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N° 889

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 mai 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la révision à mi-parcours de la politique agricole commune (PAC),

ET PRÉSENTÉ

par M. Jean-Marie SERMIER,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Anne-Marie Comparini, MM. François Calvet, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 9

PREMIERE PARTIE : LA PAC AUJOURD'HUI 13

I. LA TRIPLE REUSSITE DE LA PAC 13

A. Une politique fondatrice de la construction européenne 13

B. La réalisation des objectifs fixés par le traité 16

C. Une contribution essentielle à l'aménagement du territoire 19

II. UNE POLITIQUE AYANT SU RELEVER LES DEFIS QUI LUI ETAIENT POSES 23

A. Le bilan des grandes réformes de 1992 et de 1999 23

1) Les étapes précédentes ou l'échec de la généralisation de la restriction quantitative de la production 23

2) Une PAC davantage axée sur le marché... 25

3) ...mais dont les effets sont ambigus 28

a) Une maîtrise désormais assurée de la production et des dépenses 28

(1) Des marchés globalement équilibrés 28

(2) Des dépenses stabilisées et peu coûteuses pour les citoyens européens 29

b) Des revenus agricoles préservés mais devenus dépendants des aides 30

c) Les limites de l'alignement sur un prix mondial largement fictif 32

B. Une capacité d'adaptation certaine aux nouvelles contraintes multilatérales 35

1) Des contraintes fortes... 35

2) ...respectées par l'Europe... 36

3) ...mais qui mettent la préférence communautaire sous tension 39

III. DES FAUX PROCES A ECARTER 43

A. Sur le « productivisme » de la PAC 43

1) Une agriculture reposant sur la qualité des productions 44

a) Une alimentation saine 44

b) Des productions savoureuses 45

2) Une agriculture prenant mieux en compte la protection de l'environnement 46

B. Sur l'inégale répartition des aides 47

C. Sur les effets de cette politique à l'égard des pays pauvres 48

1) Une controverse toujours ravivée 48

2) La chute drastique des subventions à l'exportation 49

3) Les vrais enjeux du débat 50

DEUXIEME PARTIE : ANALYSE CRITIQUE DES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPEENNE 53

I. LA METHODE : UN CALENDRIER ET DES MOTIVATIONS CONTESTABLES 55

A. Une précipitation regrettable 55

1) Une réforme hors mandat 55

2) Une réforme qui brouille les perspectives d'avenir des agriculteurs 56

B. Une réforme aux objectifs louables mais qui semble principalement dictée par des considérations extérieures 57

1) La volonté de consacrer les fonctions autres que productives de l'agriculture 57

a) Le renforcement du développement rural 58

b) Un objectif à la portée incertaine 59

2) Le « couplage » dangereux de la révision à mi-parcours avec les négociations multilatérales 60

a) Le cadre des discussions à l'OMC 60

b) Une position européenne de négociation ambitieuse mais risquée... 63

c) ...qui ne doit pas être bradée par la révision à mi-parcours 66

II. LES ORIENTATIONS : LE CHOIX DE LA DEREGLEMENTATION PAR L'ABANDON DES POLITIQUES D'ORIENTATION DES MARCHES 69

A. Le découplage des aides : une fausse bonne idée 69

1) Une rupture majeure fondée sur des arguments peu convaincants 70

a) La présentation de la Commission 70

b) Un raisonnement purement algébrique 71

2) Des risques de déséquilibre réels et inacceptables 72

a) Les « références historiques » 72

b) Les développements prévisibles 73

c) Les études d'impact 75

B. L'affaiblissement des organisations communes de marché 76

1) Un gel obligatoire des terres qui serait perturbateur 77

2) Des baisses de prix et de soutiens injustifiées 78

a) Les cultures arables 78

(1) Les céréales 78

(2) Les oléagineux et les protéagineux 80

(3) Le blé dur 81

(4) Les fourrages séchés 82

(5) Les fruits à coque 82

(6) Le riz 82

b) Un contre-sens sur l'activité laitière 83

C. Une « modulation » qui revient à amputer de manière inacceptable les aides directes 86

D. Des priorités oubliées 87

1) Un zéro pointé en ce qui concerne la réduction de la dépendance protéique de l'Europe 87

2) Une absence d'ambition concernant la réforme de deux OCM vieillissantes et inadaptées 91

a) L'OCM vitivinicole 91

b) L'OCM fruits et légumes 92

E. Le renforcement du développement rural 93

1) Une politique à parfaire... 93

2) ...mais les solutions avancées sont complexes et pourraient remettre en cause la solidarité financière de l'Union européenne 94

F. L'écoconditionnalité 95

1) Une évolution indispensable... 95

2) ...mais qui ne doit pas bureaucratiser l'agriculture 97

TROISIEME PARTIE : LA REFORME A FAIRE OU LA CONSOLIDATION DU MODELE AGRICOLE EUROPEEN DANS L'UNION ELARGIE 101

I. L'ELARGISSEMENT CONSTITUE UN DEFI ET UNE CHANCE POUR L'AGRICULTURE EUROPEENNE... 103

A. Un défi en partie relevé 103

1) Un « choc agricole » qui doit être relativisé 103

2) Des dépenses agricoles plafonnées jusqu'en 2013 107

3) Un effort de modernisation considérable pour les pays adhérents qui impose d'adopter des politiques ambitieuses d'investissement et d'accompagnement social 109

B. L'extension du modèle européen de régulation des marchés agricoles comme renaissance de la PAC 110

II. ...ET DOIT PERMETTRE DE CONSOLIDER ET DE SIMPLIFIER LA PAC 113

A. Conforter les aides à l'agriculture 113

1) En simplifiant le lien avec la production 113

2) En contractualisant les démarches de qualité et de sécurité avec les producteurs 114

B. Assurer une réelle synergie entre les premier et deuxième piliers de la PAC 115

1) Ne pas faire jouer le développement rural contre les OCM 116

a) Ne pas réduire la PAC à une politique rurale 116

b) Renforcer les OCM sans lesquelles il ne peut y avoir de maîtrise de la production et de réévaluation des prix payés aux producteurs 117

(1) Préserver et compléter les outils d'intervention 117

(2) Le maintien des quotas laitiers 121

c) Clarifier les buts et le financement du développement rural 122

2) Eviter toute renationalisation insidieuse de la PAC 123

C. Préserver la préférence communautaire dans le cadre de règles commerciales reconnaissant le droit à la sécurité alimentaire 124

1) Assurer une protection tarifaire et qualitative adaptée des produits agricoles européens 124

2) Permettre aux pays pauvres de protéger leur agriculture vivrière 126

3) N'envisager un retrait des subventions aux exportations que s'il est soumis à de strictes conditions de réciprocité 127

CONCLUSION 131

TRAVAUX DE LA DELEGATION 133

1) Audition, conjointe, avec la commission de la production et des échanges, de M. Franz Fischler, membre de la Commission européenne chargé de l'agriculture, du développement rural et de la pêche, le mardi 16 juillet 2002 133

2) Audition, conjointe, avec la commission de la production et des échanges, de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, le mercredi 24 juillet 2002 145

3) Audition, conjointe, avec la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur la révision à mi-parcours de la politique agricole commune, le mardi 11 mars 2003 171

4) Compte-rendu de la réunion de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, le mercredi 28 mai 2003 185

PROPOSITION DE RESOLUTION 195

ANNEXES 201

Annexe 1 : Liste des personnes entendues 203

Annexe 2 : Chiffres clés de l'agriculture européenne 205

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La Délégation est saisie de six propositions de règlement visant à réformer en profondeur et à partir de 2004 la politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne(1).

Ces propositions ont été présentées par la Commission européenne le 21 janvier 2003 et font suite à sa communication du 10 juillet 2002 sur « la révision à mi-parcours de la PAC ».

Cette révision à mi-parcours n'est prévue par aucun texte : le Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mars 1999, qui a adopté une réforme de la PAC dans le cadre des perspectives financières pour la période 2000-2006, a seulement fixé une série de rendez-vous à caractère technique en 2002-2003, concernant l'examen de l'évolution de certains marchés et une évaluation budgétaire de la réforme.

Ainsi, la Commission européenne a utilisé ce qui devait être un exercice limité pour proposer un bouleversement complet des fondements de la plus ancienne et de la plus intégrée des politiques communes.

Elle justifie l'audace de ses propositions par deux arguments principaux.

D'une part, le système des soutiens aux producteurs doit être entièrement refondu pour lui redonner la légitimité qu'il a perdue suite aux crises sanitaires ayant affecté l'agriculture européenne. Les citoyens européens ne seraient plus disposés à rémunérer leurs agriculteurs par le versement d'aides tendant à encourager un productivisme peu respectueux de l'environnement et soucieux de la sécurité des consommateurs.

D'autre part, la PAC doit changer de philosophie si elle veut survivre aux négociations engagées à l'OMC pour libéraliser les échanges agricoles. Celles-ci, qui ont commencé en janvier 2000 et doivent s'achever d'ici le 31 décembre 2004, se caractérisent par une mise en accusation systématique du modèle agricole européen par les Etats-Unis, les pays émergents exportateurs et tout un courant de pensée qui remet en cause l'existence même des politiques agricoles.

Certes, la Commission européenne utilise d'autres motifs pour défendre sa réforme, beaucoup plus fondés : l'Europe doit promouvoir un développement durable de son agriculture, afin de répondre aux préoccupations de ses citoyens concernant le respect de l'environnement. D'autre part, elle doit impérativement garantir la qualité et la sécurité des produits alimentaires fournis aux consommateurs. Enfin, les instruments de la PAC doivent accorder toute leur place aux différentes fonctions de l'agriculture. Cette dernière ne fait pas que produire des biens vendus sur un marché, elle joue aussi un rôle décisif dans la cohésion sociale et territoriale des Etats membres, qui doit être davantage reconnu.

Ces objectifs louables peuvent conduire à adapter les mécanismes de la PAC. Mais ils ne peuvent autoriser la Commission européenne à proposer aux Etats membres d'adopter une réforme qui revient à abandonner toute ambition de régulation en matière agricole. Il ne peut y avoir d'agriculture économiquement, socialement et écologiquement viable sans contrôle de la production et des marchés, une mission qui doit rester au cœur de la PAC.

A cette considération de principe, s'ajoutent des arguments pragmatiques : l'Union dispose des atouts nécessaires pour faire évoluer de manière réfléchie la PAC.

D'abord, la PAC est déjà en cours de réforme puisque l'accord de Berlin de 1999 définit un cadre d'évolution qui court jusqu'en 2006.

Ensuite, sur le plan budgétaire, les dépenses de la PAC ont été stabilisées jusqu'en 2013, grâce à l'accord intervenu au Conseil européen de Bruxelles d'octobre 2002, et permettent d'absorber le choc de l'élargissement.

Enfin, l'argument des négociations à l'OMC tombe de lui-même par le simple rappel que l'un des objectifs de la réforme de 1999 était de dégager les marges de manœuvre nécessaires pour les concessions à faire dans cette organisation. En voulant donner davantage de gages à ses partenaires commerciaux par une réforme qui changerait la nature de la PAC, l'Europe risque de perdre celle-ci en payant deux fois à l'OMC. Ce mauvais calcul tactique ne peut profiter qu'aux grandes puissances exportatrices qui n'ont qu'une envie, celle de faire peser l'essentiel de la libéralisation des échanges agricoles en cours de négociation sur l'Europe. Ce n'est pas en bouleversant de fond en comble la PAC que l'Union européenne pourra adopter une position offensive à l'OMC, qui doit avoir pour ambition de défendre les politiques agricoles permettant d'assurer la sécurité alimentaire des peuples du Nord et du Sud.

*

* *

Quelles doivent être, dans ces conditions, les ambitions de l'Europe agricole de demain ?

D'abord, celles-ci doivent être forgées à partir d'un constat souvent oublié aujourd'hui : la PAC est une grande réussite, car elle a atteint ses objectifs et a su s'adapter aux contraintes internes et externes sans renier les principes qui font sa force. La bataille de communication en faveur de la PAC n'est pas un combat
d'arrière-garde, mais doit permettre de poser de manière objective les termes du débat sur les améliorations à lui apporter. Nous ne pourrons avoir une vision claire de la PAC de demain qu'après avoir balayé les faux procès qui l'obscurcissent.

Ensuite, il convient de souligner le caractère éminemment contestable de certains aspects de la réforme proposée par la Commission européenne, qui conduisent à démanteler les politiques d'orientation et de gestion des marchés agricoles. Le principe d'un découplage intégral des aides est notamment inacceptable, d'autant qu'il semble exclusivement dicté par la perspective des concessions à accorder dans le cadre des négociations à l'OMC. Or, sur ce dernier point, l'Europe ne peut désarmer ses agriculteurs quand les Etats-Unis adoptent au même moment la démarche inverse en tournant résolument le dos à une politique agricole axée sur le marché.

Enfin, toute évolution doit respecter le cadre d'une PAC conciliant un premier pilier d'organisation des marchés qui soit tout à la fois fort et soucieux de répondre davantage aux préoccupations des citoyens et un pilier consacré au développement rural rendu plus simple et efficace.

PREMIERE PARTIE :
LA PAC AUJOURD'HUI

I. LA TRIPLE REUSSITE DE LA PAC

Défendre aujourd'hui la PAC consiste d'abord à rappeler qu'elle est une réussite majeure de la construction européenne. D'ailleurs, c'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles elle suscite tant d'animosité chez certains de nos partenaires commerciaux !

A. Une politique fondatrice de la construction européenne

Après le charbon et l'acier, mis en commun avec la CECA en 1952 pour être transformés en outils de paix, l'agriculture a servi de fondement à la Communauté économique européenne.

Celle-ci s'est appuyée, dès ses origines, sur un double choix, en apparence contradictoire : l'instauration, d'une part, d'un marché unique, reposant sur la libéralisation des échanges, et la protection et le soutien accordés, d'autre part, à un secteur économique particulier, l'agriculture.

Mais le pari de la compétitivité économique par le libre jeu des forces du marché s'est naturellement allié avec la volonté d'aider l'agriculture européenne.

En effet, dans le domaine agricole, les pères de l'Europe poursuivaient un grand objectif politique : assurer l'indépendance alimentaire des six pays fondateurs de la Communauté, confrontés aux graves pénuries de l'après-guerre, et au sein desquels l'agriculture apparaissait comme un secteur d'activité essentiel employant 22 % de la population active.

A cet objectif politique, s'est ajoutée la reconnaissance d'une évidence économique : l'agriculture est une activité productive particulière, qui justifie l'existence de mécanismes d'intervention adaptés.

Trois raisons principales font que l'agriculture n'est pas un secteur économique comme les autres.

D'abord, l'agriculture doit être protégée pour lutter contre la concurrence déloyale régnant sur les marchés internationaux. Le marché mondial n'évolue pas en fonction de l'offre et de la demande, car il sert de débouché aux marchés nationaux, qui souhaitent écouler leurs excédents ou combler leurs déficits dans un contexte de prix extrêmement fluctuants.

Ensuite, l'agriculture est une activité aléatoire, soumise à d'importantes variations, qu'elles soient météorologiques ou économiques avec l'évolution des cours mondiaux. Or, ces aléas ont de fortes incidences sur le revenu et l'existence des exploitations. En effet, en cas de hausse de la production, les prix baissent, mais sans que la demande s'accroisse du fait de sa faible élasticité : les fluctuations qui affectent l'activité agricole peuvent donc entraîner de lourdes pertes pour celle-ci, qui sont synonymes de faillites et de disparitions. Ces dernières sont préjudiciables pour l'économie, mais aussi pour la société, que ce soit en termes d'approvisionnement ou d'aménagement du territoire. Dans ces conditions, la régulation des marchés agricoles s'avère indispensable.

Cette dernière observation permet d'illustrer le fait que l'apport de l'agriculture va bien au-delà de la production de biens qui sont vendus sur un marché  : cette activité génère aussi des « externalités », c'est-à-dire qu'elle a une influence positive ou négative sur le bien-être ou le mal-être de la société. L'agriculture a des incidences sur l'environnement, l'occupation équilibrée ou déséquilibrée de l'espace, le patrimoine naturel, etc. Ces externalités constituent autant de services rendus à la collectivité, mais qui ne peuvent être achetés et vendus sur un marché, ni être rémunérés par les bénéficiaires. L'agriculture étant un bien public dont tout citoyen peut profiter, la collectivité se doit de rémunérer les services fournis par cette activité.

Ces raisons essentielles ont conduit l'Europe à se forger une ambition agricole, qui peut être ainsi définie : la constitution d'une agriculture moderne, qui assure l'autosuffisance alimentaire des Etats membres par la stabilisation des marchés et la solidarité vis-à-vis des agriculteurs.

Ce choix fondateur de l'Europe a été codifié dans le traité de Rome de 1957, qui fixe cinq grands objectifs à la politique agricole :

Article 33 du traité instituant la Communauté européenne

1. La politique agricole commune a pour but :

a) d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d'œuvre ;

b) d'assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ;

c) de stabiliser les marchés ;

d) de garantir la sécurité des approvisionnements ;

e) d'assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

La volonté d'unifier l'Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale a donc fait de la PAC l'un des piliers de la construction européenne.

Par ailleurs, cette politique a doté l'Europe de principes et d'outils de régulation originaux et cohérents, qui constituent autant d'acquis de notre modèle agricole.

Les principes de la PAC, définis en juillet 1958 à la Conférence de la Stresa, sont :

l'unicité des marchés, qui implique une liberté complète des échanges entre les pays de la Communauté ;

la préférence communautaire, qui donne la priorité à la production agricole européenne par rapport aux produits issus du marché mondial. Les prix communautaires étant en général supérieurs aux prix mondiaux, la PAC protège ses produits contre les importations à bas prix et les fluctuations du marché mondial par un système de prélèvements aux frontières sur les produits des pays tiers. Parallèlement, pour faciliter les exportations, la Communauté accorde des restitutions pour compenser la différence entre les prix de marché de la Communauté et les prix de vente sur le marché mondial ;

la solidarité financière, c'est-à-dire le financement des dépenses de la PAC par un budget commun.

Sur la base de ces grands principes, la PAC a été progressivement mise en place entre 1960 et 1964 avec :

- la création des organisations communes de marché (OCM), qui assurent le soutien des prix communautaires par des mécanismes particuliers, notamment l'achat par des organismes spéciaux de la production excédentaire à des prix garantis ;

- la création du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), en décembre 1962, qui finance les dépenses de la PAC.

Ces principes et ces outils ont permis à l'agriculture européenne de se maintenir et donc de préserver un modèle agricole fondé sur des structures de caractère familial tout en développant des productions sécurisées et de grande qualité.

Ce modèle contribue encore aujourd'hui à dessiner le visage de nos campagnes, en maintenant un lien entre les hommes, les terroirs et les produits. Il traduit un choix de civilisation auquel tous nos citoyens sont attachés.

B. La réalisation des objectifs fixés par le traité

A l'heure où la PAC fait l'objet de multiples critiques, il convient de rappeler que cette politique a atteint les objectifs qui lui ont été assignés par le traité instituant la Communauté européenne.

La PAC a accompagné et stimulé les mutations économiques de grande ampleur qu'a connues l'agriculture européenne : ce secteur ne représente plus aujourd'hui que 4,2 % de la population active, et 1,7 % du PIB de l'Union européenne à Quinze, contre 22 % et 10 % en 1957 pour l'Europe des Six. En France, la population active agricole a baissé de 3,9 millions en 1962 (20 % de la population active totale) à 964 000 en 2001 (4,1 % de la population active totale).

La réduction du poids de l'agriculture dans la vie économique de l'Europe est allée de pair avec un accroissement impressionnant des gains de productivité de ce secteur : en France, le rendement du blé a progressé d'environ 30 quintaux par hectare dans les années 1950 à 75 quintaux environ aujourd'hui. Avec seulement 135 millions d'hectares, l'Union européenne ne possède qu'un tiers de la superficie agricole américaine (425 millions d'hectares), mais affiche une productivité trois fois supérieure.

Cette forte augmentation de la productivité agricole traduit un choix en faveur de l'intensification, qui s'est logiquement imposé : au sortir de la guerre, l'Europe devait nourrir beaucoup d'habitants alors qu'elle ne disposait que de peu de terres. Cette contrainte qu'il faut toujours garder à l'esprit, joue encore aujourd'hui : selon la FAO, l'Union européenne dispose d'une surface agricole utile de 0,23 hectare par personne alors que ce ratio est trois fois supérieur aux Etats-Unis (0,65 hectare de surface agricole par personne) et douze fois supérieur en Australie (2,89 hectares de surface agricole par personne).

Cet accroissement remarquable de la productivité a permis à l'Europe d'atteindre l'objectif d'autosuffisance alimentaire. Ainsi, en 1962, la Communauté ne produisait que 80 % de sa consommation alimentaire contre 120 % aujourd'hui.

L'Europe a amélioré, de manière constante, son taux de couverture avec les pays tiers (ratio exportations/importations multiplié par 100), à l'exception notable de quelques secteurs, comme les graines oléagineuses et les fruits et légumes. Le taux de couverture global de l'Union européenne a augmenté de 22,1 % en 1961 à 85 % en 2000. Il est passé, entre 1961-1963 et 2000, de 15,6 % à 295 % pour les céréales, de 33 % à 150,3 % pour le sucre, de 30,9  % à 111 % pour les viandes, de 77 % à 522,7 % pour le lait, de 37 % à 37,2 % pour les fruits et légumes et de 10,5 % à 5,5 % pour les oléagineux.

Mais la PAC n'a pas seulement garanti la sécurité de nos approvisionnements, elle a aussi permis à l'Europe de devenir un grand exportateur agricole. L'Union européenne est, en 2000, le cinquième exportateur mondial de blé avec 9,9 % des parts de marché (derrière les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et l'Argentine), le cinquième exportateur mondial de maïs (derrière les Etats-Unis, l'Argentine, la Chine et le Canada), le deuxième exportateur mondial de beurre avec 21,3 % des parts de marché (derrière la Nouvelle-Zélande), le premier exportateur mondial de fromage avec 35,8 % des parts de marché (devant la Nouvelle-Zélande et l'Australie), le premier exportateur mondial de lait entier en poudre avec 37,8 % des parts de marché (devant le Canada et l'Australie), le deuxième exportateur mondial de sucre avec 17,2 % des parts de marché (derrière le Brésil), le troisième exportateur mondial de viande bovine avec 10,8 % des parts de marché (derrière les Etats-Unis et l'Australie) et le deuxième exportateur mondial de viande de volaille avec 14,3 % des parts de marché (derrière les Etats-Unis).

Les conditions d'approvisionnement des consommateurs ont été profondément modifiées grâce à ces succès de l'Europe agricole. A l'autosuffisance alimentaire, s'est ajoutée une baisse des prix réels des produits agricoles, ce qui fait que l'alimentation ne représente aujourd'hui plus que 15 % des dépenses des ménages européens. En France, les prix agricoles ont chuté de 40 % en francs constants, tandis que la part de l'alimentation dans les dépenses des ménages, en volume, est passée de 20 % du début des années 1960 à 14 % en 2001 et qu'elle vient désormais après le logement (24 %) et les transports (15,4 %).

En outre, le pari réussi de la modernité ne s'est pas fait au détriment du maintien des structures de caractère familial, qui sont au cœur du modèle agricole européen. L'Union européenne comprend 6,8 millions d'exploitations agricoles, soit trois fois et demie le chiffre des Etats-Unis (2,15 millions d'exploitations), dont 96 % sont détenues par un exploitant individuel (3 % d'entre elles sont détenues par une société). La taille moyenne des exploitations européennes est de 18 hectares, contre 207 hectares aux Etats-Unis, pour une valeur de la production agricole globalement comparable, chiffrée par l'OCDE à 197 et 190 milliards de dollars respectivement. 58 % des exploitations européennes utilisent moins de cinq hectares de surface agricole utile (SAU), ce pourcentage étant de 29 % en France tandis qu'en Grèce, en Italie et au Portugal, ce sont plus de trois exploitations sur quatre qui utilisent moins de cinq hectares. 3 % des exploitations européennes seulement utilisent plus de cent hectares (17 % des exploitations au Royaume-Uni et 12 % en France). Les exploitations européennes utilisant entre cinq et vingt hectares de SAU représentent quant à elles 23 % du total. Ces chiffres soulignent toute l'importance du rôle économique et social joué par la PAC.

Enfin, la PAC a contribué à l'augmentation relativement équitable du niveau de vie des agriculteurs par rapport à celui des autres actifs. En France, le revenu net d'entreprise agricole par actif non salarié a augmenté ces trente dernières années de 43 %, tandis que le revenu disponible par habitant augmentait de 70 %.

Il reste que l'agriculture n'est pas un secteur privilégié : en France, le revenu courant avant impôt par travailleur non salarié des exploitations agricoles était, en 2000, d'environ 1 620 euros alors que le salaire mensuel brut moyen dans les entreprises s'élevait, en 1999, à 2 094 euros.

C. Une contribution essentielle à l'aménagement du territoire

La dernière grande réussite de la PAC est d'avoir apporté une contribution essentielle à l'aménagement du territoire en préservant l'activité agricole dans toutes les régions d'Europe.

Cela est particulièrement vrai pour les territoires fragiles : 53 % des exploitations et 51 % de la superficie agricole utilisées dans l'Union européenne sont situées en zone défavorisée ou en zone de montagne. Ces exploitations donnent vie à des espaces qui autrement seraient laissés à l'abandon, ainsi qu'aux services collectifs qui accompagnent toute présence humaine.

En ce qui concerne la France, l'importance de l'agriculture pour l'aménagement de notre territoire est particulièrement évidente : en 2001, la surface agricole utile (SAU) représente 54,3 % de notre sol, devant les surfaces boisées, qui représentent 28 % du total, les sols revêtus ou bâtis, dits « artificialisés », couvrant 4,6 % du territoire national. Au total, la SAU est grande de 29,3 millions d'hectares, composée principalement d'herbe (37 %) et de céréales (36 %). Le blé représente 8 % du territoire français, le maïs 6 %, l'orge 3 % et le colza 2 %. Cette place de choix occupée par l'agriculture en France nous distingue de nos partenaires européens : si les terres arables ne représentent que 26 % de la SAU des Quinze, elles occupent en revanche 60 % de la SAU française.

Par ailleurs, la production de masse, si souvent décriée, participe à l'aménagement de notre territoire. Outre le fait qu'elle est nécessaire pour répondre à la demande mondiale, cette dernière est obligatoire sur un territoire aussi vaste que celui de la France, pour lequel le marché des produits biologiques n'est pas encore suffisamment développé, et indispensable à l'objectif de développement rural. En effet, la campagne française ne bénéficie pas d'une densité de population et d'activités comparable à celle de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne ou des Pays-Bas, qui permette de soutenir le développement rural par des voies autres que celle d'une agriculture produisant de manière rentable.

Mais l'apport de la PAC en matière d'aménagement du territoire peut être également observé dans les autres Etats membres l'Union européenne. En effet, cette politique n'a pas conduit à une spécialisation agricole de chaque pays : au contraire, chacun a poursuivi un objectif d'autosuffisance alimentaire, qui lui a permis le maintien d'activités agricoles diversifiées sur l'ensemble de son territoire. Si la France s'est affirmée comme le principal producteur de céréales en Europe, sa production étant passée de 21 millions à 61 millions de tonnes de 1961 à 2001, l'Allemagne a de son côté doublé sa production céréalière en quarante ans (de 18 à 51 millions de tonnes). Dans le secteur de la viande, les pays européens du Sud, pourtant désavantagés par rapport à ceux du Nord pour la production d'herbe, ont pu accroître durant la même période leur production de viande.

Ainsi, l'Europe se caractérise par un équilibre relatif entre les productions, qui fait partie intégrante du modèle agricole européen. En 2000, parmi les 6,8 millions d'exploitations européennes, 17 % d'entre elles sont des exploitations mixtes (polyculture, polyélevage ou culture et élevage) alors que 3 % sont spécialisées en horticulture, 36 % en cultures permanentes (vignes, oliveraies, arbres fruitiers), 21 % en grandes cultures (céréales, betteraves, etc.), 22 % en herbivores (dont 7 % spécialisées en production laitière) et 1 % seulement en production animale hors sol (porcs, volailles).

II. UNE POLITIQUE AYANT SU RELEVER LES DEFIS QUI LUI ETAIENT POSES

Il est frappant de constater que le discours anti-PAC est souvent en décalage complet avec la réalité de l'agriculture européenne, qui ne se caractérise plus par les excès des années 1970 ayant conduit au stockage de « montagnes » de lait et de beurre.

Défendre la PAC aujourd'hui consiste également à rappeler que cette politique n'est pas ce « bloc » figé dans son conservatisme présenté par certaines caricatures anglo-saxonnes, car elle n'a cessé d'évoluer depuis sa création pour répondre aux contraintes tant internes qu'externes.

A. Le bilan des grandes réformes de 1992 et de 1999

1) Les étapes précédentes ou l'échec de la généralisation de la restriction quantitative de la production

La PAC a connu au cours des années 1980 une première grande série de réformes, qui avaient pour objet de résorber le « choc » de la surproduction.

Les garanties de prix ont en effet provoqué une croissance de la production supérieure aux capacités d'absorption du marché communautaire. L'Europe a donc commencé à accumuler, à la fin des années 1970, les stocks de lait, puis de céréales à la fin des années 1980, et à utiliser le marché mondial comme un débouché permettant d'écouler ses excédents, ce qui a exacerbé la concurrence internationale.

La croissance de la production européenne a également entraîné une véritable explosion des dépenses budgétaires sous le coup de l'augmentation des restitutions à l'exportation et du gonflement des stocks publics. Le budget du FEOGA-Garantie a ainsi presque triplé en termes réels entre 1973 et 1984, pour représenter à cette date plus de 70 % de l'ensemble des dépenses budgétaires.

L'Europe a fait face à cette crise de croissance de la PAC en instaurant d'abord un contrôle quantitatif de la production laitière par la mise en place, le 31 mars 1984, des quotas laitiers.

Cette première adaptation majeure de la PAC des origines a eu des effets positifs : elle a contribué à la restructuration et à la modernisation d'un secteur agricole qui a longtemps fonctionné selon une logique sociale. En France, le régime des quotas a imposé, en dix ans, une réduction de 12 % de la production laitière et une baisse des effectifs d'actifs de 60 %. La filière qui s'est constituée à l'issue de la « révolution des quotas » est devenue économiquement performante, le rendement moyen par vache augmentant de 40 % tandis que la production moyenne par exploitation était multipliée par 2,3.

La Communauté a souhaité généraliser cette logique de restriction quantitative de la production par le recours à un mécanisme budgétaire : c'est ainsi que le Conseil européen de Bruxelles de février 1988 a créé les stabilisateurs agricoles, qui reposaient sur la fixation de quantités maximales de production ou de seuils de garantie dont le dépassement entraînait une réduction des prix d'intervention.

Cependant, ce mécanisme n'a pas fonctionné en raison des résistances que son déclenchement suscitait, les baisses de prix étant à la fois trop faibles pour rééquilibrer les marchés, mais trop fortes pour les revenus des agriculteurs, qui ne bénéficiaient alors d'aucune forme de compensation. D'autre part, les baisses de prix constituaient une forme de sanction collective pour les agriculteurs, qui n'étaient donc pas rendus individuellement responsables des dépassements des quantités maximales garanties. Ainsi, lorsqu'en 1990, les marchés ont été à nouveau confrontés à une situation de superproduction, le Conseil a refusé, sous l'impulsion de l'Allemagne et des Pays-Bas, de diminuer les prix garantis.

L'échec de ce système et la pression des négociations commerciales multilatérales ont conduit la Commission européenne à préconiser une autre voie, qui a réorienté de manière profonde la politique agricole commune.

2) Une PAC davantage axée sur le marché...

· La rupture introduite en 1992 et prolongée en 1999 a principalement consisté en un basculement du soutien à l'agriculture, jusque-là supporté par les consommateurs, à travers le soutien par les prix, sur le contribuable, en compensant la baisse des prix par des aides directes.

¬ L'ajustement par les prix ou la volonté de rapprocher les prix européens des prix mondiaux

La réforme de mai 1992 a consisté à baisser les prix garantis de 30 % pour les céréales et de 15 % pour la viande bovine, afin de réduire les déséquilibres sur les marchés par la relance de la demande interne et externe, tout en cherchant à anticiper les résultats des négociations du Cycle d'Uruguay (1986-1994) en ce qui concerne la baisse de la protection tarifaire, des soutiens internes et des exportations subventionnées.

Le mouvement a été poursuivi par l'accord de Berlin de mars 1999, qui prévoit une baisse des prix des céréales de 15 % en 1999-2002 et des prix de la viande bovine de 20 % sur la même période, ainsi qu'une baisse du prix d'intervention du lait de 15 % sur trois ans à partir de 2005.

Le choix de l'ajustement des productions par les prix a conduit par ailleurs à l'affaiblissement de certains outils de régulation des marchés :

- dans le secteur de la viande bovine, le mécanisme de l'intervention ne joue plus que le rôle d'« un filet de sécurité » après la mise en place du stockage privé : il ne se déclenche que si le prix moyen des bovins mâles est inférieur à 1 560 euros la tonne. La Commission européenne a rejeté l'éventualité d'une maîtrise renforcée de la production par l'introduction de quotas au niveau de la production ou du cheptel au motif qu'elle susciterait des difficultés administratives trop importantes ;

- dans le secteur des oléagineux, l'abandon du prix de référence, qui permettait d'ajuster l'aide en fonction des prix du marché, a eu pour conséquence de soumettre les producteurs aux aléas du marché sans garde-fou ;

- enfin, dans le secteur du lait, les quotas ont été prolongés jusqu'en 2006, mais leur augmentation par l'attribution de 1,4 million de tonnes supplémentaires à cinq Etats membres (Espagne, Grèce, Irlande, Italie et Royaume-Uni) s'inscrit dans la logique d'un relâchement de la maîtrise quantitative de la production, ce qui a justifié à son tour la baisse des prix décidée à Berlin.

¬ La création des aides directes

La baisse des prix décidée en 1992 a été intégralement compensée par l'octroi de suppléments d'aides directes aux exploitations.

Ces aides sont partiellement découplées : en effet, les paiements directs instaurés par la réforme de 1992 ne sont pas des aides liées aux quantités produites, car ils sont assis sur des références historiques de surface des exploitations (dans le cas des aides aux céréales) ou de nombre de têtes de bétail (dans le cas des primes animales) qui sont, de façon plus ou moins importante, déconnectées des références réelles. Ainsi, les modalités de calcul des soutiens créés en 1992 limitent le volume global des aides distribuées sans encourager de manière artificielle la production.

La réforme de 1999 a renforcé le niveau des primes à l'hectare et à l'animal, mais leur augmentation n'a pas compensé les nouvelles baisses de prix. Dans le secteur des grandes cultures (céréales et oléagineux), la prime ne compense que 50 % de la baisse des prix et devient une aide à la surface par l'alignement progressif d'ici 2002 de l'aide spécifique aux oléagineux sur l'aide aux céréales (soit 63 euros la tonne pour les deux cultures). Dans le secteur de la viande bovine, la compensation n'est que de 85 % tandis que l'aide au litre de quota ne compensera, à partir de 2005, que 65 % de la baisse des prix.

Ces aides directes sont aujourd'hui contestées, mais il faut garder à l'esprit le fait qu'elles restent indispensables à la préservation d'un niveau de vie équitable pour les agriculteurs dans un marché davantage libéralisé et soumis aux fluctuations de prix. Ainsi que le note une étude du ministère de l'agriculture d'avril 2002, le « maintien du revenu des producteurs français à son niveau de 1999 supposerait, en l'absence de toute aide directe, des prix payés aux producteurs d'environ 30 % plus élevés que les cours actuels »(2).

· La réforme de 1992 n'en a pas moins permis à la PAC de continuer à orienter et à organiser les marchés agricoles.

D'abord, la réforme de 1992 s'est traduite par un effort de maîtrise de la production par l'instauration de la mesure du gel des terres pour les céréales et par le plafonnement des droits à prime pour la viande bovine.

Mais ce sont l'ensemble des mécanismes actuels liés à l'octroi des aides qui concourent aujourd'hui à l'objectif de contrôle de la production et de régulation des marchés. Ainsi, l'éligibilité des cultures et des surfaces, la nature des animaux, le chargement, les droits à primes sont autant d'outils qui permettent d'orienter la production et de la maintenir sur l'ensemble du territoire. Ces derniers ont d'ailleurs été utilisés pour réguler le niveau de l'offre pendant la crise de l'ESB, le retrait du marché ayant représenté jusqu'à 14 % de la production lors de la crise de novembre 2000.

C'est ainsi qu'à la différence de la réforme actuellement proposée par la Commission européenne, le « tournant » de 1992 n'aura pas abouti à faire disparaître la notion de politique des marchés agricoles.

3) ...mais dont les effets sont ambigus

a) Une maîtrise désormais assurée de la production et des dépenses

(1) Des marchés globalement équilibrés

La PAC issue de la réforme de 1992 a fait disparaître, à de rares exceptions près, les déséquilibres structurels de marché :

· Dans le secteur des céréales, on constate une diminution très sensible des stocks publics de 33,3 millions de tonnes en 1992/1993 à 7,9 millions de tonnes en 2001/2002 dont 914 000 tonnes pour le blé et 5 millions de tonnes pour le seigle. L'équilibre est atteint en grande partie grâce à la reconquête du marché de l'alimentation animale par les céréales domestiques : la consommation de cette production a progressé de 55 % entre 1992 et 2000, soit une augmentation en volume de 30 millions de tonnes.

Par ailleurs, l'offre a été maîtrisée par le gel des cultures, qui a un impact d'environ 10 à 20 millions de tonnes par an pour un taux de 10 %. Selon l'Association permanente des chambres d'agriculture (APCA), la contribution de la France à la maîtrise de la production est de 4 à 6 millions de tonnes annuelles.

· Depuis 1995, les surfaces en oléagineux oscillent autour de la surface maximale garantie issue des accords de Blair House de 1992 et imposée par les Etats-Unis, et qui limite la culture de ces productions sur 5 millions d'hectares. Depuis 1999, le potentiel de production est en cours de réduction. En effet, la baisse du montant des aides aux oléagineux, qui résulte de leur alignement sur les aides aux céréales, a conduit à une importante diminution des assolements en 2000, qui a fait régresser les surfaces cultivées de 11 % par rapport en 1999. Les surfaces en protéagineux ont, quant à elles, baissé de 7 % entre 1999 et 2001.

· En ce qui concerne la viande bovine, on constate un équilibre global sur la période 1991-1999, mais l'impact de la réforme de 1992 est difficile à isoler en raison des deux crises de l'ESB. Les stocks publics sont quasiment nuls en 1995, puis reprennent en 1995 et 1996 pour être entièrement résorbés en 2000. La dernière crise d'ESB a gonflé les stocks en 2001, qui ont atteint 250 000 tonnes.

· S'agissant du lait, avec plus de 120 millions de tonnes produites chaque année, l'Europe est le premier producteur mondial. La production étant totalement maîtrisée par les quotas, l'évolution de la demande a conduit à une modification des utilisations avec une augmentation de la part des fromages et des produits laitiers, qui représentent respectivement 42 et 13 % de la collecte au détriment des beurres et poudres de lait écrémé, et une stabilisation de la part du lait de consommation, qui représente un quart de la collecte.

(2) Des dépenses stabilisées et peu coûteuses pour les citoyens européens

Les dépenses de la PAC sont désormais stabilisées.

Certes, elles se sont d'abord accrues sous l'effet de la montée en puissance des aides directes d'environ 10 milliards d'euros de 1992 à 1999, soit d'un peu plus de 30 milliards d'euros à un peu moins de 40 milliards d'euros. Au total, les réformes de 1992 et de 1992 ont nettement réorienté les dépenses agricoles : alors que les aides directes ne représentaient que 19 % du FEOGA-Garantie avant la première réforme de 1992, elles atteignaient, en 2001, 65,2 % du total. Dans le même temps, les dépenses de gestion des marchés, qui comprennent les interventions et les restitutions, ont été fortement réduites, passant de 81 % du FEOGA-Garantie avant 1992 à 29 % de ce poste de dépenses.

Mais cette augmentation du budget entre 1992 et 1999 doit être relativisée, car il y a eu sur la période considérée l'arrivée de trois nouveaux Etats membres (l'Autriche, la Finlande et la Suède) et la réunification de l'Allemagne.

Depuis, le Conseil européen de Berlin a plafonné les dépenses autour d'une moyenne annuelle de 40,5 milliards d'euros pour la période 2000-2006.

En outre, le budget agricole n'est pas seulement maîtrisé, il est aussi sous-utilisé, puisque l'on constate chaque année des économies de l'ordre de plus d'un milliard d'euros, malgré les crises sanitaires, soit 1,2 milliard d'euros en 2000 et 1,8 milliard d'euros en 2001.

Par ailleurs, si la PAC représente encore 45 % des dépenses communautaires, elle pèse moins d'un demi-point du PNB de l'Union européenne et coûte moins de 30 centimes d'euros par jour à chaque citoyen européen. Il est difficile de comparer le coût du soutien accordé respectivement par l'Union européenne et les Etats-Unis, mais on peut utiliser un indicateur élaboré par l'OCDE, l'estimation totale de l'assistance ou ETA, qui mesure le coût par citoyen de la politique agricole d'un pays ou d'un ensemble régional : il est, en 2000, de 338 dollars par an aux Etats-Unis contre 276 dans l'Union européenne.

Enfin, la France reste toujours le premier bénéficiaire de la PAC avec 22,2%, en 2001, du total des dépenses agricoles de l'Union européenne et 24,2 % des aides directes. Elle est suivie par l'Espagne (14,7 %), l'Allemagne (14 %), l'Italie (12,7 %) et le Royaume-Uni (10,4 %). Cette situation est logique dans la mesure où le poids de la France dans le FEOGA-Garantie est proche de sa part dans la production du secteur agricole de l'Union européenne, soit 22,4 % du total.

b) Des revenus agricoles préservés mais devenus dépendants des aides

L'évolution du revenu des agriculteurs en Europe et en France n'est pas imputable à la seule réforme de la PAC. Il faut également prendre en compte des facteurs explicatifs conjoncturels (conditions climatiques, cours mondiaux et crises sanitaires), ainsi que les effets de l'accord agricole de Marrakech de 1994. A ces éléments, il faut ajouter l'impact de la baisse de la main-d'œuvre agricole, qui a chuté de 25 % dans la plupart des pays européens.

Quoi qu'il en soit, le revenu agricole, mesuré à partir de la valeur ajoutée nette par unité de travail agricole, a augmenté depuis 1990 dans tous les Etats membres, mais selon des proportions variables, à l'exception du Royaume-Uni et des Pays-Bas, qui ont vu le revenu agricole baisser respectivement de 12 % et de 8 %. Les augmentations sont supérieures à 30 % en France, en Allemagne, en Italie, au Portugal et au Danemark.

En France, la situation économique des agriculteurs s'est améliorée tout au long de cette période, malgré les baisses de prix. Le produit brut moyen des exploitations agricoles a augmenté de 27 % sur la période 1990-1999 sous l'effet combiné de l'agrandissement des exploitations (la surface moyenne dont elles disposent est passée de 42,7 à 64,7 hectares, soit une augmentation de 37 %), de l'accroissement des rendements (+10 % pour le blé tendre, +25 % pour l'orge de printemps, +35 % pour le maïs en grain, +11 % pour le colza) et de la taille des cheptels (+12 % pour les vaches laitières et +57 % pour les vaches allaitantes).

En ce qui concerne le poids des aides directes dans l'agriculture, on rappellera d'abord qu'elles concernent pour 60 % d'entre elles les aides aux surfaces cultivées, pour 23 % environ les différentes primes animales et le solde, soit 17 %, concerne les aides directes comme les mesures agro-environnementales et les indemnités compensatoires de handicaps naturels. Ces aides sont très concentrées puisque, selon l'INRA, 20 % des exploitations agricoles européennes en perçoivent 73 %, pour 59 % des superficies et 25 % des emplois. Leur montant moyen par exploitation agricole est, dans la Communauté, d'environ 7 500 euros, soit 4 800 euros par emploi et 260 euros par hectare.

Ces aides jouent désormais un rôle considérable dans la formation du revenu des agriculteurs européens. En France, la part des aides dans le résultat net par actif non salarié a atteint 55 % en 1999, alors qu'elle n'était que de 10 % avant la réforme de la PAC de 1992. Pour l'ensemble des exploitations de grandes cultures, le ratio aide sur résultat courant avant impôt passe de 8 % en 1990 à 110 % en 1999. En 2002, ce ratio varie entre 150 % et 180 % pour certaines exploitations. En production laitière, ce ratio passe de 12 % en 1990 à 59 % en 1999 et augmentera encore après la mise en œuvre, en 2005, de la réforme prévue par l'accord de Berlin. Le poids des aides totales (y compris les indemnités compensatrices de handicap naturel) pour les producteurs de bovins viande passe, quant à lui, de 60 % à 90 % au cours de la même période. Mais le ratio peut atteindre, en 2002, 120 % à 180 % selon certains systèmes d'exploitation.

Avec une part des aides dans le revenu qui ne cesse de s'accroître, c'est la conception du métier d'agriculteur qui est remise en cause, puisque l'acte de production est de moins en moins valorisé.

Cette situation crée un malaise indéniable chez les producteurs, qui se sentent dépendants d'aides dont la légitimité risque un jour de se voir contestée par la population. Il s'agit là d'une donnée économique et psychologique fondamentale qui devra être prise en compte dans toute réforme de la PAC.

c) Les limites de l'alignement sur un prix mondial largement fictif

La baisse des prix avait pour objectif d'améliorer la compétitivité de l'agriculture européenne, afin d'élargir les débouchés de certaines productions communautaires tant sur les pays tiers que sur le marché intérieur.

Ce pari a-t-il été gagné ?

· Sur le plan interne, la baisse des prix n'a eu qu'un seul impact positif, qui est mesurable : la reconquête du marché de l'alimentation animale, par l'élimination des produits de substitution importés. Ce résultat a été obtenu grâce à la forte augmentation de la production de viandes blanches, fortes consommatrices de céréales.

Pour le reste, la baisse des prix ne s'est pas répercutée sur les prix alimentaires : ainsi que l'a souligné au rapporteur, M. Luc Guyau, le Président de l'Association permanente des chambres d'agriculture, les prix agricoles à la production ont baissé de 17 % sur ces dix dernières années, tandis que les prix à la consommation ont augmenté de 21 %.

· Sur le plan externe, la question du prix mondial est essentielle pour le revenu des agriculteurs européens puisque ce prix est équivalent à environ deux tiers du prix de revient pour les céréales et un tiers pour la viande bovine.

Cependant, aucune stratégie d'alignement des prix communautaires sur les cours mondiaux n'est viable à terme, car cela revient à vouloir baisser la rémunération des agriculteurs pour atteindre un niveau de prix qui ne reflète aucune réalité économique.

En effet, le prix mondial est un mythe, qui est au croisement de trois logiques différentes :

- celle des grands pays producteurs, tels que l'Argentine et le Brésil, bénéficiant d'une main-d'œuvre peu coûteuse et travaillant dans des structures de type latifundiaires, qui peuvent inonder le marché mondial avec des produits vendus à très bas prix ;

- celle des productions de type tropical, comme le café ou le cacao, qui sont l'objet de spéculations boursières sur les marchés à terme ;

- celle des multiples manipulations de certains pays exportateurs, qui prennent la forme de garanties de prix ayant des effets comparables à ceux des subventions aux exportations, comme les marketing loans des Etats-Unis, ou des privilèges à l'importation et à l'exportation accordés aux sociétés commerciales d'Etat du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande(3).

Dans ces conditions, quel peut être le bien-fondé d'une politique qui appauvrit une catégorie sociale particulière pour remporter une course à la compétitivité perdue d'avance pour l'Europe ?

On observera d'ailleurs que les baisses de prix n'ont pas permis à l'Europe de faire l'économie des restitutions pour exporter ses productions ni d'empêcher le recul de certaines de ses exportations. S'agissant des céréales, les exportations sont restées stables sur la période 1992-2001, mais elles ont été réalisées avec subventions jusqu'en 2000 à l'exception des années 1995 et 1996. En 2001, la baisse des prix d'intervention a permis toutefois d'exporter sans restitution les trois quarts des céréales qu'elle a vendues sur le marché mondial. En ce qui concerne la viande bovine, l'Union européenne reste exportatrice nette, grâce à l'appui des subventions qui représentent, entre 1995/1996 et 1999/2000, 100 % des exportations à destination des pays tiers et 89 % en 2000/2001. Cependant, les exportations communautaires de viande bovine diminuent de 5,8 % par an en moyenne depuis 1992, les crises sanitaires ayant fortement pénalisé les ventes à l'export. Le recul des exportations européennes est également marqué pour le lait dont l'Europe est pourtant le premier producteur mondial. Entre 1995 et 2000, le recul de l'Europe a été de 12,7 à 10,6 millions de tonnes équivalent lait, alors que dans le même temps l'Océanie a multiplié par trois les volumes à l'exportation, qui sont passés de 9 à 12,8 millions de tonnes.

Ainsi, la baisse des restitutions communautaires a profité, et continuera à profiter, essentiellement au groupe de Cairns et aux Etats-Unis : les parts de marché de l'Union européenne n'ont cessé de diminuer, essentiellement au profit des pays du groupe de Cairns (Australie, Argentine, Nouvelle-Zélande, Canada, Thaïlande et Afrique du Sud) et des Etats-Unis et donc sans que les pays en développement les plus vulnérables n'aient pu profiter de la réduction des subventions à l'exportation. Les pertes des parts de marché de l'Union européenne sur la période 1995-2000 se sont traduites par la contraction des volumes exportés des produits dont le montant de la restitution est le plus élevé alors même que les secteurs concernés connaissaient, au niveau mondial, une expansion des exportations, notamment la viande bovine (contraction de 37 % des volumes communautaires exportés alors que les exportations mondiales ont crû de 13 %), du beurre (- 19 % / + 3 %), du blé (- 14 % / + 10 %), du lait écrémé en poudre (- 5 % / + 7 %), du lait entier en poudre (- 4 % / + 18 %) et des fromages (- 1 % / + 31 %). Pour la viande de volaille, l'augmentation des exportations communautaires (+ 23 %) est très inférieure à la croissance mondiale des exportations de ce secteur (+ 57 %).

Enfin, cette course vers les prix les plus bas étant en totale contradiction avec les exigences des consommateurs concernant la qualité et la sécurité des produits alimentaires, la Commission européenne doit cesser de vouloir gagner cette bataille illusoire du « prix mondial ».

B. Une capacité d'adaptation certaine aux nouvelles contraintes multilatérales

Conçue à l'origine avec la bénédiction des Etats-Unis, qui ont accepté que l'Europe protège sa céréaliculture par le biais de la préférence communautaire, la PAC a définitivement cessé d'être un enjeu purement européen le 30 septembre 1986, date de l'ouverture des négociations commerciales multilatérales du Cycle dit « d'Uruguay ».

Depuis lors, elle n'a cessé d'être la cible des attaques conjointes des Etats-Unis et des pays du Groupe de Cairns, qui ont engagé, au début des années 1980, une lutte sans merci avec l'Europe pour prendre des parts dans le marché mondial(4). L'ambition commune de ces pays est de démanteler une politique qu'ils accusent d'être à l'origine de distorsions de concurrence perturbant les marchés internationaux, alors qu'ils soutiennent eux aussi leurs agriculteurs et mènent en parallèle une politique agressive de subventions aux exportations.

La conclusion de ce cycle de négociations par l'Accord sur l'agriculture de Marrakech d'avril 1994 marque une rupture fondamentale dans le destin de l'agriculture européenne, qui est désormais négocié non plus seulement à Bruxelles, mais aussi à Genève, où se trouve le siège de l'OMC.

Cependant, malgré cet environnement très contraignant pour elle, la PAC a su relever le défi multilatéral en se réformant pour pouvoir se préserver et respecter de manière transparente et responsable ses engagements internationaux.

1) Des contraintes fortes...

L'Accord sur l'agriculture de Marrakech a fixé des disciplines à mettre en œuvre pour la période 1995 à 2000 dans trois domaines :

· En ce qui concerne l'accès au marché, les mesures de protection aux frontières doivent être transformées en droit de douane fixes, à réduire de 35 % en moyenne et de 15 % par ligne tarifaire. Une clause de sauvegarde est toutefois instituée pour être déclenchée en cas, soit de dépassement du volume des importations par rapport à un certain seuil, soit de chute du prix en dessous d'un certain seuil. Par ailleurs, les produits qui ne font pas l'objet d'une tarification bénéficient d'un engagement d'accès minimum aux pays tiers, qui représente pour chaque produit, en fin de période, 5 % de la consommation de base pour la période 1986-1988.

· En ce qui concerne le soutien interne, celui-ci est classé en fonction de son degré de découplage avec la production dans trois boîtes, soumises à des disciplines spécifiques. La boîte orange, qui comprend les aides couplées à la production ou Mesure Globale de Soutien (MGS), doit être réduite de 20 % par rapport à la période de base 1986-1998. Les aides liées à des programmes de maîtrise de l'offre, soit les aides directes fondées sur une superficie ou des rendements fixes ou attribuées pour un nombre de tête de bétail fixe, comme les aides directes de la PAC, sont classées en boîte bleue et exemptées d'engagements de réduction. Elles sont en outre protégées de toute possibilité de contestation devant le système de règlement des différends de l'OMC par une clause de paix de 9 ans, qui expire le 31 décembre 2003. Enfin, la boîte verte contient les aides découplées de la production et bénéficie d'une exemption totale de réduction (aides à la recherche, à la formation, préretraites, mesures agro-environnementales, aide alimentaire, etc.).

· S'agissant des subventions aux exportations, elles doivent être réduites de 21 % en volume et de 36 % en budget par rapport à la période de référence 1986-1990 (sauf pour la viande bovine : 1986-1992).

2) ...respectées par l'Europe...

· Le droit de douane consolidé moyen de l'Union européenne sur les produits agroalimentaires, qui était de 26 % au début de la période de mise en œuvre de l'accord, n'est plus que de 17 % au terme de cette période, selon une étude de l'INRA(5).

L'Europe applique toutefois des droits nuls ou minimes (inférieurs à 2%) à 775 lignes tarifaires sur un total de 1764 et seulement 8 % de ses lignes tarifaires ont un droit de douane supérieur à 50 %.

Sa structure tarifaire est similaire à celle des autres grands pays développés (Etats-Unis, Canada et Japon) :

- les droits NPF, c'est-à-dire applicables à tous les pays fournisseurs (en équivalent ad valorem, donc en pourcentage de la valeur) appliqués par l'Union européenne (16,1 %) sont inférieurs aux droits consolidés lors du Cycle d'Uruguay (16,3 %), contrairement à la pratique des Etats-Unis (10,6 % appliqués pour 8,3 % consolidés) ;

- les droits NPF appliqués par l'Union européenne (16,1 %) sont intermédiaires entre ceux des Etats-Unis (10,6 %) d'une part et ceux du Japon (20 %) et du Canada (21,7 %) d'autre part. A noter que le plus protectionniste des membres de la Quad (Canada, Etats-Unis, Japon et Union européenne) sur les produits agricoles est un membre du Groupe de Cairns, en l'occurrence le Canada ;

- les Etats-Unis ont davantage recours (12,3 % des 10 155 lignes tarifaires) aux droits spécifiques, c'est-à-dire fixés par rapport au volume et donc proportionnellement plus lourds sur les produits de base à faible valeur unitaire, pour protéger leurs produits sensibles (essentiellement agricoles) que l'Union européenne (9,7 % des 10 105 lignes tarifaires) soit 269 lignes tarifaires de plus.

S'agissant des contingents tarifaires, l'Union a mis en place 87 quotas au total. Sur la période 1995-1999, le taux de remplissage pour l'accès courant est d'environ 70 % et celui de l'accès minimum de 73 %, ce qui place l'Union européenne nettement au-dessus de la moyenne générale de l'ensemble des membres de l'OMC(6).

· En ce qui concerne les subventions aux exportations, 90% de celles notifiées à l'OMC sont le fait de l'Union européenne, mais les règles de cette organisation ne tiennent pas compte des instruments utilisés par nos principaux concurrents, notamment l'aide alimentaire utilisée à des fins commerciales, les crédits à l'exportation et les entreprises commerciales d'Etat. De plus, ce chiffre, comme on le verra plus loin, ne reflète pas les efforts considérables accomplis par l'Union européenne pour réduire cette forme de soutien à forte capacité de distorsion sur les échanges agricoles.

En ce qui concerne le respect des plafonds de subventions aux exportations par l'Union européenne, le ministère de l'agriculture français indique que celle-ci a parfaitement respecté ses niveaux d'engagement sans jamais les dépasser et ce sur toutes les campagnes. Cependant, les niveaux d'engagement de ces deux dernières années sont devenus contraignants pour certains produits  : il s'agit notamment des céréales secondaires, du riz, de la viande porcine et des alcools. Pour d'autres produits, les engagements sont restés moins contraignants sur toute la campagne ou le sont devenus en fin de campagne. C'est le cas de l'huile d'olive, du colza, du beurre, de la viande bovine, des œufs et du tabac brut. Enfin, dans les cas du fromage, de la viande de volaille, des vins et des fruits et légumes, les engagements ont été contraignants sur toute la période.

· Un satisfecit doit être donné aussi pour le respect du plafond autorisé de soutien interne, comme l'indique l'encadré ci-après.

Les soutiens internes de l'Europe ont sensiblement évolué tout au long de la période de mise en œuvre de l'accord. Les soutiens en boîte verte sont passés d'environ 9 milliards d'euros en 1986-1988 à plus de 19 milliards en 1998-1999. La boîte bleue, qui regroupe les aides compensatrices crées en 1992, est passé d'un niveau nul à 20,5 milliards en 1998-1999. La boîte orange a fortement diminué durant cette période, passant de 81 milliards d'euros à 46,9 milliards.

Cette évolution a permis à l'Union européenne de respecter largement son niveau d'engagement concernant la MGS totale : la dernière notification de la Communauté à l'OMC sur ce sujet, en date du 22 juin 2002, indique que la MGS totale courante pour la campagne de commercialisation 1999/2000 s'élève à 47,885 milliards d'euros pour un niveau d'engagement autorisé de 69,46 milliards d'euros.

Source : Rapport d'information n° 598 présenté par M. François Guillaume au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, février 2003.

3) ...mais qui mettent la préférence communautaire sous tension

La préférence communautaire a d'abord été assurée par l'institution des prélèvements variables à l'importation, que la Communauté européenne a obtenus des Etats-Unis lors du « Dillon Round » de 1961-1962. Ce mécanisme reposait sur une taxe dont le montant fluctuait avec l'évolution des cours mondiaux, ce qui permettait de compenser les écarts entre les prix mondiaux et les prix communautaires. Il donnait un avantage, en termes de compétitivité-prix, en faveur des produits communautaires, les prix des produits importés étant généralement supérieurs aux prix d'intervention communautaires.

Avec l'Accord sur l'agriculture conclu à Marrakech en 1994, la protection du marché européen a perdu son caractère automatique, puisque les prélèvements variables à l'entrée sur le marché communautaire ont été transformés en droits de douane fixes.

Certes, les tarifs douaniers ont été fixés à un niveau suffisamment élevé pour que les effets sur la préférence communautaire des engagements de réduction de tarifs à mettre en œuvre restent limités. Les produits agricoles faisant l'objet d'une organisation commune de marché (OCM) sont en effet protégés par des « pics tarifaires », c'est-à-dire des droits de douane qui, en valeur, sont supérieurs à 15 %. C'est le cas par exemple de la viande bovine, des produits laitiers, des céréales et des produits à base de céréales et du sucre.

Mais si la préférence communautaire subsiste, elle ne joue désormais que sur quelques euros pour des productions importantes. Elle peut même devenir, sous certaines conditions, inexistante, comme c'est le cas pour le blé.

· L'accord de Marrakech prévoit que le prix d'entrée des céréales ne peut excéder 155 % du prix d'intervention.

La préférence communautaire représente donc 55 % du prix d'intervention. Elle a été réduite par la réforme de Berlin de 65,5 à 55,7 euros par tonne. Ce niveau ne garantit pas conjointement le coût du transport et le différentiel de qualité des blés originaires d'Amérique du Nord. En effet, le prix d'entrée des céréales est plafonné à 155 % du prix d'intervention pour toutes les céréales, quelle que soit leur qualité, ce qui permet aux blés riches en protéines, la plupart du temps originaires du Canada, et dont le prix est élevé, d'entrer sur le marché européen sans payer de droits.

A cela s'ajoute le fait que la Commission européenne fait une mauvaise application de la règle des 155 %. La Commission définit les droits en fonction des prix mondiaux sur la base de prix hypothétiques, constitués par les prix des céréales américaines. Mais en raison de la remontée du prix de ces céréales, de l'évolution du cours du dollar et d'une surévaluation relative des coûts de transport, la Commission européenne a défini des prix d'importation fictifs proches ou égaux au prix d'entrée plafonné à 155 % du prix d'intervention. Comme le droit de douane est défini par la différence entre ce prix plafonné et le prix CAF, il est devenu faible, voire nul.

Cette « annulation » des droits de douane a favorisé les importations des céréales produites à bas prix autour de la Mer Noire : c'est pourquoi l'Europe est devenue, durant la campagne céréalière 2001/2002, le premier importateur mondial de blé tendre et la France a perdu 55 % de ses débouchés sur l'Italie et 21 % sur l'Espagne.

Le Conseil des ministres de l'Union européenne a adopté, le 14 décembre dernier, un nouveau régime douanier pour les céréales, entré en vigueur le 1er janvier 2003, qui a pour objet de limiter cet afflux d'importations de blé. Ce dernier repose sur un contingent de 2,9 millions de tonnes de blé de basse et de moyenne qualité avec un droit réduit de 12 euros la tonne, au-delà duquel un droit plus dissuasif de 95 euros la tonne est appliqué. Ce contingent comporte en outre deux parts réservataires, l'une de 572 000 tonnes pour le Canada, l'autre de 38 000 tonnes pour les Etats-Unis, ce qui laisse 2,37 millions de tonnes à répartir entre les pays tiers.

Toutefois, ce régime d'importation ne pourra limiter efficacement les importations blés russes et ukrainiens que si ces derniers ne sont pas importés comme des blés de haute qualité, qui sont exonérés du tarif extérieur commun en application du plafond des 155 %. Or, comme la définition du blé de haute qualité, qui impose un critère de teneur minimale en protéines de 13,3 %, comprend une marge de 0,7 %, cette tolérance peut faire entrer sur le marché communautaire en franchise de droits les blés de la Mer Noire, qui sont pourtant impropres à la meunerie. Dans ces conditions, il convient que la Commission européenne définisse de manière plus rigoureuse les blés pouvant être classés dans la catégorie « haute qualité », afin de garantir l'efficacité du nouveau régime douanier communautaire.

· S'agissant du secteur du sucre, celui-ci se caractérise par une grande ouverture du marché due aux contingents préférentiels, renforcée par l'initiative « Tous sauf les armes » en faveur des pays les moins avancés (PMA), qui abolira la totalité des droits de douane sur les exportations de ces pays le 1er juillet 2009. Lorsque le prix mondial se situe à des niveaux faibles (185 euros par tonne), le prix d'entrée, selon les calculs de l'APCA, se rapproche fortement du prix intérieur (sortie usine) et la préférence communautaire atteint seulement 5,6 euros par tonne, c'est-à-dire moins de 1 % du prix intérieur. La préférence communautaire est encore plus faible pour le sucre brut : en effet, lorsque les prix mondiaux atteignent leur plus bas niveau, elle devient négative, à
-32,9 euros par tonne (5,4 %) du prix intérieur.

· Enfin, la préférence communautaire pour la viande bovine destinée à la transformation est de 2,8 euros/kg. Après la réforme de Berlin, le niveau remonte à 3,3 euros/kg, soit 169 % du prix intérieur. La préférence est en revanche beaucoup plus faible pour la viande bovine de haute qualité : elle est de 0,8 euro/kg avant la réforme de Berlin et remonte, après réforme, à 1,3 euro/kg, soit 56 % du prix intérieur.

Ces observations conduisent à souligner toute l'importance qui doit être accordée au maintien de la préférence communautaire dans le cadre des négociations à l'OMC.

III. DES FAUX PROCES A ECARTER

En matière de politique agricole comme ailleurs, les idées reçues ont la vie dure. Il faudrait passer sur les images périmées et les faux procès si leur persistance ne reflétait pas, au-delà des intérêts de ceux qui les propagent sans y croire eux-mêmes, les inquiétudes légitimes de l'opinion.

Plutôt que de jouer sur les peurs, voire de nourrir les phobies collectives, les autorités ont pris le parti de mener une politique agricole qui répond de mieux en mieux aux attentes profondes des citoyens. Mais elles ne sont pas toujours parvenues à faire prendre conscience de l'ampleur des progrès accomplis.

A. Sur le « productivisme » de la PAC

La PAC est accusée d'encourager le productivisme. Les agriculteurs européens se voient reprocher de produire « à outrance ». Mais que faut-il entendre par là ? C'est le propre de l'activité agricole d'être une activité productive. Elle ne peut en outre être compétitive qu'à la condition de se déployer à une certaine échelle. Si cette activité est en cause, ce ne peut donc être que par la surproduction qu'elle entraîne parfois. Or les dernières grandes crises de surproduction remontent à plus de dix ans maintenant, de sorte qu'on voit mal aujourd'hui comment l'accusation a pu ainsi se perpétuer.

Avec les années, le reproche de « productivisme » a en fait évolué pour finir par viser aujourd'hui toute production où la recherche du rendement maximal aurait lieu au détriment de la qualité des produits ou de la conservation de l'environnement. Sur ce terrain, l'agriculture européenne a pourtant plus d'atouts à faire valoir que nombre d'agricultures dans le monde.

1) Une agriculture reposant sur la qualité des productions

Les produits agricoles européens présentent les meilleures qualités sanitaires et organoleptiques, c'est-à-dire qu'ils sont la base d'une alimentation à la fois sûre et savoureuse.

a) Une alimentation saine

Les produits alimentaires européens figurent parmi les plus sûrs au monde, grâce à une législation communautaire rigoureuse et efficace. En France, cinq mille textes nationaux et communautaires concernent la production d'aliments. Les résultats sont du reste probants : alors qu'en 1999 on dénombrait quarante-huit cas de salmonellose pour un million d'habitants en France, il en survenait cinq cents de plus en Nouvelle-Zélande(7).

Après la crise de l'encéphalite spongiforme bovine, les mesures les plus strictes ont été adoptées au niveau communautaire pour bannir de l'alimentation animale tout sous-produit carné. Ici et là mise en cause à cette occasion, la politique agricole commune n'était cependant pour rien dans la crise sanitaire, sinon indirectement, par défaut de réglementation ou par soutien insuffisant aux éleveurs. Lorsque les prix s'effondrent sur le marché des viandes, les professionnels sont en effet soumis à des pressions qui les poussent aux dernières extrémités. Sans cette course permanente au moins disant tarifaire, l'incitation aurait été beaucoup moins forte à employer des farines carnées bon marché dans l'alimentation du cheptel.

Plus récemment, le débat sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) a fait apparaître combien l'Union européenne était à l'avant-garde dans le domaine de la protection des consommateurs. Le 28 novembre 2002, les ministres de l'agriculture de l'Union européenne sont en effet parvenus à un accord politique sur les conditions de mise sur le marché des OGM. L'accord fixe à 0,9 % le seuil à partir duquel un étiquetage spécifique devra signaler la présence d'OGM dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux. L'organisation écologiste Greenpeace n'a pas hésité à déclarer par la voix de son porte-parole que « l'Union européenne se dote de la législation la plus stricte et la plus complète du monde en matière d'organismes génétiquement modifiés ». Grâce aux étiquettes communautaires, le consommateur européen disposera en effet d'une information plus précise et plus détaillée qu'aucun autre consommateur dans le monde.

Au passage, il faut noter que les politiques sanitaires induisent des coûts considérables et que ces dépenses de sécurité alimentaire et de santé publique (inspections, vérifications, surveillance épidémiologique, etc.) sont naturellement imputées sur le budget agricole, que d'aucuns songeraient presque à supprimer tout à fait...

b) Des productions savoureuses

Parallèlement à une surveillance sanitaire rigoureuse, l'Union européenne s'efforce de garantir aux consommateurs l'accès à des aliments qui ont encore du goût. Contre la production de masse aseptisée, elle a mis en œuvre une politique audacieuse d'indications géographiques protégées (I.G.P), qui prolonge à l'échelle communautaire les politiques nationales du type de la politique des appellations d'origine contrôlée en France (A.O.C.).

Parmi les fromages, ont ainsi été inscrites comme dénominations protégées des productions aussi particulières que le reblochon, le mont d'Or, l'époisses ou le gorgonzola(8). Ce pan parfois méconnu de l'activité communautaire en matière agricole assure le maintien d'une variété des palets et des goûts qui est l'une des richesses reconnues du patrimoine culturel des Européens. Privée de sa dimension sensorielle, l'« identité nationale des Etats membres »(9) qui est inscrite au texte des traités perdrait en effet une part essentielle de son contenu.

Cet aspect de la production agricole européenne n'est que trop souvent passé sous silence car, par définition, il n'entre pas dans les calculs statistiques. Comme tout héritage du passé, le patrimoine gustatif est pourtant aussi précieux qu'il est fragile. Le conserver et le faire fructifier dans sa diversité, c'est sans doute aller à l'encontre de la standardisation des goûts à l'échelle planétaire. Mais - les exportations de roquefort aux Etats-Unis le prouvent - l'Europe sait aussi gagner du terrain lorsqu'elle fait valoir sa différence.

2) Une agriculture prenant mieux en compte la protection de l'environnement

Les secteurs les plus directement concernés par la politique agricole commune sont aussi ceux qui sont le plus respectueux de l'environnement. A cet égard, rien n'est plus frappant que le contraste entre élevage bovin et porcin. Tandis que le premier est encadré par une organisation commune de marché au sein de laquelle peuvent être autorisées des primes à l'élevage traditionnel, l'évolution erratique des cours du porc pousse au contraire le secteur vers une concentration toujours plus poussée, qui conduit, par exemple en Bretagne, à une menace sur les nappes phréatiques.

En rassemblant dans un petit espace des milliers d'animaux, les exploitations hors sol rejettent en effet des effluents à forte teneur en nitrate, qui passent ensuite dans la nappe phréatique. Dans le secteur bovin à l'inverse, la nouvelle prime herbagère
agro-environnementale encourage l'éleveur à faire paître ses animaux à l'air libre, ce qui suppose aussi qu'ils se répartissent de manière beaucoup plus équilibrée sur la surface agricole utile et dans le paysage. Cela prouve bien qu'il n'y a pas de lien direct entre les atteintes à l'environnement et les aides à l'agriculture, et qu'il en va plutôt tout au contraire.

Ce dispositif vient du reste au renfort de toutes les dispositions européennes qui visent à défendre le bien-être des animaux. Qu'on le salue comme une avancée sans précédent ou qu'on en sourie, les normes communautaires sur le bien-être des animaux d'élevage sont, avec celles de la Suisse, les plus sévères du monde. Elles réglementent notamment de manière draconienne leurs conditions de transport(10). Durée du trajet, ventilation des camions, abreuvement des animaux, arrêts obligatoires : sans reculer devant l'augmentation des coûts de production, l'Union européenne n'aura sans doute jamais traité ses animaux avec autant d'humanité.

B. Sur l'inégale répartition des aides

Il est souvent reproché à la PAC de ne pas répartir les aides de manière uniforme entre tous les agriculteurs. Ce sont les mêmes chiffres qui circulent à ce sujet depuis dix ans, ce qui devrait provoquer en soi la réflexion : 80 % des aides directes iraient à 20 % des agriculteurs. De précédents rapports ont déjà fait justice de cette accusation(11). L'on sait désormais que ces statistiques, significativement gonflées, ne prennent même pas en considération toutes les exploitations agricoles qui ne sont pas aidées.

Mais c'est le principe même de pareils calculs qui apparaît discutable. La PAC est une politique agricole, non une politique sociale. Elle vise à assurer le bon développement de l'agriculture européenne, non à garantir aux agriculteurs des revenus minimaux qui seraient l'équivalent d'aides sociales de survie. Quel salarié de l'industrie accepterait de voir ses revenus comparés au revenu minimum d'insertion, pour s'entendre dire qu'il peut s'estimer heureux de gagner largement le nécessaire ?

Il faut rappeler que la politique des primes est venue au soutien d'une politique des prix défaillante, pour n'en compenser du reste que partiellement les effets. Les agriculteurs n'y ont jamais vu qu'un pis-aller, comme l'ont rappelé à votre rapporteur toutes les organisations professionnelles qu'il a entendues.

Ayant eu à souffrir les plus lourds sacrifices lorsque les prix ont été autoritairement abaissés, les exploitations agricoles les plus vastes reçoivent à due proportion des soutiens dont elles auraient préféré se passer en continuant à écouler leur production à un prix rémunérateur. Cette transaction bâtarde est certes insatisfaisante, parce qu'elle ne fait que réparer les dommages causés par la baisse des prix, sans vraiment prendre en compte le manque à gagner qu'elle représente.

Mais cette concession ne saurait pas se concevoir en tout cas comme le prélude à une liquidation systématique des avoirs agricoles, qui commencerait par un nivellement général du revenu des paysans. Voilà où tend néanmoins le discours populiste sur la répartition prétendument inéquitable des aides. En tentant de dresser les agriculteurs les uns contre les autres, il laisse accroire que l'agriculture devrait être le seul secteur d'activité où ne peut pas subsister une certaine diversité des conditions, alors que, dans tous les autres domaines, la société y voit le reflet nécessaire et stimulant de la variété des situations individuelles.

C. Sur les effets de cette politique à l'égard des pays pauvres

1) Une controverse toujours ravivée

« La PAC étrangle les pays pauvres », a-t-on pu lire récemment en première page d'un quotidien français(12). L'article était certes signé du ministre australien de l'Agriculture, qui ne présentait qu'un « point de vue », mais les lecteurs pressés n'auront peut-être pas fait l'effort de démêler entre l'information et les positions partisanes adoptées dans cet article. Il est en effet difficile de trouver sur ce sujet une argumentation objective, car les faits sont austères et beaucoup moins agréables à l'oreille que l'appel calculé aux bons sentiments.

En ce domaine, tout plaide pourtant en faveur de la politique agricole commune. L'Union européenne est de loin le plus gros importateur de produits agricoles en provenance des pays en développement. A elle seule, elle importe plus que les Etats-Unis, le Canada, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande réunis (35 milliards d'euros contre 31 milliards)(13). Dans le même temps, elle exporte beaucoup moins qu'eux de produits agricoles vers les pays en développement (19 milliards d'euros contre 33 milliards).

A cela rien d'étonnant, puisque l'Union européenne accorde aux pays en développement un accès privilégié à ses marchés. En vertu des accords de Lomé, devenus accords de Cotonou, soixante-dix sept Etats de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique bénéficient d'un régime préférentiel qui est le plus généreux de ceux décidés par les pays développés(14). En juillet 2001, par l'accord « Tout sauf les armes », l'Union européenne est allée plus loin encore, en abattant toute barrière tarifaire à l'entrée pour les produits en provenance des pays les plus pauvres, dits « pays les moins avancés ». Cela signifie qu'à terme les paysans haïtiens ou soudanais opèrent et vendent désormais sur le marché européen dans les mêmes conditions que leurs collègues bavarois ou beaucerons.

Aucun pays développé n'a fait autant pour les pays pauvres.

2) La chute drastique des subventions à l'exportation

Le seul point sur lequel la politique agricole commune offre encore quelque prise à la critique serait peut-être la question des subventions à l'exportation. Rappelons d'abord que ce mécanisme fut mis en place pour les surplus qui ne trouvent pas preneur sur le marché européen, sans qu'ils puissent non plus être écoulés sur le marché mondial au prix artificiel et dérisoire que l'on sait (Cf. supra). Pour éviter que les récoltes ne se perdent, la Commission restituait aux agriculteurs la différence constatée entre le prix européen et le cours auquel ils avaient dû se séparer de leurs denrées.

Très discutée, cette pratique subsiste encore aujourd'hui, mais presque à titre de vestige. En moins de dix ans, le montant des restitutions a été divisé par trois. De plus de dix milliards d'euros en 1993 dans une Europe à douze, il est tombé à 3,4 milliards en 2001, dans une Europe à quinze. Il ne correspond plus qu'à 8 % du budget de la PAC et ne représente que 6 % des exportations agricoles et agroalimentaires communautaires. Cela revient à consentir une remise moyenne de 5,6 % sur les produits agricoles écoulés à l'exportation, ce qui ne saurait décidément déstabiliser à soi seul tous les marchés agricoles à travers le monde.

3) Les vrais enjeux du débat

L'Europe s'est cependant engagée à réduire encore les volumes exportés qui bénéficient de restitutions. Mais cet effort n'a de sens que si tous les concurrents suivent le même chemin.

On observe en effet que les exportations européennes, loin de laisser la place aux produits cultivés localement, sont souvent remplacées par des arrivages massifs qui proviennent notamment des pays du groupe de Cairns. Même s'il trouve des relais auprès des organisations humanitaires, l'appel à la suppression des restitutions communautaires sert en effet des intérêts économiques clairement identifiés et affichés, à savoir la conquête par quelques-uns des marchés mondiaux de l'alimentaire. Conçue pour séduire l'opinion, l'argumentation qu'ils développent relève des procédés du marketing le plus traditionnel. Elle vise à évincer des concurrents potentiels, non à faire œuvre philanthropique. Aussi est-il étonnant de constater avec quelle candeur elle est parfois accueillie.

Si l'Europe veut aller dans l'intérêt des pays pauvres, elle ne doit donc pas supprimer brutalement et sans discernement le faible montant de restitutions qu'elle alloue encore. Il convient de s'entendre au préalable sur ce par quoi les exportations communautaires pourront être remplacées, à quelles conditions et avec quels effets sur la production et le développement local. Car le retrait progressif des restitutions ne peut être efficace qu'en s'inscrivant dans une stratégie d'ensemble au profit des pays en développement et surtout des pays les moins avancés.

C'est le sens des propos tenus par le Président de la République le 21 février dernier devant les chefs d'Etat réunis au vingt-deuxième sommet France-Afrique. Rappelons qu'il a proposé que l'ensemble des pays riches gèlent les aides agricoles qui sont accusées de déstabiliser l'économie des pays africains. Il s'agirait d'imposer un moratoire, pendant la durée des négociations commerciales de Doha, sur les subventions dont bénéficient les produits tels que la viande, le lait en poudre, les volailles ou le riz exportés à bas prix par les pays développés et qui ruinent les productions vivrières locales, pratique souvent dénoncée par les pays africains.

Outre un moratoire, cette politique comporte deux autres volets : accorder à l'Afrique un « traitement commercial spécial et privilégié » et soutenir les prix de matières premières agricoles comme le coton, le cacao et le café. Les autorités françaises vont soumettre ces propositions à leurs partenaires de l'Union européenne puis aux membres du G8 lors du sommet d'Evian de juin prochain, en vue de les faire endosser dans le cadre du cycle des négociations commerciales de Doha. Comme l'a déclaré Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international, « il faudra reconnaître à Evian que l'on est passé du domaine des bonnes intentions à celui de l'action ».

DEUXIEME PARTIE :
ANALYSE CRITIQUE DES PROPOSITIONS DE
LA COMMISSION EUROPEENNE

Les propositions de la Commission naissent d'un ensemble hétéroclite de circonstances et de préoccupations qui ne forment pas le meilleur cadre pour une réflexion ambitieuse et approfondie sur l'avenir de la politique agricole commune. Les orientations qui en ressortent portent la marque des conditions dans lesquelles elles ont été formulées : sous couvert d'une rationalisation systématique de la politique agricole, elles sont susceptibles d'aggraver les déséquilibres observables et de miner la cohérence des dispositifs en vigueur sans proposer à leur place de mécanismes pleinement satisfaisants.

IV. LA METHODE : UN CALENDRIER ET DES MOTIVATIONS CONTESTABLES

A. Une précipitation regrettable

Le débat qui a surgi dans le courant de l'année dernière a pris au dépourvu plus d'un observateur averti des questions agricoles. Alors que le sommet de Berlin a arrêté le contenu de la politique agricole commune jusqu'en 2006, la Commission a publié en effet dès juillet 2002 une communication qui en faisait presque table rase pour définir à neuf des mesures qui modifient du tout au tout les conditions de l'activité agricole en Europe.

Après le sommet de Bruxelles du 24 octobre 2002, il a pu sembler que cette communication devrait rester lettre morte. Les propositions publiées en janvier en ont pourtant repris la teneur presque inchangée.

1) Une réforme hors mandat

La Commission n'a pas reçu mandat pour réformer la politique agricole commune avant 2006. Au sommet qui s'est tenu à Berlin les 24 et 25 mars 1999, il a tout au plus été décidé qu'il serait opportun de faire le point, à mi-parcours, sur certains aspects de la gestion agricole, par exemple dans le secteur du lait.

Sur ce point, les conclusions du sommet sont particulièrement nettes. Le seul point de la rubrique agricole qui évoque des mesures que la Commission aurait à prendre en 2002 est le suivant :

« La Commission et le Conseil sont invités à tenter de réaliser des économies supplémentaires pour que les dépenses totales pendant la période 2000-2006, à l'exclusion des mesures relatives au développement rural et des mesures vétérinaires, ne dépassent pas, en moyenne annuelle, 40,5 milliards d'euros. Par conséquent, le Conseil européen invite la Commission à présenter au Conseil, en 2002, un rapport sur l'évolution des dépenses agricoles assorti, au besoin, de propositions appropriées et demande au Conseil de prendre les décisions nécessaires dans le respect des objectifs de la réforme ».

Dans cette déclaration commune à tous les chefs d'Etat européens, l'on serait bien en peine de trouver quelque mention que ce soit d'une révision, ni même d'une revue ou d'une simple remise à jour. Le texte arrêté prévoit seulement que la Commission livre ses observations sur le bon déroulement de la réforme d'envergure décidée au même sommet, et dont les premiers effets n'auront pu se faire sentir que sous deux ans.

Des aménagements budgétaires ne sont envisagés que dans l'éventualité où la politique agricole commune sortirait de l'épure budgétaire qui lui est impartie. Or l'on dispose désormais du bilan financier de la politique agricole en 2001(15). Il est rassurant de constater dans ce document que presque deux milliards des crédits affectés en 2001 à cette politique n'ont pas été consommés, ce qui ramène l'ensemble des dépenses sous la barre des 40,5 milliards fixée par les conclusions de Berlin.

2) Une réforme qui brouille les perspectives d'avenir des agriculteurs

Au-delà des mots, c'est la réalité des rythmes agricoles qui impose le respect du calendrier. Quelque perfectionnés que soient son outillage et ses méthodes de production, l'agriculteur moderne reste soumis à la périodicité des saisons et aux cycles de la reproduction animale. Ce serait tout ignorer de l'agriculture que d'imaginer qu'on puisse reconvertir du jour au lendemain un champ de betteraves en champ de pommes de terre, une porcherie en étable ou un cochon en veau de lait...

L'intervention économique se justifie en agriculture par le fait qu'une activité soumise aux aléas climatiques demande une régulation publique qui n'est pas nécessaire à d'autres secteurs. Or les agriculteurs devront bientôt accorder moins d'attention à la météorologie qu'à l'évolution incessante du paysage réglementaire. Car, bien loin d'apporter un peu de stabilité, les annonces et démentis continuels, en jetant les exploitants dans la confusion, ajoutent encore aux incertitudes inhérentes à l'exercice de leur profession. A cette politique de gribouille, les autorités françaises préfèrent une démarche réfléchie et respectueuse des contraintes qui s'imposent à l'activité agricole.

B. Une réforme aux objectifs louables mais qui semble principalement dictée par des considérations extérieures

Dès juillet 2002, lorsqu'elle a présenté ce que seraient les grandes lignes de ses propositions(16), la Commission a invoqué diverses contraintes qui lui imposeraient une révision en profondeur de la politique agricole commune. Les propositions en question tirent selon elle leur nécessité tant d'une évolution générale interne à la politique agricole que des pressions extérieures qu'elle doit prendre en compte, ces deux facteurs œuvrant opportunément dans le même sens.

A la vérité, il n'existe cependant pas de coïncidence fortuite en ce domaine. Car il apparaît nettement qu'entre les considérations internes et externes, les premières le cèdent en fait largement aux secondes dans l'esprit de la Commission : bien réelles, les évolutions internes de la politique agricole pèsent peu, dans la démarche engagée, au regard de ce qui est perçu comme l'ardente nécessité extérieure.

1) La volonté de consacrer les fonctions autres que productives de l'agriculture

La politique agricole commune a dépassé depuis longtemps des visées purement productives pour prendre en compte des facteurs comme l'aménagement du territoire, le respect de l'environnement ou même l'amélioration du bien-être animal. La Commission affiche aujourd'hui la volonté d'aller plus loin encore.

a) Le renforcement du développement rural

Les premières adaptations passées sont allées de pair avec une évolution de l'opinion publique qui, de plus en plus majoritairement citadine, tend à voir désormais dans l'agriculture autre chose qu'une simple activité économique. Pour des individus qui ne connaissent la campagne qu'à travers de brèves incursions d'un jour ou deux, le secteur primaire ne représente plus seulement le pourvoyeur de produits alimentaires qu'on s'imagine -souvent à tort- pouvoir être disponibles par ailleurs ; il assure aussi le développement et l'entretien d'un espace perçu comme une réserve de repos et de loisir préservée de toutes les pollutions urbaines. Il convient d'observer au reste que, même si elle a souvent été plus longue à connaître les transformations de l'urbanisation que ses voisins européens, plus industriels, la France s'ouvre elle aussi progressivement aux préoccupations écologiques, qui ont notablement progressé dans son opinion ces dernières années.

La politique agricole commune a, quant à elle, déjà commencé d'enregistrer les données nouvelles, d'abord ponctuellement, puis de manière plus systématique, en regroupant dans un règlement de 1999 l'ensemble des dispositions jusqu'alors éparses qui avaient trait au « développement rural », constituant le second pilier de la PAC17. Les dernières propositions de la Commission visent à accentuer encore cet aspect de la politique agricole, en favorisant le transfert des fonds du premier au deuxième pilier, ce qui est au reste censé rejoindre les considérations extérieures de politique commerciale (cf. infra).

Lorsqu'elle propose ainsi de renforcer le développement rural, la Commission semble poursuivre un objectif louable. Il s'agit en effet de reconnaître pleinement l'autre dimension de l'activité agricole, qui garantit non seulement que la totalité du territoire européen reste cultivé et habité, mais aussi que les hommes et l'activité se distribuent harmonieusement entre les régions. Tout en se réjouissant de ces intentions proclamées, le rapporteur s'interroge cependant sur leur valeur intrinsèque comme sur leur compatibilité problématique avec les autres objectifs affichés de la revue à mi-parcours.

b) Un objectif à la portée incertaine

Selon lui, la question du développement rural ne saurait en effet s'aborder isolément. Certes, il est évident que l'agriculture, seule activité économique par nature consommatrice d'espace, préserve un environnement campagnard et contribue, par sa présence, à la conservation de paysages qu'elle a façonnés dans leur diversité et qui sont l'héritage commun des Européens. Mais elle remplit comme par surcroît cette mission naturelle d'aménagement rural qui n'est pas sa fonction première et ne suffirait pas à assurer ou à justifier par elle seule le maintien d'une vraie activité agricole. L'entretien d'un alpage apparaît par exemple indissociable de l'élevage extensif auquel il est par nature associé. Les différents paysages européens sont le produit d'une activité agricole qui n'a jamais eu quoi que ce soit de symbolique et il serait naïf de prêter aux paysans d'autrefois des préoccupations qui n'aient pas été directement et délibérément économiques. Sans cette motivation, le développement rural trouve un coup d'arrêt aussi sûrement qu'un paysage sans activité agricole retourne à la friche.

Le souci affiché de renforcer le développement rural paraît d'autre part difficilement compatible avec l'autre grand objectif assigné à la réforme, à savoir l'alignement sur le marché mondial de l'activité agricole européenne. En accroissant la pression sur les prix et les revenus des exploitants, cette démarche contrarie en effet dès l'origine la volonté d'accroître l'action bénéfique de l'agriculture sur les équilibres territoriaux. Elle pousse à la concentration toujours accrue des exploitations vers les sites de production les plus rentables, principalement les plaines de quelque étendue. L'objectif d'inspiration concurrentielle porte ainsi en soi la fin de toute politique de la montagne, pour prendre de nouveau cet exemple. D'une manière générale, il apparaît que la poursuite de cet objectif ne peut aller qu'à l'encontre du développement rural.

Cela conduit finalement à s'interroger sur la valeur de l'exposé des motifs présenté par la Commission. Dans un souci fédérateur, elle y consacre quelques paragraphes à chacune des préoccupations qui traversent les différentes opinions publiques européennes. Il apparaît cependant que l'exposé global peine à réaliser la synthèse qui dépasserait des tendances qui s'expriment de manière souvent contradictoire. En définitive, le corps du texte nous renseigne sans doute mieux sur les intentions profondes de ses auteurs. Or il faut bien constater que le développement rural y disparaît rapidement du premier plan.

2) Le « couplage » dangereux de la révision à mi-parcours avec les négociations multilatérales

La Commission européenne a établi un lien étroit entre la révision à mi-parcours de la PAC et les négociations à l'OMC dès sa communication de juillet 2002.

D'après elle, seul un changement radical de politique agricole permettra à la PAC de négocier le virage dangereux des négociations à l'OMC : ainsi, le découplage intégral des aides devrait permettre à l'Europe de « sanctuariser » ces dernières en les classant dans la boîte verte, qui est exempte de tout engagement de réduction.

Ce calcul est dangereux, car les partenaires de l'Europe ne lui sauront jamais gré de modifier la PAC pour qu'elle devienne la plus « vertueuse » des politiques agricoles à l'OMC.

L'Europe ne gagnera rien à renier les principes qui font la force de son modèle agricole mais risque, au contraire, de perdre ce dernier en faisant payer deux fois la PAC à l'OMC, au début des négociations, puis à la fin quand il faudra accorder d'ultimes concessions, qui entraîneront une nouvelle réforme de cette politique.

Le pari de la Commission est d'autant plus inacceptable qu'il contredit les termes de son mandat de négociations et la lettre même de la proposition de négociation qu'elle doit défendre à l'OMC.

a) Le cadre des discussions à l'OMC

Engagées depuis le 1er janvier 2000 sur la base de l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture de Marrakech, les négociations agricoles visent, selon l'ordre du jour adopté à la Conférence ministérielle de Doha de novembre 2001, « sans préjuger du résultat des négociations » à :

- des améliorations substantielles de l'accès au marché ;

- des réductions substantielles du soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges ;

- des réductions de toutes les formes de subventions à l'exportation, en vue de leur retrait progressif ;

- prendre en compte « les considérations autres que d'ordre commercial » ;

- assurer un traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement, afin de satisfaire leurs besoins spécifiques.

Ces négociations doivent s'achever d'ici le 1er janvier 2005, après deux grandes étapes intermédiaires : la fixation, le 31 mars 2003, des « modalités » ou objectifs quantifiés à atteindre lors des négociations, et la présentation, en septembre 2003, lors de la Conférence ministérielle de Cancun, des offres de négociation des membres de l'OMC ou projets d'engagements globaux.

La première échéance n'a pas été respectée, faute d'accord entre les membres de l'Organisation. Les positions de ces derniers restent encore trop éloignées les unes des autres, en raison des divergences d'intérêt marquées entre grands pays exportateurs, tels les Etats-Unis et ceux du groupe Cairns, les pays en développement à déficit alimentaire souhaitant bénéficier de protections spécifiques et de concessions tarifaires accordées sans réciprocité par les pays développés et l'Union européenne et d'autres membres de l'OMC, qui défendent une vision des négociations ne se limitant pas à libéralisation les échanges agricoles, mais vise également à consacrer le principe selon lequel les productions agricoles, qui contribuent à la sécurité alimentaire, au respect de l'environnement et à l'équilibre entre les territoires, ne peuvent être traitées comme de simples marchandises.

Ces divergences profondes ne doivent pas cacher le fait que le discours le plus répandu à l'OMC en matière d'échanges agricoles, est celui de l'ultra libéralisme, qui fait de la PAC sa cible privilégiée.

Or, les membres de l'OMC qui tiennent ce discours, à savoir les principaux pays exportateurs, ne sont pas en reste en termes d'aides à la production et à l'exportation.

Les Etats-Unis, par exemple, proposent de ramener tous les droits de douane sur les produits agricoles sous un plafond de 25 %, de supprimer la boîte bleue et de réduire la MGS jusqu'à 5 % de la valeur de la production totale. Cela reviendrait à ôter à tous les pays, y compris les pays en développement, le droit de protéger et de développer leur agriculture, afin qu'elle puisse assurer leur autosuffisance alimentaire. Mais dans le même temps, les Etats-Unis ont adopté, en mai 2002, une loi agricole pour la période 2002-2007, le Farm Security and Rural Investment Act, qui augmente leur budget agricole de 78 % pour le porter à 180 milliards de dollars au total. D'autre part, s'ils proposent d'éliminer les subventions à l'exportation, ils ne souhaitant appliquer que des disciplines non contraignantes aux crédits à l'exportation et à l'aide alimentaire, car ils utilisent ces instruments pour écouler leurs productions sur le marché mondial. Ainsi, l'aide alimentaire américaine varie en sens inverse de l'évolution des cours des produits agricoles : elle augmente quand les cours baissent et diminue quand les cours augmentent. En outre, cette aide n'est versée qu'à hauteur de 55 % aux pays les moins avancés, contre 85 % de l'aide française et 78 % de l'aide communautaire. Enfin, les Etats-Unis recourent massivement à un soutien à l'exportation qui ne dit pas son nom, les marketing loans, qui représente entre 7 à 10 milliards de dollars par an et permet à leurs agriculteurs, étant parfaitement compensés des variations de prix, d'exporter à bas prix sans risque poussant ainsi à la production et à la chute des prix.

Cette contradiction entre le discours affiché et les pratiques agricoles se retrouve chez les pays du groupe Cairns qui, d'un côté, proposent d'éliminer en 5 ans les subventions aux exportations, et de l'autre cherchent à préserver leurs monopoles à l'exportation, qui contrôlent néanmoins 40 % des exportations mondiales de blé et 30 % des exportations mondiales de produits laitiers.

On constate cependant un alignement de la position du Président du Comité de l'agriculture de l'OMC, M. Stuart Harbinson, chargé depuis février 2002 de la conduite opérationnelle des négociations, sur les thèses libérales les plus radicales, ce qui n'a pas peu contribué à l'échec de la première phase des négociations devant s'achever le 31 mars 2003. En effet, ses deux propositions de compromis, présentées le 12 février et le 19 mars 2003, n'ont pu servir de base à l'élaboration d'un accord entre les négociateurs sur les « modalités » des négociations.

Ces propositions étaient particulièrement inacceptables pour l'Union européenne puisqu'elles faisaient reposer sur la PAC l'essentiel de l'ajustement ; elles étaient donc très déséquilibrées au profit du groupe de Cairns et des Etats-Unis :

- la réduction de 60 % en moyenne et de 45 % par ligne tarifaire des droits de douane reviendrait à faire disparaître la préférence communautaire pour les produits agricoles bénéficiant d'une organisation commune de marché ;

- l'accroissement du volume des contingents d'importations existants pour les porter à 10 % de la consommation intérieure aurait des conséquences immédiates soit en termes de maîtrise de la production, soit en termes de réduction des prix ;

l'élimination des subventions aux exportations sans contreparties réelles pour les autres formes de soutiens à l'exportation, puisque les propositions de disciplines pour les crédits à l'exportation, l'aide alimentaire et les sociétés commerciales d'Etat sont vaguement formulées, aurait les mêmes conséquences ;

le plafonnement et la réduction de 50 % des aides de la boîte bleue remettraient en cause les aides directes de la PAC bien qu'elles aient pour objet de contrôler la production agricole, ce qui irait à l'encontre de la logique d'une négociation qui vise à encadrer les aides ayant des effets de distorsion sur les échanges.

Les négociations à l'OMC sont donc au point mort. Elles ne pourront recevoir d'impulsion décisive avant le rendez-vous politique de Cancun, qui verra la négociation s'effectuer au niveau ministériel.

b) Une position européenne de négociation ambitieuse mais risquée...

Paradoxalement, l'Union européenne aurait dû aborder en toute sérénité les négociations agricoles à l'OMC, car elle dispose de deux grands atouts à faire valoir dans la négociation.

En premier lieu, comme cela a déjà été souligné, elle a respecté ses engagements multilatéraux dans un contexte pourtant difficile, marqué par la chute des prix mondiaux agricoles de 1997-2001, la crise sanitaire de l'ESB et le strict respect de l'enveloppe budgétaire décidée à Berlin. A l'inverse, les Etats-Unis ont pratiqué une politique agricole caractérisée par l'absence de toute maîtrise de l'évolution des aides : leur budget agricole a en effet explosé pendant les cinq dernières années, le soutien par agriculteur ayant bondi de 2 500 à 15 000 dollars entre 1996 et 2001.

En second lieu, l'Union européenne dispose d'une base de négociation solide, qui doit lui permettre d'adopter une position offensive à l'OMC. En effet, la réforme de 1999 avait pour objet de donner à l'agriculture européenne les marges de manœuvre nécessaires au déroulement des négociations ouvertes en janvier 2000. C'est la raison pour laquelle le mandat de négociations de la Commission européenne, fixé par le Conseil des ministres de l'Union européenne du 26 octobre 1999, consiste à défendre la PAC réformée par l'accord de Berlin.

Le texte officiel de la proposition de négociation de l'Union européenne transmis à l'OMC, qui a été adopté par le Conseil le 27 janvier 2003, respecte ce mandat. Il repose sur un double équilibre : la libéralisation, d'une part, des échanges agricoles par des mesures ambitieuses de baisse des soutiens et des droits et la reconnaissance, d'autre part, du traitement spécifique à accorder aux besoins des pays en développement et aux demandes de la société concernant le caractère multifonctionnel de l'agriculture.

· En ce qui concerne le volet relatif à la libéralisation, l'Union européenne propose de réduire les droits de douane de 36 % en moyenne et de 15 % au minimum par ligne tarifaire, d'abaisser de 45 % les subventions à l'exportation et de diminuer de 55 % la mesure globale de soutien interne à l'agriculture. Elle propose en outre de supprimer, dans un souci de rééquilibrage des obligations pesant sur les membres de l'OMC, la clause de minimis, qui permet d'exclure de la MGS courante le soutien dont la valeur est inférieure à 5 % de la valeur du produit considéré ou de la production agricole totale, car celle-ci a été utilisée par les Etats-Unis pour retirer de leurs engagements de réduction des montants significatifs de soutien. Dans le même esprit, l'Union européenne propose d'instituer une discipline spécifique aux aides variant avec les prix du marché et dont une proportion substantielle est exportée, une demande qui vise directement les marketing loans et qui a été ajoutée dans la proposition de négociation à la demande de la France. Enfin, en ce qui concerne les aides de la boîte bleue, qui sont liées à un programme de maîtrise de la production, l'Union européenne propose de les exempter définitivement de toute obligation de réduction, une demande essentielle puisque ces soutiens pourront être contestés, à moins d'un accord entre les membres de l'OMC, devant l'Organe de règlement des différends à partir du 31 décembre 2003.

Ainsi que l'a souligné le rapport d'information de notre collègue François Guillaume sur les négociations agricoles à l'OMC, les baisses de droits et de soutiens proposées par l'Union européenne cadrent avec les marges de manœuvre dégagées par l'Agenda 2000(18). En particulier, la baisse des prix décidée par le Conseil européen de Berlin permet de réduire de 55 % la MGS de l'Union européenne et doit permettre une baisse de la protection tarifaire d'environ 30 %.

Il reste qu'avec ses propositions ambitieuses, l'Europe utilise dangereusement tout son crédit de négociation.

Or, si elle abat toutes ses cartes au cours de la négociation, elle risque d'être obligée de devoir réformer une nouvelle la PAC pour donner à ses partenaires les concessions permettant de finaliser le futur accord sur la libéralisation de l'agriculture. La PAC serait donc obligée de payer une deuxième fois en empruntant la voie d'une réforme qui ressemblerait à celle actuellement proposée par la Commission européenne. Celle-ci aurait alors obtenu gain de cause en instrumentalisant le cycle de Doha pour imposer sa réforme de l'extérieur...

· En ce qui concerne le volet relatif à la régulation des échanges agricoles, la proposition de négociation de l'Union européenne comporte une série de mesures visant à assurer le droit au développement agricole et à la sécurité alimentaire des pays du Sud, comme la création d'une boîte de sécurité alimentaire comprenant une clause de sauvegarde et des soutiens spécifiques, l'institution de droits nuls pour 50 % de leurs exportations agricoles vers les pays développés et l'accès en franchise de droits et sans quotas pour toutes les exportations agricoles des PMA. Ce texte souligne par ailleurs l'importance des considérations autres que d'ordre commercial, telles que la protection de l'environnement, le bien-être animal, le développement rural et la protection des indications géographiques.

L'Assemblée nationale a adopté, le 2 avril 2003, une résolution sur cette proposition de négociations, qui exprime son accord avec les orientations de ce document, dans la mesure où il se conforme au mandat de 1999, mais :

- déplore que les offres d'engagements chiffrés utilisent de manière imprudente tout le crédit négociation dont dispose l'Union européenne suite à l'Agenda 2000 au point de ne plus lui laisser aucune marge de négociation si les partenaires durcissent leurs exigences ;

- appelle l'Union européenne à obtenir de ses partenaires, sans nouvelle contrepartie de sa part, des contreparties équivalentes à ses propres offres ;

- estime qu'il est nécessaire de garder une certaine souplesse dans la diminution proposée des tarifs douaniers, en particulier dans les secteurs de la PAC non réformés ;

- regrette que la proposition de négociation ne prévoie pas de soumettre les prêts de commercialisation des Etats-Unis aux disciplines applicables aux subventions aux exportations(19).

c) ...qui ne doit pas être bradée par la révision à mi-parcours

La Commission européenne a incontestablement fragilisé la position de négociation de l'Union européenne à l'OMC en proposant, dans le cadre de la révision à mi-parcours, une réforme qui déprécie les efforts accomplis par les agriculteurs européens depuis 1992.

Alors qu'elle aurait dû chercher à valoriser une politique qui a été la seule parmi celles des grands ensembles développés à maîtriser les dépenses et la production agricoles, elle fait exactement l'inverse avec ses propositions du 21 janvier 2003 :

- d'une part, elle donne des arguments à tous ceux qui brocardent le modèle européen de régulation des marchés agricoles, qui se réjouissent de trouver dans les propositions de Bruxelles le signal tant attendu de l'abandon d'une politique qui entrave, par ses succès, leurs ambitions de conquête de parts de marché ;

- d'autre part, la Commission européenne a pris le risque d'enfermer l'Europe dans un piège qui serait fatal pour la PAC s'il se refermait définitivement  : nos partenaires peuvent désormais considérer que nos offres de négociation ne pourront être prises au sérieux que dans la mesure où elles mettent en œuvre la réforme proposée dans le cadre de la révision à mi-parcours. Ainsi, la proposition de « modalités » de négociations de la Communauté, qui s'appuie sur la réforme de Berlin, a été accueillie par certains membres de l'OMC non comme un point d'aboutissement possible des négociations méritant examen et discussion, mais comme une volonté de l'Europe de se dérober à ses obligations de négociateur.

Dans ces conditions, comment les arguments vantant les mérites de la réforme de 1999 peuvent-ils être encore crédibles et audibles à l'OMC ?

Voici l'Europe placée sur la défensive alors qu'elle disposait de tous les arguments pour faire taire les critiques émanant du groupe Cairns et des Etats-Unis. Le renversement de situation est tel que les Etats-Unis peuvent aujourd'hui féliciter la Commission européenne pour ses propositions concernant le découplage intégral des aides alors que, dans les faits, ils tournent le dos à la politique agricole découplée mise en place en 1996 avec le Federal Agricultural Improvement and Reform Act, celui-ci ayant conduit l'agriculture américaine dans une impasse, marquée par l'augmentation ininterrompue des aides d'urgence. Ainsi, la nouvelle loi agricole adoptée en mai 2002 repose sur deux aides couplées à la production, les marketing loans et les paiements contra cycliques, qui représentent respectivement 44 % et 28 % des soutiens à l'agriculture.

La Commission européenne estime cependant que sa tactique sera payante, car selon elle, la nouvelle PAC aura valeur d'exemple et permettra à l'Europe de conduire les négociations agricoles avec toute l'autorité que lui donneront ses aides « vertueuses » intégralement découplées.

Mais il n'est pas sûr, d'une part, que cette posture « angélique » puisse l'emporter face à la détermination des Etats-Unis, qui défendront avec intelligence les intérêts bien compris de leurs agriculteurs, au besoin en faisant valider par l'OMC le classement très contestable qu'ils font de leurs aides agricoles dans les différentes boîtes.

D'autre part, le basculement des aides directes en boîte verte ne peut procurer qu'un répit éphémère si, demain, toutes les attaques se concentrent, après la liquidation de la boîte bleue, sur cette boîte « miracle ».

Afin de tenir un discours clair à l'OMC, l'Europe doit mobiliser toute son énergie sur la défense du mandat de négociations en vigueur. A cet égard, le rapporteur se félicite que la France ait rappelé la Commission européenne à ses obligations, en adoptant, le 27 janvier 2003, une déclaration soulignant que celle-ci devait mener les négociations à Bruxelles dans le strict respect de son mandat et se conformer aux conclusions des Conseils européens de Berlin et de Bruxelles.

V. LES ORIENTATIONS : LE CHOIX DE LA DEREGLEMENTATION PAR L'ABANDON DES POLITIQUES D'ORIENTATION DES MARCHES

Loin de compartimenter les questions nées de l'application de la politique agricole commune, la Commission a souhaité présenter un plan d'ensemble qui fasse table rase de l'ensemble de la matière pour en tirer ensuite les conséquences en matière de politique de marchés, de développement rural ou encore d'éco-conditionnalité. Ce faisant, elle paraît avoir oublié les problèmes propres à certains secteurs, comme celui des protéines végétales, du vin ou des fruits et légumes.

A. Le découplage des aides : une fausse bonne idée

Les propositions de réforme avancées ont pour maître mot un vocable nouveau, le « découplage », qui pourrait se définir comme la suppression de tout lien entre la production et le soutien accordé à l'agriculture. Il faut entendre par là que l'agriculture ne cesserait pas de percevoir toute aide, mais que l'aide perçue ne serait plus distribuée sur la base de la production constatée. D'emblée, une objection vient à l'esprit : c'est que la production fait l'agriculteur au même titre que le pain fait le boulanger ou le tableau fait le peintre. Comme eux, l'agriculteur se définit d'abord et même uniquement par son activité productive. Proposer que les aides agricoles ne soient plus liées à la production revient donc à envisager, même seulement en théorie, la possibilité que le soutien à l'agriculture puisse aller à des individus qui ne sont pas forcément agriculteurs. Dès lors, il ne peut plus s'agir de soutien à l'agriculture et le mot de « découplage » recèle le danger d'un abandon pur et simple de la vocation agricole de la politique en cause.

Mais, avant d'arriver au terme extrême du raisonnement de la Commission, il convient d'approfondir le contenu de ses propositions de « découplage ».

1) Une rupture majeure fondée sur des arguments peu convaincants

Procédant d'une réflexion très abstraite sur l'agriculture, les propositions de « découplage » l'assimilent de propos délibéré aux autres activités économiques, qui ne sont pourtant pas soumises à l'aléa climatique ou aux mêmes coûts de stockage. A partir de cette hypothèse, elles tirent des lois générales de l'économie classique quelques recettes simples, qui visent à l'application intégrale des lois de la concurrence à l'élevage et aux différentes cultures.

a) La présentation de la Commission

Selon la Commission, les marchés agricoles européens ne sont pas totalement conformes, en l'état actuel, au modèle classique. Parce qu'il existe des mécanismes d'intervention et des mesures de soutien aux producteurs, les prix constatés sur les marchés agricoles européens ne reflètent pas la confrontation effective d'une offre et d'une demande, seule à même de fournir aux agents économiques l'information nécessaire sur les perspectives d'évolution du marché et sur le comportement qu'ils doivent adopter en conséquence. Le « découplage » vise précisément à supprimer toute interférence entre la production et l'intervention publique. En cessant d'être liée à l'activité économique, cette dernière est censée ne plus produire d'effet perturbateur sur le fonctionnement des marchés agricoles. Seule la formule du découplage permet donc d'atteindre une neutralité idéale de l'intervention publique.

Dans ce schéma, les agriculteurs européens deviendraient plus sensibles aux signaux du marché, ou plutôt les marchés leur enverraient des signaux plus exacts qui leur permettraient d'orienter leur production mieux qu'ils ne le faisaient auparavant. Conformément à une idée chère aux économistes classiques, les facteurs de production se trouveraient ainsi affectés de manière optimale à l'intérieur du secteur agricole. Quant aux effets secondaires de l'activité agricole sur le territoire, ils sont comptabilisés comme un service non marchand, qui mérite cependant rétribution pour le bien-être supplémentaire qu'il apporte à la collectivité. Parce qu'il est difficile d'individualiser la « consommation » d'un agréable panorama ou de vacances à l'air pur, il revient aux acteurs publics de servir au nom de tous cette rémunération : par une autre voie, le soutien légitime aux agriculteurs se trouve ainsi maintenu.

b) Un raisonnement purement algébrique

Le raisonnement suivi pèche par son approche purement algébrique de la réalité agricole. Il s'appuie sur des grandeurs numériques qui n'ont pas en agriculture la signification qu'elles peuvent avoir dans d'autres secteurs. Partant, le raisonnement débouche sur des apories, avant même qu'il soit question d'une quelconque mise en œuvre.

La notion de prix, référence cardinale de la réflexion de la Commission, n'a pas en agriculture la signification qu'elle peut avoir dans d'autres secteurs. Pour arriver au constat que les prix agricoles ne se fixaient pas normalement en Europe, la Commission a dû prendre pour point de comparaison, implicite et même parfois explicite pour certains produits, les cours mondiaux. Or l'on sait bien que ces « prix » n'ont aucune valeur informative, puisqu'ils indiquent seulement à quel niveau les surplus agricoles sont écoulés pour éviter des stockages extrêmement coûteux. De l'aveu de tous, ces cours ne reflètent ni les coûts de production, ni la valeur réelle des produits agricoles ainsi liquidés.

Il ne s'agit pas d'une difficulté ponctuelle, qui tiendrait seulement au mode de fonctionnement actuel des marchés mondiaux, mais bien d'une caractéristique macro-économique permanente de l'économie agricole. Laissés à eux-mêmes, les prix agricoles connaissent des variations considérables, parfois du simple au quadruple ou au quintuple en l'intervalle de six mois, selon les conditions météorologiques notamment. Ces mouvements erratiques rendent illusoire le calcul d'une quelconque moyenne, qui ne pourrait pas représenter un prix sur lequel fonder des prévisions économiques. C'est au demeurant la raison d'être de l'intervention stabilisatrice des pouvoirs publics en agriculture, telle qu'elle s'observe dans de nombreux pays du monde.

Il apparaît ainsi que le système proposé ne ferait sans doute rien d'autre qu'amener mécaniquement le retour des conditions qui ont fait naître les mécanismes qu'il prétend remplacer.

2) Des risques de déséquilibre réels et inacceptables

Au stade de la mise en pratique, les propositions de découplage posent de réels problèmes d'équilibre et d'équité. Puisque les aides agricoles ne doivent plus venir au renfort de la production, il faut en effet trouver une base nouvelle mais juste pour la distribution des soutiens. Il faudrait aussi que cette distribution nouvelle n'introduise pas entre les producteurs de distorsions de concurrence.

a) Les « références historiques »

Dans le cadre théorique retenu par la Commission, le critère d'obtention des aides, pour atteindre l'efficacité économique, doit être aussi neutre que possible au regard des mécanismes de marché. C'est à cette seule condition qu'il peut fournir une clef de répartition des soutiens telle qu'ils ne puissent plus influer sur le libre comportement des agents économiques, que ce soit dans un sens incitatif ou dissuasif. Dans cette perspective, le standard de référence le plus rationnel serait au fond une donnée parfaitement arbitraire.

La Commission s'est efforcée de trouver un standard qui corresponde le plus possible à la définition demandée. Elle propose que les aides découplées soient versées en fonction des versements antérieurement consentis aux exploitants. Les aides seraient ainsi reconduites telles quelles en faveur des agriculteurs, dans un premier temps tout au moins. La « référence historique » présenterait l'avantage de l'immutabilité qui s'attache à toutes les choses appartenant à un passé révolu. Elle s'imposerait ainsi à tous sans retour en arrière possible, comme une donnée immuable et indépendante des mécanismes de marché, qui se développeraient enfin librement.

Parfaitement adaptée d'un point de vue théorique, la référence historique présente cependant de visibles inconvénients. Son adoption reviendrait d'abord à figer la distribution des aides qui ne seraient plus susceptibles de s'adapter aux évolutions du secteur agricole. Comme tout critère arbitraire, elle pose ensuite et surtout un problème d'équité : en maintenant les aides, mais en supprimant ce qui justifie la variété de leurs montants, les autorités communautaires adopteraient une attitude politiquement intenable parce qu'elle serait moralement inacceptable.

b) Les développements prévisibles

A supposer que la référence historique puisse servir de base à un « découplage », le système de répartition qui en sortirait induirait au reste des distorsions de concurrence considérables d'une exploitation à l'autre. Un céréalier qui recevait un soutien à la hauteur des lourdes charges grevant son exploitation pourrait se tourner soudain vers la production de salades et concurrencer sur ce terrain des maraîchers qui se contentaient jusqu'alors, et continueraient de se contenter à l'avenir, de versements beaucoup plus modestes. Loin de rétablir le jeu harmonieux d'une concurrence pure et parfaite, le « découplage sur référence historique » sanctionnerait ainsi publiquement des conditions de concurrence institutionnellement déloyales.

D'emblée ingérable, la situation s'aggraverait encore avec le passage du temps. Les références historiques reconnues à un producteur perdraient en effet à peu près toute signification, à mesure que les exploitants réorienteraient leur activité ou chercheraient à la transmettre à un successeur. Car les nouveaux venus dans le secteur agricole seraient par définition exclus du dispositif de soutien mis au point avant leur entrée en activité. Se trouve ainsi posée la question de savoir à quelles conditions ils pourraient recueillir les droits de tirage historiques qui auraient été reconnus à leurs aînés.

Il semble que la Commission ait envisagé à ce jour de lier non à la terre mais à la personne des exploitants la jouissance des soutiens « découplés ». Il est aisé de prévoir quelles seraient les suites d'un tel système. La culture des terres isolées ou montagneuses étant moins rentable, les « soutiens découplés » tendraient à être transférés vers les régions déjà les plus exploitées. Ces concentrations pourraient du reste avoir lieu très rapidement, comme le prouve l'exemple actuel du marché laitier outre-Rhin.

Au cours de son déplacement en Allemagne, le rapporteur a pu constater les effets regrettables que produisent les mises aux enchères de quotas laitiers, lorsqu'ils ne sont pas attachés à un territoire. Devenus de simples titres à produire, ils s'échangent en effet dans des bourses régionales, de sorte qu'il est parfois plus avantageux pour l'exploitant de cesser tout à fait sa production que de conserver les garanties qui la rendaient viable. Apparaissent ainsi ceux que l'opinion allemande appelle depuis quelques années déjà les Sofabauer, expression difficilement traduisible mais qui veut résumer la situation des exploitants ayant cessé toute activité pour attendre, assis dans leur salon, que leur soit servi l'intérêt produit par les quotas laitiers qu'ils ont affermés à d'autres. Particulière à un secteur et à certains Etats membres, cette situation pourrait se généraliser à toute l'agriculture européenne si le « découplage » devait être adopté.

En autorisant les transferts de droits d'une exploitation à l'autre, le système prévu pousserait en effet beaucoup d'agriculteurs européens à devenir à leur tour autant d'Alexandre le bienheureux. N'étant plus soutenus dans leur effort productif, ils pourraient en tout cas être tentés d'abandonner un travail difficile et souvent pénible pour se contenter de toucher le produit de l'activité agricole d'autrui. Le découplage des aides, joint à leur vénalité, ou même à leur simple cessibilité, frapperait ainsi d'inanité toute volonté de maintenir une activité agricole large, diversifiée et distribuée harmonieusement sur l'ensemble du territoire européen.

Coupées de leur justification productive, c'est-à-dire privées de ce qui fait leur raison d'être, les aides anciennement agricoles seraient inéluctablement condamnées à une lente érosion. Les écarts entre producteurs ne se justifiant plus, l'opinion publique abusée cèderait à n'en pas douter - comment l'en blâmer ?- au mot d'ordre d'une aide identique à tous les exploitants, quelle que soit leur situation. Il ne peut faire de doute pour personne que l'allocation unique ainsi adoptée s'alignerait sur les versements actuels les plus modiques. Cette tendance irrésistible au nivellement général réduirait donc finalement tous les agriculteurs à la portion congrue d'un revenu minimum agricole qui ne dissimulerait bientôt plus sa parenté avec les minima sociaux.

c) Les études d'impact

A ces objections inspirées par l'expérience, la Commission s'est efforcée d'opposer une vision plus rassurante de l'agriculture européenne soumise au régime du découplage.

Répondant à la demande répétée de nombreux Etats membres, elle a publié en décembre 2002 et en janvier 2003 une série d'études d'impact censées mesurer les effets de ses propositions sur les marchés agricoles. Postérieurs de six mois à la communication à laquelle ils auraient dû logiquement servir de base, ces documents sont loin d'apporter tous les éléments attendus. Tantôt trop vagues, ils se cantonnent à des considérations macro-économiques pour brosser de l'agriculture européenne de demain un tableau si général qu'il est impossible de discerner quelle pourra être, sous l'empire du nouveau régime, la situation particulière d'un éleveur de porc, d'un céréalier ou d'un producteur de fraises. Tantôt d'une exactitude surprenante, ils avancent des chiffres si précis sur la production de viande bovine en 2010 qu'ils en feraient presque oublier qu'il ne s'agit que de prospective.

Il est vrai que ces études s'ouvrent sur de longues introductions méthodologiques qui mettent en garde contre une lecture trop rapide du texte central. Il s'agit, rappellent-elles, de résultats obtenus au moyen de modèles mathématiques qui opèrent à partir d'un réseau d'hypothèses posées comme autant de postulats. Ces avertissements font toute la valeur scientifique des études commandées par la Commission. En donnant la liste minutieuse des hypothèses sur lesquelles ils se fondent, leurs auteurs paraissent au demeurant dégager à leur manière toute responsabilité sur la portée des conclusions obtenues.

Car les nombreux présupposés factuels et épistémologiques présentés en introduction hypothèquent le raisonnement et les résultats ultérieurs bien plutôt qu'ils ne leur fournissent l'assise sûre dont ils auraient besoin. Il serait fastidieux d'en reproduire ici toute la liste. Qu'il suffise de citer ici l'hypothèse que la parité entre le dollar et l'euro se maintiendra tout au long de la période considérée(20). Au mois d'avril 2003, le change s'établit déjà à 1,16 euro pour un dollar, soit en quelques mois un écart déjà considérable avec la proposition retenue. D'une manière générale, pour prendre à la lettre les conclusions obtenues, c'est tout un ensemble de postulats parfois aussi peu réalistes que la fixité des taux de change qu'il faudrait tenir a priori pour définitivement acquis.

Aussi peut-on finalement affirmer que les auteurs de ces études d'impact refusent au fond, et du reste à juste titre, de faire œuvre de divination sur des sujets hautement incertains. Derrière le mince écran des projections statistiques, ils invitent le citoyen averti à prendre conscience, s'il ne le savait pas déjà, que le « découplage » représenterait un formidable saut dans l'inconnu.

B. L'affaiblissement des organisations communes de marché

Le projet de réforme de la Commission européenne remet en cause l'intégrité du premier pilier de la PAC par un double choix profondément contestable :

- il propose de poursuivre la baisse des prix d'intervention, qui interviendrait dans le secteur des céréales, du riz et du lait et serait partiellement compensée. Cette stratégie conforte une politique d'alignement des prix communautaires sur les prix mondiaux qui n'a aucune justification économique et dévalorise l'acte de production ;

- il prévoit de laminer plusieurs instruments de régulation de l'offre, en préconisant notamment la suppression de l'intervention pour le seigle ou des majorations mensuelles dans le secteur des céréales.

Il est vrai que la Commission européenne fait preuve d'une certaine logique en souhaitant affaiblir les outils d'intervention du premier pilier parallèlement au découplage des aides : nous sommes bien en présence d'une réforme qui, si elle était acceptée en l'état, supprimerait la notion même d'organisation de marché qui est au cœur de la PAC.

Cette volonté d'enterrer ce qui fait la spécificité du modèle agricole européen doit être combattue avec la plus grande vigueur.

1) Un gel obligatoire des terres qui serait perturbateur

· La Commission européenne propose d'introduire un gel environnemental de long terme, sur dix ans, pour les cultures arables. Ce gel devra porter sur 10 % de la surface en céréales, oléagineux et protéagineux de l'exploitant. En seront exemptés les exploitants spécialisés dans l'agriculture biologique, ainsi que ceux percevant un paiement unique pour moins de 20 hectares.

Cette mesure conditionnera également le versement de l'aide découplée.

Le gel rotationnel serait donc supprimé, alors qu'il permet de réviser le taux de jachère à la hausse ou à la baisse en fonction de la situation de marché.

Cette proposition n'est pas acceptable, car elle équivaudrait à retirer de manière quasi définitive 6 millions d'hectares en Europe, un objectif qui ne peut être défendu sur le plan de la gestion du marché.

Le volume de production qui serait retiré représente pour la seule sole de blé entre 2,5 % et 6 % des stocks mondiaux. Il aurait un impact immédiat et important sur l'équilibre des marchés européens et mondiaux et, par conséquent, sur le niveau des prix. Selon certaines estimations, une augmentation d'un million de tonnes des stocks mondiaux de blé s'accompagne d'une baisse moyenne de 2 dollars par tonne du prix mondial de référence (Fob Golfe).

Dès lors, le maintien d'un gel rotationnel obligatoire, dont le taux est fonction de l'évolution des marchés, reste indispensable au bon fonctionnement efficace des organisations communes de marché, car il complète efficacement les autres outils que sont le prix d'intervention et le stockage public.

Par ailleurs, les surfaces gelées ne pourraient plus être utilisées à des fins de cultures énergétiques alors qu'actuellement, les productions destinées à fabriquer de l'énergie, comme le colza ou le tournesol, sont autorisées sur les terres en jachère. En France, les surfaces en jachère non alimentaire représentent environ 30 % du gel total. En outre, 90 à 95 % des bio-carburants sont aujourd'hui cultivés sur d'anciennes jachères.

Les avantages que les valorisations agricoles non alimentaires procurent au regard des exigences de la société ou des engagements de l'Union en matière de réduction des gaz à effet de serre justifient le maintien de cette possibilité.

· Pour compenser la suppression de la possibilité de produire des cultures à des fins énergétiques sur les terres soumises à la jachère, la Commission propose d'instituer une aide spécifique aux cultures énergétiques, le « crédit carbone ». Cette aide serait de 45 euros par hectare et attribuée dans le cadre d'un contrat avec un transformateur. Elle serait versée dans la limite d'une surface maximale garantie de 1,5 million d'hectare, sans allocation de superficies par Etat membre, avec proposition d'ici cinq ans d'un rapport sur l'application du régime.

L'institution d'une aide spécifique aux cultures énergétiques constitue une proposition intéressante. Mais peut-on considérer que son montant sera suffisant au regard de l'enjeu que constitue le développement des cultures énergétiques pour réduire les émissions de CO2 ?

Selon certains calculs, la directive biocarburants, qui vise à inciter les Etats membres à incorporer 2 % de biocarburants dans les carburants d'ici 2005 et 5,7 % d'ici 2010, devrait conduire à mobiliser au total 900 000 hectares en céréales et 1,5 million d'hectares en oléagineux d'ici 2005. La proposition de la Commission européenne risque de n'être pas assez incitative pour relever ce défi, qui implique de mettre en place un régime plus attractif pour le développement des cultures énergétiques hors gel.

2) Des baisses de prix et de soutiens injustifiées

a) Les cultures arables

(1) Les céréales

La proposition de la Commission européenne prévoit :

- la réduction de 5 % du prix d'intervention des céréales qui passe de 101,31 euros/tonne à 93,35 euros/tonne dès la campagne 2004/2005, compensée par l'augmentation de l'aide directe qui passe de 63 euros/tonne à 66 euros/tonne ;

- la suppression des majorations mensuelles, qui permettent de faire varier le prix de l'intervention pour tenir compte des frais de stockage ;

- la suppression du prix l'intervention pour le seigle, qui est actuellement établi au niveau général de celui pour les céréales ;

- la suppression de la restitution à la production d'amidon.

· La recherche d'un équilibre des marchés céréaliers, qui devraient connaître une production supplémentaire de 25 millions de tonnes d'ici 2006-2008, est indispensable, mais elle ne peut passer par une nouvelle baisse des prix pour quatre raisons :

- Premièrement, l'impact d'une diminution du d'intervention sur la conquête du marché de l'alimentation animale est désormais limité par la stagnation de la production de viandes blanches.

- Deuxièmement, l'alignement sur les prix mondiaux a un impact limité sur les volumes exportés et constitue une fuite en avant dès lors que l'on se réfère aux prix américains ou aux prix ukrainiens. La baisse des prix ne permet des exportations de blé sans restitutions que lorsque les prix mondiaux ne sont pas trop bas. A l'inverse, lorsque les cours mondiaux sont déprimés, le système européen de soutien ne permet pas, à la différence des paiements compensatoires des Etats-Unis qui varient en fonction de l'écart entre le prix de marché et le prix garanti, d'exporter sans restitutions. L'Europe ne pourra qu'être perdante dans la course au prix le plus bas, sauf si elle est en mesure de se doter d'un système d'aides comparable à celui des Etats-Unis. D'autre part, cette baisse de prix d'intervention ferait encore baisser le niveau de la protection communautaire contre les céréales qui ne peuvent être importées au-dessous de 155 % de ce prix.

- Troisièmement, elle ne se justifie pas au regard des contraintes budgétaires issues de l'accord de Bruxelles d'octobre 2002, car elle impliquerait un coût supplémentaire pour les seuls 15 Etats membres évalué à 750 millions d'euros par an que le plafond des dépenses agricoles, qui a été fixé par le Conseil européen de Bruxelles au niveau de celui de Berlin pour l'année 2006, augmenté de 1 % par an, ne permettra pas de financer à partir de 2008.

- Enfin, la baisse des prix renforce la dépendance du revenu des agriculteurs à l'égard des aides, qui atteint désormais près de 200 % dans certaines exploitations.

Les autres instruments qui concourent à l'objectif de régulation, comme les majorations mensuelles des marchés, doivent être également maintenus.

La recherche de l'équilibre sur le marché des céréales ne doit pas conduire à sacrifier la production communautaire, mais implique un rééquilibrage des assolements en faveur des oléoprotaégineux en redonnant à ces cultures un avantage économique, le développement des cultures non alimentaires, en particulier les cultures énergétiques, et le maintien du gel rotationnel sous sa forme actuelle, avec celui de la possibilité de cultiver des productions énergétiques sur gel.

· En ce qui concerne le seigle, l'intervention ne doit pas être supprimée mais réformée pour devenir plus efficace. C'est dans ce but que le Comité des Organisations Professionnelles Agricoles a proposé les options suivantes : la limitation des zones de production, l'utilisation préférentielle du seigle dans le cadre des débouchés supplémentaires offerts aux céréales par les biocarburants et la diminution du nombre des centres d'intervention dans les pays producteurs.

(2) Les oléagineux et les protéagineux

Aucune mesure spécifique n'est prévue pour les oléagineux.

En revanche, pour les protéagineux, le supplément d'aide actuel de 9,5 euros par tonne, multiplié par le rendement de référence, est converti en une aide forfaitaire de 55,57 euros par hectare, calculée sur la base du rendement de référence moyen des régions de culture des protéagineux. Cette aide serait versée dans la limite d'une nouvelle surface maximale garantie de 1,4 million d'hectare.

En France, la proposition de la Commission européenne se traduirait par une détérioration des marges sur les pois de huit à vingt-quatre euros par hectare, selon les zones de rendement. Tous les agriculteurs se trouvant dans les départements où le rendement de référence est supérieur au chiffre qui a servi de base au calcul de la nouvelle aide seraient affectés par cette mesure.

Même si l'impact reste limité à l'échelle de chaque exploitation, une telle mesure risque de conduire à la réduction de la sole protéagineuse, alors que le déficit européen en matière riche en protéines reste supérieur à 70 %.

(3) Le blé dur

Pour les zones de production traditionnelles, la Commission européenne propose de diminuer le supplément actuel, sur trois ans, à partir de 2004, le faisant passer de 344,5 à 250 euros/hectare, et d'instaurer une nouvelle prime de 40 euros/hectare dans la limite des superficies maximales garanties pour le blé dur répondant aux critères de qualité exigés pour la production de pâtes et de semoule.

Pour les zones non traditionnelles, la Commission européenne prévoit de supprimer l'aide spécifique de 139,5 euros par hectare, la prime à la qualité n'étant pas prévue pour ces zones.

La Commission européenne ouvre une piste intéressante en proposant de prendre en compte la qualité dans le régime de soutien au blé dur, mais elle ne peut être acceptée en l'état, car :

- la disparition de l'aide en zone non traditionnelle affecterait la France, qui avec une prévision de collecte de plus de 537 000 tonnes pour l'année 2002, est le principal producteur dans l'Union européenne ;

- la réduction du soutien en zone traditionnelle conduirait à une diminution de la production, qui fragiliserait toute la filière.

(4) Les fourrages séchés

La Commission européenne propose de partager (50/50) l'aide aux produits transformés (soit 68,3 euros/tonne pour les fourrages déshydratés et 34,63 euros/tonne pour les fourrages séchés au soleil) entre les producteurs et les industriels. Les producteurs percevraient une aide directe découplée, calculée sur les montants historiques des livraisons, dans la limite de plafonds nationaux basés sur les actuelles quantités nationales garanties. Pour les industriels, un régime simplifié unique pour les fourrages déshydratés et séchés au soleil est prévu à titre transitoire sur une période de quatre ans, sous la forme d'une aide dégressive de 33 euros/tonne en 2004/2005.

Cette réforme aurait de graves implications pour la filière de déshydratation en France, qui contribue à l'approvisionnement de la France en protéines végétales, indispensables à l'alimentation de l'élevage, ainsi qu'au développement économique et au maintien de l'emploi en zone rurale. En effet, en baissant de moitié l'aide aux fourrages déshydratés, puis en programmant sa disparition, elle mettrait en difficulté une branche industrielle qui emploie 3 000 personnes en France et 15 000 personnes en Europe, essentiellement dans le milieu rural. La proposition de la Commission européenne est donc inacceptable.

(5) Les fruits à coque

La Commission européenne propose d'introduire un paiement forfaitaire de 100 euros/hectare, avec la possibilité d'un complément national à concurrence de 109 euros/hectare, dans la limite d'une superficie maximale garantie de 800 000 hectares. Le régime proposé est d'un montant faible comparé aux chiffres d'affaires des productions de fruits à coque françaises caractérisées par leur qualité, comme les AOC Noix du Périgord et Noix de Grenoble.

(6) Le riz

Il est proposé une réduction de 50 % du prix d'intervention, qui serait ramené au prix de base de 150 euros/tonne, compensée par une augmentation de l'aide directe de 52 euros à 177 euros par tonne versée dans la limite de la superficie maximale garantie, dont 102 euros découplés. Le solde, soit 75 euros, est versé sous forme d'une aide spécifique.

Un régime de stockage privé est instauré lorsque les prix passent en-dessous de 120 euros/tonne.

En raison du caractère partiellement découplé de l'aide, la France a émis à ce stade de la négociation une réserve générale d'examen à l'égard de la proposition de la Commission européenne, qui affecterait les producteurs de riz cultivant 19 000 hectares en Camargue et 5 000 hectares en Guyane.

En ce qui concerne la baisse du prix d'intervention, celle-ci peut se justifier au regard de la situation du marché : en France, il est estimé que sur une production de 120 000 tonnes de riz, 90 000 seront mises à l'intervention.

Enfin, la France demande que l'aide soit ajustée dans les départements d'outre-mer, afin qu'elle tienne compte des coûts de transport.

b) Un contre-sens sur l'activité laitière

La Commission avait élaboré en juillet 2002 un document de travail spécifique sur le régime des quotas laitiers(21), envisageant quatre perspectives : le maintien du statu quo ; l'abaissement du prix de soutien accompagné d'une augmentation des quotas ; l'introduction d'un régime de double quota, l'un à l'exportation, l'autre sur le marché intérieur ; la suppression des quotas. Dès cette époque, la Commission paraissait pencher nettement en faveur d'une baisse des prix de soutien et d'une augmentation des quotas. Sa préférence s'est confirmée dans la proposition de règlement qu'elle a présentée en janvier(22) : elle y prévoit une réduction globale de 28 % des prix indicatifs des produits laitiers sur cinq ans (soit 35 % pour le beurre et de 17,5 % pour la poudre de lait écrémé) ; simultanément, les quotas seraient augmentés de 1 % par an en 2007 et en 2008.

La stratégie poursuivie n'est pas dénuée de fondement pour ce qui regarde les volumes. Les produits laitiers sont en effet des biens que les ménages consomment de plus en plus au fur et à mesure que leur niveau de vie s'élève ; autrement dit, la demande en est élastique par rapport au revenu. Le rattrapage économique qui s'annonce à l'est de l'Europe devrait donc permettre de justifier une augmentation progressive des quotas. Même s'il peut sembler inopportun de fixer a priori le coefficient de cette augmentation, il n'en reste pas moins que la démarche paraît raisonnable sur le fond.

La programmation d'une baisse de prix soulève plus de difficultés. Selon la Commission, cela mettrait les produits laitiers à la portée d'un plus grand nombre ; leur consommation s'en trouverait accrue et le marché s'élargirait. La demande de produits laitiers n'est cependant que peu élastique par rapport au prix. L'analyse micro-économique prouve en effet qu'elle réagit principalement à la hausse des revenus du consommateur, concomitante à une évolution de son régime alimentaire. Au contraire, sa faible élasticité par rapport au prix s'explique par un phénomène simple : un yaourt coûte déjà beaucoup moins cher qu'un fruit. Si la ménagère était principalement guidée par la considération du prix lorsqu'elle hésite entre les deux produits, son choix se porterait déjà aujourd'hui sur le produit laitier. L'observation économique enseigne ainsi que la demande en yaourts, pour reprendre cet exemple courant, n'est que peu sensible aux effets de substitution. Proposer une baisse de prix pour doper les ventes trahit donc une analyse erronée des comportements de consommation.

Sans effet positif tangible sur la consommation de produits laitiers, la chute des cours aurait néanmoins de graves répercussions sur la situation des producteurs et des contribuables européens. Personne ne peut en effet ignorer qu'abaisser les prix d'un tiers retentit sur le revenu des exploitations dans des proportions dramatiquement plus élevées. Car faire chuter les cours d'un certain montant ne revient pas à une réduction équivalente des marges réalisées par le producteur, mais souvent à leur destruction pure et simple. Ce sont elles qui doivent en effet absorber la totalité de la baisse de prix, dans la mesure où elles le peuvent. Car, si les cours devaient entamer une longue glissade de 30 %, ils entraîneraient à coup sûr dans leur chute la plupart des exploitations, qui plongeraient dans le déficit.

Au demeurant, la Commission ne soutient pas le contraire, puisqu'elle prétend augmenter les aides directes aux producteurs de lait si sa réforme est adoptée. Alors que le budget « lait » du FEOGA, de taille relativement modeste, avoisine les 2 milliards d'euros aujourd'hui(23), il deviendrait à l'avenir un chapitre de dépenses beaucoup plus important. Selon les prévisions de la Commission, le contribuable européen serait contraint de financer, fût-ce de manière seulement partielle, une baisse des prix que personne ne réclame, même pas les consommateurs, si l'on observe attentivement leur comportement. Une organisation de marché viable et peu coûteuse deviendrait ainsi une charge permanente pour le budget communautaire, sans que cela évite la faillite à nombre d'exploitations.

Le rapporteur ne parvient pas à comprendre la raison d'être de la démarche, le seul désir d'alignement sur le cours mondial ne pouvant justifier à lui seul un désastre de cette ampleur. L'unique manière de rendre un sens aux propositions de la Commission serait de lui prêter l'intention d'en finir au plus vite et à moindre coût avec le système des quotas, sans avoir engagé aucune discussion de fond sur les mérites propres du dispositif. En gonflant le nombre des quotas laitiers tout en baissant le prix du litre, elle saperait lentement les conditions de production actuelle en laissant les quotas se déprécier jusqu'à ce qu'ils disparaissent. La combinaison des deux mesures n'a de sens que dans cette perspective.

Le rapporteur se refuse cependant à instruire un procès d'intention contre la Commission. Il veut croire que, si elle avait pris conscience des grands dangers que ses propositions font courir au secteur laitier, elle aurait sans doute renoncé à les formuler. Il faut seulement souhaiter qu'elle sache en percevoir au cours des négociations les défauts les plus manifestes, trouvant simultanément l'occasion d'en repenser l'articulation et d'en abandonner le volet le plus néfaste. Aussi bien, les autorités françaises restent particulièrement vigilantes sur cette question, aujourd'hui comme par le passé.

C. Une « modulation » qui revient à amputer de manière inacceptable les aides directes

Une « modulation » progressive des aides directes perçues est proposée pour la période 2006-2012, la réduction appliquée (en %) étant fonction des montants d'aides perçus :

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

De 1 à 5 000 euros

0

0

0

0

0

0

0

De 5 001 à 50 000 euros

1

3

7,5

9

10,5

12

12,5

Plus de 50 000 euros

1

4

12

14

16

18

19

Une partie des montants prélevés, à raison de 1 % par an à partir de 2006 (impactés sur le budget 2007), pour atteindre 6 % en 2011, est destinée à financer des mesures de développement rural. Selon la Commission, les fonds disponibles supplémentaires à ce titre passeront de 228 millions d'euros en 2007 à 1,48 milliard d'euros en 2012.

Le solde des montants disponibles sera affecté au financement des réformes sectorielles nouvelles. Les fonds dégagés à cette fin passeraient de 0 en 2007 à 1,86 milliard d'euros en 2012.

Si le rapporteur peut accepter le principe d'une modulation qui ne soit pas excessive pour augmenter le volume des crédits destinés au développement rural, il est en revanche opposé à un prélèvement sur les aides qui servirait à financer des réformes de marché injustifiées et coûteuses comme celles proposées par la Commission européenne dans les secteurs du lait et des céréales, ou toute nouvelle réforme concernant d'autres secteurs tels que le sucre.

En outre, la logique de la modulation proposée par la Commission européenne s'apparente plus à celle d'une dégressivité, qui aboutit à des niveaux de prélèvements peu compatibles avec les capacités et l'équilibre économique actuel des exploitations agricoles. Une étude réalisée par Vincent Chatellier, économiste à l'INRA, indique qu'au terme du processus, le prélèvement budgétaire moyen par exploitation dans l'Union européenne serait en 2012 de 2 200 euros, soit un recul de 10,4 % du montant des aides directes. 80 % des exploitations françaises seraient concernées avec un prélèvement moyen variant entre 4 090 euros dans le Nord, 2 010 euros dans le Massif Central et 5 150 euros dans la région Centre. Les élevages laitiers du centre de la France subiraient une ponction moyenne de 5 500 euros par exploitation, la plus forte parmi les Etats membres.

Enfin, la Commission propose d'exonérer les dix nouveaux Etats membres de ces mesures tant que les paiements directs dans ces pays n'auront pas atteint le niveau de l'Union européenne. Cela voudrait dire que les paiements directs diminueraient pour les agriculteurs des Quinze alors qu'ils augmenteraient dans les dix nouveaux membres, une proposition qui ne respecte pas l'équilibre de l'accord politique conclu au Conseil européen de Bruxelles.

D. Des priorités oubliées

On ne peut que déplorer le contraste entre l'audace dont fait preuve la Commission européenne pour proposer un bouleversement complet de la PAC et son manque total d'initiative pour relancer les OCM en souffrance.

1) Un zéro pointé en ce qui concerne la réduction de la dépendance protéique de l'Europe

Alors que le secteur des oléo-protéagineux figure clairement dans l'accord de Berlin comme pouvant faire l'objet de propositions, la Commission européenne ne préconise aucune réforme d'envergure pour ces productions, à l'exception de celle du crédit carbone.

L'Union européenne doit pourtant remédier d'urgence à son déficit en matière protéique, qui est aujourd'hui de 75 %.

L'interdiction des farines animales en 2000 n'a fait qu'aggraver la dépendance protéique de l'Union européenne dont 75 % des importations en protéines végétales proviennent des Etats-Unis, du Brésil et de l'Argentine.

Ces trois pays représentent 80 % de la production mondiale des protéines, et les Etats-Unis, à eux seuls, assurent 45 % de la production mondiale, cinq de leurs groupes industriels détenant 90 % de la capacité de trituration. Cette concentration des approvisionnements fait peser une menace de caractère stratégique sur l'indépendance alimentaire de l'Europe.

La Fédération des producteurs d'oléagineux et de protéagineux indique par ailleurs que 70 % du soja importé en Europe est composé d'OGM, le taux pouvant atteindre 100 % dans le cas des importations en provenance d'Argentine.

Cette situation très dommageable pour l'Europe résulte d'un calcul des Etats-Unis, qui ont conclu avec celle-ci un accord en 1960 dans le cadre du Dillon Round aux termes duquel la Communauté européenne a été autorisée à protéger sa céréaliculture par l'institution des prélèvements variables en échange d'une libéralisation du secteur des oléagineux.

Or, l'absence de protection communautaire pour les oléagineux et les produits de substitution aux céréales va fragiliser durablement l'équilibre de la PAC en encourageant la production de céréales et en incitant à l'importation de tourteaux de soja pour alimenter les vaches laitières, les porcs et la volaille.

Le soja s'est imposé comme la seule ressource en protéines végétales à destination de l'alimentation animale dans les échanges mondiaux quelques années seulement après l'accord du Dillon Round. Puis, en 1973, les Etats-Unis décrétèrent, à la suite de la hausse des prix mondiaux provoquée par le décalage entre l'offre et la demande, un embargo sur les ventes de soja, qui a révélé à l'Europe la gravité de sa dépendance protéique.

L'Europe a réagi en adoptant un premier plan sur les protéines, qui a permis un certain essor de ses productions, mais ce développement positif a été remis en cause par l'accord de Blair House de 1992, imposé par les Etats-Unis et prévoyant, en échange de la tolérance d'une aide spécifique aux oléagineux, instituée en 1992 dans le cadre de la réforme de la PAC, le contingentement à cinq millions d'hectares des surfaces oléagineuses en Europe, et la limitation des cultures oléagineuses à des fins industrielles, lesquelles ne doivent pas engendrer plus d'un million de tonnes de sous-produits en équivalents de tourteaux de soja.

Le Conseil européen de Berlin a supprimé l'aide spécifique aux oléagineux, en l'alignant sur l'aide aux céréales à partir de la campagne 2000/2001. La culture des oléagineux est alors devenue beaucoup moins attractive, puisque cette mesure, concrètement, a conduit à faire baisser l'aide aux producteurs de 94,24 euros par tonne à 63 euros par tonne. Selon les premières estimations disponibles, les surfaces européennes en oléagineux pour 2002 font état d'une baisse de 18 % par rapport à 1999.

En ce qui concerne les protéagineux, l'accord de Berlin comporte un soutien spécifique pour les producteurs, en plus de l'aide unique aux grandes cultures, mais l'aide totale à ce secteur est en diminution, ce qui a également entraîné un désintérêt pour cette culture : sur dix ans, le total des superficies ensemencées et la production dans ce secteur ont diminué de respectivement 11 % et 25 % entre 1990 et 2000.

Quelles sont les propositions faites par la Commission dans le cadre de la révision à mi-parcours pour faire face à cette dégradation continue du potentiel de production de protéines végétales en Europe ?

Elles reviennent à inciter l'Europe à importer davantage de tourteaux de soja.

Si cette solution n'apparaît nulle part de manière explicite, elle résulte directement de l'effet combiné des propositions de la Commission européenne concernant l'interdiction de produire des cultures oléagineuses sur les jachères, la réduction de moitié de l'aide aux fourrages déshydratés et la fixation à 1,4 million d'hectares de la superficie maximale garantie au-delà de laquelle le soutien aux protéagineux serait réduit au prorata, qui ne peuvent qu'encourager les agriculteurs à réduire leur production.

De même, la proposition de modification du calcul de l'aide spécifique aux protéagineux, qui prévoit l'utilisation d'un rendement moyen communautaire inférieur au rendement français, conduirait à réduire le montant de l'aide versée aux producteurs, ce qui ne va guère dans le sens d'une relance de la culture des protéines végétales.

Tous ces éléments conduisent à rejeter les solutions de la Commission européenne pour proposer l'adoption d'un nouveau plan sur les protéines pour l'Union européenne. La France a soumis, en décembre 2001, un mémorandum sur le sujet avec la Belgique, l'Espagne, l'Italie, l'Autriche et le Portugal proposant de :

- relever le niveau de l'aide aux cultures protéagineuses, afin de renforcer l'attrait de ces cultures pour les producteurs de protéagineux et d'oléagineux ;

- permettre aux producteurs bénéficiant du régime d'aides aux cultures arables avec obligation de gel de cultiver des protéagineux sur la partie des terres gelées liée à la superficie déclarée en protéagineux ;

- intégrer les légumineuses à grains spécifiques dans le système d'aides aux grandes cultures et permettre à ces productions de recevoir l'aide revalorisée pour les protéagineux ;

- encourager la production de fourrages séchés par l'augmentation de la quantité maximale garantie des fourrages séchés artificiellement et de l'aide pour les fourrages séchés au soleil ;

- instituer à plus long terme des dispositifs d'assurance (assurance récolte contre les risques sanitaires ou climatiques et/ou assurance-revenu garantissant un chiffre d'affaires de référence au producteur) pour réduire le risque que prend le producteur lorsqu'il introduit ces cultures dans ses assolements.

Une piste complémentaire, avancée par la Fédération des producteurs d'oléagineux et de protéagineux, consisterait à encourager les agriculteurs à introduire plus de trois cultures différentes dans leur assolement, en leur versant une aide supplémentaire à l'hectare de 30 euros.

Enfin, s'agissant de l'accord de Blair House, la France considère, contrairement à la Commission européenne, que les dispositions limitant la production des oléagineux ne doivent plus s'appliquer en raison de la disparition, en 2002, de l'aide spécifique à cette culture. Le rapporteur partage cette position : le souci d'éviter l'ouverture d'un nouveau conflit commercial avec les Etats-Unis ne doit pas condamner l'Europe à faire le choix de la dépendance alimentaire.

2) Une absence d'ambition concernant la réforme de deux OCM vieillissantes et inadaptées

a) L'OCM vitivinicole

L'OCM vitivinicole est confrontée à une crise structurelle de déséquilibre des marchés, en raison de la baisse tendancielle de la consommation de vins, qui est de l'ordre de 2,8 % par an. En France, le recul de la demande affecte principalement les vins de table et des vins de zone départementale, ce qui génère des stocks à la propriété importants.

Par ailleurs, la France, qui reste le second exportateur mondial de vins, voit ses parts de marché diminuer au profit des producteurs du nouveau monde, c'est-à-dire de l'Argentine, du Chili et de l'Afrique du Sud. Ces pays ont augmenté de 3 à 15 % leurs parts du marché mondial durant les dix dernières années, alors que la part des exportations françaises a diminué de 29 à 23 %.

La maîtrise du potentiel de production constitue donc un enjeu primordial, mais qui ne trouve pas pour l'instant de solutions satisfaisantes du côté des mécanismes de régulation de l'OCM « vins ». En effet, le dispositif actuel d'arrachage définitif est coûteux et a un impact négatif sur l'occupation des sols en raison du caractère irréversible de la perte de droits de plantation qu'il engendre pour le vignoble concerné.

Or, le fonctionnement de l'OCM doit permettre d'assainir de manière durable le marché tout en préservant des marges de manœuvre pour l'avenir. Ce double objectif peut être atteint par la création d'un régime d'arrachage temporaire qui permettrait au viticulteur, au bout d'un certain nombre d'années, d'opter pour la cessation d'activité avec restitution des droits à une réserve régionale pour la replantation dans le cadre de la restructuration.

En outre, le dispositif de distillation de crise ayant été
sous-utilisé, en raison de son caractère non contraignant, il convient de le rendre à nouveau obligatoire
. En effet, depuis l'adoption, le 17 mai 1999, du nouveau règlement relatif à l'OCM vitivinicole, les Etats membres ont la possibilité de demander à la Commission européenne l'autorisation de procéder à une distillation des volumes excédentaires, mais cette mesure est seulement proposée et non plus imposée aux producteurs.

b) L'OCM fruits et légumes

Le fonctionnement de l'OCM fruits et légumes doit également être renforcé, afin d'aider à la restructuration du secteur et à la constitution de groupements de producteurs.

Cette évolution est indispensable, car elle permettra de relever le principal défi auquel est confronté le secteur, à savoir l'extrême volatilité des prix. En France, sur la décennie passée, le prix moyen annuel à la production d'abricots a oscillé entre 55 et 127 euros pour 100kg et celui de la pêche entre 46 et 114 euros, soit du simple au double ou au triple.

La volatilité des prix résulte non seulement du caractère périssable des produits et de l'extrême sensibilité de la production et de la consommation aux conditions climatiques, mais aussi des chevauchements de campagne entre bassins de production au niveau national, communautaire et international (importations en provenance des pays tiers méditerranéens).

Cette instabilité des cours engendre une forte spéculation sur le marché face à laquelle la profession est impuissante en raison de sa très faible organisation : en moyenne, au niveau communautaire, les organisations de producteurs ne mettent sur le marché que 40 % de la production, pourcentage qui oscille entre 30 % en Italie et 55 % en France, contre 70 % pour la Belgique et les Pays-Bas.

Dans ces conditions, l'OCM doit contribuer au renforcement de l'organisation économique de la filière, afin que les producteurs puissent maîtriser l'offre. Il pourrait être envisagé dans ce but de privilégier davantage les organisations de producteurs dans la mise en œuvre du régime d'intervention. Le dispositif devrait également inciter aux fusions et aux associations entre organisations de producteurs. Enfin, lors des crises, le revenu des producteurs pourrait être préservé par le maintien de filets de sécurité tels qu'un régime d'intervention plus efficace, le recours éventuel à l'assurance récolte et des dispositifs spécifiques en cas de crise grave.

E. Le renforcement du développement rural

Dans les documents de la Commission, le terme de développement rural désigne à la fois un objectif général de la politique agricole commune et une politique sectorielle visant spécialement à la conservation d'une vie rurale développée et dynamique. C'est cette dernière, encore appelée « second pilier », que la Commission propose de réformer et d'étendre au détriment des politiques proprement agricoles, regroupées sous l'expression de « premier pilier ».

Né en 1999, le second pilier recouvre pourtant un ensemble de mesures qui, de l'aveu même de la Commission, présentent certaines imperfections. Aussi faut-il s'interroger sur l'opportunité de leur extension.

1) Une politique à parfaire...

La politique spéciale de développement rural représente aujourd'hui 16 % des dépenses du FEOGA. La Commission propose que cette proportion soit encore augmentée à l'avenir, jugeant qu'il s'agit d'une attente de l'opinion publique européenne (cf. supra). Il convient de constater cependant que les crédits attribués au nom du deuxième pilier souffrent souvent d'une sous-consommation chronique. La France, qui en recueille une part importante (17,5 %), accusait encore voilà peu un retard considérable dans l'exécution des crédits, puisqu'elle n'avait utilisé en 2000 que 70 % de ceux qui lui étaient alloués, et 68 % en 2001. Cela lui a valu au demeurant de se voir infligée une pénalité financière d'un montant de 21,3 millions d'euros(24). Une politique volontariste a permis en 2002 de repasser la barre critique de 75 % des fonds utilisés. Il reste toutefois des efforts à faire pour que la situation retourne à la normale.

Il s'agit autant d'un problème de gestion que d'un problème de fond. Alors que tout le monde sait de quoi il est question lorsque l'on parle d'agriculture, la notion de développement rural apparaît parfois insaisissable. Ce flottement explique que les agriculteurs hésitent à s'engager dans des actions dont ils ne perçoivent pas forcément la signification directe. Il rend également malaisée la mise en œuvre administrative de procédures qui peinent à intégrer des paramètres subjectifs et difficilement appréciables. Tout cela laisse augurer des difficultés qui ressembleront sans doute à l'avenir à celles dont on fait déjà l'expérience aujourd'hui.

2) ...mais les solutions avancées sont complexes et pourraient remettre en cause la solidarité financière de l'Union européenne

La Commission propose cependant d'étendre le champ d'application des mesures de développement rural. Les agriculteurs seraient incités à aller au-delà de la simple conformité aux normes réglementaires en matière de respect de l'environnement, de sécurité alimentaire ou de bien-être animal. Ceux qui le voudraient pourraient bénéficier d'allocations spéciales en apportant la preuve qu'ils suivent par surcroît les dispositions contenues dans les codes de bonne conduite agricole. Cette extension irait de pair avec la généralisation d'audits agricoles qui réaliseraient une évaluation d'ensemble de l'activité de l'exploitation, sur la base des nouveaux critères retenus.

Il faut craindre que les agriculteurs se trouvent ainsi placés dans la nécessité économique d'accepter un nouveau resserrement de la surveillance réglementaire qui s'exerce déjà sur eux de manière très étroite. Les audits agricoles, s'ils devaient devenir obligatoires, empièteraient encore sur le temps de travail des exploitants en les détournant de ce qui demeure leur tâche essentielle. La liberté de choix des agriculteurs doit donc être préservée à tout prix, ce qui suppose que s'ouvre à eux la possibilité de conserver l'activité productive comme source de revenus principale.

Il y a d'autre part un inconvénient budgétaire à suivre l'orientation de la Commission. Car la réforme proposée, en déplaçant le centre de gravité du premier vers le second pilier, remettrait en cause la dimension européenne de la politique agricole. Alors que les fonds attribués au titre du premier pilier proviennent du budget communautaire, les crédits du deuxième pilier ne peuvent en effet être utilisés qu'à la condition de se combiner à un financement national au moins équivalent. Cette approche comptable, si elle devait être maintenue, saperait les fondements communautaires de la politique intégrée la plus ancienne de l'Union européenne. En se diluant en autant de sous-politiques qu'il y a d'Etats membres, la politique agricole cesserait d'être une politique agricole commune, ce qui marquerait un recul sans précédent de l'acquis communautaire.

Consciente de ces difficultés, la Commission propose d'augmenter le taux de cofinancement communautaire de dix points supplémentaires, de sorte qu'il atteigne 60 % du budget de développement rural. Une rapide opération de soustraction suffit cependant pour s'apercevoir qu'il faudrait encore un effort de 40 % pour retrouver les 100 % initiaux, puisqu'il s'agit au départ de fonds du premier pilier. Il s'en faut donc de beaucoup que les propositions de la Commission puissent paraître aujourd'hui satisfaisantes sur ce point.

F. L'écoconditionnalité

1) Une évolution indispensable...

Il existe deux façons de « verdir » les aides directes de la PAC.

La première consiste à les verdir selon une logique purement OMC, c'est-à-dire à rompre tout lien entre les aides et la production pour les classer dans la boîte verte de l'OMC. Comme cela a déjà été souligné, cette solution n'est pas acceptable au regard de l'objectif de régulation des marchés agricoles. De plus, elle ne garantit pas une solution durable du point de vue de l'OMC : tout accroissement des aides de la boîte verte risque d'inciter les pays en développement à concentrer leurs attaques contentieuses devant l'Organe de règlement des différends contre les soutiens entièrement découplés.

La seconde solution consiste à préserver des aides permettant d'assurer une maîtrise de la production tout en conditionnant leur versement au respect de critères environnementaux stricts.

En plaçant les préoccupations environnementales au cœur du premier pilier de la PAC, elle permet de justifier de manière durable les aides directes versées aux agriculteurs.

La Commission européenne propose dans ce but de subordonner le versement de l'aide découplée au respect de normes relatives à l'environnement, à la santé et au bien-être des animaux, à la sécurité des aliments et à la sécurité de l'emploi sur l'exploitation, les Etats membres étant appelés à définir les bonnes pratiques agricoles en liaison avec les règles existantes. Les exploitants sont tenus de maintenir leurs terres dans de bonnes conditions agronomiques, afin de pouvoir bénéficier de l'intégralité de l'aide unique.

Pour aider les agriculteurs à mettre en œuvre ces normes, la Commission européenne préconise la création d'un « système de conseil aux agriculteurs », proposé comme étant l'une des exigences de la conditionnalité. Il serait obligatoire mais, dans un premier temps, limité aux producteurs percevant plus de 15 000 euros par an en paiements directs ou qui ont un chiffre d'affaires de plus de 100 000 euros par an. Son financement est prévu sur les fonds destinés au développement rural.

La conditionnalité entérine un changement d'orientation de la politique de revenus de la PAC, qui est inéluctable : celle-ci sera de moins en moins conçue comme une stratégie de compensation des baisses de prix décidées, mise en place au coup par coup et, au fur à mesure que les années passent, de plus en plus difficile à légitimer aux yeux de l'opinion publique, mais évoluera vers un mode de rémunération permanent des services rendus par l'agriculture à la société.

2) ...mais qui ne doit pas bureaucratiser l'agriculture

L'ensemble des Etats membres a accueilli favorablement le principe d'une conditionnalité des aides, mais ils ont soumis leur accord à la proposition de la Commission européenne à une mise en œuvre pragmatique des solutions avancées qui, si elles étaient appliquées telles qu'elles, imposeraient des obligations trop lourdes et trop contraignantes pour les agriculteurs.

En effet, les modalités actuellement proposées par la Commission européenne ne sont pas réalistes :

- la liste des textes à respecter est trop longue, puisqu'elle ne concerne pas moins de 38 directives. En outre, cette liste couvre des domaines d'activités larges, parfois non directement liés avec la production et l'exploitant ;

- les normes pour les « bonnes conditions agricoles », liées à la mise en place du découplage des aides, ne sont pas réglementaires, donc difficilement vérifiables ;

- l'intégration du contrôle de ces normes dans le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) qui gère le versement des aides de la PAC entraînerait des difficultés à différents niveaux : l'organisation proposée est administrativement complexe et coûteuse, les moyens à mettre en œuvre pour respecter les taux de contrôle sont trop élevés, une analyse de risque sur l'ensemble des sujets couverts est très difficilement réalisable.

Ces considérations ont conduit la France à transmettre au Conseil des ministres de l'Union européenne une contribution sur la conditionnalité, qui est résumée dans l'encadré ci-après :

PROPOSITIONS DE LA FRANCE
SUR LA CONDITIONNALITE DES AIDES

1) Le champ d'application

La France propose de simplifier les propositions sur la conditionnalité, d'abord en délimitant mieux son champ d'application. Selon elle :

- il convient d'exclure du champ de la conditionnalité toute disposition comportant des appréciations qualitatives pour permettre ainsi de séparer d'un côté les dispositifs réglementaires et de l'autre les démarches volontaires allant au-delà de la réglementation et rémunérées au titre du développement rural ;

- la conditionnalité doit porter sur une liste limitative de points de la réglementation qui concernent l'exploitation agricole ;

- la mise en œuvre des différentes mesures doit pouvoir être progressive : il devrait être possible de choisir certaines mesures prioritaires dans un premier temps qui seraient revues selon les résultats des expériences.

2) Des règles de contrôle simplifiées et clarifiées


La France propose que :

- le contrôle soit réalisé par le biais d'indicateurs préalablement définis, pour limiter les interprétations des contrôleurs et simplifier le processus :

les contrôles ne soient pas intégrés dans le SIGC (le contrôle de conditionnalité doit pouvoir s'effectuer grâce aux informations des corps de contrôles existants qui transmettent aux SIGC les cas d'infraction constatés) ;

- le taux de contrôle puisse être modulable selon la nature des indicateurs et des contrôles.

De plus, il serait nécessaire, de mieux adapter les sanctions :

- la liste des règles de conditionnalité devrait pouvoir être associée à un barème des sanctions correspondantes à chaque infraction de la règle choisie, les barèmes étant proportionnels à la gravité des infractions et au taux de récidive ;

- les sanctions pourraient être cumulatives mais avec un plafonnement pour ne pas pénaliser les exploitations les plus diversifiées ;

- le pourcentage de 20 % des fonds prélevés au titre des sanctions, qui peut être conservé par l'Etat membre, devrait être relevé.

Enfin, la France recommande que les règles de conditionnalité qui s'appliquent au premier pilier constituent les conditions d'éligibilité des aides du second pilier.

3)
Un système de conseil agricole volontaire

La France estime que le système de conseil agricole ne peut pas être lié à des sanctions. En outre, les coûts nationaux induits par le caractère obligatoire du système de conseil sont, selon elle, trop élevés et difficilement acceptables pour les Etats membres. C'est pourquoi elle défend le principe d'un « système volontaire » de conseil agricole, pour les Etats membres et pour les exploitants, qui s'articulerait autour des principes suivants :

- le cadre communautaire préciserait les catégories d'exigences ou les exigences minimales figurant dans chaque référentiel national ;

- chaque Etat membre pourrait introduire dans ce référentiel des exigences d'ordre législatif ou réglementaire ou des dispositions fondées sur des bases scientifiques et techniques qu'il juge nécessaire ;

- les référentiels ainsi élaborés seraient approuvés au niveau communautaire à la lumière des critères de reconnaissance établis préalablement ;

- les exploitants qui adhèrent au système devraient avoir la possibilité d'obtenir une qualification de l'exploitation (assurance du respect des exigences du référentiel) ;

- le système d'organismes certificateurs proposé par la Commission pourrait servir de base à la définition du cadre communautaire.

*

* *

Les grandes orientations proposées par la Commission reposent donc sur une vision dogmatique qui résisterait difficilement à l'épreuve des faits, s'il fallait qu'elle la connaisse un jour. En détruisant ce qui existe pour le remplacer par des actions dont l'objet précis reste à définir, ce projet ne propose rien d'autre aux agriculteurs européens que de lâcher tous ensemble la proie pour l'ombre. Cela ne peut pas être la ligne directrice d'une politique raisonnable.

Activité agricole et développement rural ne se séparent pas, l'une étant la condition nécessaire voire, dans certaines régions, la substance même de l'autre. Les mesures envisagées iraient donc à l'encontre des fins qu'elles prétendent poursuivre, à savoir l'aménagement du territoire et la préservation de l'environnement. Le démantèlement des mécanismes de marché conduirait en effet nécessairement à une concentration massive du secteur agricole, ce qui serait tout le contraire d'une distribution harmonieuse de l'activité dans l'espace.

Si les mesures proposées devaient être mises en application, il y aurait un risque réel de voir reculer en Europe la surface des espaces cultivés. Après avoir à juste titre cessé il y a vingt ans d'inciter les agriculteurs à la surproduction, la Commission actuelle voudrait aujourd'hui, dans certains secteurs, les inciter à ne plus produire du tout. C'est méconnaître la réalité de la vie rurale comme de l'activité agricole, qui ne serait plus capable, si elle devait devenir un exercice de pure convention, de rendre à la collectivité les services qui sont attendus d'elle plus que jamais.

TROISIEME PARTIE :
LA REFORME A FAIRE OU LA CONSOLIDATION DU MODELE AGRICOLE EUROPEEN DANS L'UNION ELARGIE

L'Europe doit retrouver le sens des priorités en considérant que ses propres besoins en matière de production agricole et de sécurité alimentaire doivent définir le contenu de la PAC et non les spéculations sur le découplage intégral des aides destinées à séduire les négociateurs à l'OMC.

VI.

VII. L'ELARGISSEMENT CONSTITUE UN DEFI ET UNE CHANCE POUR L'AGRICULTURE EUROPEENNE...

L'élargissement est le défi le plus important de la PAC pour les vingt ans à venir.

Aussi, plutôt que de réduire sa politique agricole à une simple monnaie d'échange pour permettre le bouclage des négociations commerciales, l'Europe doit préserver ce qui a fait la réussite de la PAC, à savoir l'organisation des marchés, car cela lui sera très utile pour gérer l'intégration des nouveaux Etats membres.

A. Un défi en partie relevé

1) Un « choc agricole » qui doit être relativisé

L'adhésion, le 1er mai 2004, de dix nouveaux pays disposant d'une agriculture qui pèse encore lourd dans leur économie alors que leur population active agricole dépasse la moyenne de celle des Quinze, suscite des craintes.

L'agriculture représente entre 2,1 % (cas de Malte) et 3,8 % (cas de la Hongrie ) du PIB des 10 pays adhérents, ce chiffre étant de 3,1 % pour la Pologne qui est, avec 2,5 millions d'actifs et 40 % de la production agricole des dix nouveaux entrants, le pays adhérent le plus important sur le plan agricole. Au total, ce secteur représente 3,1 % du PIB des dix pays adhérents.

Ce secteur emploie 13,2 % de la population active des dix futurs Etats membres. Avec l'élargissement, environ 3,8 millions d'agriculteurs vont s'ajouter au 6,8 millions d'agriculteurs que comprend déjà l'Union à Quinze, soit une augmentation de la population active agricole européenne de 56 %.

Sur le plan de la production agricole, les futurs membres de l'Union disposent d'une surface agricole utile (SAU) de 38,3 millions d'hectares à comparer aux 128,3 millions de l'Union à Quinze, ce qui représentera une augmentation de la SAU européenne de 29 %.

Cependant, le choc tant redouté de l'élargissement sur l'agriculture des Quinze n'aura pas lieu :

· L'Europe a déjà eu l'expérience de la conduite de son élargissement à des pays agricoles. En effet, l'élargissement de l'Europe des Quinze à dix pays est comparable à celui de l'Europe des Neuf accueillant, dans les années 1980, la Grèce, l'Espagne et le Portugal. La taille des pays d'Europe centrale et orientale (PECO) par rapport à l'Union des Quinze est comparable à celle de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal en 1980 dans l'Europe des neuf. L'Espagne représentait alors 14 % de la population de la Communauté et 8 % de son PNB, contre respectivement 10 % et 2 % aujourd'hui pour la Pologne dans l'Union européenne. En outre, l'agriculture représente en moyenne 8 % de la production nationale totale et 17 % de l'emploi total des PECO, l'équivalent de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal au début des années 1980.

· Les risques d'invasion des marchés agricoles des Quinze par les produits issus des pays adhérents sont limités par de nombreux facteurs.

Les exploitations des PECO sont encore très morcelées. Une étude sur l'agriculture des PECO d'Alain Pouliquen, directeur de recherche à l'INRA, indique que les exploitations de plus de 50 hectares n'utilisent en moyenne que 0 à 20 % de la SAU contre plus de 60 % dans l'Union, les « records »de la République tchèque (40 %) et de l'Estonie (33 %) étant inférieurs et isolés(25). Dans tous les pays d'Europe centrale et orientale, les exploitations de moins de 20 hectares utilisent la majorité des terres du secteur individuel, contre seulement 18,8 % de la SAU dans l'Union. En Pologne, 57 % des exploitations individuelles ont moins de cinq hectares et 24 % d'entre elles ont moins de deux hectares. Quant aux très grandes fermes sociétaires issues des anciennes fermes étatiques et collectives, qui couvrent entre 700 et 2 000 hectares, elles ont souffert de la suppression des subventions versées par le régime communiste et de la détérioration initiale des prix agricoles relatifs. Elles sont en outre souvent handicapées par leur endettement. Toutefois, certaines de ces macro-exploitations peuvent être reprises par des personnes ou des sociétés, motivées par la seule rentabilité du capital engagé, pour être spécialisées dans des cultures fortement mécanisées : ce « scénario latifundiaire » constitue le seul danger pour les exploitations de l'Ouest, mais il est réel car il mettrait ces dernières en concurrence avec des structures extensives très compétitives.

La compétitivité prix et hors prix des produits agricoles des pays adhérents reste par ailleurs très faible. D'abord, la productivité et les rendements des PECO sont nettement inférieurs à ceux de l'Europe des Quinze. Ainsi, pour les céréales, par rapport à une moyenne communautaire de 5,7 tonnes/hectare, la Hongrie et la Slovénie ne disposent que de rendements de l'ordre de cinq tonnes/hectare, la République tchèque et la Slovaquie approchent les quatre tonnes/hectare alors que les autres restent en deçà de trois tonnes/hectare. De plus, la qualité inférieure ou hors normes de ces produits les rend peu attractifs pour les consommateurs exigeants des Quinze. Il résulte de cette combinaison de facteurs que depuis 1992, l'Union européenne exporte plus de produits agricoles et agroalimentaires vers les PECO qu'elle n'en importe.

· L'effort de solidarité budgétaire envers les agriculteurs des pays adhérents ne remettra pas en cause la compétitivité des agriculteurs des Quinze.

Il faut d'abord rappeler que cette solidarité est nécessaire : les PECO doivent fournir un effort sans précédent de modernisation de leur agriculture, de mise aux normes sanitaires et de qualité. Il est normal que l'Europe les soutienne : ceci correspond à la fois à un impératif de solidarité et aux intérêts des consommateurs.

Ensuite, l'accord intervenu au Conseil européen de Bruxelles d'octobre 2002 prévoit une montée en puissance progressive des transferts agricoles vers les PECO jusqu'en 2013 qui ne « dopera » pas de manière artificielle l'efficience de leurs exploitations. Ainsi, au moment de l'adhésion, les agriculteurs des PECO ne recevront la première année de l'élargissement, alors que certains d'entre eux, notamment dans le secteur des céréales, subiront sans doute d'importantes baisses de prix au moment de leur entrée, qu'un maximum de 55 % de l'aide accordée à leurs homologues de l'Ouest.

Le bénéfice progressif des aides directes pour les dix futurs membres se fera selon les modalités suivantes : 25 % en 2004, 30 % en 2005, et 35 % en 2006, puis une augmentation de 10 points par an jusqu'à 100 % en 2013 du niveau qui prévaudra alors dans l'Union européenne. Ces pays auront le droit de verser des compléments nationaux, soit 55 % du niveau de l'Union européenne en 2004, 60 % en 2005 et 65 % en 2006 et, à partir de 2007, plus de 30 points par rapport à la transition progressive des aides directes. Ces compléments nationaux pourront être cofinancés, de 2004 à 2006, en utilisant une partie des aides prévues au titre du FEOGA-développement rural, dans la limite de 10 % du versement progressif des aides directes.

Ce dispositif progressif doit permettre d'éviter de retarder la restructuration des exploitations agricoles des futurs Etats membres, notamment celles qui ne vivent que de l'autoconsommation et dont les revenus sont largement issus des transferts sociaux.

Par ailleurs, les pays adhérents disposent du droit d'opter pour un système de paiement simplifié pour percevoir les aides directes, pendant une période limitée (3 ans puis deux fois 1 an), consistant en une aide à l'hectare découplée de la production.

En ce qui concerne le développement rural, les pays adhérents ont obtenu des adaptations. Ainsi a été créé un revenu de semi-subsistance temporaire, pouvant être versé pendant 5 ans, pour les exploitations dans tous les pays adhérents, afin de faciliter les restructurations, d'un montant annuel de 1 000 euros par exploitation et par an, sous réserve de présenter un plan démontrant la viabilité économique de l'exploitation. Pour la Pologne, ce montant est de 1 250 euros par exploitation. D'autre part, les mesures adoptées dans le cadre du deuxième pilier seront cofinancées à hauteur de 80 % par le budget de l'Union européenne, contre 50 % actuellement pour les Quinze.

Au total, le budget destiné à l'agriculture des dix nouveaux membres pour la période 2004-2006 s'élèvera à 9,7 milliards d'euros pour un paquet consacré à l'élargissement de 40,85 milliards d'euros en crédits d'engagement. En comparaison, les fonds structurels destinés aux pays adhérents mobiliseront, à eux seuls, 25,5 milliards d'euros pendant cette période.

2) Des dépenses agricoles plafonnées jusqu'en 2013

L'élargissement ne remettra pas en cause le budget de la PAC ni les aides directes.

En effet, l'accord de Bruxelles prévoit un budget suffisant pour que la montée en puissance des transferts agricoles vers les PECO n'implique pas une diminution des aides versées aux agriculteurs des Quinze. Ainsi, il conforte les aides directes de la PAC par la stabilisation budgétaire.

Cet accord constitue une grande victoire pour l'intégrité et pérennité de la PAC à Quinze puis à Vingt-Cinq, qui était loin d'être acquise en raison des crispations que suscitait l'introduction des aides directes dans les pays adhérents et ses effets prévisibles sur l'évolution des dépenses agricoles.

Certains pays, tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas, s'opposaient à l'attribution, dès 2004, des aides directes aux nouveaux Etats membres, car elle risquait, selon eux, de conduire à une explosion non maîtrisée des dépenses de la PAC. Pour sa part, la France a toujours considéré que le bénéfice des aides directes faisait partie intégrante de l'acquis communautaire et ne pouvait donc être refusé aux pays candidats. Ces derniers, quant à eux, ne pouvaient accepter d'entrer dans l'Union européenne sans recevoir les fruits de la politique commune qui a fait le succès de l'Europe.

Un accord a pu finalement être finalisé suite à une initiative conjointe de la France et de l'Allemagne : lors d'un entretien qui s'est tenu à la veille du Conseil européen de Bruxelles, le Président de la République, M. Jacques Chirac, et le chancelier allemand, M. Gerhard Schroeder, sont convenus, pour les perspectives financières 2007-2013, de plafonner les dépenses agricoles à leur niveau de 2006, en contrepartie d'un engagement que la PAC demeurerait inchangée d'ici 2006. La France a également obtenu que l'assurance que ce principe de stabilité budgétaire s'appliquerait aux autres dépenses européennes, notamment celles liées aux aides régionales et à l'abattement de la contribution au budget européen dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984.

Grâce à cet accord global de la France et de l'Allemagne, le Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre 2002 a décidé l'octroi progressif des aides directes aux nouveaux Etats membres selon les modalités décrites ci-dessus et une stabilisation des dépenses de marché et des aides directes en euros constants entre 2007 et 2013, qui s'effectue sur la base des plafonds de Berlin fixés pour les Quinze pour 2006 et des dépenses prévues pour les dix nouveaux Etats membres. Le plafond retenu sera majoré de 1 % pour tenir compte de l'inflation. Ainsi, les dépenses du premier pilier devraient s'élever, en prix courants, à 45,036 milliards d'euros en 2006 et 48,574 milliards d'euros en 2013.

Projection des dépenses agricoles avec un plafonnement à partir de 2007 (millions d'euros)

 

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

prix constants

UE-25 (prix de 1999)

38 926

39 562

39 442

39 442

39 442

39 442

39 442

39 442

39 442

39 442

UE-25 (prix de 2006)

-

-

45 306

45 306

45 306

45 306

45 306

45 306

45 306

45 306

prix courants, indexation de 1 % à partir de 2007

UE-25 (prix de 2006

42 979

44 474

45 306

45 759

46 217

46 679

47 146

47 617

48 093

48 574

dont : aides directes pour les dix pays candidats (PC-10)

PC-10

0

1 321

1 629

2 012

2 300

2 874

3 449

4 029

4 599

5 174

Cet accord permet de donner à la PAC une visibilité budgétaire dont aucune autre politique européenne ne bénéficie. Par ailleurs, sur le plan international, il reflète l'engagement de l'Union européenne de contrôler ses dépenses agricoles, un effort qui doit être valorisé à l'OMC au moment où les Etats-Unis prévoient d'augmenter leur budget agricole de plus de 70 %.

3) Un effort de modernisation considérable pour les pays adhérents qui impose d'adopter des politiques ambitieuses d'investissement et d'accompagnement social

Le choc agricole de l'élargissement n'aura pas lieu à l'Ouest, mais à l'Est.

Il sera particulièrement rude pour toutes les micro-exploitations, qui n'ont ni la taille ni les capitaux nécessaires pour se moderniser, mais jouent un rôle social non négligeable dans les zones rurales, en faisant vivre des familles qui par manque de formation et de moyens ne peuvent occuper immédiatement des emplois dans les villes.

Si elle veut être compétitive et survivre face à ses concurrents des Quinze, l'agriculture des PECO devra accomplir un véritable bond en avant qualitatif, qui impliquera de mener à bien un processus de restructuration comparable à celui qu'a connu l'agriculture de l'Europe de l'Ouest. Or, comme ce dernier ne pourra s'accomplir dans un contexte économique aussi favorable que les « Trente Glorieuses », il devra être accompagné par un ensemble de politiques publiques cohérentes, venant compléter les aides de l'Europe, afin d'éviter que le prix social à payer pour la modernisation des exploitations ne soit trop lourd.

Des aides à l'investissement dans les productions intensives et les industries de transformation sont indispensables, ainsi que des financements dans les infrastructures de base : eau, électricité, voirie, transports, télécommunications et irrigation. Cet apport pourrait se faire la forme de prêts.

Les budgets agricoles nationaux doivent prévoir aussi le financement de prêts à taux bonifiés pour les agriculteurs en mesure de développer un projet d'exploitation viable, mais qui se voient contraints par leur très faible capacité d'autofinancement et la réticence des banques à leur accorder des crédits.

Sur le plan juridique, il est indispensable de consolider les droits des agriculteurs locataires par l'allongement de la durée minimale des baux de location, qui contribue à favoriser l'investissement productif des agriculteurs souhaitant constituer des exploitations de caractère intensif. Cette mesure permettrait en outre, comme le souligne M. Alain Pouliquen, de limiter la création de structures latifundiaires sur des terres achetées à bas prix.

Enfin, les effets sociaux de la disparition programmée des exploitations de semi-subsistance peuvent être atténués si l'exode rural en direction des villes est maîtrisé par des programmes de formation générale et professionnelle, associés à des politiques de sécurité sociale et de logement appropriées.

B. L'extension du modèle européen de régulation des marchés agricoles comme renaissance de la PAC

L'élargissement est une chance pour la PAC, car elle lui donne l'occasion de faire à nouveau ses preuves en démontrant l'utilité de ses mécanismes d'intervention.

Les futurs Etats membres sont confrontés à de graves perturbations de leurs marchés agricoles, souvent caractérisées par des chutes brutales de prix.

Leur compréhension de l'efficacité économique des mécanismes de la PAC reste cependant limitée : les mécanismes d'intervention sont repris comme faisant partie de l'acquis communautaire, mais ne sont toujours pas perçus comme de réels outils permettant de stabiliser les marchés et les revenus agricoles.

De plus, le discours sur le découplage et le renforcement du second pilier tend à séduire les nouveaux entrants. Ils sont sensibles à l'argument des gages de bonne volonté à donner à l'OMC et optent parfois - en raison des difficultés administratives que pose l'identification des parcelles et des animaux liée à la mise en place du système intégré de gestion et de contrôle - pour le système de versement d'une aide à l'hectare découplée, comme ce fut le cas pour la Pologne. C'est ainsi qu'insensiblement le découplage est introduit progressivement à l'Est, ce qui donne un argument supplémentaire à la Commission européenne pour défendre cette rupture majeure de la PAC.

Or, ces pays ne peuvent prendre le risque de perdre un premier pilier de la PAC fort, qui est le seul à pouvoir favoriser l'émergence d'une agriculture compétitive.

La France doit mener une diplomatie agricole active tant au niveau des autorités politiques, ce que le ministre de l'agriculture M. Hervé Gaymard a commencé à faire, que des organisations professionnelles agricoles, pour expliquer les mérites d'une politique active de contrôle et d'orientation des marchés agricoles. Le développement rural, qui repose sur le cofinancement et une logique complexe d'aide au projet, ne peut se substituer aux instruments de régulation qui permettent d'éviter la surproduction et la chute des prix et des revenus agricoles.

Aussi cette diplomatie agricole doit-elle avoir à cœur de convaincre les PECO que le découplage total des aides est contraire au bon sens et que les instruments de stabilisation des marchés restent indispensables pour des productions telles que les céréales, le lait ou la viande.

VIII. ...ET DOIT PERMETTRE DE CONSOLIDER ET DE SIMPLIFIER LA PAC

Les discussions en cours donnent lieu à d'intéressants échanges de vue qui pourraient nourrir la réflexion générale sur ce que sera la politique agricole commune à l'avenir. Tout n'est certes pas parfait dans la situation actuelle et des efforts restent à faire en direction d'une simplification générale des procédures et d'une meilleure coordination des instruments existants.

A. Conforter les aides à l'agriculture

Au cours des réunions des Conseils « Agriculture », il est déjà apparu que les Etats membres rejetaient, à une forte majorité, la perspective d'un découplage total. Mais l'idée d'un découplage partiel paraît désormais rallier des suffrages. C'est pourtant dans le sens d'une simplification qu'il convient de travailler prioritairement.

1) En simplifiant le lien avec la production

Il est essentiel de garantir la vocation agricole de la PAC, autrement dit de maintenir un lien entre la production et le système mis en place depuis quarante ans. Au contraire, l'idée de tout « découplage » est néfaste parce qu'elle fait perdre de vue ce qui fait la substance même de l'activité agricole. Aussi les actions issues d'une réflexion de ce type seraient-elles condamnées à manquer leur but. Cette position est partagée par la plupart des Etats membres, qui ont déjà rejeté officiellement la notion d'un découplage intégral.

L'idée d'un accord autour de la notion de découplage partiel paraît cependant faire son chemin à la table des négociations. Les autorités allemandes, dont le rapporteur a eu l'occasion de recueillir le point de vue, ne sont notamment pas tout à fait hostiles à ce qu'elles estiment être une position de compromis acceptable entre les adeptes du marché et les amis de l'environnement. Il paraît cependant difficile de considérer que le découplage soit susceptible de plus ou de moins. Il faut constater du reste que personne ne semble s'entendre sur la question de savoir ce qu'un découplage partiel recouvrerait exactement.

Sans exagérer la portée des concessions terminologiques, le rapporteur observe ainsi qu'elles sont peu opportunes si elles induisent l'idée qu'un principe discutable peut se décliner sous des formes satisfaisantes. Aussi bien, ce sont les mesures qui seront prises effectivement auxquelles il importe de rester attentif, quelle que soit l'étiquette sous laquelle elles sont présentées. Il paraît cependant préférable d'envisager le mouvement en cours comme l'occasion d'un progrès vers la simplification des aides à l'agriculture, qui en a réellement besoin.

2) En contractualisant les démarches de qualité et de sécurité avec les producteurs

La simplification des procédures et des démarches doit être l'un des axes prioritaires de l'action communautaire dans le domaine agricole. Le système actuel résulte d'une sédimentation de dispositifs jamais mis en cohérence. Pour remédier à cette situation insupportable aux exploitants et favorable à une considérable déperdition d'énergie administrative, les autorités communautaires auraient avantage à retourner à plus de simplicité.

La démarche à encourager serait d'inspiration contractuelle, qu'elle soit ou non sanctionnée par l'établissement d'un document de ce type, comme les contrats d'agriculture durable mis en place en France. Les agriculteurs s'engageraient sur un cahier des charges global leur imposant le respect de certaines normes en matière d'environnement, de sécurité alimentaire et de bien-être animal. Pour vérifier qu'ils s'y conforment en tous points, une inspection unique de l'exploitation prendrait la relève des multiples contrôles auxquels ils sont aujourd'hui astreints. Placée sous le signe de l'agriculture raisonnée, la philosophie du dispositif rétablirait des relations de collaboration et de confiance entre les exploitants et les experts compétents.

La Commission n'est pas tout à fait sourde à une approche de ce type. Les mesures qu'elle propose dans cette direction méritent d'être fermement soutenues et vivement encouragées. On sait qu'aujourd'hui les éleveurs de bœufs sont soumis à une réglementation complexe qui décompose le soutien auquel ils sont éligibles en une dizaine de primes, directes et indirectes : prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, prime spéciale aux bovins mâles, prime à l'abattage, prime complémentaire à l'extensification, indemnités compensatoires de handicaps naturels(26)... Comme le remarque la Commission, « une telle complexité est un frein à l'initiative ».

Pour remédier à cette difficulté, la Commission propose ce qu'elle appelle « le découplage à la tête de bétail et son remplacement par une aide unique au revenu par exploitation, basée sur des droits historiques ». Certes, il faudrait soulever quelques réserves sur la référence à des « droits historiques » (cf. supra), pour n'évoquer que cette question. Il n'en reste pas moins que cette simplification procède de louables préoccupations qu'il faut encourager. Même s'il conviendrait d'asseoir plus solidement la relation entre cette aide unique et le territoire, la proposition avancée pourrait avantageusement s'appliquer dans un premier temps sur la base du soutien existant. Il serait alors temps ensuite de faire évoluer ce dispositif simplifié vers une forme qui soit moins favorable à la concentration du secteur bovin, contraire aux préoccupations environnementales comme au souci du bien-être animal.

B. Assurer une réelle synergie entre les premier et deuxième piliers de la PAC

Développement rural et activité agricole ne vont pas l'un sans l'autre et la séparation même entre premier et deuxième pilier de la PAC demanderait sans doute à être repensée. Mais, puisque la distinction s'est imposée depuis l'Agenda 2000, il convient désormais de s'appuyer sur elle pour comprendre à quelles conditions les actions entreprises au titre de l'un et l'autre pilier pourraient servir les mêmes fins et agir solidairement dans la même direction.

1) Ne pas faire jouer le développement rural contre les OCM

a) Ne pas réduire la PAC à une politique rurale

La tentation est forte chez certains Etats membres de faire du développement rural le premier pilier de la politique agricole commune.

Les défenseurs de ce volet de la PAC déplorent la faiblesse du budget qui lui est consacré (10 % du budget de la PAC) pour souligner la pertinence de ses objectifs, particulièrement adaptés au caractère multifonctionnel de l'agriculture (aménagement du territoire, maintien de l'activité en zone rurale, protection de l'environnement).

En outre, les outils de cette politique peuvent être classés plus aisément dans la boîte verte, qui bénéficie du maximum de sécurité juridique à l'OMC.

Cependant, le « tout pour le développement rural » est un piège dangereux dans lequel la PAC ne doit pas tomber.

D'abord, il convient de noter que ses avocats les plus talentueux sont aussi ceux qui soutiennent le plus ardemment les propositions de la Commission européenne concernant la révision à mi-parcours. C'est le cas du Royaume-Uni, dont on ne peut pas dire qu'il souhaite défendre une politique agricole ambitieuse pour l'Europe...

Ensuite, il ne faut pas se tromper d'objectif : placer le développement rural au cœur de la PAC conduirait, ainsi que l'a souligné au rapporteur M. Sylvain Lambert, conseiller technique auprès du ministre de l'agriculture, à instituer des fonds structurels « bis » à destination des zones rurales défavorisées au détriment des dépenses d'intervention sur les marchés agricoles. Ceci reviendrait à liquider les ambitions véritables de la PAC.

Enfin, comme l'a déjà souligné le rapporteur, le développement rural n'est pas une politique commune puisqu'il repose sur le cofinancement de mesures par ailleurs très disparates. Toute montée en puissance du deuxième pilier de la PAC aboutit à accroître les situations de distorsions de concurrence sur le marché intérieur.

Aussi, le débat sur l'avenir de la PAC ne peut conduire au remplacement d'une politique agricole forte par une politique rurale aux contours imprécis et remettant en cause la solidarité financière entre les Etats membres.

b) Renforcer les OCM sans lesquelles il ne peut y avoir de maîtrise de la production et de réévaluation des prix payés aux producteurs

(1) Préserver et compléter les outils d'intervention

· Les organisations communes de marché sont la raison d'être de la PAC.

¬ Leurs mécanismes d'intervention permettent d'organiser et de maîtriser la production et contribuent ainsi à stabiliser les marchés agricoles dont la nature très particulière impose qu'ils soient régulés.

¬ Le contrôle de la production par les OCM permet aussi d'assurer une relative maîtrise des prix agricoles alors que l'évolution de ces derniers devient de plus en plus problématique.

Celle-ci se caractérise en effet par une baisse tendancielle des prix, au point que ces derniers tendent à perdre leur sens économique.

Pour la seule année 2002, selon Eurostat, le revenu agricole a chuté de 3 % en 2002 en termes réels, en raison principalement d'une diminution de la production globale due à la baisse des prix. La valeur de la production agricole a baissé de 3,5 % en 2002 dans l'ensemble des Quinze, une tendance qui s'observe chez les grands pays producteurs : France (-2,1 %), l'Allemagne (-7,3 %), l'Italie ( 2,5 %), l'Espagne (-2,1 %) et le Royaume-Uni (-2,4 %). Les prix au producteur ont baissé dans tous les Etats membres, ce qui représente une moyenne de -4,5 % pour l'Union. Cette diminution est particulièrement marquée dans l'Allemagne (-6,5 %), le Royaume-Uni (-6,3 %), la France (-5,5 %) et l'Espagne (-5,1 %).

Le Président de la République, M. Jacques Chirac, ainsi que le ministre de l'agriculture, M. Hervé Gaymard, se sont exprimés sur la faiblesse des prix agricoles, qui ne sont pas assez rémunérateurs ni ne permettent de couvrir les coûts de revient. Parmi ces derniers, figurent les exigences nouvelles de la société en matière d'environnement et de sécurité alimentaire qui, à productivité constante, doivent correspondre à des prix rémunérateurs pour les producteurs.

Pour relever ce défi posé à l'agriculture européenne, les Jeunes Agriculteurs préconisent l'institution d'un prix de base pour chaque production, calculé à partir de revenu net moyen français. Cette solution, qui implique une gestion centralisée du prix minimum, paraît toutefois peu adaptée à l'évolution de l'offre des produits alimentaires, qui devient de plus en plus segmentée pour s'adapter aux besoins des consommateurs.

D'autres solutions peuvent être explorées, mais elles doivent partir du constat qu'à l'heure actuelle les OCM offrent un cadre d'intervention suffisamment souple pour faire face aux déséquilibres conjoncturels du marché et éviter ainsi une chute des prix trop importante.

C'est la raison pour laquelle elles doivent être défendues et confortées dans leur rôle d'outils structurants de la PAC.

¬ Enfin, l'apport des OCM au modèle agricole européen ne s'arrête pas à la gestion des marchés agricoles : elles ont, ainsi que cela a déjà été souligné, joué un grand rôle en matière d'aménagement du territoire, en garantissant le maintien d'une répartition équilibrée des productions dans l'ensemble des régions européennes.

Le constat inverse s'impose pour les productions hors OCM, surtout pour les productions dites hors sol (les porcs et la volaille). Dans ce cas de figure, l'absence d'OCM s'est traduite par une concentration excessive des productions dans quelques régions choisies pour leurs conditions d'accès aux marchés ou leurs coûts de production plus faibles. Et chacun connaît les effets très néfastes sur l'environnement qu'a eu cette concentration dans certaines régions, comme la Bretagne...

Ainsi, la contribution des OCM à la maîtrise de la production, des prix et de l'équilibre des territoires plaide en faveur de leur maintien et de leur renforcement.

Cette démarche, que l'élargissement rend encore plus indispensable, permettra de redonner à la PAC les qualités initiales qui ont fait sa force.

C'est ainsi qu'il faut rétablir le dispositif de l'intervention publique pour l'OCM viande bovine, qui a été supprimé le
1er juillet 2002 dans le cadre de l'Agenda 2000. Cet outil, qui a fait ses preuves lors de la crise de la vache folle et permet l'achat et le stockage public de carcasses bovines en cas de déséquilibre de marché, a été remplacé par un simple filet de sécurité, applicable à condition que le prix de marché ait été inférieur pendant deux semaines à un prix de référence très faible.

De même, les OCM pour les protéines végétales, le vin et les fruits et légumes doivent être renforcées, comme cela a déjà été évoqué précédemment.

Enfin, il doit être demandé à la Commission européenne d'examiner la possibilité d'instituer des mécanismes de gestion des crises conjoncturelles dans les secteurs du porc et de la volaille, qui sont trop souvent exposés à des chutes brutales de prix.

· Faut-il compléter les outils d'intervention des OCM par des mécanismes d'assurance agricole ?

L'Espagne, lors de sa présidence de l'Union européenne, a transmis, en mars 2002, aux Etats membres un mémorandum sur les assurances dans la gestion des risques affectant l'agriculture qui, après avoir souligné la vulnérabilité du secteur face à des risques incontrôlables pour les producteurs, comme l'apparition de l'ESB, souligne les points suivants :

- beaucoup de productions communautaires ne bénéficient pas de la protection apportée par les filets de sécurité que constituent les aides directes et les mécanismes d'intervention, comme c'est le cas des fruits, des légumes, des pommes de terre ou du porc ;

- les agriculteurs doivent également faire face à de nouveaux risques tels que les risques environnementaux découlant de leur activité et dont la réparation incombe à l'exploitant ;

- l'expérience de l'Espagne, des Etats-Unis et du Canada montre que presque tous les risques peuvent être assurés ; d'autre part, les aides publiques accordées pour le développement des assurances agricoles sont incluses dans la boîte verte de l'OMC et de ce fait non soumises à des engagements de réduction ;

- ce qui précède doit amener l'Union européenne à envisager la possibilité d'introduire des systèmes d'assurance agricole, qui constituent « le mode de garantie le plus efficace et le plus facile à instaurer » pour l'agriculture européenne. Pour permettre leur développement, les acteurs publics et privés doivent concourir à leur mise en œuvre.

La piste de l'assurance agricole mérite d'être explorée, mais il doit être clair qu'elle ne peut en aucun cas constituer à elle seule le premier pilier de la PAC.

S'il faut réfléchir au rôle que les mécanismes d'assurance peuvent jouer dans le cadre du premier pilier, il serait en revanche hasardeux de faire reposer la protection du revenu des agriculteurs sur cet unique filet de sécurité, comme le montrent les limites des expériences étrangères.

Au Canada, le Compte de Stabilisation du Revenu Net encourage les agriculteurs à épargner en période de hauts revenus, afin de pouvoir bénéficier d'une certaine garantie de revenu dans les périodes difficiles. L'exploitant offre chaque année 3 % du produit des ventes nettes à un compte spécial, qui est abondé à même hauteur par les pouvoirs publics, et peut tirer sur son compte lorsque la marge brute de l'exploitation est inférieure à la marge brute moyenne des cinq dernières années ou lorsque le revenu imposable de l'agriculteur tombe au-dessous d'un seuil minimum.

Ce système permet de stabiliser le revenu, surtout pour les secteurs souffrant des plus grandes variations et qui à l'heure actuelle reçoivent très peu d'aides dans l'Union européenne (fruits et légumes, porc, etc.). Mais il comporte aussi de sérieuses limites : comme il suffit d'une succession de mauvaises années pour abaisser la moyenne mobile des marges brutes de l'exploitant qui servent de référence pour le déclenchement des retraits, le filet de sécurité peut se transformer en peau de chagrin. De plus, comme le compte ne peut être déficitaire, en cas de crise très grave, l'agriculteur n'est garanti qu'à hauteur des fonds qui sont sur son compte. Enfin, comme tout système entièrement découplé, la substitution d'un tel système aux aides directes communautaires pourrait bouleverser l'équilibre des assolements en Europe.

(2) Le maintien des quotas laitiers

Ce n'est pas seulement l'avenir de certaines exploitations qui se joue dans la discussion sur les quotas laitiers, mais toute une conception de l'aménagement du territoire. La destruction du dispositif actuel signifierait sans conteste la fin des vaches dans les alpages. Soumises désormais à des impératifs de type industriel, les petites exploitations de montagne disparaîtraient en effet au profit des grands élevages intensifs en plaine, plus rentables. Il n'y aurait plus aucun discours tenable sur le développement rural ou la préservation des paysages si le secteur laitier finissait ainsi par ne plus compter que d'immenses étables de tôle ondulée.

L'on peut certes objecter que cette concentration regrettable tend déjà à s'opérer dans les Etats membres où les quotas sont librement échangeables, sans être attachés en particulier au territoire d'une exploitation. Il est vrai qu'ils deviennent alors une simple monnaie, un placement spéculatif qui n'entretient plus aucun rapport avec l'environnement ou les conditions de production. Mais en rejetant cette conception patrimoniale du quota, la France, tout comme d'autres Etats membres, a fait la preuve qu'il était possible de conserver au dispositif sa valeur d'instrument essentiel de l'aménagement rural. Plutôt que de supprimer les quotas laitiers, il conviendrait donc de resserrer leur lien avec la terre là où il est resté intact et de le restaurer là où il a disparu.

Habilement encouragé, le secteur laitier offrirait ainsi l'exemple d'une activité pouvant servir très utilement au développement rural sans que les fonds nécessaires n'aient à être imputés sur les crédits du deuxième pilier.

c) Clarifier les buts et le financement du développement rural

Comme principe général à l'origine de la politique agricole, le développement rural constitue un objectif louable auquel il est difficile de ne pas souscrire. Comme critère opératoire pour la mise en œuvre d'une politique sectorielle, il demeure cependant aujourd'hui une notion trop floue qui n'offre pas à l'action publique le fondement sûr dont elle aurait besoin pour être toujours efficace. Tous les agriculteurs travaillent en milieu naturel et il ne peut y avoir entre eux que des différences de degré en ce domaine, selon les méthodes de production qu'ils ont choisies ou la situation géographique de leur exploitation. La contribution de chacun au développement rural est donc par nature difficilement appréciable.

Aussi le rapporteur souhaite-t-il que soient nettement précisés les buts du développement rural, avant tout transfert d'envergure vers cette politique sectorielle. Dans le texte de sa communication, la Commission écrit par exemple que « créer de nouvelles sources de revenus et d'emploi pour les agriculteurs et leur famille, à la ferme ou en dehors de la ferme, reste [un des objectifs] prioritaires pour l'avenir ». Pareille déclaration laisse perplexe. Si l'on imagine encore ce que peut être l'activité non agricole d'un exploitant à la ferme, par exemple lorsqu'il transforme certains corps de logis en ferme-auberge, on ne voit plus ce qui le distinguerait d'un hôtelier traditionnel s'il ouvrait une résidence de vacances et en faisait son activité principale. Les fonds européens ne feraient-ils pas naître alors une concurrence déloyale entre professionnels ? Tourisme vert et agriculture vivent aujourd'hui en symbiose et il faut réprouver toute tentative qui viserait à bouleverser cet équilibre.

Donner un contenu concret et légitime au développement rural signifie à n'en pas douter qu'il faudrait laisser aux autorités nationales et locales une plus grande marge de manœuvre pour définir et adapter les mesures de développement rural telles que les réclame la situation propre à chaque région. Cela passe par une simplification des procédures d'engagement des crédits. Il serait ainsi utile d'instituer un système de programmation à deux degrés. D'une part, la Commission approuverait un document de programmation en tant que tel, qui contiendrait les axes d'action et une description large des mesures envisagées ; d'autre part, un complément de programmation national ou régional reprendrait le détail de chaque mesure programmée, la modification de ce document relevant uniquement du Comité de suivi organisé par l'Autorité de gestion du programme. Cela impliquerait que les services de la Commission ne fassent pas une relecture trop pointilleuse des éventuels projets d'adaptations.

Le principe de subsidiarité trouverait donc particulièrement à s'appliquer dans le domaine du développement rural, si ce secteur devait connaître une extension d'envergure.

2) Eviter toute renationalisation insidieuse de la PAC

L'application du principe de subsidiarité ne saurait cependant justifier un quelconque émiettement de la plus importante des politiques intégrées. La PAC constitue le lien fédérateur le plus ancien et le plus concret entre tous les Etats membres. La réorientation des crédits vers le second pilier ne doit pas diluer cette dimension communautaire et sacrifier la solidarité européenne sur l'autel des règles comptables.

Avant tout transfert de ressources vers le second pilier, il convient donc de faire baisser la part du financement national dans les mesures de développement rural, voire de la supprimer tout à fait. Alors que le pacte de stabilité impose aux budgets des Etats membres des limitations très strictes, le principe du cofinancement opère en effet en sens inverse puisqu'il les pousse inutilement à la dépense, comme si du reste les ressources du budget communautaire ne provenaient pas d'eux.

Aussi les autorités françaises restent-elles très vigilantes au sujet de toute modification de régime comptable qui conduirait à la renationalisation subreptice de la politique agricole, qui doit rester une politique agricole commune.

C. Préserver la préférence communautaire dans le cadre de règles commerciales reconnaissant le droit à la sécurité alimentaire

1) Assurer une protection tarifaire et qualitative adaptée des produits agricoles européens

La préférence communautaire est le ciment qui fait tenir le modèle agricole européen : il ne peut y avoir d'agriculture européenne durable, qui assure la sécurité alimentaire, tant quantitative que qualitative, de nos citoyens si ses productions ne font pas l'objet d'une protection aux frontières adaptée.

Le maintien de la préférence communautaire permettra de résister à une mondialisation des échanges agricoles à sens unique, qui ne peut bénéficier qu'aux grands pays
mono-exportateurs, exploitant leurs atouts naturels et une main d'œuvre peu coûteuse pour vendre leurs productions à des prix très bas, ainsi qu'aux Etats-Unis, dont le système d'aides leurs permet de rester en permanence compétitifs sur un marché aux prix déprimés, et à leurs multinationales.

Si l'Europe devait y renoncer en acceptant le libéralisme intégral en matière d'échanges agricoles, elle condamnerait la plupart de ses sept millions d'agriculteurs à une mort économique certaine.

C'est la raison pour laquelle l'Europe doit se battre pour le maintien de la préférence communautaire à l'OMC.

Ceci impose de poursuivre deux objectifs :

· Un objectif qualitatif, d'abord  : l'échange ne peut être équitable que si les tous les produits mis en concurrence sont soumis à des règles minimales communes en matière de sécurité alimentaire, de qualité et de respect de modes de production protégeant l'environnement.

Le dépôt par les Etats-Unis, le 13 mai 2003, d'une plainte à l'OMC contre le moratoire européen sur les OGM illustre toute l'importance de cet objectif qualitatif.

L'Union européenne ne peut vouloir imposer pour ses produits agricoles le respect de normes rigoureuses concernant l'environnement, la santé humaine et le bien-être animal si dans le même temps elle laisse entrer sur son territoire des produits ne présentant pas les mêmes garanties.

C'est pourquoi elle doit faire reconnaître ces normes par l'OMC et, dans ce but, consacrer toute son énergie à la défense à des « préoccupations non commerciales », qui font partie intégrante du mandat des négociations agricoles en cours.

Dans sa proposition de négociation, l'Union européenne suggère que le futur accord agricole définisse de manière stricte les critères d'application du principe de précaution, établisse des lignes directrices pour l'étiquetage obligatoire des produits, prenne en compte les objectifs de protection de l'environnement et de développement rural et introduise la notion du bien-être animal dans les critères de la boîte verte.

Le projet Harbinson se montre très décevant dans ce domaine : il préconise une approche en deux temps, qui dissocie la discussion sur les préoccupations non commerciales du reste de la négociation, et ne reprend à son compte que l'introduction du bien-être animal dans la boîte verte.

La Commission européenne doit rappeler aux membres de l'OMC que l'équilibre des résultats de la négociation agricole exige des avancées aussi substantielles en matière non commerciale que dans le domaine de la réduction des tarifs et des aides.

· Un objectif tarifaire ensuite, qui consiste préserver une marge de préférence pour les produits européens par rapport aux prix d'entrée des produits importés sur le marché communautaire. Cela a un coût pour le consommateur, mais ce dernier doit comprendre que c'est le prix à payer pour sa sécurité alimentaire et le maintien d'une offre agricole diversifiée et de qualité.

2) Permettre aux pays pauvres de protéger leur agriculture vivrière

Le droit à la sécurité alimentaire ne se divise pas.

Celle-ci a été ainsi définie par le Sommet mondial de l'alimentation organisé par la FAO en 1996 : « la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, salubre et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».

Sa reconnaissance et sa mise en œuvre en effective imposent de reconnaître aux pays pauvres le droit de mener leurs propres politiques agricoles, afin qu'ils assurent leur autosuffisance alimentaire par le développement des productions vivrières.

Ce droit à la sécurité alimentaire doit être consacré par les règles de l'OMC, ainsi que l'appelle de ses vœux la résolution adoptée le 2 avril 2003 par l'Assemblée nationale sur les négociations agricoles à l'OMC :

« L'Assemblée nationale :

...

13. Estime que l'OMC a pour seul rôle de réguler les effets des politiques agricoles sur le commerce international sans poser une interdiction de principe de ces dernières.

14. Juge nécessaire une révision de l'article 20 de l'accord sur l'agriculture signé le 15 avril 1994, afin d'instituer, au sein des règles commerciales multilatérales, une exception agricole fondée sur le caractère spécifique de cette activité et l'impérieuse nécessité d'assurer à tout pays sa sécurité alimentaire.

15. Estime que la reconnaissance de cette exception agricole exige, d'une part, la mise en place d'un mécanisme international de régulation des marchés agricoles respectant la diversité des modèles agricoles et, d'autre part, le maintien de protections tarifaires reflétant le surcoût qu'imposent aux agriculteurs les exigences de qualité et de sécurité alimentaire.

16. Demande à l'Union européenne de conduire le combat en faveur de la préservation de la diversité des agricultures et de nouer dans ce but une alliance avec les pays en développement à faibles revenus et à déficit alimentaire souhaitant protéger leurs agricultures vivrières dans un cadre national ou régional.

17. Demande à la Commission européenne d'encourager les pays en développement à se regrouper au sein d'ensembles régionaux pour assurer leur autosuffisance alimentaire et, dans ce but, d'obtenir que ces pays, identifiés par des critères objectifs et internationalement reconnus, soient autorisés par l'OMC à mettre en place des préférences agricoles régionales spécifiques ».

Par-delà la modification des règles de l'OMC, l'exception agricole impose aussi une véritable refonte des échanges internationaux selon les pistes avancées par la France dans le cadre de l'initiative pour l'Afrique, qui prévoient :

- la convergence des différents régimes préférentiels, accordés par les pays développés aux pays en développement, vers un régime unique ;

- le déliement total de l'aide alimentaire et la mise en place d'un moratoire sur les subventions à l'exportation et les crédits à l'exportation en Afrique, le temps des négociations à l'OMC ;

- la création d'un groupe d'experts chargé de réfléchir aux mécanismes susceptibles d'assurer une protection des pays africains face aux fluctuations des cours de matières premières.

3) N'envisager un retrait des subventions aux exportations que s'il est soumis à de strictes conditions de réciprocité

La mise en place d'un cadre équitable de régulation des échanges agricoles implique à terme l'élimination des subventions aux exportations.

Celles-ci sont l'instrument de politique agricole le plus dommageable au développement de l'autosuffisance alimentaire des pays pauvres, car elles permettent aux produits du monde développé d'être vendus à très bas prix sur les marchés de ces pays, venant ainsi concurrencer les productions locales. Ces dernières ne pouvant être rentabilisées, les agriculteurs de ces pays sont privés de toute perspective durable de développement.

Certes, les produits subventionnés, en raison de leurs faibles prix, permettent de nourrir les populations urbaines ne disposant que de très bas revenus. Mais cet argument en faveur du maintien des subventions aux exportations est relativisé par le fait qu'elles visent à écouler sur les marchés des pays tiers des excédents apparus de manière conjoncturelle dans les pays développés. Elles n'offrent ainsi aucune garantie de stabilité en matière d'approvisionnement des populations urbaines pauvres.

Cet outil est d'autant plus difficile à défendre que sa suppression est demandée non seulement par les pays développés qui pratiquent une politique d'aide aux exportations déguisée comme le Canada, les Etats-Unis, l'Australie et les pays émergents du groupe de Cairns, mais aussi par de nombreux pays pauvres d'Afrique, qui sont les premières victimes des effets destructeurs des restitutions sur la production agricole.

L'Europe ne pourra faire des négociations ouvertes par la Conférence ministérielle de Doha un véritable cycle du développement si elle cherche à conserver coûte que coûte les subventions aux exportations. Elle doit faire un geste dans ce domaine, que certains des organismes agricoles rencontrés par le rapporteur anticipent d'ailleurs.

En outre, l'élimination des restitutions à l'exportation ne constitue pas un sacrifice insurmontable, car elles ne concernent qu'un nombre limité de productions, principalement le lait (32 % des restitutions), le sucre (30 %) et la viande bovine (10,7 %). Les conséquences d'une telle suppression peuvent être absorbées soit par l'évolution de la demande intérieure dans le cas du lait (réorientation de la consommation des produits industriels comme la poudre de lait écrémé vers les produits) ou du sucre (développement des utilisations non alimentaires), soit par un contingentement plus important de la production (cas de la viande bovine).

Toutefois, le retrait des subventions aux exportations n'est envisageable que si les trois conditions suivantes sont remplies :

- les autres pays développés doivent fournir un effort équivalent en ce qui concerne leurs propres instruments, notamment les crédits à l'exportation et l'aide alimentaire utilisée à des fins commerciales ;

- une protection tarifaire et qualitative adaptée doit être mise en œuvre pour protéger les produits agricoles européens contre toute forme de concurrence déloyale ;

- le retrait de subventions doit se faire de manière progressive et encadrée, afin d'éviter toute perturbation grave de l'équilibre des marchés agricoles.

D.

CONCLUSION

La Commission européenne a pris l'initiative de proposer une refonte complète de la politique agricole commune qui ne correspond ni au mandat que lui avait fixé l'Agenda 2000, ni aux attentes profondes du monde agricole et des consommateurs européens.

En prenant pour base de sa réflexion des principes aussi discutables que le « découplage », le plan proposé ferait de l'agriculture européenne un champ d'expérimentation pour des mesures dont nul ne saurait prédire les effets, même s'il apparaît déjà qu'ils ne sauraient être particulièrement positifs : aseptisation de la production, graves difficultés pour les exploitants, retour des surfaces agricoles à la friche, distribution aléatoire des fonds communautaires, voilà les dangers qui guettent l'agriculture européenne et la première des politiques communes, si l'opinion publique du continent ne prend pas conscience des vrais enjeux de l'avenir.

Plutôt que de traiter les questions par le sommet, le rapporteur s'est efforcé quant à lui d'analyser sans a priori le contenu des propositions en discussion, tentant de mesurer les avantages et les inconvénients qu'elles présentent secteur après secteur. Ses conclusions ne sont pas toujours négatives, tant s'en faut, l'essentiel n'étant pas d'opposer un système à un autre. Il reste néanmoins que l'esprit général du projet doit inciter les autorités françaises à la plus grande vigilance.

L'opinion publique doit elle aussi être mieux informée des enjeux du débat, souvent obscurci par le traitement ésotérique du sujet. Il s'agit pourtant simplement de savoir quelle place veut faire la société européenne de demain à l'activité agricole et rurale, fondement nécessaire, ne nous lassons pas de le redire, de toute sauvegarde effective des paysages de campagne et de ceux qui les habitent.

Au demeurant, l'Europe ne doit pas être la seule à pouvoir cultiver des ambitions agricoles. Le monde en développement mérite lui aussi cette chance, qui lui permettrait d'améliorer les conditions de vie de ses masses paysannes. C'est le sens du combat que mène l'Union européenne en faveur de l'agriculture à l'OMC. Puissent les efforts intérieurs et la négociation commerciale dessiner une stratégie d'ensemble qui tire autant de force de sa cohérence que de sa générosité.

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TRAVAUX DE LA DELEGATION

1) Audition, conjointe, avec la commission de la production et des échanges, de M. Franz Fischler, membre de la Commission européenne chargé de l'agriculture, du développement rural et de la pêche, le mardi 16 juillet 2002

M. Patrick Ollier, Président de la Commission de la production et des échanges, après avoir salué la présence de M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des finances, de l'économie générale et du plan, et celle de M. Hubert Haenel, Président de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, a remercié M. Franz Fischler d'avoir bien voulu se rendre devant la Commission et la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Il a souligné que la France avait le sentiment que les propositions de la Commission européenne sur la révision à mi-parcours de la politique agricole commune, rendues publiques le 10 juillet dernier, constituaient davantage une refonte profonde et une réforme globale qu'un simple réexamen. Se déclarant surpris de la précipitation manifestée par la Commission européenne, il s'est demandé si des considérations budgétaires n'étaient pas à la base de cette réforme ambitieuse qui dépassait le cadre des accords de Berlin. Après avoir estimé que les orientations de la Commission, rigoureuses et restrictives, justifiaient toutes les inquiétudes, il a indiqué que certaines des intentions, liées aux exigences de qualité des produits et à la promotion du développement rural, pouvaient cependant recueillir un avis favorable.

Compte tenu des conséquences des propositions de la Commission sur les régions et l'agriculture françaises, ainsi que des réticences d'ores et déjà formulées par le Gouvernement de la France et le monde agricole, il a souhaité savoir si le mandat donné à la Commission n'avait pas été dépassé et s'est enquis du calendrier d'examen du dispositif proposé. De plus, il s'est demandé s'il était opportun pour l'Union européenne de réformer son système d'aides aux producteurs agricoles, au moment où le « Farm Bill » prévoyait un accroissement des aides publiques aux agriculteurs des Etats-Unis.

M. Franz Fischler, membre de la Commission européenne, a considéré que le système actuel était très lourd sur le plan administratif et qu'il constituait une entrave à la liberté entrepreneuriale des agriculteurs. Il a souligné le rôle que jouaient les producteurs agricoles dans l'aménagement du territoire et dans la préservation de l'environnement. Les objectifs de la Commission consistent à simplifier le système d'aides, à rendre rentables les productions agricoles de qualité et à justifier les financements publics à l'égard non seulement des contribuables mais aussi des consommateurs européens. C'est pourquoi la Commission souhaite veiller à ce que les paiements directs ne conduisent pas à favoriser l'essor quantitatif des productions, mais qu'ils rémunèrent les nouvelles prestations des agriculteurs. Elle souhaite également le renforcement de la politique de développement rural.

Il a alors précisé que le système d'audit qui a été prévu devait permettre de traiter équitablement tous les agriculteurs dans tous les Etats membres.

Enfin, M. Franz Fischler a souligné la nécessité de renforcer le développement durable sans modifier les enveloppes financières et, par conséquent, d'effectuer des transferts financiers pour abonder le développement rural à partir des paiements directs, afin d'aider en priorité les agriculteurs qui promeuvent des productions de qualité et privilégient des campagnes de promotion de leurs produits.

Puis, le Commissaire a évoqué la situation particulière de deux organisations communes de marché, celle des produits laitiers et celle des céréales.

S'agissant des produits laitiers, les décisions prises à Berlin seront mises en œuvre entre 2005 et 2008. Avant de faire de nouvelles propositions, les mesures arrêtées à Berlin doivent faire l'objet d'une évaluation. Cependant, le Conseil européen de Berlin a aussi invité la Commission à réfléchir sur l'avenir de ce secteur d'activité dans la perspective d'une suppression, en 2008, des quotas laitiers. C'est la raison pour laquelle la Commission a présenté dans sa communication quatre scénarios possibles d'évolution. M. Franz Fischler a néanmoins souligné que l'évolution du secteur des produits laitiers devra être appréciée au regard de l'impact de la suppression des quotas sur les revenus des producteurs. Or, il a estimé que cette mesure entraînerait une variation importante des dépenses de marché et des prix des produits laitiers, ceux-ci pouvant baisser de 35 % par rapport aux prix actuels. Il a donc considéré que, dans ces conditions, le maintien d'un système de quotas après 2008 pouvait se justifier.

S'agissant des céréales, M. Franz Fischler a considéré que la réforme devait tenir compte de deux impératifs. En premier lieu, il est nécessaire de limiter le recours aux subventions pour les exportations de céréales, car ces exportations peuvent augmenter considérablement avec l'entrée des pays candidats, ce qui risque de solliciter trop fortement les mécanismes d'intervention sur le marché. En second lieu, la protection des frontières de l'Union vis-à-vis des importations de céréales doit être renforcée, ce qui implique l'adoption d'un calendrier de négociations précis dans le cadre de l'OMC.

En conclusion, M. Franz Fischler a estimé que les propositions de la Commission permettaient de respecter les plafonds de dépenses fixés jusqu'en 2006 par les accords de Berlin et d'obtenir des garanties dans les négociations à l'OMC vis-à-vis des revendications des pays tiers et notamment des pays en développement. Il a par ailleurs déclaré que l'Europe ne devait pas commettre la même erreur que les Etats-Unis, qui ont adopté une loi agricole ayant attiré les critiques du monde entier. Il a enfin résumé l'esprit de la communication de la Commission, en considérant qu'elle n'avait pour but que de faire évoluer la PAC dans le sens des exigences de sécurité, de qualité et de durabilité formulées par les citoyens.

M.  Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l'Union européenne, après avoir remercié M. Hubert Haenel, Président de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, de sa présence, a posé quatre questions au Commissaire.

Observant en premier lieu que la Commission avait surpris les députés français par la nature de ses propositions, il a souhaité connaître les raisons pour lesquelles celle-ci avait choisi d'outrepasser le mandat de Berlin pour proposer une réforme de grande ampleur de la PAC. Ce mandat limite en effet la révision à mi-parcours à un exercice de nature essentiellement technique, destiné à faire le point sur la mise en œuvre des accords de Berlin et l'évolution de certains marchés agricoles. Le Président Pierre Lequiller a estimé que si la Commission souhaitait ouvrir un vaste débat sur l'avenir de la PAC, il était dès lors normal que la France, qui entend s'en tenir au mandat donné à Berlin, fixe dès maintenant les bornes de ce qui n'est pas acceptable dans les orientations proposées.

Le Président Pierre Lequiller s'est ensuite interrogé sur le fait de savoir si la vaste réforme proposée ne risquait pas de subordonner l'élargissement de l'Union à la révision de la PAC et donc d'envoyer un signal politique négatif aux pays candidats.

Puis, il a souhaité entendre la position du Commissaire sur l'argument selon lequel le découplage complet des aides directes risquait de transformer les agriculteurs en « assistés » et de rendre moins légitime une politique financée par les contribuables européens. De plus, ce découplage est de nature à accentuer l'asymétrie de la PAC avec la politique agricole américaine, qui a choisi d'augmenter de 70 % les subventions publiques à ce secteur.

Enfin, en proposant que les régions communautaires non défavorisées bénéficient d'un apport communautaire pour les actions de développement rural limité à 60 %, la Commission risque d'ouvrir la voie à une « renationalisation » de la PAC.

Le Commissaire a apporté les précisions suivantes aux Présidents Patrick Ollier et Pierre Lequiller :

- dans le cadre des décisions prises à Berlin, plusieurs questions restaient à approfondir, notamment la mise en œuvre d'une baisse du prix des céréales, le fonctionnement de l'organisation commune de marché de la viande bovine et le calendrier d'application du système des quotas laitiers. De plus, le sommet de Göteborg a décidé que la politique agricole commune devait avoir un caractère plus durable ;

- les préoccupations de la Commission rejoignent celles exprimées par le Premier ministre français, M. Jean-Pierre Raffarin, qui sont relatives à la nécessité de répondre aux aspirations des citoyens. L'Eurobaromètre de juin 2002 montre en effet que de 85 à 90 % de la population européenne exige davantage de sécurité alimentaire, de produits agricoles de qualité et des revenus agricoles suffisants ;

- la Commission n'a pas répondu aux exigences de certains Etats membres quant à la réduction des montants budgétaires consacrés à la politique agricole commune ;

- la communication de la Commission fera l'objet de débats au Conseil de l'Union européenne ainsi qu'au Parlement européen qui devra rendre un avis. La Commission envisage de présenter des propositions normatives à l'automne 2002 pour que les ministres de l'agriculture prennent des décisions début 2003 et que celles-ci entrent en vigueur en 2004 ;

- la Commission est une institution indépendante, qui n'a pas à demander l'autorisation du Conseil pour présenter une réforme qu'elle juge nécessaire au regard des demandes des citoyens. Elle a respecté le mandat de Berlin tout en proposant les évolutions indispensables au maintien d'une PAC légitime ;

- il ne faut pas établir de lien entre l'élargissement et la révision à mi-parcours de la PAC, mais on doit tenir compte du fait que les négociations sur l'élargissement doivent s'achever avant la fin de cette année et que la décision concernant l'extension des aides directes aux pays candidats doit être prise après les élections allemandes ;

- la révision doit respecter le cadre financier défini à Berlin tout en permettant une réorientation des dépenses de la PAC vers la satisfaction des exigences des citoyens ;

- le risque de transformer les agriculteurs en assistés n'existe pas. En effet, la question n'est pas de savoir s'il faut continuer à aider l'agriculture, mais comment le faire. Le coût énorme que représenterait l'entretien des paysages en France, si les agriculteurs n'existaient pas, le révèle clairement ;

- le « Farm Bill » constitue une erreur de la part des Etats-Unis et ne devrait pas survivre au prochain cycle de négociations. Il suffit de voir les nombreuses critiques auxquelles cette loi a donné lieu dans le monde pour s'en convaincre ;

- concernant le financement du développement rural, les mesures proposées tendent en réalité à aider des systèmes de production de qualité, à protéger les appellations d'origine et à permettre un meilleur écoulement des produits sur le marché communautaire ;

- il faut récuser l'idée d'une renationalisation des aides communautaires. Le projet de la Commission européenne prévoit que 60 % des fonds publics consacrés aux régions ne correspondant pas à l'objectif 1 seraient apportés par la Communauté. Par ailleurs, 50 % des mesures financées le seraient en fonction de projets et la part de financement communautaire pour les régions d'objectif 1 serait augmentée, pour atteindre un taux de 85 %.

Revenant sur la question du « Farm Bill », le Président Patrick Ollier a constaté que les Etats-Unis avaient peut-être commis une erreur, mais que les agriculteurs américains ne s'en plaignaient pas et que la compétitivité américaine n'en était pas affectée. Il a demandé si la Commission européenne ne commettait pas une erreur plus grande en s'engageant sur la voie proposée.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis du budget de l'agriculture, a demandé des précisions sur l'avancée des négociations de préadhésion avec les pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne ; il s'est interrogé sur la capacité de la politique agricole de l'Union à demeurer commune dans le cadre de l'élargissement et a souhaité connaître le montant de l'enveloppe budgétaire prévue à cet effet.

Rappelant par ailleurs que les règles de fonctionnement de la PAC comptaient autant que les principes généraux évoqués par le Commissaire, il a alors demandé en quoi les règlements seraient modifiés et ce qui était prévu en la matière pour réguler le volume des productions, en particulier pour les céréales et la viande bovine.

Il a également indiqué que la modulation des aides, telle qu'elle a été pratiquée en France, s'était heurtée à de multiples difficultés pratiques, telles que la complexité des règles, les questions posées par le cofinancement des dépenses ou la pression administrative pesant sur les agriculteurs. Il a demandé comment l'« écoconditionnalité » des aides serait vérifiée et la qualité des produits contrôlée et comment serait appliqué le principe de subsidiarité dans la politique du développement rural.

S'agissant enfin des négociations au sein de l'OMC, après avoir rappelé que les accords antérieurs n'avaient pas permis de résoudre le problème de la surproduction et de la baisse des prix des produits, il a demandé quel système de protection des frontières communautaires la Commission envisageait de négocier, les protections tarifaires étant aujourd'hui exclues.

M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis du budget de la pêche, a considéré que les mesures annoncées par M. Franz Fischler étaient de nature à mettre en péril le secteur de la pêche maritime française. Il lui a demandé s'il ne pensait pas qu'il conviendrait d'associer davantage les professionnels du secteur à la politique menée, ceux-ci contestant fortement les appréciations portées par les scientifiques sur l'état de la ressource. Par ailleurs, l'interdiction des aides à la construction navale et à la modernisation des bateaux risque d'avoir des effets pervers en termes économiques et de sécurité de nos marins pêcheurs. Elle est également susceptible de freiner l'installation des jeunes. Il a également demandé au Commissaire si des mesures telles que la prise en compte des rejets avaient été intégrées et ce qu'il pensait du maintien de la pêche minotière dans certains pays de l'Union européenne.

M. Jean Proriol a indiqué que, s'il existait un accord très large sur la nécessité de réformer la PAC, des interrogations demeuraient sur la solution envisagée. Tout d'abord, sur la méthode, il a demandé pourquoi fixer un calendrier, si celui-ci ne devait pas être respecté. En outre, la Commission peut être accusée d'outrepasser son mandat et encourir à nouveau les critiques des « eurosceptiques », prompts à dénoncer la « technocratie de Bruxelles », ce qui n'est pas opportun au regard notamment de la montée des extrémismes en Europe.

Sur le fond, il s'est demandé si, avec le développement de la pluri-activité, on n'allait pas évoluer vers un nouveau type d'agriculture, qu'on pourrait qualifier d' « écologie libérale ». Rappelant les propos tenus par le Président de la République dans son allocution du 14 juillet, selon lesquels il ne sacrifierait pas « la capacité française à être le premier exportateur mondial de produits agricoles transformés », il a observé que l'activité agricole façonnait les paysages et les territoires.

Par ailleurs, si la Commission propose le découplage entre subventions et productions, l'introduction d'un système de modulation progressive et la réorientation de la production vers le développement durable, elle ne propose rien pour des secteurs aussi fondamentaux que les céréales, la viticulture, les fruits et légumes ou l'aviculture.

Citant les propos du premier ministre australien, qui parle d'un « changement qui donnera davantage d'opportunités aux agriculteurs australiens », ou des autorités américaines qui évoquent « un pas dans la bonne direction », il s'est ensuite demandé si cette réforme ne risquait pas de fragiliser la position de l'Union européenne dans les négociations au sein de l'OMC.

Enfin, évoquant le fait que le projet proposé se réfère aux « besoins mieux ciblés sur les systèmes et les paysages agricoles à haute valeur naturelle », il s'est interrogé sur l'avenir de l'agriculture en difficulté, notamment l'agriculture de montagne, le rapport de la Commission restant très évasif sur ce type d'agriculture et sur celle des zones défavorisées. Il a jugé nécessaire de prévoir une revalorisation des indemnités compensatoires des handicaps naturels et une meilleure reconnaissance des « primes à l'herbe ». Il a souhaité également des précisions sur le soutien aux formes de production dites alternatives, telle que l'agriculture biologique, dont les consommateurs ne semblent pas pour l'instant vouloir payer le prix, et s'est demandé si celle-ci était véritablement à même d'assurer des productions de masse répondant à une consommation de masse.

M. Patrick Lemasle a considéré qu'il était légitime de réfléchir à l'avenir de la politique agricole commune, comme cela a été décidé à Berlin en 1999, et que le rôle de la Commission européenne était effectivement de présenter des propositions. Il a toutefois estimé à la fois non envisageable de modifier la politique agricole commune dès 2004 et inconséquent de ne pas réfléchir à son évolution future avant 2006.

Evoquant le découplage des aides et de la production, introduit dès 1992, il a souhaité en connaître le bilan. Il a, par ailleurs, regretté que les aides les plus importantes aillent aux régions les plus productives. Puis il a interrogé M. Franz Fischler sur la modulation et le plafonnement des aides que suggère la Commission. Les dispositifs retenus qui ne concerneraient que peu d'exploitations en France, comme la diminution de 5 % du prix d'intervention des céréales et la suppression des majorations mensuelles dans ce secteur donnent à penser que la Commission pourrait encourager le maintien des seules exploitations les plus rentables, ce qui aboutirait à la désertification de régions entières et ne correspond pas, par exemple, au dispositif qui avait été retenu en France au cours des dernières années.

Il a déploré l'absence de volet consacré à la maîtrise de la production de viande bovine, dans les propositions de la Commission, alors que le système des quotas laitiers a bien fonctionné. Il a souligné la nécessité de mieux différencier une production extensive et une production intensive. Il a également estimé indispensable de favoriser le secteur des oléoprotéagineux, étant donné la forte dépendance de l'Europe dans le secteur des produits protéiques pour animaux.

Il a demandé si l'élargissement de l'Union européenne pourrait s'effectuer à coût constant sans remettre en cause les aides existantes.

Il a souligné la contradiction existant entre les propositions de désengagement financier de la Commission et la politique mise en œuvre par les Etats-Unis, qui renforcent leurs aides à l'agriculture.

En conclusion, il a souhaité que les propositions de la Commission ne se traduisent pas par une diminution du nombre d'exploitants, mais qu'elles aboutissent à une plus juste répartition des aides et à une plus grande maîtrise de la production. Il a estimé que la Commission n'avait qu'un pouvoir de proposition et que les représentants des Etats auraient la responsabilité des décisions.

M. François Sauvadet a rappelé que les propositions de la Commission européenne faisaient l'objet de nombreuses critiques en France. Il a demandé que soit établi un bilan de ce que la politique agricole commune a apporté à l'agriculture européenne. Il a évoqué les négociations difficiles que l'Europe devrait engager avec les Etats-Unis, qui n'hésitent pas à favoriser leur agriculture nationale.

Après avoir interrogé M. Franz Fischler sur le modèle de développement que l'Europe entendait proposer au reste du monde, il s'est inquiété des effets éventuellement destructeurs de la parité entre l'euro et le dollar et a souhaité obtenir des précisions sur les propositions de la Commission relatives au développement rural. Il a également fait remarquer qu'une politique fondée sur la baisse des aides et des prix pouvait avoir des effets négatifs sur la situation des pays en développement.

S'agissant enfin de la sécurité sanitaire des produits, il a demandé que la Commission européenne prenne des initiatives pour que les règles très strictes qui s'imposent aux producteurs européens en matière de traçabilité s'appliquent également aux importations en provenance de pays tiers.

M. Daniel Paul a rappelé que la politique commune de la pêche n'avait pas fait l'objet d'un véritable bilan. Estimant que la Commission se contentait de proposer une réduction de la flotte en mettant en avant la nécessité de conserver les ressources halieutiques, il a suggéré qu'un rapport sur la situation de la ressource soit préparé en commun par des experts scientifiques et des représentants des pêcheurs. Il a souhaité l'interdiction de la pêche minotière et critiqué l'attitude des grands groupes de distribution, qui mettent en place une filière intégrée aboutissant à supprimer des emplois dans la pêche côtière, qui emploie 50 % des effectifs embarqués, et contribuent à la disparition de la pêche artisanale.

M. Patrick Hoguet a déploré que le prix du marché des céréales soit très souvent équivalent au prix d'intervention, du fait de l'utilisation très insuffisante de la marge offerte par la préférence communautaire. Il a demandé quelles mesures M. Franz Fischler envisageait de prendre pour porter remède à ces dysfonctionnements et protéger les intérêts des agriculteurs européens dans le cadre des négociations de l'OMC.

M. Philippe Martin (Marne), évoquant la réforme de l'OCM vitivinicole intervenue dans une période de et de sécheresse dans certains Etats en 1999, a constaté qu'elle avait contraint le Gouvernement français à accorder d'importantes aides aux viticulteurs. Il a souhaité savoir s'il ne serait pas nécessaire de procéder à une révision de l'OCM vitivinicole et de rendre la distillation obligatoire, solution qui, à ses yeux, permettrait d'enrayer la course au rendement qui existe aujourd'hui.

M. François Guillaume a regretté que M. Franz Fischler se soit limité à une alternative entre une guerre des subventions avec les Etats-Unis et le choix d'une politique malthusienne. Il a estimé que, pour résoudre le problème de l'alimentation des pays en développement, il serait nécessaire de s'orienter vers le doublement de la production agricole dans les 25 prochaines années. Abordant les modalités de fixation de la prime compensatrice, il a considéré que la modulation préconisée par M. Franz Fischler était dépourvue de toute justification économique, tout en déclarant approuver le principe de la dégressivité et du plafonnement des aides.

S'agissant du projet de découplage de l'aide au revenu, il a estimé qu'il risquait d'encourager l'accroissement de la superficie des exploitations et d'empêcher l'installation des jeunes agriculteurs.

M. Christian Paul s'est demandé, d'une part, si M. Franz Fischler ne cédait pas à l'inspiration libérale actuelle en privilégiant le système du prix rémunéré pour les producteurs, lequel favorise une baisse continue des prix et, d'autre part, si sa position sur le développement durable correspondait à la notion d'agriculture multifonctionnelle consacrée par la loi d'orientation agricole de 1998.

M. Franz Fischler a apporté les réponses suivantes aux différents intervenants :

- il serait contraire aux intérêts des agriculteurs de considérer que les accords de Berlin empêchent toute réforme. De nombreuses propositions touchant aux organisations de marché, formulées à l'occasion de la présente audition, n'entrent d'ailleurs pas dans le cadre prévu par les accords de Berlin ;

- les problèmes posés aux viticulteurs ne peuvent être résolus seulement grâce à l'instauration d'une distillation obligatoire, comme l'ont admis les organisations professionnelles françaises ;

- le bilan de la politique agricole commune existe depuis longtemps et peut être consulté sur Internet. La Commission a procédé à des réévaluations concernant différents marchés agricoles : céréales, viande bovine, riz et produits laitiers. Elle a déjà commencé à tenir compte, d'une part, des conséquences potentielles du « Farm Bill » et, d'autre part, de l'évolution de la parité de l'euro par rapport au dollar ;

- le modèle agricole européen s'inscrit dans les objectifs définis dans l'Agenda 2000. Ceux-ci reposent notamment sur la notion d'agriculture durable, laquelle intègre les responsabilités de nature économique et environnementale incombant au secteur agricole ;

- la notion de découplage a été mise en œuvre en 1992, à une époque où l'on recherchait le démantèlement des aides à la production. Cet objectif n'ayant pas été atteint, il a été nécessaire de réduire les paiements directs, conformément à une décision prise à l'unanimité par la Communauté européenne ;

- s'agissant du transfert de primes, notamment dans le cas de cessions de terres, les paiements directs introduits en 1992 ont déjà modifié les prix et l'objectif recherché vise à ce que les sommes versées correspondent à la moyenne de celles attribuées les trois dernières années. Il serait néanmoins souhaitable d'éviter une bureaucratie supplémentaire pour les exploitants agricoles ;

- en ce qui concerne la question de la modulation, il convient d'étendre le dispositif à toute l'Union européenne, afin d'éviter une distorsion de concurrence. Néanmoins, il est encore possible de discuter sur certains points tels que les obligations contractuelles des transformateurs ;

- il faut dégager des sommes d'argent supplémentaires pour financer les investissements en matière de dépollution ou en faveur des régions défavorisées ou des zones de montagne. Compte tenu des règles actuellement en vigueur, ces sommes ne peuvent être trouvées que dans le premier pilier de la PAC ;

- s'agissant de l'articulation des propositions de la Commission avec l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, il n'a jamais été affirmé que cet élargissement ne coûterait rien. Mais les avantages politiques et économiques l'emportent sur les questions financières et, en outre, si l'on rapporte les dépenses agricoles au produit intérieur brut européen, ce pourcentage ne devrait pas croître du fait de l'élargissement. Une diminution de l'aide agricole n'est pas indispensable pour permettre cet élargissement ;

- à la fin du cycle de l'Uruguay, dans le cadre du GATT, les droits de douane ont été révisés selon des modalités complexes. Toutefois, ces droits ne sont pas suffisamment dissuasifs et, dans certains pays comme l'Ukraine, les négociants sont prêts à vendre leur production de céréales en dessous du prix de ces droits, car ils ne disposent pas de capacité de stockage. La Commission européenne propose donc d'abandonner le système douanier et de lui substituer un dispositif de contingents tarifaires par produit. Il convient de mettre en œuvre au plus tôt des discussions relatives à cette substitution, pour lui assurer de plus grandes chances de réussite ;

- les problèmes de la faim dans le monde ne peuvent pas être résolus par la politique agricole commune. Les subventions aux exportations empêchent le développement de la production agricole locale et suscitent de nombreuses critiques dans les pays en développement ;

- en matière de pêche, la Commission a dressé un bilan pour chaque région de l'Union européenne tributaire de l'économie de la pêche. Les propositions de la Commission visent à intégrer les professionnels de la pêche dans le processus décisionnaire. Il convient cependant de mieux distinguer la situation des petits artisans de celle de la pêche minotière. S'agissant de la pêche industrielle, il est par ailleurs souhaitable que les poissons destinés à l'alimentation humaine ne soient plus transformés en farine.

M. Franz Fischler a observé, en conclusion, que le débat devrait se poursuivre dans les prochains mois et a souhaité la participation des parlementaires français.

Le Président de la Commission de la production et des échanges, M. Patrick Ollier, a remercié M. Franz Fischler pour sa disponibilité et la clarté de ses réponses. Il a cependant pris acte que nombre de députés n'étaient pas d'accord avec les orientations de la Commission et que de nombreuses interrogations subsistaient. Il a rappelé qu'en tout état de cause, la décision finale dépendait du Conseil de l'Union européenne et souhaité que la position des parlementaires soit prise en compte.

2) Audition, conjointe, avec la commission de la production et des échanges, de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, le mercredi 24 juillet 2002

M. Patrick Ollier, président, a remercié le ministre d'avoir accepté de venir devant la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et la commission de la production et des échanges pour présenter les orientations de la politique que le Gouvernement entend conduire dans deux grands secteurs d'activités dotés de politiques communes : l'agriculture et la pêche. Il a indiqué, qu'une semaine plus tôt, la commission et la Délégation avaient reçu le commissaire Fischler qui avait exposé le sens de ses propositions sur la révision de ces deux politiques européennes, la PAC et la politique communautaire de la pêche maritime.

Les suggestions de la Commission européenne touchant à la réforme de la politique agricole commune ont suscité, a indiqué le président Patrick Ollier, de vives réactions, même si elles comportent certains éléments positifs. Le président Patrick Ollier a estimé que la Commission européenne avait outrepassé le mandat qui lui avait été confié par les accords de Berlin de mars 1999 et il a souhaité interroger M. Hervé Gaymard sur trois points : les positions de la France sur les grands aspects de la négociation PAC, l'asymétrie existant entre la politique préconisée par M. Fischler et celle conduite aux Etats-Unis qui envisagent avec le nouveau « Farm Bill » une augmentation du soutien des revenus des agriculteurs et enfin l'articulation entre les négociations sur la réforme de la PAC, celles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et celles relatives au nouvel élargissement de l'Union européenne.

S'agissant des problèmes de la pêche maritime, qui constitue un secteur d'activités essentiel pour nos régions littorales, le président Patrick Ollier a demandé à M. Hervé Gaymard s'il ne fallait pas impérativement associer le milieu de la pêche à l'évaluation de la ressource halieutique, dont l'épuisement supposé sert à justifier les mesures très restrictives prônées par la Commission.

Le président Patrick Ollier a remercié le ministre pour les éclaircissements que celui-ci voudrait bien apporter.

M. Pierre Lequiller, président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, a remercié le ministre d'avoir accepté cette audition. Il a remercié également le président Patrick Ollier d'avoir organisé une nouvelle réunion en commun de la commission de la production et des échanges et de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur ces sujets essentiels que constituent la politique agricole commune et la politique commune de la pêche maritime.

M. Pierre Lequiller s'est déclaré choqué, comme un certain nombre de ses collègues, par les propos tenus par le commissaire Fischler qui avait estimé n'être pas lié par le contenu des accords de Berlin de mars 1999 ni par le calendrier alors retenu. Il s'est étonné qu'un membre de la Commission ait pu déclarer devant des élus de la Nation que la Commission européenne n'avait pas à demander l'autorisation du Conseil pour présenter une réforme modifiant la PAC. M. Pierre Lequiller a félicité ensuite le ministre d'avoir su rassembler autour de la France dix pays, et notamment l'Autriche dont M. Franz Fischler est originaire, tous hostiles à une révision de la PAC, telle que l'envisage la Commission européenne.

M. Pierre Lequiller a estimé que, s'il fallait adopter dans les négociations actuelles une position ferme notamment sur le calendrier, celle-ci ne devait pas être fermée. Les suggestions de la Commission européenne doivent faire ainsi l'objet d'une étude au fond, certaines propositions pouvant même apparaître comme positives.

Il a souhaité ensuite poser au ministre trois questions. La première concerne l'intérêt d'un découplage des aides et des productions, la Commission faisant valoir que les aides pourraient être classées dans la « boîte verte » de l'OMC ; il s'est interrogé sur le sens de cette mesure dans le contexte actuel marqué par l'adoption aux Etats-Unis d'un nouveau « Farm Bill » prévoyant une augmentation du soutien aux agriculteurs. Il s'est demandé également si l'annonce d'un découplage ne risquait pas d'affaiblir les positions de l'Europe dans les négociations de l'OMC à venir.

M. Pierre Lequiller s'est demandé ensuite si la réduction des compensations telle que la préconise la Commission européenne n'aboutirait pas à modifier structurellement l'équilibre budgétaire retenu par les accords de Berlin. S'agissant enfin de l'introduction d'aides directes aux revenus dans les nouveaux Etats membres, et notamment en Pologne, il a souhaité connaître le point de vue du ministre sur le schéma proposé par la Commission pour la mise en place de ces aides. Il a demandé s'il convenait de revoir l'enveloppe budgétaire pour faire face aux nouvelles charges envisagées.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, a d'abord rappelé son attachement au dialogue avec les parlementaires, dans une période importante, marquée, pour l'agriculture comme pour la pêche, par une situation de crise, crise de confiance et crise morale. Il a estimé nécessaire de rétablir une relation de confiance entre les professionnels, soupçonnés de négliger la préservation de l'environnement et le reste de la société et de dessiner des perspectives claires de développement économique en matière d'agriculture et de pêche.

S'agissant de la situation des différentes filières agricoles, il a souligné que la situation économique actuelle se caractérisait par un fonctionnement imparfait du principe de préférence communautaire, dans certains secteurs (aviculture, céréales), et au-delà de difficultés saisonnières, par un mauvais fonctionnement de certaines organisations communes de marché (viande bovine, viticulture, fruits et légumes). Il a indiqué que le Gouvernement prenait en compte ce contexte, sans faire abstraction des contraintes budgétaires et internationales soulignant que le récent audit des finances publiques avait révélé des besoins de financement s'élevant à 500 millions d'euros pour le ministère de l'agriculture et 760 millions d'euros pour le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA). Il a noté que la période actuelle était également marquée par une activité intense dans le domaine des négociations européennes et internationales, ainsi les négociations communautaires sur la « revue à mi-parcours » de la politique agricole commune (PAC) et l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale (PECO) s'ajoutent aux négociations internationales qui devront être menées dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) jusqu'en 2004 ou 2005 et à la négociation pour la définition de la nouvelle politique agricole commune à partir de 2004. Entre 2004 et 2006, il a souligné que cette conjonction de rendez-vous européens et internationaux devait inciter à la vigilance, à la combativité, à l'inventivité et devait nous conduire à défendre notre vision de l'agriculture.

M. Hervé Gaymard s'est ensuite élevé contre l'idée, trop répandue actuellement, selon laquelle la PAC est à l'origine de l'ensemble des maux de l'Europe. Ainsi, il a rappelé que cette politique ne favorisait plus les excédents agricoles, comme cela avait pu être le cas au cours des décennies 1970 et 1980, où la recherche d'autosuffisance avait favorisé l'apparition d'un modèle productiviste, mais qu'elle mettait aujourd'hui la qualité et le respect de l'environnement au premier rang de ses préoccupations. Sur le plan budgétaire, il a noté qu'il était injuste de critiquer le coût de la PAC, dans la mesure où les plafonds prévus lors du sommet de Berlin sont respectés ; de même, il a estimé que, si le poids de cette politique dans le budget de l'Union européenne était nécessairement élevé puisque seule la PAC est pleinement communautarisée, la part de ces dépenses rapportées à de l'ensemble des dépenses publiques dans l'Union européenne était faible puisqu'elle représente moins de 1 %, ce taux étant d'ailleurs inférieur à celui observé aux Etats-Unis. Il a également contesté l'idée que la PAC serait responsable de pollutions, estimant que si le souci de construire une agriculture de production et d'exportation avait pu y conduire, des efforts considérables avaient été menés pour promouvoir une agriculture respectueuse de l'environnement. Enfin, il a jugé que l'idée selon laquelle la PAC serait responsable des problèmes alimentaires du Tiers-monde avait pu être intentionnellement diffusée par les pays membres du « groupe de Cairns » tout en soulignant que les pays africains n'ont pas une vocation exportatrice et doivent privilégier une agriculture vivrière pour assurer leur auto-développement.

La politique agricole commune n'est pas parfaite, a-t-il poursuivi, mais l'on peut être fier de l'œuvre accomplie.

M. Hervé Gaymard a ensuite fait part aux commissaires de son attachement au respect du calendrier arrêté à Berlin en 1999, dans la mesure où ce calendrier a été élaboré dans le cadre d'un équilibre politique et d'un accord global. Soulignant la différence entre le modèle anglo-saxon, qui considère les produits agricoles comme des biens industriels et le modèle français, qui accorde un rôle social plus large aux agriculteurs, il a affirmé que sa fermeté à ce sujet n'était pourtant pas synonyme de fermeture. Ainsi, il a souhaité que des propositions concrètes soient faites au Conseil des ministres de l'Union européenne en ce qui concerne la suppression de système de cofinancement et le financement d'un plus grand nombre de mesures agro-environnementales. Il a considéré également que certaines organisations communes de marché devaient voir leur fonctionnement amélioré, la France ayant récemment présenté un mémorandum en ce sens.

Abordant le problème du télescopage dans le temps entre les négociations à l'OMC et la révision de la PAC, il a regretté que M. Franz Fischler adopte une stratégie maladroite, qui consiste à espérer que, suite aux critiques émises à l'encontre du « Farm Bill », une conduite vertueuse de l'Union européenne lui donnerait la force morale nécessaire pour obtenir des concessions américaines, ce qui semble peu probable. Il a ensuite fait part de son opposition, partagée par dix des quinze Etats membres de l'Union européenne, au découplage des aides communautaires proposé par M. Franz Fischler, cette réforme, dont l'impact sur les productions et les territoires n'a pas été évalué, risquant d'accroître la complexité du dispositif et surtout de donner inutilement des gages aux partenaires de l'Europe avant les négociations de l'OMC. Il a enfin estimé qu'il serait possible de se prononcer de manière détaillée sur les propositions de la Commission à la mi-octobre, lorsque celle-ci aurait fait connaître l'ensemble de son projet de réforme.

En ce qui concerne les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), qui doivent devenir des Etats membres à part entière de l'Union européenne, la décision concernant le cadre budgétaire futur relève des chefs d'Etat et de gouvernement. M. Hervé Gaymard a souligné également qu'il fallait respecter les accords de Berlin, qui dissocient les négociations sur la PAC et celles qui concernent l'élargissement de l'Union européenne.

Evoquant les problèmes de la pêche, il a indiqué que la réforme de la politique commune devrait intervenir à la fin de l'année. Il a estimé que les propositions de la Commission européenne relatives à la gestion de la ressource halieutique étaient encore trop globales pour être satisfaisantes et qu'un effort conjoint des pêcheurs et des organismes de recherche devrait aboutir à des contre propositions en matière de gestion de la ressource. Il a enfin ajouté que l'idée de réduire les aides à la construction de bateaux, seule aide versée par la Commission dans le secteur de la pêche, ne lui semblait pas compatible avec la nécessaire modernisation de notre flotte artisanale.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis du budget de l'agriculture, s'est demandé si un point de vue parfois exprimé s'agissant du calendrier retenu à Berlin, qui viserait à engager dès maintenant, avant l'élargissement de l'Union européenne, la réforme de la politique agricole commune, ne pouvait avoir une utilité. Il a demandé ensuite à M. Hervé Gaymard quel était l'état d'avancement des négociations agricoles avec les pays candidats à l'adhésion. Puis, il a observé que les préoccupations de la Commission européenne touchant au secteur agricole étaient nécessairement différentes de celles du ministre français de l'agriculture. Le commissaire Fischler a en effet principalement le souci de l'équilibre des marchés, du coût budgétaire de la politique agricole commune, des futures négociations à l'Organisation mondiale du commerce. Un ministre de l'agriculture est confronté, quant à lui, à des problématiques plus larges : des questions d'organisation économique de filières, d'aménagement du territoire, de régulation des relations entre acteurs des différentes filières voire de santé ou d'environnement. M. Antoine Herth a interrogé le ministre sur son analyse et ses projets s'agissant des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) ; il lui a demandé également quels étaient les résultats de l'audit tenu sur cet outil de la politique agricole.

Il a abordé enfin le rôle des régions et plus généralement des collectivités territoriales dans le domaine agricole ; il a souhaité savoir si un renforcement du rôle des régions ne pourrait être envisagé dans le cadre du débat sur la décentralisation qui doit être organisé cet automne.

M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis du budget de la pêche, a félicité le ministre pour l'opposition résolue qu'il a su manifester à l'égard des suggestions de la Commission européenne touchant à la réforme de la politique commune de la pêche. Il a souhaité savoir si les professionnels de la pêche seraient associés à l'évaluation de la ressource en poissons, qui est à la base de toute mesure de contrôle de l'effort de pêche.

Notant que chacun convient aujourd'hui de la nécessité de mieux maîtriser la production dans le secteur de la pêche maritime, il a demandé à M. Hervé Gaymard quelles mesures alternatives aux suggestions très restrictives de la Commission la France préconisait sur ce point.

M. Aimé Kergueris a demandé enfin quelles mesures le Gouvernement français envisageait de proposer dans les négociations à venir sur la future politique commune de la pêche pour préserver la pêche artisanale. Il a souhaité savoir également s'il n'était pas envisagé de remettre en question, suivant des modalités à définir, la pêche minotière qui cause des ravages considérables dans le milieu halieutique, tout en observant que la présidence danoise du Conseil de l'Union européenne n'y serait probablement pas favorable.

M. Aimé Kergueris a interrogé le ministre sur la mise en place de groupements d'intérêt économique (GIE) fiscaux, certains armements envisageant, malgré le contexte global peu favorable, de poursuivre la construction de chalutiers et estimé que l'interdiction de toute construction neuve de bateaux préconisée par la Commission européenne était susceptible d'avoir des conséquences graves en matière de sécurité en mer.

M. Jacques Le Nay a souhaité tout d'abord féliciter le ministre pour ses déclarations relatives aux négociations sur la réforme de la politique agricole commune, la France devant adopter une position de grande fermeté vis-à-vis de la Commission, ce qui n'empêche pas d'avoir un esprit d'ouverture pour envisager certaines évolutions.

Compte tenu des multiples contraintes réglementaires qui pèsent actuellement sur le secteur de l'élevage qui rencontre en outre de graves difficultés économiques, il a souhaité savoir si des mesures de simplification sont à l'étude concernant le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) et les exigences posées par la « directive nitrates ». Il a aussi interrogé le ministre sur ses projets en matière de politique de l'eau.

Concernant les problèmes de sécurité sanitaire, il a souhaité évoquer la situation très grave du secteur de l'aviculture qui est confrontée à une crise tant conjoncturelle que structurelle et qui doit faire face à la concurrence des pays tiers. Il a demandé si le Gouvernement avait l'intention d'insister auprès des autorités européennes pour que les mêmes exigences sanitaires soient imposées aux pays tiers en matière d'exportation de produits agricoles, alors même que de multiples exemples prouvent que certaines importations ne satisfont pas aux normes de sécurité alimentaire. Il a enfin demandé si le Gouvernement envisageait d'aider à la restructuration des filières avicoles.

Abordant la question de l'installation des jeunes, il a rappelé que depuis 1997 le nombre d'installations de jeunes agriculteurs avait baissé de 35 %, ce qui menace le renouvellement des générations d'exploitants et il a souhaité savoir si le Gouvernement prévoyait d'adopter des mesures spécifiques d'aides au démarrage des exploitations. Il a aussi demandé des précisions sur l'avenir des contrats territoriaux d'exploitation et souhaité savoir si l'effort de revalorisation des retraites agricoles serait poursuivi et si les engagements pris par le précédent Gouvernement seraient tenus.

M. Patrick Lemasle a relevé quelques contradictions dans les propos des gouvernants français concernant la politique agricole commune, rappelant que lors du sommet de Göteborg, le chef de l'Etat avait accepté l'idée d'une redéfinition de la politique agricole commune avant 2006, alors qu'aujourd'hui la position du Gouvernement est, au contraire, de la maintenir dans ses principes actuels au moins jusqu'en 2006. Il a aussi fait remarquer que la suspension de la modulation avait été prévue dès 1999 contrairement aux déclarations actuelles du Gouvernement. Il a donc demandé quelle était la position réelle du Gouvernement sur les inflexions possibles de la politique agricole commune à « mi-parcours ».

Concernant les contrats territoriaux d'exploitation qui reposent sur une démarche de contractualisation et donnent de très bons résultats, il a souhaité savoir quel serait le devenir des contrats qui sont en phase de démarrage et si le Gouvernement entendait poursuivre une politique de dérégionalisation des aides, celles-ci étant très mal réparties puisque 80 % d'entre elles sont attribuées à seulement 20 % d'agriculteurs.

Abordant la question de l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Europe centrale et orientale, il a demandé si cet élargissement pourrait se faire à budget constant, notamment en raison de l'importance du secteur agricole dans ces économies.

Evoquant une préoccupation chère à M. Christian Jacob, il a interrogé le ministre sur ses intentions de mettre en œuvre des mesures incitatives pour parvenir à un plan d'action permettant une indépendance protéique.

Abordant à son tour les difficultés d'installation des jeunes agriculteurs, il a souligné que la tendance à l'agrandissement des exploitations était un grave obstacle à l'arrivée de jeunes agriculteurs et il a demandé au ministre comment surmonter cette contradiction.

Il a enfin interrogé le ministre sur sa volonté de mener une concertation durable avec l'ensemble des organisations syndicales agricoles.

M. François Sauvadet a tenu à souligner le contexte très difficile auquel sont confrontés les exploitants agricoles notamment les producteurs de fruits et légumes et les éleveurs de vaches allaitantes. Il a demandé au ministre les mesures qu'il entendait prendre pour éviter que les prix agricoles ne se dégradent encore dans ces secteurs et s'il entendait mettre en œuvre un dégagement des stocks dans le secteur bovin, pour éviter la crise que risque de provoquer la « décharge des herbages » intervenant à l'automne qui provoque un afflux de viandes sur le marché.

Abordant la question de l'avenir de l'Union européenne, il s'est félicité de la position de fermeté de la France qui refuse avec d'autres Etats les propositions de la Commission européenne, mais il a jugé indispensable de préparer très en amont l'entrée des pays d'Europe centrale et orientale dans l'Union en raison de l'importance de leurs agricultures. Il a interrogé le ministre pour savoir comment la France pourrait être une véritable force de propositions pour faciliter l'intégration de ces pays. Quant à la réforme de la politique agricole commune, il a souhaité que la France dispose d'un véritable droit d'inventaire pour faire un bilan exhaustif de cette politique, et a contesté de la démarche du commissaire Fischler, consistant à renégocier la PAC avant mêmes les négociations de l'OMC. Il s'est interrogé sur l'influence de la baisse des prix sur l'agrandissement des exploitations et la course à l'hectare, observée même en temps de crise. M. François Sauvadet a demandé également au ministre des précisions sur l'avenir de la « prime à l'herbe » qui joue un rôle essentiel dans l'ensemble du bassin allaitant.

Dans le prolongement de ses observations sur le niveau des prix agricoles, il a émis le vœu que le Gouvernement mette en place un observatoire des prix et des marges comme s'était engagé à le faire le Gouvernement précédent. Il a souligné qu'il était en effet paradoxal de constater que le prix de la viande bovine avait beaucoup augmenté pour les consommateurs, alors que les prix payés aux agriculteurs étaient à des niveaux très bas.

Se faisant l'écho des préoccupations d'autres parlementaires sur la sécurité alimentaire, il a souhaité que le Gouvernement français insiste auprès de la Communauté européenne pour obtenir une véritable traçabilité des viandes venant des pays tiers et tout particulièrement pour les carcasses considérées comme à risque.

M. André Chassaigne a tout d'abord estimé qu'il ne fallait que le débat sur la réforme de la politique agricole commune occulte la nécessité de prendre des mesures d'extrême urgence pour aider les filières en difficulté, comme celle de l'élevage de vaches à viande qui risque de voir disparaître des centaines d'exploitations, alors même qu'elles sont capables de fournir une excellente traçabilité de leur production. Il a souhaité savoir si, malgré les multiples contraintes européennes et budgétaires, il ne serait pas possible de prendre des mesures visant à soutenir les prix ou à réduire les stocks de bêtes qui sont actuellement de 150 000 têtes, la mesure la plus urgente concernant les génisses souvent de grande qualité.

Il a déploré que la Commission européenne ne traitât absolument pas de la question de l'emploi en agriculture et du nombre d'agriculteurs nécessaires à une agriculture de qualité et jugé contradictoire de souhaiter une agriculture respectueuse de l'environnement et de prévoir dans le même temps des aides à l'hectare susceptibles d'encourager l'agrandissement des exploitations et une agriculture productiviste.

Il a enfin demandé des précisions sur l'avenir des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) et plus spécifiquement pour les CTE collectifs.

En réponse aux différents intervenants, M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, a apporté les précisions suivantes :

- si M. Franz Fischler aime à invoquer l'esprit du Conseil européen de Berlin, le Gouvernement français s'attache, pour sa part, au respect des clauses de l'accord intergouvernemental intervenu à cette occasion qui forment un ensemble équilibré couvrant, outre l'agriculture, les questions des fonds structurels et de la contribution britannique. Il n'est pas acceptable de remettre en cause l'un des volets de cet accord et non les autres, d'autant que l'agriculture est une activité économique importante qui a besoin de stabilité juridique ;

- la volonté de réformer subrepticement la politique agricole commune avant qu'intervienne l'élargissement de l'Union européenne, sous-jacente dans les propositions de la Commission européenne, méconnaît l'égalité des droits et des devoirs des différents Etats appelés à former prochainement une Europe réunifiée ;

- la question de l'équilibre budgétaire relève de la compétence du Conseil européen et non de celle du Conseil des ministres de l'agriculture. Sur ce point, la proposition de la Commission est correcte et conforme aux accords de Berlin ;

- il importe de mieux faire connaître la position de la France aux futurs Etats membres ; le ministre entreprend pour cette raison dans les semaines à venir une « tournée » des capitales des autres Etats membres. Les ennemis de la politique commune exercent des pressions importantes qu'il faut contrer et l'action de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne peut être tout à fait utile sur ce point ;

- les conclusions de l'audit des contrats territoriaux d'exploitation seront mises à la disposition des députés. En tout état de cause, le principe d'une contractualisation peut être considéré comme intéressant ; il a d'ailleurs préexisté aux contrats territoriaux d'exploitation, notamment avec les opérations groupées d'aménagement foncier (OGAF), les mesures prises dans le cadre de l'article 21 et les politiques territoriales contractuelles menées par certaines collectivités. Il est également opportun de lier l'économie et l'environnement dans une perspective pluriannuelle. Les contrats territoriaux d'exploitation peuvent toutefois être critiqués sur deux points. En premier lieu, ils ont entraîné une excessive bureaucratisation qui concerne d'ailleurs également d'autres mesures nationales et européennes et qu'un ensemble de mesures de simplification qui sera annoncé en septembre visera à corriger. En second lieu, le nombre de contrats territoriaux d'exploitation conclus ne doit pas constituer un objectif, mais être le résultat des décisions des agriculteurs dont il convient de préserver la liberté de choix. Il importe de noter que la réforme des contrats territoriaux d'exploitation répond aux attentes des agriculteurs, mais également à celles des agents du ministère de l'agriculture qui aspirent à être libérés des tâches administratives liées à la gestion de ces contrats pour se consacrer au développement agricole ;

- beaucoup de départements et de régions ont déjà une action importante en matière agricole. La nouvelle étape de la décentralisation pourrait peut-être être l'occasion de leur donner la possibilité d'en faire encore davantage ;

- les professionnels de la pêche doivent évidemment être associés à la définition de la position française sur la réforme de la politique commune de la pêche et ils ont d'ailleurs largement contribué à la rédaction du mémorandum présenté par la France à l'automne 2001. Il importe également qu'ils soient associés à l'organisation de la gestion de la ressource en siégeant dans les comités et instances qui seraient mises en place à cet effet ;

- la proposition de la Commission en matière de pêche prévoit également le transfert de la compétence de la gestion de la ressource du Conseil des ministres à la Commission. Ce point est inacceptable pour l'ensemble des Etats membres ;

- l'absence de dispositions spécifiques relatives à la pêche minotière dans la proposition de la Commission européenne est particulièrement regrettable, car cette forme de pêche contribue à la surexploitation des océans, compte tenu de la quantité de poissons à pêcher pour nourrir les poissons d'élevage ;

- le souhait des professionnels de voir instituer des groupements d'intérêt économique fiscaux est légitime et doit être relayé auprès du ministre chargé du budget dans la perspective du projet de loi de finances pour 2003 ;

- la proposition d'une interdiction des aides à la construction de nouveaux bateaux et à la modernisation des navires peut être considérée comme stupide, toutes les études montrant que le rythme de rénovation n'est pas corrélé à celui des prélèvements. Il importe de préserver ces aides, dans un souci élémentaire de sécurité ;

- la France et les cinq autres Etats membres dont la position est proche de la nôtre en matière de pêche préparent l'élaboration d'une plate-forme commune qui sera présentée à l'automne et comportera notamment des contre-propositions sur la question de la gestion de la ressource qu'il convient d'aborder espèce par espèce, bassin de pêche par bassin de pêche, avec l'éclairage scientifique nécessaire et dans le cadre d'un dialogue avec les professionnels ;

- la réforme de la politique de l'eau sera pilotée par la ministre de l'écologie et du développement durable qui a annoncé la relance d'une concertation sur cette question, à laquelle le ministère de l'agriculture sera étroitement associé, et l'abandon du projet de loi adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. En ce qui concerne les pollutions d'origine agricole, l'application de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, fera l'objet de simplifications, la norme unique de 85 unités par vache étant retenue et diverses barrières faisant obstacle à la « respiration » des exploitations et conduisant à une gestion bureaucratique étant levées ;

- la crise actuelle de l'aviculture appelle trois observations. Sa cause principale réside dans un contournement de la préférence communautaire, par des importations de produits saumurés, notamment en provenance du Brésil. Un ensemble de mesures a été retenu le 12 juin dernier par la Commission ; mais en la matière, il convient d'aller plus loin et d'engager une procédure devant l'OMC, ce qu'envisage d'ailleurs la Commission. Ces difficultés révèlent par ailleurs une insuffisance en matière d'étiquetage des produits, dont on connaît la provenance dernière seulement, alors que c'est toute la chaîne de production qui devrait être décrite. Ce problème dépasse le seul cadre de l'aviculture, et doit être géré en combinaison avec un renforcement des contrôles aux frontières, la Belgique et les Pays-Bas se montrant dans ce domaine plus laxistes que la France ; cette crise montre le besoin d'une restructuration entière de la filière de l'aviculture, à laquelle le Gouvernement compte apporter son concours ;

- la diminution du nombre des installations de jeunes agriculteurs trouve évidemment sa source dans le climat d'incertitude qui pèse sur les perspectives économiques de l'agriculture, mais qui tient aussi au caractère peu attractif du mode de vie en milieu rural. Lors du récent congrès des Jeunes Agriculteurs de Périgueux, un certain nombre de propositions ont été faites qui sont d'ores et déjà à l'étude au ministère de l'agriculture. Il faut en tous cas se prémunir contre l'idée qu'un agrandissement général de la taille des exploitations pourrait apporter une solution à ce problème, car les exploitations de nature non industrielle ont aussi leur place dans le monde agricole ;

- la question de la retraite des salariés agricoles a été juridiquement traitée dans le cadre de la loi du 17 janvier 2002, mais les financements nécessaires n'ont pas été prévus. Ils seront pris en compte dans le projet de loi de finances pour 2003 ;

- l'analyse selon laquelle les décisions prises au sommet européen de Göteborg invalideraient en partie le « paquet » de dispositions adoptées lors du sommet de Berlin paraît discutable. En revanche, il est certain que seul un sommet des chefs d'Etat pourra définir plus précisément certaines modalités du processus d'élargissement ;

- le système facultatif de modulation, tel qu'il est actuellement conçu, non seulement fonctionne mal, mais de surcroît apparaît injuste. D'une part, en effet, il a conduit à concentrer les prélèvements plutôt sur les régions à revenu intermédiaire que sur les régions les plus favorisées. D'autre part, les fonds ainsi prélevés, à hauteur de 228 millions d'euros, sont restés pour 215 millions inemployés dans les caisses du FEOGA, parce que les règles de leur emploi sont par trop complexes, puisqu'elles imposent un cofinancement des Etats, et réduisent le champ des interventions éligibles à un spectre très étroit. Mieux valait donc suspendre ce dispositif que de prendre le risque de faire supporter des charges supplémentaires, de facto sans aucune contrepartie, à des activités déjà en difficulté comme l'élevage des vaches allaitantes. Il convient au passage d'observer que, d'une façon générale, les procédures dites du « deuxième pilier » doivent être simplifiées ;

- s'agissant de la « régionalisation » des aides, elle doit s'envisager en tenant compte de deux dérives possibles : le risque d'une répartition inadéquate de l'enveloppe entre les régions ; le risque ensuite d'une mauvaise prise en compte, à l'échelle régionale, des inégalités entre exploitations. Actuellement, la distribution géographique des aides correspond aux caractéristiques des différentes zones d'agriculture, et le dispositif ne semble donc pas devoir être révisé ;

- en ce qui concerne le dialogue avec les organisations syndicales et professionnelles, il a commencé dès la semaine qui a suivi la nomination du ministre ;

- la crise du secteur bovin allaitant a conduit d'ores et déjà à mettre à l'étude des mesures de dégagement, et la création d'un fonds d'allègement des charges. La prolongation du dispositif de la « prime à l'herbe » au-delà du 31 décembre 2002 est en cours de discussion avec la Commission européenne, et pose plus un problème de financement que de principe. La France se bat pour la reconduction de ce mécanisme ;

- l'idée avancée par M. Jean Glavany, de la création d'un Observatoire des prix et des marges doit être exploitée ;

- la sécurité alimentaire doit faire l'objet d'une véritable politique à l'échelle européenne. Elle comporte au premier chef un volet de lutte contre la concurrence déloyale. Les pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'intégration doivent être associés par anticipation à cet effort et parvenir à nos standards actuels, dans le cadre de processus de coopération qui peuvent se situer aussi au niveau des relations interparlementaires, grâce au concours de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne par exemple.

- il est vrai que la situation du bassin allaitant est inquiétante, mais le Gouvernement fera preuve de détermination pour trouver une solution dans les semaines à venir. Si un système similaire à la prime « Hérode » est effectivement très séduisant pour rétablir l'équilibre du marché, il est probable qu'il sera difficilement accepté au niveau communautaire. En effet, la présidence danoise du Conseil européen s'est montrée très attachée à la question du bien-être des animaux, par exemple durant leur transport ; il existe sur cette question une véritable différence culturelle entre la France et les pays nordiques, ce qui rend difficile le recours à ce type de régulation du marché ;

- l'emploi dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche ne doit pas constituer une variable d'ajustement, contrairement à ce qui ressort des modèles élaborés par la Commission européenne, pour laquelle les hommes ne semblent pas compter. C'est pourquoi, le Gouvernement s'attachera à défendre l'emploi dans ces deux secteurs auprès des instances européennes.

M. Jean-Paul Charié, après avoir félicité le ministre pour sa maîtrise des dossiers agricoles, s'est réjoui du sens des responsabilités dont celui-ci avait su faire preuve et de la fermeté de la position française auprès de la Commission européenne. Il a par ailleurs alerté le ministre sur la situation des producteurs de fruits et légumes français qui sont victimes des pratiques inadmissibles de certaines grandes surfaces. Il a estimé que les commissaires pourraient utilement coopérer avec le Gouvernement pour traiter cette question.

Puis, M. Robert Lecou a souhaité encourager le ministre à la fermeté, dont il a estimé qu'elle était attendue par l'ensemble des organisations professionnelles agricoles. Evoquant la situation de la viticulture en Languedoc-Roussillon, il a noté que celle-ci avait subi des transformations fondamentales ces dernières années (arrachages et restructurations par exemple) et regretté que l'image qu'elle véhicule ne soit pas à la hauteur des résultats pourtant obtenus. Il a souligné que la situation de certains vignerons était particulièrement difficile et que certains territoires traversaient une véritable crise. Il a donc émis le souhait que le ministre organise avec la commission de la production et des échanges un groupe de travail auquel seraient conviées les organisations professionnelles, pour aborder les points suivants :

- l'accompagnement de la restructuration du vignoble ;

- l'examen du régime des retraites des vignerons ;

- l'installation des jeunes viticulteurs ;

- l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti ;

- la renégociation de l'organisation commune du marché viti-vinicole en responsabilisant les Etats membres, notamment par la mise en place d'un contingent de production et, si nécessaire, d'une distillation obligatoire ;

- la mise en œuvre d'une véritable promotion des produits viticoles ;

- l'harmonisation des montants d'aides à la restructuration du vignoble afin d'éviter les iniquités entre viticulteurs européens et la simplification administrative des procédures d'attribution.

M. Patrick Hoguet, notant que la préférence communautaire était mal appliquée sur le marché des céréales, a rappelé que M. Franz Fischler, commissaire européen chargé de l'agriculture, du développement rural et de la pêche, avait annoncé la négociation d'un nouveau système, plus protecteur du marché européen, au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Observant qu'une décision sur ce sujet ne serait prise au mieux que dans trois mois, il a souhaité savoir si le ministre avait interpellé la Commission européenne afin que soit mis en place un nouveau dispositif dans les délais les plus brefs. S'agissant de la politique agricole commune, il s'est enquis de l'éventuelle création d'un « groupe des amis de la PAC » et des Etats membres qui pourraient y participer aux côtés de la France. Enfin, il a demandé si la Commission européenne participerait aux négociations multilatérales au sein de l'Organisation mondiale du commerce sur la base de l'accord de Berlin ou si son mandat serait plus étendu ; il a à cet égard observé que si le mandat était trop minimaliste, les Etats-Unis pourraient faire jouer à leur profit les divisions existant entre Etats membres.

M. Michel Raison s'est félicité que le ministre ait mis à mal certaines idées reçues et a estimé que pourrait figurer parmi elles l'assertion selon laquelle 80 % des aides bénéficieraient à 20 % des exploitations agricoles. Il a souligné que certaines productions ne bénéficiaient d'aucune aide et a déploré la mise en place du système de modulation qui était une bonne illustration de ces idées reçues ; il a fait remarquer que le mécanisme de la modulation s'était révélé injuste. S'agissant des contrats territoriaux d'exploitation (CTE), il a mis en garde le ministre contre certaines conclusions que pourrait comporter l'audit réalisé, notant que l'on ne retrouvait pas nécessairement sur le terrain les résultats affichés. Il a en outre vivement souhaité que les CTE soient remplacés par un nouveau dispositif. Abordant la question de la prime à l'herbe, il a souhaité que celle-ci soit généralisée car elle a fait la preuve de son efficacité et a jugé qu'une telle mesure serait plus pertinente que la mise en place de CTE simplifiés. Enfin, il a souhaité que soit réformé le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) qui, dans sa version actuelle et par la mise en place de zonages, a contribué à faire apparaître de profondes iniquités entre les agriculteurs.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard a attiré l'attention du ministre sur la situation de la filière caprine, actuellement très menacée. Notant que cinq sérums avaient vu le jour contre la « tremblante », elle s'est déclarée défavorable à l'abattage de la totalité des troupeaux là où des cas de maladie avaient été observés et a souhaité savoir, d'une part, si cette solution serait effectivement adoptée, d'autre part, si les éleveurs seraient indemnisés dans une telle hypothèse.

Evoquant la question de la distribution des médicaments vétérinaires, elle a noté que certaines dérives, pouvant avoir de graves conséquences sur les filières de l'élevage, avaient été relevées par un récent rapport et s'est enquise de l'avenir qui serait réservé à la loi n° 75-409 du 29 mai 1975 modifiant le livre V du code de la santé publique et relative à la pharmacie vétérinaire.

Enfin, rappelant qu'elle avait été rapporteure d'une mission d'information sur l'identification des chiens et des chats, leur commercialisation et l'approvisionnement des centres d'expérimentation, elle s'est inquiétée des conséquences qu'aurait sur les éleveurs français l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et occidentale, fortement impliqués dans le trafic des animaux de compagnie, et a demandé quelles étaient les intentions du ministre sur cette question.

Puis, Mme Catherine Vautrin a rappelé que le ministre avait annoncé la mise en place d'un « contrat vendanges » dès l'automne, lors du congrès des Jeunes agriculteurs à Périgueux. Se réjouissant de cette initiative, elle a toutefois déploré qu'une circulaire en cours supprime le caractère saisonnier de ce contrat à durée déterminée, ce qui privera les viticulteurs d'avantages tels que le non-paiement de la prime de précarité, la possibilité de conclure des contrats à terme non précis, la non application d'un délai de carence en cas de succession de contrats à durée déterminée à caractère saisonnier, ou encore la possibilité d'inclure une clause de reconduction pour la saison suivante. Elle a donc demandé au ministre s'il envisageait de revoir cette approche. Par ailleurs, Mme Catherine Vautrin a estimé qu'il pourrait être pertinent, dans le cadre de la révision de la politique agricole commune, de valoriser nos ressources en luzerne déshydratée.

M. François Brottes, après s'être réjoui de la courtoisie avec laquelle le ministre considérait l'opposition parlementaire, a souhaité obtenir de plus amples informations sur les décrets restant à publier pour l'application de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt. Il s'est également enquis de l'avenir réservé au contrat récemment conclu entre l'Etat et l'Office national des forêts ainsi que des intentions du Gouvernement en matière de contrats territoriaux d'exploitation collectifs.

M. Daniel Paul a estimé qu'on pourrait juger la détermination dont témoigne le ministre s'agissant de la politique commune de la pêche à l'aune des résultats obtenus. Il a insisté sur la nécessité d'associer les professionnels et les organismes de recherche à l'évaluation de la ressource halieutique et de limiter l'expansion de la pêche minotière. Il a fait remarquer que six pays avaient, dans ce domaine, une position commune. Il a indiqué ensuite que les hypermarchés ont la possibilité de tirer les prix vers le bas par leurs flottes puis à la saisie de la pêche et enfin à la vente des produits. Il a demandé enfin un effort vigoureux de protection de la pêche artisanale qui assure l'animation de nos zones littorales et le maintien de l'emploi sur les côtes.

M. Jean Dionis du Séjour a évoqué les problèmes de la filière céréalière et dénoncé le développement d'importations de blé d'Ukraine via l'Espagne, avec la complicité de la Commission. Il a demandé que des efforts soient conduits, la récolte pour 2002 laissant présager un effondrement possible des cours.

M. Philippe Martin (Gers) s'est interrogé sur la pertinence de l'abandon du mécanisme de régulation mis en œuvre lors de l'été 2000 pour lisser les effets de la hausse du coût du pétrole qui avait été bénéfique pour les agriculteurs et il a souhaité savoir pourquoi le Gouvernement n'avait pas maintenu cette mesure, au risque d'alourdir les charges des agriculteurs.

Il a par ailleurs souligné que la situation de l'élevage bovin était dramatique et qu'il convenait d'envisager un plan de dégagement du marché similaire à celui envisagé pour d'autres secteurs de l'élevage.

Concernant le moratoire sur la modulation, il a souhaité savoir si ce mécanisme serait suspendu encore en 2003 ou si, au contraire, la modulation commencerait à être mise en œuvre à cette date.

M. Jacques Bascou a évoqué la situation très grave du secteur viticole et a demandé au ministre s'il entendait mettre en œuvre les préconisations du rapport de M. Berthomeau relatives aux aides à la commercialisation et aux mesures de promotion des vins français sur les marchés étrangers. Au-delà de ces propositions à moyen terme, il a souligné que des aides d'urgence s'imposaient comme, par exemple, la reconduite de l'aide forfaitaire de 1 000 euros par exploitation, les professionnels réclamant 1 000 euros supplémentaires en matière de distillation. Il a également demandé des informations sur les aides susceptibles d'être accordées aux caves coopératives, sur les mécanismes de distillation et souhaité une réforme concernant les alcools de bouche pour mettre en œuvre des prix différenciés, afin d'éviter que l'Espagne n'obtienne l'essentiel des crédits.

Sur le plan social, il a fait part de sa préoccupation quant au projet de la Commission européenne relative aux préretraites et a souhaité connaître la position du Gouvernement à ce sujet. Il a conclu en demandant des précisions sur l'avenir du contrat territorial d'exploitation et sur la pérennité de son financement.

M. Philippe Martin (Marne) a posé une question relative aux associations foncières qui gèrent les ressources hydrauliques en regroupant les viticulteurs et les exploitants de grandes cultures céréalières et rencontrent des difficultés pour la mise en œuvre des dispositions de l'article R 1338 du code rural. Soulignant que ces associations connaissent de graves difficultés financières, notamment dans les communes à territoire mixte, où les cotisations sont calculées sur la base des surfaces et non de l'affectation des terres, il a demandé au ministre s'il envisageait de modifier l'assiette des cotisations finançant ces associations.

M. Philippe Tourtelier a demandé au ministre des précisions sur la gestion des excédents d'azote et sur le prix de rachat de l'électricité ainsi que sur les déclarations qu'il avait faites dans son discours de Rennes touchant à la vocation exportatrice de notre agriculture.

Il a souhaité aussi faire remarquer qu'il existait une contradiction entre une politique de soutien aux exportations qui conduit à mettre sur le marché international des productions agricoles à très bas prix et la position du Gouvernement français qui entend soutenir les pays en voie de développement qui souhaitent encourager une agriculture d'autosuffisance. Il a donc demandé au ministre si certains pays en voie de développement ne subissaient pas les conséquences de prix agricoles mondiaux maintenus artificiellement à des niveaux très bas en raison d'aides financières payées par les pays développés et ce, alors même que ces soutiens à l'exportation coûtent très cher aux pays développés.

M. Jean Lassalle a déploré la situation catastrophique des campagnes françaises qui se sentent abandonnées et le désespoir des agriculteurs qui vivent dans un profond sentiment d'inquiétude en raison notamment de la difficulté de transmettre leurs exploitations. Soulignant l'incompréhension des agriculteurs quant aux prescriptions tatillonnes des autorités européennes relatives à l'environnement, il a souhaité que des mesures de simplification soient adoptées de manière urgente, pour lutter contre le développement du sentiment anti-européen de certains agriculteurs. Il a demandé au ministre comment pourrait être mis en œuvre un plan rural qui prenne en compte l'intégralité des handicaps de ces territoires pour lutter contre la désertification des campagnes, notamment en zone de montagne.

M. François Dosé a souhaité obtenir des informations sur l'avenir des biocarburants et des précisions sur l'avancée des négociations relatives à l'adoption de deux directives européennes concernant la taxation des biocarburants et la fixation d'une part minimale de biocarburants dans les carburants vendus à compter de 2005.

M. Germinal Peiro a tout d'abord déploré le prélèvement récemment opéré sur les caisses de la mutualité sociale agricole pour financer le BAPSA dans le cadre du collectif budgétaire. Il s'est élevé contre l'idée que la réforme rendant obligatoire un régime complémentaire de retraite des exploitants agricoles n'aurait pas été financé par le précédent gouvernement. Il a d'ailleurs fait remarquer que cette réforme était la poursuite d'un plan de revalorisation des retraites et que l'ensemble des organisations professionnelles, à l'exception de la Coordination rurale, avait donné son aval. Il a donc demandé au ministre si la réforme serait bien mise en œuvre à compter du 1er janvier 2003 et si les cotisations seraient bien limitées à moins de 3 %.

M. Martial Saddier a évoqué le secteur des fruits et légumes. Il a rappelé l'engagement des professionnels pour améliorer la qualité des fruits commercialisés mais il a souligné la nécessité d'obtenir des autres pays de la Communauté l'engagement de maîtriser les productions, notamment en raison des mises en culture massives dans certains pays comme l'Italie et l'Espagne.

Il a souhaité demander des précisions sur l'OCM fruits et sur les organisations de producteurs et les bassins. Il a enfin conclu en soulignant la nécessité de modifier les relations entre la grande distribution et les producteurs qui sont actuellement beaucoup trop déséquilibrées, les agriculteurs ne pouvant survivre avec de bas prix payés à la grande distribution, alors que celle-ci leur impose notamment de verser des contributions pour les frais de commercialisation.

M. Jean-Charles Taugourdeau s'est élevé contre les pratiques de la grande distribution qui pressure les agriculteurs pour obtenir des prix anormalement bas. Il a enfin estimé qu'il était tout à fait anormal que les petits exploitants agricoles soient soumis aux mêmes contraintes du code du travail que les grands groupes industriels et souhaité une simplification des règles d'embauche.

En réponse aux différents intervenants, M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, a apporté les précisions suivantes :

- la filière fruits et légumes offre de nombreuses particularités : la production y est atomisée et saisonnière, l'interprofession peu organisée ; l'organisation communautaire de marché est en outre très peu efficace. Par ailleurs, certains pays européens n'ont aucun contrôle de la production. Il conviendrait d'élaborer une organisation plus rationnelle du marché, conformément par exemple aux orientations dessinées à la fin de la présidence espagnole de l'Union européenne, mais cela suppose une volonté de la part des professionnels, d'une part, et de l'Union européenne, d'autre part ;

- en ce qui concerne les bassins opérationnels, dont la configuration a été réformée en 1996, le Gouvernement poursuivra sa tâche de médiation pour favoriser des accords consensuels, comme ceux des 23 juin et 19 juillet derniers, entre agriculteurs et professionnels de la grande distribution, et maintiendra sa vigilance pour faire respecter la « loi Galland » et la loi du 15 mai 2001 sur « les nouvelles régulations économiques », qui protège les producteurs ;

- concernant la filière viti-vinicole, l'idée de constituer un groupe de travail, comme tout ce qui contribue à impliquer les parlementaires, doit être encouragée, le ministre restant lui aussi en contact permanent avec les producteurs et l'ensemble des acteurs de la filière vinicole. Le consensus trouvé sur la question des droits à plantation constitue un élément positif, de même que le recours à la distillation préventive, mais ce constat ne doit masquer ni l'absence de proposition de réforme de l'OCM, ni la crise touchant l'ensemble de la filière qui implique un effort d'adaptation pour faire face à la concurrence des vins du « nouveau monde ». Une réflexion sera engagée conjointement par l'ONIVINS et l'INAO sur les propositions faites dans le rapport Berthomeau afin d'élaborer un plan stratégique pour la viticulture française, en tenant compte des spécificités des productions et des zones viticoles. Il convient en tout état de cause de s'assurer que les orientations retenues ne recueillent pas seulement une adhésion superficielle, car des mesures structurelles devront être prises dès cet automne ;

- s'agissant des céréales, secteur qui reste en crise - la production ayant baissé en 2001 malgré la mise en œuvre d'une baisse des prix demandée depuis 1992 - des tensions sont à craindre en raison de la qualité de la moisson et d'arrivées très importantes de blés russe et ukrainien. M. Franz Fischler a proposé de rétablir la préférence communautaire et la Commission européenne a reçu mandat le 23 juillet pour renégocier la protection aux frontières de l'Union européenne, ce qui donne lieu en ce moment à un intense débat à l'OMC avec les Etats-Unis, qui préfèrent au système des quotas, souhaité par l'Union européenne, le recours à une nouvelle cotation dite « Odessa » ou « Mer Noire » ; il s'agit là d'un sujet en discussion pour longtemps à l'Organisation mondiale du commerce ;

- les négociations sur la PAC ne font que commencer. Force est cependant de constater que le découplage des aides est aujourd'hui récusé par dix des quinze Etats membres, six d'entre eux partageant des positions voisines des nôtres. En tout état de cause et, quel que puisse être le résultat des élections allemandes, une réforme de la PAC n'est pas envisageable sans un accord entre la France et l'Allemagne que le Gouvernement travaille à préparer. Il convient également d'expliquer aux pays du nord de l'Europe que notre position n'est pas gouvernée par un souci de « retour budgétaire », mais s'explique par notre attachement légitime à notre civilisation agricole et rurale. Les propositions du commissaire Fischler ne respectent pas le mandat de négociation donné par le Conseil des ministres qui était cohérent avec l'accord de Berlin et un nouveau mandat de négociation n'est pas à l'ordre du jour ;

- les orientations qu'il faut privilégier pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) sont de parvenir à le simplifier et à le rendre plus équitable ;

- sept cas d'encéphalopathie spongiforme ont frappé la filière caprine. Le traitement sanitaire le plus efficace est nécessaire. L'Etat fera naturellement face à ses responsabilités en matière d'indemnisation et prendra en compte les spécificités de cette filière et, en particulier, les difficultés qu'elle rencontre pour le renouvellement des troupeaux ;

- le rapport sur la distribution des médicaments vétérinaires est en cours d'étude, notamment en ce qui concerne ses implications réglementaires ;

- la lutte contre le trafic des animaux de compagnie sera vigoureusement poursuivie, l'importance du sujet ne devant pas être sous-estimée, en particulier en raison des risques de contagion animale et humaine ;

- le dispositif relatif au « contrat vendange » peut être mis en œuvre sans texte d'application et des instructions ont été données en ce sens à l'administration. Certains aspects doivent toutefois être précisés, notamment pour mieux prendre en compte la saisonnalité, ce qui est envisageable dans le cadre de la discussion du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise ;

- la question de la luzerne déshydratée est un sujet dont on ne parle pas souvent et qui pose des problèmes spécifiques qu'il conviendra de traiter, notamment dans le cadre de la réforme de l'organisation commune du marché concernée, une proposition en ce sens ayant été transmise à la Commission européenne ;

- les décrets d'application de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt seront pris et sont en cours d'élaboration ;

- le contrat d'objectifs Etat-Office national des forêts n'est pas remis en cause. La réforme de l'organisation de l'ONF a suscité des réactions qu'on ne peut ignorer. C'est pourquoi, il a été demandé au directeur général de cet établissement public de reprendre la concertation avec les organisations syndicales ;

- le principe de contrats territoriaux d'exploitation collectifs n'est pas remis en cause ;

- la défense de notre position en ce qui concerne la réforme de la politique de la pêche sera délicate. La présentation très habile de ses propositions par la Commission européenne a fait apparaître dans l'opinion publique les pêcheurs comme les responsables de l'épuisement de la ressource, ce qui est préoccupant. La France peut toutefois s'appuyer sur la vive émotion produite partout en Europe par les annonces de destruction des capacités de pêche et d'emplois. Il importe surtout de ne pas nier l'existence d'un problème de gestion de la ressource, d'où l'importance de formuler des contre-propositions crédibles ; le Gouvernement travaille en concertation avec les acteurs intéressés, notamment les organisations professionnelles de pêcheurs, sur la question des flottes de pêche des hypermarchés ; il est résolu à poursuivre la modernisation du secteur de la petite pêche ;

- beaucoup des difficultés que connaissent aujourd'hui les organisations communes de marché proviennent de l'imperfection de leurs mécanismes de régulation. C'était justement le but du « bilan à mi-parcours » décidé lors du sommet de Berlin que d'essayer d'identifier ces imperfections pour les corriger. Le commissaire Fischler n'a apporté aucune réponse sur ce terrain dans les propositions très globales qu'il vient de faire, et il est malheureusement à craindre que, dans les prochains mois, il s'en tienne à la défense de celles-ci plutôt que d'en revenir à la mission qui lui a été initialement impartie ;

- s'agissant de l'avenir de la « modulation », il est probable que ce dispositif sera reconduit en l'état après le 31 décembre 2002, puisque les remises en cause liées au « bilan de mi-parcours » ne pourront être décidées avant la fin de l'année 2002. Mais il est à craindre que la discussion sur ce dispositif s'inscrive alors dans une dialectique qui le mette en balance avec un mécanisme de « dégressivité ». En tout état de cause, le sort des CTE n'est pas lié à celui de la « modulation », puisqu'en dépit des intentions politiques initiales, c'est bien finalement l'Etat qui a financé les CTE ;

- le dispositif d'aide de trésorerie pour les coopératives viticoles est en place. Mais le secteur viticole mérite plus généralement un plan global de restructuration qui comporterait aussi un volet sur les retraites ;

- l'agriculture génère des quantités excédentaires d'azote qu'il serait sans doute possible de réutiliser pour la production d'énergie dans le cadre d'un dispositif de « cogénération ». Cela suppose un aménagement de la fiscalité relative à ce genre d'activité. Mais cela implique surtout une négociation préalable avec EDF. Les démarches de valorisation technologique, qui concernent aussi par ailleurs les biocarburants, dont il a d'ailleurs été fait mention dans le mémorandum envoyé à la Commission européenne en réaction au plan Fischler paraissent intéressantes ;

- en ce qui concerne l'idée reçue selon laquelle la politique agricole commune fonctionnerait au détriment du développement agricole dans le Tiers monde, il convient d'abord de constater qu'elle est principalement le résultat de la discrétion regrettable de la Communauté européenne lors des grandes réunions internationales sur le Tiers monde, comme celles organisées par la FAO. Les pays du « groupe de Cairns » en profitent en effet pour dénoncer la politique européenne et prôner les vertus de leur approche ultra-libérale de l'agriculture, à l'encontre d'ailleurs de l'intérêt des pays pauvres, qui ont tout à perdre au contraire à s'en remettre exclusivement aux mécanismes de marché. Les premières décennies de la construction européenne étaient pourtant allées de pair, sous l'impulsion du Général de Gaulle, avec une implication forte dans l'aide au Tiers monde, à travers par exemple la mise en place du mécanisme du STABEX. Un « conseil d'analyse agricole » a été institué au sein du ministère de l'Agriculture, en vue d'éclairer les enjeux des politiques menées, notamment quant à leurs implications éventuelles pour le développement du Tiers monde ;

- le sentiment d'abandon ressenti dans les campagnes françaises est un sujet de préoccupation, pour le ministre qui est aussi en charge des « Affaires rurales » et gère à ce titre la DATAR en co-tutelle avec Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Un comité interministériel sur les affaires rurales est en cours de préparation ;

- le prélèvement effectué sur la trésorerie de la Mutualité sociale agricole ne remet pas en cause l'équilibre financier de celle-ci, et vise à combler le déficit du BAPSA, ce qui constituait de toute façon une priorité ;

- en ce qui concerne le taux de cotisation devant financer la retraite agricole, les organisations professionnelles ont souhaité qu'il n'excède pas un maximum de 3 %, et il en sera probablement tenu compte dans le dispositif finalement mis en place ;

- les adaptations nécessaires du droit du travail au contexte de l'agriculture seront étudiées en liaison avec le ministère des affaires sociales, et en concertation avec les organisations professionnelles.

3) Audition, conjointe, avec la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur la révision à mi-parcours de la politique agricole commune, le mardi 11 mars 2003

M. Patrick Ollier, Président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a tout d'abord observé que l'actualité agricole était marquée non seulement par la préparation du projet de loi sur le développement rural mais surtout par d'importants enjeux internationaux, qu'il s'agisse de la « révision à mi-parcours » de la politique agricole commune (PAC) ou des négociations agricoles à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Il a remarqué que la forte dimension européenne de ces enjeux justifiait une audition conjointe avec la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et a tenu à rappeler brièvement le contexte des discussions en cours au sein de l'Union européenne et à l'OMC.

S'agissant de la PAC, il a indiqué que la réforme proposée depuis juillet 2002 par le commissaire européen à l'agriculture, Franz Fischler reposait notamment sur la notion de découplage des aides et a rappelé que l'ensemble des syndicats agricoles français s'était prononcé contre cette idée. Il a donc souhaité savoir si le gouvernement français maintiendrait son opposition à un découplage total des aides et obtenir des précisions sur la possibilité pour la France de maintenir avec ses partenaires européens un « front du refus ».

S'agissant des négociations agricoles à l'OMC, il a souligné que la Commission examinerait prochainement une proposition de résolution adoptée par la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale.

Il a par ailleurs rappelé que l'Union européenne, malgré d'importants efforts accomplis ces dernières années pour s'ouvrir davantage encore aux produits agricoles du reste du monde, était l'objet de vives attaques provenant notamment des Etats-Unis et des pays du « groupe de Cairns ». Il a indiqué que, dans la perspective de la Conférence ministérielle qui aurait lieu à Cancun du 10 au 14 septembre 2003, les différentes parties devaient s'entendre, avant le 31 mars prochain, sur les « modalités » de ces négociations agricoles.

Le Président Patrick Ollier a ensuite remarqué que le projet d'accord rendu public le 12 février dernier par M. Stuart Harbinson, président du comité de l'agriculture de l'OMC, semblait très éloigné de la position adoptée le 27 janvier dernier par le Conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne. Il a ajouté que ce projet suscitait l'inquiétude des agriculteurs car il faisait reposer l'essentiel des concessions sur l'Union européenne et remettait fortement en cause le modèle agricole européen.

Il a souhaité recueillir sur ces enjeux les explications du ministre et savoir si l'Union européenne pourrait faire prévaloir ses intérêts dans la négociation en cours.

Après s'être félicité de la tenue de cette audition commune, le Président Pierre Lequiller a constaté que les problèmes agricoles étaient de nouveau au centre des préoccupations européennes. Il s'est réjoui que, dans ces conditions, le ministre ait mené une politique de discussion constante avec ses homologues européens, le commissaire européen Franz Fischler et les parlementaires nationaux. Puis, après avoir rappelé que la France défendait une position cohérente, constante et solide sur le respect des engagements pris aux Conseils européens de Berlin et de Bruxelles, il a souhaité poser trois questions au ministre. Il a d'abord souhaité connaître les chances de voir la France réunir une majorité d'Etats membres autour de sa position concernant les propositions de la Commission européenne sur le découplage intégral des aides et la baisse des prix d'intervention. Il s'est ensuite interrogé sur la réforme acceptable de la PAC que la France pourrait négocier avec une majorité de ses partenaires, les propositions de la Commission européenne ne pouvant être rejetées qu'à l'unanimité des Etats membres. Il a enfin souhaité savoir si la France ne devrait pas entreprendre auprès des futurs Etats membres un grand effort de communication sur les mérites de la PAC, afin de se constituer des alliés pour la défense du modèle agricole européen.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, a remercié les présidents de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire et de la Délégation pour l'Union européenne de l'avoir invité à faire le point sur les négociations européennes et internationales au seuil d'une année qui s'annonce chargée pour l'agriculture française et européenne. Il a regretté que les dossiers en cours aient recours à des mots souvent issus du jargon bureaucratique, tels que les notions de modulation, de découplage, de restitutions, d'accès ou encore de dégressivité. Il a déploré qu'un public d'initiés utilise ces concepts sans considération pour le travail des femmes et des hommes concernés.

Il a estimé qu'il existait deux conceptions distinctes de l'agriculture : d'une part, une conception industrielle où les prix sont toujours tirés vers le bas, les produits agricoles n'étant que des commodities s'échangeant parfois même sur des marchés à terme ; d'autre part, une conception de l'agriculture où l'acte de production est primordial, même s'il n'exclut pas la multifonctionnalité. Il a estimé que dans cette seconde conception, l'agriculture contribuait également à l'entretien de l'espace, à l'aménagement du territoire, à l'emploi, à l'environnement, et devait donc être à la fois économiquement forte et écologiquement responsable.

Il a rappelé que le débat actuel remontait au début des années soixante, lorsque les Etats-Unis s'opposaient déjà à la mise en place d'une politique agricole commune. Il a regretté qu'aujourd'hui la PAC et les positions européennes ne soient pas suffisamment défendues, alors que de nombreux journaux ou rapports d'organisations internationales critiquent celles-ci avec des arguments fallacieux et parfois matériellement erronés. Il a d'ailleurs rappelé qu'il s'était efforcé, dans un article paru en octobre 2002 dans vingt quotidiens, de rectifier certaines erreurs et de réfuter certaines critiques avec l'appui d'autres ministres de l'Union européenne.

Il a indiqué que des dossiers internationaux particulièrement importants avaient dû être traités depuis l'arrivée du Gouvernement aux affaires, qu'il s'agisse, l'an dernier, de l'élargissement de l'Union européenne ou, cette année, des négociations à l'OMC et de la révision à mi-parcours de la PAC.

S'agissant de l'élargissement, après avoir rappelé que l'état d'esprit dominant tendait à remettre en cause la PAC en raison de l'élargissement, il a indiqué que le sommet de Bruxelles du 25 octobre 2002 avait heureusement dénoué la situation en allouant une enveloppe globale à l'agriculture européenne. Il a précisé que cette enveloppe se subdivisait en trois sous-enveloppes, la première destinée aux quinze Etats membres actuels, la seconde aux dix nouveaux Etats membres, la troisième constituant une provision pour le cas où la Roumanie et la Bulgarie entreraient rapidement dans l'Union européenne. Il a annoncé une augmentation annuelle d'1 % de cette enveloppe globale, celle-ci ne devant pas être renégociée en 2006-2007, puisqu'elle fixe les perspectives de la PAC jusqu'en 2013. Il a estimé que, les futurs Etats membres siégeant dès avril prochain avec voix consultative, puis comme membres à part entière à partir d'avril 2004, il était nécessaire d'engager dès maintenant avec eux un travail commun qui permette de dissiper les craintes nées de part et d'autre. Evoquant notamment ses déplacements en Pologne, il a noté que l'élargissement devait profiter à tous, la mise à niveau progressive des pays candidats allant de pair avec un élargissement du marché intérieur qui profite également aux Etats membres. Il a souhaité que des relations bilatérales s'établissent entre les Etats, notamment sur des sujets comme l'aménagement rural, le remembrement ou l'aménagement foncier, ces opérations ne pouvant s'inscrire que dans la durée.

Abordant la question de la revue à mi-parcours, le ministre a d'abord observé qu'il ne s'agissait pas d'une réforme de la PAC. Il rappelé que, lors des négociations sur l'Agenda 2000 ou sur la réforme de la politique commune de la pêche, des contraintes de calendrier et de délai s'imposaient aux Etats, tandis que les conclusions de Berlin ne fixent en revanche aucune autre date butoir que 2007 pour la réforme de la PAC. Il a souligné que les propositions formulées par la Commission européenne dans le courant de l'année dernière, et réitérées à la fin du mois de janvier 2003, ne couvraient pas l'ensemble des questions. Il a fait part de son opposition à une poursuite de la baisse des prix du lait et des céréales, au découplage total des aides ainsi qu'à une modulation dont le produit n'irait pas à l'aménagement rural, relevant du deuxième pilier, mais au financement de baisses de prix pour les céréales et le lait, du fait d'un jeu de vases communicants. Il s'est en revanche montré favorable au développement du deuxième pilier, à une simplification de la PAC, devenue trop complexe et bureaucratique, ainsi qu'à une meilleure prise en compte de l'environnement.

Revenant sur les différentes étapes de la négociation communautaire, il a observé que la Commission européenne avait toujours poursuivi les mêmes objectifs, alors même que dix à onze pays s'étaient opposés à ses propositions. Il s'est refusé à spéculer sur l'avenir des négociations tout en évoquant deux scénarios possibles : soit un refus des propositions de la Commission européenne engendrant un blocage qui, compte tenu des élections européennes et du renouvellement de la Commission, reporterait les décisions à 2005 ; soit l'acceptation de concessions réciproques aboutissant à une adaptation de la PAC.

Abordant la question des négociations devant l'OMC, il a souligné, après avoir rappelé que la Commission européenne négociait au nom des Etats membres, qu'il s'agissait d'un sujet indépendant de la révision à mi-parcours de la PAC, quoique certains aient voulu établir un lien entre ces deux questions en affirmant qu'un découplage s'imposait pour devancer les exigences de l'OMC. Il a relevé que la Commission européenne négociait cependant sur la base du mandat qui lui avait été confié en novembre 2000, reprenant exactement les conclusions du sommet de Berlin. Il a ajouté que le Conseil « Affaires générales » de janvier 2003 avait précisé ce mandat en y intégrant les réformes récentes et en incluant dans les subventions à l'exportation les marketing loans et l'aide alimentaire contracyclique des Etats-Unis. Il a rappelé que le débat agricole à l'OMC portait principalement sur les soutiens à l'exportation, les droits de douane et les mesures de soutien interne. Il a souligné que l'offre de négociation présentée par M. Stuart Harbinson, président du comité de l'agriculture à l'OMC, avait semblé à tous les ministres européens de l'agriculture déséquilibrée et excessivement favorable aux intérêts des Etats-Unis. Il a souhaité que, lors de la session ministérielle de Cancun en septembre 2003, les positions de la France, largement partagées, permettent de faire de la négociation le « cycle du développement » annoncé, les problèmes des pays en développement devant y trouver une solution. Il a déploré que la PAC ait été présentée comme responsable de la faim dans le monde lors du sommet de Johannesburg sur le développement durable et dans une tribune libre du ministre australien de l'agriculture récemment publiée par un quotidien français. Il a dénoncé cette tentative visant à stigmatiser la politique agricole de l'Union européenne et jugé contre nature l'alliance nouée entre les pays ultra-libéraux du « groupe de Cairns » et les pays en voie de développement, indiquant qu'il fallait agir pour dissocier ces alliés inattendus.

Il a rappelé que le Président de la République avait proposé, à l'occasion du sommet France-Afrique, que la discussion relative aux subventions à l'exportation s'étende aussi aux marketing loans et à la fausse aide alimentaire des Etats-Unis, un moratoire pouvant être mis en place pour l'Afrique dans l'attente des résultats des négociations à l'OMC. Il a ajouté que la position alors définie prévoyait également, en matière d'accès au marché, l'institution de préférences spécifiques au bénéfice des pays les plus pauvres, l'extension de la clause de la nation la plus favorisée ne profitant pas réellement à ceux-ci mais plutôt à des pays favorisés comme l'Australie. A cet égard, le ministre a rappelé que l'Union européenne absorbait quatre à six fois plus d'importations en provenance de pays en développement que le « groupe de Cairns ». Il a souligné que l'évolution des marchés mondiaux agricoles depuis dix ans montrait que la part de l'Union européenne avait diminué, celle des Etats-Unis ayant stagné, tandis que celle du « groupe de Cairns » montait en flèche et que celle des pays les plus pauvres était passée de 3,4 % au début des années 1980 à 1,2 % à la fin de l'année 2000.

M. Hervé Gaymard a enfin évoqué la question du prix des productions de base comme le coton, le café, le cacao et l'arachide, matières premières dont il a estimé que les prix avaient perdu tout rapport avec les coûts de production et avec les besoins de ces pays puisqu'ils étaient négociés dans les bourses de marchés à terme. Il a souhaité que l'Europe prenne des initiatives pour stabiliser le cours de ces produits en se délivrant de tout conformisme intellectuel pour avancer des propositions concrètes.

M. Antoine Herth s'est félicité de l'importance accordée par le ministre à la consolidation des organisations communes de marché. Il a noté que M. Fischler concevait les aides compensatoires comme un moyen de maîtriser les volumes de production. Or, il a estimé que ces aides pourraient conduire, à terme, à un démantèlement de la production si elles s'inscrivaient dans une telle démarche, reposant notamment sur des quotas et des mises en jachère.

Il s'est ensuite interrogé sur le calendrier de mise en œuvre des réformes envisagées pour la révision à mi-parcours de la PAC et sur l'existence d'une date butoir à la fin du premier semestre, afin de préparer les négociations de l'OMC, et sur la signification d'un éventuel découplage partiel. Il a en effet estimé que le renforcement du financement du développement rural par les crédits du « deuxième pilier » pouvait déjà constituer une forme de découplage partiel. Il s'est interrogé sur l'évolution de la politique agricole nationale, dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne à 25 membres, effectif pour l'échéance agricole de 2006. Il a en particulier jugé nécessaire d'améliorer la compétitivité de l'agriculture française tout en renforçant la politique de préférence communautaire. Il s'est enfin inquiété de la situation agricole des pays en voie de développement, les productions de rente, comme le cacao et le café étant largement déréglementées, et les cultures vivrières, particulièrement importantes pour l'Afrique, n'étant pas encouragées. Il a souligné que l'Union européenne pourrait utilement favoriser dans ces pays l'émergence d'une politique de préférence nationale, sous forme douanière notamment.

M. François Sauvadet a rappelé qu'il était essentiel d'examiner les enjeux de la révision à mi-parcours de la PAC, alors que l'élargissement de l'Union européenne en ferait la première puissance agricole au monde. Il a estimé que les nouveaux membres pouvaient constituer non pas une menace mais au contraire des alliés pour la défense de la production et du développement, pour peu qu'ils prennent en compte la place de l'agriculture dans leur économie nationale.

Il s'est demandé si des leçons avaient été tirées des lourdes conséquences des négociations intervenues dans le passé, tant au niveau européen que mondial, en particulier de 1990 à 1992, qui avaient abouti à sacrifier des pans entiers de l'agriculture. Il a donc jugé souhaitable, face à l'assurance troublante du commissaire européen à l'agriculture, renvoyant avec désinvolture toute évaluation des conséquences des choix proposés au site Internet de la Commission européenne, de commencer par débattre de la politique agricole de l'Union européenne en tant que nouvelle grande puissance agricole. Il s'est également inquiété du risque que le débat sur le budget agricole commun ne verrouille la réflexion stratégique dans ce domaine et s'est interrogé sur la marge de manœuvre dont disposait la France dans les négociations tant européennes que mondiales, compte tenu de l'impavidité de la Commission européenne. Enfin, il s'est inquiété du contraste existant, en matière de sécurité alimentaire, entre la réglementation française et la déréglementation qui prévaut sur le marché mondial. Il a estimé que ce décalage ne pouvait être accepté par les agriculteurs et souhaité que les préoccupations de sécurité alimentaire soient intégrées dans les négociations en cours.

M. François Brottes a fait remarquer que la pédagogie, à l'échelle européenne, était plus que jamais nécessaire, l'avenir de l'agriculture nationale étant désormais défini à ce niveau. Il a souligné que l'accord intervenu à Berlin, reposant sur une baisse de 10 % des aides européennes à l'agriculture française, une réorientation de celles-ci vers les nouveaux Etats membres d'Europe centrale et orientale et des améliorations qualitatives, ne se traduisait pas dans les faits. Il a noté que les propositions du commissaire européen à l'agriculture visant à instituer des contreparties vertueuses aux aides attribuées, afin d'encourager, par exemple, l'amélioration des règles d'hygiène ou le respect de l'environnement, la réorientation des aides vers les petites exploitations, le développement rural, la simplification des aides et le découplage partiel avec la production afin d'éviter un productivisme absolu étaient à priori intéressantes. Mais, il a remarqué que, dans les propositions de la Commission européenne, le découplage était intégral, l'attribution forfaitaire des aides entérinant le système de répartition actuel. Il a ajouté que les échanges de droits acquis proposés pourraient profiter à des non agriculteurs, tandis que le diester était condamné et la réforme des quotas laitiers remise en cause. Il a jugé que l'ensemble de ces mesures conduisait à une réforme complète de la PAC privilégiant un assainissement abstrait du marché sans se préoccuper des réalités humaines. Il s'est demandé si le refus de la France d'entrer dans les discussions sur une réforme de la PAC n'avait pas été partiellement à l'origine de cette évolution et s'est interrogé sur la méthode à suivre pour trouver une issue positive à cette négociation, compte tenu des règles de décision au sein de l'Union.

M. Daniel Garrigue a remercié le ministre pour son exposé clair et déterminé sur la position de la France dans les discussions en cours. Puis, il a souhaité connaître le sentiment du ministre sur l'attitude de la Commission européenne vis-à-vis de l'accord intervenu au Conseil européen de Bruxelles. Il a en effet rappelé que la Commission européenne avait fait une première série de propositions concernant la PAC en juillet dernier, propositions qu'elle avait maintenues en janvier 2003 sans tenir compte de l'accord de Bruxelles négocié dans l'intervalle. Il a par conséquent estimé que la portée effective de cet accord pouvait soulever quelques inquiétudes. S'agissant des pays candidats, il a jugé important de donner à ces derniers des orientations claires sur le type de politique agricole qui serait pratiqué en Europe dans les prochaines années. Il s'est donc demandé si l'accord de Bruxelles donnait de telles orientations et apportait les financements nécessaires à celles-ci.

M. André Chassaigne a fait part de la grande inquiétude qui s'exprime dans les territoires ruraux, notamment les plus fragiles d'entre eux, quant au devenir de l'agriculture, puisque les évolutions en cours sont perçues comme n'offrant l'alternative à terme que de la désertification ou de l'agriculture d'agrément, l'horizon semblant se fermer pour une agriculture de production axée sur la qualité. Il a souligné le fait que ce contexte aggravait le problème de l'installation des jeunes agriculteurs, et qu'en particulier le dispositif de la dotation aux jeunes agriculteurs ne bénéficiait aujourd'hui qu'à seulement 50 % des installations nouvelles ce qui soulève la question de l'adéquation des aides aux besoins. Partant de ce constat alarmant, il a demandé si la revue à mi-parcours de la politique agricole commune ne conduirait à des mesures, notamment concernant le deuxième pilier, ayant des conséquences néfastes pour l'activité dans les territoires ruraux. Il s'est ensuite interrogé sur l'impact qu'auraient les négociations de l'OMC sur le dispositif des aides à l'exportation, et émis la crainte que leur démantèlement ne contribue à réduire le rôle de l'agriculture sur le territoire européen.

M. Christian Paul s'est réjoui que le ministre puisse rendre compte devant les parlementaires de la diplomatie agricole active qu'il mène. Il s'est toutefois déclaré inquiet des orientations que le ministre semblait donner à cette diplomatie. Il a souligné que l'accord adopté par le Conseil européen de Bruxelles se traduirait en effet par une baisse brutale, à partir de 2007, des aides versées à notre agriculture. Il a considéré qu'il était légitime de s'interroger sur les conséquences pour l'agriculture française de ce compromis, dans la mesure où il résultait d'un choix délibéré. Il a, d'autre part, estimé que la stratégie de négociation de la France concernant la révision à mi-parcours de la PAC semblait être exclusivement dictée par des considérations de court terme. Il s'est inquiété du risque que le blocage des propositions de la Commission européenne, stratégie qui semble a priori payante, ne contrevienne ultérieurement plus gravement encore aux intérêts de la France. Il a estimé préférable pour la France, sur le long terme, une « guerre de mouvement » à une « guerre de tranchées », qui devrait s'appuyer sur des orientations claires permettant à la France de jouer son rôle d'inspirateur de la politique agricole. Il a ainsi estimé que les propos du ministre relatif à la spécificité et au caractère multifonctionnel des activités agricoles s'inscrivaient dans cette perspective et constituaient d'ailleurs un hommage à la loi d'orientation agricole adoptée par la précédente majorité. Il a en outre noté que l'hostilité du ministre à un découplage intégral ne signifiait apparemment pas qu'il s'opposerait à un découplage partiel. Il s'est enfin interrogé sur les moyens de financer le « deuxième pilier » dans un contexte de baisse de l'enveloppe consacrée à l'agriculture et dans l'hypothèse d'une absence de modulation des aides à l'agriculture.

M. Michel Raison a commencé par observer qu'un découplage partiel était déjà mis en œuvre dans le dispositif actuel de la politique agricole commune, puisque les aides étaient déjà accordées pour partie indépendamment des quantités produites, s'agissant notamment des aides à l'hectare, qui sont indépendantes du rendement à l'hectare, et des aides à la brebis, qui sont indépendantes du nombre d'agneaux par brebis. Il a ensuite demandé si le ministère de l'agriculture avait conduit des études sur l'impact qu'aurait l'élargissement prochain de la Communauté européenne pour l'agriculture française, déclinées suivant les différents types de production, mais aussi en fonction des risques pour l'industrie agroalimentaire, notamment celle impliquée dans la filière de la volaille. Il s'est ensuite interrogé sur le point de vue de pays membres quant au maintien de la vocation exportatrice de la Communauté européenne, ce point lui semblant devoir impérativement être éclairci avant toute refonte de la politique agricole commune. Il a enfin souhaité connaître les conséquences que pourraient avoir pour l'agriculture française les divergences qui peuvent apparaître dans les champs de la diplomatie internationale non liés directement à l'OMC, et en particulier le désaccord actuel entre la France et les Etats-Unis sur la question de l'Irak.

M. Michel Piron s'est inquiété des moyens à la fois politiques, financiers et techniques dans une Europe élargie permettant d'assurer le contrôle de certains éléments indispensables pour assurer une concurrence loyale ; et a évoqué à cet égard la sécurité alimentaire et la traçabilité des produits d'origine agricole, dont il a souligné qu'ils donnaient lieu à l'intervention de nombreux intermédiaires, rendant d'autant plus difficile le contrôle de la qualité de ces produits.

En réponse aux divers intervenants, M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, a précisé les points suivants :

- certains Etats membres souhaitent fixer une date butoir au 30 juin 2003 afin de réformer en hâte la PAC avant le sommet de Cancun au mois de septembre 2003. La France n'est pas favorable à une telle démarche et considère qu'il n'y a pas urgence à mener une telle réforme avant le 30 juin 2003, date à laquelle prendra fin l'actuelle présidence grecque de l'Union européenne. Non seulement le calendrier des négociations qui auront lieu à l'OMC après la tenue de ce sommet, qui ne constitue qu'une étape, n'est pas connu, mais en outre, l'Union européenne a présenté un document préparatoire tout à fait équilibré et qui semble satisfaisant ;

- s'agissant du découplage des aides, souvent présenté comme un préalable indispensable à la négociation OMC, il n'est nullement fait mention d'un tel découplage, qu'il soit total ou partiel, dans les documents communiqués par le Comité de l'agriculture de l'OMC le 12 février dernier ;

- le découplage partiel des aides existe déjà comme l'a justement souligné M. Michel Raison. En outre, depuis quelques mois, ont été émises des propositions espagnole et allemande ainsi qu'une proposition adoptée à l'unanimité par la Commission chargée de l'agriculture au sein du Parlement européen, relatives à la mise en place d'un découplage partiel. La France a d'ores et déjà demandé à la Commission européenne de lui présenter des études d'impact sur le découplage total ainsi que sur le découplage partiel des aides. Aucune réponse n'a été fournie à ce jour. Il convient, par ailleurs, d'être attentif au fait que les situations peuvent être très différentes selon les filières agricoles concernées. Ainsi, à la différence de la filière céréalière, la filière bovine se caractérise par une multiplicité d'aides qui gagneraient sûrement à être rationalisées ou simplifiées, sans que l'on parle pour autant de découplage. D'une manière générale, on peut déplorer que les négociations européennes tendent à se concentrer sur de faux débats alimentés par des termes emblématiques, tels que le découplage, alors que des points importants, qui mériteraient des débats approfondis, ne sont pas traités ;

- en termes de moyens budgétaires, la politique nationale est étroitement liée à la politique communautaire, puisque les deux tiers du budget consacrés à l'agriculture et 90 % des interventions en faveur des agriculteurs émanent de Bruxelles. Pour autant, il serait réducteur de résumer la politique menée par les pouvoirs publics français à de simples questions budgétaires ; elle recouvre également les politiques ayant trait à l'installation des agriculteurs, aux structures des exploitations, à la gestion des marchés non soumis à l'OMC ou encore à la politique foncière ;

- concernant les pays en voie de développement, il est important de garder à l'esprit que, seulement 10 % de la production agricole mondiale est échangée sur le marché mondial. Affirmer que le commerce constitue la solution à tous les problèmes est donc un leurre et plutôt que de s'en tenir au slogan « trade not aid », il serait préférable de promouvoir la formule « trade but aid ». En effet, il est indispensable de mener une politique portant sur des éléments fondamentaux tels que l'irrigation, la formation des agriculteurs ou le sauvetage des cultures vivrières, ces questions semblant en effet nettement plus importantes aux yeux des pouvoirs publics concernés, africains notamment, que des mesures comme le découplage des aides. Concernant plus spécifiquement les cultures vivrières, il est incontestable que celles-ci sont menacées par la libéralisation du commerce, comme le montre l'exemple éclairant du Mexique au sein de l'ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), qui pourrait utilement inspirer les parties lors des négociations au sein de l'OMC ;

- l'Union européenne a implicitement décidé d'atteindre un très haut niveau de normes, tant pour ce qui concerne la protection de l'environnement, que le bien-être animal ou la sécurité sanitaire et alimentaire. Ce choix a un coût élevé et l'on constate que les agriculteurs sont peu aidés pour mettre aux normes leurs installations. Parallèlement, il est demandé à ces derniers, dans le cadre des négociations multilatérales, d'ouvrir leurs marchés, ce qui conduit à accueillir des produits dont on ne connaît pas la qualité. Or, on constate que lorsque de tels arguments sont exposés au sein de l'OMC, la France est taxée de protectionnisme.

Pour relever ce défi, plusieurs solutions peuvent être envisagées. En premier lieu, il convient de mettre en place des moyens humains suffisants afin d'assurer une surveillance sanitaire efficace aux frontières de l'Union élargie, par exemple, entre la Pologne et l'Ukraine. Des contrôles aux frontières existent déjà, ainsi que des programmes de coopération bilatéraux en matière de traçabilité et de sécurité sanitaire qui doivent être renforcés. En second lieu, il est temps que l'Union européenne finance les conséquences de ses décisions en matière de réglementation et de mise aux normes, selon un principe que la France s'attache à faire valoir et qui pourrait être énoncé de la manière suivante : « qui normalise, paye » ;

- les modalités des négociations menées à Bruxelles soulèvent de sérieuses interrogations. Ainsi, il semblait établi que, dans la revue à mi-parcours de la PAC, ne seraient pas abordées les questions relatives au lait et au découplage des aides. Toutefois, la Commission européenne, qui dispose du pouvoir d'initiative, a fait figurer ces thèmes dans ses propositions ; au mois de juin 2002, près des deux tiers des Etats membres se sont élevés contre cette démarche, mais la Commission européenne a maintenu ses propositions, auxquelles la France s'oppose ;

- le paquet dit « Fischler » ne saurait résumer à lui seul tous les problèmes qui devraient être gérés au sein de la PAC. On peut sur ce point citer le coût de la mise aux normes des exploitations, ou encore l'absence d'organisations communes de marchés pour les filières de la volaille et du porc, pour lesquelles il y aurait pourtant tout intérêt à mettre en œuvre des « filets de sécurité » communautaires afin de faire face à des crises éventuelles. Il a été éclairant de constater, lors du Salon de l'agriculture, qu'une grande majorité des ministres européens chargés de l'agriculture rencontre ce type de problèmes qui ne donnent lieu à aucune proposition de la part de la Commission européenne. Une telle situation est regrettable au regard de l'importance accordée à des débats théoriques ou symboliques peu utiles. Le processus de décision communautaire pose donc aujourd'hui problème et est générateur d'anxiété pour les agriculteurs.

La Commission européenne ayant le monopole du pouvoir d'initiative, l'unanimité des Etats membres est nécessaire pour imposer une contre-proposition, tandis que la Commission européenne ne peut imposer ses propres propositions sans recueillir une majorité qualifiée. Cela a permis à la France dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche de constituer une majorité qualifiée qui a été déterminante sur le résultat final ;

- le processus de décision européen n'est pas satisfaisant, comme l'a montré le déroulement des négociations relatives à la réforme de la politique de la pêche ; or la réforme de la PAC revêt une complexité beaucoup plus grande que celle de la pêche. La Convention sur l'avenir de l'Europe pourrait utilement s'emparer de ce sujet de réflexion. D'une manière générale, le processus de décision en vigueur au sein de l'Union européenne sur les questions agricoles est contre-productif et anxiogène, en raison de son caractère caricatural conduisant à focaliser les discussions sur quelques sujets emblématiques mais en réalité secondaires ;

- la Commission européenne, malgré les demandes répétées des Etats membres et notamment de la France, n'a fourni aucune véritable étude sur l'impact du découplage total des aides qu'elle préconise et n'a apparemment pas entamé de réflexion sur une formule de découplage partiel. Il n'est pas possible de savoir si un accord pourra être obtenu avant la fin de la présidence grecque ni même avant 2006, un tel blocage institutionnel n'étant évidemment pas satisfaisant ;

- les trois enveloppes budgétaires arrêtées lors du sommet de Bruxelles pour les quinze membres actuels, les dix futurs Etats membres, ainsi que pour la Roumanie et la Bulgarie ne doivent pas susciter d'inquiétudes particulières. En effet, il n'existe pas de répartition des aides entre Etats fixée à l'avance, la masse de crédits accordée à chaque pays dépendant de son niveau de production. Par ailleurs, l'accord obtenu à Bruxelles se réfère au plafond des dépenses fixé à Berlin et non pas aux dépenses réelles qui lui sont inférieures, ce qui donne une certaine marge de manœuvre ;

- la France mène, en coopération avec les autres Etats membres non satisfaits par l'approche de la Commission européenne, une réflexion pour élaborer un projet plus global de réforme de la PAC. En effet, de nombreuses productions agricoles qui ne sont pas aujourd'hui concernées par la PAC devraient être prises en compte. Par ailleurs, la distinction entre premier et deuxième pilier apparaît peu compréhensible et même fallacieuse. La France souhaite, malgré l'inertie et la complexité qui dominent les procédures communautaires, surmonter cette distinction et renforcer dans l'ensemble des aides européennes les aspects relatifs à l'environnement et au développement rural ;

- s'agissant de l'installation des jeunes agriculteurs, il est nécessaire de donner des perspectives à la fois sur le plan financier et sur le plan du contenu des politiques nationales et européennes, ce qui suppose notamment un effort de simplification des procédures. Le ministère chargé de l'agriculture annoncera bientôt des décisions opérationnelles puis, dans un deuxième temps, des propositions relevant du domaine législatif ;

- s'agissant des subventions à l'exportation, le mécanisme des restitutions communautaires, dont la part dans les dépenses de l'Union européenne est passée en quelques années de 30 % à seulement 6 % grâce à l'amoindrissement des excédents de production, reste le volet de la PAC le plus contesté en raison de son possible impact sur les pays en développement. Il convient d'aborder ce sujet avec loyauté mais sans naïveté, l'Union européenne exigeant à juste titre un effort des Etats-Unis, qui ont recours à des aides alimentaires contracycliques et à des « marketing loans » plus pénalisants encore pour les pays en développement ;

- l'impact de l'élargissement sur la PAC ne doit pas être exagéré, car les dix futurs Etats membres ont un poids comparable à celui de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal au début des années quatre-vingt. De profondes transformations n'en demeureront pas moins nécessaires pour assurer la conformité aux normes communautaires de leur production. Une politique coordonnée de maîtrise de la production devra être conduite mais, à terme, la France pourra trouver avec des pays tels que la Pologne de nouveaux alliés en matière agricole et bénéficiera donc de cet élargissement ;

- il est indispensable que la PAC régule les marchés, ce qui nécessite le maintien de puissantes organisations communes de marché et leur extension à certaines filières actuellement peu ou pas couvertes telles que les fruits et légumes, la production porcine et avicole ;

- la vocation exportatrice de l'Union européenne est certaine mais ne doit pas conduire à une surproduction agricole qui engendrerait une baisse des cours ;

- le gouvernement français considère que l'agriculture ne doit pas être une variable d'ajustement dans les discussions en cours à l'OMC, ni le « banquier » des avancées proposées. L'Union européenne a déjà effectué de nombreuses concessions en matière agricole et ne devrait donc pas aller plus loin aux dépens de ses agriculteurs.

4) Compte-rendu de la réunion de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, le mercredi 28 mai 2003

M. Jean-Marie Sermier, rapporteur, a rappelé qu'en janvier 2003, la Commission européenne avait présenté un ensemble de propositions réglementaires qui forment la base de ce qu'elle appelle la révision à mi-parcours de la PAC.

M. François Guillaume a déjà eu l'occasion d'exposer devant la Délégation les enjeux des négociations agricoles à l'OMC, qui constituent l'un des aspects importants du problème. Les récentes journées d'action des agriculteurs ont également rappelé que l'avenir de l'agriculture n'est pas un sujet indifférent à nos concitoyens, qui ont le sentiment, trop juste hélas, d'être menacés dans leur existence par les propositions de la Commission.

Le rapporteur a annoncé qu'après quelques rappels essentiels, il traiterait de la question du découplage, total et partiel, pour aborder ensuite les propositions concernant le développement rural.

Il faut d'abord écarter quelques idées reçues sur la PAC actuelle, telle qu'elle est issue des réformes de 1992 et 1999 :

- ce n'est pas une politique budgétivore, puisque l'accord de Bruxelles d'octobre 2002 a pu garantir ses perspectives financières jusqu'en 2013 ;

- elle n'est pas source d'excédents, puisque les réserves de blé panifiable dans le monde ne représentent aujourd'hui que la consommation de trois semaines ;

- la PAC ne nuit pas à l'environnement, puisque la réglementation agro-environnementale a fait au contraire baisser l'utilisation d'engrais et autres produits phytosanitaires ;

- la PAC n'affame pas les pays pauvres, puisqu'elle ne détermine ni les cours du cacao, ni ceux de l'arachide, l'Union européenne étant par ailleurs le premier importateur de produits agricoles en provenance du Tiers monde.

Quant au découplage, chacun en donne sa définition aujourd'hui, mais il importe avant tout de percevoir les immenses dangers qu'il fait courir à l'agriculture européenne. S'il revient en effet à supprimer tout lien entre la production et le soutien public, c'est le cœur de l'activité agricole qui se trouve mis en cause. Il y a une différence de nature entre l'agriculture et le simple jardinage. En supprimant tout lien avec la production, les adeptes du découplage voudraient pourtant réduire l'agriculture européenne à une fonction purement ornementale. Cela irait à l'encontre même de leurs intentions, car les exploitants abandonneront vite un travail pénible et difficile s'ils sont réduits à vivre de presque rien.

Radicale, la transformation prévue devrait en effet avoir lieu à moindre coût. Certes, la Commission prétend qu'elle conserverait à chaque exploitant le soutien qui lui est apporté aujourd'hui par diverses voies, en lui allouant simplement à l'avenir un versement forfaitaire. Mais, puisque ce chèque de la Commission serait en quelque sorte un chèque en blanc, ne correspondant à aucune production précise, il ne pourrait s'agir que d'une solution de transition. Il ne serait pas possible de tenir longtemps les prétendues « références historiques ». D'insoutenables distorsions de concurrence apparaîtraient entre les producteurs, qui seraient libres de réorienter leur activité comme bon leur semble alors que la Commission leur verserait des sommes très inégales. Cela condamnerait sans aucun doute le système à quitter sa forme originelle à très brève échéance. Un RMA serait alors mis en place, revenu minimum agricole qui serait une sorte de RMI à l'européenne pour les agriculteurs. Voilà ce qu'on ne peut envisager à aucun prix.

Au demeurant, il apparaît aujourd'hui que le découplage intégral ne sera pas appliqué, ces propositions ayant été très tôt rejetées par la plupart des Etats membres, grâce à l'action menée notamment par M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture. En provoquant des réactions, le projet a cependant contraint les Etats à faire mouvement sur le dossier agricole, ce qui constituait sans doute un premier but de la Commission. Il est aujourd'hui question de découplage partiel.

Sous cette formule vague, chacun peut entendre ce qu'il veut, ce qui paraît propre à rallier une sorte de majorité de lassitude, prête à consentir à tous les compromis pour pouvoir passer à d'autres sujets. Les autorités françaises ne veulent rien exclure, espérant sans doute préserver ainsi l'essentiel. La Délégation ne peut que leur souhaiter de réussir dans cette voie. Mais la Délégation jouit d'une liberté plus grande pour se prononcer sur la question du « découplage partiel », à propos duquel deux hypothèses sont à envisager.

Soit il s'agit d'un simple aménagement des propositions initiales, dont le contenu serait seulement édulcoré et atténué : la Délégation ne saurait alors l'accepter parce que, si l'esprit des propositions initiales devait demeurer, les conséquences du nouveau système seraient certes peut-être plus longues à se faire sentir, mais les mêmes causes produiraient finalement, de manière inéluctable, les mêmes effets désastreux. Accepter le découplage partiel passerait alors à juste titre comme un abandon déguisé aux yeux des exploitants.

Soit le découplage partiel finit par ne désigner qu'une sorte de moyen terme entre toutes les positions défendues à Bruxelles au sein du Conseil des ministres, sans plus de référence directe à la philosophie initiale du projet. Il agglomérerait alors des mesures réclamées par divers Etats membres, dont la France, et procéderait à certains des ajustements nécessaires pour faire évoluer la politique agricole. Il ne serait pas non plus expédient, même dans cette deuxième hypothèse, de conserver le nom de « découplage partiel », qui ne recouvrirait plus de réalité, mais continuerait à jeter dans l'inquiétude tous les agriculteurs européens.

Mieux vaut soutenir l'idée d'une simplification générale. Dans un esprit constructif, la proposition de résolution soumise à la Délégation dessine ainsi quelques pistes pour l'avenir de l'agriculture européenne. Par exemple, elle appelle à une consolidation de la politique des quotas laitiers, qui peuvent être un instrument essentiel de l'aménagement rural s'ils restent liés à un territoire et sont conçus pour favoriser l'élevage en prairie. Il ne faut pas craindre en effet de prendre au mot la Commission, qui prétend renforcer les mesures de développement rural.

Ce mouvement présente deux inconvénients, sur le terrain financier et au stade de la mise en œuvre.

Si le découplage menace le caractère agricole de la PAC, les propositions relatives au développement rural mettent en effet en danger sa dimension communautaire. Car les mesures de développement rural sont cofinancées par les Etats membres, en France à hauteur de 50 %. Si les fonds actuellement affectés au soutien des marchés sont redéployés vers ces mesures, les budgets nationaux seront donc mis largement à contribution. Par un changement subreptice de régime comptable, la France se trouverait ainsi dans l'obligation de trouver dans son propre budget jusqu'à huit milliards d'euros pour cofinancer la nouvelle politique, qui ne serait plus une politique européenne, mais une politique partagée. Ce recul de l'acquis communautaire n'est pas acceptable. Ce serait laisser s'effilocher le lien fédérateur le plus concret et le plus ancien qui existe entre tous les Européens.

Quant au discours même sur le développement rural, il apparaît très contestable. Il renvoie souvent à des mesures vagues et mal définies dont l'application n'est jamais sûre. Il oppose en effet agriculture et environnement, comme si l'essentiel de l'activité agricole se déroulait hors sol ou que l'environnement était autre chose qu'un espace habité et cultivé. Les mesures concrètes restent trop peu nombreuses. L'abondante réglementation communautaire en ce domaine offre un contraste frappant avec les centaines de millions d'euros qui restent sans emploi tous les ans, faute de projets correspondant aux différents cahiers des charges prévus. De louables efforts ont été entrepris pour améliorer la consommation de ces crédits, mais ils pourraient sans doute être aussi bien employés ailleurs.

La proposition de résolution est donc particulièrement ferme sur le point du développement rural : tout en faisant une place aux préoccupations environnementales, elle appelle à une extrême vigilance sur les transferts vers le second pilier et, en tout cas, s'ils devaient avoir lieu, à une réforme préalable du régime comptable, de façon à garantir que la PAC continue d'être financée à part entière à l'échelon européen, comme dans le passé.

Le Président Pierre Lequiller, après avoir remercié le rapporteur, a souligné que ses analyses étaient largement partagées : opposition de principe au découplage intégral, méfiance vis-à-vis du découplage partiel, vigilance sur les modalités d'un transfert vers le second pilier. Il a cependant exprimé le souci que la France ne se retrouve pas isolée.

M. François Guillaume a félicité le rapporteur pour avoir su mettre en lumière les dérives réelles et potentielles qui sont perceptibles dans les propositions de la Commission. L'un des dangers présentés par le découplage est l'agrandissement des exploitations, qui implique une baisse du nombre d'exploitants, les installations ayant déjà décru de moitié depuis dix ans. Cette diminution s'explique par les incertitudes qui planent sur l'avenir de l'agriculture, qui est invitée à devenir toujours plus écologique, sans qu'on sache ce que cela signifie vraiment. Le découplage partiel ne peut qu'être une étape vers le découplage général. Aucune catégorie sociale en Europe n'est menacée d'un pareil nivellement par le bas. S'il devait s'agir désormais de faire une politique des revenus, c'est assurément vers une formule d'impôt négatif pour tous qu'il faut s'orienter sans plus de délai. Quant au risque de l'isolement, il n'est pas si grand et mérite de toute façon d'être couru. Les autorités françaises ont déjà su déployer une diplomatie agricole très active à Bruxelles. Le débat actuel marque un tournant. Mis en place en Pologne, le découplage total y est présenté comme une solution seulement temporaire, ce dont il faut prendre acte. La Délégation doit donc engager le gouvernement à la plus grande fermeté.

M. Jacques Floch a rappelé qu'ayant la première agriculture d'Europe, la France se voit allouer des ressources communautaires qui sont seulement proportionnelles à l'importance des charges qu'elle supporte. Souvent hostile à la PAC, le Royaume-Uni n'en tire un moindre bénéfice que parce que son agriculture est moins vaste et moins diversifiée. Les agriculteurs connaissent mal le fonctionnement des institutions communautaires et il convient de leur rappeler que le Commissaire chargé de l'agriculture dispose certes d'un droit d'initiative, mais que seul le Conseil est compétent pour adopter un projet. Il devra d'abord se prononcer sur le respect du calendrier, la Commission proposant un changement profond des règles, pour ainsi dire au milieu du gué. Il apparaît ensuite qu'instituer un quelconque revenu minimum agricole reviendrait à enregistrer à moyen terme la disparition de l'agriculture, parce que ce serait le signe que la profession ne parvient plus à garantir elle-même l'équilibre entre les recettes et les dépenses. Il convient au contraire d'engager une démarche fondée sur la confiance dans ses capacités à apporter une valeur ajoutée, à se diversifier et à reconquérir la maîtrise des filières de distribution et du suivi des produits.

Les problèmes ne se posent pas dans les mêmes termes en France et dans les dix futurs Etats membres. Là, les responsables politiques s'attendent à la disparition prochaine des exploitations de survie, semblables à celles que connaissait la France des années 1950. Fondées sur la double activité des exploitants, elles s'éteignent lorsque le supplément de revenu apporté par l'exploitation n'est plus indispensable. En France, la situation est tout autre. C'est pourquoi il faut se battre sur les prix. Quant au développement rural, il se heurte aux mêmes difficultés que la politique des fonds structurels, dont la mise en œuvre réclame des financements locaux trop élevés, d'où une sous-utilisation chronique des crédits.

M. Jérôme Lambert a estimé que l'agriculture se différencie des autres activités économiques par trois aspects. En premier lieu, elle assure une fonction vitale : si l'humanité peut se passer de la production de voitures, elle ne peut s'arrêter de manger pour vivre. En deuxième lieu, l'agriculture joue un rôle essentiel pour l'indépendance politique d'un pays et a fortiori de l'Union européenne. Une nation peut dépendre de l'étranger si elle y achète son pétrole, mais elle peut toujours réduire cette dépendance en développant des sources alternatives d'énergie. La dépendance alimentaire revêt une toute autre ampleur, car elle remet directement en cause la souveraineté d'un pays. En dernier lieu, l'agriculture apporte une contribution décisive à l'aménagement du territoire. Toutes ces considérations conduisent à penser que l'approche économique traditionnelle ne peut lui être appliquée.

M. Jérôme Lambert a ensuite évoqué les réformes de la PAC des années 1990 pour souligner que l'agriculture européenne a déjà connu et survécu à plusieurs « régimes » de politique agricole. Le régime antérieur à ces réformes a eu des effets pervers importants. D'ailleurs, les agriculteurs eux-mêmes demandaient que cette ancienne PAC évolue, ce qui s'est produit même si la réforme finalement adoptée ne correspondait pas nécessairement à leurs attentes. Il a jugé que l'expérience du passé ne doit pas nous conduire à considérer que toute recherche d'une autre politique est absurde. La PAC a déjà su évoluer pour corriger quelques scories. C'est pourquoi le débat actuel doit être perçu par la France comme un défi à relever.

M. Jérôme Lambert a noté que le découplage existe déjà largement dans les faits, car plus personne n'indique réellement les rendements pour l'attribution des primes. Il a cité l'ensemble de champs plantés de quelques colzas seulement dans le seul but de rester « primables ». En ce qui concerne le risque d'un abandon de l'activité agricole suite au découplage, M. Jérôme Lambert a déclaré que c'est faire injure aux agriculteurs d'estimer qu'ils pourraient se contenter de toucher leurs droits à prime tout en laissant leurs terres à l'abandon. Il a ainsi contesté une phrase du rapport indiquant que le découplage induit la possibilité que le soutien à l'agriculteur puisse aller à des individus qui ne sont pas forcément agriculteurs. D'une certaine manière, c'est déjà le cas : tout le monde sait que certaines personnes éminentes perçoivent des aides de la PAC.

En conclusion, M. Jérôme Lambert a souhaité que la France tienne bon sur le dossier de la PAC, compte tenu des fonctions essentielles de l'agriculture. Il a souligné par ailleurs le fait que l'agriculteur s'est transformé en ouvrier spécialisé. Ce dernier n'est plus qu'un rouage d'une chaîne de production imposant ses méthodes et ses outils de travail. Il faut aider l'agriculteur à sortir d'un logique industrielle, qui tend à brimer les hommes.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- la nouvelle PAC préparée par la Commission conduit effectivement à moins d'installations et à plus de concentrations. D'autre part, si on veut éviter les problèmes posés par la transmission des droits à prime, il faut lier l'aide découplée à la surface, ce qui risque là encore de conduire à une concentration des exploitations ;

- les problèmes de positionnement sont essentiels. Mais comme la France représente plus de 20 % de la production agricole communautaire, la position qu'elle prendra dans les négociations sera déterminante ;

- l'exception agricole est une réalité. Les productions agricoles n'ont pas une valeur marchande comparable à celle des autres productions. En outre, les prix agricoles ne reflètent pas les coûts de production puisqu'ils résultent des pratiques exportatrices et des subventions des pays cherchant à conquérir des parts de marché ;

- s'il est vrai que les aides directes de la PAC sont partiellement découplées, leur versement continue d'obéir à des conditions de rendement ;

- on ne doit pas dire que le pari du découplage peut réussir en raison de l'existence d'une soi-disant mentalité agricole, qui pousserait les agriculteurs à produire quel qu'en soit le coût. Pour être maintenue, l'activité agricole doit d'abord être rentable. Comme tout chef d'entreprise, l'agriculteur est guidé par la rationalité économique. Des simulations effectuées par la Chambre d'agriculture du Jura indiquent que, dans certains cas, l'agriculteur ferait le choix le plus rentable en arrêtant quasiment de travailler son exploitation : il lui suffirait de passer, chaque année, un broyeur sur son exploitation et de compléter son revenu tiré des aides découplées par un salaire provenant d'une autre activité. L'agriculteur pourrait aussi faire le choix d'élever plus de vaches allaitantes, ce qui créerait des distorsions de concurrence et déstabiliserait le marché de la viande bovine, ou de tout miser sur la production de salades. De toute manière, il n'existe aucune étude générale sur les conséquences de long terme de l'introduction du découplage sur l'agriculture européenne.

La Délégation a ensuite examiné la proposition de résolution du rapporteur.

Au point 5 relatif aux négociations à l'OMC, M. Guy Lengagne s'est félicité que la rédaction retenue permette de mettre sur le même plan les demandes de l'Union européenne concernant la défense de la préférence communautaire, et celles des pays du tiers-monde concernant la reconnaissance du droit à la sécurité alimentaire.

Au point 8 relatif à la conditionnalité des aides, la Délégation a adopté, suite aux interventions du Président Pierre Lequiller, de MM. Jacques Floch, François Guillaume et Daniel Garrigue, un amendement précisant que les normes à respecter en matière de santé sont celles qui ont trait à la santé des consommateurs.

M. François Guillaume a estimé que le système d'audit obligatoire proposé par la Commission européenne risquait de créer des contraintes inacceptables pour les agriculteurs et était coûteux sur le plan budgétaire. M. Jacques Floch a rappelé que l'exigence du respect de la réglementation concernant la protection de la santé s'impose aussi à de nombreux commerçants et artisans. M. Jérôme Lambert a observé que des contrôles étaient déjà effectués en matière agricole sur une base non volontaire.

Le rapporteur a précisé que les propositions de la Commission européenne prévoient le contrôle de l'application de trente-huit textes et la création d'un système de conseil obligatoire. Il a jugé qu'une bonne conditionnalité des aides implique que les contrôleurs fassent leur travail en ayant en tête le souci de faire respecter davantage « l'esprit de la loi » que la « lettre de la loi ».

Après que la Délégation ait adopté le point 8 ainsi modifié, M. Daniel Garrigue a évoqué le problème des organismes génétiquement modifiés (OGM), qui constituent une piste d'avenir pour l'agriculture européenne et mondiale. Les OGM sont la nouvelle frontière de l'Europe verte, ils constituent un enjeu économique et politique considérable, comme le montre la contestation du moratoire européen portée par les Etats-Unis devant l'OMC. Après avoir rappelé que la sortie du moratoire européen sur les OGM est actuellement débattue, il a souhaité que la Délégation se penche sur la question.

Le Président Pierre Lequiller a exprimé son accord avec cette proposition après avoir noté qu'un grand partenaire comme le Canada avait fait depuis longtemps le choix de produire des OGM.

Au point 13, le Président Pierre Lequiller et M. Guy Lengagne ont souhaité revoir la formulation visant les « manipulations des pays exportateurs ». La Délégation a décidé de faire plutôt référence aux « manipulations de certains pays exportateurs ».

Au point 16, la Délégation a souhaité faire mention du rôle « pour l'environnement » de l'industrie de la déshydratation.

Au point 17, M. Jérôme Lambert s'est interrogé sur la portée des termes « hausse dûment et strictement proportionnée des quotas ». Le rapporteur a indiqué qu'il s'agissait de prévoir que l'attribution des hausses de quotas nationaux devra prendre en compte le niveau relatif des quotas existants.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée dont le texte figure ci-après :

PROPOSITION DE RESOLUTION


L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution

Vu la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen du 10 juillet 2002 sur la révision à mi-parcours de la politique agricole commune (COM [2002] 394 final),

Vu la proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant des régimes de soutien en faveur des producteurs de certaines cultures (COM [2003] 23 final-1 / E 2212),

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1257/1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et abrogeant le règlement (CE) n° 2826/2000 (COM [2003] 23 final-2 / E 2213),

Vu la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (COM [2003] 23 final-3 / E 2214),

Vu la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché du riz (COM [2003] 23 final-4 /E 2215),

Vu la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés pour les campagnes de commercialisation de 2004/05 à 2007/08 (COM [2003] 23 final-5 / E 2216),

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (COM [2003] 23 final-6 / E 2217),


I. En ce qui concerne le cadre général de la réforme proposée par la Commission européenne

1. Rappelle que la politique agricole commune (PAC) constitue l'une des réussites majeures de la construction européenne, qui a permis de développer une agriculture performante et diversifiée, et est soumise depuis plus de dix ans à un processus continu de réformes ;

2. Considère que la PAC ne doit évoluer, dans la perspective de l'élargissement, qu'en fonction des propres besoins de l'Union européenne en matière de production, de sécurité alimentaire et de développement durable ;

3. S'oppose à la logique de la réforme proposée, qui remet en cause toute ambition européenne en matière d'agriculture en soumettant celle-ci aux aléas de marché, sans conserver de garde-fou permettant de contrôler la production ;

4. Estime que la PAC ne pourra répondre aux attentes de la société qu'en conservant un pilier fort d'organisation des marchés, dont les mécanismes d'intervention doivent être renforcés et étendus en raison de leur rôle primordial pour la stabilisation des prix et des revenus agricoles, d'une part, et d'aménagement du territoire, d'autre part ;

5. Demande que le modèle agricole européen soit défendu à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le cadre d'une préférence communautaire rénovée reflétant les exigences de qualité et de sécurité des consommateurs et qu'en parallèle, les règles de cette organisation reconnaissent le droit à la sécurité alimentaire des pays pauvres à déficit vivrier.

II. En ce qui concerne la proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant des régimes de soutien en faveur des producteurs de certaines cultures et la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché du riz

6. S'oppose à l'institution d'une aide découplée de tout lien avec la production et assise sur des références historiques, car elle figerait de manière arbitraire la distribution des aides, comporterait des risques inacceptables de transferts de production, de distorsions de concurrence entre les exploitations, de renchérissement du foncier et créerait des rentes de situation peu justifiées ;

7. Demande que le lien entre les aides directes et la production soit simplifié en fonction des particularités de chaque secteur sans que cela n'encourage les transferts de production ni n'entraîne de réduction des prix payés aux agriculteurs ;

8. Accepte de subordonner le versement des aides au respect des normes relatives à l'environnement, à la santé des consommateurs et au bien-être des animaux, ainsi qu'à la sécurité des aliments, si la conditionnalité est introduite de manière progressive, porte sur un nombre limité et réaliste de textes réglementaires, prévoit un barème de sanctions proportionnées à la gravité des infractions et repose sur un système de conseil volontaire du conseil agricole, à charge pour les Etats membres d'encourager le recours aux bonnes pratiques agricoles ;

9. Souhaite le maintien d'un gel rotationnel pour le secteur des grandes cultures, dont le taux évolue en fonction de la situation de la production, ainsi que le rejet de l'interdiction de la possibilité de produire des cultures énergétiques sur les terres soumises à la jachère ;

10. Approuve le principe de la création d'une aide spécifique aux cultures énergétiques tout en souhaitant que son montant soit suffisamment incitatif pour développer ces cultures, qui contribuent à la réalisation de l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.


III. En ce qui concerne la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1257/1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et abrogeant le règlement (CE) n° 2826/2000

11. Prend acte de la volonté exprimée par la Commission de transférer aux mesures de développement rural une partie des fonds actuellement affectés au soutien proprement agricole, la modulation pouvant permettre de dégager certains des crédits nécessaires en l'absence même de toute dégressivité et devant s'appliquer également aux dix nouveaux Etats membres ;

12. Souhaite que les fonds transférés, conformément à leur origine, soient utilisés par l'Union européenne aux fins d'un financement à part entière du développement rural, le principe d'une subsidiarité accrue réglant d'autre part le choix des procédures budgétaires et comptables, dans le sens d'une plus grande souplesse administrative et d'une meilleure adéquation des moyens aux fins poursuivies.


IV. En ce qui concerne la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales

13. S'oppose à une diminution de 5 % du prix des céréales, coûteuse sur le plan budgétaire, qui conduit à appauvrir les producteurs en cherchant à atteindre un niveau de prix mondial ne reflétant aucune réalité économique en raison des manipulations de certains pays exportateurs, fait baisser le niveau de la préférence communautaire pour ces produits et renforce la dépendance de revenu des agriculteurs aux aides ;
14. S'oppose à la suppression de l'aide au blé dur en zones non traditionnelles et à sa réduction dans les zones traditionnelles, car elle diminuerait les productions concernées, fragilisant ainsi une filière qui contribue à l'aménagement du territoire et à l'emploi rural ;

15. Estime que la recherche de l'équilibre sur le marché des céréales ne doit pas conduire à sacrifier la production communautaire, mais passe par un rééquilibrage des assolements en faveur des oléoprotéagineux, ce qui implique de relever le niveau de l'aide aux cultures protéagineuses, de contester la validité juridique de l'Accord de Blair House de 1992 qui conforte la dépendance protéique de l'Union européenne et d'instituer à plus long terme des dispositifs d'assurance pour réduire le risque que prend le producteur lorsqu'il introduit ces cultures dans ses assolements ;


V. En ce qui concerne la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés pour les campagnes de commercialisation de 2004/05 à 2007/08

16. S'oppose à la réduction de l'aide aux fourrages déshydratés, qui mettrait en difficulté l'industrie de la déshydratation dont le rôle pour l'environnement et l'approvisionnement en protéines végétales est essentiel.


VI. En ce qui concerne la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers

17. Approuve la proposition visant à ce que la politique du secteur laitier puisse suivre l'évolution de la consommation et prendre acte de son éventuelle expansion en adoptant, le cas échéant, le principe d'une hausse dûment et strictement proportionnée des quotas ;

18. Rejette la proposition d'un abaissement autoritaire des prix, qui remettrait en cause l'équilibre des exploitations tout en faisant supporter au budget communautaire une charge supplémentaire et permanente.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes entendues

Le rapporteur tient à renouveler ses plus vifs remerciements aux personnalités qu'il a eu l'occasion de rencontrer.

I.- Administrations et organismes institutionnels

M. Jérôme Bédier, Président de la Fédération des Entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD) ;

Mme Anne-Marie Boulengier, directrice de l'ONILAIT, et M. Emmanuel Bert, chef de service ;

M. Pierre Chevalier, président de l'Office interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'agriculture (OFIVAL) et de la Fédération Nationale Bovine, et M. Frédéric Gueudar Delahaye, directeur de l'OFIVAL ;

M. Bernard Hervieu, président de l'Institut National de la Recherche Agronomique, et MM. Philippe Lacombe et Nicolas Durand, chercheurs à l'INRA ;

M. Sylvain Lambert, conseiller technique, et M. Blaise Mistler, attaché parlementaire du ministre de l'agriculture ;

M. Stéphane Le Moing, sous-directeur des affaires européennes au service des relations internationales de la direction des politiques économique et internationale ;

- M. Hervé Lejeune, conseiller agricole de la Présidence de la République ;

- M. Jean-Christophe Martin, conseiller agricole du Premier ministre.

II.- Syndicats et organisations professionnelles

M. Jean-Paul Bastian, vice-président de la FNSEA, M. Claude Soudé, chef du service international et Mme Nadine Normand, chargée des relations avec le Parlement ;

M. François Boisgontier, porte-parole de la Confédération paysanne ;

M. Henri Brichard, président de la FNPL (Fédération Nationale des Producteurs de Lait), et M. André Grynspan, directeur-adjoint ;

MM. d'Estienne d'Orves et Hubert Bocquelet, représentants de l'Association Nationale des Industries Agroalimentaires (ANIA) ;

M. Philippe Pinta, secrétaire général de l'Association Générale des Producteurs de Blé (AGPB), M. Hervé Le Stum, directeur, et M. Pascal Hurbault, chargé de mission de l'AGPB ;

M. François Vanier, vice-président des Jeunes Agriculteurs.

III.- Organes de réflexion et société civile

M. Bernard Bourget, agronome, rapporteur du Conseil de prospective européenne ;

M. Philippe Chalmin, économiste, président du cercle Cyclope ;

M. Jean-Claude Colmagne et Mme Marie Lecuit-Proust, délégués de l'AFIP (Association de Formation et d'Information Pour le développement d'initiatives rurales), MM. Samuel Féret et Jean-Yves Griot, délégués du Réseau agriculture durable ;

M. Jean-Christophe Debar, directeur d'Agri-Us Analyse.

IV.- Déplacement à Berlin

Dr Gerald Thalheim, secrétaire d'Etat parlementaire du ministère de la Protection des consommateurs, de l'Alimentation et de l'Agriculture ;

Son Excellence Claude Martin, Ambassadeur ;

Mme Ulrike Hölken-Deipenbeck, vice-présidente de la Commission agricole ;

Mme Waltraud Wolff et M. Hans-Michael Goldmann, membres de la Commission agricole ;

M. Kehrhahn, secrétaire de la Commission agricole ;

Dr Helmut Born, secrétaire général du Deutscher Bauernverband ;

M. Schäfer, conseiller pour les affaires agricoles près la chancellerie fédérale.

IV.- Déplacement à Bruxelles

M. Franz Fischler, Commissaire à l'agriculture ;

M. Jean-Marc Bournigal, conseiller de la Représentation permanente française pour le secteur agricole ;

M. Peter Tempel, chef de cabinet du Commissaire Verheugen.

Annexe-1

Annexe 2 :
Chiffres clés de l'agriculture européenne

 

Superficie agricole utilisée

(1000 ha)

Nombre d'exploitations agricoles

(1000 exploitants)

SAU par exploitation (ha)

Emploi dans le secteur « agriculture, sylviculture, chasse et pêche »

Production de la branche d'activités agricoles

(Mio EUR)

Consommation intermédiaire (Mio EUR)

Valeur ajoutée brute aux prix de base

(Mio EUR)

Part de l'agriculture dans le PIB (VAB/PIB)

(%)

Part de l'agriculture dans la formation brute totale de capital fixe

(%)

Echanges de produits agricoles et alimentaires ( 1)(3)

Evolution des prix alimentaires

(2)

(%)

Part des dépenses de consommation des ménages consacrées aux aliments, aux boissons et au tabac dans les dépenses totales de consommation des ménages
(%)

Nombre

(1 000

personnes)

Part dans la population active civile occupée

(%)

Part dans les importations de tous produits

(%)

Part dans les exportations de tous produits

(%)

Solde du commerce extérieur

(Mio EUR)

2001

2000

2000

2001

2001

2001

2001

2001

2001

2001

2001

2001

2001

2001

2000

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

EU-15

128 305

6766

18.7

6701

4.2

287 886

136 506

151 380

1.7

 

6.0

6.1

- 199

2.3

16.1 *

Belgique

Danemark

Allemagne

Grèce

Espagne

France

Irlande

Italie

Luxembourg

Pays-Bas

Autriche

Portugal

Finlande

Suède

Royaume-Uni

1390

2694

17 038

3575

25 596

27 856

4458

15 355

128

1933

3375

3838

2216

3054

15 799

62

58

472

814

1287

664

142

2152

3

102

200

416

81

81

233

22.6

45.7

36.3

4.4

20.3

42.0

31.4

6.1

45.4

20.0

17.0

9.3

27.3

37.7

67.7

56

96

956

627

1025

964

120

1113

3

238

215

645

140

114

390

1.4

3.5

2.6

16.0

6.5

4.1

7.0

5.2

1.5

3.1

5.8

12.9

5.8

2.6

1.4

7359

9098

44 490

11 655

35 585

65 072

5879

43 388

263

20 744

5751

5944

3976

4563

24 119

4495

4956

24 872

2887

11 929

32 867

3056

14 219

132

11 301

3093

2958

2687

3051

14 002

2864

4141

19 618

8768

23 656

32 205

2823

29 169

131

9443

2657

2986

1289

1512

10 117

1.1

2.3

0.9

6.7

3.6

2.2

2.5

2.4

0.6

2.2

1.3

2.4

0.9

0.6

0.6

1.5

3.0

1.4

3.5

:

3.1

:

3.9

1.2

3.4

2.6

:

3.3

1.9

1.0

6.7

8.1

4.8

5.4

8.2

4.7

3.8

6.4

1.2

9.9

4.1

11.8

3.3

4.1

5.7

5.7

20.5

2.9

21.8

10.4

7.7

7.7

5.1

1.2

16.4

4.3

8.6

3.6

3.1

5.1

-1078

2750

-3283

686

- 840

4930

1891

- 946

- 17

-2114

208

- 825

367

183

-3904

2.4

2.3

2.4

3.7

2.8

1.8

4.0

2.3

2.4

5.1

2.3

4.4

2.7

2.7

1.2

16.8

17.4

15.8

21.4

18.5

17.6

17.2

16.9

:

10.5

15.6

22.5

18.1

16.7

13.9

CC-10

38 327 (*)

 

:

3871

13.2

 

:

11 524

3.1

 

9.0

9.2

-2281

 

28.8 *

République tchèque

Estonie

Chypre

Lettonie

Lituanie

Hongrie

Malte

Pologne

Slovénie

Slovaquie

4280

891

143 (4)

2485

3487

5853

12 (4)

18 246

486 (4)

2444

3850

551

219 (5)

956 (5)

3740

12264

695

1577

1.1

1.6

0.7

2.6

:

1.6

:

1.5

0.7

1.5

228

43

14

145

245

235

3

2736

90

132

4.9

7.1

4.9

15.1

16.5

6.1

2.1

19.2

9.9

6.3

3232

422

562

1181

5660

158

14 965

1006

1522

2168

224

:

306

765

3462

70

8930

577

1079

1064

197

398

256

416

2198

88

6035

429

443

1.7

3.2

3.9

3.0

3.1

3.8

2.2

3.1

2.0

1.9

1.7

:

:

:

:

5.7

:

1.8

:

:

5.4

11.8

16.1

13.0

9.3

3.5

10.4

6.7

7.0

6.4

4.0

7.7

34.8

6.6

11.8

8.2

2.7

7.9

4.1

4.1

- 709

- 347

- 556

- 361

- 56

1486

- 265

- 604

- 363

- 506

8.2

10.7

7.6

7.5

3.0

23.5

8.9

16.2

9.5

29.7

34.0

25.2

34.3

39.0

27.0

26.2

28.8

31.5

18.9

Bulgarie

Roumanie

Turquie

5498

14 897

38 883

2789 (5)

7656

:

2.0:

1.9

:

266

4801

7217

9.7

44.4

35.4

3705

10 707

:

1956

4998

:

1749

5709

:

11.5

12.9

:

6.1

:

8.1

5.8

:

4.1

13.2

- 888

1901

7.1

67.2

54.4

31.8

39.3

:

Etats-Unis

Japon

381 605

4678

2 158 (5)

2 291 (5)

176.8

2.0

3403

2860

2.4

4.2

:

:

:

:

:

:

   

3.9

10.1

8.6

0.7

12 083

-36 532

2.8

-1.6

 

(1) Pour les Etats membres, échanges intra + extra, pour EU-15, échanges extra.

(2) Evolution par rapport à l'année précédente..

(3) Voir remarques méthodologiques (B) - PECO : échanges avec Extra-Peco.

(4) 1999

(5) 2000

Sources: : Commission européenne (Eurostat et DG « Agriculture), FAO et UNSO.

1 () Proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant des régimes de soutien en faveur des producteurs de certaines cultures (E 2212) ; proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1257/1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et abrogeant le règlement (CE) n° 2826/2000 (E 2213) ; proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (E 2214) ; proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché du riz (E 2215) ; proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés pour les campagnes de commercialisation de 2004/05 à 2007/08 (E 2216) ; proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (E 2217).

2 () Alain Blogowski et Nathanaël Pingault, « Une vue d'ensemble sur l'évolution des exploitations agricoles françaises de 19902 à 1999 », Notes et études économiques, avril 2002, n°16, du ministère de l'agriculture et de la pêche.

3 () Les marketing loans sont des prêts de commercialisation accordés aux producteurs de céréales, d'oléagineux et de coton, afin qu'ils évitent de commercialiser ces productions si les cours ne sont pas suffisamment élevés. Comme ils ne sont pas exigibles, ces prêts s'apparentent à des prix garantis. Si le prix du marché est inférieur au montant unitaire du prêt (loan rate), l'agriculteur peut rembourser son prêt au taux du prix garanti et bénéficier d'une subvention constituée par la différence entre le prix de marché et le loan rate. Il peut aussi demander à bénéficier du paiement compensateur de prêt (loan deficiency payment), une aide directe qui représente aussi le montant de cette différence. Ce système permet aux agriculteurs américains de vendre leurs productions sur le marché, quelle que soit l'évolution des cours : il s'apparente donc à une subvention à l'exportation.

4 () Fondé en 1986, ce groupe comprend 17 pays dont les principaux sont l'Afrique du Sud, l'Argentine, l'Australie, le Brésil, le Canada et la Nouvelle-Zélande.

5 () Etude de février 2000 cité dans les Notes et études économiques de la Direction des affaires financières du ministère de l'agriculture, n° 13, mars 2001.

6 () « L'Accord sur l'Agriculture du cycle de l'Uruguay. Bilan et perspectives pour l'Union européenne » d'Alain Blogowski et Véronique Borzeix, Notes et études économiques de la Direction des affaires financières du ministère de l'agriculture, n° 13, mars 2001, p. 117.

7 () Source : APCA.

8 () Toutes ces décisions ont été prises en application du règlement du Conseil 2081/92, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires.

9 () Article 6, alinéa 3 du traité sur l'Union européenne : « L'Union respecte l'identité nationale de ses Etats membres ».

10 () Cf. Règlement du Conseil n° 411/98 relatif à la ventilation dans les véhicules routiers utilisés pour le transport d'animaux sur de longs trajets.

11 () Cf. « La PAC en quête de nouvelles missions », rapport n° 1247 de Mme Béatrice Marre, p. 62.

12 () « Agriculture : l'Europe étrangle les pays pauvres », Mark Vaile, Le Monde du 29 novembre 2002.

13 () Source : Eurostat.

14 () Cf. l'étude WT/COMTD/W/93 publiée par le Secrétariat général de l'OMC, en date du 5 octobre 2001.

15 () Trente-et-unième rapport financier concernant le fonds européen d'orientation et de garantie agricole FEOGA, section garantie - exercice 2001 (COM (2002) 594, 4 novembre 2002).

16 () Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Révision à mi-parcours de la politique agricole commune », 10 juillet 2002.

17 () Règlement du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le FEOGA.

18 () Rapport d'information n° 598, « Les négociations agricoles à l'organisation mondiale du commerce. Pour une OMC respectueuse de la diversité des modèles agricoles ».

19 () Texte adopté n° 110.

20 () Impact Assessment of the Mid-Term Review Proposals on the Agricultural Markets and Farm Income in the EU-15 (2004-2009), Direction générale de l'agriculture, Commission européenne, décembre 2002, p. 5.

21 () Commission européenne, SEC (2002) 789 final, en date du 10 juillet 2002.

22 () Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n°1255/1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, COM (2003) 23 final 6, document E 2217.

23 () Au cours de l'année 2001, dernier exercice constaté, il s'élevait à 1,9 milliard d'euros.

24 () C'est-à-dire, conformément aux règles spéciales en matière de développement rural, un tiers de l'écart constaté entre les sommes effectivement dépensées et le minimum d'utilisation fixé à 75 % des crédits.

25 () Alain Pouliquen, « Compétitivités et revenus agricoles dans les secteurs agroalimentaires des PECO », octobre 2001.

26 () Cf. Règlement n°3242/99 du 28 octobre 1999 relatif au régime des primes, pris en application du règlement n°1254/99 du 17 mai 1999 portant organisation commune de marché de la viande bovine

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