Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 817

_______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la politique européenne d'asile,

ET PRÉSENTÉ

par M. Thierry MARIANI,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Etrangers.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

_____

Pages

INTRODUCTION 7

I. L'EMERGENCE PROGRESSIVE D'UNE POLITIQUE EUROPEENNE D'ASILE 11

A. Pourquoi une politique européenne d'asile ? 11

1) Des difficultés communes à l'ensemble des Etats membres 11

a) Un afflux massif de demandeurs d'asile 11

b) Le détournement des procédures d'asile 13

2) Les conséquences de réponses nationales divergentes 14

a) L'exemple du centre de Sangatte 14

b) Des politiques d'asile nationales de plus en plus restrictives 16

B. Un cadre institutionnel inadapté aux objectifs ambitieux affirmés par le Conseil européen 16

1) Les premières étapes de la politique européenne d'asile 16

a) Les accords de Schengen 17

b) La Convention de Dublin du 16 juin 1990 17

c) Les « résolutions de Londres » 18

d) Le traité de Maastricht et la création du « troisième pilier » de l'Union européenne 19

2) La « communautarisation » partielle réalisée par le traité d'Amsterdam 20

a) Les objectifs et les échéances fixés par le traité d'Amsterdam 21

b) Un processus inachevé 22

c) Le protocole sur le droit d'asile pour les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne 23

3) Les objectifs affirmés par le Conseil européen de Tampere 25

4) Les apports limités du traité de Nice 27

II. UN PREMIER BILAN CONTRASTE 29

A. Quelques avancées significatives 29

1) Le Fonds européen des réfugiés, ou les prémisses d'une solidarité effective entre les Etats membres 29

2) La directive sur la protection temporaire 30

3) Le règlement « Dublin II » 32

4) Un instrument prometteur : la base de données « EURODAC » 34

5) La proposition de directive sur le regroupement familial 36

6) Les réseaux « Eurasil » et « Odysseus » 36

B. Une harmonisation très limitée 37

1) Les droits reconnus par la directive relative aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile 37

2) Un apport réduit 39

III. VERS DES PROCEDURES ET DES DEFINITIONS COMMUNES EN MATIERE D'ASILE 41

A. La proposition de directive relative à des définitions et des statuts communs pour les réfugiés et la protection subsidiaire 42

1) Les conditions d'octroi du statut de réfugié et de la protection subsidiaire 43

a) La prise en compte des persécutions émanant d'agents non étatiques 43

b) Les « acteurs de protection » non étatiques 45

c) La définition de la protection subsidiaire 47

d) La notion de « protection à l'intérieur du pays », dite « asile interne » 49

e) Les clauses d'exclusion, de cessation, de révocation, de fin du statut et de refus de le renouveler 51

f) La définition du groupe social 53

g) La définition des membres de la famille 55

2) Le contenu des statuts 57

a) Les droits prévus par la proposition 58

b) L'égalité des droits accordés aux réfugiés et aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire 59

B. La proposition de directive relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres 60

1) Une conception excessivement juridictionnelle de la procédure 60

2) La notion de « pays d'origine sûr » 61

3) La notion de « pays tiers sûr » 63

4) Les procédures d'asile à la frontière 65

5) Des garanties spécifiques pour les mineurs non accompagnés 65

6) Le caractère suspensif des recours 65

7) L'absence de « guichet unique » 67

IV. LES PERSPECTIVES DE LA POLITIQUE EUROPEENNE D'ASILE 69

A. Les propositions de la Convention européenne 69

1) Aller au-delà de simples « normes minimales » 70

2) L'affirmation d'un principe de solidarité 71

3) L'extension des compétences de la Cour de justice 72

4) L'intégration de la Charte des droits fondamentaux au sein du traité constitutionnel 72

5) L'indispensable renforcement du rôle des parlements nationaux 73

B. Le traitement des demandes d'asile hors de l'Union européenne 74

1) Les travaux de la Commission européenne sur les « modes d'entrée protégée » 74

2) La proposition britannique de créer des « centres de transit et de traitement » 75

a) Le contenu de la proposition britannique 76

b) Les réactions suscitées par cette proposition 77

3) Les propositions du Haut commissariat pour les réfugiés 79

C. Vers une politique communautaire de retour 80

1) Le Livre vert sur le retour 80

a) Le retour, partie intégrante d'une politique communautaire globale en matière d'immigration et d'asile 81

b) Rapprochement et coopération renforcée entre Etats membres en matière de retour 81

c) Vers une politique commune de réadmission 85

2) Le plan d'action sur le retour 86

CONCLUSION 87

TRAVAUX DE LA DELEGATION 89

PROPOSITION DE RESOLUTION 101

ANNEXES 105

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées 107

Annexe 2 : Eléments de droit comparé sur le droit d'asile dans les Etats membres de l'Union européenne 109

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, le droit d'asile est devenu une compétence communautaire, concurrente de celle des Etats membres. Cette « communautarisation » conduira à la mise en place d'un « régime d'asile européen commun », dont la première phase devrait être opérationnelle pour le 1er mai 2004. Conformément aux orientations définies par le Conseil européen de Tampere en octobre 1999, ce régime reposera sur une « procédure d'asile commune et un statut uniforme valable dans toute l'Union », dans le respect de la Convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951. Les objectifs affirmés sont ambitieux, et l'Assemblée nationale doit suivre les travaux de l'Union dans ce domaine avec une attention particulière.

Cette construction intervient alors que le droit d'asile est en crise. La plupart des Etats membres sont confrontés à de graves difficultés, liées à une augmentation massive des demandes et à un détournement des procédures d'asile à des fins de migration économique. Le gonflement des « flux mixtes », composés à la fois de personnes ayant légitimement besoin d'une protection internationale et de migrants économiques et souvent entretenus par le trafic et la traite des êtres humains, est une réalité qu'atteste, dans tous les Etats membres, l'augmentation des taux de décisions négatives. Cette situation constitue une menace réelle pour l'institution de l'asile et crée un malaise grandissant dans l'opinion publique.

Ce phénomène est particulièrement marqué en France, où les demandes ont triplé en trois ans, avec près de 80 000 demandeurs en 2001 (48 000 au titre de l'asile conventionnel et constitutionnel, et 31 000 au titre de l'asile territorial). La France est ainsi devenue l'un des premiers pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe, avec l'Allemagne (88 287 demandeurs en 2001) et la Grande-Bretagne (88 300 demandeurs en 2001). Cet afflux massif, combiné au cumul des procédures d'asile conventionnel, traité par l'OFPRA, et territorial, traité par les préfectures, a entraîné un allongement considérable des délais, qui atteignent aujourd'hui deux ans en moyenne. Cette durée excessive contribue à faire de l'asile un vecteur d'immigration irrégulière et rend largement illusoire l'éloignement effectif des demandeurs d'asile déboutés. Une remise à plat du système d'asile est donc urgente.

Dans ce contexte, l'intervention de l'Union européenne constitue à la fois une chance et une obligation.

Une chance, parce qu'elle permet de sélectionner les meilleures pratiques des Etats membres, c'est-à-dire celles qui permettent un traitement efficace des demandes d'asile, dans le respect des obligations internationales des Etats membres, en particulier de la Convention de Genève de 1951, et de la tradition humanitaire européenne.

Une obligation, parce que, dans un espace européen sans frontières, les disparités entre les législations nationales en matière d'asile entraînent des déplacements secondaires des demandeurs et des effets d'appel vers les Etats membres jugés les plus accueillants. Une proportion importante des demandeurs pratique en effet l'« asylum shopping », et déposent leur demande dans l'Etat où elle a le plus de chance d'aboutir, ou dans lequel les conditions d'accueil sont les plus favorables. Ces pratiques conduisent parfois à des situations extrêmes, comme celle du centre de la Croix-Rouge de Sangatte, créée par l'attractivité du territoire britannique pour certains demandeurs.

L'harmonisation européenne des législations nationales constitue par conséquent une nécessité urgente. Les travaux avancent cependant difficilement, en raison de la règle de l'unanimité et parce que l'asile constitue une question sensible, qui touche aussi bien à la souveraineté qu'à l'histoire des Etats membres.

D'origine religieuse, l'asylie grecque était perçue comme la contrepartie de l'asile que la terre avait jadis offert aux dieux. Ainsi, Ephèse, où Apollon s'était réfugié contre la colère de Zeus, était un célèbre lieu d'asile, et la tragédie d'Eschyle, Les suppliantes, rappelle ce fondement sacré (« Même aux fugitifs meurtris par la guerre une sauvegarde contre le malheur s'offre dans l'autel où réside la majesté des Dieux »(1)). Le Deutéronome (XIX) évoque également les villes de refuges imposées par Yahvé pour les homicides involontaires, et les Hébreux instituèrent six villes d'asile (araï miklat) à cette fin. La tradition chrétienne reprend cette pratique et l'asile des églises est consacré par le concile d'Orléans, en 511.

L'asile s'est, ensuite, progressivement laïcisé avec l'affirmation du pouvoir royal, jusqu'à devenir une prérogative régalienne. En France, l'édit de Villers-Cotterêts, en 1539, abolit ainsi les immunités ecclésiastiques en matière civile et fournit une longue liste d'exclusion en matière pénale. Ce mouvement se poursuit et au XVIIIe siècle, à la veille de la Révolution, il ne reste rien du droit d'asile chrétien. La philosophie des Lumières va s'en réattribuer l'« aura sacrée », comme en témoigne la formulation retenue par la Constitution de 1793 : « le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur Patrie pour la cause de la Liberté », puis celle, voisine, du Préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ».

Les réticences des Etats membres à se voir dépossédés de leurs prérogatives sont donc importantes et les progrès restent très lents, en dépit du calendrier fixé par le Conseil européen de Séville en juin 2002, qui a décidé d'accélérer l'adoption des textes.

Ce rapport a pour objet, après avoir rappelé le cadre général de la politique européenne d'asile et le bilan des textes adoptés par l'Union européenne dans ce domaine, de présenter les enjeux des deux propositions de directives restant en discussion, relatives aux définitions du réfugié et de la protection subsidiaire et aux procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié, ainsi que les perspectives de cette politique.

I. L'EMERGENCE PROGRESSIVE D'UNE POLITIQUE EUROPEENNE D'ASILE

Depuis la fin des années 1980 et l'affirmation de la libre circulation des personnes, les Etats membres ont pris conscience de la nécessité de rapprocher leurs politiques d'asile. Cette volonté a été concrétisée par le « saut qualitatif » réalisé par le traité d'Amsterdam, qui a fait sortir l'asile d'une logique intergouvernementale pour l'inscrire dans le cadre communautaire. Ce cadre institutionnel reste cependant insuffisant pour réaliser les objectifs ambitieux affirmés par le Conseil européen de Tampere, appelant à la mise en place d'un « régime d'asile européen ».

A. Pourquoi une politique européenne d'asile ?

Une politique commune d'asile est nécessaire parce que les Etats membres sont confrontés à des difficultés similaires : un afflux massif des demandes, combiné à un détournement des procédures d'asile à des fins de migration économique. Cette harmonisation est indispensable, parce qu'à défaut, les Etats membres s'engageront, individuellement, dans des politiques de plus en plus restrictives pour éviter les « déplacements secondaires » suscités par les disparités des législations nationales, surtout en ce qui concerne les conditions d'accueil des demandeurs.

1) Des difficultés communes à l'ensemble des Etats membres

a) Un afflux massif de demandeurs d'asile

¬ Les Quinze Etats membres de l'Union européenne ont reçu, en 2002, 381 600 demandes d'asile en 2002, soit une légère baisse, de 2 %, par rapport à 2001 (388 400 demandes)(2). Les treize Etats candidats ont reçu, pour leur part, 40 000 demandes en 2002. Les Quinze se sont ainsi vu adresser 65 % des demandes d'asile mondiales (71,8 % avec les treize Etats candidats).

En chiffres absolus, le Royaume-Uni est le pays qui a reçu le plus de demandes (110 700) au sein de l'Union européenne (29 %), comme dans le monde (19 %). Il est suivi par l'Allemagne (71 127 demandes, soit 19 % de la demande au sein de l'UE et 12 % de la demande mondiale, derrière les Etats-Unis), puis par la France (50 798 demandes, soit 13 % des demandes au sein de l'UE et 9 % de la demande mondiale, soit la 4e position).

En ce qui concerne la France, il convient cependant de relever que ces chiffres ne prennent en compte, à la différence des statistiques de la plupart de nos partenaires européens, ni les mineurs accompagnants (qui représenteraient, selon l'OFPRA, environ 15 % du nombre des majeurs), ni l'asile territorial (qui relève, selon la dénomination internationale, de la protection subsidiaire) qui a représenté, en 2001, 31 000 demandes selon le ministère de l'intérieur.

En chiffres relatifs, c'est-à-dire rapportés à la population nationale, l'Autriche est, en 2002, l'Etat qui a accueilli le plus de demandeurs, avec 4,6 demandes pour 1000 habitants(3). Elle est suivie par la Suède (3,7), l'Irlande (3,1), le Luxembourg (2,4), le Royaume-Uni (1,9), et la Belgique (1,8). La France, pour sa part, a reçu 0,9 demande pour 1000 habitants(4), comme l'Allemagne. En moyenne, les Etats membres de l'Union ont reçu une demande pour 1000 habitants.

¬ Ces chiffres témoignent d'une hausse importante du nombre des demandes, sur dix ans. Après avoir fortement diminué après le pic de 1992-93, on constate en effet une remontée constante des demandes d'asile dans l'Union depuis la mi-1996. Certains Etats membres connaissent cependant des évolutions différentes : l'Allemagne a ainsi vu le nombre de demandes baisser, alors que la France et le Royaume-Uni connaissent une augmentation sensible.

Evolution de la demande d'asile en

1992

1998

1999

2000

2001

% 98/01

Angleterre

24 600

56 600

87 700

98 900

88 300

+ 56 %

Allemagne

438 190

98 644

95 113

78 564

88 287

- 10 %

Belgique

17 650

21 965

35 778

42 677

22 000

=

Pays-Bas

20 345

45 217

39 299

43 895

32 574

- 28 %

France5

28 872

23 791

39 071

52 605

79 801

+ 235 %

Total

529 657

246 217

296 961

316 641

310 962

 

Source : Ministères des affaires étrangères et de l'intérieur.

Ils doivent cependant être mis en rapport avec le nombre total des réfugiés dans le monde (entendu comme le nombre de personnes répondant aux critères de la Convention de Genève), qui est estimé par le HCR, en 2002, à douze millions de personnes(6).

¬ Les dix premiers pays d'origine des demandeurs à destination de l'Union européenne sont l'Irak (42 197 demandes, soit 11,8 % du total), la Yougoslavie (26 132, soit 7,2 %), la Turquie (25 908, soit 7,3 %), l'Afghanistan (19 125, soit 5,4 %), la Fédération de Russie (12 407, soit 3,5 %), la République démocratique du Congo (11 685, soit 3,3 %), le Nigeria (11 241, soit 3,2 %), la Chine (10 026, soit 2,8 %), la Somalie (9 769, soit 2,7 %) et l'Iran (9 044, soit 2,5 %).

b) Le détournement des procédures d'asile

Cette hausse s'accompagne d'un gonflement des « flux mixtes », composés à la fois de personnes ayant légitimement besoin d'une protection internationale et de migrants économiques utilisant l'asile pour se maintenir régulièrement sur le territoire des Etats membres.

La dégradation des taux de reconnaissance du statut de réfugié illustre ce phénomène. L'augmentation de la demande s'accompagne en effet d'une nette diminution du taux de reconnaissance du statut. Dans la mesure où les Etats membres continuent à être liés par les mêmes obligations internationales et où ni les principes d'appréciation, ni l'organisation de l'instruction et du recours juridictionnel n'ont fondamentalement été modifiés(7), cette évolution inverse indique qu'une proportion croissante de demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention de Genève.

Reconnaissance au titre de la Convention de Genève

dans les Etats membres de l'Union européenne, de 1996 à 1999

Source : Communication de la Commission européenne, « Vers une procédure d'asile commune et un statut uniforme, valable dans toute l'Union, pour les personnes qui se voient accorder l'asile ».

2) Les conséquences de réponses nationales divergentes

Face à ce phénomène, les Etats membres ont jusqu'ici réagi en ordre dispersé. Des fortes disparités entre législations nationales continuent de subsister, entraînant des « mouvements secondaires » des demandeurs et, parfois, des situations extrêmes comme celles du centre de la Croix-Rouge de Sangatte. Cette situation conduit en outre les Etats membres à adopter des politiques de plus en plus restrictives, destinées à lutter contre les demandes abusives mais qui pourraient, à terme, porter préjudice aux personnes ayant réellement besoin d'une protection internationale.

a) L'exemple du centre de Sangatte

Le centre de la Croix-Rouge de Sangatte illustre les conséquences que peuvent entraîner les divergences des politiques nationales d'asile.

Créé en septembre 1999, à l'initiative des ministères de l'intérieur et de l'emploi et de la solidarité, afin d'accueillir les personnes qui affluaient en grand nombre dans le port de Calais dans l'espoir d'un passage en Grande-Bretagne, le centre de Sangatte était géré par la Croix-Rouge, sur financement de la Direction de la population et des migrations. Prévu pour 700 à 800 personnes, il a rapidement accueilli 1000 réfugiés en moyenne, avec des pointes à 1800. La majorité des migrants passés par le centre (essentiellement des hommes seuls) sont originaires d'Afghanistan, de Turquie et d'Iran. Les conditions de séjour dans le centre et les tensions que son existence a créé avec le Royaume-Uni ont été, jusqu'à sa fermeture, très médiatisées et Sangatte est devenu le symbole de l'insuffisance de la coopération européenne dans ce domaine. La fermeture du centre a finalement été décidée par le ministre de l'intérieur français, M. Nicolas Sarkozy, à la suite d'un accord intervenu avec le ministre de l'intérieur britannique, M. David Blunkett. Elle est effective depuis décembre 2002.

Cette situation est née de l'attractivité du territoire britannique pour certains demandeurs d'asile. Jusqu'en juillet 2002, ceux-ci y bénéficiaient en effet d'une autorisation de travail six mois après le dépôt de la demande, et les demandeurs afghans déboutés se voyaient accorder une autorisation exceptionnelle de rester. De plus, nul n'est tenu d'y produire ses papiers d'identité, une fois la frontière passée. Ces conditions, plus avantageuses que celles accordées en France, se combinaient avec la présence d'importantes communautés originaires de ces pays et la connaissance de l'anglais.

Le Royaume-Uni s'est engagé dans une politique visant à réduire l'attraction de son territoire. Le ministre de l'intérieur britannique, M. David Blunkett, a ainsi abrogé le droit au travail des demandeurs et supprimé l'autorisation exceptionnelle de rester accordée aux demandeurs afghans déboutés, en juillet 2002. L'adoption de la loi sur la nationalité, l'immigration et le droit d'asile (« Nationality, Immigration and Asylum Act »), en novembre 2002, a également durci les conditions d'accueil des demandeurs.

b) Des politiques d'asile nationales de plus en plus restrictives

En l'absence d'une harmonisation des politiques d'asile, chaque Etat membre est tenté de durcir sa politique d'asile pour réduire l'attractivité de son territoire par rapport à ses partenaires. La plupart des Etats membres se sont ainsi engagés dans des politiques restrictives, comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, avec l'entrée en vigueur de l'Aliens Act, le 1er avril 2001, ou l'Italie, avec la loi du 30 juillet 2002, dite « Bossi-Fini ».

L'adoption de ces politiques répond à la préoccupation, légitime, de lutter plus efficacement contre les demandes manifestement abusives. Mais la volonté de chaque Etat, elle aussi justifiée, d'éviter tout « effet d'appel » par rapport à ses partenaires européens peut conduire à une course au « moins-disant humanitaire » qui risque de porter préjudice à ceux qui ont réellement besoin d'une protection internationale. L'harmonisation des politiques d'asile européenne est donc indispensable pour préserver l'institution de l'asile.

B. Un cadre institutionnel inadapté aux objectifs ambitieux affirmés par le Conseil européen

Le cadre institutionnel de la politique européenne d'asile a été progressivement renforcé. Marquée, à l'origine, par une logique de coopération intergouvernementale, la politique d'asile a en effet été partiellement « communautarisée » par le traité d'Amsterdam. Ce cadre reste cependant insuffisant pour pouvoir réaliser les objectifs ambitieux fixés par le Conseil européen de Tampere, en octobre 1999.

1) Les premières étapes de la politique européenne d'asile

L'asile a, pendant longtemps, été tenu à l'écart des transferts de compétences qui ont jalonné la construction européenne(8). Ce n'est qu'à partir de la fin des années 1980 qu'une compétence a commencé à être reconnue à la Communauté européenne dans ce domaine, avec l'affirmation du principe de libre circulation des personnes (et non plus des seuls travailleurs).

a) Les accords de Schengen

La coopération européenne en matière d'asile a commencé en dehors du cadre communautaire, avec la signature, le 14 juin 1985, de l'accord de Schengen(9), qui va devenir le « laboratoire d'essai » de la suppression du contrôle des personnes aux frontières intérieures. Conclu entre cinq Etats (la France, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg), l'accord de Schengen, complété par la Convention d'application du 19 juin 1990, organise en fait une frontière extérieure commune aux Etats parties et met en place, au titre des « mesures compensatoires », un mécanisme visant à identifier l'Etat qui aura la charge d'examiner les demandes d'asile. La Convention d'application du 19 juin 1990(10) comporte ainsi un chapitre VII consacré à l'asile (articles 26 à 38), faisant reposer l'examen d'une demande sur le premier Etat sur le territoire duquel le demandeur a pénétré, légalement ou non.

Dans le même temps, dans le cadre communautaire, un « groupe ad hoc Immigration » (GRAHI), comprenant un sous-groupe asile, est mis en place en octobre 1986. Créée à l'initiative de la présidence britannique, cette structure ancre ainsi dans la coopération intergouvernementale les travaux relatifs à l'abolition du contrôle des personnes.

b) La Convention de Dublin du 16 juin 1990

Le mécanisme de la Convention d'application de l'accord de Schengen est repris par une convention intergouvernementale spécifique : la Convention déterminant l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile dans l'un des Etats membres de la Communauté(11), adoptée par onze Etats membres lors du Sommet de Dublin du 16 juin 1990 (et par le Danemark un an plus tard). Cette Convention, dite « Convention de Dublin », est entrée en vigueur le 1er septembre 1997, après avoir réuni douze ratifications, et s'est alors substituée au chapitre VII de la Convention d'application de l'accord de Schengen.

Afin d'éviter le phénomène des demandes multiples et celui des demandeurs dits « sur orbite », c'est-à-dire renvoyés d'un Etat à l'autre, la Convention de Dublin pose le principe que le demandeur d'asile n'est pas libre de choisir l'Etat membre chargé d'examiner sa demande. Celui-ci est déterminé par l'application de critères objectifs témoignant de la volonté explicite ou implicite de l'Etat de laisser le demandeur d'asile pénétrer sur son territoire (autorisation de séjour, visa, entrée régulière sans visa, entrée irrégulière), et ce n'est que si aucun de ces critères n'est applicable que l'Etat membre où la demande est déposée en premier est responsable de son examen. Des exceptions sont prévues si des membres de la famille du demandeur d'asile sont reconnus comme réfugié dans un autre Etat membre, ou si ce dernier accepte d'examiner une demande d'asile même s'il n'est pas responsable de son examen. Les différents ordres juridiques des Etats membres sont ainsi transformés en un espace unique en ce qui concerne l'examen des demandes d'asile(12).

c) Les « résolutions de Londres »

Confronté à une crise importante du droit d'asile en Allemagne liée à un afflux massif de demandeurs, le chancelier Kohl propose, lors du Conseil européen de Luxembourg des 28 et 29 juin 1991, d'accélérer les travaux en matière d'asile. Le programme de travail proposé est adopté en novembre 1991, à La Haye. Il conduit les Etats membres à adopter, sans attendre l'entrée en vigueur du traité de Maastricht(13), trois textes importants, à Londres, les 30 novembre et 1er décembre 1992 :

- la résolution relative aux demandes manifestement infondées ;

- les conclusions relatives aux Etats où, en règle générale, il n'existe pas de risques sérieux de persécution ;

- la résolution sur une approche harmonisée des questions relatives aux pays tiers d'accueil(14).

Ces résolutions et conclusions (dites « résolutions de Londres ») abordent des questions délicates comme celle des demandes manifestement infondées et des procédures qui peuvent être mises en œuvre dans de tels cas. Leur portée est cependant limitée, en raison de leur absence de caractère contraignant(15).

d) Le traité de Maastricht et la création du « troisième pilier » de l'Union européenne

Le titre VI du traité sur l'Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 inclut la politique d'asile(16) dans la liste des matières d'intérêt commun pour lesquelles les Etats membres devront coopérer. Ces compétences, inscrites dans le cadre du « troisième pilier » (Justice et affaires intérieures) de l'Union européenne, continuent cependant de relever d'une logique intergouvernementale. Les textes adoptés sur cette base, qui peuvent prendre la forme de positions communes, d'actions communes ou de conventions, ne sont pas juridiquement contraignants, à l'exception de ces dernières.

Les textes adoptés sur ce fondement sont dépourvus de valeur normative, les Etats membres refusant de faire usage du seul instrument juridiquement contraignant prévu (les conventions). Parmi ceux-ci, on peut citer :

- la résolution du Conseil du 20 juin 1995 sur les garanties minimales pour les procédures d'asile(17) ;

- la résolution du Conseil du 25 septembre 1995 relative au partage des charges en ce qui concerne l'accueil et le séjour, à titre temporaire, des personnes déplacées(18) ;

- la position commune du 4 mars 1996 sur l'application harmonisée de la définition du terme « réfugié » figurant à l'article 1 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés(19) ;

- l'action commune 99/290/JAI établissant des projets et des mesures destinés à soutenir concrètement l'accueil et le rapatriement volontaire de réfugiés, de personnes déplacées et de demandeurs d'asile, y compris une aide d'urgence aux personnes ayant fui en raison des évènements récents qui se sont produits au Kosovo(20).

Ces textes ne conduisent à aucun rapprochement réel des législations nationales. Ils ne font en effet que constater la situation existant dans les Etats membres, en prévoyant, après l'énonciation de principes généraux, une série de dérogations afin de couvrir la législation de certains Etats membres(21). Sur l'application harmonisée de la définition du terme réfugié, par exemple, le texte n'adopte une position commune que sur les sujets pour lesquels existait déjà un accord entre les Etats, comme par exemple la question des réfugiés sur place, les motifs de persécution ou les clauses de cessation. En revanche, sur les questions qui divisent les Etats membres (auteur des persécutions, asile interne ou clauses d'exclusion), l'action commune garde le silence ou renvoie aux interprétations nationales(22).

Ce constat des limites de la coopération intergouvernementale a conduit les Etats à aller plus loin et à s'engager sur la voie de la communautarisation.

2) La « communautarisation » partielle réalisée par le traité d'Amsterdam

En insérant dans le traité de Rome un titre IV relatif aux « visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes », le traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997, entré en vigueur le 1er mai 1999, a transféré la politique d'asile du « troisième pilier », celui de la coopération intergouvernementale, au premier pilier communautaire. Cette communautarisation des questions d'asile et d'immigration, relevant jusque-là de la souveraineté des Etats, constitue une « véritable révolution »(23), qui a d'ailleurs rendu nécessaire une révision de la Constitution française(24).

a) Les objectifs et les échéances fixés par le traité d'Amsterdam

Le traité d'Amsterdam impose que les mesures relatives à l'asile prévues à l'article 63 TCE soient adoptées dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur, à l'exception de celles visant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir des réfugiés ou des personnes déplacées et supporter les conséquences de cet accueil. L'échéance fixée pour la réalisation de ces objectifs est donc le 1er mai 2004.

Article 63

du traité instituant la Communauté européenne (extrait)

Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 67, arrête, dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam :

1) des mesures relatives à l'asile, conformes à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au Protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ainsi qu'aux autres traités pertinents, dans les domaines suivants :

a) critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

b) normes minimales régissant l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres ;
c) normes minimales concernant les conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ;

d) normes minimales concernant la procédure d'octroi ou de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

2) des mesures relatives aux réfugiés et aux personnes déplacées, dans les domaines suivants :

a) normes minimales relatives à l'octroi d'une protection temporaire aux personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d'origine et aux personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale ;

b) mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir des réfugiés et des personnes déplacées et supporter les conséquences de cet accueil ; [...]

Les mesures arrêtées en vertu du point 2), sous b) [...] ne sont pas soumises à la période de cinq ans visée ci-dessus.

b) Un processus inachevé

Cette « communautarisation » de l'asile reste cependant inachevée sur plusieurs points : 

- Pendant une période transitoire de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, c'est-à-dire jusqu'au 1er mai 2004, le processus décisionnel continue à respecter la règle de l'unanimité, le Parlement européen n'est que consulté et le droit d'initiative de la Commission est partagé avec les Etats membres. On peut cependant relever, qu'en pratique, la plupart des textes négociés au sein du Conseil ont pour origine une proposition de la Commission.

A l'issue de cette période transitoire, la Commission disposera du monopole du droit d'initiative (avec l'obligation d'examiner toute demande d'un Etat membre visant à ce qu'elle soumette une proposition au Conseil) et le Conseil pourra décider, à l'unanimité, de passer à la majorité qualifiée et à la codécision avec le Parlement européen.

- La compétence de la Cour de justice est également restreinte(25). Certes, la Cour peut exercer un contrôle de légalité des actes relatifs à l'asile dans le cadre de recours en annulation, en carence ou en manquement et peut, à l'issue de renvois préjudiciels, interpréter les dispositions du titre IV ou apprécier la validité des actes pris pour son application. Mais le renvoi préjudiciel en interprétation, par dérogation à l'article 234 TCE, n'est ouvert qu'aux juridictions suprêmes après épuisement des voies de recours internes, et ne peut viser les mesures ou décisions « portant sur le maintien de l'ordre public ou la sécurité intérieure ».

c) Le protocole sur le droit d'asile pour les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne

Le traité d'Amsterdam est accompagné d'un protocole sur le droit d'asile pour les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne (protocole n° 29), dit « protocole Aznar », du nom du premier ministre espagnol qui en a pris l'initiative dans le cadre de la lutte contre le terrorisme basque, pour éviter que des membres de l'ETA puissent aller se réfugier dans d'autres Etats membres.

Aux termes de ce protocole, « vu le niveau de protection des droits fondamentaux et des libertés fondamentales dans les Etats membres de l'Union européenne, ceux-ci sont considérés comme pays d'origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d'asile ». En conséquence, une demande d'asile présentée par un ressortissant communautaire dans un autre Etat membre de l'Union doit être déclarée irrecevable. Un Etat membre ne peut s'exonérer de cette obligation que dans des conditions strictement définies(26). Seule la Belgique a effectué une déclaration préservant l'examen individuel de toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un autre Etat membre(27).

Protocole sur le droit d'asile pour les ressortissants des États membres de l'Union européenne

Article unique

Vu le niveau de protection des droits fondamentaux et des libertés fondamentales dans les Etats membres de l'Union européenne, ceux-ci sont considérés comme constituant des pays d'origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d'asile. En conséquence, toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat membre ne peut être prise en considération ou déclarée admissible pour instruction par un autre Etat membre que dans les cas suivants :

a) si l'Etat membre dont le demandeur est ressortissant, invoquant l'article 15 de la Convention de Rome sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prend, après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, des mesures dérogeant, sur son territoire, à ses obligations au titre de cette convention ;

b) si la procédure prévue à l'article F.1, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne a été déclenchée et jusqu'à ce que le Conseil prenne une décision à ce sujet ;

c) si le Conseil, statuant sur la base de l'article F.1, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne, a constaté, à l'égard de l'Etat membre dont le demandeur est ressortissant, l'existence d'une violation grave et persistante par cet État membre de principes énoncés à l'article F, paragraphe 1 ;

d) si un Etat membre devait en décider ainsi unilatéralement en ce qui concerne la demande d'un ressortissant d'un autre Etat membre; dans ce cas, le Conseil est immédiatement informé ; la demande est traitée sur la base de la présomption qu'elle est manifestement non fondée sans que, quel que soit le cas, le pouvoir de décision de l'Etat membre ne soit affecté d'aucune manière.

Ce protocole a été dénoncé par de nombreuses associations de défense des droits de l'homme comme constituant une violation de la Convention de Genève, qui ne permet pas une telle limitation de son champ d'application géographique(28). Le Haut commissariat pour les réfugiés des Nations unies y a vu une réserve géographique nouvelle, modifiant indirectement l'application ratione loci et ratione personae de la Convention de 1951(29).

Il s'appliquera aux ressortissants des nouveaux Etats membres dès leur entrée dans l'Union, le 1er mai 2004, ce qui n'est pas sans importance pratique compte tenu du fait qu'un nombre significatif de ressortissants de ces Etats se sont vu accorder le statut de réfugié au cours des dernières années(30). L'adhésion à l'Union européenne devrait rendre progressivement ces demandes sans objet.

3) Les objectifs affirmés par le Conseil européen de Tampere

Quelques mois après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, la Présidence finlandaise a décidé d'organiser un conseil européen extraordinaire à Tampere, les 15 et 16 octobre 1999, entièrement consacré à la Justice et aux affaires intérieures. Les conclusions de ce sommet définissent les grandes orientations de la politique européenne d'asile (aussi appelés les « jalons de Tampere »).

Le Conseil européen réaffirme le droit absolu à l'asile et invitent les Etats membres à avancer vers un « régime d'asile européen commun », ce qui va au-delà des objectifs fixés par le traité d'Amsterdam lui-même, qui ne prévoit que l'élaboration de « normes minimales » (art. 63 TCE).

La Commission européenne, pour mettre en œuvre ce programme, a présenté en novembre 2000 une communication intitulée « vers une procédure d'asile commune et un statut uniforme, valable dans toute l'Union, pour les personnes qui se voient accorder l'asile »(31). Dans cette communication, elle s'interroge, à juste titre, sur le point de savoir si le traité actuel confère une base juridique suffisante pour réaliser cette seconde étape, consistant à mettre en place un régime d'asile européen commun.

Conclusions du Conseil européen de Tampere

relatives à l'asile (extrait)

II. Un régime d'asile européen commun

13. Le Conseil européen réaffirme l'importance que l'Union et ses Etats membres attachent au respect absolu du droit de demander l'asile. Il est convenu de travailler à la mise en place d'un régime d'asile européen commun, fondé sur l'application intégrale et globale de la Convention de Genève et d'assurer ainsi que nul ne sera renvoyé là où il risque à nouveau d'être persécuté, c'est-à-dire de maintenir le principe de non-refoulement.

14. Ce régime devrait comporter, à court terme, une méthode claire et opérationnelle pour déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, des normes communes pour une procédure d'asile équitable et efficace, des conditions communes minimales d'accueil des demandeurs d'asile, et le rapprochement des règles sur la reconnaissance et le contenu du statut de réfugié. Il devrait aussi être complété par des mesures relatives à des formes subsidiaires de protection offrant un statut approprié à toute personne nécessitant une telle protection. A cette fin, le Conseil est instamment invité à adopter, sur la base de propositions de la Commission, les décisions nécessaires conformément au calendrier fixé par le traité d'Amsterdam et le plan d'action de Vienne. Le Conseil européen souligne qu'il importe de consulter le HCR et d'autres organisations internationales.

15. A terme, les règles communautaires devraient déboucher sur une procédure d'asile commune et un statut uniforme, valable dans toute l'Union, pour les personnes qui se voient accorder l'asile. La Commission est invitée à élaborer une communication dans ce domaine dans un délai d'un an.

16. Le Conseil européen engage le Conseil à intensifier ses efforts en vue d'arriver, sur la question de la protection temporaire des personnes déplacées, à un accord qui repose sur la solidarité entre les Etats membres. Le Conseil européen estime qu'il convient d'envisager de constituer, sous une forme ou sous une autre, une réserve financière destinée à la protection temporaire en cas d'afflux massifs de réfugiés. La Commission est invitée à étudier cette possibilité.

17. Le Conseil européen invite instamment le Conseil à terminer rapidement les travaux relatifs au système d'identification des demandeurs d'asile (Eurodac).

Le Conseil européen a également confié à la Commission la mission d'élaborer un « tableau de bord ». Cet instrument, utilisé avec succès dans le domaine du marché intérieur, consiste en un tableau des mesures définies par le traité d'Amsterdam, le Plan d'action de Vienne et le Conseil de Tampere, afin d'examiner les progrès réalisés en vue de la création d'un



« espace de liberté, de sécurité et de justice ». Il est mis à jour deux fois par an, à la fin de chaque présidence(32).

Devant la lenteur des progrès, les Conseils européens de Laeken, en décembre 2001, puis de Séville, en juin 2002, ont appelé à une accélération des travaux dans ce domaine. Ainsi, le Conseil européen de Séville a fixé un calendrier imposant l'adoption du règlement dit « Dublin II » avant décembre 2002, des normes relatives aux conditions requises pour bénéficier du statut de réfugié et au contenu de ces statuts avant juin 2003 et des normes communes en matière de procédure d'asile avant décembre 2003.

4) Les apports limités du traité de Nice

Le traité signé à Nice le 26 février 2001 et entré en vigueur le 1er mars 2003 n'a apporté que des changements limités en ce qui concerne l'asile.

Il a ajouté un nouveau paragraphe 5 à l'article 67 TCE, aux termes duquel la majorité qualifiée et la codécision seront applicables à la politique européenne d'asile, à l'exception des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir des réfugiés et des personnes déplacées et supporter les conséquences de cet accueil, « pour autant que le Conseil aura arrêté préalablement [...] une législation communautaire définissant les règles communes et les principes essentiels régissant ces matières ». Cette disposition ne fait donc qu'anticiper le passage à la majorité qualifiée et à la codécision de quelques mois, par rapport à l'échéance du 1er mai 2004 prévue par le traité d'Amsterdam (sous réserve que le calendrier d'adoption fixé à Séville soit respecté).

II. UN PREMIER BILAN CONTRASTE

Le bilan des textes adoptés jusqu'ici est contrasté. Certains d'entre eux marquent des avancées réelles, tandis que d'autres présentent un apport très limité. 

A. Quelques avancées significatives

Depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, plusieurs des textes adoptés en matière d'asile constituent des avancées significatives, qui ont permis à l'Union d'avancer vers l'élaboration d'un régime d'asile européen commun.

1) Le Fonds européen des réfugiés, ou les prémisses d'une solidarité effective entre les Etats membres

La création d'un Fonds européen pour les réfugiés, en septembre 2000(33), chargé d'organiser la répartition des fonds communautaires entre les Etats membres proportionnellement au nombre de demandeurs d'asile, de réfugiés et de personnes déplacées accueillis, représente ainsi la première mise en œuvre du principe de solidarité entre les Etats membres.

Ce Fonds, doté d'un budget de 42 millions d'euros pour l'année 2003 et de 216 millions sur une période de cinq ans (du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2004), permet de cofinancer des programmes nationaux concernant l'accueil, l'intégration et le rapatriement volontaire des personnes concernées. Il peut également être utilisé pour financer des mesures d'urgence en cas d'arrivée soudaine et massive de réfugiés ou de personnes déplacées affectant les Etats membres, cet usage n'étant cependant autorisé qu'à l'unanimité.

En 2000 et 2002, 49,4 % des fonds ont été utilisés par les Etats membres pour cofinancer des projets liés à l'accueil des demandeurs d'asile, 28 % à l'intégration des réfugiés et des personnes bénéficiant de formes subsidiaires de protection, et 22,2 % ont été accordés à des projets de retour volontaire.

2) La directive sur la protection temporaire

L'adoption de la directive sur la protection temporaire(34), en juillet 2001, crée une protection spécifique en cas d'afflux massif de personnes déplacées et assure un équilibre des efforts consentis par les Etats membres.

Cette directive, qui se fonde sur l'article 63.2 TCE, a été conçue pour répondre à des situations d'urgence comme celle des conflits en ex-Yougoslavie et de la crise du Kosovo, en avril 1999. Pour faire face aux afflux massifs de personnes déplacées suscités par ces conflits, la plupart des Etats membres ont mis en place des dispositifs exceptionnels de « protection temporaire », de jure ou de facto, présentant cependant des différences majeures dans les durées maximales de la protection temporaire, dans le caractère suspensif ou non de l'examen des demandes d'asile pendant la durée de la protection temporaire, ainsi que dans les droits et bénéfices sociaux accordés aux bénéficiaires. Des difficultés de coordination entre les Etats membres sont également apparues, lors de la crise du Kosovo en particulier, en dépit de l'adoption d'une action commune(35). Une harmonisation était donc indispensable.

La directive conçoit le régime de protection temporaire comme un dispositif « exceptionnel » de protection « immédiate et temporaire », réservé au cas d'afflux massif, réel ou imminent, de personnes déplacées en provenance de pays tiers et dont le retour dans des conditions sûres et durables est impossible en raison de la situation qui règne dans leur pays d'origine. Les personnes qui ont fui des zones de combat armé ou de violence endémique ou qui ont été victimes de violations systématiques ou généralisées des droits de l'homme sont particulièrement visées (art. 2). Les clauses d'exclusion prévues s'inspirent de celles de la Convention de Genève, à l'exception de celle relative aux personnes susceptibles de représenter un danger pour la sécurité de l'Etat d'accueil(36) (art. 28).

Le déclenchement de cette procédure est décidé par le Conseil des ministres, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission (art. 5). La décision précise notamment la description des groupes spécifiques de personnes concernées et prend en compte l'ampleur des mouvements de personnes déplacées et les possibilités d'aides d'urgence et d'actions sur place. Ce mécanisme a une durée d'un an, avec possibilité d'une prorogation automatique de deux fois six mois (art. 4). Le Conseil peut décider d'une prorogation supplémentaire d'une durée maximale d'un an.

Les bénéficiaires de la protection temporaire reçoivent un titre de séjour valable pendant toute la durée de la protection (art. 8) et se voient accorder un droit d'accès à l'emploi (les Etats membres conservant cependant la possibilité, pour des motifs tenant aux politiques du marché de l'emploi, d'accorder la priorité aux citoyens de l'Union européenne et des Etats membres de l'Espace économique européen), au logement, à l'assistance médicale (art. 13) et au système scolaire (art. 14). Leur unité familiale est également préservée (art. 15).

La protection temporaire ne doit pas concurrencer le régime conventionnel de protection des réfugiés : la directive précise ainsi que « la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance du statut de réfugié au titre de la Convention de Genève » (art. 3). Les bénéficiaires de cette protection peuvent donc déposer une demande d'asile (art. 17), toutefois les Etats sont libres de suspendre l'examen de ces demandes jusqu'à l'expiration de la protection temporaire (art. 19).

Enfin, la directive prévoit des mesures de solidarité entre Etats membres. Celles-ci portent sur l'assistance financière, par le biais du Fonds européen des réfugiés (art. 24), et sur l'accueil matériel des personnes concernées par les Etats membres, selon un principe de « double volontariat » des personnes et de l'Etat membre concernés (art. 25). A cette fin, les Etats doivent indiquer leurs capacités d'accueil, de façon chiffrée ou en termes généraux, lors de l'adoption de la décision du Conseil déclenchant la protection temporaire.

La mise en œuvre anticipée de ce dispositif a été envisagée, en particulier lors de la réunion extraordinaire du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 20 septembre 2001. Le Conseil a ainsi invité la Commission à effectuer un suivi spécifique du nombre de demandes d'asile déposées par des ressortissants afghans dans les Etats membres de l'Union européenne, jusqu'au printemps 2002. Aucune disposition spéciale n'a finalement été jugée nécessaire sur la base de ce suivi.

Cette directive devait être transposée en droit national au plus tard le 31 décembre 2002. Sa transposition en droit français est prévue par le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France(37).

3) Le règlement « Dublin II »

Le règlement dit « Dublin II »(38), adopté en février 2003, rénove et remplace la Convention de Dublin par un instrument de droit communautaire, comme le prévoit l'article 63.1a du traité instituant la Communauté européenne.

Il se fonde sur les mêmes principes que la Convention qu'il remplace, en attribuant, en règle générale, la responsabilité de l'examen d'une demande d'asile à l'Etat membre qui a pris la plus grande part dans l'entrée du demandeur d'asile, soit en lui accordant un visa ou un titre de séjour, soit en étant défaillant dans le contrôle de ses frontières, soit encore en permettant l'entrée sans visa, avec des exceptions tendant à protéger l'unité des groupes familiaux. Ce mécanisme a pour objet d'éviter les demandes d'asile multiples et de lutter contre l'« asylum shopping ».

Toutefois, tirant les enseignements des dysfonctionnements constatés dans l'application de la Convention, il établit des délais de procédure plus courts, tient compte de la responsabilité qui incombe à l'Etat membre laissant perdurer des situations de séjour irrégulier sur son territoire (cette disposition vise, implicitement, des situations du type « Sangatte ») et comporte des dispositions nouvelles visant à mieux assurer l'unité des groupes familiaux(39).

En dépit des améliorations apportées, on peut s'interroger sur la pertinence de ce dispositif. Dans un document de travail(40) publié en juin 2001 et élaboré à partir des réponses des Etats membres à un questionnaire, la Commission européenne a en effet mis en évidence la faible efficacité du dispositif.

Sur plus de 650 000 demandes d'asile présentées au sein de l'Union européenne en 1998 et 1999, seuls 6 % ont donné lieu à une demande de prise en charge par un autre Etat membre. Près de 70 % de ces demandes de transfert sont acceptées mais, compte tenu de la faible proportion de demandes présentées, c'est dans plus de 95 % des cas l'Etat membre saisi de la demande d'asile qui assume finalement la responsabilité de son examen. En outre, le transfert effectif du demandeur d'asile n'est effectué que dans un peu moins de 40 % des cas. Au total, le nombre des demandeurs d'asile effectivement transférés représente donc 1,7 % du total des demandes d'asile présentées dans les quinze Etats membres. L'influence de la Convention de Dublin sur l'attribution de la responsabilité de l'examen d'une demande d'asile est donc très faible.

A l'inverse, les coûts liés à la mise en œuvre de la Convention ne sont pas négligeables, bien que très variables d'un Etat à l'autre. Les coûts unitaires d'un dossier de prise en charge varient en effet entre 40 euros au Portugal et 704 euros au Royaume-Uni, selon la Commission. En termes de coût global du dispositif d'asile dans l'ensemble de l'Union européenne, la détermination de l'Etat responsable ajoute une étape procédurale supplémentaire d'un surcoût non négligeable, pour une efficacité réduite.

C'est la raison pour laquelle certains plaident pour une solution plus radicale. Comme la Commission le relève elle-même dans l'exposé des motifs de la proposition et l'avait évoqué dans son premier document de travail, « Réexamen de la Convention de Dublin », le système le plus « clair et viable » consisterait à faire dépendre la responsabilité exclusivement du lieu où la demande a été présentée. Cette solution, selon la Commission, permettrait d'atteindre les objectifs suivants : « rapidité et certitude, éviter les réfugiés en orbite, traitement du problème des demandes d'asile multiples et garantie de l'unité familiale ». Le Haut commissariat pour les réfugiés, le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés et Amnesty International préconisent également cette option.

Mais un tel système nécessiterait une harmonisation très poussée des procédures d'asile, des conditions d'accueil, de l'interprétation de la définition du terme « réfugié » et de la protection subsidiaire, pour réduire les facteurs qui inciteraient éventuellement les demandeurs d'asile à choisir entre les Etats membres au moment où ils introduisent leur demande. Or, celle-ci est loin d'être achevée et des différences susceptibles d'avoir une influence sur l'orientation des flux de demandeurs d'asile subsisteront même après l'adoption des directives du « paquet asile ». La reprise des principes de Dublin, avec quelques correctifs, était donc la seule option réaliste à ce stade.

4) Un instrument prometteur : la base de données « EURODAC »

La mise en service, le 15 janvier 2003, du système « EURODAC » de comparaison des empreintes digitales des


demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne(41), rendra plus efficace l'application du mécanisme « Dublin II ».

Ce système européen automatisé d'identification d'empreintes digitales enregistre les empreintes des demandeurs d'asile et de certaines catégories d'immigrés illégaux de plus de 14 ans arrivant dans l'un des Etats participants (tous les Etats membres sauf le Danemark, pour l'instant, auxquels s'ajoutent la Norvège et l'Islande). Ces empreintes digitales sont comparées avec celles communiquées par les autres Etats participants et déjà stockées dans la base de données centrales, et si EURODAC indique que ces empreintes sont déjà enregistrées, le demandeur d'asile sera renvoyé vers le pays où ses empreintes ont été enregistrées initialement.

Cette base de données permet ainsi de déterminer avec davantage de certitude quel Etat est chargé d'examiner une demande d'asile conformément aux critères établis par le règlement « Dublin II ». La proportion des demandeurs effectivement transférés devrait en être sensiblement augmentée.

Les premiers résultats transmis par la Commission européenne, alors que la base de données est en cours de constitution, sont très encourageants à cet égard (entre le 15 janvier et le 2 mars 2003, 238 résultats positifs - ou « hits » - ont été obtenus, et ce chiffre augmente chaque semaine).

L'accès à ce système est limité au seuls objectifs définis par le règlement EURODAC et il ne contient aucune donnée personnelle telle que le nom d'une personne. Une autorité de contrôle commune indépendante a été mise en place pour empêcher toute violation des droits des personnes concernées.

5) La proposition de directive sur le regroupement familial

La proposition de directive relative au droit au regroupement familial(42), qui a fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 27 février 2003, comporte un chapitre sur les réfugiés leur permettant de bénéficier du regroupement familial dans des conditions plus favorables. Les Etats membres ne peuvent pas, par exemple, imposer aux réfugiés d'avoir séjourné sur leur territoire un certain temps avant de se faire rejoindre par les membres de leurs familles.

6) Les réseaux « Eurasil » et « Odysseus »

La Commission européenne a également mis en place, en juillet 2002, un réseau rassemblant les praticiens de l'asile des Etats membres, sous la présidence de la Commission, dénommé « Eurasil », à partir de la transformation du CIREA, qui relevait du Conseil. Les principaux participants à ses réunions sont liés aux autorités des Etats membres de l'Union européenne chargées de statuer sur les demandes d'asile (organes statuant en première instance et organes de recours). Ce réseau permet d'accroître la convergence des politiques nationales en favorisant l'échange d'informations et des meilleures pratiques.

La Commission contribue aussi au financement, à travers le programme communautaire « Odysseus », d'un réseau académique d'études juridiques sur l'immigration et l'asile en Europe(43). Ce réseau, créé en 1998 sur l'initiative de M. Philippe De Bruycker, regroupe des experts provenant de chacun des Etats membres de l'Union européenne. Il a entrepris des recherches de droit comparé sur plusieurs thèmes, en commençant par les régularisations d'immigrés clandestins(44) et la protection subsidiaire(45).

B. Une harmonisation très limitée

D'autres textes présentent en revanche un apport limité. C'est le cas, en particulier, de la directive sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile(46), adoptée en janvier 2003, dont la portée en termes d'harmonisation des législations nationales est très réduite.

1) Les droits reconnus par la directive relative aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile

La directive est applicable à tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui demande une protection internationale en vertu de la Convention de Genève, sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué, mais non aux demandeurs d'une protection subsidiaire, ni aux bénéficiaires d'une protection temporaire au sens de la directive du 20 juillet 2001, précitée. Elle est applicable que la demande soit déposée à la frontière ou sur le territoire d'un Etat membre, et vise également les membres de la famille du demandeur (conjoint ou partenaire non marié et enfants mineurs non mariés à charge).

Elle impose aux Etats membres de reconnaître au minimum
(les Etats membres peuvent naturellement adopter des mesures plus favorables) au demandeur les droits suivants :

- information écrite et dans une langue comprise par l'intéressé, dans les quinze jours du dépôt de la demande d'asile, sur ses droits et ses obligations en matière d'accueil (art. 5) ;

- délivrance d'un document attestant de son statut de demandeur d'asile l'autorisant à séjourner et à circuler librement sur tout ou partie du territoire des Etats membres (sauf s'il est placé en rétention à la frontière en attendant d'être admis à entrer) pendant la durée de l'examen de sa demande (art. 6 et 7) ;

- accès des enfants mineurs au système éducatif, dans les trois mois à compter du dépôt de la demande d'asile (art. 10) ;

- accès au marché du travail au plus tard un an après le dépôt de la demande d'asile si aucune décision n'a été prise en première instance, avec la possibilité pour les Etats membres d'accorder la priorité de l'emploi aux ressortissants de l'Union européenne et des Etats membres de l'Espace économique européen (art. 11) ;

- accès facultatif à la formation professionnelle (art. 12) ;

- garantie de « conditions matérielles d'accueil », en nature ou sous forme d'allocations financières ou de bons, et d'un « niveau de vie adéquat pour la santé et la subsistance », l'intéressé pouvant avoir à supporter la charge de son accueil et des soins de santé s'il a des moyens suffisants (art. 13) ;

- si le logement est fourni en nature, à la frontière, en centre d'hébergement, en maisons, appartements ou hôtels, il doit permettre le respect de la vie familiale et la communication avec la famille, les représentants du HCR et les organisations non gouvernementales reconnues par les Etats membres (art. 14) ;

- accès aux soins médicaux urgents et au traitement des maladies par la fourniture d'une assistance médicale si nécessaire (art. 15) ;

- prise en charge spécifique des mineurs victimes d'abus, de négligence, d'exploitation, de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 18), ainsi que des personnes ayant subi des tortures, viols ou autres violences graves (art. 20) ;

- mesures de représentation des mineurs non accompagnés sous forme de tutelle ou de prise en charge par des organismes spécialisés (art. 19) ;

- voies de recours, devant une juridiction au moins en dernière instance, contre les décisions négatives quant à l'octroi de ces avantages (art. 21).

Ces droits peuvent être limités ou même retirés si le demandeur change de résidence sans en avertir les autorités, ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne se rend pas aux entretiens personnels, a déjà introduit une demande dans un autre Etat membre, a dissimulé ses ressources financières ou n'a pas introduit sa demande d'asile « dans les meilleurs délais raisonnables » après son arrivée (art. 16).

2) Un apport réduit

Cette directive ne comporte en réalité aucune harmonisation en ce qui concerne les questions « épineuses », telles que l'accès au marché du travail, à la formation professionnelle ou le maintien de l'unité familiale des demandeurs.

En ce qui concerne l'accès au marché du travail, par exemple, les Etats membres ne sont pas parvenus à se mettre d'accord, l'accord politique obtenu sur ce point ayant finalement été remis en cause par la délégation allemande, au motif que cette question relève, en Allemagne, de la compétence des Länder(47). Les Etats membres conservent par conséquent la possibilité d'interdire cet accès au marché de l'emploi, même après le délai d'un an suivant le dépôt de la demande.

Cette absence d'harmonisation est d'autant plus regrettable que cette question, qui fait débat en France, ne peut recevoir qu'une réponse commune(48). Seule une approche harmonisée permettrait en effet d'éviter qu'un assouplissement de l'interdiction de fait d'accéder au marché du travail(49), après un délai d'un an par exemple, ne renforce l'attractivité des procédures d'asile françaises par rapport à celles de nos partenaires et n'entraîne ainsi des mouvement secondaires résultant des disparités de conditions d'accueil entre Etats.

L'application de l'unanimité a ainsi permis à certains Etats membres de vider la proposition de la Commission de sa substance. L'harmonisation apportée par le texte est minimale, puisqu'elle est soit à « droit constant », les délégations étant parvenues à configurer le texte de telle sorte qu'aucun Etat membre n'ait à modifier sa législation, soit « en trompe l'œil », par le recours à des artifices légistiques tels que la référence au droit national ou la possibilité de dérogations et d'options. Il en résulte un « droit mou », « à l'état gazeux », pour reprendre les critiques formulées à l'égard de certaines dérives du droit français par le Conseil d'Etat en 1991, dans son rapport public.

III. VERS DES PROCEDURES ET DES DEFINITIONS COMMUNES EN MATIERE D'ASILE

Les deux propositions de directive restant en discussion concernent la définition du réfugié et de la protection subsidiaire et le contenu de ces statuts(50), d'une part, et les normes minimales applicables aux procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié(51), d'autre part. Elles constituent le cœur du système européen d'asile en cours d'élaboration.

Elles ont été examinées par le rapporteur au regard des normes internationales pertinentes (la Convention de Genève de 1951 et la Convention européenne des droits de l'homme de 1950, principalement, auxquelles s'ajoute l'article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, actuellement dépourvue de valeur contraignante) et des objectifs de la réforme française en cours sur le droit d'asile, en particulier en ce qui concerne le raccourcissement des délais. Le projet de loi modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, adopté en conseil des ministres le 15 avril 2003, anticipe d'ailleurs la transposition de certaines des dispositions de ces propositions de directive. Ce calendrier, regrettable sur le plan de la méthode législative, puisqu'il conduira sans doute à modifier la loi de 1952 à quelques mois d'intervalle, est cependant justifié par l'urgence d'une réforme de l'asile en France, comparée à la lenteur des discussions au sein du Conseil de l'Union.

Les exigences constitutionnelles découlant du 4e alinéa du Préambule de 1946 et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel dite de l'« effet cliquet », aux termes de laquelle, en matière d'asile constitutionnel, « la loi ne peut en réglementer les conditions qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle »(52), ont également été prises en compte. L'asile est en effet un « droit constitutionnel » et une « liberté fondamentale », comme l'a souligné récemment le Conseil d'Etat(53). Sur ce point, il serait d'ailleurs utile, compte tenu du caractère très protecteur de la jurisprudence constitutionnelle précitée, que le gouvernement soumette ces deux textes avant leur adoption, pour avis, au Conseil d'Etat, pour s'assurer de leur conformité aux normes constitutionnelles françaises.

A. La proposition de directive relative à des définitions et des statuts communs pour les réfugiés et la protection subsidiaire

Cette proposition de directive concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers et les apatrides pour prétendre au statut de réfugié ou de personne qui, pour d'autres raisons, a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, a été déposée par la Commission européenne le 31 octobre 2001.

Elle a pour objectif de prévoir un cadre commun pour un régime de protection internationale s'appuyant sur les obligations internationales et communautaires existantes et sur la pratique actuelle des Etats membres et comprenant deux catégories complémentaires de protection : le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire.

Les articles 1er à 19, relatifs aux conditions d'octroi du statut de réfugié et de la protection subsidiaire, définissent qui pourra prétendre au statut de réfugié et à la protection subsidiaire. Les articles suivants sont relatifs au contenu de ces deux statuts et précisent les droits accordés à leurs bénéficiaires.

1) Les conditions d'octroi du statut de réfugié et de la protection subsidiaire

Les articles 1er à 19 de la proposition, relatifs à la définition du réfugié et de la protection subsidiaire, ont fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 28 novembre 2002. Ils conduiront à modifier le droit français sur un certain nombre de points importants ; modifications que le projet de loi modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, anticipe d'ailleurs.

a) La prise en compte des persécutions émanant d'agents non étatiques

La Convention de Genève ne précise pas de qui doivent émaner les persécutions. L'article 1er A 2 de la Convention de Genève se borne en effet à reconnaître la qualité de réfugié à celui qui, hors de son pays d'origine et craignant avec raison d'être persécuté, ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de son pays. Certains Etats, dont la France et l'Allemagne, ont ajouté une condition relative aux « agents de persécution », selon laquelle la persécution doit, au moins indirectement, être imputable aux autorités publiques du pays d'origine de la personne qui en est victime, alors que d'autres Etats membres n'y font aucune référence et prennent en compte les persécutions par des agents non étatiques sans restriction. Il existe donc des divergences importantes sur ce point(54), que l'adoption de la directive devrait faire disparaître.

La proposition de directive, en son article 9, prévoit que la crainte d'être persécuté ou de subir des atteintes graves peut être aussi fondée lorsque le risque provient d'acteurs non étatiques, dans les cas où l'Etat, les partis ou organisations politiques qui contrôlent l'Etat ou une partie importante de son territoire ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection effective. La Commission européenne a ainsi repris la pratique de la grande majorité des Etats membres, conformément à l'interprétation que le HCR fait de la Convention de Genève(55). Le HCR considère en effet que « lorsque des actes ayant un caractère discriminatoire grave ou très offensant sont commis par le peuple, ils peuvent être considérés comme des persécutions s'ils sont tolérés par les autorités ou si les autorités refusent ou sont incapables d'offrir une protection efficace », et estime que « la question essentielle pour établir la base et la justification d'une protection internationale est l'absence de protection internationale, que cette déficience puisse ou non être attribuée à une intention délibérée de nuire de la part de l'Etat ».

Il s'agit d'une extension importante par rapport à l'interprétation que les autorités françaises ont retenu jusqu'ici de la Convention de Genève, même si le Conseil d'Etat admet depuis 1983 que « des persécutions exercées par des particuliers, organisées ou non, peuvent être retenues, dès lors qu'elles sont en fait encouragées ou tolérées volontairement par l'autorité publique, de sorte que l'intéressé n'est pas effectivement en mesure de se réclamer de la protection de celle-ci »(56). Cette évolution était défendue depuis longtemps par le HCR et par de nombreuses associations de défense des droits de l'homme. Elle figure à l'article 1er-III du projet de loi adopté en conseil des ministres le 15 avril dernier, qui anticipe ainsi le changement apporté par la proposition de directive, dans un souci de cohérence avec la pratique de nos partenaires européens et conformément à la doctrine du HCR.

La proposition de directive inclut également les persécutions émanant des « partis ou organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci » (article 9 b). Elle n'apporte pas de changement majeur sur ce point, la jurisprudence française prenant déjà en compte les persécutions émanent d'« autorités de fait », sous réserve que ces dernières soit dotée d'un minimum de stabilité et d'organisation(57). Le projet de loi précité, en son article 1er-III, reprend cette jurisprudence, dans les mêmes termes que la proposition de directive.

La définition des auteurs de persécutions est naturellement la même en ce qui concerne la protection subsidiaire. Aucun motif ne justifie que des critères différents soient appliqués, les besoins de protection des personnes concernés étant identiques.

b) Les « acteurs de protection » non étatiques

Les autorités de fait sont, symétriquement, incluses parmi les acteurs de protection figurant à l'article 10 de la proposition de directive, avec une mention spécifique visant à inclure la protection accordée par les organisations internationales (telles que l'ONU ou l'OTAN, par exemple), sous réserve que ces acteurs « prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu'ils disposent d'un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection » (art. 10.2).

S'agissant de la protection accordée par des organisations internationales, les Etats membres devront tenir compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil sur ce point (art. 10.3), afin d'assurer une approche coordonnée. Un projet de déclaration à inscrire au procès-verbal du Conseil précise que « le Conseil, compte tenu des informations communiquées par les organisations internationales compétentes, s'efforcera de fournir des orientations permettant de déterminer si une organisation internationale contrôle effectivement un Etat ou une partie importante de son territoire et si cette organisation internationale fournit une protection contre la persécution ou les atteintes graves, en se fondant une évaluation de la situation dans l'Etat ou le territoire concerné ».

Cette extension de la définition des acteurs de protection, que reprend également le projet de loi précité, est donc très encadrée et constitue le complément logique de l'interprétation large donnée des acteurs de persécutions. Elle prend ainsi en compte le développement des opérations de maintien, d'imposition et de reconstruction de la paix, tout en imposant que la protection offerte soit effective.

Cette extension a cependant suscité l'inquiétude du HCR et de nombreuses organisations non gouvernementales spécialisées dans la défense des droits de l'homme. Le HCR considère en effet que la protection offerte par des autorités de fait ou une organisation internationale (comme les missions des Nations unies au Timor oriental ou au Kosovo) ne saurait être équivalente à celle accordée par un Etat souverain, et recommande que ces dispositions soient supprimées(58). Dans le même sens, Amnesty International conteste cette définition des acteurs de protection, au motif que les « autorités censées « contrôler » tout ou partie d'un pays sont souvent incapables d'assurer un contrôle efficace sur une zone ou une partie du territoire », et s'interroge : « ainsi, les FARC vont-elles êtres considérées comme offrant une protection en Colombie, l'UNITA en Angola, le MPIGO en Côte d'Ivoire ou encore le LTTE au Sri Lanka ? »(59). Le Conseil européen des réfugiés et des exilés (ECRE) estime aussi que les autorités de fait et les organisations internationales ne devraient pas être incluses dans les acteurs de protection, parce qu'elles ne peuvent être parties aux instruments internationaux de protection des droits de l'homme et en raison de leur incapacité à exercer un contrôle effectif(60), comme le souligne également le professeur Guy S. Goodwin-Gill, spécialiste du droit des réfugiés(61).

Les préoccupations exprimées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, dans son avis sur le projet de loi précité, sont identiques ; la CNCDH soulignant notamment que « les génocides perpétrés au Rwanda ou en Bosnie en dépit de la présence de missions d'assistance des Nations unies » illustrent la nécessité de ne pas prendre en compte la protection accordée par les missions de la paix mises en place sur le fondement du chapitre VI de la Charte des Nations unies.

c) La définition de la protection subsidiaire

La Convention de Genève ne couvre pas tous les besoins de protection internationale. Les Etats membres ont donc mis en place, compte tenu notamment des exigences découlant de la Convention européenne des droits de l'homme (article 3), de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines et traitements inhumains ou dégradants (article 3) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (point 3), des régimes de protection subsidiaire(62) (l'asile territorial en France, l'« exceptional leave to remain » au Royaume-Uni, par exemple). Ces formes subsidiaires de protection permettent de couvrir les situations non visées par la Convention de Genève. Leur développement a accru la disparité des dispositifs nationaux, aussi la définition de normes minimales applicables en la matière est-elle bienvenue.

Dans la proposition initiale de la Commission européenne, la protection subsidiaire était définie de manière très large. L'article 15 visait ainsi toute personne qui se trouve hors de son pays d'origine et ne peut ou ne veut y retourner parce qu'il craint avec raison d'y faire l'objet de l'une des « atteintes graves et injustifiées » suivantes :

- la torture ou une peine ou un traitement inhumain ou dégradant ;

- une violation suffisamment grave de l'un des droits individuels pour engager les obligations internationales de l'Etat membre ;

- une menace contre la vie, la sécurité ou la liberté en raison d'une violence non ciblée liée à un conflit armé ou de violations systématiques ou généralisées des droits de l'homme.

Le premier motif, qui reprend l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne posait aucune difficulté. Les deux autres motifs ont en revanche été jugés beaucoup trop larges par la plupart des Etats membres, par rapport au champ d'application actuel de la protection subsidiaire dans les systèmes nationaux. Le HCR s'en est également inquiété, une définition aussi extensive risquant selon lui d'absorber et donc d'affaiblir l'asile fondé sur la Convention de Genève(63).

La notion d'atteintes graves et « injustifiées » a également été contestée par de nombreuses associations spécialisées dans la protection des droits de l'homme et par le HCR, au motif qu'aucune atteinte grave de cet ordre ne saurait être justifiée.

Compte tenu de ces réactions, l'adjectif « injustifiées » a été supprimé et la définition de la protection subsidiaire a été précisée. Les motifs suivants ont fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » des 28 et 29 novembre 2002 :

- la peine de mort ou l'exécution ;

- la torture ou des traitements inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle ;

- des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle ou en cas de conflit armé interne ou international.

Les critères retenus sont plus précis que l'asile territorial créé par la loi du 11 mai 1998, qui vise tout étranger ayant établi « que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Mais, en contrepartie, l'octroi de la protection subsidiaire est obligatoire, contrairement à l'asile territorial qui « peut être accordé » par le ministre de l'intérieur « dans les conditions compatibles avec l'intérêt du pays »(64). Le projet de loi précité anticipe l'adoption de la directive en transposant cette définition (art. 1er).

d) La notion de « protection à l'intérieur du pays », dite « asile interne »

La proposition de directive reprend la notion, admise par le HCR et par la plupart des Etats, d'« asile interne » (art. 10), selon laquelle peut être opposée à un demandeur d'asile la possibilité qu'il a de rester dans un espace de son pays d'origine où sa protection est assurée. Comme le souligne la Commission dans l'exposé des motifs de la directive, « partant du principe que la protection internationale n'est requise qu'en tant qu'alternative secondaire par rapport à la protection à l'intérieur du pays, cette disposition permet aux Etats membres de rejeter les demandes de protection internationale s'il peut être établi qu'une protection effective est disponible dans une partie déterminée du pays d'origine, dans laquelle le demandeur peut raisonnablement être renvoyé ».

Le recours à cette notion, parfois qualifiée de « fuite interne », est très encadré, conformément à la doctrine du HCR. La dernière version du texte précise en effet que les Etats membres peuvent estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a « aucune » raison de craindre d'être persécuté, « ni aucun risque réel » de subir des atteintes graves et qu'il est « raisonnable » d'estimer qu'il peut rester dans cette partie du pays. Les Etats membres doivent, en outre, tenir compte des « conditions générales dans cette partie du pays », mais aussi de « la situation personnelle du demandeur au moment où ils statuent sur la demande » (art. 10.2).

Ces garanties s'inspirent de celles exigées par le HCR, qui admet l'« asile interne » - qu'il préfère qualifier de « rétablissement interne » - à la condition que soient prises en compte « toutes les circonstances », ce qui suppose un examen approfondi des demandes. Il estime également que cet asile interne doit présenter un caractère « sûr » et « raisonnable », ce qui suppose que la zone d'asile interne soit « accessible en toute sécurité et que la stabilité et la sécurité y soient garanties de façon durable », et que les conditions d'installation correspondent « aux normes découlant de la Convention de Genève et d'autres principaux instruments des droits de l'homme »(65).

Dans ses observations sur la proposition initiale, le HCR a d'ailleurs apporté son soutien à l'introduction de cette notion dans la proposition de directive, sous réserve d'une dénomination différente(66). Il s'est, en revanche, montré plus réservé sur la version amendée par les Etats membres, en raison de la suppression du paragraphe prévoyant, dans la proposition initiale, que l'« on présume qu'il est peu probable que la protection à l'intérieur du pays constitue une alternative valable à la protection internationale si le persécuteur est le gouvernement national ou lui est associé ». Il s'est également inquiété de l'ajout d'un paragraphe disposant que la protection à l'intérieur du pays peut être opposée à un demandeur « nonobstant l'existence d'obstacles techniques au retour » (art. 10.3).

De très nombreux Etats (l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Canada et les Etats-Unis, par exemple) appliquent cette notion, et l'analyse des jurisprudences nationales relatives à ce concept démontre qu'il en est fait une application rigoureuse, s'attachant à vérifier le caractère « raisonnable » et « sûr » de cette alternative(67).

L'introduction de cette notion en droit français, anticipée par le projet de loi précité (article 1er-III), permettra ainsi d'aligner la pratique française sur celles de nos partenaires européens, et constitue le complément logique de l'abandon du critère jurisprudentiel de l'origine étatique des persécutions. L'« exception française » consistant à ne pas faire application de cette notion ne se justifiait en effet que parce que l'alternative représentée par l'asile interne n'est probable que si les autorités nationales ne sont pas elles-mêmes persécutrices ou si elles sont impuissantes à protéger leurs nationaux contre les persécutions dont ils font l'objet de la part d'autorités locales ou de groupes privés(68). Cette notion serait, selon le gouvernement français, compatible avec l'asile constitutionnel garanti par le Préambule de la Constitution de 1946.

e) Les clauses d'exclusion, de cessation, de révocation, de fin du statut et de refus de le renouveler

Le projet de directive prévoit des causes d'exclusion - qui excluent les personnes concernées de l'octroi du statut - et de cessation - qui autorisent les Etats membres à retirer le bénéfice du statut - reprises de la Convention de Genève.

Ainsi, l'article 14 prévoit que tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride peut être exclu du statut de réfugié :

- s'il est déjà protégé par un organisme des Nations unies autre que le HCR ou par un autre Etat ;

- s'il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité ;

- s'il a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays de refuge avant d'être admis comme réfugié,

- s'il s'est rendu coupable d'agissements contraires aux buts et principes des Nations unies.

Ces motifs d'exclusion sont repris de l'article 1 F de la Convention de Genève et ne posent aucune difficulté. Ils sont également repris, à l'article 17, pour la protection subsidiaire.

Certains des motifs de révocation, de fin du statut ou de refus de le renouveler, qui figurent à l'article 14 ter, sont en revanche contestés par le HCR et par de nombreuses associations de défense des droits de l'homme.

L'article 14 ter paragraphe 4 prévoit en effet que les Etats membres peuvent révoquer le statut accordé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler, « lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme un danger pour la sécurité de l'Etat membre dans lequel il se trouve » ou si, « ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet Etat membre ». Cette disposition s'inspire de l'article 33.2 de la Convention de Genève, qui permet aux Etats contractants de refouler ou d'expulser un réfugié s'il y a de sérieuses raisons de penser qu'il constitue un « danger pour la sécurité du pays où il se trouve » ou ayant fait l'objet « d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave ».

L'article 33.2 de la Convention de Genève ne constitue cependant pas une clause de cessation du statut, dont l'énumération par l'article 1 C de la Convention est, selon le HCR, « exhaustive ». Le HCR, qui admet l'annulation du statut en cas de fraude ou si l'une des clauses d'exclusion auraient dû s'appliquer, estime que « ces clauses doivent s'interpréter de manière restrictive et aucune autre raison ne saurait être invoquée, par voie d'analogie, pour justifier le retrait du statut de réfugié »(69). Le Conseil d'Etat a d'ailleurs jugé, dans le même sens, que « le deuxième alinéa de l'article 33 de la Convention de Genève qui, par exception au premier alinéa du même article, permet la remise de l'étranger aux autorités de son pays d'origine, n'implique pas que le bénéfice du statut puisse, sur son fondement, [...] être retiré »(70).

Dans ces conditions, la compatibilité de cette disposition avec la Convention de Genève apparaît problématique(71). Elle semble, en outre, peu utile puisque l'article 19 de la proposition de directive prévoit que les Etats membres peuvent expulser les personnes constituant un danger pour la sécurité de l'Etat membre où elles se trouvent ou ayant commis un crime grave, conformément à l'article 33.2 de la Convention de Genève, sauf si cela leur est interdit en vertu de leurs obligations internationales (par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, par exemple). Il convient cependant de relever qu'il ne s'agit que d'une faculté pour les Etats membres, qui « peuvent révoquer » le statut accordé mais ne sont pas tenus de prévoir cette possibilité dans leur droit interne.

f) La définition du groupe social

Le motif de persécution tenant à l'appartenance à un certain groupe social inscrit à l'article 1 A 2 de la Convention de Genève fait l'objet d'interprétations divergentes de la part des Etats. L'approche anglo-saxonne de la notion de groupe social apparaît en effet plus large que la définition française(72).

Aux Etats-Unis et au Canada, par exemple, la jurisprudence met l'accent sur l'existence de caractéristiques communes au groupe, qui peuvent être innées ou volontaires, mais aussi sur le caractère fondamental de ces caractéristiques communes indissociables de leurs personnes, au point qu'ils ne peuvent y renoncer(73). Sur ce fondement, les femmes ayant plus d'un enfant en Chine, menacées de stérilisation forcée en raison de la politique de l'enfant unique(74), ou les femmes célibataires vivant dans un pays musulman sans la protection d'un homme de la famille(75), par exemple, se sont vu reconnaître le statut de réfugié. Cette définition s'inscrit dans la ligne du HCR, pour lequel un certain groupe social recouvre des personnes « appartenant à un groupe ayant la même origine ou le même mode de vie ou le même statut social ».

La définition française est plus restrictive, en dépit d'une évolution jurisprudentielle récente, qui a conduit à reconnaître le statut de réfugié à un ressortissant algérien se déclarant transsexuel(76), aux femmes personnellement menacées d'excision(77) ainsi qu'aux homosexuels, en raison de la pénalisation de cette orientation sexuelle dans le pays d'origine(78). Le juge français continue en effet d'exiger qu'il s'agisse d'« un ensemble de personnes circonscrit et suffisamment identifiable », ce qui exclut les femmes vivant à l'occidentale dans certains pays(79) ou les mères chinoises victimes de la politique de l'enfant unique(80).

La Commission européenne, dans sa proposition, a très clairement adopté l'approche anglo-saxonne, en retenant une définition très extensive de la notion de groupe social. De nombreux Etats membres ont jugé cette conception trop large, et ont obtenu qu'une formulation plus précise soit adoptée. Ainsi, dans la dernière version du texte, un groupe est « considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier :

- ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l'identité ou la conscience qu'il ne doit pas être exigé d'une personne qu'elle y renonce,

- ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu'il est perçu comme étant différent par la société environnante,

- en fonction des conditions qui prévalent dans le pays d'origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle. L'orientation sexuelle ne peut pas s'entendre comme comprenant des actes réputés délictueux d'après la législation nationale des Etats membres ; les aspects liés à l'égalité entre les hommes et les femmes pourraient être pris en considération, sans pour autant constituer en soi une présomption d'applicabilité du présent article ».

Par rapport à la proposition initiale de la Commission, les références directes à l'âge et au sexe ont été supprimées, les aspects liés à l'égalité entre les hommes et les femmes pouvant simplement être « pris en compte ». L'orientation sexuelle peut définir un groupe, sous réserve des conditions prévalant dans le pays d'origine, ce qui signifie que le juge peut continuer d'exiger une pénalisation de ces comportements, et non une simple marginalisation. La définition retenue reste cependant plus large que celle utilisée par le juge français, qui sera vraisemblablement conduit à abandonner certains critères jurisprudentiels restrictifs.

g) La définition des membres de la famille 

La Convention de Genève elle-même ne comporte aucune disposition visant à préserver l'unité familiale du demandeur d'asile, en étendant le bénéfice de la protection accordée aux membres de la famille du réfugié, sans qu'ils aient à établir qu'ils répondent personnellement à la définition du réfugié. Il en est cependant fait état dans l'acte final de la conférence plénipotentiaire ayant adopté la Convention de Genève, qui « recommande aux gouvernements de prendre les mesures nécessaires pour la protection de la famille du réfugié, en particulier pour assurer le maintien de l'unité familiale ». Ultérieurement, le comité exécutif du programme du HCR a, à deux reprises, en 1977 (28e session) et en 1981 (32e session), souligné l'importance qu'il attachait au principe de l'unité de famille.

La portée de ce principe, compte tenu du caractère non obligatoire de l'Acte final précité, varie cependant considérablement d'un Etat membre à l'autre, de même que la définition des « membres de la famille » couverts par ce principe. La comparaison des droits nationaux révèle que la famille est au minimum entendue comme comprenant le conjoint et les enfants mineurs, alors que les solutions sont plus variées en ce qui concerne les enfants majeurs, les concubins, les ascendants ou personnes à charge.

La France, pour sa part, a tiré très tôt les conséquences de ce principe, une série de décisions de la Commission de recours des réfugiés précisant que « la protection que la Convention de Genève a pour but d'assurer serait rendue vaine si elle ne s'étendait aussi à son conjoint »(81), à son concubin(82), à ses enfants mineurs(83) et à ses ascendants à charge(84), cette dernière catégorie ayant finalement été exclue du champ d'application du principe en 1995(85). Le Conseil d'Etat a d'ailleurs fait de l'unité familiale l'un des « principes généraux du droit applicable aux réfugiés »(86). Les personnes visées sont, plus précisément :

- le conjoint et le concubin du réfugié, sous réserve, d'une part, d'une « liaison suffisamment stable et continue pour former avec lui une famille »(87), régulière (ce qui exclut le mariage polygamique(88) et le concubinage adultérin)(89) et existant au moment du dépôt de la demande d'admission au statut de réfugié(90), et, d'autre part, qu'ils aient la même nationalité que le réfugié(91) ;

- les enfants mineurs du réfugié, qu'ils soient issus du mariage ou du concubinage, sous réserve qu'ils aient été mineurs au moment de leur entrée en France(92) ;

- les personnes placées sous la tutelle d'un réfugié, sous réserve qu'elles soient mineures au moment de leur entrée en France(93), cette condition n'étant cependant pas exigée pour les « incapables se trouvant dépendre moralement et matériellement d'un réfugié »(94) du fait d'un handicap physique ou mental(95).

La Commission européenne, dans sa proposition, retenait une définition très étendue des membres de la famille, comprenant outre le conjoint et le concubin du réfugié (y compris les partenaires du même sexe), ses enfants à charge même majeurs, sous réserve de ne pas être mariés, et ses proches parents à charge dans le pays d'origine (art. 1 et 6).

La plupart des Etats membres ont jugé cette conception de l'unité familiale trop extensive, et la définition finalement retenue est plus restreinte. Dans la dernière version du texte disponible, l'application du principe d'unité familiale aux proches parents à charge est devenue optionnelle (article 21.4) et les enfants majeurs ne sont plus visés (mais ils peuvent naturellement être inclus en vertu de l'article 21.4). La condition de nationalité identique a, en outre, été rétablie par l'ajout d'un membre de phrase précisant que l'octroi du statut aux membres de la famille du bénéficiaire est réalisé « dans la mesure où cela est compatible avec le statut juridique du membre de la famille », ce qui exclut les cas dans lesquels l'intéressé a la nationalité d'un autre pays ou du pays d'asile(96), conformément aux recommandations du HCR(97). La directive, une fois adoptée, ne devraient donc entraîner aucune modification du droit français sur ce point.

A ce stade des discussions(98), la proposition de directive fait la même application du principe d'unité familiale aux réfugiés et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire. Certains Etats membres (l'Allemagne notamment) y sont cependant opposés, et souhaitent qu'une application plus restrictive en soit faite en ce qui concerne la protection subsidiaire. La délégation française est, pour sa part, favorable à un traitement identique, comme pour l'ensemble des droits attachés au statut.

2) Le contenu des statuts

Les articles suivants (20 à 38), relatifs au contenu des statuts, continuent d'opposer les Etats membres. Certains Etats, l'Allemagne et l'Autriche notamment, ne veulent pas que les personnes bénéficiant d'une protection subsidiaire se voient accorder les mêmes droits que les réfugiés couverts par la Convention de Genève.

a) Les droits prévus par la proposition

La proposition de directive prévoit que les personnes bénéficiant d'une protection internationale devraient se voir accorder les droits suivants :

- l'accès aux informations précisant, dans une langue qu'elles sont susceptibles de comprendre, les droits et obligations afférents à leur régime de protection ;

- le maintien de l'unité familiale (Cf. supra) ;

- un titre de séjour valable pendant une période d'au moins trois ans et renouvelable pour les réfugiés, et pendant au moins un an et renouvelable pour les bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire ;

- des documents de voyage leur permettant de voyager hors du territoire de l'Etat membre, sauf si des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent ;

- la libre circulation sur le territoire de l'Etat membre, dans les mêmes conditions que les ressortissants d'autres pays tiers résidant légalement sur son territoire ;

- l'accès à l'emploi dès l'octroi du statut, les Etats conservant cependant la possibilité de donner la priorité, pour des raisons liées à la politique du travail et pendant une période de un an au maximum à compter de l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, aux ressortissants de l'Union européenne et de l'espace économique européen ;

- le plein accès des mineurs au système d'éducation et des adultes au système éducatif général ainsi qu'à la formation professionnelle ;

- l'accès à la protection sociale dans les mêmes conditions que les ressortissants des Etats membres ;

- l'accès aux soins médicaux dans les mêmes conditions que les ressortissants des Etats membres ;

- l'accès au logement dans les mêmes conditions que les ressortissants d'autres pays tiers résidant légalement sur le territoire de l'Etat membre ;

- l'accès à des dispositifs d'intégration ;

- une aide facultative pour les bénéficiaires de ces statuts exprimant le souhait d'être rapatriés.

b) L'égalité des droits accordés aux réfugiés et aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire

Au cours du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 27 février 2003, l'Allemagne et l'Autriche se sont opposées à ce qu'un droit d'accès à l'emploi soit reconnu aux personnes bénéficiant d'une protection subsidiaire et souhaitent que cet accès soit subordonné à l'examen de la situation du marché du travail dans l'Etat membre concerné. Ces deux Etats estiment que cette question doit rester de la compétence des Etats membres et refusent, d'une manière plus générale, que les mêmes droits (y compris en matière de protection sociale ou de participation à des programmes d'intégration) soient accordés aux deux catégories de bénéficiaires de la directive, compte tenu du caractère temporaire de la protection subsidiaire. Le ministre de l'intérieur allemand, M. Otto Schily, a en outre souligné qu'il lui serait impossible de lever ses réserves tant que la nouvelle loi allemande sur l'immigration et l'asile ne sera pas définitivement votée(99).

A l'inverse, la Commission et plusieurs délégations, dont la délégation française, ont pris position en faveur d'une égalité de droits, au motif qu'une différenciation conduirait à placer certaines catégories de personnes dans des situations de précarité, incompatible avec une intégration effective. Seule la durée du titre de séjour devrait varier, avec une période minimale de trois ans renouvelables pour les réfugiés et d'un an renouvelable pour la protection subsidiaire.

Cette position doit être soutenue : dans les deux cas, le besoin de protection internationale des personnes concernées est identique, et les droits accordés ne sauraient varier en raison du fondement juridique de cette protection. L'exclusion du marché de l'emploi des personnes bénéficiant de la protection subsidiaire aurait, en outre, pour effet d'encourager le travail clandestin, au détriment de l'intégration de ces personnes.

B. La proposition de directive relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres

Une première mouture du second texte - la proposition de directive relative aux procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié - a été présentée par la Commission européenne en octobre 2000(100). La plupart des Etats membres l'ont trouvée trop détaillée, conduisant la Commission européenne, à l'invitation du Conseil européen de Laeken, à présenter une proposition modifiée en juin 2002(101). Le Conseil européen de Séville en a demandé l'adoption avant décembre 2003.

Cette proposition, toujours très détaillée, envisage notamment la convocation systématique des demandeurs à un entretien personnel et l'établissement d'un compte-rendu d'entretien, leur assistance juridique et l'information dans une langue qu'ils comprennent. Elle permet également le recours à des procédures accélérées notamment en cas de demande irrecevable, manifestement infondée (incluant la notion de pays d'origine sûr et de pays tiers sûr), frauduleuse ou répétée. Ce texte appelle plusieurs observations.

1) Une conception excessivement juridictionnelle de la procédure

La proposition retient une conception excessivement juridictionnelle de la procédure, alors que celle-ci comporte, en France, deux phases bien distinctes (administrative non contentieuse, devant l'OFPRA, puis juridictionnelle). L'approche retenue est trop « pénaliste », alors que la première phase du traitement des demandes d'asile répond à une logique de protection, et non d'accusation. Le recours à la notion de « procès-verbal » d'entretien, qui figurait dans la proposition révisée de la Commission, et la présence d'un avocat à tous types d'entretiens en sont l'illustration.

2) La notion de « pays d'origine sûr »

La proposition recourt à la notion de « pays d'origine sûr »(102), qui figure déjà dans le protocole sur le droit d'asile pour les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne (dit « protocole Aznar »), aux termes duquel toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat membre ne peut être prise en compte ou déclarée admissible que dans des conditions strictement déterminées (Cf. supra). Ce concept était également présent dans les conclusions du Conseil sur les pays où il n'existe pas de risque sérieux de persécution des 30 novembre 1992-1er décembre 1992(103).

Ces pays sont définis sur la base d'un certain nombre de principes définis à l'annexe II du texte (respect des normes fondamentales relatives aux droits de l'homme, structures démocratiques, accès des ONG et des organisations internationales à son territoire, respect de l'Etat de droit, etc.), selon une procédure transparente (le rapport relatif à cette appréciation sera public) et se fondant sur une pluralité de sources. Lorsque le demandeur provient d'un tel pays, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée et faire l'objet d'une procédure accélérée, dans le cadre de laquelle sa situation personnelle sera examinée.

Le Haut commissariat pour les réfugiés, dans ses observations écrites sur la proposition(104), approuve le recours à cette notion, dans la mesure où elle ne fait que permettre l'application d'une procédure accélérée et simplifiée, dans des circonstances bien délimitées, et où elle ne fait pas obstacle à un examen individuel de chaque demande, au cours duquel cette présomption pourra être renversée. Il considère la définition de ces pays, telle qu'elle est prévue à l'annexe II, satisfaisante, mais souhaite, s'il est fait usage d'une liste, que celle-ci puisse être facilement révisée pour tenir compte des évolutions de la situation internationale. Ces observations reprennent les conditions que le HCR avait fixées, de manière plus générale, en ce qui concerne l'utilisation de la notion de « pays d'origine sûrs », lors des consultations mondiales sur la protection internationale(105).

Amnesty International, dans ses commentaires de la proposition(106), s'inquiète en revanche de la discrimination en fonction de la nationalité à laquelle cette notion conduirait, et souligne que cette présomption ne pourra, en pratique, qu'être difficilement renversée.

Cette notion, qui ne soulève pas de difficultés particulières compte tenu des garanties qui l'accompagnent, figure aussi dans le projet de loi modifiant la loi de 1952.

Elle est d'ailleurs déjà appliquée, sous une forme juridiquement différente, en droit français, par l'article 10, 2° de la loi du 25 juillet 1952. Cette disposition, introduite par la loi du 11 mai 1998(107), prévoit, parmi les motifs de refus d'admission au séjour, le cas dans lequel le demandeur a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en œuvre les dispositions de l'article 1er C5 de la Convention de Genève(108). Neuf pays d'origine sont actuellement concernés(109), auxquels s'ajoutent les Etats membres que la France doit considérer comme des pays d'origine sûrs en application du « protocole Aznar ».

3) La notion de « pays tiers sûr »

La proposition fait également appel à la notion de « pays tiers sûrs ». Cette notion, qui figure dans l'une des résolutions du Conseil européen des 30 novembre et 1er décembre 1992, permet de déclarer irrecevables les demandes d'asile lorsque le demandeur a un « rapport ou des liens étroits avec le pays ou a eu l'occasion de bénéficier de la protection de ce pays », s'il « y a lieu de penser que le demandeur en question sera admis ou réadmis sur le territoire de ce pays » et que « rien ne porte à croire que ce pays n'est pas un tiers sûr en raison de la situation personnelle du demandeur ». Cette notion est donc très différente de celle de pays d'origine sûr : il peut s'agir d'un pays par lequel le demandeur a simplement transité, et son application entraîne l'irrecevabilité de la demande, et non l'application d'une procédure accélérée.

Ces pays sont définis en application de principes précisés à l'annexe I de la proposition (observation des normes de droit international relatives à la protection des réfugiés et aux droits de l'homme). Le Conseil « Justice et affaires intérieures » du 28 novembre 2002 a, par ailleurs, adopté une déclaration aux termes de laquelle les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange et les futurs Etats membres de l'Union européenne sont considérés comme des « pays tiers sûrs »(110).

De nombreux Etats européens (l'Allemagne, le Danemark, la Finlande, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, par exemple) en font application, le cas échéant après une révision constitutionnelle (c'est le cas de l'Allemagne, qui a révisé sa Constitution pour pouvoir appliquer la notion de « pays tiers sûr » et de « pays d'origine sûr » le 28 juin 1993)(111).

Cette notion, qui a fait également fait l'objet d'une initiative de l'Autriche visant à faire adopter un règlement fixant les critères permettant de déterminer ces pays tiers sûrs et à en établir une liste, soulève de sérieuses difficultés au regard du droit français.

Le Conseil d'Etat s'est en effet opposé à son utilisation, dans une décision de 1996 (CE, Ass., 18 décembre 1996, ministre de l'intérieur c. Rogers)(112). Le commissaire du gouvernement avait relevé, dans ses conclusions sur cette affaire, que cette notion est incompatible aussi bien avec la Convention de Genève qu'avec la Constitution(113). Cette jurisprudence a d'ailleurs motivé la suppression par le législateur, en 1998, de cette cause de refus d'admission, qui figurait à l'article 31bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945(114). Le HCR est, par ailleurs, très réservé à l'égard de ce concept.

La mention de cette notion dans la proposition de directive n'est donc acceptable que parce qu'elle est optionnelle(115) et qu'il ne saurait, en tout état de cause, en être fait application par la France.

4) Les procédures d'asile à la frontière

Le texte vise également les procédures d'asile à la frontière, auxquelles un article est consacré (art. 35). Cette disposition, dans sa version initiale, aurait conduit la France à modifier considérablement la procédure dite « d'asile à la frontière » visée à l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers. Elle a, depuis, été assouplie, ce dont votre rapporteur se félicite. La France doit en effet garder la possibilité de maintenir les spécificités de cette procédure (qui est en réalité une procédure d'accès au territoire national).

5) Des garanties spécifiques pour les mineurs non accompagnés

Le projet comporte des garanties spécifiques pour les mineurs non accompagnés : désignation d'un tuteur légal ou d'un conseil juridique dès que possible, entretien mené par une personnes possédant les connaissances nécessaires sur les besoins particuliers des mineurs, etc. Ces garanties sont particulièrement bienvenues.

6) Le caractère suspensif des recours

¬ En matière de recours, la proposition laisse la question du caractère suspensif des recours relativement ouverte.

Dans le cadre de la procédure normale, l'effet suspensif du recours est présumé (art. 39.1), sauf si, en application d'une clause de statu quo, la législation nationale en disposait autrement (art. 39.2). S'il est fait application de cette possibilité de déroger à l'effet suspensif, l'Etat membre doit attendre, avant de procéder à l'expulsion, l'arrêt d'une juridiction sur la demande d'effet suspensif, sauf si des motifs de sécurité nationale ou d'ordre public le justifient (art. 39.3 et 39.4).

Dans le cadre des procédures accélérées, il n'y a pas de clause de statu quo et la proposition impose simplement aux Etats membres de prévoir, dans leur législation nationale, les cas dans lesquels il n'y a pas d'effet suspensif (art. 40.1). En cas de recours non suspensif, l'Etat membre doit normalement attendre, avant de procéder à l'expulsion, comme pour la procédure normale, l'arrêt d'une juridiction sur la demande d'effet suspensif (art. 40.2 et 40.3), mais peut prévoir des exceptions (pour les demandes irrecevables, pour des motifs de sécurité nationale ou d'ordre public, etc.).

¬ Le HCR, dans ses observations, s'inquiète du nombre de dérogations prévues en ce qui concerne l'effet suspensif, qui tendent à priver le recours de son caractère effectif. Amnesty International, dans ses commentaires, estime que ces dérogations constituent une violation du droit à un recours effectif et qu'elles sont contraires à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

L'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, combiné à l'article 3 prohibant les traitements inhumains et dégradants(116), garantit en effet aux demandeurs d'asile déboutés le droit à un recours effectif. Sur ce point, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé à plusieurs reprises que, « compte tenu de la nature irréversible du dommage susceptible d'être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements et vu l'importance qu'elle attache à l'article 3, la notion de recours effectif au sens de l'article 13 requiert la possibilité de faire surseoir à l'exécution de la mesure litigieuse »(117). Elle a cependant admis que ce caractère suspensif pouvait exister de facto, et s'est donc satisfait qu'« en pratique aucun demandeur d'asile n'est refoulé [...] avant la fin de la procédure »(118).

Les dérogations prévues par la proposition peuvent soulever des difficultés au regard de ces exigences. La Cour a, en particulier, jugé que lorsqu'il existe un risque de mauvais traitement contraire à l'article 3 de la Convention, « les questions de sécurité nationale ne doivent pas entrer en ligne de compte », et que sa jurisprudence selon laquelle l'article 13 ne requiert qu'« un recours aussi effectif qu'il peut l'être » et que « les Etats jouissent d'une certaine marge d'appréciation quant à la manière de se conformer aux obligations que leur fait l'article 13 » n'est pas applicable(119).

En outre, l'incorporation de la Charte des droits fondamentaux dans le futur traité constitutionnel, préconisée par la Convention européenne, renforcera la portée du droit à un recours effectif en matière d'asile, dans la mesure où ce dernier est explicitement garanti par la Charte (alors que la Convention européenne ne comporte aucune disposition expresse sur ce point).

Ces considérations devraient inciter les Etats membres à faire un usage prudent des possibilités de déroger à l'effet suspensif des recours.

7) L'absence de « guichet unique »

La proposition de directive ne s'applique qu'aux demandes d'asile conventionnel, et non à la protection subsidiaire. L'article 3.3 du projet prévoit simplement que les Etats membres peuvent décider d'appliquer ces dispositions aux procédures de traitement des types de protection autres que celle qui découle de la Convention de Genève.

L'institution d'un « guichet unique » conduisant à une seule procédure pour l'asile conventionnel comme pour la protection subsidiaire présente de nombreux avantages, notamment en termes de rapidité, de qualité, de cohérence de la prise de décision et de coûts. La France prévoit d'ailleurs de mettre en place un tel « guichet unique », avec le projet de loi précité.

On peut dès lors regretter, comme le font le HCR et Amnesty International, que la proposition ne soit pas plus volontariste sur ce point. Il est cependant probable que l'inclusion d'une disposition contraignante aurait suscité des blocages supplémentaires lors des discussions de la proposition.

Le « guichet unique » doit cependant constituer un objectif, sur lequel la Commission européenne a d'ailleurs annoncé qu'elle présenterait une communication, sans doute à la fin de l'année 2003.

IV. LES PERSPECTIVES DE LA POLITIQUE EUROPEENNE D'ASILE

L'adoption de ces deux propositions de directive permettra à l'Union de statuer ensuite à la majorité qualifiée et selon la procédure de codécision (les conditions fixées par l'article 67.5 du traité instituant la Communauté européenne étant remplies). Ce passage à la majorité qualifiée, indispensable compte tenu de l'élargissement, changera considérablement les discussions au sein du Conseil, un Etat ne pouvant plus s'opposer, seul, à l'adoption des textes. L'harmonisation des législations apportée par les textes à venir devrait en être considérablement renforcée.

Ce changement du cadre institutionnel, combiné aux propositions formulées par la Convention européenne, devrait permettre à l'Union de s'engager dans d'autres « chantiers législatifs » et d'explorer de nouvelles voies, que le Parlement français devra également suivre avec attention.

A. Les propositions de la Convention européenne

La Convention européenne chargée de préparer, sous la présidence de M. Valéry Giscard d'Estaing, un projet de traité constitutionnel, préconise d'apporter des changements importants au cadre institutionnel de la politique européenne d'asile.

Ces questions ont été abordées par le groupe de travail « Liberté, sécurité et justice » présidé par M. John Bruton, qui a rendu son rapport final le 2 décembre 2002(120). Les orientations de ce rapport ont été reprises dans le projet d'articles consacrés à l'espace de liberté, de sécurité et de justice présenté par le Praesidium le 14 mars 2003(121), dont la Convention européenne a débattu lors de sa session plénière du 3 avril 2003.

1) Aller au-delà de simples « normes minimales »

Le groupe de travail « Liberté, sécurité et justice » de la Convention européenne a recommandé, en premier lieu, de renforcer la base juridique de la politique européenne d'asile, afin de permettre d'aller au-delà de la définition de simple « normes minimales » (art. 63 TCE) et de mettre en place un système commun en matière d'asile, conformément aux orientations données par le Conseil européen de Tampere.

Le projet d'article relatif à l'asile présenté par le Praesidium (article 11) permet ainsi de créer un « système européen commun d'asile », fondé sur un « statut uniforme d'asile », de protection subsidiaire et de protection temporaire et une « procédure commune ». Cette modification a fait l'objet d'un large consensus lors de la session plénière de la Convention du 3 avril 2003, à l'exception de l'Allemagne, qui ne souhaite pas aller au-delà de l'adoption de « normes minimales ».

Le consensus est également important en ce qui concerne l'application de la majorité qualifiée et de la codécision, qui seront vraisemblablement déjà la règle lorsque le futur traité constitutionnel entrera en vigueur.

Le projet d'article 11 relatif à l'asile

présenté par le Praesidium de la Convention européenne

1) L'Union développe une politique commune en matière d'asile et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à toute personne ressortissant d'un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement. Cette politique est conforme à la Convention de Genève du 28 juillet 1951, au protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et aux autres traités pertinents.

2) A cette fin, le Parlement européen et le Conseil, conformément à la procédure législative, adoptent des lois ou lois-cadre visant à établir un système européen commun d'asile comportant :

- un statut uniforme d'asile en faveur de ressortissants de pays tiers, valable dans toute l'Union,

- un statut uniforme de protection subsidiaire pour des ressortissants des pays tiers qui, sans obtenir l'asile européen, ont besoin d'une protection internationale,

- un statut uniforme de protection temporaire concernant les personnes déplacées en cas d'afflux massif,

- une procédure commune à l'octroi et au retrait du statut d'asile ou de protection subsidiaire ou temporaire,

- des critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile ou de protection subsidiaire,

- des normes concernant les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ou de protection subsidiaire ou temporaire.

3) Au cas où un ou plusieurs Etats membres se trouveraient dans une situation d'urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, à la majorité qualifiée, peut adopter des règlements ou décisions comportant des mesures provisoires au profit du ou des Etats membres concernés. Il statue sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen.

2) L'affirmation d'un principe de solidarité

Le groupe de travail présidé par M. John Bruton a également recommandé de consacrer dans le futur traité un principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités (implications financières comprises) entre les Etats membres, qui s'appliquerait en tant que principe général aussi bien en matière d'asile que d'immigration et de contrôle des frontières. L'article 13 présenté par le Praesidium de la Convention européenne reprend cette suggestion, en consacrant ce principe.

Cette disposition a cependant été diversement accueillie par les conventionnels. Le gouvernement français, par exemple, souhaite que cette solidarité reste exclusivement financière, et le ministre des affaires étrangères, M. Dominique de Villepin, a déposé un amendement en ce sens. Le gouvernement allemand s'est, pour sa part, prononcé pour la suppression de cet article.

3) L'extension des compétences de la Cour de justice

Le groupe de travail « Liberté, sécurité et justice » s'est également prononcé en faveur de la suppression des dérogations concernant la compétence de la Cour de justice. L'article 9 proposé par le Praesidium ne prévoit par conséquent qu'une exception limitée à l'application du régime général de compétence de la Cour de justice, concernant le contrôle des opérations de police et le maintien de l'ordre public et de la sécurité intérieure. En matière d'asile, le régime dérogatoire prévu pour les renvois préjudiciels serait donc supprimé.

4) L'intégration de la Charte des droits fondamentaux au sein du traité constitutionnel

La Convention européenne s'est prononcée, par ailleurs, pour l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le traité constitutionnel. Cette intégration aura pour effet, en matière d'asile, de donner une valeur juridique à l'article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aux termes duquel « le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité instituant la Communauté européenne ». Il en sera de même de l'article 19.2 qui dispose que nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un Etat où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Cette intégration, dans le droit constitutionnel de l'Union, de la convention de Genève et de son protocole rendra son respect absolu par les actes dérivés de l'Union juridiquement obligatoire. Cette perspective devrait naturellement être pleinement prise en compte dans la discussion des propositions de directive précitées.

5) L'indispensable renforcement du rôle des parlements nationaux

Les parlements nationaux constituent l'une des sources de légitimité démocratique de l'Union européenne. La Convention européenne préconise, d'une manière générale, un renforcement de leur rôle au sein de l'Union européenne, à travers la consécration d'un mécanisme « d'alerte précoce », permettant aux parlements nationaux d'adresser un avis motivé à la Commission européenne lorsqu'ils considèrent qu'une proposition législative méconnaît le principe de subsidiarité.

Présenté par le groupe de travail présidé par M. Mendez de Vigo, cette proposition a été reprise par le projet de protocole sur la subsidiarité présenté par le Praesidium de la Convention, qui prévoit que si un tiers des parlements nationaux émettent un avis motivé, la Commission européenne doit réexaminer sa proposition (sans leur reconnaître cependant le droit de saisir directement la Cour de justice, comme le préconisait le groupe de travail).

Une telle innovation permettra aux parlements nationaux d'intervenir davantage en matière d'asile. Il apparaît cependant nécessaire d'aller plus loin en ce qui concerne ces questions et, d'une manière plus générale, les sujets relevant de l'« espace de liberté, sécurité et justice ». Ces domaines touchent en effet à la protection des libertés publiques et à des droits constitutionnellement protégés, qui se situent au cœur de la compétence des parlements nationaux. Le Praesidium a donc proposé qu'un seuil moins élevé, d'un quart des parlements nationaux au lieu d'un tiers, soit fixé, à partir duquel la Commission européenne doit réexaminer sa proposition(122). Un tel mécanisme pourrait utilement être étendu à la protection des droits fondamentaux.

B. Le traitement des demandes d'asile hors de l'Union européenne

Le traitement des demandes d'asile à l'extérieur de l'Union constitue l'un des prochains « chantiers législatifs » de l'Union. Cette question, que la Commission européenne a abordée dès novembre 2000, a été récemment placée au premier plan de l'agenda politique de l'Union par la proposition présentée sur ce thème par le Premier ministre britannique, le 10 mars 2003. Le plan présenté par le Royaume-Uni diffère cependant sensiblement des voies jusqu'ici explorées par la Commission.

Ce sujet sera à l'ordre du jour du Conseil européen qui doit se tenir à Thessalonique, le 20 juin 2003, et la Commission européenne a annoncé qu'elle présenterait prochainement des initiatives dans ce domaine.

1) Les travaux de la Commission européenne sur les « modes d'entrée protégée »

La possibilité de traiter les demandes de protection au plus près des besoins, en dehors de l'Union européenne, à travers l'établissement de « modes d'entrées protégées », avait déjà été évoquée par la Commission européenne dans sa communication de novembre 2000, intitulée « Vers une procédure d'asile commune et un statut uniforme, valide dans toute l'Union, pour les personne obtenant l'asile »(123). La Commission européenne voit dans cet examen des demandes de protection dans les régions d'origine un mécanisme complémentaire au traitement des arrivées spontanées en Europe des demandeurs d'asile.

Cette option a fait l'objet d'une étude(124), réalisée pour la Commission et remise en décembre 2002, qui préconise le recours à ces modes d'entrée protégée dans le cadre d'une approche globale, complémentaire des procédures d'asile existantes(125). Selon les auteurs, ces procédures constitueraient la meilleure réponse au problème engendré par la nécessité de concilier les objectifs de contrôle des migrations et l'obligation de protéger les réfugiés. L'étude recommande par conséquent la création conjointe de « lieux de protection » et suggère de mettre en place une « plate-forme pour la présence régionale de l'Union », en intégrant différents aspects de la migration (procédures de détermination, modes de protection offerts, migration aux fins d'emploi, retours, assistance à la région d'origine) dans un seul instrument. Les auteurs suggèrent aussi de réguler le partage des responsabilités entre les Etats membres en ce qui concerne le traitement des demandes de visa de protection.

A l'heure actuelle, selon cette étude, un tiers des quinze Etats membres (Autriche, France, Pays-Bas, Espagne et Royaume-Uni) utilisent des modes d'entrée protégée d'une manière formelle, principalement à travers leurs représentations diplomatiques et consulaires. Six autres Etats membres (Allemagne, Belgique, Irlande, Italie, Luxembourg, Portugal) y ont recours dans des circonstances exceptionnelles et d'une manière informelle. L'impact de ces procédures reste cependant limité en raison de leur diversité et de l'incohérence des pratiques des Etats membres.

La Commission a annoncé qu'elle soumettrait des propositions sur ce sujet prochainement, dans sa dernière communication du 26 mars 2003(126).

2) La proposition britannique de créer des « centres de transit et de traitement »

Le Royaume-Uni a présenté récemment une proposition allant beaucoup plus loin dans le traitement à l'extérieur de l'Union des demandes d'asile, à travers la création de « centres de transit et de traitement » (Transit Processing Centres) dans des pays tiers.

a) Le contenu de la proposition britannique

Le Premier ministre britannique a présenté cette proposition dans une lettre du 10 mars 2003 adressée à ses homologues, dont le contenu a été diffusé par une association de défense des droits de l'homme britannique et repris dans la presse.

¬ Cette proposition part de plusieurs constats :

- le soutien apporté aux réfugiés est mal réparti, près de 10 000 dollars par an étant consacrés à chaque demandeur arrivé en Europe, alors que le Haut commissariat pour les réfugiés ne dispose que de près de 50 dollars par an par réfugiés ou personnes déplacées ;

- les demandeurs fuyant des persécutions sont conduits à entrer illégalement sur le territoire de l'Union, souvent en ayant recours à des organisations criminelles auxquelles ils sont contraints de verser plusieurs dizaines de milliers de dollars ;

- entre la moitié et les trois quarts des réfugiés ne remplissent pas les critères de la Convention de Genève ou de la protection subsidiaire, alors qu'il y a selon le HCR près de douze millions de réfugiés dans le monde, qui restent pour la plupart dans leur région d'origine ;

- les Etats membres sont confrontés à des variations brutales du nombre de demandeurs, qui rendent le traitement des demandes très difficile ;

- cette situation suscite un malaise croissant dans l'opinion publique.

¬ Face à ces dysfonctionnements, le Royaume-Uni propose deux pistes.

La première, assez classique, consiste à renforcer l'action préventive dans les régions d'origine. Elle suggère de réduire la pauvreté dans ces régions grâce à une aide au développement mieux ciblée, à prévenir les conflits, à renforcer les moyens de protection sur place en liaison avec le HCR, etc.

La seconde piste repose sur la création de « centres de transit et de traitement » (Transit Processing Centres) dans des pays tiers situés sur les routes des flux de demandeurs. Des « zones protégées » seraient créées dans ces pays tiers, vers lesquelles les demandeurs seraient transférés lors de leur arrivée sur le territoire d'un Etat membre. Les demandes seraient traitées dans ces centres, gérés par l'Organisation internationale des migrations (OIM) sous le contrôle du HCR. Les personnes à qui le statut serait accordé seraient réinstallées dans un Etat membre, selon un système de quotas et de répartition équitable. Les autres seraient renvoyés vers leur pays d'origine, au besoin sur la base d'accords de réadmission nouveaux ou renforcés, ou placés sous un régime de protection temporaire jusqu'à ce que la situation dans leur pays d'origine se soit stabilisée. Selon le Royaume-Uni, cette gestion externalisée du traitement des demandes d'asile permettrait de réduire les coûts, découragerait l'immigration clandestine et dissuaderait les demandeurs ne répondant pas aux critères de la Convention de Genève ou de la protection subsidiaire. Les procédures d'asile cesseraient en effet de pouvoir être détournées afin de séjourner légalement sur le territoire d'un Etat membre.

b) Les réactions suscitées par cette proposition

Cette proposition a été discutée lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » informel de Veria, les 28 et 29 mars derniers. Certains Etats membres, dont l'Espagne, les Pays-Bas, la Belgique et l'Italie, ont, à cette occasion, apporté leur soutien à cette initiative(127). D'autres délégations (Allemagne et Portugal, notamment) se sont montrées beaucoup plus sceptiques et estiment que cette proposition soulève plus de difficultés qu'elle n'apporte de réponses. La Finlande et la Suède ont annoncé, pour leur part, qu'elles subordonneraient leur aval à l'agrément du Haut commissariat pour les réfugiés. Le ministre de l'intérieur français, M. Nicolas Sarkozy, a apporté son soutien à cette proposition lors de son audition par la Délégation, le 29 avril 2003, notamment parce qu'elle permettrait de fragiliser les réseaux criminels d'immigration clandestine.

Il a été décidé, lors de ce conseil, que la Commission européenne étudierait cette question en liaison avec le HCR, et qu'un rapport sera préparé pour le Conseil « Justice et affaires intérieures » des 5 et 6 juin 2003, puis pour le Conseil européen de Thessalonique des 20 et 21 juin prochains.

Cette proposition a suscité, par ailleurs, de sévères critiques de la part des associations de défense des droits de l'homme. Amnesty International, dans un communiqué de presse du 27 mars 2003(128), l'estime contraire à la Convention de Genève et aux instruments de protection des droits de l'homme. Elle souligne le risque de créer un « syndrome de Sangatte » dans ces zones, qui « attireront probablement passeurs et trafiquants », et de susciter un « système à deux vitesses, l'un pour les pays riches et puissants, l'autre pour les pays obligés d'accueillir la majorité des réfugiés du monde ». Le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE) s'est également inquiété de cette proposition, qu'il juge contraire au droit fondamental de demander l'asile et à la solidarité internationale garantie par la Convention de Genève(129).

Une partie de ces critiques se fonde sur le bilan de la « solution Pacifique » (Pacific Solution), mise en place par le gouvernement australien en septembre 2001. Cette politique, déclenchée par l'arrivée de 438 demandeurs d'asile, principalement afghans, recueillis par un cargo norvégien, le Tampa, consiste à placer les demandeurs dans deux centres fermés situés sur l'île de Nauru et en Papouasie-Nouvelle-Guinée (Fidji et Tuvalu, également contactés, ont refusé de participer) durant le traitement de leurs demandes. Ces centres sont gérés par l'Organisation internationale des migrations et financés par l'Australie. 1 834 demandeurs, en août 2002, étaient placés dans ces centres, avec un coût financier par demandeur qui serait, selon le Conseil des réfugiés australien, cinq fois plus élevé que selon la procédure habituelle se déroulant sur le territoire australien. Les conditions de détention des demandeurs ont, en outre, été mises en cause dans plusieurs rapports émanant d'associations de défense des droits de l'homme(130) et par la Commission des droits de l'homme des Nations unies(131).

Cette proposition britannique soulève, en tout état de cause, des difficultés certaines, d'ordre aussi bien politiques que juridiques et diplomatiques, qui devront être clarifiées par le rapport que la Commission européenne prépare actuellement avec le HCR, dont l'avis sera déterminant.

3) Les propositions du Haut commissariat pour les réfugiés

Lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » informel de Veria, en mars 2003, le Haut commissaire aux réfugiés, M. Ruud Lubbers, a prononcé une intervention(132) dont les orientations rejoignent, sur certains points, la proposition britannique.

M. Lubbers, s'inscrivant dans le cadre de la réflexion dite « Convention Plus », qui fait appel à de nouveaux accords afin de compléter la Convention de 1951 sur les réfugiés, a proposé, « pour les groupes essentiellement de migrants économiques », de prévoir « des centres de réception fermés, le traitement des demandes par des équipes de l'UE [...] et des appels simplifiés avec la participation du HCR ». L'objectif est de mettre en commun les ressources de l'Union européenne, afin que des décisions soient prises plus rapidement quand elles émanent de personnes provenant de pays d'origine qui normalement ne « produisent » pas de réfugiés(133). M. Lubbers recommande d'engager des consultations avec les futurs Etats membres sur ce sujet, dans la mesure où ce traitement conjoint se déroulerait en grande partie sur leur territoire.

Après le traitement conjoint de la demande, « ceux qui auront besoin d'une protection se verraient accorder l'asile dans un des pays de l'Union européenne, selon leurs besoins, leurs compétences, leurs liens familiaux et d'autres liens, comme la langue ». Pour ceux qui ne se verraient pas reconnaître la protection, une action commune de l'Union devrait se mettre en place afin d'assurer leurs retours rapides vers leurs pays d'origine.

La différence, certes importante, avec la proposition britannique est donc que ces centres de traitement des demandes se situeraient sur le territoire de l'Union, et non à l'extérieur, et que cette procédure ne viserait que les ressortissants de certains Etats jugés sûrs.

C. Vers une politique communautaire de retour

Le second « chantier » de l'Union consiste à développer une politique des retours. Une politique d'asile doit nécessairement comporter des procédures d'éloignements effectifs des demandeurs déboutés.

La Commission européenne a présenté un Livre vert(134) sur ce sujet en avril 2002, en vue de définir des normes communes, qui a été suivi par un plan d'action du Conseil.

1) Le Livre vert sur le retour

La Commission y envisage notamment des normes communes en matière d'expulsion, de rétention et d'éloignement, afin d'élaborer une proposition de directive sur les normes minimales concernant les procédures de retour.

Le Livre vert comprend trois parties. La première partie souligne que le retour doit s'intégrer, tout en les complétant, dans les politiques communautaires existantes sur l'immigration et l'asile, et précise le champ d'application de la consultation. Les deux autres parties sont axées sur le rapprochement et le renforcement de la coopération entre Etats membres en matière de retour (deuxième partie) et sur la mise au point d'une politique de réadmission avec les pays tiers (troisième partie).

a) Le retour, partie intégrante d'une politique communautaire globale en matière d'immigration et d'asile

La première partie précise le champ d'application de l'analyse, qui ne porte que sur le retour des personnes en séjour irrégulier, dont le retour peut être forcé ou volontaire. La Commission rappelle que, pour des raisons humaines évidentes, le retour volontaire est préférable au retour forcé. Elle insiste cependant également sur l'effet dissuasif que peut avoir une politique de retour forcé à l'égard des immigrants clandestins potentiels.

En matière d'asile, le Livre vert précise que la politique de retour doit respecter les dispositions applicables aux rapatriés en matière de protection internationale et de droits de l'homme, notamment le principe de non-refoulement, en vertu de la Convention de Genève de 1951. Plus généralement, les retours doivent tenir compte de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui comprend deux articles relatifs au droit d'asile et à la protection en cas d'éloignement, d'expulsion et d'extradition (articles 18 et 19). Le droit à un recours effectif devant un tribunal doit également être garanti durant ces procédures, conformément à l'article 6 de la CEDH et à l'article 47 de la Charte.

La Commission souligne également la nécessité de développer une coopération avec les pays d'origine ou de transit concernés. Ce partenariat pourrait prendre la forme, entre autres, d'accords de réadmission ou d'un système d'aide financière afin de permettre aux rapatriés de passer le cap des premiers mois qui suivent leur retour.

b) Rapprochement et coopération renforcée entre Etats membres en matière de retour

La Commission envisage la définition de normes communes en ce qui concerne l'expulsion, la rétention et l'éloignement, afin d'élaborer une proposition de directive du Conseil sur les normes minimales concernant les procédures de retour.

En ce qui concerne les décisions d'expulsion, elle suggère de déterminer des motifs légaux d'expulsion - laquelle met fin à la régularité d'un séjour antérieur légal - plus détaillés que ceux figurant dans la directive 2001/40/CE relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants de pays tiers, adoptée en mai 2001. Une distinction serait ainsi introduite entre les motifs impérieux, fondés sur l'existence d'un danger exceptionnel, et les autres motifs légitimes. Les raisons impérieuses incluraient, par exemple, la condamnation à une peine privative de liberté pour avoir commis certaines infractions intentionnelles (comme le trafic de stupéfiants ou le terrorisme) ou pour avoir commis une ou plusieurs infractions pendant une période dont la durée serait commune à tous les Etats membres.

Une protection spéciale serait cependant accordée en faveur des résidents de longue durée, les membres de la famille d'un citoyen de l'Union, les réfugiés et les personnes bénéficiant d'autres formes de protection internationale, ainsi que les ressortissants de pays tiers qui sont nés dans un Etat membre et n'ont jamais vécu dans le pays dont ils ont la nationalité. Il conviendrait également de tenir compte des situations individuelles, notamment en cas de détresse excessive.

Les expulsions pourraient également être fondées sur la péremption du permis de séjour de la personne, ou sur un séjour excédant la période pendant laquelle elle bénéficiait d'une exemption de visa. Les motifs de révocation d'un permis de séjour seraient également harmonisés.

En matière de rétention dans l'attente de l'éloignement, la Commission envisage de définir des normes minimales, afin de déterminer les compétences des autorités responsables (de l'autorité judiciaire, en particulier), les groupes de personnes ne devant pas être placées en rétention ou que sous certaines conditions, les conditions de rétention (notamment les normes d'hébergement) et la durée maximale du maintien en rétention. Les solutions alternatives à la rétention, techniques ou légales, devraient également être évaluées.

Pour l'éloignement du territoire et la reconduite à la frontière, des normes minimales pourraient inclure une mesure de sauvegarde contre le refoulement, des exigences de base concernant l'état de santé physique et mental des personnes concernées, une protection spéciale pour les mineurs, des normes en matière de recours aux menottes et autres moyens d'immobilisation et sur les compétences des escortes. Une détermination commune des pays vers lesquels les personnes ne doivent temporairement plus être renvoyées pourrait également être mise en place, en coopération avec le HCR et l'ONU.

La Commission propose d'établir un système global contraignant en matière de reconnaissance mutuelle des décisions en matière de retour, qui aille au-delà de la directive 2001/40/CE. Des critères et des mesures pratiques devraient également être définis, afin de trouver une solution équitable aux déséquilibres financiers pouvant en résulter.

Un mécanisme permettant de prouver que la personne rapatriée a quitté le territoire, sous la forme d'une attestation de franchissement de la frontière, de déclaration au poste consulaire d'un Etat membre ou de preuve apportée par une organisation digne de confiance ayant participé au retour, pourrait aussi être mis en place. La coopération de la personne rapatriée pourrait être financièrement encouragée. Les personnes ayant volontairement quitté le territoire de l'Union pourraient bénéficier d'un traitement préférentiel lors d'une demande ultérieure de visa. A l'inverse, des restrictions pourraient être infligées aux personnes qui ont été expulsées ou éloignées du territoire, en particulier les ressortissants de pays tiers ayant été condamnés pour infraction grave.

Des règles de réadmission plus claires entre les Etats membres pourraient également être établies. En dehors du cadre de la convention de Dublin et du mécanisme de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, ainsi que de l'article 11 de la directive 2001/55/CE sur la protection temporaire, la réadmission n'a en effet lieu entre les Etats membres que sur la base d'accords de réadmission bilatéraux ou d'une coopération informelle. Elle pourrait s'accompagner de règles de transit entre les Etats membres. Un cadre commun pourrait être établi pour déterminer, par exemple, le recours à des escortes lors du transit par les aéroports d'autres Etats membres, ou des solutions pour les rapatriés soumis à l'obligation de visa ayant à franchir les frontières intérieures des Etats membres lors de leur retour.

La coopération opérationnelle pourrait être développée. Une meilleure connaissance des retours pourrait être atteinte en harmonisant les statistiques des Etats membres et en mettant en place un observatoire européen des migrations. Des mesures d'identification pendant les procédures de demande de visa pourraient être développées, et les données du futur système européen d'identification des visas en ligne seraient rendues accessibles aux fins du retour. Le réseau des officiers de liaison chargés de l'immigration, qui sont en poste dans des pays d'origine ou de transit, pourrait être renforcé afin de faciliter l'admission dans le pays concerné, aider les personnes qui regagnent leur pays et, le cas échéant, régler la question des escortes.

L'échange de meilleures pratiques, la mise en place de formations communes et des échanges d'informations sur les opérations de retour, de manière à partager les ressources, pourraient être mis en œuvre.

De nombreux projets visant à favoriser le retour volontaire de demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée et d'autres immigrants dans leur pays d'origine ont été financés, tant dans le cadre d'actions communes que du Fonds européen pour les réfugiés. Ces programmes étaient gérés par un Etat membre, ou par des organisations non gouvernementales.

L'expérience a montré que les projets les plus réussis, permettant un retour durable, comportaient notamment les éléments suivants : une connaissance suffisante du pays d'origine de la part de l'organisation mettant en œuvre le projet ; des liens de cette organisation avec le pays d'origine (bureau, personne de contact, etc.) ; la sélection des candidats au retour en fonction de leurs besoins et de l'offre du projet ; des conseils, une formation professionnelle, une aide antérieure et postérieure au retour et un suivi ; une aide aux communautés du lieu du retour.

Une opération d'évaluation commune de ces programmes pourrait être réalisée dans le cadre de la méthode de coordination ouverte. Il devrait en être tenu compte lors de la reconduction du Fonds européen pour les réfugiés, en 2004.

La création d'un programme de retour communautaire indépendant pourrait également être envisagée. La valeur ajoutée d'un tel programme apparaît clairement, selon la Commission. Ce programme pourrait couvrir le retour volontaire, le retour forcé et l'aide dont bénéficieraient les pays tiers pour rapatrier certaines personnes dans leur pays d'origine. Le rapatriement et la réinsertion en constitueraient les objectifs principaux. Une aide à l'installation dans les pays tiers qui admettent les immigrants est envisagée, ainsi qu'une assistance financière pour les frais de voyage individuels, le transport de biens personnels, les premières dépenses suivant le retour, ainsi qu'une aide limitée à l'installation.

c) Vers une politique commune de réadmission

La Commission rappelle que le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999 a invité le Conseil à conclure des accords de réadmission ou à insérer des clauses-types de réadmission dans d'autres accords conclus entre la Communauté européenne et les pays ou groupes de pays concernés. Elle propose trois critères pour la définition des pays avec lesquels des accords devraient être conclus : la pression migratoire sur l'Union européenne, la cohérence régionale et la proximité géographique de l'Union européenne. Cette suggestion a inspiré, pour partie, la liste des critères approuvés par le Conseil « Justice et Affaires intérieures » des 25 et 26 avril 2002.

Selon la Commission, les négociations en cours avec la Russie, le Maroc, le Pakistan, le Sri Lanka et les régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao montrent que la conclusion des accords de réadmission dépend dans une large mesure de l'« effet de levier » dont dispose la Commission. Or, dans le domaine de la « JAI », peu de choses peuvent être offertes en échange. En particulier, la facilitation de l'obtention de visas ou la suppression de l'obligation de visa ne peuvent constituer une possibilité réaliste que dans des cas exceptionnels (pour Hong Kong - avec laquelle le premier accord a été conclu - ou Macao par exemple). Le Livre vert suggère donc de renforcer la complémentarité de ces accords avec d'autres politiques communautaires.

Des accords de transit pourraient également être conclus avec des pays tiers, et des alternatives au rapatriement pourraient être définies en coopération avec des pays tiers.

2) Le plan d'action sur le retour

La Commission a reçu de nombreuses contributions émanant d'Etats membres(135), de pays candidats, de pays tiers, d'organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales, ainsi que d'autres autorités nationales et locales(136). Elle a également organisé une audition publique, le 16 juillet dernier, dont elle a publié une synthèse le 25 juillet.

Plusieurs Etats membres (la Belgique, le Royaume-Uni et l'Irlande, notamment), tout en approuvant le développement d'une politique communautaire en matière de retour, contestent la nécessité d'élaborer des normes communes dans ce domaine. Ils préconisent le renforcement de la coopération opérationnelle entre Etats membres et avec les pays tiers, et le recours à la méthode ouverte de coordination, plutôt qu'un cadre juridique contraignant.

Le Conseil européen de Séville du 22 juin 2002 a demandé l'adoption d'un programme d'action dans ce domaine. Ce plan d'action a été adopté le 28 novembre 2002, à l'initiative de la présidence danoise. Ce plan tient compte des réactions des Etats membres, et préconise, sur le modèle du Livre vert :

- un renforcement de la coopération opérationnelle entre Etats membres ;

- la définition de normes minimales à moyen et long terme ;

- des programmes de retour spécifiques à certains Etats, comme celui concernant l'Afghanistan ;

- la mise en place d'un instrument financier communautaire en matière de retour ;

- une coopération accrue avec les pays tiers.

Une politique commune de retour devrait, sur la base de ces orientations, se mettre en place. Le ministre de l'intérieur français a, en ce sens, annoncé, lors de son audition par la Délégation, sa volonté de développer les éloignements par vols groupés en coopération avec nos partenaires européens, notamment avec la Grande-Bretagne vers l'Afghanistan.

CONCLUSION

CONCLUSION

Les progrès de la politique européenne d'asile peuvent apparaître trop lents, et l'harmonisation apportée par les textes décevante. Certains regrettent même les effets pervers de cet construction, qui ne servirait qu'à introduire dans des textes européens des notions restrictives, que l'« alibi européen » permettrait ensuite d'introduire plus facilement en droit national.

Une telle vision doit être nuancée. Les travaux de l'Union européenne offrent l'opportunité aux Etats membres de confronter leurs pratiques nationales en matière d'asile, et de sélectionner les meilleures, sans a priori idéologique. Ils permettent ainsi d'élaborer, à terme, un régime d'asile à la fois plus efficace et plus juste, où les décisions seront rendues rapidement et dans le respect de nos valeurs partagées et de nos obligations internationales, en particulier de la Convention de Genève de 1951.

Les discussions des textes sont, certes, laborieuses, mais leur rythme souffre sans difficulté la comparaison avec la réalisation du marché intérieur, surtout si l'on prend en compte la sensibilité des questions abordées, tant du point de vue de la souveraineté des Etats membres que de leurs opinions publiques.

Cinq ans après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, il ne fait aujourd'hui plus guère de doute que le programme législatif prévu par celui-ci aura été accompli. La valeur ajoutée des textes est, peut-être, assez faible, mais le socle de la politique européenne d'asile est établi. Le passage à la majorité qualifiée qui en découle permettra d'approfondir cette construction d'un régime d'asile commun. L'Europe réunifiée sera ainsi à même de lutter plus efficacement contre le détournement des procédures d'asile, pour mieux répondre aux véritables besoins de protection internationale.{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

1) La Délégation s'est réunie le mardi 29 avril 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour auditionner M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur la politique de l'Union en matière d'asile, d'immigration et de coopération policière.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que la construction d'un espace de liberté, de sécurité, de justice est devenue une priorité majeure, depuis le traité d'Amsterdam, de la construction européenne. Les questions d'asile et d'immigration, la gestion des frontières extérieures et la coopération policière sont, de plus en plus fréquemment, placées au sommet de l'agenda politique européen, comme en témoignent les conclusions des nombreux conseils européens consacrés à ces sujets, de Tampere à Séville, en passant par celui de Laeken. Les progrès enregistrés en la matière ont été, jusqu'à présent, particulièrement lents, et les avancées réalisées souvent décevantes, en dépit d'une activité législative soutenue. La querelle franco-britannique sur le centre de Sangatte, à laquelle le ministre de l'intérieur a su mettre un terme, a souligné les insuffisances de la coopération européenne. Il est inacceptable que les frontières soient ouvertes pour les criminels, alors qu'elles restent fermées pour les magistrats et les policiers.

C'est pourquoi la Convention européenne a formulé des propositions très fortes dans ce domaine, lors du débat consacré aux articles concernant la « Justice et les affaires intérieures », le 3 avril dernier, qui s'inspirent des orientations présentées par la France et l'Allemagne dans une contribution commune en novembre 2002 ; propositions qu'a complétées, en mars dernier, une contribution franco-espagnole préconisant la création d'un « Comité de sécurité intérieure » (COSI).

L'Assemblée nationale et sa Délégation pour l'Union européenne suivent ces questions avec attention, comme en témoignent les deux rapports qui vont être examinés tout à l'heure, sur la politique européenne d'asile, de M Thierry Mariani, et sur l'avenir d'Europol, de M. Jacques Floch. Le Président Pierre Lequiller s'est réjoui que cette audition permette à la Délégation de faire le point sur l'état des négociations au sein du Conseil et à la Convention européenne sur ces sujets.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, a déclaré que le débat sur l'immigration a été confisqué aux Français pendant vingt ans, parce qu'il a été victime de deux obscurantismes : à droite, celui des tenants d'une « immigration zéro », à gauche, celui de ceux qui contestent à la France le droit de déterminer qui peut entrer sur son territoire. Ces deux extrêmes se sont nourris l'un de l'autre, et ont empêché les républicains de faire entendre la voix de la raison. Il n'y a eu que des anathèmes, et la question de l'immigration n'a pas pu être réellement débattue. Le projet de loi sur l'immigration qui va être présenté en conseil des ministres, demain mercredi 30 avril 2003, devrait permettre d'ouvrir un débat sans tabou.

Il ne peut y avoir de politique de l'immigration sans une ferme volonté de faire exécuter les décisions d'éloignement. Seuls 17 % des décisions d'éloignement sont appliquées, ce qui est très insuffisant. Ceux qui ont des papiers ne doivent pas être traités comme ceux qui n'en ont pas, et les décisions de justice doivent être exécutées. Il ne peut y avoir de politique républicaine d'immigration si l'on n'applique pas les procédures d'éloignement. Dans cet esprit, le ministre a annoncé qu'il rendrait compte, tous les mois, de l'exécution des décisions d'éloignement, comme pour la lutte contre la délinquance, parce qu'il ne peut y avoir de démocratie sans transparence.

Le ministre a annoncé son intention de développer les vols groupés européens. Les Etats membres sont confrontés aux mêmes difficultés et doivent y apporter des réponses communes. La France a, dans ce sens, déjà réalisé plusieurs éloignements en coopération avec l'Espagne, vers la Roumanie. Depuis le 1er janvier 2003, 528 personnes ont ainsi été reconduites collectivement, soit par des lignes régulières, soit par des vols spéciaux. Un vol groupé par semaine sera organisé vers la Roumanie. La coopération avec les pays d'origine doit également être intensifiée. Ainsi, la semaine dernière, ce sont des policiers sénégalais qui ont raccompagné des Sénégalais chez eux, en application d'un accord conclu avec le Président du Sénégal, M. Abdoulaye Wade. Le ministre a rappelé qu'il ne voit pas ce qui pourrait constituer une atteinte aux droits de l'homme dans cette politique. La France n'est pas la seule à organiser régulièrement des reconduites groupées. L'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume Uni en ont déjà réalisé plusieurs. Les Pays-Bas, par exemple, ont mené 26 vols groupés en 2002. Cette question transcende clairement les clivages politiques. La France va intensifier ce partenariat, notamment avec le Royaume-Uni vers l'Afghanistan.

Le ministre a ensuite abordé la question du renforcement des contrôles à l'entrée de l'espace Schengen et, en particulier, du compostage des passeports. L'espace Schengen n'a pas été créé pour que chaque Etat se « repasse » les personnes dont il ne veut pas. Le délai de séjour autorisé de trois mois pour les ressortissants étrangers qui ne sont pas soumis à visa ou pour les personnes entrées avec un visa touristique n'est, trop souvent, pas respecté. Il faut un compostage systématique des documents de voyage à l'entrée et à la sortie de l'espace Schengen et que tout étranger arrivant avec un passeport non composté soit présumé avoir dépassé ce délai. Il y a une règle, il faut pouvoir la faire respecter et, le cas échéant, sanctionner les infractions. Aujourd'hui, trop d'étrangers entrent en France de manière légale et s'y maintiennent illégalement.

M. Nicolas Sarkozy a également évoqué la nécessité de trouver d'autres techniques, pour rendre les contrôles aux frontières extérieures plus fluides et plus fiables. La France a présenté au Conseil « Justice et affaires intérieures » une demande portant sur l'introduction de données biométriques dans les documents de voyage, les visas et les titres de séjour. Les Allemands préféreraient que l'on ait recours à l'iris de l'œil, les Français plutôt aux empreintes digitales. Cette question n'est pas essentielle ; ce qui importe c'est d'adopter des contrôles biométriques identiques. Ce sujet sera abordé lors de la réunion des ministres de l'intérieur et de la Justice du G8 du 5 mai prochain, à Paris.

En ce qui concerne la création d'une police européenne des frontières, le ministre a souligné qu'avec l'élargissement de l'Europe, une part importante du contrôle aux frontières reviendrait aux Etats adhérents. Demain, ce seront, par exemple, la Roumanie et la Bulgarie qui seront le nouveau garde-frontières de la zone Schengen. Leurs ressortissants seront, avec l'adhésion, moins candidats à l'émigration compte tenu de l'élévation attendue de leur niveau de vie, mais ces pays n'auront pas la capacité d'effectuer un contrôle effectif de ces frontières. La France doit jouer un rôle moteur dans la mutualisation des moyens de contrôle des frontières extérieures et aider les pays qui ont une frontière extérieure à l'Europe à la contrôler. Cela coûtera d'ailleurs moins cher que d'assurer seul cette fonction. On peut s'interroger sur la nécessité d'aller jusqu'à la création d'un corps de gardes-frontières européens. Le ministre a estimé que cela pouvait être un objectif de long terme, et qu'il faut, en tout cas, au moins mettre en place des formations communes. A défaut d'un corps commun, une aide financière, la création d'officiers de liaison et l'intensification des échanges d'informations sont indispensables. C'est grâce à cela que des résultats concluants, comme ceux des opérations « Babylone », qui ont permis de démanteler des filières irako-kurdes de trafic d'êtres humains en 2002, pourront être obtenus. Il est, en tout état de cause, nécessaire que les patrouilles communes se développent. Le ministre a par ailleurs regretté que la liberté des personnes et des biens, principe général en Europe, ne s'applique pas aux policiers.

M. Nicolas Sarkozy a ajouté que la nécessité d'harmoniser les législations constitue un deuxième grand débat. Il a rappelé que l'Europe devait faire face à plusieurs flux migratoires, venant principalement d'Afrique, d'Europe de l'Est (en particulier de la Russie, de l'Ukraine et de la Moldavie), d'Amérique du Sud et, plus récemment, d'Asie (de la Chine notamment, qui compte 17 millions de personnes de plus chaque année). Faute d'une telle harmonisation, l'Union européenne serait confrontée non seulement à un problème de flux migratoire extérieur, mais aussi à des problèmes de migrations internes. L'affaire de Sangatte
- devenue la capitale mondiale du passage vers l'Angleterre - l'a bien montré. On peut se féliciter à cet égard que la Grande-Bretagne ait modifié sa législation en matière de contrôle d'identité.

Etant donné que la condition, pour faire partie de l'Europe, est avant tout d'être une démocratie, si un Etat européen refuse l'asile à un ressortissant d'un pays tiers, il est logique que ce refus soit immédiatement exécutable dans tous les autres Etats de l'Union. De même, la liste des pays dits non reconductibles devrait être la même dans l'ensemble des Etats de l'Union.

Le ministre s'est également déclaré favorable à une procédure d'asile allégée lorsque les demandeurs viennent de pays d'origine sûrs. On ne peut, à l'évidence, pas traiter de la même manière les demandes éventuelles émanant de ressortissants des futurs Etats membres et celles de la Corée du Nord. Il convient, là aussi, de définir des règles communes, qui ne conduisent pas à abdiquer pour autant la souveraineté nationale, mais au contraire, à la renforcer. Le ministre a marqué son intérêt pour la proposition avancée par le gouvernement britannique de créer une zone protégée pour recevoir les demandeurs d'asile dans un pays limitrophe d'un lieu de guerre ou d'une catastrophe humanitaire ; cette zone serait placée sous le contrôle du Haut commissariat aux réfugiés et pourrait bénéficier d'un financement communautaire et de l'action de bureaux européens sur place.

Il a constaté la difficulté de progresser dans ces domaines en raison, d'une part, de traditions diverses d'un pays européen à l'autre et, d'autre part, du fait que le problème de l'immigration se pose avec une acuité différente selon les Etats. Cette situation le conduit à plaider en faveur d'une coopération renforcée - ou de la création d'un groupe pionnier - par les Etats de l'Union particulièrement confrontés à ces problèmes d'immigration - à savoir l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Italie, et, dans une certaine mesure, la Belgique. En outre, il est nécessaire de passer, dans ce domaine, à l'adoption de décisions du Conseil à la majorité qualifiée pour pouvoir prendre rapidement les mesures adéquates. En effet, s'il faut attendre l'accord des Quinze, puis des Vingt-cinq, pour agir, on peut craindre de devoir attendre longtemps. Il s'agit moins, d'ailleurs, de prendre des mesures définitives, que des mesures concrètes, pragmatiques, immédiates, qui peuvent être, au besoin, réversibles. C'est en additionnant un ensemble de mesures pertinentes qu'on peut mener une politique efficace dans ce domaine, alors que l'addition d'absences de décision pourrait être, au contraire, catastrophique et favoriser la xénophobie.

M. Thierry Mariani, rapporteur, après avoir souligné que les réformes communautaires s'accéléraient dans ce secteur, a rappelé que l'on a compté environ 80 000 demandes d'asile en 2001 (48 000 demandes d'asile conventionnel et 31 000 demandes d'asile territorial) et qu'environ 8 000  demandes ont été acceptées. On se trouve donc confronté à plus de 70 000 déboutés du droit d'asile. Il a précisé, à ce sujet, que si certains demandeurs d'asile attendent trop longtemps pour obtenir l'asile, d'autres profitent des procédures existantes pour se maintenir illégalement sur le territoire.

Il a demandé au ministre si, compte tenu du caractère incomplet de la réglementation existante, une politique commune de reconduite des déboutés du droit d'asile sera mise en place. Il a souhaité savoir si la liste des pays d'origine sûrs doit être définie en fonction de critères déterminés ou simplement par l'énumération des pays concernés. Il a demandé des précisions sur les discussions communautaires relatives à la proposition britannique de zones d'accueil et de transit pour les demandeurs d'asile.

M. Jacques Floch, rapporteur, a indiqué qu'il convenait d'évoquer non seulement les conséquences, mais aussi les causes de l'immigration, en particulier les difficultés économiques de nombreux pays en développement. Cette situation doit inciter à une politique d'aide au développement adaptée vis-à-vis de ces pays.

Il a souligné qu'Europol, qui n'existe que depuis cinq ans et fonctionne véritablement depuis seulement deux ans, présente des dysfonctionnements. Il est par ailleurs nécessaire d'utiliser davantage cet organisme : la France, qui contribue pour 17 % à son financement, ne représente que 7,74 % des échanges d'informations. Enfin, on note un manque de fonctionnaires français au sein de cette instance. Il a rappelé que les cinq grands pays européens particulièrement confrontés au problème de l'immigration - cités par le ministre - font aussi partie des pays les plus riches du monde.

Il a souligné, par ailleurs, le fait que l'absence de compostage des passeports était autant le fait des migrants que des services douaniers. Or, les travaux de la Convention européenne ont montré, sur ce point, certaines résistances à renforcer les contrôles.

En réponse aux rapporteurs, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- les personnes qui se verront refuser le droit d'asile seront raccompagnées dans leur pays d'origine. L'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) fera l'objet d'une prochaine réforme. Les personnes en zone de transit à l'aéroport de Roissy sont en attente d'une éventuelle admission en France, alors que les demandeurs d'asile ont été provisoirement admis en France pendant la durée de l'examen de leur demande ;

- en ce qui concerne les pays d'origine sûrs, il est préférable d'opter pour une liste de pays plutôt que pour un ensemble de critères ;

- il est prioritaire de s'attacher concrètement à résoudre les problèmes liés à l'immigration, ce qui n'exclut pas une réflexion sur les causes de l'immigration. Parmi celles-ci, il y a le sous-développement, mais aussi la volonté inhérente à la nature humaine d'aller chercher ailleurs une vie meilleure. Le mélange et la diversité sont des sources de vitalité pour les civilisations.

L'immigration de ressortissants maliens en France représente un apport de 60 millions d'euros annuels pour le budget du Mali ; dans certains villages autour de Bamako, jusqu'à 60 % de la population en âge de travailler a immigré en France. Cette population ne pose pas de problèmes importants d'insertion en France. S'agissant de la Chine, on pourrait répondre plus largement aux demandes de visa d'étudiants chinois si on tolérait moins de clandestins ;

- il est exact que dans certains pays membres de l'espace Schengen, comme par exemple l'Allemagne, l'obligation de compostage des passeports n'est pas toujours respectée, ce qui met en cause son bon fonctionnement. En l'absence de compostage, la fraude sera présumée ;

- il existe actuellement deux « eurocrimes » : la contrefaçon de l'euro et l'atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Cette liste pourrait être utilement complétée. N'y figurent, par exemple, ni les trafics de drogues ou d'êtres humains, ni la cybercriminalité. La coopération bilatérale fonctionne bien, ce qui n'est pas le cas de la coopération multilatérale, du fait, en particulier, de la diversité des cultures et des systèmes judiciaires. L'existence d'une coopération policière implique la mise en place d'une autorité judiciaire commune par le biais d'un parquet européen.

M. Jacques Myard a salué le réalisme pragmatique manifesté par le ministre pour prendre en compte les questions liées à l'immigration. Il a estimé que l'on n'était qu'au début d'un phénomène migratoire qui allait se révéler de plus en plus important. Il a considéré que l'espace Schengen était « bon à 95 % », mais qu'il pâtissait de « 5 % d'utopie ». Il a jugé qu'il aurait fallu arrêter avant qu'ils n'arrivent à Sangatte les clandestins désireux d'immigrer en Grande-Bretagne.

Approuvant l'idée de vols groupés pour les personnes en situation illégale, il a estimé que l'on avait tendance à confondre liberté de circulation et absence de contrôle et que dans une Europe à vingt-sept, le principe fondamental de la liberté de circulation sera nécessairement remis en cause.

M. Pierre Lellouche a félicité le ministre pour la force de son engagement. Il a rejoint l'opinion exprimée par M. Jacques Myard en estimant que l'on n'était effectivement qu'au début d'un phénomène d'augmentation des pressions migratoires. Soulignant que la population africaine allait tripler dans les trente prochaines années, il a précisé que la tranche d'âge située entre 15 et 25 ans représenterait alors 500 millions de personnes, dont on pouvait estimer qu'un dixième au moins souhaitera immigrer en Europe. Il a considéré que cette situation devait conduire à un changement qualitatif de la politique de l'immigration.

Il a souhaité connaître le nombre estimé de clandestins en France et a interrogé le ministre sur l'idée de fixer des quotas d'immigration par pays qui pourraient être liés à certains besoins particuliers de main-d'œuvre dans notre pays. En concluant, il a considéré que la « double peine » n'était en réalité qu'une peine accessoire dans la mesure où il était généralement admis que lorsqu'un étranger commet un crime, il est ensuite expulsé.

M. Michel Herbillon a approuvé la démarche pragmatique et réaliste du ministre. Il a souhaité avoir des précisions sur la nature des coopérations renforcées envisagées dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Il a interrogé le ministre sur les informations selon lesquelles un « second Sangatte » serait en train de se mettre en place aux abords de la gare du Nord à Paris.

En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes : 

- s'agissant de Sangatte, les difficultés rencontrées sont liées à la
non-appartenance du Royaume-Uni à l'espace Schengen. Le système actuel de la Convention de Schengen doit encore être amélioré, notamment en ce qui concerne la prise en charge financière du retour des étrangers en situation irrégulière. Sur ce point, il convient de mutualiser les coûts. La liberté de circulation, acquis communautaire fondamental, ne doit pas être remise en cause par le prochain élargissement. Les craintes exprimées lors des précédents élargissements de l'Europe à la Grèce, à l'Espagne et au Portugal se sont révélées infondées et il faut être confiant quant à la capacité d'intégration des nouvelles démocraties de l'Est ;

- le nombre de clandestins présents en France est évalué entre 200 000 et 300 000, alors que 20 000 à 30 000 nouvelles personnes entreraient chaque année irrégulièrement sur notre territoire. La France a l'objectif d'une reconduite à la frontière d'un nombre similaire d'individus afin de parvenir à stabiliser la situation ;

- la question des quotas est un sujet tabou, ce qui est regrettable. Des précisions doivent cependant être apportées. Devrait-il s'agir de quotas par professions ? par catégories socioprofessionnelles ? En tout état de cause, l'instauration de quotas ne devrait pas aboutir à démunir les pays d'émigration de leurs élites ;

- sur la double peine, il faut clarifier le débat en distinguant les étrangers de ceux qui ne le sont que d'un point de vue formel, en raison de l'ancienneté de leurs attaches sur le territoire français. Pour les cas d'étrangers ayant des enfants français, rien ne justifie d'infliger à une famille française la sanction du retour d'un parent dans son pays d'origine. Il s'agit là d'une discrimination car elle conduit à sanctionner plus sévèrement une infraction lorsqu'elle est commise par un étranger. Le ministre a plaidé en faveur de l'équilibre de la politique du Gouvernement qui doit être ferme pour être juste. Cet équilibre essentiel résulte d'une conciliation entre les principes de répression et de générosité à laquelle les citoyens sont sensibles. L'opinion publique est toujours prête à entendre un discours de vérité, de sincérité et d'authenticité. En établissant un parallèle entre le débat sur la double peine et celui sur la prostitution, on ne peut que se féliciter que le Parlement soit redevenu, à cette occasion, un véritable lieu de débat, digne et respectueux des idées de chacun ;

- en ce qui concerne le recours aux coopérations renforcées, la France a engagé une initiative en ce sens avec cinq pays, une réunion devant avoir lieu le 18 mai prochain en Espagne ;

- s'exprimant sur la question kurde, M. Ruud Lubbers, Haut-commissaire des Nations unies aux réfugiés, propose l'application d'un moratoire de trois mois pour l'expulsion des Kurdes - qui ne sont d'ailleurs pas reconductibles -, l'organisation de leur retour devant être, au terme de cette période, organisée par le HCR. Cette proposition doit être examinée avec soin et il est souhaitable de gérer humainement cette question difficile, mais une régularisation massive n'est pas réaliste.

En conclusion, le ministre s'est déclaré heureux que les questions européennes puissent faire l'objet d'un vrai débat alors qu'elles sont trop souvent traitées de façon théorique et peu claire.

2) La Délégation s'est réunie le même jour pour examiner le présent rapport d'information.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la Délégation a adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

EXPOSE DES MOTIFS DE LA PROPOSITION
DE RESOLUTION

La « communautarisation » du droit d'asile est, depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, en 1999, un processus en cours. Il conduira à la mise en place d'un « régime d'asile européen commun », dont la première phase devrait être opérationnelle pour le 1er janvier 2004. Ce régime reposera, conformément aux orientations définies par le Conseil européen de Tampere en octobre 1999, sur une « procédure d'asile commune et un statut uniforme valable dans toute l'Union », dans le respect de la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951. Les objectifs affirmés sont ambitieux, et l'Assemblée nationale doit suivre les travaux de l'Union européenne dans ce domaine avec une attention particulière.

L'harmonisation européenne des législations nationales constitue une nécessité urgente. Les travaux avancent cependant difficilement, en raison de la règle de l'unanimité et parce que l'asile constitue une question sensible, qui touche aussi bien à la souveraineté qu'à l'histoire des Etats membres.

Le projet de proposition de résolution qui vous est soumis porte sur les deux textes les plus importants restant en discussion. Ces deux propositions de directive concernent la définition du réfugié et de la protection subsidiaire et le contenu de ces statuts, d'une part, et les normes minimales applicables aux procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié, d'autre part. Elles constituent le cœur du système européen d'asile en cours d'élaboration, et ont été examinées au regard des normes internationales (la Convention de Genève et la Convention européenne des droits de l'homme, principalement) et constitutionnelles pertinentes, et en tenant compte des objectifs de la réforme en cours sur le droit d'asile, en particulier en ce qui concerne le raccourcissement des délais.

L'adoption de ces propositions, au plus tard à la fin de l'année 2003, achèvera la première phase d'harmonisation devant aboutir, à terme, à une procédure d'asile commune et à un statut uniforme. Ces propositions permettront à l'Union de développer une véritable politique d'asile, dans le respect de nos valeurs partagées et de nos obligations internationales, en particulier de la Convention de Genève de 1951.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres (COM [2000] 578 final / E 1611),

Vu la proposition de directive concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers et les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou de personne qui, pour d'autres raisons, a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (COM [2001] 510 final / E 1870),

Vu l'initiative de l'Autriche en vue de l'adoption d'un règlement du Conseil fixant les critères permettant de déterminer les Etats tiers pouvant être considérés comme sûrs pour assumer la responsabilité de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un Etat membre par un ressortissant d'un pays tiers et établissant une liste des Etats tiers européens sûrs (14712/02 / E 2192),

I. En ce qui concerne la proposition de directive définissant les conditions à remplir pour prétendre au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire et le contenu de ces statuts :


1. Se félicite de la prise en compte des persécutions émanant d'agents non étatiques, qui permettra à la France de mettre sa pratique en cohérence avec celle de ses partenaires européens et avec la doctrine du Haut commissariat pour les réfugiés des Nations unies ;


2. Approuve la définition retenue des acteurs de protection, qui inclut la protection par des autorités de fait ou par une organisation internationale sous réserve que celle-ci soit effective ;

3. Approuve la notion de protection à l'intérieur du pays, dans la mesure où celle-ci fait l'objet d'une définition encadrée et prudente ;

4. Se réjouit qu'une définition harmonisée de la protection subsidiaire figure dans la proposition de directive ;

5. Recommande que des droits égaux, à l'exception de la durée du titre de séjour, soient conférés aux réfugiés et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire.


II. En ce qui concerne la proposition de directive sur les normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié :


6. Souhaite qu'une approche moins juridictionnelle soit adoptée en ce qui concerne la première étape du traitement des demandes d'asile, qui constitue une phase administrative et non contentieuse ;

7. Approuve la notion de « pays d'origine sûr », dans la mesure où elle ne fait pas obstacle à un examen individuel de chaque demande et où sa définition est rigoureuse ;

8. Souhaite qu'une liste commune de ces pays, facilement révisable en fonction des évolutions de la situation internationale, soit adoptée au niveau européen, après une évaluation à laquelle le HCR devrait être associé ;

9. N'accepte, en revanche, la notion de « pays tiers sûr » que dans la mesure où le recours à cette notion reste optionnel et où la France n'en fera pas usage ;


10. Recommande que la rédaction de l'article 35 de la proposition permette à la France de maintenir les spécificités de sa procédure d'asile à la frontière ;

11. Se félicite que des garanties spécifiques aux mineurs non accompagnés figurent dans la proposition.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes auditionnées

I. A Bruxelles

- M. Jean-Louis DE BROUWER, chef de l'unité « Immigration et asile », M. Richard LEWIS, chef d'unité adjoint, Direction générale Justice et affaires intérieures, Commission européenne ;

- M. Charles ELSEN, directeur général « Justice et affaires intérieures », M. Enrique GONZALEZ SANCHEZ, directeur, Mme Danièle LAVEAU, chef d'unité, secrétariat général du Conseil de l'Union européenne ;

- Mme Maria Teresa GIL-BASO, représentante du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE) auprès de l'Union européenne ;

- M. Hervé MASUREL, préfet, chef du secteur « Justice et affaires intérieures » à la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.

II. A Paris

- M. Christophe CHARRIERE, lieutenant de la police aux frontières, groupe d'analyse et de suivi des affaires d'immigration, direction de la police aux frontières de Roissy Charles de Gaulle, ministère de l'intérieur ;

- M. Louis DECAMP, directeur de la police générale, M. Jean DE CROONE, chargé de la sous-direction de l'administration des étrangers, préfecture de police de Paris ;

- M. Patrick DELOUVIN, chef du service des Réfugiés de la section française d'Amnesty International, secrétariat de la Confédération française pour le droit d'asile ;

- M. Stéphane FRATACCI, maître des requêtes au Conseil d'Etat, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, ministère de l'intérieur ;

- M. Jean GAEREMYNCK, conseiller d'Etat, directeur de la population et des migrations, ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité ;

- M. François JULIEN-LAFERRIERE, professeur de droit public à l'université Paris-Sud, Institut d'études de droit public, membre du réseau Odysseus ;

- M. Shana KANINDA, délégué adjoint, Délégation française du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ;

- M. Eric LUBIN, sous-directeur de l'asile et de l'immigration, ministère des affaires étrangères, Mme Chantal VIE, chargée de mission auprès du sous-directeur de l'asile et de l'immigration, ministère des affaires étrangères ;

- Mme Catherine TEITGEN-COLLY, professeur de droit public à l'université Paris-Sud, Institut d'études de droit public, membre de Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) ;

- M. Jean-Ange TOMI, président du conseil d'administration, Inspecteur général des Affaires sociales honoraire, M. Blaise MIGNANO, directeur des services administratifs et financiers, centre d'accueil des demandeurs d'asile de l'Association pour l'accompagnement social et administratif des migrants et de leurs familles ;

- M. Pierre VIAUX, ambassadeur de France, directeur de l'Office de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), ministère des affaires étrangères.

III. A Avignon

- Mme Lise GALAS, directeur des libertés publiques, préfecture du Vaucluse.

Annexe 2 :
Eléments de droit comparé sur le droit d'asile dans
les Etats membres de l'Union européenne

Le droit d'asile en Allemagne

I - LA LÉGISLATION ACTUELLEMENT EN VIGUEUR

A - Les différentes formes d'asile

1) Le droit d'asile reconnu par la Loi fondamentale

Encore appelé "grand asile" (grosses Asyl), ce droit est accordé, conformément à l'article 16 de la Loi fondamentale, aux personnes faisant l'objet d'une persécution politique.

Cette notion exige que deux conditions soient remplies :

- d'une part, le demandeur d'asile a dû quitter son pays d'origine, en raison de la persécution politique dont il souffre ou dont il est menacé ;

- d'autre part, cette persécution doit être le fait d'un Etat, ce qui exclut par exemple, la persécution subie à la suite de l'effondrement des structures étatiques d'un pays ou à l'occasion d'une guerre civile. L'exemple de l'Afghanistan est, à cet égard, cité.

La notion de persécution politique suppose également qu'elle soit subie en raison de la race, de la religion ou de la nationalité des membres d'un groupe social déterminé ou des opinions politiques de ces derniers.

L'application de cette dernière condition a soulevé des difficultés en ce qui concerne en particulier, les persécutions fondées sur l'orientation sexuelle des demandeurs - c'est-à-dire leur homosexualité - ou sur leur appartenance sexuelle.

Pour ce qui est du premier point, la jurisprudence, après avoir admis la reconnaissance de l'asile aux homosexuels persécutés pour ce motif, a tenu à être plus restrictive en exigeant que les intéressés rapportent la preuve que leur homosexualité est irréversible.

Quant au motif tiré de l'appartenance sexuelle - qui pose le problème de la persécution subie par les femmes en tant que telles - il n'était pas, jusqu'alors, pris en compte. La nouvelle législation (cf. II ci-dessous), prévoit de supprimer cette exclusion.

Le statut de demandeur d'asile est refusé aux personnes reconnues comme étant susceptibles de bénéficier d'un asile intérieur - comme c'est le cas des Kurdes de Turquie, dont on considère, en Allemagne qu'ils peuvent bénéficier d'une protection à l'Ouest de cet Etat.

Enfin, l'asile peut être accordé au demandeur, à son conjoint (ou conjointe) et à ses enfants mineurs.

2) Le petit asile

Aux termes de l'article 51 de la loi sur les étrangers, l'expulsion des étrangers menacés de persécution est interdite.

Cette procédure dite du petit asile permet aux réfugiés de présenter une demande, lorsqu'ils n'ont pu bénéficier de la procédure du grand asile (voir 1 ci-dessus).

Elle trouve à s'appliquer, par exemple, lorsque des réfugiés exercent des activités politiques qui seraient autorisées en Allemagne mais non dans leur pays d'origine, où elles donneraient lieu à persécution.

L'asile accordé au titre de cette procédure confère aux intéressés un statut juridique identique à celui dont bénéficient les réfugiés au titre de la Convention de Genève. Ainsi, le certificat Nansen leur est délivré s'ils ne disposent pas d'un passeport.

Comme les réfugiés "conventionnels", ils bénéficient d'un permis de travail.

Enfin, le statut de réfugié peut être également accordé au conjoint (ou à la conjointe) du demandeur et à leurs enfants mineurs.

3) L'article 53 de la loi sur les étrangers

Cette disposition a pour objet d'interdire l'expulsion d'un étranger vers un État dans lequel il risque d'être torturé. L'étranger doit alors apporter la preuve de l'existence d'un tel risque, car est jugée insuffisante l'argumentation selon laquelle un groupe humain déterminé est menacé de tortures.

Aux termes de ce même article 53, l'expulsion d'un étranger est également interdite vers l'État où il risque une condamnation à mort.

L'article 53 reprend ainsi des dispositions analogues à celles de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prohibent tout traitement inhumain et dégradant.

L'article 53 est très rarement appliqué dans les faits.

4) L'article 32a de la loi sur les étrangers

En vertu de cette disposition, les réfugiés victimes de guerres et de guerres civiles peuvent bénéficier d'une autorisation de séjour provisoire. Cette disposition ne s'applique toutefois qu'aux réfugiés appartenant à des groupes auxquels l'Etat fédéral et les Länder acceptent, d'un commun accord, d'accorder le bénéfice de cette réglementation.

L'article 32 n'a été réellement appliqué que dans le cas des réfugiés de Bosnie et du Kosovo.

B - La procédure d'octroi de l'asile

1) L'examen de la demande

Depuis le 1er juillet 1993, la procédure comprend deux étapes, conformément à la loi sur la procédure de l'asile, qui concernent :

- la répartition des demandeurs ;

- l'audition du demandeur et la notification de la décision.

Cette décision peut faire l'objet de différents recours.

a) La répartition des demandeurs

Si le demandeur d'asile n'est pas refoulé par la police des frontières, cette dernière la conduit à l'office d'accueil pour les réfugiés le plus proche (1).

Cette administration examine, à l'aide du système informatisé EASY (Erst Verteilung von Asylbewerbern - Première répartition des demandeurs d'asile) s'il lui appartient d'instruire la demande et d'assurer l'hébergement du demandeur.

Le système EASY a, en effet, pour objet de déterminer une répartition - en pourcentage - entre les 16 Länder, de l'examen des demandes d'asile : ce chiffre s'étage entre 1 % pour le Land de Brême à 22,4 %, qui est le taux le plus élevé, pour le Land du Rhin du Nord - Westphalie.

Si l'office saisi n'est pas celui qui est géographiquement compétent, la demande d'asile est renvoyée à l'office du Land le plus proche;

L'office compétent examine alors s'il s'agit d'une première demande, d'une nouvelle demande ou même d'une demande multiple (2).

En second lieu, il procède à une comparaison avec les données détenues par le registre central des étrangers situé à Cologne. Le demandeur obtient une autorisation de séjour temporaire jusqu'à ce que sa demande ait été examinée.

b) L'audition du demandeur et la notification de la décision

· L'audition du demandeur

Cette audition a lieu quelques jours après le dépôt de la demande.

Cette audition doit permettre certes de connaître les motifs de la demande d'asile, mais surtout d'examiner si celle-ci est recevable, c'est-à-dire si elle n'est pas déposée par des ressortissants d'États tiers sûrs ou de pays d'origine sûrs.

Sont considérés comme Etats tiers sûrs, outre tous les Etats membres de l'Union européenne, la Norvège, la Pologne, la Suisse et la République Tchèque. Cette notion a été introduite à la suite de la modification de l'article 16a de la Loi fondamentale et recouvre comme le rappelle son deuxième alinéa, des Etats appliquant la Convention de Genève et la Convention européenne des droits de l'homme.

Sont qualifiés de pays d'origine sûrs : la Bulgarie, le Ghana, la Pologne, la Roumanie, le Sénégal, la Slovaquie, la République Tchèque et la Hongrie. Ces Etats tiennent leur qualification du fait qu'ils sont supposés ne pas pratiquer des traitements inhumains et dégradants, cette supposition demeurant valable aussi longtemps que le demandeur d'asile n'en a pas rapporté la preuve contraire.

Le demandeur d'asile peut se faire assister d'un avocat, dont les honoraires sont à sa charge. Il en est de même de l'interprète, dont il sollicite le concours.

La réglementation ne prévoit pas la possibilité de consulter un représentant du HCR.

· La notification de la décision

La décision est prise par une seule personne - Einzelentscheider (littéralement l'autorité unique de décision) - qui est un haut-fonctionnaire ou un agent de statut équivalent, disposant d'une totale liberté de décision. Cette autorité n'est soumise à aucune instruction.

La décision rendue peut déboucher soit sur l'octroi du statut de réfugié, soit sur le rejet de la demande.

Dans le premier cas, l'intéressé peut obtenir un droit de séjour permanent et jouir de divers droits sociaux (voir ci-dessous).

Dans le second cas, la décision de l'Administration peut revêtir différents aspects :

- Le statut de réfugié n'est pas accordé, mais celui consacré à l'article 51 de la loi sur les étrangers - c'est-à-dire le petit asile ou encore l'asile conventionnel - est octroyé à l'étranger. Ce dernier bénéficie alors d'un titre de séjour, qui, au terme d'un délai de huit ans, est transformé en droit de séjour permanent ;

- La demande d'asile est considérée comme non-fondée ou comme manifestement infondée ; l'intéressé peut alors se voir ou non accorder une protection contre l'expulsion en application de l'article 53 de la loi sur les étrangers. Une demande est considérée comme manifestement infondée, lorsqu'il est évident que le souhait de l'étranger de séjourner repose sur des motifs d'ordre économique ou sur la volonté d'échapper à une situation de détresse ou à un conflit armé.

Il en est également de même, lorsque la teneur de la demande et les faits s'avèrent contradictoires ou lorsque les preuves produites ont été falsifiées ou encore lorsque l'étranger a fourni de fausses indications sur sa nationalité.

Une demande est considérée comme non fondée, lorsque l'étranger ne peut bénéficier du statut de réfugié ni au titre de la procédure du grand asile (article 16 de la Loi fondamentale) ni à celui de la procédure du petit asile.

- La demande est jugée comme étant sans intérêt, au motif que l'intéressé provient d'un État tiers sûr.

c) Les recours contre la décision de l'Administration

On notera tout d'abord que l'Etat peut introduire un recours contre une décision accordant le statut de réfugié, ce qu'il fait, semble-t-il, de façon générale.

Contre les décisions de refus, des recours juridictionnels et des recours non juridictionnels sont ouverts aux intéressés.

· Les recours juridictionnels

Les modalités de ces recours varient selon les motifs du sujet de la demande.

- Si la demande est considérée comme non fondée - parce qu'elle n'ouvre droit ni à la procédure du grand asile ni à celle du petit asile - l'étranger doit introduire un recours dans un délai de deux semaines devant la juridiction administrative. Il dispose de deux semaines supplémentaires pour motiver son recours. Celui-ci a un effet suspensif, lequel interdit toute expulsion. La procédure devant le juge administratif est orale.

Dans des cas rares, l'étranger peut se pourvoir en appel devant la Cour administrative d'appel.

Enfin, il dispose également, après épuisement des voies de recours, de la possibilité d'introduire un recours devant la Cour constitutionnelle.

- Lorsque la demande est manifestement infondée, l'étranger doit introduire un référé devant le tribunal administratif contre une décision visant à l'expulser dans un délai de huit jours - et dans le même délai - un recours contre le rejet de la demande d'asile.

Le référé a un effet suspensif. En revanche, si l'étranger décide d'introduire un recours contre la seule décision de rejet, ce dernier est dépourvu d'effet suspensif.

Contre la décision du tribunal, l'étranger peut se pourvoir en appel et - en dernier ressort - introduire un recours devant la Cour Constitutionnelle.

- Lorsque la demande est dépourvue de tout intérêt, l'intéressé doit quitter le territoire allemand dans un délai de huit jours. S'il décide d'introduire un recours juridictionnel, celui-ci ne comportera aucun effet suspensif.

· Les recours non juridictionnels

- Une nouvelle demande d'asile peut être introduite soit parce que la demande initiale a été rejetée pour des motifs de droit, soit parce qu'elle a émané du ressortissant d'un "Etat tiers sûr".

Pour que cette nouvelle demande soit recevable, l'intéressé doit produire de nouvelles preuves attestant qu'il est exposé à une persécution politique, et faire état de faits nouveaux qui montrent, par exemple, qu'il encourt un risque dans son pays d'origine en raison de l'activité politique qu'il déploie en exil, ou des changements politiques qui y sont intervenus.

L'Office fédéral pour les réfugiés examine alors le sérieux de la nouvelle demande dans un délai de trois mois suivant la date à laquelle l'intéressé a produit les nouvelles pièces et preuves.

En cas de rejet de la demande, l'étranger peut introduire un référé dans un délai de huit jours auprès du tribunal administratif. Il est alors examiné selon une procédure orale par un juge unique.

- En second lieu, l'étranger peut adresser une pétition à la Commission des pétitions du Bundestag. L'exercice de ce droit prévu à l'article 17 de la Loi fondamentale n'a pas toutefois pour effet de lui accorder une protection contre l'expulsion. En outre, la décision prise par la Commission des pétitions est dépourvue de tout effet contraignant au plan juridique.

2) Les conditions d'accueil des demandeurs d'asile

Dans les trois premiers mois suivant leur arrivée, les intéressés vivent dans des "camps de premier accueil", par exemple d'anciennes casernes militaires. Compte tenu de la clé de répartition sur la base de laquelle les demandeurs sont répartis entre les différents Länder, il en résulte fréquemment que les intéressés ne sont pas nécessairement hébergés dans le Land où ils ont déposé leur demande. Il arrive souvent que leur hébergement ne prenne pas en compte leur situation respective et que, par exemple, des hommes ou femmes célibataires soient hébergés avec des personnes de différentes convictions politiques.

Dans ces camps, les entrées et les sorties des intéressés sont contrôlées. Les visites dont ils peuvent bénéficier sont également soumises à autorisation.

Durant cette période de trois mois suivant leur arrivée, il leur est, par ailleurs, interdit de travailler, depuis le 15 mai 1997.

A l'expiration de cette même période, les demandeurs sont transférés dans la ville ou l'arrondissement territorialement compétent. Ils sont alors hébergés dans des logements dits communautaires, anciens hôtels ou conteneurs notamment, lesquels sont exigus, puisque, par exemple, 6 personnes peuvent occuper un logement de 30 m².

La liberté d'aller et de venir des demandeurs est limitée, l'autorité du Land pouvant refuser de délivrer l'autorisation de quitter la ville ou l'arrondissement.

Pour ce qui est des prestations sociales, les dispositions applicables depuis le 1er septembre 1998 à la suite de la modification sur la loi relative aux prestations sociales accordées aux demandeurs d'asile prévoient :

- l'octroi de prestations en nature pour pourvoir aux besoins élémentaires : nourriture, logement, chauffage, habillement, biens de consommation nécessaires au ménage ;

- l'aide médicale nécessaire en cas de maladie, pour la maternité en ce qui concerne les femmes.

Lorsqu'un camp n'est pas en mesure de fournir l'ensemble des prestations, les intéressés perçoivent une somme d'argent : 229 euros pour le chef de famille ; 135 euros pour un enfant âgé de moins de huit ans ; 182 euros pour un enfant âgé de 8 à 14 ans et 203 euros pour un enfant âgé de plus de 15 ans.

Le nombre de bénéficiaires de prestations sociales a tendu à s'accroître de 1994 à 1997 passant de 446.500 à 486.643 puis, depuis lors, a baissé régulièrement atteignant 0351.642 en 2000.

Les bénéficiaires du droit d'asile peuvent suivre des cours de langue gratuits durant 6 à 8 mois. Ils se voient accorder un permis de travail et bénéficient des mêmes prestations sociales que les demandeurs d'asile.

3) Eléments statistiques

Les statistiques font apparaître les évolutions suivantes :

1 - La réforme du droit d'asile entreprise en 1993 par l'ex Chancelier Kohl - qui s'est notamment traduite par les restrictions issues des notions d'asile intérieur, d'États tiers sûrs et de pays d'origine sûrs ( voir A et B ci-dessus) - a permis d'abaisser le nombre total de demandeurs d'asile de 438 191 en 1992 à 71 127 en 2002.

2 - En ce qui concerne le pourcentage des bénéficiaires du droit d'asile constitutionnel (article 16a de la Loi fondamentale) par rapport au nombre total de demandeurs, il a été ramené de 29,15 % en 1985 à 1,83 % en 2002.

3 - Le pourcentage des bénéficiaires de l'asile conventionnel (encore appelé petit asile, article 51 de la loi sur les étrangers), par rapport au nombre de demandeurs de ce type d'asile, s'est élevé de 2,68 % en 1995 (3) à 15,86 % en 2001.

4 - Quant au taux des bénéficiaires de l'article 53 de la loi sur les étrangers qui accorde à certains étrangers une protection contre leur expulsion, il a varié sensiblement entre 1995 et 2002 :

1995

1,81 %

1996

1,07 %

1997

1,62 %

1998

1,72 %

1999

1,55 %

2000

1,51 %

2001

3,16 %

2002

1,23 %

5 - Sur le point de savoir si la procédure d'examen des demandes s'est accélérée, il semble que les réponses divergent. Pour l'Office fédéral chargé des réfugiés, la durée de la procédure a tendu à diminuer depuis 1999. D'après ses statistiques, en 1999, 28 % des décisions étaient rendues en un mois, plus de 52 % en trois mois. En 2000 plus de 34 % des décisions étaient rendues en un mois et plus de 61 % en trois mois, les chiffres étant respectivement en 2001 de 27 % et de 58 %.

En revanche, la Commission Süssmuth(4) a fait observer qu'au 31 décembre 2000, il y avait 134 054 recours pendants devant les tribunaux administratifs, dont 10,8 % depuis plus de cinq ans. De même, le nombre de premières demandes pendantes devant l'Office fédéral pour les réfugiés d'est élevé de 75 % entre le 30 juin 2000 et le 1er juin 2001, passant de 31.500 à 54.900.

II - LE PROJET DE NOUVELLE LÉGISLATION

Une loi réformant la législation sur l'immigration (Zuwanderungsgesetz) a été adoptée en juin 2002, sous la précédente législature.

Mais, elle a été considérée comme contraire à la Loi fondamentale par un arrêt de la Cour Constitutionnelle du 18 décembre 2002, en raison d'un vice de procédure.

Le Gouvernement fédéral a alors décidé, au mois de janvier 2003, de présenter de nouveau le même texte.

Les principales modifications qu'il introduit en ce qui concerne le droit d'asile sont les suivantes :

A - Regroupement familial

C'est jusqu'à 18 ans - au lieu de 16 ans - que les enfants d'étrangers pourront venir en Allemagne avec leurs parents, si l'un d'entre eux s'est vu octroyer le droit d'asile ou le statut de persécuté politique.

Les membres de la famille bénéficiant du regroupement familial pourront obtenir les mêmes possibilités d'accès au marché du travail que le parent concerné.

B - Procédure d'asile

La situation des réfugiés "conventionnels" en ce qui concerne l'octroi d'un titre de séjour est assimilée à celle des bénéficiaires du droit d'asile constitutionnel (grand asile). Les intéressés des deux groupes obtiendront dans un premier temps un titre de séjour temporaire. Puis au terme d'un délai de trois ans, ils se verront accorder un titre de séjour permanent.

En second lieu, des mesures sont prises en vue d'accélérer la procédure :

- l'autorité administrative perd son indépendance et peut se voir adresser des instructions ;

- la procédure juridictionnelle en première instance se déroulera désormais devant un juge unique.

C - Accueil humanitaire

Jusqu'à présent, certaines catégories de personnes - victimes de persécutions sexuelles ou des persécutions perpétrées par des entités non étatiques - pouvaient être accueillies, en application d'une tolérance administrative. Désormais, elles seront traitées comme des réfugiés de guerres civiles et bénéficieront d'une protection contre l'expulsion.

D - Prestations sociales

Les demandeurs d'asile qui prolongent abusivement la durée de leur séjour ne pourront bénéficier des montants supérieurs des prestations sociales prévues par la loi sur l'aide sociale. De leur côté, les réfugiés venus au titre de l'aide humanitaire bénéficieront, dès leur accueil, du taux plein des prestations sociales.

E - Obligation de quitter le territoire allemand

L'étranger soumis à une telle obligation verra sa liberté de mouvement limitée et sera même tenu de séjourner dans des entités spécialisées, chargées d'organiser leur départ.

F - Intégration

Le projet de loi institue un cadre minimal devant permettre à l'Etat de promouvoir une politique d'intégration, dont feront partie l'organisation de cours de langue ainsi que l'introduction au droit, à la culture et à l'histoire de l'Allemagne. La non-participation des étrangers à de tels cours - notamment pour ceux qui bénéficieront du regroupement familial - pourra avoir pour effet de rendre plus difficile la prolongation de l'autorisation de séjour. Les dépenses correspondantes seront partagées entre l'Etat fédéral et les Länder. Ce souci de rationaliser la politique d'intégration a conduit le Gouvernement à proposer, dans le texte de loi, la création d'un nouvel Office fédéral chargé de l'immigration et des réfugiés, dont l'une des tâches consistera précisément à organiser ces cours élémentaires de langues.

Le droit d'asile en Belgique

I - STATISTIQUES

Comme dans les autres pays de la Communauté européenne, les conflits de Bosnie et du Kosovo ont augmenté le flux de demandeurs d'asile politique en Belgique. De 1990 à 1999, le nombre d'asiles accordés est passé de 500 à 1238.

Évolution des demandes d'asile et des décisions d'octroi du statut de réfugié

Année

Nombre de demandeurs d'asile

Décisions du Commissariat aux réfugiés et apatrides

Refus

Accord

1998

21 265

2 267

1 446

1999

35 778

1 826

1 238

2000

42 691

3 262

1 198

2001

24 549

1 890

896

2002

18 005

4 443

1 165

Comme le traduit le tableau ci-dessus, la décision de remplacer l'aide financière de 500 Euros qui était accordée aux demandeurs d'asile par une aide en nature - hébergement en centres d'accueil, nourriture et soins médicaux - a considérablement diminué le flux des demandeurs d'asile.

Le Gouvernement de M. Verhofstadt (coalition arc-en-ciel élue en juin 1999) avait décidé d'entreprendre une réforme du droit d'asile en raison des délais excessifs de procédure qui pouvaient durer jusqu'à 4 ans. Le projet initial était de centraliser l'administration fédérale en un seul guichet et raccourcir la procédure en une seule étape statuant sur la recevabilité et sur le fond. L'avis négatif du Conseil d'état, les réticences de la coalition libérale et des raisons budgétaires ont abouti à l'abandon du projet initial.

C'est la loi de programme du 2 janvier 2001 (loi de finances) qui a défini la nouvelle législation. Sur proposition du Commissaire général aux réfugiés et apatrides, M. Pascal Smet, la "Task force asile" a décidé de traiter en priorité les derniers dossiers arrivés : last in, first out. Si les nouveaux dossiers sont désormais traités dans des délais raisonnables, l'arriéré compte néanmoins environ 30 000 dossiers.

II - LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION À LA VEILLE DES ÉLECTIONS LEGISLATIVES DE 2003

Il existe un seul type d'asile fondé sur l'article premier de la Constitution.

A - Rappel de la procédure applicable

1) Le premier interlocuteur du demandeur d'asile est l'Office des étrangers

Cet organisme rejette la demande dans plus de 80 % des cas, essentiellement sur le motif "manifestement non fondée".

2) Le demandeur peut présenter un recours auprès du Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA)

Le CGRA instruit au fond 20 % des demandes admissibles et confirme dans 60 % des cas la décision de rejet de l'Office en première instance.

La décision du CGRA peut être attaquée en première instance devant la commission permanente de recours des réfugiés et en deuxième instance devant le Conseil d'État.

3) Le recours devant le Conseil d'État n'est pas suspensif

Cet élément de procédure a conduit la Cour européenne des Droits de l'Homme à condamner la Belgique dans un arrêt Conka du 5 février 2002.

En conséquence, le Ministre de l'Intérieur a pris le 19 juillet 2002 une "directive" prévoyant qu'en cas de recours en suspension en extrême urgence devant le Conseil d'État, l'ordre de quitter le territoire à l'encontre d'un demandeur d'asile débouté ne serait pas exécuté avant que la Haute juridiction ait statué ; ce qui a entraîné une multiplication de ces recours en extrême urgence.

Les demandeurs d'asile en situation d'attente de décision au fond perçoivent actuellement une aide sociale correspondant au minimum d'existence.

B - L'adaptation de la procédure d'examen de la demande d'asile (juillet 2002)

Les adaptations introduites à tous les stades de la procédure sont :

- une meilleure information des demandeurs d'asile ;

- la prise en considération de l'appartenance à un groupe vulnérable (femmes, mineurs, etc.) ;

- la remise obligatoire du procès verbal d'audition ;

- le renforcement de la formation des agents ;

- la possibilité d'assistance par un avocat ou une personne de confiance devant le Commissariat général aux réfugiés ;

- la clause de non reconduite : pas d'éloignement de demandeur d'asile débouté si le Commissariat a émis une telle clause (retour impossible pour raison personnelle ou en raison de la situation dans le pays) ;

- une humanisation de la procédure d'éloignement à la suite du décès d'une jeune nigériane en 1998.

Le droit d'asile au Danemark

Depuis les élections législatives de 2001, le Danemark a profondément réformé son droit relatif aux demandes d'asile. Cette réforme est entrée en vigueur le 1er juillet 2002. Cependant, les dossiers en instance déposés avant cette date sont examinés en fonction du texte antérieur.

La procédure d'examen des demandes d'asile est commune aux demandes relevant de la Convention de Genève et à celles relevant d'une protection subsidiaire. La loi danoise reprend intégralement les termes de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme. La récente modification des textes en vigueur ne permet pas encore d'avoir suffisamment d'informations pour définir plus précisément ce que recouvrent précisément certaines notions, telles que "les persécutions par des agents non-étatiques", la prise en compte de l'orientation sexuelle du demandeur et "l'asile interne". Actuellement, le service danois de l'immigration rend ses décisions en fonction de chaque dossier individuel, en attendant que se dégage une jurisprudence.

Par ailleurs, dans le cadre de la convention de Genève, le Danemark a passé un accord avec le Haut Commissariat aux Réfugiés pour recevoir un quota de 500 réfugiés, géré par la commission des quotas. Les demandes transitent obligatoirement par les services du Haut Commissariat aux Réfugiés et sont examinées lors de deux missions annuelles de la commission des quotas. Les permis de résidence et de travail délivrés dans ce cadre le sont pour une durée de 6 mois, renouvelable. Les réfugiés peuvent bénéficier de formations appropriées ainsi que de soins médicaux.

I - L'EXAMEN DE LA DEMANDE

A aucun moment, les tribunaux de droit commun danois n'ont à statuer sur les demandes d'asile.

Il incombe au demandeur d'asile de contacter la police dès son arrivée au Danemark. La police établit l'identité et la nationalité du nouvel arrivant, elle recueille ses empreintes digitales et sa photographie. Elle enregistre une première déclaration du demandeur d'asile, qui doit comprendre une partie indiquant le trajet utilisé. Cette précision est nécessaire dans le cadre de la convention de Dublin, qui détermine dans quel pays la demande d'asile doit être examinée. Selon les termes de ce texte, une demande d'asile ne peut en outre être déposée que dans un seul pays de l'Union européenne. Si un demandeur d'asile a déjà des liens privilégiés avec un autre Etat membre de l'Union européenne, sa demande ne peut être étudiée au Danemark.

Une fois qu'il a été établi que la demande d'asile doit être instruite au Danemark, il incombe au service danois de l'immigration d'évaluer le dossier. Pour l'ensemble de la procédure, le demandeur d'asile bénéficie de l'aide d'un interprète rémunéré par le service danois de l'immigration.

Le demandeur d'asile doit remplir un formulaire expliquant de façon détaillée le motif de la demande, puis il est reçu par le service danois de l'immigration pour un entretien individuel.

Sur la base du dossier et de l'entretien, et en prenant en compte les circonstances du pays d'origine, le service de l'immigration rend une évaluation. Il peut aussi demander des informations complémentaires sur la situation dans le pays d'origine.

La procédure de décision peut se faire selon 2 modalités principales :

La procédure normale : si le service danois de l'immigration conclut à l'octroi de l'asile, le demandeur se voit accorder un permis de résidence et de travail temporaire de deux ans, renouvelable ; il entre dès lors dans le champ d'application de la loi sur l'intégration (Cf. infra).

Si le service danois de l'immigration conclut à un rejet de la demande, il notifie la décision au demandeur et transmet systématiquement le dossier à la Commission des réfugiés qui statue en dernier ressort. Il s'agit d'une autorité administrative indépendante composée de trois personnes. Le Président est un magistrat nommé par la Couronne. Les deux autres membres représentent respectivement le ministère des réfugiés, de l'immigration et de l'intégration et le Barreau danois.

Les cas manifestement infondés : lorsque le service danois de l'immigration estime que la demande d'asile ne repose sur aucune base sérieuse, le dossier est transmis au Conseil danois des réfugiés, qui est une organisation non gouvernementale. Si ce dernier reconnaît l'absence de fondement de la demande d'asile, celle-ci est rejetée sans possibilité d'appel. Si, au contraire, le Conseil danois des réfugiés (ONG) conteste l'avis du service d'immigration, le dossier est alors transmis à la Commission des réfugiés. Une procédure ultra rapide qui ne prévoit pas l'établissement d'un dossier écrit est aussi prévue pour les cas manifestement infondés.

Dès lors que le dossier est transmis à la commission des réfugiés, le demandeur d'asile bénéficie du conseil d'un avocat dont les honoraires sont pris en charge par le budget de la commission des réfugiés. De façon générale, c'est la commission des réfugiés qui désigne le conseil juridique du demandeur d'asile, mais celui-ci peut aussi le choisir personnellement. Le demandeur d'asile assiste, avec son conseil, à l'audience de la commission des réfugiés.

Si la décision finale de la commission des réfugiés est positive, le demandeur d'asile se voit octroyer un permis de résidence et de travail temporaire de deux ans, renouvelable ; il entre dès lors dans le champ d'application de la loi sur l'intégration.

Lorsqu'un demandeur d'asile reçoit une décision finale négative - en particulier dans les cas où la demande est manifestement infondée - il lui est demandé de quitter le pays immédiatement. La responsabilité de ce départ incombe aux forces de police. Celles-ci doivent prendre en compte l'état de santé de la personne (maladie grave, grossesse, etc...). Le ministre des réfugiés, de l'immigration et de l'intégration a toujours la possibilité d'accorder de façon discrétionnaire un titre de séjour temporaire, en particulier pour des raisons humanitaires, mais les cas restent rares.

Toutefois, si au bout de 18 mois, et malgré la bonne volonté du demandeur d'asile dont la demande a été rejetée, celui-ci est toujours au Danemark, un permis de résidence temporaire et renouvelable de 6 mois peut lui être délivré.

Lorsqu'une famille présente une demande d'asile, les adultes présentent chacun une demande séparée, qui seront traitées conjointement tout au long de la procédure. Une décision favorable pour l'un des adultes entraîne une décision favorable pour l'autre adulte, ainsi que pour les enfants mineurs. Il est généralement admis qu'il s'agit de demandes de familles mononucléaires comprenant parents et enfants mineurs. Pour les autres cas, les réformes sont encore trop récentes pour que se dégage une jurisprudence.

De façon générale, la durée d'instruction d'un dossier de demande d'asile est d'environ 7 mois. Les demandes émanant de certains pays peuvent prendre jusqu'à 11 mois, en fonction des vérifications nécessaires pour obtenir certaines informations.

II - LES MOYENS MIS EN ŒUVRE POUR L'EXAMEN DES DEMANDES

Pendant la période d'examen de la demande, le demandeur d'asile est, de façon générale, affecté à un centre d'hébergement. Ceux-ci sont répartis sur tout le territoire et la plupart sont gérée par la Croix-Rouge danoise ou par l'Agence danoise des situations d'urgence. Dans quelques cas, un demandeur d'asile peut se voir octroyer le droit à un mode d'hébergement privé. Au 15 décembre 2002, le Danemark disposait de 46 centres d'accueil ; 7 529 demandeurs d'asile y étaient hébergés, dont 6 460 par la Croix-Rouge danoise, 922 par l'agence danoise des situations d'urgence, et 147 par la municipalité de Hanstholm.

Les dépenses occasionnées par la demande d'asile sont à la charge du Service danois de l'immigration, sauf lorsque le demandeur d'asile est marié, ou a des liens de couple avec une personne déjà installée au Danemark, auquel cas le demandeur est à la charge de son partenaire.

Outre le financement de l'hébergement, le service danois de l'immigration fournit une allocation quotidienne aux demandeurs d'asile, se décomposant en trois parties : nourriture, habillement et dépenses personnelles, selon les modalités suivantes.

Montant quotidien

Enfant (0 à 13 ans)

Adolescent
(14 à 18 ans)

Adulte

Nourriture

34,96 couronnes (4,71 €)

38,55 couronnes (5,19€)

42,13 couronnes (5,68 €)

Habillement

8,27 couronnes (1,11 €)

8,27 couronnes (1,11 €)

8,27 couronnes (1,11 €)

Dépenses courantes

7,01 couronnes (0,94€ )

17,62 couronnes (2,37 €)

32,76 couronnes (4,41 €)

Les demandeurs d'asile adultes se voient proposer des formations à proximité des centres d'hébergement où ils se trouvent. A raison de 5 heures par semaine (10 heures pour les 17-25 ans), ils reçoivent une formation en danois et en anglais, ainsi qu'une introduction à la société et à la culture danoise. Les enfants de moins de 17 ans bénéficient d'un cursus scolaire adapté soit dans le centre d'hébergement, soit à sa proximité immédiate.

De façon générale, les demandeurs d'asile n'ont pas accès au marché du travail pendant l'instruction de leur demande. Toutefois, si un demandeur d'asile se voit proposer un emploi dans l'un des secteurs où la main d'œuvre est déficitaire (une liste est régulièrement mise à jour par le ministère chargé de l'emploi), il peut transformer sa demande d'asile en demande de permis de séjour et de travail. Généralement, l'accord est immédiat pour permettre de pourvoir aux vacances d'emploi.

Par ailleurs, il est exigé des demandeurs d'asile qu'ils participent à la gestion quotidienne de leur centre d'hébergement : outre l'entretien des parties privatives mises à leur disposition, ils doivent participer à l'entretien des parties communes. A défaut, une somme proportionnelle peut être déduite de leur indemnité quotidienne.

Les dépenses relatives à l'hébergement ont été évaluées, pour 2003, à environ 900 millions de couronnes danoises (soit environ 121 millions €), c'est-à-dire 120 000 couronnes par demandeur (soit environ 16 000€ par demandeur).

III - LE CONTENU DU STATUT DE REFUGIE

A - Les conséquences immédiates

1°) L'attribution d'un lieu de résidence

Chaque année, le service danois de l'immigration établit des projections du nombre de demandes d'asile sur trois ans. Sur la base de ces résultats, les collectivités locales déterminent la répartition des réfugiés entre les différents comtés, puis entre les municipalités. Si un accord n'est pas obtenu, il incombe au service danois de l'immigration de fixer cette répartition.

Le service danois de l'immigration attribue un lieu de résidence au réfugié en prenant en compte, autant que possible, certaines considérations propres à chaque cas, pour autant qu'elles lui soient signalées par le réfugié.

2°) L'accès au système de protection sociale danois

Dès lors qu'une personne se voit attribuer le statut de réfugié, elle bénéficie d'un accès identique à celui des ressortissants danois aux systèmes de santé, d'éducation, ainsi qu'au système d'accès au marché du travail.

3°) L'accès au titre de transport

Les réfugiés au titre de la Convention de Genève bénéficient du passeport tel que prévu par ce texte. Les réfugiés admis à un autre titre peuvent demander un passeport danois pour étrangers auprès du service danois de l'immigration, en remplissant le formulaire approprié et en y joignant une copie de la décision accordant l'asile, le cas échéant le passeport de son pays d'origine et des photographies d'identité. Le réfugié peut se faire aider dans ses démarches par les services administratifs de sa municipalité de résidence. Le passeport délivré peut mentionner des restrictions de circulation, en particulier à destination du (des) pays où le réfugié risque des persécutions. Il peut être demandé de suspendre ces restrictions de circulation, mais le réfugié court alors le risque de voir son titre de séjour supprimé.

B - Les conséquences à moyen terme

1°) La prolongation du titre de séjour

Le titre initial de séjour est d'une durée de deux ans. Il peut être prolongé, sur la demande expresse du réfugié, pour deux nouvelles années, puis pour trois ans, pour autant que les conditions ayant amené à sa délivrance n'aient pas été modifiées. A l'issue de ces sept années, le réfugié peut demander un titre de résident permanent au Danemark, s'il remplit les conditions suivantes :

- il doit avoir suivi une formation à la société danoise, telle que prévue par la loi sur l'intégration ;

- il doit avoir subi avec succès des épreuves linguistiques ;

- il ne doit pas avoir été condamné à une peine de prison supérieure à deux ans, pour des crimes liés aux stupéfiants, au trafic d'êtres humains, à un meurtre, à des coups et blessures ou à un viol. Si une condamnation avec sursis a été prononcée à son encontre, le délai d'obtention d'un titre de résident permanent est prolongé de la durée du sursis ;

- il ne doit pas être surendetté.

Ces dispositions s'appliquent aux demandeurs d'asile ayant présenté leur demande depuis le 28 février 2002 ; les demandeurs d'asile ayant présenté leur demande à une date antérieure se voient appliquer les anciennes dispositions.

2°)La suppression du titre de séjour

Un réfugié au Danemark peut perdre son titre de séjour de différentes façons : il peut en être déchu ou demander son rapatriement ; le service danois de l'immigration peut révoquer ou refuser de prolonger le titre de séjour ; celui-ci peut être supprimé judiciairement dans l'attente d'une expulsion vers un autre pays.

a) La déchéance du titre de séjour

Elle intervient si le réfugié s'installe dans un autre pays, ou même s'il se contente de résider dans un autre pays pour une durée supérieure à six mois (portée à un an, si le réfugié se trouvait au Danemark depuis plus de deux ans). La résidence à l'étranger pour cause de service militaire ou civil, ou dans le cadre de l'exercice d'un emploi, n'est pas prise en compte.

Elle est automatique si le réfugié ne présente pas de demande de prolongation de son titre de séjour.

b) Le rapatriement et le droit au retour vers le pays d'origine

Si un réfugié renonce à son titre de séjour pour retourner dans son pays d'origine, il conserve néanmoins un droit à son statut de réfugié dans les six mois qui suivent son départ (durée portée à un an pour les personnes ayant résidé plus de 6 ans au Danemark).

Le service danois de l'immigration peut cependant révoquer le titre de séjour si les conditions du pays d'origine ont été radicalement modifiées (changement de régime politique par exemple). L'appréciation de cette révocation se fait de façon individualisée. Les réformes sont encore trop récentes pour que se dégage une jurisprudence.

c) La suppression du titre de séjour

Elle est toujours possible si le titre de séjour a été établi sur la base de déclarations mensongères ou frauduleuses. En outre, elle peut être prononcée si la personne constitue une menace pour la sécurité du pays, ou une menace sérieuse à l'ordre public, à la sécurité ou à la santé, si la personne est un criminel de guerre, si elle a subi une condamnation pour crime ou si elle a commis un crime à l'extérieur du Danemark, qui, s'il avait été commis au Danemark, aurait conduit à son expulsion.

Le service danois de l'immigration est compétent en matière de suppression du titre de séjour. L'examen de tels cas, en particulier s'il s'agit de condamnations pour crimes commis au Danemark, se fait en fonction de la situation personnelle de chaque réfugié concerné, en particulier au regard de son intégration dans la société danoise.

3°) Les modalités du regroupement familial

Les dispositions relatives au regroupement familial s'appliquent à l'ensemble des étrangers résidant au Danemark. En vigueur depuis le 1er juillet 2002, elles s'appliquent d'une part aux conjoints, concubins et partenaires enregistrés, et d'autre part aux enfants mineurs. Les autres personnes ne bénéficient pas des dispositions relatives au regroupement familial. La demande est déposée par la personne déjà résidente au Danemark. L'octroi d'un titre de séjour dans le cadre du regroupement familial se fait avant l'arrivée des membres de la famille.

l Règles relatives aux adultes

Les conjoints de résidents étrangers au Danemark peuvent se voir attribuer un titre de séjour dans le cadre du regroupement familial si certaines conditions sont remplies :

- le mariage, ou le concubinage doit être susceptible d'être reconnu par le droit danois ;

- l'union doit avoir fait l'objet d'un consentement de la part des deux partenaires ; dans le cas de mariages forcés, un traitement spécifique pourrait être envisagé par le service danois de l'immigration, conduisant à l'octroi d'un titre de réfugié pour la personne ayant subi la contrainte, et à la suppression du titre de séjour pour la personne l'ayant fait subir ;

- l'union doit être réelle ; les "mariages blancs" peuvent faire l'objet de poursuites judiciaires.

Les deux adultes doivent être âgés d'au moins 24 ans, s'engagent à vivre dans un domicile commun au Danemark et manifester un désir commun à vivre au Danemark, "désir plus grand que leur attachement à un autre pays", selon les textes en vigueur. Par ailleurs, le résident au Danemark doit disposer d'un logement personnel adéquat, et de revenus suffisants.

l Règles relatives aux enfants

Les enfants mineurs de résidents étrangers au Danemark peuvent se voir attribuer un titre de séjour dans le cadre du regroupement familial si certaines conditions sont remplies :

- le parent résidant au Danemark doit bénéficier de l'autorité parentale;

- l'enfant devra vivre avec le parent ;

- il ne doit pas être lui-même marié ou concubin, ou avoir des enfants.

Le résident au Danemark doit en outre bénéficier d'un logement personnel adéquat, et de revenus suffisants.

Le droit d'asile en Italie

En 2001, les autorités italiennes ont enregistré environ 10 000 demandes d'asile, dont la plupart ont finalement été rejetées. Dans la même année, plus de 40 000 personnes ont été refoulées aux frontières et 34 000 autres expulsées avec un accompagnement effectif, suivant une procédure comparable à la reconduite française à la frontière.

En 2001, les demandes d'asile prenaient de neuf à dix-huit mois pour être traitées, mais les récentes innovations législatives se sont efforcées d'enfermer le déroulement de la procédure dans des délais plus étroits.

I - LES TEXTES DE RÉFÉRENCE

Le droit d'asile est reconnu en Italie non seulement en vertu de la Convention de Genève, mais aussi par la Constitution de 1948. Il a fallu attendre une époque récente pour que le législateur intervienne en la matière.

A - Asile conventionnel et asile constitutionnel

L'Italie est l'un des nombreux signataires de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, convention qu'elle a ratifiée en 1954.

Mais, dès 1948, la Constitution prévoyait qu'un « étranger auquel l'exercice effectif des libertés démocratiques garanties par la Constitution italienne est interdit dans son pays, a droit d'asile sur le territoire de la République, selon les conditions fixées par la loi. ». Cet article 10, formulé d'une façon claire et inconditionnelle, est une disposition immédiatement et directement applicable, comme l'a reconnu la Cour de cassation en 1997 : il produit un effet direct « même s'il n'y a pas une loi qui spécifie les conditions d'exercice et les modalités pour bénéficier de ce droit ».

La précision est importante, puisque le législateur a attendu 1998 pour exercer la compétence que lui réserve l'article 10. Cela explique sans doute que le droit constitutionnel à l'asile n'ait reçu de première application directe qu'en 1999, à l'occasion d'une demande d'asile formulée par Abdullah Ocalan, citoyen turc d'origine kurde. Il semble au demeurant que le Tribunal de Rome n'ait voulu qu'appliquer par anticipation les dispositions de la loi qui venait d'être adoptée mais n'était pas encore entrée en vigueur.

B - La législation récente

Deux textes législatifs régissent désormais les questions d'immigration ; sans porter principalement sur le droit d'asile, ils traitent cependant la matière de manière incidente. Le Texte unique des lois sur l'immigration du 25 juillet 1998, couramment appelé loi Turco-Napolitano, demeure encore aujourd'hui le texte de base en matière de droit des étrangers. La loi du 30 juillet 2002, dite loi Bossi-Fini, a cependant modifié certaines de ses dispositions, dans le sens d'une plus grande rigueur à l'encontre des demandeurs d'asile.

II - UN RÉGIME D'ASILE UNIFIÉ

L'asile constitutionnel et la reconnaissance du statut de réfugié recouvrent en théorie des régimes juridiques distincts, mais ils se sont beaucoup rapprochés et la loi les confond à peu près totalement aujourd'hui. Alors que le statut de réfugié est accordé aux victimes de persécutions individuelles, le bénéficiaire de l'asile doit son statut à l'incapacité où il se trouve d'exercer dans son pays une liberté fondamentale (cf. supra). En réalité cependant, ce sont les mêmes organes qui sont compétents en Italie pour connaître de l'une et de l'autre situation. Appelées commissions territoriales pour la reconnaissance du statut de réfugié, elles sont au demeurant supervisées par une Commission nationale pour le droit d'asile (elle-même ancienne Commission centrale pour la reconnaissance du statut de réfugié).

A - Les organes compétents et leurs critères d'appréciation

1) Les commissions territoriales

Instituées par la loi Bossi-Fini, les commissions territoriales sont placées auprès des préfets. Elles sont nommées par décret du ministre de l'intérieur, présidées par un fonctionnaire du corps préfectoral et composées d'un fonctionnaire de la Police d'Etat, d'un représentant des collectivités territoriales désigné par la Conférence de l'Etat et des collectivités autonomes et d'un représentant du Haut commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Elles peuvent également accueillir, sur demande du Président de la Commission nationale, un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères, afin d'examiner notamment les demandes « pour lesquelles il convient de disposer d'éléments d'évaluation particuliers quant à la situation de fait dans les pays d'origine ». Ce fonctionnaire participe aux travaux de la commission comme membre à part entière. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.

2) Une faculté d'appréciation encadrée

L'une des raisons qui font que la loi fait appel au besoin à un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères paraît être que le texte ne reprend pas le contenu de la directive européenne 2001/40 sur la reconnaissance réciproque des décisions d'éloignement des citoyens en provenance de pays tiers. Le Parlement a pourtant spécialement habilité le Gouvernement à transposer la directive, mais cette disposition de la loi italienne de délégation communautaire (legge comunitaria) de 2001 paraît être restée lettre morte à ce jour.

La loi Bossi-Fini (art. 32) définit comme suit les autres critères d'évaluation de la demande d'asile :

« Au cours de l'examen des demandes d'asile, les commissions territoriales évaluent (...) les conséquences d'un rapatriement à la lumière des obligations dérivant des conventions internationales dont l'Italie est signataire et, en particulier, de l'article 3 de la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [qui porte sur le droit à des élections libres]».

Garanti par la même convention (art. 8), ainsi que, selon la jurisprudence de la cour constitutionnelle, par la Constitution italienne (art. 29 et 30), le droit à une vie familiale normale semble trouver une limite dans les dispositions de la loi Bossi-Fini qui prévoient qu'un étranger extra-communautaire en règle (comme par exemple un bénéficiaire reconnu du droit d'asile), ne peut demander à être rejoint que par son conjoint, par des enfants mineurs et par ses enfants majeurs, à condition qu'ils soient encore à sa charge et ne puissent pourvoir par eux-mêmes à leur subsistance. Quant aux parents du bénéficiaire de l'asile, ils ne peuvent le rejoindre qu'à condition d'avoir plus de 65 ans et de ne pas avoir d'autre enfant qui puisse subvenir à leur existence. Les parents au troisième degré sont exclus du regroupement familial.

La doctrine italienne a émis des réserves sur la validité de ces limitations législatives à un droit de rang à la fois conventionnel et constitutionnel.

B - Procédures d'octroi et voies de recours

La loi Bossi-Fini a institué une procédure d'examen simplifiée des demandes d'asile et des demandes visant à la reconnaissance du statut de réfugié. Comme l'observent de nombreux commentateurs, cette procédure dite simplifiée est conçue pour devenir en pratique la procédure la plus couramment utilisée.

1) Vingt jours pour traiter la demande initiale

Sous ce régime simplifié, un maximum de vingt jours seulement sépare l'introduction de la demande du moment où la commission territoriale compétente rend publique sa décision sur son bien-fondé. Une fois la requête d'asile présentée, le questeur (préfet de police du département intéressé) introduit la demande devant la commission territoriale. Il lui transmet dans les deux jours la documentation nécessaire à l'appréciation du dossier. A compter de la réception de ces documents court un délai de quinze jours (contre trente dans la procédure ordinaire), pendant lesquels la commission doit entendre le demandeur d'asile. Une fois l'audition tenue, la commission se prononce sous trois jours.

La loi Bossi-Fini autorise les demandeurs à communiquer avec des représentants du HCR. Ils sont, si nécessaire, assistés d'un interprète ; l'entretien fait l'objet d'un procès-verbal (redatto verbale). Les décisions de la commission sont adoptées par un acte écrit et motivé.

2) Des recours non suspensifs

En cas de rejet de sa requête, l'étranger peut d'abord présenter une demande « adéquatement motivée » de réexamen de la requête initiale, auprès de la même commission territoriale, seulement augmentée d'un membre provenant de la Commission nationale pour le droit d'asile. Ce recours, qui n'est donc pas à proprement parler un recours hiérarchique, a été introduit in extremis dans la loi, pour prévenir les critiques visant l'unique recours judiciaire originel.

Contre la décision de la commission territoriale, le demandeur peut en effet présenter aussi dans les quinze jours un recours devant le tribunal judiciaire territorialement compétent siégeant à juge unique (in composizione monocratica). Ce recours ne suspend pas l'exécution des mesures d'éloignement du territoire national, quoique le requérant débouté puisse demander au préfet compétent d'être autorisé à s'y maintenir. La loi prévoit au demeurant que le recours peut être présenté par l'intermédiaire des représentations diplomatiques italiennes à l'étranger.

En résumé, sous ce régime, la demande d'asile, examinée par un organe administratif, peut être rejetée et l'étranger contraint au retour sans que l'autorité judiciaire ait encore pu effectivement intervenir. Aussi la constitutionnalité du dispositif est-elle souvent mise en doute.

C - Conditions d'accueil des demandeurs

La loi Bossi-Fini a créé pour les demandeurs d'asile des centres d'identification, où ils doivent obligatoirement demeurer s'ils se sont soustraits ou ont tenté de se soustraire au contrôle à la frontière, ou bien s'ils font déjà l'objet d'une mesure d'expulsion ou de refoulement.

En outre, la même loi, tout en reconnaissant aux autres demandeurs le bénéfice de la liberté d'aller et venir, précise que « l'éloignement non autorisé des centres (...) équivaut à une renonciation à la demande ». Cette disposition ambiguë fait en pratique des centres d'identification sinon des lieux de résidence forcée, du moins des passages obligés de tout demandeur mettant quelque espoir dans l'acceptation de sa demande. Il semble que la formulation retenue ait eu pour fin, en rendant volontaire le séjour dans les centres, de prévenir toute imputation d'inconstitutionnalité qui se serait fondée sur la limitation apportée par l'administration à la liberté personnelle des demandeurs.

La loi Bossi-Fini a ouvert des crédits s'élevant à 25,31 millions d'euros pour l'ouverture de nouveaux centres d'identification en 2003.

III - LE RÉGIME DE LA PROTECTION TEMPORAIRE

Sans relever à proprement parler du droit d'asile, le régime de la protection temporaire s'en rapproche beaucoup. Il concerne ceux que le HCR appelle des personnes déplacées.

A - Les règles en vigueur

Les étrangers admissibles à cette protection sont en effet les personnes qui ont fui leur propre pays à la suite de situations de guerre civile, d'agression extérieure, de violence généralisée, de graves violations de la liberté démocratique ou pour trouver un refuge contre une catastrophe naturelle.

Cet instrument permet de faire front à des situations d'urgence humanitaire causées par des événements exceptionnels. Aux termes du décret-loi du 25 juillet 1998 (n° 286), il est possible pour le Gouvernement, dans les circonstances indiquées, de déterminer par décret du Président du Conseil des ministres, les interventions nécessaires pour accueillir de manière adéquate les populations déplacées qui rejoindraient en masse le territoire italien.

B - Application dans les récentes crises balkaniques

Ce régime a permis à l'Italie de faire face à l'afflux massif des réfugiés yougoslaves qu'elle a dû accueillir à la fin des années 1990. Le Président du Conseil des ministres a pris le 12 mai 1999 le premier décret adopté au sens de la loi du 25 juillet 1998. Ce décret prévoyait au bénéfice de 18 000 individus la délivrance d'un permis de séjour pour protection temporaire. Les 12 000 autres personnes avaient par ailleurs présenté une demande de reconnaissance du statut de réfugié.

La crise terminée, l'Organisation internationale pour les migrations a mené une campagne d'information et de sensibilisation au retour assisté et protégé. Le programme de rapatriement mis en œuvre prévoyait des interventions, y compris financières, pour favoriser la réinsertion des réfugiés dans leur localité d'origine.

N'ont pas pu bénéficier du programme de rapatriement :

l ceux qui, ayant perdu leur droit de séjour sur le territoire national, ont été éloignés selon les modalités des lois alors en vigueur, par décret d'expulsion suivi d'une reconduite à la frontière par les forces de police ou par décret d'expulsion intimant à l'étranger de quitter le territoire de l'Etat dans les quinze jours ;

l ceux qui, ayant pu apporter la preuve qu'ils avaient une activité de travail et disposaient d'un logement, ont obtenu un permis de séjour pour raisons de travail ;

l ceux qui enfin, ayant apporté la preuve de l'existence de graves motifs qui les empêchaient de revenir dans leur zone d'origine, ont obtenu un permis de séjour pour raison humanitaire, après avis préalable de la Commission centrale pour la reconnaissance du statut de réfugié.

Le droit d'asile aux Pays-Bas

I - STATISTIQUES

Conséquence indirecte des conflits des Balkans, le nombre de demandeurs d'asile aux Pays-Bas a cru à un rythme régulier au cours des années 1990, de 21.210 demandeurs d'asile en 1990 à 45.217 en 1998, avec une pointe à 52.570 en 1994.

Une nouvelle législation ayant été votée par le Parlement en l'an 2000, le nombre des demandeurs d'asile a fortement chuté depuis deux ans, passant de 43 895 en 2000 à 32 579 en 2001 et 18 667 en 2002.

En 2001, environ 53.000 dossiers étaient en cours de traitement, avec pour objectif d'apurer le stock de demandeurs d'ici à 2004. Les principaux pays d'origine étaient l'Angola (4.111 demandes) l'Afghanistan (3.614 demandes), la Sierra Leone (2.406 demandes) puis l'Iran et la Crimée.

À la suite de cette procédure, les autorités néerlandaises ont accordé l'asile à 888 demandeurs sur la base de la Convention de Genève, refusé 14.598 demandes comme manifestement non fondées et accordé 7.180 autorisations de résidence pour motifs humanitaires.

II - LE DISPOSITIF DÉCOULANT DE LA RÉFORME DE 2001

L'article 2 de la Constitution du Royaume des Pays-Bas rappelle que l'admission et l'exclusion des étrangers relève du domaine de la loi. Ce texte constitutionnel ne mentionne cependant pas le droit d'asile.

La loi votée en 2000, qui fixe le nouveau cadre du droit d'asile est entrée en vigueur le 1er avril 2001. Son objectif est de canaliser le nombre de demandes et d'éclaircir les procédures en vigueur.

A - Une procédure uniformément centralisée

La procédure d'asile doit être désormais exécutée dans un délai maximum de six mois à l'issu duquel une procédure d'éloignement doit être impérativement appliquée.

Elle est mise en œuvre par l'IND (immigration naturalisatie dienst). Le Directeur de cette structure dépend du ministère de la Justice, est responsable de l'application des procédures d'éloignement, et coordonne les directions régionales ou Centres d'accueil (Aanmeldcentum). Il dispose d'un budget annuel pour 2002 de 221 millions d'euros (frais de personnels compris) et de 3500 fonctionnaires, dont 1300 à La Haye, sans compter les personnels de police.

Cet organisme participe à l'élaboration des règles de procédure de l'immigration et du droit d'asile et exerce la tutelle des polices régionales responsables de la lutte contre l'immigration clandestine.

Les centres régionaux d'accueil reçoivent les demandeurs d'asile qui y sont orientés en fonction des nationalités. Les Turcs, les Yougoslaves, les Bosniaques, les Arméniens, les Afghans, les Iraniens et les Russes se retrouvent ainsi dans la région Centre, tandis que les demandeurs s'étant manifestés aux frontières extérieures ou maritimes sont accueillis au centre de Schiphol.

B - L'examen des demandes de procédures

(Articles 28 à 31 de la loi sur les étrangers de 2000)

Dorénavant, le traitement des demandes d'asile est uniformisé quel que soit le motif allégué de la demande, à savoir une demande fondée sur :

- les critères de la Convention de Genève ;

- des raisons humanitaires, notamment si le demandeur a vécu des expériences traumatisantes, sans qu'il s'agisse toutefois de persécutions au sens de la Convention de Genève, comme des faits attentatoires à l'intégrité corporelle (viols, crimes, exactions).

1) Phase A de la procédure : l'admissibilité

La police des étrangers auditionne les candidats qui sont hébergés dans des centres d'hébergement provisoires gérés par l'organisme central pour l'accueil des demandeurs d'asile (budget pour 2002 : 899 millions d'euros), placé sous la tutelle du ministère de la justice.

En présence éventuelle d'un conseiller à l'aide juridictionnelle et avec authentification des documents d'identité par les policiers, le candidat dépose sa demande d'asile. L'absence de documents d'identité ou de voyage n'étant pas une cause de refus, il accède ainsi au statut de demandeur d'asile.

La pertinence des déclarations recueillies, la nationalité, la route empruntée pour accéder aux Pays-Bas constituent un faisceau d'indices. Le dossier est examiné à la lumière de la Convention de Dublin avec assistance éventuelle d'interprètes de l'IND. Cette phase se termine soit par le déboutement de la demande d'asile avec notification de quitter immédiatement le territoire, soit par la seconde phase. En 2002, les autorités néerlandaises ont exécuté 28 184 procédures d'éloignement au titre des demandeurs d'asile.

2) Phase B de la procédure : l'admission

Celle-ci compte 4 à 6 semaines d'entretiens dans les cinq bureaux régionaux d'accueil (Arnhem, Hoofdoorp, Hertogenbosch, Leiden, Dordrecht). L'étranger dispose éventuellement d'un avocat spécialisé commis d'office, ou d'une personne de son choix et de l'interprète assermenté de l'IND.

L'IND dispose d'un délai de six mois à compter du premier entretien pour rendre sa décision. L'étranger débouté de sa demande est sommé de quitter le territoire dans un délai de quatre semaines, délai durant lequel il est encore pris en charge par le centre d'asile.

C - Les procédures de recours

Dans la phase A, l'étranger débouté de sa demande peut déposer un recours non suspensif, puis un second recours suspensif auprès du juge des étrangers.

Dans la phase B, le demandeur peut former un recours devant les magistrats spécialisés dans les affaires d'étrangers, qui siègent dans l'une des dix chambres administratives, ou devant le Conseil d'Etat dans un délai de quatre semaines. La Haute Juridiction doit rendre son arrêt dans un délai maximum de 36 semaines.

D - L'effet de l'admission définitive et de l'obtention du droit d'asile

L'admission définitive, qui représente environ 30 % des demandes d'asile, se traduit par la remise d'un titre de séjour d'une validité de trois ans renouvelable. Le demandeur peut se voir proposer un logement à la charge des communes, ou recevoir à cet effet une allocation du ministère des Affaires sociales. Il bénéficie du droit d'exercer une activité professionnelle et de différentes allocations familiales et d'aides diverses, tout en étant soumis à l'obligation de suivre des cours d'intégration et de langue néerlandaise.

Le droit d'asile au Royaume-Uni

Le droit d'asile au Royaume-Uni est essentiellement régi par le Nationality, Immigration and Asylum Act de 2002.

I - LES CONDITIONS D'OCTROI DU STATUT DE RÉFUGIÉ

A - Les conditions générales

Le droit d'asile est accordé aux personnes qui ne peuvent résider dans leur pays d'origine pour des raisons de persécution raciale, politique ou religieuse.

La personne demandant l'asile pour ces motifs se verra accorder le statut de réfugié par le secrétaire d'Etat si :

- la demande a été effectuée au Royaume-Uni ou à la frontière ;

- l'auteur de la demande est un réfugié au sens de la Convention de Genève.

Le demandeur d'asile est admis à demeurer au Royaume-Uni le temps que son dossier soit traité. Il ne peut être expulsé du territoire, en vertu de la loi de 1993 sur l'asile, tant que l'instruction de sa demande par le ministre de l'intérieur n'a pas été achevée.

Si la demande d'asile est acceptée, son auteur obtient le statut de réfugié et est alors admis à résider de manière permanente au Royaume-Uni.

La demande peut être refusée s'il est établi que le demandeur n'a pas fourni toutes les informations permettant au ministre de l'intérieur de statuer ou a effectué de fausses déclarations. Les officiers de l'immigration peuvent alors refuser l'entrée du demandeur sur le territoire britannique.

Les lois sur l'asile de 1996 et de 1999 disposent par ailleurs que :

- le ministre de l'intérieur peut, conformément aux stipulations de la Convention de Dublin, renvoyer à un autre Etat membre de l'Union européenne le demandeur si celui-ci n'est pas un ressortissant de l'Etat auquel la demande d'asile a été transférée et si cet Etat membre a accepté de traiter la demande ;

- le ministre de l'intérieur peut renvoyer le demandeur d'asile dans un autre pays que son pays d'origine dans la mesure où ce pays tiers est considéré comme "sûr" par le ministre de l'intérieur. Ce pouvoir est toutefois soumis au respect des trois conditions suivantes :

- le demandeur n'est pas un ressortissant du pays auquel la demande est transférée ;

- la vie et la liberté du demandeur ne doivent pas être menacées dans ce pays pour des motifs sociaux, religieux et politiques ;

- le Gouvernement de ce pays ne doit pas renvoyer le demandeur dans un pays qui ne respecte pas la Convention de Genève.

Enfin, la section 72 du Nationality, Immigration and Asylum Act de 2002 dispose que l'auteur d'un crime condamné à une peine d'incarcération d'au moins deux ans est considéré comme ayant commis un crime d'une gravité particulière et constitue un danger pour la société. Il peut dès lors tomber sous le coup de l'article 33 de la Convention sur les réfugiés, qui stipule que l'interdiction de renvoyer un réfugié dans un pays où sa vie ou sa liberté pourrait être menacée ne s'applique pas aux réfugiés ayant commis de tels crimes.

B - Les conditions concernant le conjoint et les enfants

Le conjoint ou les enfants mineurs accompagnant le demandeur d'asile peuvent être inclus dans la demande d'asile.

Le conjoint d'un réfugié peut demander à entrer sur le territoire britannique pour rejoindre ce dernier, si :

- ce conjoint est effectivement marié au réfugié ;

- le mariage n'a pas eu lieu après que le réfugié ait quitté le pays dans lequel il résidait au moment où il a demandé à obtenir l'asile ;

- ce conjoint pourrait être protégé au titre de la Convention de Genève s'il demandait à obtenir l'asile ;

- les conjoints ont l'intention de vivre ensemble de manière permanente.

L'enfant d'un réfugié peut demander à entrer sur le territoire britannique pour rejoindre son parent à condition qu'il ait moins de 18 ans, ne mène pas une vie indépendante, ne soit pas marié et puisse bénéficier des dispositions de la Convention de Genève.

II - LES CONDITIONS MATÉRIELLES DE SÉJOUR DES RÉFUGIÉS

Les demandeurs d'asile ne peuvent plus demander à bénéficier des prestations contributives et non contributives de la Sécurité Sociale britannique depuis l'adoption de l'Immigration and Asylum Act de 1999. En outre, ils ne sont plus fondés à recevoir les aides sociales pouvant être versées par les collectivités locales.

En revanche, ils peuvent bénéficier d'un service d'aide spécifique, le National Asylum Support Service (NASS), mis en place par la loi de 1999.

Ce service est chargé de verser chaque semaine de l'argent (le système de bons initialement retenu a été abandonné) aux demandeurs d'asile, afin que ces derniers puissent subvenir à leurs besoins.

Les montants d'aide en vigueur sont de :

- 37,77 livres pour les personnes âgées de plus de 25 ans ;

- 29,98 livres pour les personnes âgées de 18 à 24 ans ;

- 59,26 livres pour un couple ;

- 37,77 pour un parent vivant seul ;

- 32,50 livres pour un enfant âgé de 16 à 17 ans ;

- 33,50 livres pour un enfant âgé de moins de 16 ans.

Le Nationality, Immigration and Asylum Act de 2002 contient par ailleurs plusieurs dispositions concernant les conditions de séjour des demandeurs d'asile :

- il permet au ministre de l'intérieur de créer des centres d'hébergement spécialisés pouvant fournir plusieurs services aux demandeurs (nourriture, assistance financière, aide pour les transports, lieux de cultes, soins médicaux, éducation) ;

- seuls les demandeurs d'asile - et les personnes qui en sont dépendantes - que le ministre de l'intérieur estime être dans le dénuement (destitute) peuvent être admis dans ces centres. Une personne est considérée comme étant dans le dénuement si elle ne peut se procurer ni un logement ni de la nourriture ;

- le fait de refuser d'aller dans un tel centre ou de cesser d'y résider ou de violer les conditions de résidence entraîne le retrait du bénéfice de toutes les formes d'assistance qui y sont fournies. Le demandeur d'asile peut également se voir ordonner de quitter le centre ;

- l'une des conditions de résidence pouvant être imposées peut consister dans le paiement d'une contribution aux frais d'entretien du centre d'hébergement ;

- la loi soustrait les autorités éducatives locales, qui gèrent les écoles publiques, à leur obligation générale de fournir un enseignement en ce qui concerne les enfants des demandeurs d'asile. Les enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux doivent bénéficier d'un enseignement dispensé dans les centres d'hébergement ;

- la loi crée un statut pour les personnes souhaitant quitter de manière volontaire le territoire britannique pour un autre pays. Le ministre de l'intérieur doit considérer qu'il est dans l'intérêt de ces personnes de quitter le Royaume-Uni et peut prendre des mesures pour les assister dans leur démarche. Il peut notamment effectuer des versements à ces personnes ou aux organisations qui prennent en charge l'organisation de leur retour. Ces versements peuvent couvrir les dépenses nécessaires pour s'installer dans le pays qu'elles ont choisies.

III - LES INFRACTIONS PRÉVUES PAR LA LOI RELATIVE À L'ASILE ET À L'IMMIGRATION DE 2002

La section 25 (1) de la loi de 1972 érige en infraction pénale le fait de chercher à faciliter l'entrée illégale d'un étranger ou d'un demandeur d'asile sur le territoire britannique.

La section 143 de la loi sur l'immigration de 2002 abroge cette disposition pour la remplacer par les dispositions suivantes :

- le fait d'aider un étranger à violer la législation relative à l'immigration d'un Etat membre de l'Union européenne constitue une infraction passible d'une peine d'incarcération maximale de 14 ans ou d'une amende non plafonnée. Le fait d'accueillir un immigré clandestin est inclus dans le champ de cette infraction ;

- le fait pour un citoyen européen d'aider un immigré faisant l'objet d'une mesure d'expulsion à entrer sur le territoire britannique constitue une infraction.

La section 145 érige en infraction les agissements visant à faire entrer sur le territoire britannique des personnes en vue de contrôler leurs activités de prostitution. Cette infraction est punie d'une peine d'incarcération de 14 ans et/ou d'une amende non plafonnée.

Enfin, la section 153 donne aux officiers de l'immigration et de la police le pouvoir d'entrer dans les locaux d'entreprises ou de services afin de rechercher ou d'arrêter des personnes ayant commis une infraction à la législation relative à l'immigration.

IV - LES PROCÉDURES D'APPEL

Les procédures d'appel des décisions concernant l'entrée et le séjour des étrangers ont été entièrement refondues par la loi relative à l'immigration de 2002.

La section 82 de cette loi consacre le principe selon lequel il existe un droit d'appel contre les "décisions relatives à l'immigration" (immigration decision).

Le droit d'appel s'exerce auprès d'un juge spécial, l'adjudicator.

A - Les personnes pouvant exercer le droit d'appel

La section 83 de la loi réserve le droit d'appel devant l'adjudicator pour des motifs concernant l'asile uniquement aux personnes dont la demande d'asile a été rejetée par le ministre de l'intérieur et qui ont été néanmoins autorisées à séjourner pour une durée excédant une année.

Un appel formé contre une immigration decision doit être fondé sur l'un ou plusieurs des motifs suivants :

- la décision n'est pas conforme aux règles relatives à l'immigration ;

- la décision n'est pas conforme aux dispositions du Race Relations Act de 1976 interdisant la discrimination pratiquée par les autorités publiques ;

- la décision n'est pas conforme avec les droits reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme.

Les personnes étant sur le territoire britannique et ayant fait une demande peuvent aux termes de la section 92, faire appel d'une décision et donc suspendre toute mesure de reconduite à la frontière.

Par ailleurs, la section 93 de la loi dispose qu'une personne ne peut faire appel, au Royaume-Uni, d'une décision concernant une demande d'asile si cette dernière fait l'objet d'un certificat du Secrétaire d'Etat indiquant qu'elle peut être remise à un autre Etat membre de l'Union européenne, qui a reconnu qu'il a compétence pour traiter la demande d'asile.

En outre, il ne peut être fait appel au Royaume-Uni d'une décision concernant une demande d'asile si le ministre de l'intérieur certifie que cette demande est manifestement infondée.

Il en est de même pour les décisions concernant les demandes qui ont été certifiées au motif qu'elles émanent de personnes autorisées à résider dans l'un des 10 pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne. Le ministre de l'intérieur peut ajouter à la liste de ces 10 pays tout Etat pour lequel il estime qu'il n'existe aucun risque sérieux de persécution.

Enfin, la section 95 interdit aux personnes étant à l'extérieur du Royaume-Uni de former un appel concernant une demande d'asile.

B - La procédure dite « one stop »

Les sections 96 et 120 ont pour objet d'empêcher une personne de faire appel d'une décision lorsqu'elle a déjà eu la possibilité de saisir l'adjudicator. Ces dispositions concernent notamment les situations dans lesquelles une personne renonce à faire appel ou abandonne un recours en appel alors qu'elle utilise un nouveau motif ou dépose une nouvelle demande.

Ainsi, la section 120 étend le champ d'application de la procédure dite "one stop", qui oblige la personne susceptible de faire appel d'un certain type de décision à formuler tous les moyens lui permettant de contester cette décision.

Cette procédure a été instituée par l'Immigration and Asylum Act de 1999. Elle s'applique aux étrangers pouvant exercer leur droit d'appel au Royaume-Uni et souhaitant entrer ou rester sur le territoire britannique pour des motifs concernant l'asile ou les droits de l'homme. L'auteur de la décision qui sera prise à ce sujet doit informer son destinataire qu'il peut justifier par des motifs supplémentaires sa volonté de rester au Royaume-Uni. Si à ce stade de la procédure, l'auteur de la demande manque d'utiliser un motif particulier, il ne pourra invoquer ce dernier lors de l'appel.

La section 120 de la loi relative à l'immigration de 2002 étend l'application de la procédure "one stop" à toutes les catégories d'étrangers souhaitant entrer ou rester sur le territoire britannique.

Les décisions de l'adjudicator peuvent faire, dans un délai de 10 jours, l'objet d'un recours devant l'Immigration Appeal Tribunal sur un point de droit. L'arrêt de cette juridiction peut faire l'objet d'un recours devant la Cour d'Appel.

V - QUELQUES DONNÉES CHIFFRÉES CONCERNANT LES ANNÉES 2001 et 2002

Le ministère de l'intérieur publie chaque année, en septembre, une étude sur le contrôle de l'immigration, donnant des indications chiffrées pour l'année précédente.

L'étude du 26 septembre 2002 fournit les données suivantes pour l'année 2001 :

- 71 365 demandes d'asile ont été déposées. 10 375 étrangers se sont vu accorder le statut de réfugié et 11 495 ont bénéficié à titre permanent du droit de séjour. A l'inverse, 87 990 demandes ont été rejetées. En 2002, le nombre de demandes d'asile (en incluant les personnes dépendantes du demandeur) s'est élevé à 110 700, soit une hausse de plus de 20 %. La Grande-Bretagne devance ainsi l'Allemagne (71 100) et la France (58 100). Cette année, 8 271 demandeurs se sont vu accorder l'asile et 54 591 demandes d'asile ont été rejetées ;

- 74 365 appels concernant les demandes d'asile ont été formés en 2001, 49 500 en 2002 ;

- le National Asylum Support Service a assisté 65 635 demandeurs d'asile dont 40 325 pour l'hébergement et 25 310 pour l'aide financière. Fin 2002, 37 810 demandeurs recevaient une assistance financière, 54 070 étaient accueillis dans les centres d'hébergement ;

- les autorisations de séjour accordées ont diminué de 15 % par rapport à l'année 2000 pour s'établir à 106 820 ; les autorisations accordées au titre du regroupement familial représentent 53 % du total (41 % pour les conjointes, 12 % pour les enfants et les autres personnes dépendantes), les autorisations accordées pour l'asile ont diminué, par rapport à l'année 2000, de 7 855 pour s'établir à 16 980.

1 () Eschyle, Les suppliantes, v. 81-83.

2 () Les chiffres cités sont, sauf mention contraire, extraits de UNHCR, Asylum Applications Lodged in Industrialized Countries : Levels and Trends, 2000-2002, Genève, mars 2003.

3 () Un nombre important de demandes ont cependant été déposées hors du territoire autrichien, et peu de ces demandeurs ont été effectivement admis sur le territoire.

4 () Cette proportion ne tient compte ni de l'asile territorial, ni des mineurs accompagnants.

5 () Les chiffres cités pour la France incluent l'asile territorial à compter de 1999.

6 () UNHCR, Refugees by numbers 2002.

7 () Cette permanence rend hasardeux d'expliquer cette baisse globale des admissions par une interprétation qui serait « de plus en plus restrictive » de la Convention de Genève.

8 () Sur l'historique de la politique européenne d'asile, Cf. Nathalie Berger, La politique européenne d'asile et d'immigration, Bruylant, 2000 ; Daphné Bouteillet-Paquet, L'Europe et le droit d'asile, L'Harmattan, 2001 ; Wenceslas de Lobkowicz, L'Europe et la sécurité intérieure, La Documentation française, 2002.

9 () JORF du 5 août 1986.

10 () JORF du 22 mars 1995, p. 4441.

11 () JOCE L 242/63 du 4 septembre 1997.

12 () V. Nabil Benbekhti, « Le droit d'asile et l'Union européenne », Actualité et Droit international, octobre 2002, p. 3.

13 () Le traité de Maastricht du 7 février 1992 n'est entré en vigueur que le 1er novembre 1993, en raison des difficultés suscitées par la victoire du « non » lors du référendum organisé par le Danemark le 2 juin 1992.

14 () Ces trois textes sont publiés et commentés dans The Asylum Acquis Handbook, édité par Peter J. Van Krieken, T.M.C Asser Press, La Haye, 2000.

15 () En ce sens, Cf. CE, Ass., 18 décembre 1996, Min. de l'Intérieur c. Rogers, Leb., p. 509.

16 () Article K.1 (1) du traité de Maastricht.

17 () JOCE C 274/13 du 19 septembre 1996.

18 () JOCE C 262/1 du 7 octobre 1995.

19 () JOCE L 63/10 du 13 mars 1996.

20 () JOCE L 114/2 du 1er mai 1999.

21 () Cf. Wenceslas de Lobkowicz, L'Europe et la sécurité intérieure, La Documentation française, 2002, p.79-80.

22 () Cf. D. Alland, C. Teitgen-Colly, Traité du droit de l'asile, PUF, 2002, n° 109.

23 () Henri Labayle, « La libre circulation des personnes dans l'Union européenne, de Schengen à Amsterdam, AJDA, 1997, p. 192.

24 () Le Conseil constitutionnel ayant déclaré, dans la décision n° 97-394 DC du 31 décembre 1997, que le passage à la majorité qualifiée en matière d'asile, d'immigration et de frontières intérieures porte atteinte aux « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale », l'article 88-2 C a été modifié par la loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999.

25 () Cf. Henri Labayle, « Les nouveaux domaines d'intervention de la Cour de justice : l'espace de liberté, sécurité et de justice », in Marianne Dony et Emmanuel Bribosia, L'avenir du système juridictionnel de l'Union européenne, Editions de l'Université de Bruxelles, 2002, p. 73-105.

26 () C'est l'existence de la dérogation prévue au point d) qui a, selon le secrétaire général du Conseil constitutionnel, permis au Conseil de ne pas déclarer ce protocole contraire à la Constitution française (Cf. Jean-Eric Schoettl, AJDA 1998, p. 135 s.).

27 () Déclaration n° 56 de la Belgique relative au protocole sur le droit d'asile pour les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne.

28 () Cf. les communiqués de presse d'Amnesty International du 11 juin 1997, de Human Rights Watch du 12 juin 1997 et du Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (ECRE) du 10 juin 1997.

29 () « UNHCR's position on the proposal of the European Council concerning the treatment of asylum applications form citizens of European Union Member States », Genève, janvier 1997.

30 () Selon le HCR, en 1999, 265 Bulgares, 131 Tchèques, 80 Hongrois et 53 Polonais ont été reconnus réfugiés en 1999 ; en 2000, les chiffres étaient, respectivement, de 181, 88, 339 et 108 (Cf. House of Lords, Select Committee on the European Union, Defining Refugee Status and Those in Need of International Protection, 16 juillet 2002, § 49).

31 () Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen,
COM (2000) 755 final du 22 novembre 2000.

32 () La dernière version date du 16 décembre 2002 (Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Mise à jour semestrielle du tableau de bord pour l'examen des progrès réalisés en vue de la création d'un espace "de liberté, de sécurité et de justice" » dans l'Union européenne, COM (2002) 738 final).

33 () Décision 2000/596/CE du Conseil du 28 septembre 2000 portant création d'un Fonds européen pour les réfugiés, JOCE L 252 du 6 octobre 2000.

34 () Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil (JOCE L 212 du 7 août 2001, p. 12).

35 () Action commune 99/290/JAI établissant des projets et des mesures destinés à soutenir concrètement l'accueil et le rapatriement volontaire de réfugiés, de personnes déplacées et de demandeurs d'asile, y compris une aide d'urgence aux personnes ayant fui en raison des événements récents qui se sont produits au Kosovo (JOCE L 114/2 du 1er mai 1999).

36 () Cette clause s'inspire de l'article 33.2 de la Convention de Genève, qui permet le refoulement ou l'expulsion de cette catégorie de personnes mais pas leur exclusion du statut.

37 () Projet de loi n° 823 relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France, déposé le 30 avril 2003 à l'Assemblée nationale.

38 () Règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, JOCE L 50/1 du 25 février 2003.

39 () Ces innovations ont fait l'objet d'une analyse plus détaillée dans le rapport d'information de la Délégation de l'Assemblée nationale de l'Union européenne n° 331, du 24 octobre 2002, p. 83-95.

40 () Commission européenne, Evaluation de la Convention de Dublin (SEC (2001) 756 final), 13 juin 2001.

41 () Règlement (CE) n° 407/2002 du Conseil du 28 février 2002 fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 2725/2000 concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin (JOCE L 62 du 5 mars 2002).

42 () Proposition modifiée de directive du Conseil sur le droit au regroupement familial, COM (2002) 225 final, du 2 mai 2002.

43 () Les travaux de ce réseau universitaire sont disponibles sur son site internet, à l'adresse suivante : www.ulb.ac.be/assoc/odysseus.

44 () Philippe de Bruycker (dir.), Les régularisations des étrangers illégaux dans l'Union européenne, Bruylant, 2000.

45 () Daphné Bouteillet-Paquet (dir.), La protection subsidiaire des réfugiés dans l'Union européenne : un complément de la convention de Genève ? Bruylant, 2002.

46 () Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres (JOCE L 31/18 du 6 février 2003).

47 () Europolitique, n° 2746, 29 janvier 2003.

48 () Cf., en ce sens, la réponse du gouvernement à l'avis de la CNCDH sur l'asile en France du 6 juillet 2001.

49 () La réglementation actuellement applicable (circulaire du Premier ministre du 26 septembre 1991 relative à la situation des demandeurs d'asile au regard du marché du travail, JORF n° 226 du 27 septembre 1991) ne fixe pas, en principe, d'interdiction de portée générale et absolue. Elle prévoit, en revanche, que pendant la durée de la procédure de reconnaissance du statut de réfugié, les demandeurs d'asile sont soumis aux règles du droit commun applicables aux étrangers pour la délivrance d'une autorisation de travail, la situation de l'emploi leur étant opposable.

50 () Proposition de directive du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers et les apatrides pour prétendre au statut de réfugié ou de personne qui, pour d'autres raisons, a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, COM (2001) 510 final.

51 () Proposition modifiée de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, COM (2002) 326 final.

52 () Conseil constitutionnel, 13 août 1993, n° 93-325 DC.

53 () CE, 12 janvier 2001, Mme Hyacinthe, AJDA 2001, p. 589.

54 () Sur cette question, Cf. HCR, Survey on the Notion of Agents of Persecution as Interpreted by Member States of the European Union, 1995, et Ben Vermeulen et al., Persecution by Third Parties, University of Nijmegen, Centre for Migration Law, Nijmegen, 1998 (http://www.jur.kun.nl/cmr/articles/thirdparties.pdf).

55 () HCR, Guide des critères et des procédures à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de Genève de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut de réfugié, HCR/IP/FR, n° 65.

56 () CE, 27 mai 1983, Dankha, Rec. p.247, concl. B. Genevois, AJDA 1983, p. 481 s.

57 () Commission de recours des réfugiées (CRR), Section réunies (SR), 12 février 1993, Dzebric, Rec. CRR, 1993, p.37 ; CRR, SR, 5 avril 1993, Kurtic, Rec. CRR, 1993, p. 115 ; CRR, 27 juin 1991, Arthur, n° 173787. Cf. C. Teitgen-Colly, « Réfugiés », in Dictionnaire permanent des étrangers, n° 99 et s.

58 () UNHCR's Observations on the European Commission's proposal for a Council Directive on minimum standards for the qualification and status of third country nationals and stateless persons as refugees or as persons who otherwise need international protection, n° 31.

59 () Patrick Delouvin, « Pour l'asile, un calendrier européen cahotique », Hommes et migrations, n° 1242, mars-avril 2003.

60 () Comments from the European Council on Refugees and Exiles on the Proposal for a Council Directive on mimimum standards for the qualification and status of thirs country nationals and stateless persons as refugees or as persons who otherwise need international protection, p. 6.

61 () Memorandum by Guy S. Goodwin-Gill, Professor of International Refugee Law, University of Oxford, and Agnès Hurwitz, Refugee Studies Centre, University of Oxford, § 12, in House of Lords, Select Committee on the European Union, Defining Refugee Status and Those in Need of International Protection, 28e rapport, session 2001-2002.

62 () Sur cette notion, Cf. Daphné Bouteillet-Paquet (dir.), La protection subsidiaire des réfugiés dans l'Union européenne : un complément de la convention de Genève ? Bruylant, 2002.

63 () UNHCR's Observations, op. cit., p. 11.

64 () Loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, article 13.

65 () Cf. Memorandum Information Note on Article 1 of the Convention, du 23 mars 1995, European Series, vol. 1, n° 3, p. 32 ; D. Alland, C. Teitgen-Colly, Traité du droit de l'asile, PUF, 2002, n° 260.

66 () UNHCR's Observations on the European Commission's proposal [...], op. cit., n° 32 s.

67 () Sur cette notion, Cf. D. Alland, C. Teitgen-Colly, Traité du droit de l'asile, PUF, 2002, n° 260 s.

68 () Cf. D. Alland, C. Teitgen-Colly, op. cit., n° 260 et 262 ; Ben Vermeulen et al., Persecution by Third Parties, op. cit. p. 21-22.

69 () HCR, Guide des critères et des procédures à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de Genève de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut de réfugié, n° 116.

70 () CE, 21 mai 1997, Pham, Leb. p. 195.

71 () La distinction entre la révocation du « statut de réfugié », visé à l'article 14 ter 3, et la révocation du « statut accordé à un réfugié », visé par le paragraphe 4 du même article, est en effet peu convaincante et n'apparaît pas de nature à assurer cette compatibilité.

72 () Sur l'application de la notion de groupe social, Cf. Denis Alland, C. Teitgen-Colly, op. cit., n° 281 s.

73 () Pour les Etats-Unis, Cf. la décision de la Cour suprême de 1985, Acosta, et au Canada la décision de la Cour suprême Canada v. Ward, du 30 juin 1993.

74 () Cour suprême canadienne, Cheung c. Canada, 1993, 2F C 314.

75 () Au Canada, IRB, 10 août 1987, Incirciyan c. Canada, n° M 87-1541 X ; aux Pays-Bas, District Court de Harlem, 28 novembre 1985 (à propos des femmes iraniennes).

76 () CE, 23 juin 1987, O., Rec. CRR, p. 32, TDA n° 59.

77 () CRR, 18 septembre 1981, Mlle Diop, Doc. Réfugiés n° 187, 20-29 juin 1992, chron. F. Tiberghien, confirmé par CE, 29 juillet 1998, Mlle Diop.

78 () CRR, SR, 12 mai 1999, Djellal, Rec. CRR, p. 46.

79 () CRR, 23 novembre 1998, Ayoubi, Rec. CRR, p. 38 (à propos des femmes afghanes éloignées de la société traditionnelle) ; CRR, 14 décembre 1999, Zhoual, Rec.CRR, p. 48 (à propos d'une ressortissante algérienne menant un mode de vie occidental).

80 () CE, 29 décembre 1993, Mme Cheng, Rec. CRR, p. 20.

81 () CRR, 12 mars 1957, Balsega, req. n° 1474.

82 () CRR, 2 juin 1981, Adhietty, req. n° 11995.

83 () CRR, 27 mars 1953, Atanasio Mejias, req. n° 1778.

84 () CRR, 3 décembre 1959, Rubio, req. n° 3584.

85 () CRR, SR, 16 octobre 1995, Mme Veuve Nadarajah, confirmé par CE, 7 octobre 1998, Adet, req. n° 176883.

86 () CE, ass., 2 décembre 1994, Mme Agyepong, concl. Mme Denis-Linton, RFDA 1995, p. 86.

87 () CE, 21 mai 1997, Gomez-Botero, conc. Mme Denis-Linton, Rec. CRR, p. 58.

88 () CRR, 29 novembre 1993, Temur, Rec. CRR, p. 95.

89 () CRR, 22 juillet 1994, Woyakana ShakoRec. CRR, p. 67.

90 () CRR, 21 juillet 1995, Mme Lembé, Rec. CRR, p. 55 ; CRR, 19 février 1997, Cav, Rec. CRR, p. 61 ; CE, 8 juin 1998, Mme Donkor-Kwofie, Rec. CRR, p. 64 ;

91 () CRR, 27 mai 1982, Mazhar Ali, req. n° 11056 ; CE, 21 mai 1997, Gomez-Botero, op. cit.

92 () CE, 21 mai 1997, Sirzum, Rec. Leb., p. 193.

93 () CRR, 12 mars 1993, Kapenda, Rec. CRR, p. 38.

94 () CRR, 29 octobre 1999, Soysuren, Rec. CRR, p. 84.

95 () Cf. concl. Mme Denis-Linton sur CE, 21 mai 1997, op. cit.

96 () Selon le HCR (Guide des critères et des procédures à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de Genève de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut de réfugié, op. cit., n° 184) : « Il est évident [...] qu'un membre de la famille ne doit pas se voir reconnaître formellement le statut de réfugié si cela est incompatible avec sa situation juridique personnelle. Ainsi, l'intéressé peut avoir la nationalité du pays d'asile ou d'un autre pays et il peut jouir de la protection de ce pays. Dans ce cas, il n'y a pas lieu de lui accorder le statut de réfugié ».

97 () UNHCR's Observations on the European Commission's proposal [...], op. cit., p. 7.

98 () Cette disposition reste en discussion. Repoussée de l'article 6 à l'article 21, elle n'est en effet pas incluse dans l'accord politique intervenu lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » des 28 et 29 novembre 2002.

99 () Agence Europe, 27 février 2003.

100 () Proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, COM (2000) 578 final du 20 septembre 2000.

101 () Proposition modifiée de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, COM (2002) 326 final (2) du 3 juillet 2002.

102 () Sur cette notion, Cf. Daphné Bouteillet-Paquet, L'Europe et le droit d'asile, L'Harmattan, 2001, p. 227-232 ; Guy Goodwin-Gill, « Safe Third Country ? Says Who ? », IJRL, 1992, p.283 s. ; Parlement européen, Direction générale des études, Asylum in the European Union : The « Safe Country of Origin Principle », 1996 ; Joanne van Selm, Access to Procedures. « Safe Third Countries », « Safe Countries of Origin » and « Time limits », 2001.

103 () Document 10579/92 IMMIG 2.

104 () UNHCR's Summary Observations on the Amended Proposal by the European Commission for a Council Directive on Minimum Standards on Procedures in Member States for Granting and Withdrawing Refugee Status, Genève, janvier 2003.

105 () UNHCR, Asylum Processes (Fair and Efficient Asylum Procedures), Global Consultations on International Protections, 2d Meeting, EC/GC/01/12, § 38-40.

106 () Amnesty International's Comments on the Amended Proposal for a Council Directive on Minimum Standard on Procedures in Member States for Granting and Withdrawing Refugee Status, Bruxelles, février 2003.

107 () Loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, J.O.R.F. n° 109 du 12 mai 1998.

108 () La clause de cessation de l'article 1er C5 prévoit que le statut de réfugié cesse de s'appliquer si les circonstances à la suite desquelles une personne a été reconnue comme réfugié cessent d'exister.

109 () Ces pays sont le Bénin, le Cap-Vert, le Chili, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie.

110 () Déclaration du Conseil relative aux pays tiers sûrs, 14666/02 ASILE 71, 3 décembre 2002.

111 () L'article 16a de la Loi fondamentale allemande, relatif au droit d'asile, est, depuis cette révision, ainsi rédigé : « Les persécutés politiques jouissent du droit d'asile.

L'alinéa 1er ne peut être invoqué par celui qui entre sur le territoire fédéral en provenance d'un Etat membre des Communautés européennes ou d'un autre Etat tiers dans lequel l'application de la Convention relative au statut des réfugiés et de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est assurée. Les Etats non membres des Communautés européennes remplissant les conditions de la première phrase seront déterminés par une loi qui requiert l'approbation du Bundesrat. Dans les cas prévus à la première phrase, des mesures mettant fin au séjour peuvent être exécutées indépendamment du recours engagé contre elles.

Une loi qui requiert l'approbation du Bundesrat peut déterminer les Etats dans lesquels il paraît assuré en raison de l'état du droit, de l'application du droit et de la situation politique générale, qu'il n'y a ni persécution politique, ni peines ou traitements inhumains ou dégradants. Un étranger originaire d'un tel Etat est présumé n'être pas persécuté, tant qu'il ne produit pas des faits fondant l'hypothèse que, contrairement à cette présomption, il est politiquement persécuté [...] .»

112 () RFDA 1997, p. 28, concl. J.-M. Delarue ; D. Alland, RGDIP 1997.3, p. 781 ; F. Julien-Laferrière et X. Créach, Dalloz, 1997, p. 393.

113 () J.-M. Delarue, op. cit., p. 290-292.

114 () Cette disposition permettait au préfet de refuser l'admission lorsque le demandeur est « effectivement admissible dans un Etat autre que celui où il redoute d'être persécuté, dans lequel il peut bénéficier d'une protection effective, notamment contre le refoulement ».

115 () La France ne pourrait obtenir de ses partenaires qu'ils abandonnent ce concept, que l'un d'entre eux (l'Allemagne) a introduit dans son droit au moyen d'une révision constitutionnelle.

116 () Le droit à un recours effectif garanti par l'article 13 n'est, en effet, pas autonome : le requérant doit pouvoir prétendre de manière défendable qu'il court un risque s'agissant d'un autre droit garanti par la Convention (en l'espèce, par l'article 3) pour pouvoir l'invoquer.

117 () CEDH, Jabari c. Turquie, 11 juillet 2000, req. n° 40035/98, § 50 ; CEDH, Bozano c. France, 18 décembre 1986, série A, n° 111, § 48 à 50 (à propos d'un recours effectif au sens de l'article 26, imposant l'épuisement des voies de recours internes) ; CEDH, Conka c. Belgique, 5 février 2002, req. n° 51564/99, § 79.

118 () CEDH, 30 octobre 1991, Vilvarajah c. Royaume-Uni, série A, n° 215, § 125 ; CEDH, Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, série A, n° 161, § 123).

119 () CEDH, Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, Rec. 1996, p. 1381, § 145, 150 et 151.

120 () Rapport final du groupe de travail X « Liberté, sécurité et justice, 2 décembre 2002, CONV 426/02. L'ensemble des documents de la Convention européenne est disponible sur le site internet de la Convention : http://european-convention.eu.int.

121 () Projet d'article 31, partie I ; projets d'articles de la partie II, 14 mars 2003, CONV 614/03.

122 () Projet d'article 31, partie I ; projets d'articles de la partie II, 14 mars 2003, CONV 614/03, article 3.

123 () Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen,
COM (2000) 755 final du 22 novembre 2000.

124 () Dr Gregor Noll, Jessica Fagerlund, Fabrice Liebaut (Danish Centre for Human Rights), Study on the Feasibility of Processing Asylum Claims Outside the EU Against the Background of the Common European Asylum System and the Goal of a Common Asylum Procedure, décembre 2002.

125 () Cette étude est en ligne sur le site de la Direction générale « Justice et affaires intérieures » de la Commission européenne : http://europa.eu.int/comm/justice_home.

126 () Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la politique commune d'asile et l'Agenda pour la protection, COM (2003) 152 final du 26 mars 2003.

127 () Cf. Europolitique, n° 2763, du 29 mars 2003, « Les ministres réservent un bon accueil au plan britannique sur l'asile ».

128 () Amnesty International, « Renforcement de la forteresse Europe en temps de guerre. Commentaires sur les propositions britanniques de traitement extérieur et d'accord de partage de responsabilité avec des pays tiers », 27 mars 2003.

129 () Statement of the European Council on Refugees and Exiles on the European Council Meeting, 21 and 22 March 2003, du 17 mars 2003.

130 () Human Rights Watch, By Invitation Only : Australian Asylum Policy, décembre 2002 ; Amnesty International, Australia-Pacific. Offending Human Dignity - the « Pacific Solution », août 2002 ; Oxfam Community Aid Abroad, Still Drifting - Australia's Pacific Solution Becomes « A Pacific Nightmare », août 2002.

131 () Commission des droits de l'homme des Nations Unies, 59e session, Report of the Working Group on Arbitrary Detention, 24 octobre 2002.

132 () Ce discours peut être consulté sur le site internet du HCR : http://www.unhcr.ch.

133 () Communiqué de presse du HCR, 28 mars 2003.

134 () Livre vert relatif à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier, COM (2002) 175 final du 10 avril 2002.

135 () La France n'a pas fourni de contribution écrite sur le Livre vert.

136 () L'ensemble de ces contributions peut être consulté à l'adresse suivante :

http://europa.eu.int/comm/justice_home/unit/doc_asile_immigrat/hearing_160702.htm.

(1) L'institution et l'entretien de cet office incombent à chacun des Länder.

(2) Le système ASYLON, qui contient les données à caractère personnel des demandeurs d'asile, permet de fournir ces renseignements.

(3) C'est seulement depuis 1995 que des statistiques sont disponibles en la matière.

(4) Cette Commission, chargée de réfléchir à une réforme du code de la nationalité, a rendu son rapport en juillet 2001.

© Assemblée nationale