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N° 392

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 novembre 2002

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur le ciel unique européen,

ET PRÉSENTÉ

par M. Thierry MARIANI,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Transports aériens.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. Pierre Goldberg, François Guillaume, secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, François Grosdidier, Michel Herbillon, Patrick Hoguet, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, M. René-Paul Victoria.

SOMMAIRE

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Pages

Résumé du rapport 7

Report summary 9

INTRODUCTION 11

PREMIERE PARTIE : LA REFORME PROPOSEE PAR LA COMMISSION VISE A CORRIGER LES DYSFONCTIONNEMENTS DES SYSTEMES EUROPEENS DE NAVIGATION AERIENNE 15

I. L'INEFFICACITE RELATIVE DES SYSTEMES EUROPEENS DE NAVIGATION AERIENNE 17

A. Les performances médiocres de la navigation aérienne européenne par rapport au système américain 17

1) La fragmentation des systèmes européens 17

a) Une configuration diamétralement opposée à celle des Etats-Unis 17

b) Une gestion non optimale du trafic aérien 20

2) Une productivité et une rentabilité inférieures à celles des Etats-Unis 20

B. Une infériorité dont la portée doit être nuancée 22

1) La question des retards aériens se pose aux Etats-Unis et en Europe 22

2) Un niveau de sûreté comparable 23

II. L'APPLICATION A LA NAVIGATION AERIENNE D'UN PROCESSUS ANALOGUE À CEUX DE LA MONNAIE UNIQUE ET DU MARCHE INTERIEUR 25

A. L'instauration d'un espace aérien unique 25

1) La mise en place d'une architecture et d'une gestion intégrées de l'espace aérien 25

a) La création d'une région unique d'information de vol (RUIV) 25

b) Un cadre d'utilisation coordonnée de l'espace aérien par les trafics civils et militaires 27

2) L'institution d'un régulateur fort et indépendant 29

B. L'établissement de règles de fonctionnement communes 31

1) L'extension à la navigation aérienne de mécanismes régissant les réseaux 31

a) La séparation au moins fonctionnelle des fonctions de régulateur de celles d'opérateur 31

b) L'instauration d'un cadre transparent et non discriminatoire de la fourniture des services de la navigation aérienne 33

2) L'imposition de normes d'équipement harmonisées 34

DEUXIEME PARTIE : LA DEMARCHE DE LA COMMISSION COMPORTE DES RISQUES QU'IL IMPORTE DE PREVENIR 37

I. LES DISPOSITIFS PROPOSES SONT SOURCE DE DIVERSES DERIVES 39

A. L'empiètement sur les prérogatives et les intérêts des Etats membres 39

1) L'inadéquation de l'encadrement des relations entre autorités civiles et militaires 39

a) La base juridique hasardeuse sur laquelle repose l'intégration des besoins militaires 40

b) La gestion unifiée de l'espace : une mise en œuvre hypothéquée par de sérieuses difficultés 41

2) Les dangers que recèle la notion de blocs d'espace fonctionnels 43

a) Une notion dépourvue de base légale 43

b) Cette notion introduit une logique de concurrence 44

B. La pertinence douteuse des mécanismes d'incitation à la performance économique et d'ouverture des services annexes à la concurrence 45

1) L'incompatibilité entre ces dispositions et certaines orientations communautaires et celles du droit international 45

a) Le risque d'une remise en cause de la qualification de service d'intérêt général du contrôle de la navigation aérienne 45

b) Le risque d'une modification de certaines dispositions de la Convention de Chicago et de la Convention Eurocontrol révisée 46

2) La méconnaissance par ces dispositions de la nature et du rôle des services météorologiques et des services annexes 47

C. Les imprécisions du paquet ciel unique quant au rôle d'Eurocontrol 50

1) Des lacunes préoccupantes 50

2) Le risque d'une duplication des compétences 51

II. L'OBJECTIF CONSENSUEL D'UNE VERITABLE EUROPE DE LA NAVIGATION AERIENNE PASSE PAR LA DEFINITION D'ORIENTATIONS PLUS CLAIRES ET PLUS EQUILIBREES 55

A. Sortir de l'impasse actuelle : une préoccupation unanimement partagée 55

1) Le caractère limité des solutions nationales 55

2) La nécessité d'un réel renforcement d'Eurocontrol 56

B. Promouvoir un cadre conciliant respect de la souveraineté des Etats membres et gestion efficace du trafic et de l'espace aériens 57

1) L'instauration du ciel unique ne doit pas avoir pour effet de réduire le rôle des Etats membres 57

a) Mieux prendre en compte les impératifs de la politique de défense des Etats membres 57

b) Subordonner la reconfiguration des espaces aériens à l'accord des Etats membres 58

2) La mise en œuvre d'une gestion efficace du trafic et de l'espace aériens 58

a) La qualité de service public de la navigation aérienne ne doit pas empêcher la quête de l'excellence 58

b) La nécessité d'un vigoureux effort dans le domaine de la recherche 61

CONCLUSION 63

TRAVAUX DE LA DELEGATION 65

PROPOSITION DE RESOLUTION ADOPTEE PAR LA DELEGATION 69

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées 71

Résumé du rapport

RESUME DU RAPPORT

En vue d'accroître l'efficacité des systèmes de navigation aérienne des Etats membres de l'Union européenne, la Commission propose - au travers d'un ensemble de textes appelé paquet ciel unique - d'unifier la gestion du trafic et de l'espace aériens. Dans cette perspective, elle souhaite s'appuyer sur un processus analogue à celui qui a présidé à l'achèvement du marché intérieur et à l'instauration de la monnaie unique.

C'est pourquoi elle prévoit, d'une part, la mise en place d'un espace aérien unique et, d'autre part, l'établissement de règles de fonctionnement communes.

L'espace aérien unique - encore appelé région unique d'information en vol - résultera de la fusion des portions d'espace aérien supérieur des quinze Etats membres de l'Union européenne. Pour que le trafic aérien y soit fluide, ces derniers sont encouragés à instituer une gestion flexible de l'espace, destinée à mieux coordonner les besoins respectifs des trafics civil et militaire.

Les règles de fonctionnement qui s'appliqueront à tous les prestataires de services au sein de cet espace intégré sont inspirées de celles que la Commission a mises en œuvre dans d'autres secteurs ouverts à la concurrence. Il s'agit de la séparation des fonctions de régulateur de celles d'opérateur, ou encore de la création d'un cadre transparent et non discriminatoire. Celui-ci doit permettre d'établir des redevances pouvant jouer le rôle de mécanismes d'incitation à la performance économique et d'ouvrir les services annexes à la concurrence : services météorologiques, services de l'information aéronautique et services de communication navigation surveillance.

Enfin, des normes d'équipement communes sont prévues.

Il incombera à un régulateur de veiller au bon fonctionnement de ces dispositifs. La Commission, en coopération avec Eurocontrol, sera chargée d`élaborer les règles communautaires, tandis que pour leur mise en œuvre, la Commission sera assistée d'un Comité du ciel unique. Celui-ci sera composé de représentants - civils et militaires - des Etats membres.

Pour le rapporteur, cet ensemble de mesures présentent trois lacunes majeures :

Elles empiètent sur la souveraineté des Etats et de leurs intérêts. La Commission semble, en effet, n'avoir pas pris toute la mesure des enjeux politiques et stratégiques, ceux découlant en particulier de la reconnaissance par la Convention de Chicago de 1944 relative à l'aviation civile internationale de la souveraineté des Etats sur leur espace aérien. D'où l'inadéquation de l'encadrement de la coordination entre les autorités civiles et militaires, puisque de telles dispositions devraient être réglées soit par un accord intergouvernemental soit par les mécanismes de la Politique étrangère et de sécurité commune. D'où également le risque d'une incompatibilité entre la Convention de Chicago et le dispositif proposé pour la reconfiguration de l'espace aérien.

En second lieu, les mécanismes d'incitation à la performance économique et l'ouverture des services annexes à la concurrence entrent en contradiction avec la jurisprudence communautaire qui a conféré la qualité de service d'intérêt général aux services de navigation aérienne. De surcroît, la Commission a méconnu le rôle joué par certains de ces services dans la chaîne de sécurité de la navigation aérienne.

Enfin, le paquet ciel unique est imprécis sur le rôle qui sera dévolu à Eurocontrol. Certes, la Commission dit vouloir s'appuyer sur son expertise technique et éviter les risques de duplication de compétences entre le Comité du ciel unique et les organes existants d'Eurocontrol. Mais de telles assurances sont insuffisantes pour prévenir une situation éventuelle de rivalité entre Eurocontrol et la Commission, surtout lorsque, après l'élargissement de la Communauté, la Communauté disposera d'une majorité absolue au sein d'Eurocontrol.

Pour ces raisons, la proposition de résolution qui a été déposée le 21 novembre 2002, vise à introduire des dispositions, qui ont l'ambition d'être plus claires et plus équilibrées.

Report summary

REPORT SUMMARY

To improve the efficiency of the air navigation systems of European Union Member States, the Commission proposes - via what is known as the Single Sky legislative package - to unify the management of air traffic and of airspace. To achieve this goal it wishes to base itself on a process similar to that behind the completion of the internal market and the introduction of the single currency.

It therefore intends to set in place a single airspace and joint operating rules.

The single airspace - still called the single flight information region - will result from the merging of the portions of upper airspace of the fifteen European Union Member States. For air traffic to be fluid therein, the States are encouraged to introduce flexible airspace management to better coordinate the respective needs of civil and military traffic.

The operating rules which will apply to all service providers within this integrated space are based on those which the Commission has implemented in other sectors open to competition. They entail a separation of the functions of regulator and operator, and also the creation of a non-discriminatory transparent framework. This framework should allow charges to be established, which can act as mechanisms promoting economic performance, and auxiliary services to be opened up to competition: meteorological services, aeronautical information services, and communication, navigation and surveillance services.

Lastly, joint equipment standards are planned.

A regulator shall monitor smooth operation of these mechanisms. The Commission, in cooperation with Eurocontrol, shall be tasked with elaborating the Community rules, and shall be assisted by a Single Sky Committee to implement them, composed of civil and military representatives from the Member States.

According to the rapporteur, this set of measures presents three major shortcomings:

First, they encroach on the sovereignty of States and their interests. The Commission indeed appears not to have fully understood the political and strategic issues, especially those resulting from recognition by the Convention on International Civil Aviation (Chicago Convention, 1944) of the sovereignty of every State over its airspace Hence the inadequacy of the framing of the coordination between the civil and military authorities, since such measures should be settled ether by an intergovernmental agreement or by the mechanisms of the Common Foreign and Security Policy. Hence also the risk of incompatibility between the Chicago Convention and the proposed arrangements for the reconfiguration of airspace.

Second, the economic performance incentives and the opening up of auxiliary services to competition are at odds with Community jurisprudence which has made air navigation services a general-interest service. Further, the Commission has underestimated the role played by some of these services in the air navigation safety chain.

Third, the Single Sky Package is imprecise regarding the role to be assigned to Eurocontrol. Admittedly, the Commission says it wants to base itself on Eurocontrol's technical expertise and avoid risks of overlapping competences between the Single Sky Committee and the existing bodies within Eurocontrol. But such assurances are insufficient to prevent a possible situation of rivalry between Eurocontrol and the Commission, especially when, after enlargement, the Community will have an absolute majority within Eurocontrol.

For these reasons, the motion for a resolution, tabled on 21 November 2002, is aimed at introducing provisions which set out to be clearer and more balanced.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Faut-il une Europe de la navigation aérienne ?

A cette question posée par un précédent rapport de notre Délégation(1), l'Europe avait tenté de répondre par l'affirmative en 1960 en créant Eurocontrol (Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne), dont l'objectif était de créer un service public de la navigation aérienne, auquel les Etats seraient tenus de déléguer leurs compétences en matière de gestion de l'espace aérien. Ce projet n'a toutefois pu être mené à bien du fait de l'hostilité des Etats. De fait, tout en ayant accepté à la fin des années 80 qu'un organe d'Eurocontrol - le CFMU (Central Flow Management Unit - Unité centrale de gestion des flux) - assure une gestion globale des flux de trafic, les Etats ont néanmoins confié l'essentiel du contrôle de leur trafic aérien à des agences nationales.

C'est pourquoi les projets dont nous sommes saisis ont pour ambition de doter l'Europe du cadre et des instruments nécessaires à la mise en place d'une gestion unifiée de son trafic et de son espace aériens, qui, aux yeux de la Commission européenne, faisait jusqu'à présent défaut. Cette réforme - appelée ciel unique européen - s'inspire du processus qui a présidé à l'achèvement du marché intérieur et à l'instauration de la monnaie unique et met en œuvre les principales conclusions du groupe à haut niveau - composé de représentants des autorités civiles et militaires des Etats membres -, dont le rapport a été présenté en novembre 2000. La Commission préconise ainsi :

- la fusion des espaces supérieurs des quinze Etats membres en une région unique d'information de vol ;

- l'instauration d'un régulateur unique de l'espace aérien ;

- la mise en place de règles de fonctionnement des services de navigation aérienne et d'équipement communes.

Ces dispositifs doivent, selon la Commission, permettre à l'Europe d'apporter notamment une réponse à la saturation du ciel et aux retards aériens induits par la libéralisation du transport aérien.

Le principe de ces réformes mérite d'être soutenu. Le rapporteur constate, en tout cas, que certaines des conclusions adoptées par notre Délégation au cours des deux précédentes législatures(2) rejoignent les préoccupations de la Commission, qu'il s'agisse de la séparation des fonctions de régulateur de celles de prestataire de services ou encore de la nécessité pour la Communauté d'adhérer à Eurocontrol, adhésion intervenue le 8 octobre 2002.

De même, le rapporteur a-t-il relevé que, pour ses interlocuteurs - représentants des organisations syndicales ou professionnelles de l'aviation - c'est dans le cadre européen que pourront être réglées les questions délicates telles que l'usage de l'espace par les trafics militaire et civil, la mise en place d'une tarification plus transparente des redevances dues par les compagnies aériennes ou encore l'élaboration d'une politique industrielle, qui permette à l'Europe de faire face à la forte concurrence américaine. Dans ce dernier domaine, en particulier, la France dispose d'atouts incontestables qu'il lui appartient de valoriser.

Pour autant, force est de noter que les propositions de la Commission suscitent des interrogations ou même de vives résistances. C'est ainsi que, dans son avis du 18 juillet 2002, le Comité économique et social estime nécessaire de « garantir que la reconfiguration de l'architecture de l'espace aérien supérieur contribue à l'amélioration du dessin des secteurs et des résultats en matière de routage et aboutisse à une capacité et une efficacité accrues ».

De son côté, le Parlement européen a jugé indispensable de rappeler la jurisprudence du 19 janvier 1994 de la Cour de justice des Communautés européennes, par laquelle cette dernière a établi que le contrôle aérien relevait de l'exercice d'une prérogative de puissance publique. Ce rappel est d'autant plus opportun que, bien que Mme Loyola de Palacio, commissaire européenne en charge des transports et de l'énergie, ait déclaré lors du Conseil « Transports » du 26 mars dernier qu'elle ne visait ni la libéralisation ni la privatisation des services de la navigation aérienne, la disposition ouvrant à la concurrence certains de ces services entre bien en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de justice.

S'agissant du Conseil, ses travaux butent sur la question des relations entre autorités civiles et militaires, puisque plusieurs Etats membres ont estimé que les propositions de la Commission ne prenaient pas suffisamment en compte leurs missions de défense.

Enfin, pour ce qui est de la Délégation pour l'Union européenne du Sénat, la proposition de résolution qu'elle a déposée au printemps dernier insiste notamment sur la nécessité, d'une part, de respecter le principe de subsidiarité en ce qui concerne l'organisation des systèmes nationaux de contrôle de la navigation aérienne et, d'autre part, de procéder à la modification du partage de l'espace aérien supérieur entre les utilisateurs civils et militaires dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.

Quoi qu'il en soit, ces diverses réactions montrent très nettement qu'en l'état actuel de leur rédaction, les projets de la Commission souffrent d'importantes lacunes. En effet, celles-ci tiennent à ce que la Commission ne paraît pas avoir pris toute la mesure des enjeux de souveraineté dans un domaine où, précisément, l'article premier de la Convention de Chicago de 1944 relative à l'aviation civile internationale affirme la souveraineté des Etats sur leur espace aérien.

Le rapporteur estime, dès lors, impérieux d'éviter, en la circonstance, que ne se répètent les erreurs ou les polémiques suscitées récemment par certains aspects de la monnaie unique - le Pacte de stabilité pour ne citer que lui - puisque celle-ci a servi ici de référence à la Commission.

C'est la raison pour laquelle le rapporteur présentera, en conclusion de ce rapport, une proposition de résolution dont l'objet est de prévenir les dérives auxquelles la réforme de la Commission est susceptible de conduire.

Mais avant d'examiner ces dérives, il évoquera les grandes lignes de cette réforme, destinée à porter remède aux dysfonctionnements qui affectent les systèmes de navigation aérienne des Etats membres.

PREMIERE PARTIE :
LA REFORME PROPOSEE PAR LA COMMISSION VISE A CORRIGER LES DYSFONCTIONNEMENTS DES SYSTEMES EUROPEENS DE NAVIGATION AERIENNE

Pour plusieurs interlocuteurs du rapporteur, ces dysfonctionnements reflètent l'inefficacité de l'Europe par rapport au système américain. A cet égard, une étude(3) a été fréquemment citée, qui révèle que le système américain est plus performant que ses homologues européens, tout en soulignant la nécessité de nuancer la portée de cette supériorité américaine.

Même s'il n'y est pas fait expressément allusion, il est clair que cette référence américaine n'en sous-tend pas moins également la démarche de la Commission, qui vise à appliquer à la navigation aérienne un processus analogue à celui qui a présidé à la monnaie unique.

I. L'INEFFICACITE RELATIVE DES SYSTEMES EUROPEENS DE NAVIGATION AERIENNE

A. Les performances médiocres de la navigation aérienne européenne par rapport au système américain

La médiocrité de ces performances tient à la fragmentation des systèmes européens de navigation aérienne, d'une part, et, d'autre part, à leur productivité et à leur rentabilité insuffisantes.

1) La fragmentation des systèmes européens

L'idée de fragmentation a été vigoureusement contestée par certaines personnalités rencontrées par le rapporteur, qui lui ont fait remarquer que même si les systèmes se sont développés dans un cadre national, ils n'en sont pas moins parvenus à coopérer. Pour autant, force est de constater que cette fragmentation est bien réelle et qu'elle ne contribue pas à un fonctionnement optimal des systèmes de navigation aérienne.

a) Une configuration diamétralement opposée à celle des Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la FAA (Federal Aviation Administration) est l'unique opérateur et l'unique régulateur de l'espace et du trafic aériens tant civil que militaire. Hormis les zones exclusivement réservées aux militaires, le reste de l'espace aérien - et tout le trafic en route civil et militaire - est contrôlé par la FAA. En outre, il existe des mécanismes de coopération entre cette dernière et les autorités militaires qui permettent à la FAA d'utiliser l'espace militaire - sous réserve d'une motivation - en vue d'améliorer la gestion des flux aériens.

A l'inverse, la situation de l'Europe est caractérisée par la fragmentation des régulateurs, des opérateurs, des équipements et des conditions de travail des contrôleurs.

¬ Il y a en Europe davantage de régulateurs et d'opérateurs que d'Etats membres d'Eurocontrol(4). Ceci tient à ce que, dans certains Etats, il existe deux régulateurs - l'un civil et l'autre militaire - et plusieurs opérateurs, comme c'est le cas en France. En revanche, en Allemagne et en Grande-Bretagne, la régulation du trafic militaire est intégrée à celle du trafic civil, ce qui les rapproche du système américain.

Quant au statut juridique des régulateurs et des opérateurs, il est lui-même susceptible de varier selon les Etats. En France, la DGAC exerce les fonctions de régulateur et d'opérateur, situation qui, comme on le verra, pose la question délicate de la conformité de la France à l'exigence de séparation au minimum fonctionnelle entre les deux fonctions posée par la Commission.

En Grande-Bretagne, le régulateur - le CAA (Civil Aviation Authority) - est appelé à exercer une régulation à la fois technique et économique, depuis que l'opérateur - le NATS (National Air Traffic Services) - a été partiellement privatisé en mai 2001.

Comme c'est le cas des autres entités régulatrices des anciens monopoles ouverts à la concurrence, le CAA fixe ainsi le taux d'augmentation des redevances perçues par NATS.

Pour ce qui est de l'opérateur allemand - DFS (Deutsche Flugsicherung) - il a le statut d'une société de droit privé à capitaux publics.

¬ La fragmentation des équipements est - hélas - également une réalité. Elle résulte ainsi à la fois de l'absence de standardisation des spécifications opérationnelles du contrôle aérien en Europe, d'une part, et, d'autre part, des traditions en matière de choix techniques qui remontent aux années 60 (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne). Les cinq grands pays européens qui gèrent plus de 70 % du trafic aérien européen sont à ce jour équipés de systèmes de contrôle fournis par cinq industriels différents et concurrents.

C'est ainsi, par exemple, que dans l'Union européenne, Thalès équipe le contrôle aérien des Etats suivants : Autriche, Belgique, Danemark, Eire, Finlande et Suède.

Les autres Etats utilisent, en revanche, des systèmes américains (Royaume Uni, Pays-Bas et Allemagne) ou ceux de leurs industriels (Espagne et Italie), concurrents de Thalès(5).

Quant au système français - le système CAUTRA - qui équipe les centres de contrôle, il est réalisé par la Direction de la Navigation Aérienne, qui en assure la maîtrise d'œuvre.

A l'évidence, cette diversité des systèmes de contrôle constitue un handicap important pour l'harmonisation des procédures et des moyens et nécessite des investissements importants pour rendre ces systèmes interopérables.

¬ Enfin, les conditions d'emploi et de qualification ne sont pas non plus harmonisées. C'est ainsi qu'en France les différents « protocoles » signés avec les personnels de la navigation aérienne ont permis d'apporter une solution à leurs revendications salariales, grâce notamment au passage des contrôleurs aériens en catégorie A et à la création de multiples primes et indemnités. Or, l'un des effets pervers qui en est résulté a été l'allongement à cinq ans de la formation totale des contrôleurs pour justifier a posteriori leur inclusion dans la catégorie A et leur nouveau titre d'«ingénieurs de contrôle de la navigation aérienne ». Cette exception française contraste avec la situation qui prévaut en Allemagne ou en Grande-Bretagne. En Allemagne, la formation peut durer ainsi 34 mois ou 28 mois, selon qu'elle est effectuée dans un centre ou dans une tour de contrôle. En Grande-Bretagne, la formation dure 18 mois, les candidats devant justifier d'une bonne formation secondaire et étant sélectionnés à l'issue de tests d'aptitude.

b) Une gestion non optimale du trafic aérien

En comparaison avec les Etats-Unis, l'Europe souffre ici de deux handicaps majeurs :

- D'une part, pour des raisons historiques, de nombreuses zones militaires actives sont localisées dans la zone de trafic la plus dense - encore appelée core area - qui comprend les aéroports les plus importants : Londres, Paris, Francfort, Amsterdam, Bruxelles, Zürich, Milan, Lyon, Nice et Genève.

En revanche, aux Etats-Unis, la zone de trafic la plus dense est située non pas au centre, comme c'est le cas en Europe, mais dans l'Est. En outre, les zones militaires sont localisées aux frontières.

- D'autre part, à la différence du Command Center qui dispose de pouvoirs contraignants à l'encontre de l'ensemble des acteurs de la navigation aérienne, le CFMU ne dispose pas du pouvoir de « rerouter » les flux de trafic ou de celui d'annuler un vol. De surcroît, il n'existe pas de solidarité entre les centres de contrôle, certains d'entre eux étant davantage soucieux de prouver les performances de leur système et de reporter les retards sur leurs partenaires que d'améliorer la gestion des flux aériens en Europe. Il y a là des enjeux importants de la réforme d'Eurocontrol et, au-delà, de l'instauration d'un ciel qui soit réellement unique. Comme M. Philippe Jacquard, Inspecteur général de l'Aviation civile a pu l'observer fort justement : « Si les acteurs continuent de penser localement et limitent leur attention sur leurs propres indicateurs de performances, l'Europe de la navigation aérienne n'existera jamais pleinement »(6).

2) Une productivité et une rentabilité inférieures à celles des Etats-Unis

¬ En ce qui concerne la productivité, l'étude précitée de la Commission d'examen des performances montre, sur la base du tableau ci-après, que le niveau de productivité du système américain de navigation aérienne est environ deux fois plus élevé qu'en Europe.

 

Zone Eurocontrol

Etats-Unis(7)

Vols aux instruments

7 920 200

15 881 100

Vols aux instruments en kilomètres

6 298 830 000

12 265 264 000

Nombre d'heures de vol contrôlées

10 250 000

22 125 500

Cette différence entre les niveaux de productivité n'est pas dépourvue de tout lien avec la durée de travail des contrôleurs américains, laquelle est plus élevée qu'en Europe. Cette durée est de 40 heures par semaine. En France, elle est de 32 heures. Encore, s'agit-il là de l'horaire théorique, compte tenu des difficultés auxquelles se heurte l'encadrement pour procéder au contrôle de la durée effective. A cet égard, la Cour des Comptes note que « S'agissant du temps de travail, la durée du temps de présence et de tenue effective du poste de contrôle figure parmi les plus faibles d'Europe »(8).

¬ S'agissant, en second lieu, de la rentabilité des deux systèmes de navigation aérienne, les deux graphes ci-dessous tendent à montrer que le coût des systèmes européens est supérieur de plus de 50 % à celui des Etats-Unis.

□ Eurocontrol

■ FAA

Le niveau médiocre de l'Europe tient, selon la Commission d'examen des performances, à la fragmentation des systèmes de navigation aérienne. Elle contribue, en effet, à réduire la rentabilité globale, du fait de la multiplication des coûts et des coûts élevés de transaction. En outre, elle empêche de tirer profit d'économies d'échelle.

B. Une infériorité dont la portée doit être nuancée

1) La question des retards aériens se pose aux Etats-Unis et en Europe

Dans les deux cas, les retards ont tendu à s'accroître au cours de ces dernières années(9).

Toutefois, il est intéressant de remarquer que, comme le montre le tableau ci-dessous, les niveaux de ponctualité dans les principaux aéroports américains et européens sont très proches et, même dans certains cas, identiques.

 

Zone Eurocontrol

Etats-Unis(10)

Ponctualité au départ

74 %

74 %
Source
 : US BTS

Retard moyen au départ par vol retardé (_ 15 minutes)
Ponctualité des vols à l'arrivée

39 minutes
73 %

44 minutes
77 %
Source
 : US BTS

Retard moyen à l'arrivée par vol retardé (_ 15 minutes)

43 minutes

53 minutes
Source
 : US BTS

Ponctualité moyenne dans les principaux aéroports en 2000

Il apparaît que, pour l'année 2000, 26 % des vols au départ en Europe et aux Etats-Unis ont enregistré un retard supérieur à quinze minutes. En ce qui concerne la ponctualité des vols à l'arrivée, elle semble meilleure aux Etats-Unis où le taux des retards à l'arrivée, supérieurs à quinze minutes, a été de 23 % contre 27 % en Europe.

Toutefois, le retard moyen à l'arrivée par vol retardé de plus de quinze minutes est supérieur aux Etats-Unis, soit cinquante trois minutes contre quarante trois en Europe.

2) Un niveau de sûreté comparable

D'après les statistiques du ministère américain des transports citées par la Commission d'examen des performances(11), le taux des pertes humaines par million de vols au départ a été respectivement de 0,6 et de 0,5 en Europe et aux Etats-Unis au cours de la période 1988-1997.

II. L'APPLICATION A LA NAVIGATION AERIENNE D'UN PROCESSUS ANALOGUE À CEUX DE LA MONNAIE UNIQUE ET DU MARCHE INTERIEUR

De même que l'instauration de la monnaie unique a exigé la création d'une Banque centrale européenne indépendante et le respect de critères de convergence par les Etats membres, de même le projet de ciel unique européen repose sur la mise en place en 2004 d'un espace aérien unique géré par un régulateur unique, ainsi que sur l'établissement de règles de fonctionnement communes.

Aux yeux de la Commission, c'est au prix de cet ensemble de mesures qu'il pourra être mis fin aux dysfonctionnements évoqués précédemment.

A. L'instauration d'un espace aérien unique

Cet objectif passe par la mise en place d'une architecture et d'une gestion intégrées de l'espace aérien, ainsi que par l'institution d'un régulateur fort et indépendant.

1) La mise en place d'une architecture et d'une gestion intégrées de l'espace aérien

a) La création d'une région unique d'information de vol (RUIV)

Une RIV (région d'information de vol) est une portion d'espace aérien dans laquelle sont fournis des services de trafic aérien. Les limites latérales de ces régions coïncident traditionnellement avec les frontières nationales. Chacune de ces régions est soumise à des règles particulières par l'Etat responsable.

Afin que le ciel unique européen puisse être un espace aérien sans frontière, la Commission propose la création d'une région unique d'information de vol, qui résultera de la fusion des quinze régions des Etats membres. A l'intérieur de cette région, les services de trafic aérien seront fournis selon les règles et procédures harmonisées. Dans une première étape, la RUIV se limiterait à l'espace aérien supérieur, qui accueille la plupart des vols internationaux. Mais c'est aussi, selon l'étude de la Commission d'examen des performances(12), la zone dans laquelle surviennent 72 % des retards dus à la gestion des flux aériens. Or, pour la Commission d'examen, la concentration des retards dans l'espace supérieur persiste malgré les mesures qui ont été prises en vue d'améliorer les capacités et les routes, ce qui, selon elle, justifie les dispositions envisagées par le projet de ciel unique.

Afin d'y porter remède, la création de la RUIV devrait permettre de reconfigurer l'espace supérieur en le divisant en blocs d'espace aérien fonctionnels, qui ne coïncideront pas nécessairement avec les frontières nationales. En effet, ils devront être définis notamment de manière à permettre un déroulement efficace du trafic aérien et à maximiser l'efficacité de l'espace aérien dans son ensemble.

Au travers de cette notion du bloc d'espace fonctionnel, la Commission propose de reprendre des dispositifs comparables existants. Il en est ainsi du centre de contrôle de l'espace aérien supérieur de Maastricht qui gère l'espace aérien supérieur, pour le trafic civil et militaire, de la moitié nord de l'Allemagne et l'espace aérien supérieur du Benelux pour le trafic civil. De même, depuis très longtemps, la Suisse gère une petite partie de l'espace aérien de la France.

En second lieu, la Commission respecterait apparemment les recommandations de l'OACI, en particulier celle qui prévoit que « la délimitation des portions d'espace aérien à l'intérieur desquelles doivent être assurés des services de circulation aérienne soit effectuée en fonction de la nature du réseau de routes et des conditions d'efficacité du service, plutôt qu'en fonction des frontières nationales »(13).

Pour autant, comme le rapporteur aura l'occasion de la souligner ultérieurement, cette notion de blocs d'espace fonctionnels suscite de très fortes réserves de la part des Etats, en raison des dangers qu'elle recèle.

b) Un cadre d'utilisation coordonnée de l'espace aérien par les trafics civils et militaires

L'objectif est de faciliter l'organisation de la coopération entre les autorités civiles et militaires en charge du contrôle aérien, afin que les Etats membres commencent par appliquer intégralement et de façon cohérente la notion de gestion flexible de l'espace, d'abord dans l'espace supérieur, puis dans l'espace inférieur.

Elaboré par Eurocontrol, ce principe repose sur la disparition de tout espace réservé en permanence à un type de circulation
- civile ou militaire - et sur la coordination des besoins des deux types à trois niveaux : stratégique (délimitation des zones d'entraînement militaires), pré-tactique (optimisation de l'utilisation de ces zones dans le temps en fonction des besoins, un à deux jours à l'avance) et tactique (coordination directe entre contrôleurs civils et militaires, pour optimiser l'écoulement des trafics).

Le principe d'utilisation flexible de l'espace est inégalement appliqué en Europe. En Grande-Bretagne, il est déjà mis en œuvre dans l'espace supérieur et, en ce qui concerne certains de ses aspects, dans l'espace inférieur. En Allemagne, l'intégration des trafics militaires dans le contrôle exercé par la DFS est effectuée depuis plusieurs années. En France, la gestion flexible de l'espace est mise en œuvre en application d'un protocole d'accord signé en 1998 par les autorités civiles et militaires. La coordination aux deux premiers niveaux est déjà installée, grâce aux mesures prises, dont la cellule nationale de gestion de l'espace mise en place en mai 2000 à Athis-Mons. Le troisième niveau fait l'objet de développements qui devraient aboutir à une coordination automatisée entre contrôleurs civils et militaires, initialement prévue pour cette année.

Toutefois, d'après les indications qui ont été fournies à votre rapporteur, l'utilisation flexible de l'espace fonctionne mal en Europe, non seulement parce que les besoins des trafics civil et militaire sont difficiles à concilier, mais aussi parce que la densité d'aéroports où se pratique le vol aux instruments est très importante.

En l'absence de limitation de niveau sur les vols
court-courriers, il en résulte une interférence permanente avec les vols longue distance, ce qui génère une charge de travail supérieure à celle des contrôleurs américains.

En France, deux obstacles majeurs aggravent les choses. D'une part, du fait de la disponibilité insuffisante du matériel volant, la planification pré-tactique à J-2 ne peut pas toujours être respectée par les autorités militaires, ce qui conduit à de nouvelles réservations d'espace. D'autre part, le dialogue en temps réel entre les partenaires est difficile, parce que les contrôleurs civils s'opposent à la communication directe avec les contrôleurs militaires et à la visualisation des vols militaires sur leur écran radar, comme cela se pratique dans de nombreux pays, tant que le problème de responsabilité que cette évolution implique n'est pas résolu. Cette situation rend la tâche des contrôleurs militaires délicate dans la mesure où ils doivent guider les avions (un à deux) dont ils ont la charge au travers d'un trafic civil souvent très dense, sans contact direct avec le contrôleur civil.

Pour ces diverses raisons, on voit mal comment la disposition
- de nature incitative - préconisée par la Commission peut correctement être appliquée, d'autant qu'elle soulève, en outre, de délicats problèmes juridiques qui seront examinés ultérieurement, puisque la démarche proposée, en l'espèce, est de recourir à un mécanisme du premier pilier, en un domaine touchant au deuxième pilier.

2) L'institution d'un régulateur fort et indépendant

Rappelant que l'une des principales conclusions du groupe à haut niveau a trait à la nécessité de créer un régulateur européen, fort et indépendant, la Commission souligne que « cette fonction sera exercée par la Communauté à travers ses mécanismes décisionnels en étroite coopération avec Eurocontrol »(14).

A l'évidence, une telle observation reflète la volonté de la Commission de veiller au bon fonctionnement du ciel unique européen, tout comme la Banque centrale européenne est chargée de définir la politique monétaire des Etats de la zone euro.

Toutefois, la position adoptée par la Commission, si elle s'inscrit dans une certaine logique, risque néanmoins de déboucher sur une situation opposée à l'objectif poursuivi.

En effet, le paquet ciel unique fournit à la Commission un cadre, qui lui permet de renforcer sa participation à la définition de la politique communautaire de la navigation aérienne, processus, dont l'adhésion de la Communauté à Eurocontrol, le 8 octobre dernier, a marqué une étape importante.

Ainsi, non seulement les domaines qui seront couverts par la réglementation communautaire sont-ils vastes, puisqu'ils comprennent :

- l'organisation et l'utilisation de l'espace aérien ;

- la prestation de services de navigation aérienne, y compris les aspects économiques, c'est-à-dire notamment les conditions dans lesquelles est établie la tarification ou encore celles dans lesquelles sont fournis les services ;

- les équipements et les systèmes pour la navigation aérienne.

Mais, par ailleurs, la Commission intervient dans l'élaboration et la mise en œuvre des mesures qui seront prises. Dans le premier cas, c'est elle qui confiera à Eurocontrol les travaux nécessaires à la confection des règles communautaires.

Dans le second cas, la Commission sera assistée d'un Comité dit du Ciel unique. Celui-ci sera composé de deux représentants par Etat membre. En vue de répondre à son souci d'intégrer les besoins militaires, la Commission suggère que les Etats délèguent des militaires à ce comité. En outre, elle indique que son règlement intérieur pourrait prévoir qu'Eurocontrol y sera associé à titre d'observateur.

La question majeure posée par ces propositions est de savoir si elles permettront réellement à l'Union européenne d'être dotée d'un régulateur efficace et si elles ne feront pas double emploi avec les structures existantes d'Eurocontrol, comme par exemple le CMIC (Civil and Military Interface Standing Committee - Comité permanent d'interface civile-militaire).

Une autre question est posée de savoir s'il convient d'inclure également un ou des représentants des aéroports dans le Comité du Ciel unique. Certains interlocuteurs du rapporteur ont, en effet, reproché à la Commission de n'avoir pas bien pris en considération le rôle des aéroports, qui, aux Etats-Unis, constituent des éléments critiques qui déterminent les capacités du système de transport aérien. En outre, l'exemple de BAA (British Airport Authority), qui a été sollicité par NATS pour l'octroi d'un prêt, confirmerait le rôle important que jouent les aéroports dans l'évolution des services de navigation aérienne.

Tout en étant conscient d'un tel rôle, le rapporteur se demande toutefois si cette inclusion des aéroports dans le comité du Ciel unique ne risquerait pas d'encourager d'autres acteurs du contrôle de la navigation aérienne - tels que les organisations syndicales ou même les compagnies aériennes - à formuler une demande analogue.

B. L'établissement de règles de fonctionnement communes

1) L'extension à la navigation aérienne de mécanismes régissant les réseaux

Ces mécanismes sont ceux qui ont présidé à l'ouverture à la concurrence des autres secteurs. Ils concernent, d'une part, la séparation au moins fonctionnelle des fonctions de régulateur de celles d'opérateur et, d'autre part, l'instauration d'un cadre transparent et non discriminatoire de la fourniture des services de navigation aérienne.

a) La séparation au moins fonctionnelle des fonctions de régulateur de celles d'opérateur

Cette question a suscité de très longues et vives controverses entre, d'une part, les autorités françaises et les syndicats de contrôleurs de la navigation aérienne et, d'autre part, la Commission, au lendemain de la publication de sa communication sur le ciel unique européen de décembre 1999. Les autorités françaises et les syndicats de contrôleurs aériens avaient, en effet, considéré que l'exigence d'une séparation organique entre le régulateur et l'opérateur proposée par la Commission non seulement porterait atteinte au principe de subsidiarité, chaque Etat membre devant pouvoir choisir son mode d'organisation de la navigation aérienne. Sur la base de ce principe, la France ne doit donc nullement être contrainte de renoncer à la structure intérieure de son organisation, au sein de laquelle la DGAC exerce à la fois les compétences du régulateur et celles d'opérateur.

Mais, en outre, la séparation organique était interprétée comme l'avant-dernière étape menant à la privatisation - à l'exemple du NATS britannique ou des anciens monopoles des autres secteurs - dont celui des télécommunications - dans lesquels l'exigence de séparation des fonctions a été introduite. Or, plusieurs exemples étrangers confirment que la séparation des fonctions n'entraîne nullement une privatisation de la navigation aérienne : qu'il s'agisse du Danemark où l'opérateur est un établissement public, ou encore de NAV CANADA ou de DFS en Allemagne. NAV CANADA, bien que dotée d'un statut de droit privé, doit utiliser les redevances qu'elle perçoit uniquement pour couvrir ses coûts et avoir en réserve un fonds de prévoyance acceptable. En outre, elle est soumise à des obligations de service public. En droit français, NAV CANADA pourrait être plutôt considérée comme un GIE. Quant à DFS elle est - comme Deutsche Bahn dans le domaine ferroviaire - une société commerciale à capitaux publics.

Il n'est toutefois pas sûr que la nouvelle condition d'une séparation au moins fonctionnelle, proposée par le groupe à haut niveau et que la Commission a reprise dans son projet de texte, ait contribué à clarifier le débat. Car, d'une part, le précédent ministre de l'équipement et des transports a soutenu que l'organisation de notre navigation aérienne satisfaisait déjà à cette exigence, puisque le régulateur, la DNA (Direction de la navigation aérienne), est séparée de l'opérateur, le SCTA (Service du contrôle du trafic aérien). Or, la quasi-totalité des interlocuteurs du rapporteur ont douté de l'existence d'une telle séparation.

D'autre part, la Commission comme le lui reproche notamment le Comité économique et social n'apporte aucune précision sur les arguments qui sont de nature à justifier cette exigence de séparation. Certains interlocuteurs ont invoqué l'argument tiré de la nécessité pour le régulateur d'exercer ses fonctions de façon impartiale, auquel d'ailleurs la Commission fait référence.

D'autres ont mis en relief non seulement que le maintien de la structure unitaire de la DGAC plaçait la France en retrait par rapport à ses partenaires qui ont presque tous procédé à la séparation des fonctions, mais également le fait que le maintien d'une telle situation n'était pas de nature à permettre à la DGAC de faire valoir pleinement ses atouts et constituait un frein à sa modernisation. Enfin, d'autres interlocuteurs encore que le rapporteur a rencontrés aux Etats-Unis - tel que le représentant de Boeing - ont tout simplement affirmé au rapporteur que le principe de séparation répondait à une nécessité logique. M. James Oberstar, Représentant démocrate de l'Etat du Minnesota, a soutenu que, pour l'opinion publique américaine, le système intégré était le plus apte à concilier sécurité et efficacité. Pour cette raison, il est exclu, selon lui, que le Congrès américain décide d'instaurer le principe de séparation des fonctions. Abondant dans le même sens, certains industriels ont déclaré qu'un système unitaire permettait de mieux régler les problèmes de responsabilité juridique, du fait des interactions qui existent entre les opérations, tant au plan de la sécurité qu'à celui des responsabilités. En revanche, le principe de séparation risque de favoriser une commercialisation des opérations et une déresponsabilisation des différents acteurs.

b) L'instauration d'un cadre transparent et non discriminatoire de la fourniture des services de la navigation aérienne

C'est ce volet - que l'on trouve dans toutes les réglementations communautaires ayant libéralisé d'autres secteurs - qui conduit les syndicats de contrôleurs aériens à soupçonner la Commission de vouloir privatiser la navigation aérienne, en instaurant une concurrence entre les centres de contrôle.

Le groupe à haut niveau a indiqué, sur ce point, que le service essentiel - c'est-à-dire la gestion de la distance entre les aéronefs - restait un monopole et relevait de l'exercice d'un pouvoir régalien. Pour ces raisons, il a estimé que le fournisseur de services de circulation aérienne ne pouvait être assujetti à la concurrence.

Cela étant, le groupe à haut niveau a inspiré le dispositif retenu par la Commission sur trois points :

· Tout d'abord, les Etats ont la possibilité de soumettre les prestataires relevant du monopole - la gestion du contrôle aérien entre autres - à un appel d'offres. Or, c'est bien selon cette procédure que la gestion du NATS a été transférée à un consortium de compagnies aériennes en mai 2001.

· En second lieu, la Commission propose d'ouvrir les services dits « annexes » à la concurrence. Il s'agit des services météorologiques, des services de communication, de navigation et de surveillance et des services d'informations aéronautiques. Le 16ème considérant de la proposition de règlement relatif à la fourniture de services de navigation aérienne affirme, en effet, qu'il est possible d'organiser la fourniture de ces services annexes aux conditions du marché, tout en tenant compte des caractéristiques particulières de ces services. De fait, des opérateurs tels que DFS ont récemment réorganisé leurs services annexes pour leur donner une orientation plus commerciale, dans l'esprit du projet de la Commission.

Pour autant - le rapporteur y reviendra - la quasi-totalité de ses interlocuteurs se sont déclarés hostiles à ces dispositions, qu'ils ont jugées inopportunes, soit dangereuses parce qu'elles méconnaissent le rôle des services annexes dans la chaîne de sécurité de la navigation aérienne.

· Enfin, la Commission préconise l'instauration d'un régime tarifaire, non discriminatoire, orienté en fonction des coûts, transparent et efficace. Elle propose également d'y inclure des mesures d'incitation financières qui s'appliqueraient aux prestataires de services de navigation aérienne et/ou aux usagers de l'espace aérien, en vue, semble-t-il, de favoriser l'utilisation d'un espace aérien moins saturé et de décourager celle de l'espace le plus saturé.

Or, l'OACI a déjà mis en place un régime global de redevances, dont les règles sont applicables en Europe. De même encore, l'Annexe IV à la Convention révisée d'Eurocontrol contient les règles relatives au système commun de redevances de routes. On peut, dès lors, s'interroger non seulement sur l'opportunité des dispositions proposées par la Commission, mais également sur le point de savoir si un Comité (dont l'institution est prévue à l'article 19 de la proposition relative à la fourniture de services de navigation aérienne) peut se voir valablement confier la définition de la politique de tarification, qui relève actuellement de la Convention de Chicago et de la Convention révisée d'Eurocontrol.

2) L'imposition de normes d'équipement harmonisées

La réalisation du ciel unique passe par la mise en place d'équipements compatibles et satisfaisant à des normes standardisées.

Dans cette perspective, la Commission préconise :

- l'adoption d'exigences essentielles qui s'imposeront à la mise au point, à la production et à l'exploitation de systèmes ;

- l'établissement de règles de mise en œuvre, dont l'objet est de fixer une date unique pour l'adoption de nouveaux concepts de fonctionnement ou de progrès techniques que tous les opérateurs concernés doivent respecter ;

- l'élaboration de normes européennes et/ou de spécifications techniques Eurocontrol établies sur la base d'un consensus, conformément à l'approche communautaire en matière de normalisation(15).

Ce volet du paquet ciel unique a fait l'objet d'appréciations contrastées de la part des interlocuteurs du rapporteur. Une majorité d'entre eux y a vu un moyen susceptible de porter remède aux inconvénients de la fragmentation actuelle. D'autres, en revanche, ont non seulement contesté cette idée de fragmentation, en faisant valoir que bien que les matériels aient fait l'objet de spécifications nationales, ils n'en communiquaient pas moins entre eux, en échangeant des données. Mais, en outre, ces personnalités ont ainsi déploré l'absence d'une procédure de certification qui soit aussi rigoureuse que pour les avions, puisque d'après l'approche proposée, un produit ayant obtenu son certificat de conformité dans l'Etat membre du fabricant, pourrait circuler librement dans le marché intérieur.

C'est d'ailleurs pourquoi, en vue de combler cette lacune, la dévolution de la certification à Eurocontrol a été suggérée, tandis qu'au sein du Parlement européen c'est aux autorités nationales que certains amendements ont proposé de confier cette tâche.

DEUXIEME PARTIE :
LA DEMARCHE DE LA COMMISSION COMPORTE DES RISQUES QU'IL IMPORTE DE PREVENIR

Dans un domaine où, comme le rapporteur l'a souligné dès ses propos liminaires, la souveraineté des Etats sur leur espace aérien est très solidement consacrée par le droit international, il ne semble pas que la Commission ait entouré ses propositions des précautions nécessaires. Tant les discussions qui ont eu lieu au Parlement européen ou celles qui se déroulent au sein du groupe de travail du Conseil confirment que les dispositifs préconisés sont source de diverses dérives.

C'est pourquoi le rapporteur estime nécessaire de formuler des orientations plus claires et plus équilibrées propres à permettre la poursuite de l'objectif consensuel d'une véritable Europe de la navigation aérienne.

III. LES DISPOSITIFS PROPOSES SONT SOURCE DE DIVERSES DERIVES

Ces dérives, qu'il convient d'exposer, sont de trois sortes. Il s'agit de :

- l'empiètement sur les prérogatives et des intérêts des Etats membres ;

- la pertinence douteuse des mécanismes d'incitation à la performance économique et d'ouverture des services annexes à la concurrence ;

- l'imprécision du rôle dévolu à Eurocontrol.

A. L'empiètement sur les prérogatives et les intérêts des Etats membres

Pour avoir oublié que l'espace aérien n'était pas seulement un outil économique - auquel il suffirait d'appliquer les mécanismes du marché et de la monnaie uniques - mais également un espace stratégique et militaire, la Commission a élaboré des dispositions qui mènent à des impasses. En effet, l'encadrement des relations entre autorités civiles et militaires souffre d'une réelle inadéquation, tandis que la notion de blocs d'espace fonctionnels recèle de sérieux dangers.

1) L'inadéquation de l'encadrement des relations entre autorités civiles et militaires

Pour louable qu'elle soit, l'intégration des besoins militaires repose sur une base juridique hasardeuse, ce qui risque d'hypothéquer la mise en place de la nouvelle architecture de l'espace aérien proposée par la Commission.

a) La base juridique hasardeuse sur laquelle repose l'intégration des besoins militaires

On bute ici sur les contradictions qui peuvent apparaître entre les progrès enregistrés par l'Europe de la navigation aérienne depuis plusieurs années et une Europe de la défense inexistante.

La difficulté résulte, en effet, de ce que les mécanismes proposés par la Commission en vue de favoriser la coordination des autorités civiles et militaires - dans le cadre de procédures relevant du premier pilier - ne peuvent pas prendre en compte à eux seuls les impératifs de défense des Etats membres.

Quant à lui, le groupe à haut niveau avait bien perçu la nécessité de recourir aux nouveaux mécanismes de coopération militaire relevant du deuxième pilier. A ses yeux, ce cadre juridique s'imposait d'autant plus, en raison même des solutions qu'il a préconisées. Tout d'abord, il a suggéré l'association des autorités militaires, sur un pied d'égalité avec les autorités civiles, au processus réglementaire visant à planifier l'espace aérien.

En second lieu, afin de concilier progressivement les impératifs de l'entraînement militaire avec ceux du trafic civil, il a proposé que soit encouragée la mise en place de zones d'entraînement transfrontalières ainsi que la délocalisation éventuelle des activités militaires.

Telle n'a pas été l'approche de la Commission, qui a consisté à soutenir que « l'action de régulation de l'espace aérien, bien que relevant des compétences de la Communauté européenne(16), n'exclut pas la participation des militaires au processus de décision communautaire »(17).

En outre, c'est sur la base du même raisonnement - c'est-à-dire la possibilité de recourir au premier pilier - qu'elle a proposé la création du Comité du Ciel unique européen, qui assistera la Commission et prendra en compte les différents intérêts civils et militaires.

Cette démarche de la Commission a été critiquée par certains membres du Parlement européen. C'est ainsi que Mme Christine de Veyrac a présenté un amendement à la proposition de
règlement-cadre tendant à exclure les décisions concernant le contenu, l'objet et l'activité militaires du cadre des compétences de la Communauté. Pour sa part, M. Emmanouil Mastorakis a présenté un amendement visant à préciser que le règlement-cadre tient compte des besoins de défense des Etats membres.

S'agissant des Etats membres, les autorités de Grande-Bretagne, notamment, se sont opposées à l'ensemble des dispositions touchant à la coordination entre les autorités civiles et militaires. Elles considèrent, en effet, que ces dispositions ne relèvent pas du premier pilier, tout en se déclarant favorables à la mise en œuvre de l'usage flexible de l'espace, position que la Commission spécialisée pour les affaires européennes de la Chambre des Lords a jugée contradictoire.

Pour ce qui est des autorités françaises, elles estiment également que la coordination entre les autorités civiles et les autorités militaires relève du deuxième pilier, ce que le service juridique du Conseil a confirmé. Ce dernier juge, dès lors, nécessaire de régler cette question dans le cadre soit de la PESC, soit d'un accord intergouvernemental.

Comme on le voit, cet avis juridique illustre parfaitement les difficultés susceptibles d'hypothéquer la mise en place de la nouvelle architecture de l'espace aérien élaborée par la Commission.

b) La gestion unifiée de l'espace : une mise en œuvre hypothéquée par de sérieuses difficultés

L'entretien que le rapporteur a pu avoir avec les représentants des départements ministériels intéressés lui a permis de mesurer combien la gestion unifiée de l'espace, qui est le cœur même du ciel unique, est une affaire délicate.

La mise en œuvre de chacune des deux solutions précitées et préconisées par le service juridique du Conseil paraît, en effet, se heurter à de très sérieux obstacles.

l  S'agissant de la conclusion d'un accord intergouvernemental, les autorités militaires françaises estiment qu'il pourrait comporter :

- une clause de sauvegarde, qui doit garantir la capacité d'action aérienne des Etats au-dessus de leur territoire ;

- des dispositions garantissant l'entraînement des forces militaires ;

- des dispositions relatives à la coordination entre les autorités civiles et militaires et aux blocs d'espace fonctionnels.

Cette solution reposant sur un accord intergouvernemental comporterait toutefois deux séries d'inconvénients. D'une part, la clause de sauvegarde est d'une portée limitée. En effet, non seulement elle ne règle pas les situations d'urgence telles que les actions de police aérienne en cas d'intrusion d'éléments ennemis dans l'espace aérien, car, à la différence de la France où c'est la DOT (Défense opérationnelle du territoire) qui assume la responsabilité de ces actions, dans les autres Etats membres, elles relèvent de l'OTAN. Mais en outre, la clause n'est assortie d'aucune disposition destinée à prévenir toute utilisation abusive.

D'autre part, la conclusion d'un accord intergouvernemental est une procédure longue. En tout état de cause, cette solution est, d'après les informations qui ont été communiquées au rapporteur, regardée comme un pis-aller, au regard de l'autre branche de l'alternative, c'est-à-dire le recours aux mécanismes de la PESC.

l Ces derniers offriraient plusieurs avantages. Tout d'abord, à la différence de l'accord intergouvernemental qui peut faire l'objet d'une dénonciation conformément aux règles du droit international, les décisions prises dans le cadre du deuxième pilier sont des actes de l'Union et engagent donc, à ce titre, les Etats membres.

En second lieu, ce cadre permet d'associer les autorités militaires au processus décisionnel.

Malheureusement, en l'état actuel des discussions qui se déroulent au sein du groupe de travail du Conseil, l'opposition de la Grande-Bretagne n'a pas permis de régler le dossier. Le Royaume-Uni a, en effet, fait valoir que ces questions ne sauraient relever du deuxième pilier, lequel concerne les relations extérieures de l'Union européenne.

Pour le moment, les discussions au sein du groupe de travail sur ce volet du paquet se trouvent dans une impasse.

2) Les dangers que recèle la notion de blocs d'espace fonctionnels

Ces dangers sont de deux ordres :

- cette notion est dépourvue de base légale ;

- elle introduit une logique de concurrence.

a) Une notion dépourvue de base légale

La Commission indique que, sur le fondement des propositions émises par les prestataires de services et des Etats, c'est elle qui, après consultation d'Eurocontrol, arrêtera une décision finale sur la configuration appropriée de l'espace aérien(18).

Or, pour diverses raisons, la Commission ne possède pas le titre de compétence juridique requis pour prendre de telles décisions.

En effet, les régions d'information de vol (RIV) sont créées par accords entre les Etats, lesquels sont avalisés par le Conseil de l'OACI. Or, la Communauté n'est pas membre de l'OACI. La Commission n'est donc pas fondée à définir les blocs d'espace fonctionnels.

En second lieu, les RIV s'étendant au-dessus de la haute mer sont régies par les règles du droit international. Là encore, il est douteux que la Commission puisse valablement arrêter une décision.

Enfin, selon certaines interprétations qui ont été portées à la connaissance du rapporteur, l'article 307 du traité s'opposerait également à ce que la Commission puisse imposer une réglementation aux Etats membres.

En application de cet article, les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement au 1er janvier 1958 (c'est-à-dire l'entrée en vigueur du traité de Rome) - ce qui est le cas de la Convention de Chicago qui date de 1944 - ne sont certes pas affectées par les dispositions du traité.

Toutefois, lorsque ces conventions ne sont pas compatibles avec le traité, le ou les Etats membres concernés recourent à tous les moyens appropriés pour éliminer les incompatibilités constatées. C'est d'ailleurs pourquoi certains membres du Parlement européen ont déposé des amendements tendant à préciser qu'en cas de désaccord entre les Etats membres, les blocs d'espace fonctionnels ne sauraient être établis. En revanche, le texte adopté par le Parlement européen, en première lecture, prévoit une disposition
- inacceptable pour le rapporteur - selon laquelle tout litige entre les Etats membres quant à la définition de blocs d'espace aérien fonctionnels transfrontaliers est renvoyé à la Commission qui se prononce en dernier ressort !

b) Cette notion introduit une logique de concurrence

Cette logique apparaît au travers du critère d'efficacité, qui est l'un de ceux à l'aide desquels les blocs d'espace fonctionnels sont définis. Ils doivent, en effet, être conçus notamment en vue de minimiser les coûts de transaction entre les différents centres de contrôle régionaux.

Certains interlocuteurs du rapporteur ont déclaré que ce dispositif n'était pas choquant à leurs yeux, car il est de nature à inciter les prestataires de services à être performants, durant la période de trois ans pour laquelle ils sont désignés par les Etats.

Pour autant, on peut se demander, comme le comité économique et social si précisément, l'un des obstacles à la mise en œuvre de la notion de blocs d'espace fonctionnels ne résiderait pas dans les pressions commerciales qui seraient susceptibles de s'exercer et ce d'autant plus fortement que la zone concernée permet de percevoir des redevances importantes.

B. La pertinence douteuse des mécanismes d'incitation à la performance économique et d'ouverture des services annexes à la concurrence

1) L'incompatibilité entre ces dispositions et certaines orientations communautaires et celles du droit international

a) Le risque d'une remise en cause de la qualification de service d'intérêt général du contrôle de la navigation aérienne

A l'évidence, les dispositifs proposés par la Commission sont aux antipodes de sa position rappelée par la Cour de justice des Communautés européennes du 19 janvier 1994 - SAT Fluggesellschaft MBH contre Eurocontrol (affaire C-364/92). « Elle (la Commission) estime, en outre, que l'activité de contrôle de la navigation aérienne...est une tâche d'autorité publique, dénuée de caractère économique, car cette activité constitue un service d'intérêt général destiné à protéger à la fois les usagers du transfert aérien et les populations concernées par les survols d'aéronefs ».

De même, la Commission méconnaît-elle les conclusions de la Cour de justice dans cette affaire. « Prises dans leur ensemble, les activités d'Eurocontrol, par leur nature, par leur objet et par les règles auxquelles elles sont soumises, se rattachent à l'exercice de prérogatives, relatives au contrôle et à la police de l'espace aérien, qui sont typiquement des prérogatives de puissance publique. Elles ne présentent pas un caractère économique justifiant l'application des règles de concurrence du traité. Une organisation internationale comme Eurocontrol ne constitue pas, dès lors, une entreprise assujettie aux dispositions des articles 86 et 90 du traité » (19).

Le Parlement européen a jugé nécessaire de s'inspirer de ces conclusions dans un nouveau considérant de la proposition de règlement-cadre ainsi rédigé : « La fourniture de services de navigation aérienne est une mission d'intérêt général et elle vise à protéger à la fois les utilisateurs du transport aérien et les populations affectées par les survols d'aéronefs ».

Pour autant, on peut s'interroger sur la portée réelle d'un tel amendement, compte tenu du fait que le Parlement a maintenu l'assujettissement des services annexes à la concurrence ainsi que les mécanismes d'incitation à la performance économique.

Dans ce contexte, la question peut également être posée quant à la crédibilité qui s'attache aux propos tenus par Mme Loyola de Palacio, commissaire européenne, par lesquels elle a confirmé, lors du Conseil « Transports » du 26 mars 2002, qu'elle ne poursuivait ni la libéralisation ni la privatisation des services de la navigation aérienne. Certes, Mme de Palacio ne saurait proposer la privatisation de ces derniers en raison même des termes de l'article 295 du traité, selon lesquels le traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres. Il est toutefois clair que la Commission veut ouvrir les services de la navigation aérienne à la concurrence comme en témoignent également les mécanismes d'incitation à la performance économique, au risque d'ailleurs de modifier l'objet de certaines dispositions du droit international, celles de la Convention de Chicago et celles de la Convention Eurocontrol révisée.

b) Le risque d'une modification de certaines dispositions de la Convention de Chicago et de la Convention Eurocontrol révisée

En effet, la notion de mécanismes d'incitation économique, que la Commission souhaite faire jouer aux redevances, est tout à fait nouvelle par rapport aux dispositions de l'article 15 de la Convention de Chicago, relatif aux redevances. Cet article pose le principe de l'interdiction de fixer des redevances discriminatoires. Or, on peut craindre que le système de bonus-malus proposé par la Commission ne constitue un nid à contentieux, en favorisant les recours devant les tribunaux. Car il est parfaitement concevable que les compagnies aériennes - qu'elles soient ressortissantes de la Communauté ou de pays tiers - en contestent les conditions d'application.

En second lieu, on peut s'interroger sur la compatibilité du dispositif envisagé par la Commission avec l'article 2 de l'Annexe IV de la Convention Eurocontrol révisée, selon lequel Eurocontrol établit, facture et perçoit les redevances sur proposition des Etats. Or, la Commission confie à un Comité le soin d'appliquer la politique de tarification.

Certes, le dispositif institué par la Commission prévoit seulement une faculté : car « Elles (les redevances) peuvent servir de mesures d'incitation se présentant sous la forme d'avantages et de désavantages financiers et/ou aux usagers de l'espace aérien »(20).

Toutefois, sur la base d'une telle disposition, le comité, qui sera en charge de la mise en œuvre des règles de tarification, peut, de façon parfaitement licite, transformer la faculté en obligation, le verbe pouvoir ouvrant une compétence discrétionnaire à cet organe. Dès lors, il n'est pas exclu que ce Comité empiète sur la Convention de Chicago et la Convention Eurocontrol révisée.

En définitive, il y a lieu d'autant plus de s'interroger sur l'opportunité du tel système suggéré par la Commission, que son application n'a pas été très probante en Grande-Bretagne que ce soit dans le transport ferroviaire, du fait même des défaillances de certaines compagnies ferroviaires ou du gestionnaire de l'infrastructure, RailTrack, ou dans le domaine de la navigation aérienne compte tenu de la situation de crise financière à laquelle NATS est actuellement confrontée.

2) La méconnaissance par ces dispositions de la nature et du rôle des services météorologiques et des services annexes

Plusieurs interlocuteurs du rapporteur ont émis de très fortes réserves sur ces dispositions.

Les uns les ont, en effet, jugées inopportunes parce qu'elles risquent de susciter des débats inutiles entre la Commission et le Parlement européen - lequel a, on l'a vu, rappelé les missions


d'intérêt général accomplies par les services de navigation aérienne. De tels débats pourraient, in fine, retarder l'adoption de la réforme proposant la séparation des fonctions entre le régulateur et l'opérateur.

Les autres ont estimé que la Commission n'avait pas procédé à une analyse préalable de la nature et du rôle des différents services qu'elle veut ouvrir à la concurrence.

S'agissant des services météorologiques, la concurrence y est certes déjà introduite, puisque les compagnies aériennes peuvent déjà s'adresser à plusieurs fournisseurs. C'est le cas, par exemple, au Royaume-Uni où des sociétés privées sont en mesure de faire concurrence aux administrations pour la fourniture des informations météorologiques de base.

Il n'est toutefois pas sans intérêt de relever qu'il en va tout autrement aux Etats-Unis où ces informations météorologiques sont fournies gratuitement par un service de l'Etat fédéral, la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), qui est directement rattachée au Department of Commerce. La FAA est, bien entendu, un utilisateur privilégié, la météorologie étant un service particulier. Mais les compagnies aériennes, comme les utilisateurs privées ont accès aux informations météorologiques, notamment par l'intermédiaire des « bureaux de piste », des tous de contrôle, des services d'information aéronautique, et de sites internet de la FAA spécialisés dans la fourniture d'informations à l'aviation générale. En tout état de cause, la mise en concurrence des services météorologiques semble une question iconoclaste surtout en matière de météo.

En ce qui concerne les autres services annexes, il est essentiellement reproché à la Commission d'avoir méconnu leur intégration dans la chaîne de sécurité de la navigation aérienne.

Il en va ainsi de l'information aéronautique. En France, elle est constituée essentiellement à partir de données fournies par les centres de contrôle. Cette information, qui nécessite une large et rigoureuse collecte de données, est diffusée en temps réel et différé. Elle joue un rôle déterminant dans la sécurité, car un incident


pourrait survenir si l'opérateur ne transmet pas l'information aéronautique à l'aéronef. La France a la chance de disposer d'un service d'information aéronautique rigoureux.

Aux termes de la Convention de Chicago, la responsabilité de la diffusion de cette information relève des Etats, qui peuvent toutefois la déléguer à un organe public ou privé et est gratuite.

Pour cet ensemble de raisons, il n'est pas opportun d'ouvrir l'information aéronautique à la concurrence, sauf pour certains aspects comme la diffusion papier de certaines informations ce qui est déjà le cas avec l'établissement privé américain - JEPPESEN - qui élabore des cartes d'ailleurs à partir des informations publiques, qu'il vend aux pilotes. Mais, en tout état de cause, on peut d'autant plus s'interroger sur la pertinence de la démarche de la Commission, qu'Eurocontrol est en train d'élaborer une banque de données
- EAD - qui rassemblera l'information aéronautique au niveau européen.

Des objections peuvent être aussi émises quant au principe de l'ouverture à la concurrence de la communication-navigation-surveillance. La Commission - même si elle en fixe l'échéance à 2004 - se situe dans une perspective à long terme, où effectivement une telle évolution serait envisageable. Or, ce n'est pas le cas à court terme. Citons par exemple, le risque de brouillage de la radio, qui est l'instrument de communication unique entre pilotes et contrôleurs au cas où plusieurs prestataires de services seraient en concurrence en utilisant les technologies actuelles.

En matière de navigation, on peut regretter que la Commission n'ait pas pris en compte les problèmes qui pourraient se poser aux aéroports et aux contrôleurs en cas de mauvaise visibilité, dans le cas où plusieurs systèmes de guidage de précision à l'atterrissage seraient mis en œuvre sur une même piste par des prestataires de services en concurrence. De surcroît, la démarche de la Commission est d'autant plus surprenante que les Etats membres ont décidé de mettre en œuvre le programme de navigation par satellite Galileo.

On peut également se déclarer surpris pour ce qui est de la surveillance, puisque la Commission risque d'encourager la concurrence avec le système ARTAS développé par Eurocontrol, lequel a été installé dans plusieurs Etats membres d'Eurocontrol, dont la France.

C. Les imprécisions du paquet ciel unique quant au rôle d'Eurocontrol

1) Des lacunes préoccupantes

Force est de constater qu'il existe un fossé entre les déclarations de la Commission et le mutisme de ses projets sur le rôle qu'Eurocontrol pourra être appelé à jouer dans l'avenir.

Car, d'un côté, la Commission affirme que : « L'adhésion de la Communauté à Eurocontrol constituera un élément essentiel pour assurer la cohérence des actions entre cette organisation internationale et la Communauté. En effet, l'organisation Eurocontrol permet de placer l'activité communautaire dans un cadre paneuropéen »(21). Sur la base de ces propos, la Commission déclare qu'elle s'appuiera sur l'expertise technique d'Eurocontrol. De fait, les considérants et les dispositifs des propositions de la Commission citent Eurocontrol.

Toutefois, de l'autre côté, la Commission semble n'avoir toutefois pas voulu réellement tirer toutes les conséquences de l'adhésion de la Communauté à Eurocontrol, en refusant de consacrer très clairement le rôle de ce dernier dans la future architecture du ciel unique, en particulier dans les domaines suivants :

- conception et gestion de programmes européens ;

- gestion, au plan européen, des courants, trafic et de la capacité de l'espace ;

- gestion des redevances de navigation, élément fondamental du financement du système européen ;

- simulation et validation de systèmes ;

- gestion et coordination des efforts de recherche-développement.

D'après les indications qui ont été fournies au rapporteur, ce sont les règles de la comitologie qui s'opposent à ce que soit prévue expressément la participation d'Eurocontrol au comité du ciel unique. En effet, ces règles fixent les compétences respectives du Conseil et de la Commission. Il pourrait donc être contraire au Traité d'inclure une organisation internationale dans un comité.

Or, la Communauté est membre d'Eurocontrol depuis le 8 octobre dernier. En second lieu, il existe déjà de nombreux textes communautaires - règlements ou directives - qui mentionnent expressément la réglementation des organisations internationales
- OMI (Organisation maritime internationale) ou OCDE. En règle générale, c'est en application de ces normes internationales que les textes communautaires ont été édictés.

Quoi qu'il en soit, cette démarche paradoxale de la Commission recèle le sérieux risque d'une duplication des compétences.

2) Le risque d'une duplication des compétences

Apparemment, la Commission déclare être consciente d'un tel risque. C'est pourquoi, par exemple, elle dit vouloir confier à Eurocontrol les travaux d'expertise nécessaires à l'élaboration des règles communautaires et prévoir, dans le règlement intérieur du Comité du ciel unique la participation d'Eurocontrol en qualité d'expert(22).

Pour autant, dans le même temps, la Commission affirme très clairement qu'«elle préservera son autonomie de décision »(23).

On comprend dès lors pourquoi les interlocuteurs que le rapporteur a rencontrés à Eurocontrol lui ont fait part de leur crainte que la Commission puisse ne pas s'appuyer sur l'expertise technique d'Eurocontrol et s'adresse à des organes tiers, comme elle l'a déjà fait en certaines circonstances.

En tout état de cause, les projets de la Commission ont pour effet, dans leur état actuel, d'ajouter d'autres structures à celles qui existent déjà au sein d'Eurocontrol. Il en est ainsi du Comité du ciel unique, sur la pertinence duquel on peut s'interroger, puisque, depuis 1960, Eurocontrol est doté d'un Comité permanent d'interface civile-militaire (CMIC) relevant directement du Conseil d'Eurocontrol.

Ce Comité est, en effet, chargé de rendre des avis et de fournir des orientations sur un large éventail de questions touchant à la gestion de la circulation aérienne et à la communication navigation surveillance.

En second lieu, on relèvera que la coordination entre l'agence d'Eurocontrol et les autorités militaires est assurée par l'unité des experts militaires d'Eurocontrol (EMEU). Cette dernière est composée d'officiers d'active qui ont la qualité de membres du personnel d'Eurocontrol. L'EMEU a réalisé, en 2001, une étude sur le statut de la coopération civile-militaire en Europe, qui comporte neuf recommandations visant à renforcer la coordination civile-militaire en Europe. Le CMIC et la Commission d'examen des performances ayant souscrit à ces recommandations, le directeur général d'Eurocontrol s'est engagé à élaborer un plan d'action destiné à en permettre la mise en œuvre.

On notera que, dans sa réponse au quatorzième rapport de la Commission spécialisée pour les affaires européennes de la Chambre des Lords, le Gouvernement britannique déclare qu'il « considère que le CMIC est un forum approprié pour formuler des positions de nature technique et que le CMIC pourrait continuer à jouer un rôle important et croissant dans la définition et l'amélioration des liens entre les autorités civiles et militaires ».

Un autre exemple de duplication possible des compétences, que nous avons déjà eu l'occasion de relever, concerne les redevances. Là encore, il est à craindre que le système de tarification, envisagé aux articles 13 à 15 de la proposition de règlement relatif à la fourniture de services de navigation aérienne, n'interfère avec celui qui fonctionne depuis longtemps déjà au sein d'Eurocontrol.

IV. L'OBJECTIF CONSENSUEL D'UNE VERITABLE EUROPE DE LA NAVIGATION AERIENNE PASSE PAR LA DEFINITION D'ORIENTATIONS PLUS CLAIRES ET PLUS EQUILIBREES

A. Sortir de l'impasse actuelle : une préoccupation unanimement partagée

1) Le caractère limité des solutions nationales

Dans un contexte marqué par l'unification du marché du transport aérien et par l'élargissement de l'Union, on voit mal comment les Etats membres pourraient continuer à penser « localement » les problèmes majeurs du contrôle de la navigation aérienne, qu'il s'agisse de la coordination civile-militaire, de la formation ou de la mobilité des contrôleurs aériens, ou encore de la recherche-développement. Ce sont là des dossiers qui, pour être traités efficacement, appellent une approche commune.

Au demeurant, on constate que les avancées majeures ont pu avoir lieu grâce à une politique de coopération : il en est ainsi de la création du CFMU, qui a entraîné une rationalisation des centres de gestion des flux de trafic aérien. De même, l'initiative qui a réuni la Confédération helvétique, l'Italie, l'Espagne et la France - appelée CHIEF - a-t-elle permis de réduire les retards d'environ 20 minutes grâce à une simple coordination dans les choix de configuration de secteurs de contrôle.

Au total, comme M. Jean-Cyril Spinetta, Président directeur général d'Air France l'a déclaré au rapporteur, les améliorations menées par un seul Etat risquent de n'avoir aucun effet d'entraînement si elles ne sont pas conduites conjointement avec d'autres Etats. C'est pourquoi M. Spinetta a plaidé en faveur d'un plan d'investissements coordonné entre Etats qui permette une harmonisation des systèmes de gestion.

2) La nécessité d'un réel renforcement d'Eurocontrol

La logique du ciel unique devrait reposer sur le renforcement d'Eurocontrol et non sur son affaiblissement.

Une telle logique répond, en effet, à une double exigence. Il importe d'abord que l'Europe continue de pouvoir bénéficier pleinement d'une expertise technique indéniable, comme l'illustrent, avec éclat, la réduction de l'espacement vertical entrée en application au début de cette année ou le fonctionnement d'ici à 2005 des CEATS, qui seront, pour l'Italie et d'autres pays d'Europe centrale et des Balkans, l'équivalent du centre de Maastricht.

Il s'agit, en second lieu, de maintenir la politique future de la navigation aérienne de l'Europe dans une perspective réellement paneuropéenne et non, comme la Commission pourrait être tentée de le faire, d'étendre une réglementation prévue pour quinze Etats au reste de l'Europe. Cet enjeu sera d'autant plus crucial à partir de 2005 que, du fait de l'élargissement, la Communauté disposera d'une très forte majorité.

C'est pourquoi, comme le Parlement européen l'a d'ailleurs proposé - position qui a été également approuvée par les autorités françaises - il est nécessaire de poser dans chacun des règlements que les mesures communautaires à prendre dans le cadre du ciel unique s'appuieront systématiquement sur Eurocontrol, son expertise, ses procédures et ses acquis.

Ceci signifie notamment que la Commission, lorsqu'elle élaborera des dispositions qui seront soumises à l'approbation du Comité du ciel unique dans le champ de compétences d'Eurocontrol, devra s'appuyer systématiquement sur des travaux préparés au sein de l'organisation.

En second lieu, afin que de telles mesures puissent s'appliquer efficacement, il importe de prévoir expressément, conformément à un amendement du Parlement européen, qu'Eurocontrol participe au Comité du ciel unique en qualité d'observateur et non plus, comme l'a proposé la Commission, de renvoyer une telle disposition au règlement intérieur du Comité du ciel unique.

B. Promouvoir un cadre conciliant respect de la souveraineté des Etats membres et gestion efficace du trafic et de l'espace aériens

1) L'instauration du ciel unique ne doit pas avoir pour effet de réduire le rôle des Etats membres

Cette exigence impose d'une part, une meilleure prise en compte des impératifs de la politique de défense des Etats membres et, d'autre part, la subordination de la reconfiguration des espaces aériens à la coopération entre les Etats membres.

a) Mieux prendre en compte les impératifs de la politique de défense des Etats membres

Il est clair que le dispositif proposé par la Commission présente trop de lacunes pour pouvoir être retenu et fonctionner de façon efficace. Car - à l'évidence - ce n'est pas au travers de dispositions relevant du premier pilier que peuvent être traitées des questions qui touchent à la défense des Etats membres.

Néanmoins, eu égard à l'objectif d'une gestion optimale et unifiée de l'espace aérien, il serait très regrettable, surtout pour des Etats de transit tels que la France et l'Allemagne, que le trafic militaire - à la différence du trafic civil - ne puisse faire l'objet d'une réglementation.

C'est pourquoi, il serait dès lors souhaitable, que puissent être adoptées des mesures qui consisteraient, d'une part, à ce que les chefs d'Etat et de gouvernement publient, lors du prochain Conseil européen, une déclaration par laquelle ils exigeront que les progrès des discussions sur le paquet ciel unique s'accompagnent de progrès dans l'examen des régimes applicables aux trafics civil et militaire.

D'autre part, il conviendrait peut-être, en vue de faire avancer les discussions, que les autorités françaises et allemandes renforcent leur coopération.

b) Subordonner la reconfiguration des espaces aériens à l'accord des Etats membres

C'est cette solution de bon sens qui doit s'imposer ici, conformément à ce que la Convention de Chicago prévoit déjà. Le rapporteur se réjouit d'ailleurs que, d'après les informations qui lui ont été communiquées, le service juridique du Conseil ait préconisé une disposition analogue et qu'une très forte majorité du groupe de travail du Conseil ait souhaité son adoption.

2) La mise en œuvre d'une gestion efficace du trafic et de l'espace aériens

a) La qualité de service public de la navigation aérienne ne doit pas empêcher la quête de l'excellence

L'amendement par lequel le Parlement européen a rappelé que la fourniture de services de navigation aérienne était une mission d'intérêt général mérite d'être soutenu.

Pour autant, il est regrettable que le Parlement européen n'ait pas été au bout de sa logique et ait décidé, en contradiction avec ce même amendement, de maintenir les mécanismes d'incitation à la performance économique à l'article 14. Ces dispositions se comprendraient dans le cas de services dont la nature est économique, mais ne trouvent pas de justification pour des monopoles naturels qui relèvent de l'exercice de prérogatives de puissance publique et dont l'objet est d'assurer la sécurité des personnes transportées et survolées. Au contraire, il faut éviter tout ce qui pourrait amener à faire des arbitrages dans un sens qui ne serait pas celui du renforcement de la sécurité.

Pour ces raisons, le rapporteur souhaiterait que les autorités françaises demandent l'abrogation de cette disposition, ainsi que de celles qui proposent l'ouverture des services annexes à la concurrence.

S'il est donc clair que les missions de service public du contrôle de la navigation aérienne doivent être préservées, le rapporteur estime nécessaire qu'elles puissent être également porteuses d'efficacité. Dans des contextes différents, les déplacements qu'il a effectués aux Etats-Unis et au Canada, ont en effet convaincu le rapporteur que les notions de service public et d'efficacité n'étaient pas incompatibles. Malgré ses imperfections qui lui valent fréquemment des critiques, le FAA montre qu'un système intégré - ignorant donc la séparation des fonctions de régulateur de celles d'opérateur - a été capable, le 11 septembre 2001, de procéder sans incident à l'atterrissage de 50 000 avions
- et ce - en quelques heures(24).

Quant à NAV CANADA, son exemple mérite d'être également médité, surtout en France où une privatisation - même si, comme le rapporteur l'a déjà indiqué, la privatisation de NAV CANADA a revêtu des modalités différentes de celles du NATS britannique - est presque toujours assimilée à une perte des avantages acquis. En effet, les syndicats ont été précisément favorables au principe de la privatisation, parce qu'ils ont estimé que celle-ci leur apporterait de meilleures conditions de travail. De fait, la rémunération des contrôleurs a été environ supérieure de 33 % à celle qui était antérieurement versée à la privatisation. De même, NAV CANADA a-t-elle réussi à réduire de 5 % à 2 % le pourcentage des retards imputables au contrôle de la circulation aérienne.

Pour ce qui est de la France, le rapporteur estime que les améliorations du fonctionnement général du système de navigation aérienne pourraient être recherchées notamment dans deux séries de directions.

¬ La première concerne la réorganisation de la DGAC autour d'une meilleure séparation des fonctions de régulateur et de celles d'opérateur. Le rapporteur note, sur ce point, que des réflexions sont actuellement engagées au ministère de l'Equipement. Il convient de s'en féliciter non seulement pour tenter de supprimer certains doubles emplois - mais, au-delà - pour réfléchir également à une gestion plus dynamique des effectifs. Il est, en effet, regrettable que la quatrième piste de l'aéroport de Roissy ne puisse fonctionner au motif que manquent 48 contrôleurs, situation imputable notamment aux difficultés à introduire une réelle mobilité des contrôleurs. Peut-être serait-il préférable, pour s'orienter dans cette direction, d'adapter à la navigation aérienne des dispositions comparables à celles qui ont instauré une autonomie de gestion des chercheurs et de prévoir, à cet effet, un mode de gestion des contrôleurs aériens différent de celui qui découle strictement du statut général des fonctionnaires.

Enfin, dans cette réflexion sur la réorganisation de la DGAC, il importe de ne pas perdre de vue la question budgétaire, tant il est vrai que, dans la perspective d'une réelle séparation fonctionnelle entre le régulateur et l'opérateur, il est nécessaire d'éviter que la position du premier ne soit fragilisée par l'insuffisance de ses moyens techniques et budgétaires. Or, sur ce point, de nombreux interlocuteurs du rapporteur ont émis la crainte que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ne condamne la formule actuelle du BAAC (Budget annexe de l'aviation civile) à compter de la loi de finances pour 2006. En effet, cette loi conduit à réserver la formule des budgets annexes « aux seules opérations des services de l'Etat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu'elles sont effectuées à titre principal par lesdits services ». Il serait donc opportun que les éclaircissements soient apportés quant au maintien du budget annexe.

¬ Le deuxième domaine dans lequel des améliorations pourraient être souhaitables touche à la coordination entre les contrôleurs civils et militaires. Le rapporteur constate qu'il existe toujours des divergences d'approche sur l'opportunité d'une généralisation de la coimplantation - c'est-à-dire le contrôle conjoint de l'espace aérien par les contrôleurs civils et militaires - laquelle est, pour le moment, limitée à certains centres. Les militaires y sont, en effet, favorables, alors que les contrôleurs civils sont plus réticents. Ces derniers estiment que la mise en œuvre d'une coordination automatique entre les différents contrôleurs pourrait suffire. Encore faudrait-il que les installations téléphoniques des contrôleurs soient aussi modernes que celles des contrôleurs militaires, ce qui ne pourrait être le cas qu'à partir de l'an prochain.

b) La nécessité d'un vigoureux effort dans le domaine de la recherche

Les crédits accordés à l'aéronautique et à l'espace ont certes augmenté dans l'actuel PCRD (Programme-cadre de recherche et de développement), puisqu'ils ont été portés de 750 millions à 1 175 millions d'euros. Mais ces dotations ne représentent qu'environ 7 % de l'ensemble du PCRD.

Or, d'après le dernier rapport de juillet 2002 de la Commission d'examen des performances, c'est à un niveau comparable que s'établissent les dépenses engagées par les Etats(25). En outre, ce rapport souligne la multiplicité des sources de financement, qui empêche une utilisation optimale des crédits.

Les industriels rencontrés par le rapporteur ont, dès lors, déplorés que, dans un tel contexte, leurs groupes - en particulier Thalès - puissent ne plus être en mesure de maintenir l'excellence technique de leurs produits.

Quoi qu'il en soit, il est clair que l'absence d'un effort de recherche significatif risque d'hypothéquer la poursuite de l'objectif du ciel unique. Il est d'autant plus important que les Etats en prennent conscience que l'Europe dispose de groupements industriels de qualité, capables de faire face à la concurrence américaine, comme le montre l'alliance Thalès-EADS-Airbus.

CONCLUSION

L'Europe de la navigation aérienne peut-elle prendre son envol ? Telle est la question que l'on serait tenté de poser si l'on se limitait aux projets de texte de la Commission, qui soutiennent que le ciel unique n'existe pas.

Ce n'est pas l'orientation que ce rapport ni la proposition de résolution qui est présentée en conclusion veulent défendre. Car l'Europe de la navigation aérienne a déjà pris son envol grâce aux mesures initiées par Eurocontrol. Le défi des années à venir est de permettre à cette Europe de la navigation aérienne d'améliorer sa vitesse de croisière, au travers d'une gestion plus unifiée du trafic et de l'espace aériens.

*

* *

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le jeudi 21 novembre 2002, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat.

M. Michel Herbillon a souhaité connaître l'étendue de l'espace aérien dont la France assurait le contrôle.

Le rapporteur a indiqué que l'espace aérien contrôlé par la France s'étendait jusqu'aux frontières nord de l'Algérie et couvrait une large zone sur l'Atlantique. Il a précisé qu'a contrario le contrôle aérien de certaines zones limitées du territoire français était assuré par des centres situés sur le territoire de pays voisins, aux Pays-Bas et en Suisse.

M. Daniel Garrigue a interrogé le rapporteur sur l'articulation de la réforme proposée avec la déréglementation des transports et le fort développement du trafic aérien en Europe.

Le rapporteur a précisé que la réforme du « ciel unique », proposée par la Commission, avait essentiellement à l'origine des objectifs économiques liés à la saturation du trafic aérien et à l'augmentation des retards liée à cette saturation. Il a indiqué que depuis le 11 septembre 2001, la baisse du trafic avait rendu moins pressant le problème de la saturation du trafic et que, dans le même temps, la réforme proposée s'était orientée vers la prise en compte prioritaire des préoccupations de sécurité. Il a noté que cette réforme n'avait pas de conséquences sur l'activité des compagnies à « bas coûts ».

Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré préoccupé par le retard qui existe en Europe dans le domaine de la fluidité des transports, qui n'est pas satisfaisante à l'intérieur des frontières de l'Union. Il a interrogé le rapporteur sur les raisons qui motivent son opposition à l'ouverture à la concurrence des services annexes de la navigation aérienne.

Le rapporteur a précisé que l'ouverture à la concurrence ne concernait pas le contrôle aérien qui s'apparente en réalité à un monopole naturel. S'agissant des services annexes, il a déploré que la Commission européenne méconnaisse l'intégration de certains d'entre eux dans la chaîne de sécurité de la navigation aérienne. Il a indiqué qu'aux Etats-Unis, l'ouverture à la concurrence du service de la météorologie ne se posait pas, celui-ci étant délivré gratuitement. En Grande-Bretagne, le service annexe de la météorologie est en revanche libéralisé, mais il est encore trop tôt pour en évaluer les effets.

M. Michel Herbillon a rappelé que loin d'être une question annexe, la météorologie constituait un élément essentiel de la sécurité du transport aérien. Il a interrogé le rapporteur sur les conséquences pour le contrôle aérien des attentats du 11 septembre 2001.

En réponse, le rapporteur a témoigné d'une sensibilisation renforcée des autorités de contrôle qui ont depuis cette date intensifié leur coopération en vue d'accélérer les procédure d'identification des avions. Il a précisé que Maastricht était le centre de contrôle de l'espace aérien pour la Belgique, le Luxembourg et une partie de l'Allemagne. Il a indiqué que la lutte contre le terrorisme aérien pouvait relever du deuxième pilier et que les relations entre le Pentagone et la FAA aux Etats-Unis s'étaient intensifiées après les attentats du 11 septembre 2001. Cela étant, on ne peut empêcher, s'agissant de l'Europe, que la destination exacte d'un avion fonçant sur le continent ne puisse être connue que quelques minutes avant qu'il n'atteigne sa cible.

Un débat, auquel ont participé le Président Pierre Lequiller, MM. Nicolas Dupont-Aignan, Daniel Garrigue, Michel Herbillon, André Schneider et le rapporteur, s'est ensuite ouvert sur les questions suivantes :

- Les difficultés de coordination entre les autorités civiles et militaires dans la gestion du contrôle de l'espace aérien et leurs conséquence sur la ponctualité des vols

Le rapporteur a précisé le rôle de la C.F.M.U. (Central Flow Management Unit) qui a permis de réduire les temps de retard en n'autorisant un avion à décoller que si un créneau horaire d'atterrissage lui est attribué ; cela permet aux avions d'éviter de tourner lorsqu'il sont en phase d'approche, de consommer moins de carburant tout en assurant une meilleure sécurité aérienne. Puis il a rappelé l'existence de deux catégories de centres de contrôle aérien : les uns civils, les autres militaires. Alors que les centre civils ne contrôlent que des avions civils, les centres militaires contrôlent à la fois des avions militaires et civils. L'existence de zones aériennes militaires réservées peut contraindre des avions civils à contourner les zones fermées, ce qui provoque alors des retards. Aux Etats-Unis, les zones militaires sont implantées de telle sorte qu'elles ne perturbent pas le trafic civil. Mais la situation est inverse en Europe, où il apparaît désormais nécessaire de réfléchir à la création de zones militaires communes à plusieurs pays (notamment entre la France et l'Allemagne d'une part, et l'Espagne d'autre part). Le rapporteur a néanmoins fait état d'une amélioration des relations entre les contrôleurs civils et militaires, et souligné la performance du contrôle aérien français en relevant que la précédente catastrophe aérienne liée à une défaillance du contrôle aérien remonte à 1973.

L'harmonisation des normes et des matériels

Après avoir indiqué que deux blocs industriels se partagent le marché européen du matériel aéronautique, le rapporteur a souligné les avantages d'une uniformisation des normes à l'échelle européenne, afin de peser davantage face à la concurrence américaine. En 2005, avec l'élargissement, l'Union européenne sera majoritaire au sein d'Eurocontrol puisque les pays membres représenteront 25 Etats sur les 31 composant cette organisation ; l'Union européenne devrait alors être en mesure d'imposer des normes communes. Le principal obstacle reste néanmoins celui de la question militaire, notamment pour la France qui se situe au centre des principales routes aériennes européennes. Le rapporteur a salué l'action d'Eurocontrol, dont les succès depuis 40 ans reposent sur une expertise sans équivalent ; mais il a regretté qu'Eurocontrol ne dispose pas des moyens d'appliquer les sanctions prononcées et a déploré la rivalité qui existe entre la Commission européenne et la direction générale d'Eurocontrol.

M. Nicolas Dupont-Aignan a précisé à ce sujet que, lors de la réorganisation des routes aériennes en Ile-de-France à la fin des années 1990, Eurocontrol avait apporté une aide très utile alors que la direction générale de l'aviation civile était contestée par plusieurs élus, notamment dans l'Essonne.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté à l'unanimité la proposition de résolution dont on trouvera le texte ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION ADOPTEE PAR LA DELEGATION

PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : programme d'action pour la réalisation du ciel unique européen et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant le cadre pour la création du ciel unique européen (document E1851),

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la réalisation du ciel unique européen ; la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la fourniture de services de navigation aérienne dans le ciel unique européen ; la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'organisation et l'utilisation de l'espace aérien dans le ciel unique européen ; et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'interopérabilité du réseau européen de gestion du trafic aérien (document E 1852),


1. Approuve l'objectif d'une gestion unifiée du trafic et de l'espace aériens ;

2. Estime toutefois qu'un tel objectif ne saurait être poursuivi, de façon efficace, que dans le respect de la souveraineté des Etats, ainsi que des missions d'intérêt général dévolues aux services de la navigation aérienne par la Cour de justice des Communautés européennes et sur la base de l'expertise technique d'Eurocontrol, qui a posé les jalons d'un ciel unique européen ;

3. Considère, dès lors, que la coordination entre les autorités civiles et militaires devrait être réglée non pas par la proposition de règlement-cadre susvisée, mais au travers des mécanismes de coopération relevant de la politique étrangère et de sécurité commune ;

4. Considère également que les blocs d'espace fonctionnels ne sauraient être définis que sur la base des décisions prises par les Etats ;

5. Juge indispensable, d'une part, de poser dans chacune des propositions de règlement susvisées que les mesures communautaires à prendre dans le cadre du ciel unique s'appuieront systématiquement sur Eurocontrol, son expertise, ses procédures et ses acquis et, d'autre part, de prévoir qu'Eurocontrol participera aux travaux du Comité sur le ciel unique européen en qualité d'observateur ;

6. Estime nécessaire que soient abrogées les dispositions instituant des mécanismes d'incitation économique et l'ouverture à la concurrence des services annexes de la navigation aérienne ;

7. Demande que l'Union européenne et les Etats membres accordent des moyens budgétaires soutenus à la recherche, sans lesquels l'Europe ne serait pas en mesure de faire face efficacement à la concurrence américaine ;

8. Souhaite que les réflexions en cours au sein du Gouvernement sur la réorganisation de la navigation aérienne contribuent à mieux valoriser le potentiel technique et humain dont la France dispose déjà.

ANNEXE :
Liste des personnes auditionnées

I - EN EUROPE

1. En France

Départements ministériels

- Mme Anne Lieure, conseillère technique en charge des relations avec le Parlement, au secrétariat d'Etat aux transports et à la mer ;

- M. Michel Wachenheim, directeur général de l'Aviation civile, et M. Franck Morisseau, directeur de la navigation aérienne ;

- M. Jérôme de Bergues, sous-directeur du Droit international économique, Mme Dana Purcarescu, secrétaire des AE, rédactrice, à la direction des affaires stratégiques, Mme Anne Schmidt, secrétaire des AE principale, rédactrice, à la direction de la coopération européenne, et M. Pierre Boussaroque, conseiller à la direction des affaires juridiques, ministère des affaires étrangères ;

- M. Alain Correïa, chef du secteur transports et politique régionale, SGCI ;

- Le général François Rivet, directeur général de la circulation aérienne militaire (DIRCAM) ;

- M. Marc Hamy, chef du centre régional de la navigation aérienne Sud-Est.

Personnalités qualifiées

- M. Philippe Jaquard, inspecteur général de l'Aviation civile à l'IGACEM.

Groupements professionnels

- M. Jean-Cyril Spinetta, Président directeur général du groupe Air France, accompagné de MM. Pierre Caussade et Yorikh Pelhate ;

- M. Hubert du Mesnil, directeur général des Aéroports de Paris, accompagné de M. Frédéric Ricco, directeur des opérations extérieures ;

- M. Jean-Louis Gergorin, directeur général en charge de la stratégie de EADS, accompagné de MM. Jean-Marc Thomas, vice-président Industrie, recherche et technologie, Daniel Deviller, directeur-adjoint au directeur technique d'Airbus et de Lionel Wonneberger, directeur de Thomfans ;

- M. Jacques Delphis, directeur des relations extérieures et institutionnelles de Thalès ;

- SCARA : MM. Jean-Baptiste VallÉ, délégué général, et Georges-Marie Baurens, conseiller ;

- UCCEGA : MM. Bernard Chaffange, directeur de l'aéroport de Lyon, Bertrand Eberhard, chef de service, Jacques Sabourin, délégué général de l'UCCEGA et Jean-Michel Vernhes, directeur de la Concession à l'aéroport de Toulouse-Blagnac.

Organisations syndicales

- SNCTA : MM. Bruno Champion, secrétaire national, Gérald Regnaud et Alain Serres ;

- SNPL : M. Patrick Augain, vice-président, accompagné de M. Thierry Le Floch ;

- SAPAC-UNSA : M. Jean-Charles Ollivier, secrétaire général, et MM. Frédéric Lorzou, William Fiacre et Frédéric Huselaing ;

- SPAC-CFDT : MM. Christian Chardon et Jean Ramel ;

- USAC-CGT : MM. Patrick Malandin, secrétaire national, Harold Quesnel et Norbert Bolis.

2. En Belgique

a) Bruxelles

- M. Victor aguado, directeur général d'Eurocontrol ;

- M. J.J. Sauvage, chef de Cabinet du directeur général ;

- M. Patrick Bernard, expert au Cabinet du directeur général ;

- M. J.R. Bauchet, directeur CFMU ;

- M. B. Miaillier, chef de l'Unité stratégie, concepts et système ;

- M. Fusco, directeur CRCO.

b) Centre de contrôle de Maastricht

- M. Arnold Vandenbroucke, directeur du centre ;

- Mme Mireille Roman, chargée des relations publiques ;

- M. Joop Bekkers, superviseur.

2. En Grande-Bretagne

- M. Gérard Errera, ambassadeur de France en Grande-Bretagne ;

- M. Philippe O'Quin, ministre-conseiller, chef de la mission économique au Royaume-Uni ;

- M. Jérôme Revole, attaché commercial à la mission économique ;

- M. Alan Cruisckshand, Head of Aviation Policy, BAA ;

- M. John Arscott, director Airspace Policy, accompagné de M. Gerry O'Connell, European Focal Co-ordinator, CAA ;

- M. Neil Perry, Manager International Relations, accompagné de M. Eoin H. Wylie, Manager, Single European Sky, NATS.

II - AMERIQUE DU NORD

1. Etats-Unis

- M. Denis Pietton, ministre-conseiller près l'ambassade de France aux Etats-Unis ;

- M. Jean-Michel Bourg, conseiller Transports près l'ambassade de France ;

- M. Elliott Reid, manager, International Procedures Branch, Air Traffic Tactical Operations Program ;

- M. Ken Montoya, director of Legislation, NATCA (National Air Traffic Controller Association) ;

Thales Inc : M. Jean-Louis Armor, director Airborne Programs, Dr Lawrence Cavaiola, president and CEO Thales North America, et M. Graham Smart, senior vice-president Strategy and Business Development ;

- M. David Plavin, vice-president for Technical and Environmental Affairs, ACI (Airport Council International/North America) ;

- Mr David Traynham, director Strategy and Policy, Boeing ;

- Congressman James Oberstar, représentant démocrate de l'Etat du Minnesota ;

- M. Ed Merlis, ATA (Air Transport Association) ;

- Mme Susan McDermott, deputy assistant secretary for Aviation and International Affairs, ATA (Air Transport Association) ;

- M. Marc Cato, ALPA (American Line Pilots Association).

2. Canada

- M. Assad Kotaite, président du Conseil de l'OACI ;

- M. Jean-François Dobelle, représentant permanent de la France au Conseil de l'OACI ;

- M. Daniel Galibert, président de la Commission de navigation aérienne de l'OACI ;

- M. Lawrence Boulet, directeur Normes, procédures et exploitation SCA, NAV CANADA ;

- M. Larry Lachance, gestionnaire général, opérations IFR-Montréal, NAV CANADA ;

- Mme Kathy Fox, vice-présidente adjointe, services de la circulation aérienne, NAV CANADA ;

- M. Doug Mein, directeur des services de la navigation aérienne et espace aérien, Transports Canada ;

- Mme Luce Bureau, chef de service, affaires internationales et tarifs de l'industrie, Air Canada.

1 () « Faut-il une Europe de la navigation aérienne », rapport n° 2953 de M. Charles Josselin.

2 () Conclusions sur le rapport de M. Charles Josselin, « Faut-il une Europe de la navigation aérienne ? », et proposition de résolution déposée en conclusion du rapport de M. Bernard Derosier, « Le développement durable du transport aérien : un impératif majeur de la politique européenne des transports », n° 3209.

3 () Performance Review Commission 4, Avril 2001. Cette commission d'examen des performances a été créée en 1998 pour conseiller les Etats membres d'Eurocontrol dans la mise en place d'un système de contrôle transparent et indépendant des performances du contrôle du trafic aérien et de la gestion des flux aériens. Bien que cette Commission fonctionne au sein d'une unité d'Eurocontrol, ses membres sont indépendants d'Eurocontrol.

4 () L'étude précitée de la Performance Review Commission indique que cinq Etats membres comptent un seul régulateur et 21 deux régulateurs, soit au total 47, alors que l'organisation compte 31 Etats membres.

5 () C'est-à-dire Indra en Espagne, Alenia Marconi en Italie, Lockheed Martin en Grande-Bretagne, Raytheon aux Pays-Bas et en Allemagne.

6 () P. Jacquard, Independant Study for the improvement of ATM (Etude indépendante en vue de l'amélioration de la gestion des courants de trafic aérien).

7 () Source FAA.

8 () Cour des Comptes, « Le contrôle de la navigation aérienne », rapport public particulier, novembre 2002.

9 () On se reportera à l'analyse de notre collègue Bernard Derosier, « Le développement durable du transport aérien : un impératif majeur de la politique européenne des transports », rapport n° 3209, pp. 19 à 22.

10 () Source FAA.

11 () Etude précitée de la Performance Review Commission, p. 44.

12 () Performance Review Commission 4, 2001, p.20.

13 () Spécifications relatives aux régions d'information de vol, aux régions de contrôle et aux zones de contrôle, paragraphe 2-9, chapitre 2, de l'annexe 11 de la Convention de Chicago.

14 () Exposé des motifs de la proposition de règlement fixant le cadre pour la création du ciel unique européen.

15 () Résolution du Conseil du 7 mai 1985 sur une nouvelle approche de l'harmonisation technique et de la normalisation.

16 () La Commission se réfère ici à l'article 80, paragraphe 2, du traité.

17 () Annexe I, Programme de travail, à la proposition de règlement fixant le cadre pour la création du ciel unique européen.

18 () Communication sur la réalisation du ciel unique européen, point 3-2.

19 () Ces articles sont relatifs aux règles de concurrence.

20 () Article 14, paragraphe 3d), de la proposition de règlement relatif à la fourniture des services de navigation aérienne dans le ciel unique européen.

21 () Communication de la Commission pour la réalisation du ciel unique européen.

22 () Communication de la Commission sur le programme d'action pour la réalisation du ciel unique européen.

23 () Communication de la Commission précitée.

24 () Par comparaison, c'est jusqu'à 28 000 que s'est élevé le nombre maximum d'avions dans le ciel européen certains jours de juillet 2001.

25 () Ces crédits ont été d'un montant de 200 millions d'euros, sur un total de 1 200 millions d'euros, lequel inclut également les dépenses consacrées aux systèmes de gestion des flux aériens (400 millions d'euros) et celles affectées à la communication-navigation surveillance et à l'infrastructure (600 millions d'euros).

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