Conseil européen se veut objectif, non enthousiaste. Par ailleurs, la réalité de l'Europe, ce sont les avancées obtenues pas à pas : on ne doit pas s'étonner qu'elle ne décide pas de tout en un seul jour, surtout dans des domaines presque entièrement nouveaux pour elle ;

- non seulement le Conseil européen a obtenu des avancées significatives, au rythme qui est propre à l'Europe, mais il n'a pas marqué un recul de la France. A contraire : force est d'admettre que la France, par ses propositions, a été derrière un nombre important de décisions concrètes prises dernièrement, allant toutes dans le sens d'une Europe des projets. La dynamique est bien là, car l'Europe s'est remise au travail ;

- le Conseil européen de décembre dernier avait déjà permis de réelles avancées, notamment dans le domaine budgétaire des perspectives financières. A cette occasion, d'ailleurs, le problème important de l'enveloppe à consacrer au Fonds européen de développement a été résolu, pour un montant prévu supérieur à 22 milliards d'euros, ce qui a constitué l'une des plus importantes réalisations du Conseil de la fin de l'année dernière, injustement passée sous silence ;

- d'une manière générale, la France est active au sein de l'Union. Elle a su utiliser ou activer, à plusieurs reprises, les bons réseaux, qui, aujourd'hui, permettent d'éviter les revers ou reculs régulièrement annoncés, comme s'agissant de la conduite des négociations à l'OMC ou de l'avenir de la PAC ;

- en ce qui concerne la capacité d'absorption, un débat sur la stratégie de l'élargissement, sujet étroitement lié au premier, aura lieu sous la présidence autrichienne. A cette occasion, les Etats membres devront se poser certaines questions, lesquelles n'emportent pas de réponses faciles ou toutes faites. La question des frontières de l'Union devra être abordée. Au-delà de cette question, déjà difficile, se pose une deuxième interrogation, que l'Europe ne pourra esquiver et qui porte sur la nature précise des valeurs fondant l'identité européenne ;

- il est nécessaire que les parlements nationaux se penchent sur ces questions et le gouvernement devrait se tourner vers ces derniers, lesquels jouent un rôle indispensable dans l'appropriation des sujets européens les plus importants. A cet égard, la démarche commune de MM. Yves Bur et Andreas Schockenhoff doit être saluée. De même, la proposition avancée par le Président Pierre Lequiller doit être relevée et appuyée.

Le Président Pierre Lequiller a alors évoqué les récentes décisions concernant la publication d'une « liste noire » de compagnies aériennes dangereuses, interdites de vol dans l'Union, et la création, progressive, d'un permis de conduire européen comme exemples réussis de l'Europe concrète, la plus à même de reconquérir l'opinion publique, M. Didier Quentin s'étant étonné du délai, fixé à l'horizon 2032, pour la mise en place effective de ce document.