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N° 780

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'adhésion de la Slovaquie à l'Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

par M. Jean-Pierre ABELIN,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; M. François Guillaume, M. Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Jean-Claude Lefort, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE : LES ENJEUX DE L'ADHÉSION POUR LA SLOVAQUIE 9

I. UNE VOLONTE POLITIQUE AUJOURD'HUI QUASI UNANIME 11

A. Une candidature au parcours sinueux 11

1) Des débuts en demi-teinte 11

2) Une stabilisation politique depuis cinq ans 12

B. La physionomie de l'opinion aujourd'hui 12

1) Le référendum prévu les 16 et 17 mai 2003 12

2) Les ambiguïtés de l'unanimisme 13

II. VERS UN REEQUILIBRAGE TERRITORIAL 15

A. « A la recherche d'une politique régionale » 15

1) De fortes disparités régionales 15

2) La récente réforme de la décentralisation 16

B. Fonds structurels européens et développement économique 16

1) Un enjeu considérable : le solde des transferts budgétaires européens 17

2) Un plan de développement national qui s'appuiera sur les fonds structurels européens 17

DEUXIEME PARTIE : L'INTEGRATION DE LA SLOVAQUIE, UN PARI A TENIR POUR L'UNION EUROPÉENNE 19

I. LES DEFIS DE LA LIBRE CIRCULATION 21

A. Une concurrence nouvelle au sein de l'Union européenne 21

1) Une menace pour l'économie française ? 21

2) Un préalable au rattrapage économique : l'éradication de la corruption 23

B. La question des flux migratoires 24

1) La délicate question des Roms 24

2) Des efforts à poursuivre 25

II. LA CONSTRUCTION D'UN ESPACE POLITIQUE COHERENT 27

A. Vers des frontières plus sûres 27

1) Une cohérence territoriale renforcée 27

2) La surveillance de la future frontière extérieure 28

B. L'insertion dans le jeu politique communautaire 28

1) Des grands débutants en mécanique communautaire 29

2) La volonté d'une politique étrangère commune ? 29

CONCLUSION 31

TRAVAUX DE LA DELEGATION 33

ANNEXES 37

Annexe 1 : Carte de la Slovaquie 39

Annexe 2 : Listes des personnes auditionnées par le rapporteur 41

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'élargissement de l'Union européenne, qui se prépare depuis des années, fait paraître aujourd'hui ses premiers résultats perceptibles aux yeux du grand public. Alors que les négociations ont touché à leur terme et que la signature solennelle du traité d'adhésion est imminente, l'opinion française s'avise seulement de l'importance de l'événement, quand elle ne le découvre pas tout à fait. Cette prise de conscience fait naître, n'en doutons pas, des interrogations et même des inquiétudes qu'il serait maladroit de sous-estimer.

L'action administrative communautaire, loin de se renfermer tout entière dans des missions d'exécution, prépare et précède souvent la discussion publique au sein des Etats membres de l'Union européenne, de sorte que leurs citoyens ont parfois le sentiment de se trouver placés malgré eux devant le fait accompli, reproche que les pères fondateurs de l'Europe ont toujours parfaitement assumé et même parfois revendiqué haut et fort. L'élargissement actuel ne faisant pas exception à la règle, un décalage manifeste s'observe aujourd'hui entre le calendrier des négociations, désormais refermé, et l'agenda du débat public qui s'ouvre seulement, donnant le coup d'envoi à la discussion proprement démocratique.

Certes, les autorités françaises ne semblent pas s'orienter vers la voie référendaire pour faire ratifier le traité d'adhésion. L'on aurait pourtant tort d'en conclure qu'il n'est pas nécessaire, sur ce terrain aussi, de remporter la bataille de l'opinion. Car - la récente expérience de la réunification allemande l'a rappelé - l'élargissement d'une communauté politique ne se réalise pleinement que lorsqu'il a su gagner la faveur des esprits et abattre les barrières qu'ont parfois élevées entre eux la crainte, l'ignorance ou seulement l'indifférence.

Récemment apparue sur les atlas, la Slovaquie est un Etat encore trop mal connu dans notre pays. Comme telle, son adhésion ne saurait soulever d'objection a priori dans l'opinion, mais elle doit néanmoins surmonter les préventions que suscite communément l'intégration d'un pays au niveau de vie relativement moins élevé que le nôtre. Nos concitoyens seront naturellement amenés à se demander, au cours des mois à venir, comment un rattrapage peut avoir lieu, à quel prix il sera financé, s'il n'entraînera pas des migrations de population, des délocalisations ou encore une concurrence accrue pour l'agriculture française. A ces questions, le rapporteur voudrait apporter quelques éléments de réponse.

Etant le premier à penser que l'assentiment général ne s'obtiendra qu'avec les années, il ne s'imagine certes pas que la discussion parlementaire clora définitivement la question de l'adhésion intérieure à l'élargissement. Il souhaiterait du moins que le Parlement français, en autorisant le Président de la République à ratifier le traité, se prononce à l'issue de débats qui permettent aux citoyens, avertis et moins avertis, de mieux percevoir les enjeux de cette ouverture politique, d'en saisir l'esprit et d'en apprécier les suites proches et lointaines.

PREMIERE PARTIE :
LES ENJEUX DE L'ADHÉSION POUR LA SLOVAQUIE

Même si, depuis dix ans, la Slovaquie a su faire la preuve qu'elle constituait un Etat viable économiquement et politiquement, sa position géographique l'incline naturellement à se rapprocher de l'Union européenne, qui dessine aujourd'hui son horizon immédiat. Cela explique sans doute que la candidature à l'Union européenne soit aujourd'hui un projet aussi largement soutenu par l'ensemble de l'opinion slovaque, malgré les adaptations non négligeables qu'impose au pays son intégration.

I. UNE VOLONTE POLITIQUE AUJOURD'HUI QUASI UNANIME

En Europe centrale, l'opinion slovaque est en effet l'une des plus nettement favorables à l'adhésion de son pays à l'Union européenne, aux alentours de 70 % d'après les derniers sondages publiés. Aussi la prochaine consultation référendaire paraît-elle ne devoir être qu'une formalité solennelle, même si elle comporte son lot de contraintes. Qui se souviendrait de la situation du pays il y a seulement cinq ans prendrait cependant conscience de l'ampleur du chemin parcouru pour en arriver là.

A. Une candidature au parcours sinueux

Quoiqu'elle touche aujourd'hui au but, la candidature de la Slovaquie n'a pas suivi la trajectoire la plus directe vers l'adhésion.

1) Des débuts en demi-teinte

Deux ans après s'être séparée de la République tchèque par commun accord, la Slovaquie avait déposé, le 28 juin 1995, sa candidature officielle à l'Union européenne. Le 15 juillet 1997, la Commission émettait un premier avis positif sur la candidature slovaque.

Les méthodes du gouvernement de Vladimir Meciar valurent cependant au pays d'être rétrogradé parmi les pays du groupe d'Helsinki, autrement appelé « second groupe », quoique ses performances économiques lui auraient permis par elles-mêmes de mieux figurer parmi les candidats. Par son comportement autoritaire, le gouvernement de l'époque s'écartait en effet trop nettement des critères de Copenhague qui exigeaient des pays candidats la stricte observation du jeu démocratique, dans le respect notamment de la liberté ou des droits de l'opposition.

2) Une stabilisation politique depuis cinq ans

Les élections législatives de septembre 1998 amenèrent cependant au pouvoir une coalition de centre droit qui adopta d'autres pratiques gouvernementales. Le 15 février 2000, le pays était invité à entamer les négociations d'adhésion avec l'Union européenne. Cela l'incita du reste à mener une politique d'austérité pour restaurer les finances de l'Etat et rassurer les bailleurs de fonds internationaux.

Réclamant à la population certains sacrifices, cette politique laissait présager un possible retour au pouvoir de Vladimir Meciar, notamment à la suite des premières élections régionales largement remportées en 2001 par l'opposition. Quoique son parti ait obtenu en septembre 2002 le plus fort pourcentage aux élections législatives, ses 19,5 % ne lui ont cependant pas permis de constituer un gouvernement et le scrutin a donc reconduit à la tête du pays la coalition de centre droit. Par une déclaration faite à Bruxelles le 8 octobre 2002, la Présidence de l'Union européenne s'en est félicitée en ces termes :

« L'Union européenne attend avec intérêt la formation du nouveau gouvernement slovaque, qui pourra poursuivre les progrès importants accomplis par la République slovaque sur la voie de l'adhésion à l'Union européenne. »

B. La physionomie de l'opinion aujourd'hui

L'entrée dans l'Union européenne recueille l'adhésion de la plus grande partie de la population slovaque. En l'absence d'affrontement électoral sur la question, c'est presque cet unanimisme qui suscite des interrogations.

1) Le référendum prévu les 16 et 17 mai 2003

Les autorités slovaques ont décidé que le traité d'adhésion à l'Union européenne serait ratifié par la voie référendaire. Le scrutin est prévu les 16 et 17 mai 2003. La tradition électorale veut que les consultations se déroulent ainsi sur deux jours.

Les résultats du référendum auront une valeur contraignante, et non seulement consultative, comme cela peut s'observer à Malte. En droit constitutionnel slovaque, le peuple est regardé comme exerçant ainsi en propre la compétence de ratification. La Constitution met cependant une condition à la validité du résultat, en imposant un taux de participation minimal de 50 %, au défaut duquel la victoire du « oui » ne vaut pas ratification en bonne et due forme.

Ce « quota constitutionnel », exigé aussi par la Constitution polonaise, a fait craindre un temps aux autorités slovaques que le référendum ne puisse pas produire d'effet utile, malgré une victoire du « oui ». Mais, la participation s'annonçant finalement plus forte que prévu, le gouvernement paraît avoir renoncé à lancer la campagne d'appel au civisme qui avait été envisagée.

S'il doit y avoir une incertitude sur l'issue du référendum, elle portera donc plus sur le taux de participation que sur le sens de l'adhésion populaire, la majorité paraissant d'ores et déjà largement acquise pour le « oui ».

2) Les ambiguïtés de l'unanimisme

Bien que, sans conteste, elle soit pour le rapporteur un motif de satisfaction, cette unanimité ne laisse pas de susciter quelques inquiétudes. Confinant à l'unanimisme, elle tend peut-être à faire oublier les efforts qui restent nécessaires sur la voie de l'adhésion, quand elle ne témoigne pas d'une ignorance pure et simple de la chose communautaire.

Lors d'une session plénière de la Convention sur l'avenir de l'Europe, l'un des délégués slovaques s'exprimait ainsi sur la question, le 18 novembre 2002 : « 70 % des Slovaques sont en faveur de l'adhésion à l'Union européenne. (...) Mais il existe un taux élevé d'ignorance sur la nature et le fonctionnement de l'Union européenne. Des efforts immenses sont donc nécessaires pour expliquer tous les aspects liés à l'élargissement, positifs comme négatifs. Si cette communication n'est pas faite, l'espace sera occupé par des courants extrêmes ».

Certes, M. Robert Fico appartient à l'actuelle opposition, ce qui pourrait expliquer la tonalité critique de son intervention, mais il faut noter cependant que son parti s'est, lui aussi, prononcé en faveur de l'adhésion. Son analyse met plutôt en lumière que l'opinion slovaque attend trop de l'adhésion pour que l'Union européenne puisse se permettre de la décevoir. Cela vaut au premier chef en matière de politique régionale.

II. VERS UN REEQUILIBRAGE TERRITORIAL

La politique régionale a constitué l'un des chapitres essentiels des négociations d'adhésion avec tous les pays candidats, et en particulier avec la Slovaquie où la question revêt une importance particulière. Le pays accuse en effet des disparités régionales considérables, que seule une politique européenne ambitieuse peut contribuer à gommer, à condition qu'elle soit efficacement mise en œuvre.

A. « A la recherche d'une politique régionale »(1)

1) De fortes disparités régionales

En se rendant dans la région de Bratislava, le rapporteur a pu le constater par lui-même : l'ouest de la Slovaquie a déjà atteint un niveau de développement économique qui le rapproche sensiblement de la moyenne de l'Union européenne. Il n'en va cependant pas de même à l'est.

En 2000, le PIB de la Slovaquie atteignait 45 % de la moyenne de l'Europe des Quinze, mais ces résultats masquent de fortes disparités territoriales. Alors que le PIB par habitant de la région de Bratislava évolue autour de la moyenne observable dans l'Union européenne, la région de Presov n'atteignait que 29 % de ce chiffre en 2000, soit une différence de un à trois d'une région à l'autre.

« Dans ce paysage, note Georges Mercier, la capitale, Bratislava, occupe une place particulière avec plus de 450 000 habitants. Très excentrée à l'ouest, elle échappe à l'enclavement des autres villes et s'ouvre largement sur l'Autriche, la Hongrie et la République tchèque. Le triangle Vienne-Györ-Bratislava constitue d'ailleurs l'une des zones au plus fort potentiel de développement en Europe centrale ».

A la fois cause et effet de ces disparités territoriales, le fort centralisme de l'Etat slovaque préparait mal, jusque récemment, une difficile uniformisation nationale des conditions de vie.

2) La récente réforme de la décentralisation

Disparues en 1918, les régions slovaques renaissent aujourd'hui, à la suite de deux lois successives.

En 1996, une première réforme avait institué huit régions (kraj) et soixante-dix-neuf districts déconcentrés. Ces mesures visaient à rationaliser l'organisation administrative locale en instaurant des circonscriptions plus vastes et en resserrant les services territoriaux de l'Etat, privilégiant ainsi le renforcement du pouvoir de l'Etat. Confirmant le découpage territorial retenu en 1996, la loi du 4 juillet 2001 donnait naissance, dans un tout autre esprit, à des « collectivités territoriales supérieures » enfin autonomes.

Les élections régionales ayant été remportées par l'opposition, ces collectivités autonomes ont commencé de fonctionner le 1er janvier 2002 dans des conditions peut-être plus favorables à une émancipation progressive mais effective du pouvoir central. De leur côté, les autorités communautaires ont suivi de près l'application des réformes régionales, qui paraissent être un préalable à la revitalisation authentique et spontanée des provinces slovaques dans la nouvelle Union européenne.

B. Fonds structurels européens et développement économique

A soi seule, la réforme institutionnelle ne saurait cependant garantir que les écarts seront rapidement comblés avec Bratislava. La politique régionale européenne a ici un rôle à jouer que les négociations d'adhésion ont bien mis en évidence.

1) Un enjeu considérable : le solde des transferts budgétaires européens

L'Union européenne a ouvert d'importantes lignes de crédit aux pays candidats, et notamment à la Slovaquie, qui devrait bénéficier, de 2004 à 2006, de plus d'un milliard et demi d'euros au titre de la politique régionale(2). Ce sont ces fonds qui assurent que le pays ne sera pas contributeur net au budget communautaire.

A Copenhague, les obligations financières de la Slovaquie vis-à-vis de l'Union européenne ont été négociées comme suit : le pays devrait apporter de 2004 à 2006 une contribution au budget communautaire qui s'élève à 934 millions d'euros. De son côté, il devrait recevoir de l'Union européenne, sur la même période, l'équivalent de 1765 millions d'euros. Il est aisé de constater que le pays bénéficiera ainsi d'un solde net positif sur les deux années de 831 millions d'euros.

Encore faut-il qu'il ait mis en place les structures nécessaires pour absorber les fonds européens qui lui sont destinés. Car la lourde machinerie des fonds structurels communautaires réclame une administration spécialement formée à sa gestion et au maniement de ses procédures. Alors qu'à plusieurs reprises la Commission a invité la Slovaquie à réduire le nombre de ses agents publics afin de limiter son déficit budgétaire, il n'est pas sûr que certains d'entre d'eux ne fassent pas défaut aujourd'hui qu'il s'agit de mettre en œuvre la gestion nationale des fonds structurels européens.

Dans la dernière lettre que la Commission a envoyée aux autorités slovaques, ce point constituait, avec le contrôle financier auquel il est en partie lié, l'un des deux sujets sur lequel elle attirait leur attention.

2) Un plan de développement national qui s'appuiera sur les fonds structurels européens

A la suite de premières observations de la Commission, le ministère de la Construction et du Développement régional avait déjà élaboré un « Plan national de développement régional », dont la version initiale est parue en mars 2001. Il vise à hisser le PIB moyen en Slovaquie au-dessus de 50 % de la moyenne européenne. Pour ce faire, il se concentre sur quatre programmes sectoriels, portant sur l'amélioration de l'emploi, l'agriculture multi-fonctionnelle, la compétitivité de l'industrie et des services, la construction de meilleures infrastructures de base.

Un organe de gestion et de paiement a été créé au sein du ministère des Finances pour suivre la répartition des crédits. Un organe de gestion s'est également mis en place pour chacun des quatre sous-objectifs. Ils attendent encore leur accréditation officielle par les instances communautaires. Si les délais sont respectés, les premiers projets pourront être présentés dès le 1er janvier 2004, soit quatre mois avant l'entrée en vigueur du traité d'adhésion.

En tout état de cause, les autorités nationales devraient cependant être assez longues à s'approprier totalement les procédures communautaires. Certes, elles bénéficient de l'envoi de conseillers pré-adhésion français et irlandais qui leur apportent le renfort de leurs connaissances spécifiques. Mais il reste que l'essentiel des six cents à sept cents pages qu'elles auront soumises à la Commission, au titre des documents de programmation, auront été rédigées pour la plus grande partie par des cabinets d'étude d'Europe de l'Ouest, rompus aux techniques de présentation des dossiers communautaires. Sans que la situation soit vraiment inquiétante, il existe donc un risque réel de dilapidation de l'argent public au profit d'organismes privés qui se substituent aux administrations statutairement compétentes.

Bien sûr, le rapporteur n'a pas manqué d'exprimer à ces interlocuteurs les difficultés que rencontrait parfois en ce domaine notre propre pays.

DEUXIEME PARTIE :
L'INTEGRATION DE LA SLOVAQUIE, UN PARI A TENIR POUR L'UNION EUROPÉENNE

L'intégration de la Slovaquie représente un défi à la fois politique et économique. Elle introduira dans l'Union européenne un volet de main-d'œuvre moins chère, des structures agricoles héritées du communisme mais aussi des minorités de tradition nomade ou des avant-postes douaniers à la frontière ukrainienne. Cela entraînera nécessairement au sein de l'Union élargie des évolutions et des transformations dont il est difficile d'appréhender aujourd'hui l'ampleur. Le cas de la Slovaquie permet cependant d'en saisir les orientations et d'en dégager les lignes de force.

I. LES DEFIS DE LA LIBRE CIRCULATION

La libre circulation des personnes et des capitaux constitue l'un des principes fondateurs de l'Union européenne. Appliqué à des pays au degré de développement similaire, ce principe ne fait qu'infléchir des tendances déjà observables entre eux, sans amener ni renversement ni déséquilibre notable. Les mêmes principes peuvent cependant opérer dans un sens différent lorsque la ligne d'équilibre ne s'établit pas au même niveau de départ entre les ensembles qu'il s'agit de faire communiquer.

C. Une concurrence nouvelle au sein de l'Union européenne

En Slovaquie, un salaire brut s'élève en moyenne à 285 euros par mois. L'économie nationale jouit de ce fait d'un avantage important sur ces futurs concurrents intra-communautaires, même si l'appareil économique slovaque ne soutient pas encore la comparaison avec l'outillage industriel et productif de la plupart des Quinze. Le rythme des investissements étrangers ne s'est accéléré que depuis ces trois dernières années. Car il faut aussi prendre compte le tableau plus général des conditions de production.

1) Une menace pour l'économie française ?

A l'heure où la France connaît de nombreuses restructurations industrielles, l'ouverture à l'Est peut alimenter la crainte des délocalisations. Les agriculteurs, qui dépendent beaucoup de la politique communautaire, se posent aussi nécessairement quelques questions sur son évolution.

En matière industrielle, la décision du groupe PSA d'implanter une usine en Slovaquie apparaît particulièrement intéressante. Le 15 janvier 2003, le constructeur automobile français a annoncé qu'il installerait à Trnava, non loin de Bratislava, une usine qui aura, à son démarrage en 2006, une capacité de production annuelle de 300 000 voitures et emploiera 3 500 personnes. Il compte rapprocher ainsi son outil industriel des marchés où il connaît un rapide renforcement de sa présence commerciale : PSA Peugeot Citroën atteint 12,7 % de parts de marché en 2002 dans les six pays d'Europe centrale (Croatie, Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie) contre 5 % il y a cinq ans.

L'analyse de cette décision lourde de conséquences économiques prouve que l'industriel français ne poursuit pas à travers elle une stratégie de délocalisation. Ses usines en France et dans le reste de l'Europe tournent déjà à 117 % de leur capacité. L'usine de Trnava, loin de retrancher aux capacités de production en France, se contentera donc d'exploiter le potentiel considérable d'une économie en pleine expansion. Les autres investissements ouest-européens dans la région paraissent obéir aux mêmes préoccupations, par exemple les acquisitions de GDF dans l'appareil gazier slovaque.

Quant à l'agriculture slovaque, elle s'appuie sur de grandes structures et des effectifs réduits(3), puisque les paysans représentent moins de 7 % de la population active totale. Si le passage à la politique agricole commune doit amener des reclassements dans le secteur, ils ne devraient donc pas peser sur le budget communautaire aussi lourdement que pourra le faire la prévisible restructuration de l'agriculture polonaise. Du point du vue du consommateur, les contrôles vétérinaires donnent déjà pour le reste des résultats très satisfaisants, dus à la formation déjà ancienne d'un personnel qualifié.

L'intégration de l'économie slovaque, si la transition s'opère progressivement, ouvrira de nouvelles perspectives de développement à toutes les entreprises de l'Union européenne. Il faut souhaiter que le rattrapage de croissance qui s'annonce réduise les disparités régionales à l'intérieur du pays, même si l'implantation de PSA a lieu dans la région slovaque déjà la plus favorisée.

2) Un préalable au rattrapage économique : l'éradication de la corruption

Pour que leur action soit pleinement efficace, les agents économiques doivent pouvoir opérer dans la plus grande sécurité juridique et la transparence des transactions. Or le thème de la corruption est hélas l'un des plus souvent abordés à propos de la Slovaquie, tant dans les journaux européens que dans les rapports périodiques de la Commission(4).

Le régime des années Meciar est souvent nommément mis en cause, mais le changement de majorité n'a pas tout réglé. Des pratiques considérées ailleurs comme douteuses sont parfaitement ancrées dans les mentalités d'individus qui n'ont connu pendant des années qu'un régime de propriété collective où tout est déclaré appartenir à chacun. Le passage à l'économie de marché s'est ainsi révélé particulièrement périlleux, du fait notamment des nombreuses privatisations qu'il a comportées.

Plusieurs éléments agissent cependant en faveur d'un assainissement de la situation. D'abord, les plus fortes tentations ont déjà trouvé à s'exercer, puisque l'essentiel de l'appareil productif est désormais passé aux mains d'investisseurs privés. Les occasions seront aussi moins nombreuses à mesure que le salaire des fonctionnaires s'élèvera, même si beaucoup de chemin reste à parcourir pour y parvenir. Enfin, de nombreuses mesures législatives ont été adoptées, notamment sur les entreprises publiques et la séparation comptable des patrimoines.

Ainsi, le code civil modifié en juin 2002 a créé les conditions juridiques nécessaires à la ratification de la convention civile du Conseil de l'Europe sur la corruption. La Slovaquie a signé la convention du Conseil de l'Europe sur le blanchiment d'argent, le dépistage, la saisie et la confiscation des profits du crime, la convention pénale sur la corruption ainsi que la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales(5) .

En pratique, la corruption paraît avoir reculé dans les services de la police et de la justice, tandis que des efforts restent à faire en matière d'éducation et de santé. Tant que les patients devront attendre plusieurs semaines pour être auscultés et que les médecins seront notoirement sous-payés, les conditions ne seront pas réunies pour que les rapports individuels se développent sur des bases saines, quelle que soit d'ailleurs la probité personnelle des uns ou des autres. Les considérations économiques compliquent ainsi les termes d'un problème qui n'est pas seulement moral.

D. La question des flux migratoires

La libre circulation vaudra aussi pour les personnes, ce qui ouvre la possibilité de futurs mouvements migratoires à l'intérieur de l'Union européenne élargie. Les seuls qui s'observent aujourd'hui concernent les travailleurs slovaques qui partent vers la République tchèque toute proche ; la quasi-communauté linguistique entre les deux pays paraît être l'une des raisons déterminantes dans le choix du pays d'accueil. Cela semble aussi indiquer que le marché du travail français ne devrait pas connaître d'afflux massifs de demandeurs d'emploi en provenance de la région, surtout si les investissements étrangers continuent de s'y développer à un rythme soutenu.

Il n'en va pas nécessairement de même de la forte minorité rom qui habite le pays, notamment ses régions orientales. Comme dans beaucoup de pays d'Europe centrale, la population slovaque forme en effet un ensemble composite, même si cette diversité s'est en partie perdue au cours du vingtième siècle, à la suite de l'expulsion de la minorité allemande mais aussi des crimes de masse perpétrés contre l'ancienne population juive. Il reste aujourd'hui une minorité hongroise bien intégrée, en face d'une population rom qui n'est malheureusement pas toujours en position de nourrir le même attachement à la terre slovaque.

1) La délicate question des Roms

La Slovaquie compte cinq millions et demi d'habitants, au nombre desquels environ 400 000 Roms. Les estimations varient beaucoup d'une source à l'autre, du fait que la population concernée ne se déclare pas toujours telle. Au cours des dernières opérations de recensement, seulement 90 000 personnes ont ainsi fait acte d'appartenance à la communauté rom, alors qu'il est largement admis qu'elle est en Slovaquie quatre à cinq fois plus nombreuse. Ce décalage prouve une intégration réelle à la société slovaque d'une partie de cette communauté, dont certains membres connaissent même une certaine opulence, par exemple en exerçant la profession de musicien.

Au moins une centaine de milliers vivent cependant dans des conditions de grande détresse matérielle. Résidant plutôt à l'est du pays, ils habitent des villages qu'ils partagent tantôt avec leurs compatriotes slovaques, tantôt seulement entre eux. Les logements y sont loin d'être toujours reliés à l'électricité ou à l'eau courante. La santé de leurs occupants en est souvent affectée, tandis que le chômage touche neuf sur dix d'entre eux et que leurs enfants ne peuvent fréquenter les écoles communes. Ces villages sont l'héritage du régime communiste qui a fixé les Roms de manière autoritaire sur différents points du territoire, en adoptant en 1958 une loi qui leur interdisait de voyager.

Aussi les habitants actuels des villages ont-ils perdu depuis quarante ans le substrat essentiel de leur culture de nomades, à savoir l'habitude de déplacements complets sur de longues distances. Cette acculturation forcée ajoute à leur détresse matérielle en les privant de repères mentaux traditionnels auxquels ils ne peuvent trouver d'équivalent dans une société où ils ne savent pas s'orienter.

2) Des efforts à poursuivre

Le Parlement européen s'est particulièrement ému de la situation dans des rapports successifs. Dénonçant la ségrégation et la discrimination dont les Roms seraient victimes, il a invité la Commission à suivre de près, au cours des négociations d'adhésion, la question de leur intégration et du respect de leurs droits.

En 1999, le gouvernement slovaque a ainsi créé un poste de représentant plénipotentiaire en charge des questions roms. Aujourd'hui confié à une militante de longue date de la cause de cette minorité, en étant elle-même issue, le secrétariat aux questions roms ne dispose peut-être pas encore de tous les moyens nécessaires pour mener à bien la tâche de grande ampleur qu'il trouve devant lui. Il n'emploie en effet qu'une quinzaine de personnes au total, pour une population directement concernée qui est supérieure à la centaine de milliers.

Certes, il a déjà pu mener à bien, dans quelques villages, des opérations de raccordements au réseau électrique ou d'adductions d'eau, mais, si méritoires soient-elles, il ne s'agit que d'actions ponctuelles qui ne règlent pas les deux grands problèmes connexes que constituent le chômage massif et le manque de formation. Parallèlement, afin de prévenir toute manifestation d'incompréhension, l'action menée en faveur des Roms ne doit pas non plus conduire à les désigner aux yeux de l'opinion comme les bénéficiaires d'un traitement de faveur. Dans les villages où cohabitent Slovaques roms et non-roms, il serait ainsi difficile, et même maladroit, de réaliser pour les uns des branchements d'eau sans le faire aussi pour les autres.

Malgré les déclarations d'intention des autorités, l'action du représentant plénipotentiaire paraît en définitive se heurter à l'inertie générale ainsi qu'à une certaine indifférence. Seule une politique ambitieuse peut toutefois amener la frange la plus démunie de la population rom à s'intégrer pleinement à la société slovaque au cours des dix ou vingt prochaines années. La vie sédentaire ne sera pour ces anciens nomades une solution viable et authentiquement durable que lorsqu'ils en auront librement assumé le choix. Les considérations humanistes rejoignent à cet égard l'intérêt bien compris des actuels Etats membres, qui, dans l'Union élargie, partageront de facto avec les autorités slovaques la responsabilité de cette intégration et de sa nécessaire réussite.

III. LA CONSTRUCTION D'UN ESPACE POLITIQUE COHERENT

L'adhésion de la Slovaquie doit conforter la cohérence stratégique et politique de l'Union élargie, du fait de la position géographique du pays mais aussi dans la mesure où elle participera aux processus de décision communautaires.

A. Vers des frontières plus sûres

Dans la perspective de l'élargissement, la logique imposait d'accueillir une série d'Etats qui constituent un bloc territorial. Par sa position en Europe centrale, la Slovaquie constitue un élément essentiel de ce tableau d'ensemble, qui, pour jouer un rôle important en matière de libre circulation intérieure, s'avère surtout déterminant dans le domaine extérieur.

1) Une cohérence territoriale renforcée

La démonstration est aisée à faire pour qui se donne la peine d'observer même seulement rapidement la carte de la région
(cf . annexe) : alors qu'un maintien de la Slovaquie hors de l'Union ferait plus d'un millier de kilomètres de frontières à surveiller depuis la Pologne, la République tchèque ou la Hongrie, l'entrée du pays ferme en quelque sorte l'ensemble constitué par les pays adhérents d'Europe centrale, ne laissant que 93 kilomètres de frontière extérieure communautaire avec l'Ukraine.

Il faut au demeurant souligner que la surveillance de la frontière slovaco-hongroise est par elle-même assez ardue, du fait que la même langue est en usage de part et d'autre et que des liens anciens subsistent entre la minorité hongroise de Slovaquie et la population de l'Etat dont elle est issue. Les trafics illégaux mettent à profit cette situation, qui n'a pas été sans causer déjà certaines difficultés aux autorités douanières.

2) La surveillance de la future frontière extérieure

Pour que la surveillance soit pleinement efficace à la frontière ukrainienne, les contrôles devront y être encore renforcés, car elle représente un filtre essentiel dans la lutte contre l'immigration clandestine et les différents trafics organisés.

Il ne paraît pas possible de se reposer entièrement sur la coopération avec les autorités douanières ukrainiennes dont les agents, mal payés, sont souvent peu motivés. La Slovaquie a quant à elle déjà réorganisé ses services, avec l'aide de la Commission qui a co-financé la remise à niveau des procédures de contrôle ainsi que la formation des gardes-frontières, à hauteur de 500 millions d'euros. Cela a conduit à l'adoption de mesures simples, comme d'améliorer le matériel radio ou de porter à deux par véhicule le nombre des fonctionnaires qui partent en patrouille. Le système d'information de la zone Schengen (SIS) a également été mis en place.

Entre 2004 et 2006, l'Union européenne continuera de financer l'effort de la Slovaquie, à qui est attribuée une dotation spéciale de 47,7 millions d'euros sur la période. Les vérifications devraient plus particulièrement porter sur la circulation des personnes, les contrôles sanitaires ayant donné jusqu'à présent des résultats qui ne laissent pas présager de difficultés particulières. L'ouverture ne se réalisera au reste que par étapes, et les contrôles aux frontières intérieures ne devraient pas être levés avant 2007, les autorités autrichiennes ayant quant à elles évoqué l'éventualité de maintenir les contrôles aux frontières intérieures avec les nouveaux pays membres jusqu'en 2010. Une bonne application des programmes en cours devrait cependant rendre pareille décision superflue.

B. L'insertion dans le jeu politique communautaire

L'adhésion de la Slovaquie fait entrer dans l'Union européenne un nouveau partenaire qui influera nécessairement sur les orientations politiques de l'ensemble communautaire. Aussi importe-t-il de coopérer étroitement dès aujourd'hui avec les autorités slovaques afin d'œuvrer ensemble demain vers des objectifs communs.

1) Des grands débutants en mécanique communautaire

Tout autant que la population, la classe politique en est encore, dans sa grande majorité, au stade de la découverte des rouages communautaires.

Dans les Etats membres dont la participation à la construction européenne remonte à presqu'un demi-siècle, le fonctionnement des institutions bruxelloises a souvent la réputation d'être peu intelligible. S'il déconcerte ceux qui font aujourd'hui figure d'initiés, il est naturel qu'il laisse aussi parfois les nouveaux arrivants dans la perplexité. Aussi est-il peu étonnant que les délégués slovaques envoyés à la Convention sur l'avenir de l'Europe y aient plaidé en faveur d'une rationalisation de ces principales procédures, et notamment d'une réduction de leur nombre à quatre ou cinq, contre une quinzaine aujourd'hui.

Dans l'Union européenne élargie, la Slovaquie disposera de sept voix au Conseil des ministres, elle enverra quatorze députés au Parlement européen et elle désignera l'un des membres de la Commission. Elle aura ainsi au sein des institutions le même poids que le Danemark ou la Finlande. Au parlement slovaque, le Conseil national, l'actuelle Commission pour l'intégration européenne se transformera en commission pour l'Union européenne à l'exemple de ce qui se pratique dans les parlements des actuels Etats membres. Les attributions de la future commission sont encore à l'étude, mais elle aura selon toute apparence des pouvoirs étendus de contrôle du gouvernement et de son activité européenne, peut-être sur le modèle danois.

Dans la classe communautaire, les « grands débutants » slovaques paraissent ainsi en position de rattraper assez rapidement les élèves prétendument confirmés.

2) La volonté d'une politique étrangère commune ?

Les circonstances où s'est déroulé le déplacement du rapporteur l'ont enfin naturellement conduit à aborder avec ses interlocuteurs la question de la politique internationale. Dans la crise actuelle, les autorités slovaques se sont alignées sur les positions américaines, à la fois par solidarité avec les Etats-Unis dans leur combat contre une autre dictature, mais aussi par souci de confiance dans le seul pays qui peut garantir aujourd'hui leur propre sécurité. Le pays venant de rentrer dans l'Otan, ce mouvement leur est, semble-t-il, apparu comme une démarche obligée.

Beaucoup de partis d'opposition, et non des moindres, se sont pourtant déclarés hostiles à une intervention en Irak. Ils rejoignent en cela une opinion assez largement favorable au respect strict du droit international, quoiqu'à une majorité moins forte qu'en France. Aux yeux des personnalités slovaques rencontrées, cette crise démontre que l'Union européenne doit mener une politique étrangère qui lui permette d'assister aux événements internationaux en acteur et non en simple témoin.

Pour faire mieux comprendre les enjeux du débat, il apparaît que l'activité diplomatique française dans la région doit inclure un travail d'explication et d'élucidation en commun qui, pour efficace qu'il soit déjà, ne peut s'approfondir vraiment sans un renforcement et une intensification des échanges de vue entre les deux pays.

CONCLUSION

La République slovaque fête cette année ses dix ans d'existence.

Elle a su organiser un état indépendant, une administration autonome en même temps qu'intégrer dans sa législation des dizaines, voire des centaines de directives et de préconisations européennes. Elle a vraiment mis les bouchées doubles depuis cinq ans avec l'élection en 1996 d'une nouvelle coalition favorable à l'intégration européenne.

Il faut saluer les efforts remarquables qui lui ont permis de rejoindre les nouveaux entrants.

De l'adoption de nouvelles lois à leur application concrète, il reste sans doute un long chemin à accomplir. Le rapporteur a évoqué quelques-uns des problèmes qu'il reste à traiter, mais la Slovaquie, dans le dernier rapport de suivi de la Commission, n'est interpellée que sur deux sujets, la politique régionale (structure et capacité administrative) et le contrôle financier public interne.

La Slovaquie paraît donc prête à l'entrée dans l'Union. Le défi pour elle de l'intégration européenne réside pour beaucoup dans sa capacité à réellement utiliser les fonds européens dans des projets concrets capables de dynamiser les initiatives locales et de rééquilibrer les différentes régions du pays.

Elle compte sur une meilleure coordination à l'échelon central et sur des liens plus étroits entre le niveau central et les autorités locales.

Ce défi est aussi celui de l'Union européenne, car, à défaut d'y parvenir, la Slovaquie serait contributrice nette dans les trois premières années...

Pour l'Union européenne, cet élargissement doit être l'occasion d'un développement et d'un épanouissement qui lui permettent de rayonner plus largement à l'intérieur comme à l'extérieur.

Le rapporteur demande à la Délégation d'approuver l'admission de la Slovaquie dans l'Union européenne.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le 8 avril 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, président, pour examiner le présent rapport d'information.

Le rapporteur a exposé comment son déplacement de deux jours en Slovaquie, les 19 et 20 mars, avait coïncidé avec la dernière veillée d'armes et l'ouverture des hostilités en Irak, sujet qu'il a abordé avec les présidents de commission et les ministres qu'il a rencontrés à un rythme soutenu durant son bref séjour.

La Slovaquie paraît ressentir le besoin de tisser des liens plus étroits avec l'extérieur car elle demeure trop peu informée du mode de fonctionnement de l'Europe, par exemple du Parlement européen. L'actuelle commission pour l'intégration européenne devra créer ses propres procédures de contrôle du gouvernement national et paraît réceptive aux conseils extérieurs visant à l'aider dans cette tâche. D'une manière générale, les négociations d'adhésion ont multiplié les discussions techniques, là où des discussions de nature plus politique étaient sans doute attendues.

Rejoignant l'analyse portée par M. Nicolas Dupont-Aignan sur la République tchèque, le rapporteur a souligné le chemin parcouru en moins de quinze ans. Autrefois région d'une république dirigée principalement par des communistes tchèques, si l'on fait exception de l'épisode Dubček, à l'issue au demeurant malheureuse, le pays a su réaliser une séparation à l'amiable en 1993, les relations actuelles avec la République tchèque étant excellentes. Les deux voisins parlent des langues très proches, quoique les jeunes Slovaques comprennent moins bien désormais certaines tournures et expressions particulières au tchèque. La Slovaquie a su construire un Etat indépendant, avec une administration autonome, une stabilisation de son régime, une reconversion de son économie ainsi qu'une intégration de l'acquis communautaire en cinq ans.

Le chemin de l'adhésion a pourtant été sinueux. Le 1er juillet 1997, la Commission donnait un premier avis positif sur la candidature slovaque. Puis la période du gouvernement de Vladimir Meciar a fait rétrograder le pays dans le second groupe de candidats, avant qu'en septembre 1998, une victoire électorale amène au pouvoir un gouvernement libéral avec des méthodes nouvelles. Cette majorité élue en 1998 s'est trouvée confirmée et même renforcée par les élections de septembre 2002, le parti de Vladimir Meciar perdant toujours davantage d'audience dans le pays.

Le prochain référendum paraît donc sans surprise, une majorité de 70 % de « oui » étant annoncée pour la consultation des 16 et 17 mai. L'ensemble des forces politiques militant en faveur de l'adhésion, le seul problème en suspens est celui de la participation, la Constitution imposant, comme en Pologne, un quorum de 50 % du corps électoral pour que le résultat soit validé.

Dans le domaine économique, le rattrapage à faire sera plus important qu'en République tchèque, où le PIB atteint déjà 70 % de la moyenne communautaire. En Slovaquie, ce chiffre ne s'élève qu'à 45 %. Encore recouvre-t-il des disparités régionales considérables, l'est du pays se situant très en deçà de cette moyenne de 45 %. Tandis que la région de Bratislava, desservie par l'aéroport de Vienne, évolue à peu près dans la moyenne communautaire de richesse par habitant, le PIB de l'une des provinces orientales n'en est qu'à 29 %.

Cela fait ressortir l'importance de l'une des deux observations formulées par la Commission européenne à propos de l'absorption future des fonds européens. Pour répondre au défi des inégalités territoriales, un plan national de développement régional a été adopté. D'autres méthodes de travail seront néanmoins nécessaires pour le mettre en place, la coordination interministérielle restant trop peu développée alors même que c'est l'Etat central - comme il est normal vu les dimensions du pays - qui pilotera la gestion des fonds.

Deux lois successives ont cependant été adoptées en matière de décentralisation, donnant naissance à des régions autonomes. En 2001, ces collectivités ont été en grande partie gagnées par l'opposition. L'administration centrale, peu rodée aux techniques communautaires, trouvera donc en face d'elle des collectivités complètement nouvelles et gérées par l'opposition.

La Slovaquie devrait recevoir un peu plus de 1 800 millions d'euros de l'Union européenne, le gros de ces fonds étant transféré au titre de la politique régionale. Cela signifie qu'en prenant du retard dans sa mise en œuvre, le pays pourrait devenir débiteur net des institutions européennes, en étant contributeur net à leur budget, ce qui ne manquerait pas de provoquer l'impatience de l'opinion. Il convient donc qu'il puisse profiter au mieux de la manne européenne pour moderniser ses structures.

Quant aux 400 000 Roms, ils se concentrent dans l'Est du pays, après avoir été sédentarisés de force en 1958, par application de méthodes de type soviétique. Ils se trouvent dans une détresse absolue : affectés, ou parqués, dans des villages, ils ont retenu toute l'attention du Parlement européen et de la Commission, dont les observations ont conduit à l'institution d'un représentant plénipotentiaire en charge des questions roms. La volonté politique fait cependant encore largement défaut en ce domaine.

Il faut pourtant se demander si l'écart de richesses observé ne provoquera pas un effet d'appel d'air, des flux migratoires en provenance de la région n'étant pas à exclure, alors même que les pays limitrophes ne souhaitent pas forcément en être les destinataires, ce dont les autorités slovaques doivent encore se rendre compte.

Quant aux efforts de lutte contre la corruption, ils ont bénéficié du renouvellement total du personnel politique, le parlement ayant accueilli cent nouveaux membres sur deux cents lors des dernières élections. Des évolutions favorables s'observent aussi dans le domaine judiciaire. Il n'y a plus de privatisations à réaliser et le code civil a été réformé pour créer les conditions juridiques nécessaires à la ratification de la convention civile du Conseil de l'Europe sur la corruption. Les contacts avec les dirigeants de PSA ont ainsi montré qu'ils se faisaient peu de souci à cet égard, même si les équipementiers et les PME sont par nature les plus susceptibles d'être sollicitées, le cas échéant. Dans les domaines de la santé et de l'éducation, les pratiques douteuses restent encore généralisées.

La frontière extérieure sera beaucoup plus facile à contrôler du fait de l'adhésion de la Slovaquie qui laissera seulement 93 kilomètres à surveiller avec l'Ukraine. Les gardes-frontières reçoivent des formations spéciales, les efforts devant là encore se poursuivre.

L'économie slovaque s'est révélée à l'examen moins agricole qu'on ne le pense parfois, puisque seulement 7 % de la population est employée dans le secteur primaire. Comme en République tchèque, les grandes propriétés héritées du communisme sont nombreuses, ce qui devrait éviter les problèmes qui pourront naître en Pologne. La sécurité alimentaire affiche quant à elle des résultats tout à fait satisfaisants. Si des délocalisations sont à prévoir, elles auront lieu plutôt dans la région de Bratislava, faute d'infrastructures dans les autres régions. La main-d'œuvre jouit d'un niveau de qualification comparable à celui de la République tchèque. De bon niveau, elle s'emploie à des salaires qui s'élèvent à 25 % des salaires français. En s'installant dans la région, le groupe PSA vise principalement à satisfaire la demande des marchés des pays entrants.

En définitive, s'il reste beaucoup de chemin à parcourir, la population paraît favorable à l'adhésion, ce qui réclame en retour une attitude bienveillante devant le gros travail d'intégration qui reste à faire. Se percevant comme un petit pays, la Slovaquie n'apprécie pas toujours les initiatives comme les propositions institutionnelles franco-allemandes sur la présidence du Conseil européen. En politique étrangère, elle se place derrière les Américains, parce que ceux-ci combattent d'une part une forme de régime dont ils ont eu eux-mêmes à pâtir et qu'ils leur procurent d'autre part des garanties de sécurité. Si les Français ont mis un certain temps à arriver dans la région, ils s'y implantent désormais de manière active.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a donné un avis favorable à l'adhésion de la Slovaquie à l'Union européenne.

ANNEXES

Annexe 1 :
Carte de la SlovaquieAnnexe-1

Annexe 2 :
Listes des personnes auditionnées par le rapporteur

Le rapporteur tient à exprimer de nouveau ses plus vifs remerciements aux services de l'ambassade de France en Slovaquie, qui ont prêté un concours actif à l'organisation de son déplacement à Bratislava ainsi qu'au déroulement des auditions dont la liste suit. Annexe-1

· Interlocuteurs français

1) Représentants diplomatiques :

- S. Exc. M. Georges VAUGIER, Ambassadeur de France ;

- M. Thierry GUICHOUX, conseiller d'Ambassade ;

- M. Dominique LAPIERRE, conseiller d'Ambassade ;

- M. Jérôme KELLE, attaché pour la coopération européenne.

2) Conseillers pré-adhésion envoyés par les départements ministériels français :

- M. Fabien DECKER, ministère des finances ;

- M. Michel DIGNE, Education nationale, affecté au secrétariat de la représentante plénipotentiaire chargée des questions Roms ;

- M. Denis JARDEL, ministère de la justice ;

- Mme Vladimira LACORRE, DATAR, affectée au ministère de la construction et du développement régional slovaque ;

- M. Bernard LISTERLIN, DATAR, affecté au ministère de la construction et du développement régional slovaque.

· Représentants des autorités slovaques

1) Exécutif :

- M. Lazlo GYUROVSKY, ministre du développement régional et de la construction ;

- M. Ivan KORCOK, secrétaire d'Etat au Ministère des affaires étrangères ;

- Mme Monika MATUSOVA, directrice générale à l'intégration européenne ;

- Mme Klara ORGOVANOVA, représentante plénipotentiaire en charge des questions roms.

2) Législatif :

- Mme Monika BENOVA, présidente de la commission de l'intégration européenne ;

- M. Jan FIGEL, président de la commission des affaires étrangères ;

- Mme Jana LASSAKOVA, députée au Conseil national slovaque ;

- Mme Zuzana PLHAKOVA, députée au Conseil national slovaque ;

- M. Jan RUSNAK, député au Conseil national slovaque ;

- Mme Klara SARKŐZY, députée au Conseil national slovaque ;

- M. Vojtech TKAC, député au Conseil national slovaque ;

- Mme Anna ZABORSKA, députée au Conseil national slovaque ;

- M. Onno SIMONS, chargé des affaires politiques à la Délégation de la Commission européenne.

· Entrepreneurs français et slovaques

- M. Serge GREGORY, sous-directeur des relations extérieures de PSA ;

- M. Tibor LAZAROVIC, directeur général BC Torsion ;

- M. Philippe METRAS, directeur Renault SLOVENSKO ;

- M. Karol PAULU, président de l'association de PMI et PME ;

- M. Hervé PICHON, conseiller aux affaires parlementaires de PSA.

1 () Titre repris de l'article de Georges Mercier, « Slovaquie : A la recherche d'une politique régionale », in Courrier des pays de l'Est, n°1024, avril 2002. Le Rapporteur reprend ici certaines de ses analyses.

2 () Dans ce total, les fonds structurels représentent 1,05 milliard et le fonds de cohésion 509 millions d'euros.

3 () Cf. Supplément « Elargissement » à Agra Presse Hebdo n°2886 du 9 décembre 2002.

4 () Cf., par exemple, L'Express, « Slovaquie : Opérations mains propres », 7 novembre 2002.

5 () Cf. rapport régulier 2002 de la Commission sur les progrès réalisés par la Slovaquie sur la voie de l'adhésion (COM(2002) 700 final, p. 27.

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