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N° 1095

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 septembre 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la politique européenne de recherche
et de développement
,

ET PRÉSENTÉ

par M.  Daniel GARRIGUE,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Education - Recherche - Jeunesse - Sport.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. UN ENJEU CRUCIAL POUR LES EUROPEENS 11

A. L'accélération de l'effort américain de recherche 11

1) Une volonté politique clairement affirmée 11

2) Les données comparatives de l'effort de recherche en Europe, aux Etats-Unis et dans le monde 14

a) La vitalité de la recherche en Europe dans le contexte mondial montre des signes importants de faiblesse 15

b) Les moyens mis au service du développement de la recherche en Europe sont insuffisants par rapport à l'effort de ses partenaires 21

3) L'attraction exercée par les Etats-Unis sur les chercheurs du reste du monde 23

4) Parallèlement à l'effort américain, d'autres Etats accentuent également leur effort 25

B. Les faiblesses de la recherche européenne 27

1) La diversité des efforts et des organisations nationales de recherche 27

a) L'Allemagne 28

b) Le Royaume-Uni 30

c) La Suède 32

d) Le Portugal 33

e) L'Espagne 34

f) L'Italie 35

g) La Grèce 36

h) La France : mise en perspective par rapport à ses partenaires 37

2) La trop lente montée en puissance de la recherche communautaire : 15 + 1 ou 1 +15 ? 40

a) Certes, des éléments forts issus d'initiatives parfois anciennes 40

b) Des initiatives marquantes dans les années quatre-vingt 44

c) La montée en puissance progressive d'une véritable démarche commune 45

II. LE SIXIEME PROGRAMME-CADRE : UNE VOLONTE DE DEMARCHE GLOBALE QUI MONTRE ENCORE SES LIMITES 55

A. L'ambition de structurer une démarche globale 55

1) La mise en place d'un « Espace européen de la recherche », dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne » 55

2) L'affirmation de l'objectif de 3 % 57

3) La volonté de consolider les succès sectoriels. 59

4) Le « saut qualitatif » du 6ème programme-cadre 62

a) Une rupture avec les programmes antérieurs 62

b) Un resserrement des priorités thématiques qui fait une part plus large à la recherche fondamentale 63

c) La reprise des actions "horizontales" du 5ème programme 64

d) Des actions nouvelles 64

e) Des instruments structurants 65

f) Une volonté d'assouplir la gestion des programmes 66

g) Les premiers résultats de la mise en oeuvre 66

B. Les limites de l'entreprise 68

1) Des outils controversés 69

a) Des processus lourds 69

b) Des instruments dont la définition n'est pas toujours claire 70

c) Une multiplicité de critères qui conduit à la confusion des objectifs 71

d) Des outils insuffisamment accessibles aux nouvelles équipes et aux entreprises 73

e) Des instruments excessivement standardisés qui ne permettent pas la réactivité 74

f) Des freins et des limites à l'utilisation des instruments les plus innovants 74

g) La question de la propriété intellectuelle 75

2) La limitation au civil 76

3) Des moyens encore insuffisants 78

III. LES VOIES DU REDRESSEMENT 81

A. Affirmer un cadre institutionnel plus fort 81

1) Développer une compétence partagée 81

2) Jouer les complémentarités et surmonter l'opposition intergouvernemental-communautaire 84

3) Susciter un environnement éthique et culturel favorable à la recherche 86

B. Dépasser les clivages : une approche globale 87

1) Casser la séparation recherche civile/recherche militaire 87

2) Refuser d'opposer recherche publique et recherche industrielle 89

3) Définir une stratégie industrielle européenne 91

4) Soutenir tous les aspects de la recherche, recherche fondamentale d'un côté, innovation de l'autre 93

5) Assurer la disponibilité et la qualité du capital humain de la recherche 94

C. De nouveaux instruments 96

1) Le Conseil européen de la recherche : vers la recherche fondamentale 96

2) Des programmes différenciés suivant les secteurs de la recherche 98

a) De grands projets finalisés avec un ou plusieurs chefs de file 98

b) Le soutien aux technologies émergentes qui exigent des réponses rapides et un financement continu et non pas un financement programmé 98

c) Entre les deux, des réseaux ou structures associant plusieurs partenaires 99

3) La nécessité de renforcer l'indépendance de l'évaluation 100

a) Dans le choix des projets 100

b) Dans l'évaluation des résultats de la recherche 100

D. Donner les moyens financiers à la hauteur des ambitions 101

a) Sortir les dépenses de recherche du pacte de stabilité 101

b) Le budget communautaire 101

c) L'initiative franco-allemande 102

TRAVAUX DE LA DELEGATION 103

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION 105

ANNEXES 109

Annexe 1 : Liste des organismes et personnes entendus par le rapporteur 111

Annexe 2 : La recherche dans les Etats membres où s'est rendu le rapporteur 119

L'Allemagne 120

L'Espagne 127

La Grèce 129

L'Italie 132

Le Portugal 136

Le Royaume-Uni 138

La Suède 143

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La recherche scientifique est l'un des éléments les plus déterminants de la capacité de développement économique et social et du rayonnement d'une nation. Et, de fait, la place de la France dans le monde a été, et reste encore, très largement liée aux capacités de ses chercheurs et aux ambitions de sa politique de recherche.

La mondialisation de l'économie et les nouvelles réalités géopolitiques font cependant qu'aujourd'hui, c'est à l'échelle de l'Union européenne que la France aura, avec ses partenaires, les meilleures chances de relever les défis liés à la maîtrise de la science et de la technologie.

Les enjeux sont considérables :

- dans l'ordre économique : comme le font ressortir les récentes études de la Commission européenne, atteindre les 3 % fixés par le Conseil européen de Barcelone permettrait de créer 400 000 emplois par an ;

- sur le plan stratégique : l'enjeu, c'est l'indépendance même de l'Europe qui dépendra de sa capacité à maîtriser les technologies clés et à préserver son autonomie de décision en matière d'économie, de défense ou de diplomatie ;

- face aux nouveaux défis planétaires : qu'il s'agisse de la préservation de notre environnement, du combat contre les grandes maladies ou de la lutte contre le sous-développement, c'est la recherche qui est l'une des conditions majeures d'une démarche sûre et efficace. L'Europe ayant, au demeurant, dans ces domaines, une vision de l'intérêt général qui ne coïncide pas nécessairement avec celle des autres puissances mondiales ;

- en terme de rayonnement : à l'échelle planétaire, les avancées réalisées dans l'ordre de la connaissance et les percées technologiques pèsent souvent aussi lourd que les autres formes de reconnaissance actuelle ou que nos prises de position politiques.

Or, la lucidité s'impose. Les conditions générales de l'influence de l'Europe dans le monde à l'horizon 2050, sont inquiétantes pour le vieux continent. Un récent rapport de l'IFRI montre que si les tendances actuelles se poursuivent - en particulier du point de vue des évolutions démographiques relatives des différentes parties du monde - la part de l'Europe dans le PIB mondial passerait de 22 % en 2000 à 12 % en 2050. Le rapport indique, qu'outre les évolutions démographiques et l'établissement de partenariats économiques et politiques étroits avec nos voisins, un puissant effort de recherche public et privé constitue le facteur essentiel qui permettrait à l'Europe, grâce à une forte compétitivité de son économie, de conserver un rôle important dans le monde de demain. Or, c'est à ce moment que, sous l'effet des contraintes budgétaires, mais aussi d'un désintérêt certain des opinions publiques - exception faite du domaine de la santé -, la recherche européenne a tendance, depuis quelques années, à sérieusement s'éroder.

Dans ces conditions, même si les Etats européens disposent encore d'atouts importants dans de nombreux secteurs de la recherche, les chiffres font de plus en plus apparaître un risque de décrochage durable par rapport aux Etats-Unis pour lesquels l'outil scientifique, sous ses différentes formes, constitue un facteur essentiel de pouvoir. La disproportion des moyens consacrés à la recherche, le déficit croissant de la balance commerciale de l'Union européenne sur les produits de haute technologie, la fuite vers les Etats-Unis d'une partie des chercheurs européens les plus formés, sont autant de risques d'un décalage croissant.

Il était donc urgent que l'Europe se réveille et qu'elle cherche à se donner les moyens et les instruments d'un véritable redressement.

De fait, les responsables européens et nationaux semblent convaincus de la nécessité d'agir.

Le Président de la Commission a, à plusieurs reprises, évoqué la gravité de la situation. En présentant au début de l'année le « rapport de printemps » pour le Conseil européen de mars dernier, M. Romano Prodi a souligné que notre position risque d'être « érodée » de plus en plus si nous ne faisons pas davantage pour la recherche et l'innovation. « Les autres courent vite et nous sommes en retard » a-t-il averti, en estimant qu'il s'agissait d'« un problème de survie pour l'avenir de notre économie ».

Le projet d'Espace européen de la recherche, initié par le commissaire Philippe Busquin, et décidé au sommet de Lisbonne en mars 2002, comme les nouveaux instruments du 6ème programme-cadre, traduisent bien cette prise de conscience nouvelle à l'égard de la recherche. La Présidence italienne a fait de l'initiative de croissance - qui comporte un important volet « recherche » - une priorité de son mandat et l'initiative franco-allemande va dans le même sens.

Le gouvernement français paraît également décidé à s'engager fermement au service du renforcement de l'effort de recherche en Europe. Dominique de Villepin l'a récemment souligné devant la Conférence annuelle des ambassadeurs à Paris. Le plan innovation animé par Mesdames Claudie Haigneré et Nicole Fontaine, et la réaffirmation de la recherche comme priorité budgétaire, se situent bien dans cette perspective.

Toutefois, qu'il s'agisse de l'Union ou des Etats, la mobilisation est encore loin d'être à la hauteur des enjeux et surtout, il est essentiel qu'elle s'inscrive dans la durée.

L'objet de ce rapport est de faire le point sur les ambitions et sur les moyens mis en œuvre par l'Union européenne, de tenter aussi d'exprimer, à partir des observations des nombreux chercheurs et responsables nationaux et européens que j'ai pu rencontrer, les conditions d'une recherche européenne plus forte et plus performante.

Innovation = emploi

Source : Conseil stratégique de l'innovation (CSI)(1)

I. UN ENJEU CRUCIAL POUR LES EUROPEENS

Longtemps, les pays d'Europe ont réussi à maintenir leurs positions dans la recherche mondiale, y compris par rapport aux Etats-Unis.

Depuis quelques années, on observe un décalage marqué entre les pays, au premier rang les Etats-Unis, qui ont accéléré leurs efforts, et une Europe, dont l'effort de recherche s'érode progressivement.

A. L'accélération de l'effort américain de recherche

1) Une volonté politique clairement affirmée

A différentes reprises, les Etats-Unis avaient déjà accentué très fortement leur effort de recherche :

- dans les années soixante, à la suite du « missile gap » révélé par l'envoi dans l'espace du cosmonaute soviétique Youri Gagarine, le Président Kennedy et ses successeurs avaient relancé les programmes militaires et les programmes spatiaux qui ont culminé avec le programme « Apollo » du premier homme sur la lune ;

- dans les années quatre-vingt, face à la menace des missiles balistiques soviétiques, le Président Reagan a donné une nouvelle impulsion avec l'«initiative de défense stratégique » (IDS) et les projets de « bouclier spatial » ou de « guerre des étoiles ».

A chaque fois, les Etats européens se sont efforcés, soit d'être associés, soit de conduire, isolément ou ensemble, des actions leur permettant de se maintenir à niveau - ainsi, avec la force nucléaire et stratégique française - ou même d'être conjointement concurrentiels - ainsi, avec le programme Ariane.

Aujourd'hui, le formidable effort engagé par les Etats-Unis - effort encore renforcé depuis les attentats du 11 septembre 2001 - est en passe de creuser un écart quantitatif et qualitatif considérable avec la recherche européenne. De fait, l'administration Bush affirme ouvertement que la recherche scientifique constitue pour elle un instrument essentiel de domination politique et économique :

« Notre système économique est le plus productif, créatif et prometteur que le monde ait jamais connu. L'Amérique dispose d'une position dominante en matière de recherche scientifique, d'ingénierie et d'innovation médicale. Nos entreprises et nos universités attirent des compétences en provenance de tous les continents »(2).

En 2002, l'effort américain de recherche s'élevait à 2,79 % du PIB (soit 291 milliards de dollars, en croissance de 3,5 % par rapport à 2001).

Pour le budget 2004, un effort supplémentaire important est engagé à travers une augmentation de 7 % par rapport au budget 2003, qui, à un niveau de 117,3 milliards de dollars, était lui-même en augmentation de 13,8 % par rapport à 2002, un record absolu en montant et en pourcentage d'augmentation (voir dans l'encadré ci-dessous la présentation du budget 2004 de la recherche par l'Office américain chargé de la science et de la technologie).

Cette augmentation s'est accompagnée d'une modification importante de la répartition de l'effort de recherche entre le public et le privé : en 1970, l'industrie représentait 39,8 % de l'effort de recherche, en 2002 66,3 %(3). En fait, l'effort public a cru sensiblement sur la même période, passant - en dollars constants - de 57 milliards à 81 milliards - l'un des éléments clés de l'effort américain résidant dans la part prise par le financement public dans l'effort privé de recherche-développement.

En outre, cette montée en puissance des crédits civils de recherche, s'est accompagnée d'une augmentation extrêmement forte des budgets militaires, qui comportent de très importants crédits recherche. Le budget de défense américain est en hausse constante depuis 1998. Les activités de défense ont bénéficié d'une hausse de 24% entre 1998 et 2003. Au sein de ce budget, la recherche est prioritaire et a atteint un niveau historiquement record (11,46 milliards de dollars en 2003, en hausse de 16% par rapport à 2002) : il dépasse de 15%, en dollars constants, les niveaux records précédents qui dataient des années Reagan. Or, cet effort de recherche « militaire » est largement à vocation « duale » et bénéficie donc très fortement à l'ensemble de la recherche « civile ».

FAVORISER L'INNOVATION(4)

Le Président s'est engagé à mettre à profit le pouvoir des technologies et à investir dans la nouvelle génération de technologies afin d'atteindre ses trois principaux objectifs pour l'Amérique : gagner la guerre contre le terrorisme, protéger la patrie, et renforcer l'économie. Cet engagement apparaît dans le budget 2004 du Président qui prévoit de nouvelles ressources conséquentes concourant à garantir que l'Amérique demeure la nation la plus innovatrice au monde :


· En investissant dans la Recherche et le Développement. Le budget du Président prévoit un investissement sans précédent de 123 milliards de dollars en R&D, sept pour cent de plus qu'en 2003. Le Président se rendant compte que la recherche fondamentale est l'énergie même du développement technologique à venir, a demandé une augmentation de cinq pour cent pour la recherche fondamentale dans le budget 2004 - s'élevant à plus de 27 milliards de dollars. Les secteurs clés de l'investissement comprennent :

· La gestion de réseau et la Recherche et le Développement des technologies de l'information. Les industries produisant des technologies de l'information génèrent certains des emplois les meilleurs et les mieux payés de notre pays et contribuent fortement à l'accroissement de la productivité. Conscient de l'importance des investissements dans la recherche des technologies de l'information pour favoriser l'innovation dans ce secteur, le budget 2004 prévoit une augmentation de six pour cent - à hauteur de 2,2 milliards de dollars - des fonds consacrés aux efforts de recherche clé en informatique et gestion de réseau.
· La nanotechnologie. Le budget du Président compte 847 millions de dollars de capitaux destinés à faire avancer la compréhension fondamentale des phénomènes nanométriques - propriétés uniques de matière apparaissant au niveau d'amas d'atomes et de molécules. Cette compréhension accrue promet d'être à la base des futurs progrès révolutionnaires qui contribueront aux améliorations réalisées dans les domaines de la médecine, de la production, des matières à haute performance, des technologies de l'information, et des technologies de l'environnement.

· Les sciences et les technologies visant à combattre le terrorisme. La réussite de l'Amérique à empêcher, détecter et réagir aux activités terroristes dépendra de la mise au point de nouveaux outils technologiques. Le budget du Président est dans la continuité de l'important soutien du gouvernement à la recherche et au développement afin de contrer les nouvelles menaces terroristes en prévoyant plus de 900 millions de dollars pour financer la R&D au sein du ministère de la sécurité intérieure.

· En augmentant l'investissement fédéral dans les technologies de l'information. Le budget du Président comprend une augmentation de 6,4 milliards de dollars des dépenses de technologies de l'information, soit un total de 59,1 milliards de dollars. Ces nouvelles dépenses auront essentiellement pour objectif d'entraîner une meilleure efficacité du gouvernement dans des secteurs difficiles, comme celui de la victoire sur le terrorisme, et d'accélérer la réalisation de services gouvernementaux essentiels. Le E-gouvernement, important pilier du programme de gestion du Président, entraîne une véritable réforme de la gestion du gouvernement.

Stimulation de l'investissement privé dans la R&D et protection de la propriété intellectuelle.
Le Président comprend combien il est important de créer un environnement dans lequel des personnes ayant l'esprit d'entreprise puissent convertir des idées inventives en produits nouveaux, sociétés nouvelles et emplois nouveaux. Le budget du Président implique donc de rendre permanent le crédit d'impôt pour la recherche et l'expérimentation afin de stimuler les investissements du secteur privé dans la R&D. Le Président propose en outre une dépense de 1,4 milliard de dollars, soit 70 millions de dollars de plus qu'en 2003, afin de permettre à l'Office des Brevets et des Marques d'amorcer la mise en œuvre d'un plan stratégique dont le but est d'améliorer la qualité des brevets délivrés et de raccourcir le temps nécessaire pour l'obtention d'un brevet. Cette proposition augmente aussi considérablement les droits d'enregistrement de l'Office des Brevets et des Marques.

Source
 : Office of Science and Technology Policy.

2) Les données comparatives de l'effort de recherche en Europe, aux Etats-Unis et dans le monde

Porter une appréciation sur l'état actuel de la recherche en Europe ne passe naturellement pas seulement par des statistiques. Il est également nécessaire de procéder à un examen qualitatif de la recherche, à une évaluation fine de ses retombées en matière économique et sociale, de sa pertinence à moyen et long terme par rapport aux objectifs de développement.

Néanmoins, l'examen des indicateurs permet de connaître, d'une part, la vitalité propre de la recherche (publications, brevets, structure de la balance commerciale dans les secteurs de pointe) et, d'autre part, le niveau des moyens mis au service de son développement.

a) La vitalité de la recherche en Europe dans le contexte mondial montre des signes importants de faiblesse

· Une présence maintenue en termes de publications

Un des indicateurs significatifs de performance scientifique réside dans le nombre de publications. De ce point de vue, la recherche européenne reste au premier rang. L'Union est en effet depuis le milieu des années 1990 le premier producteur de connaissances scientifiques dans le monde et l'avance européenne vis-à-vis des Etats-Unis est maintenue, comme l'indique la courbe
ci-après :

Source : Troisième rapport européen sur les indicateurs de la science et de la technologie 2003.

Cette avance européenne en matière de publications s'observe même dans certains secteurs pour lesquels l'Europe souffre d'un retard commercial et industriel important, comme en biotechnologies (pour les biotechnologies, 348 935 publications en Europe (de 1994 à 1999), 345 206 aux Etats-Unis).

Il convient néanmoins de relativiser ces données dans la mesure où les chercheurs européens ont, en moyenne, tendance à publier beaucoup plus que les chercheurs américains ou japonais. Ainsi, sur une période de référence 1996 - 1999, le taux de publications par chercheur (nombre de publications) a été de 1,18 en Europe, de 0,84 aux Etats-Unis et de 0,46 au Japon. De même, il faut souligner que le nombre de publications d'une université, ou d'un organisme de recherche, ne constitue pas toujours une bonne mesure de leur place au sein de la communauté scientifique.

Par ailleurs, un autre indicateur de la vitalité de la recherche est représenté par l'attribution des prix Nobel. Il faut noter à cet égard que si l'on examine le nombre cumulé de prix Nobel attribués dans les trois disciplines scientifiques, mathématique, physique et chimie, les Etats Unis ont rattrapé l'Europe à partir de 2001.

· Une certaine stabilité des positions globales en matière de brevets, mais une croissance plus forte pour les brevets américains et un avantage croissant pour les Etats-Unis en ce qui concerne les brevets de haute technologie.

Le nombre de brevets déposés par un pays constitue un bon indicateur de la capacité inventive comme de la capacité de valorisation. Les données disponibles sont celles, d'une part, du nombre des demandes de brevets déposées auprès de l'Office européen des brevets (OEB) et, d'autre part, des brevets délivrés par l'Office des brevets et des marques des Etats-Unis (USPTO). L'appréciation des positions relatives de l'Europe et des Etats-Unis en ce qui concerne le nombre de brevets déposés à l'OEB et l'USPTO doit, bien entendu, tenir compte du facteur « terrain » profitant, d'une part, aux inventeurs européens en Europe et, d'autre part, aux inventeurs américains aux Etats-Unis.

En 2000, 57 473 demandes de brevets ont été déposées auprès de l'OEB par des inventeurs de l'Union, 43 761 par des inventeurs résidant aux Etats-Unis et 18 780 par des inventeurs japonais. De 1995 à 2000, les demandes de brevets ont nettement augmenté
- données Eurostat, statistiques de la science et de la technologie, édition 2003 - tant de la part des inventeurs européens, américains ou japonais, comme le montre le graphique ci-après :

(1) 2000 données provisoires

Source  Eurostat, données - OEB.

Mais ce sont les Etats-Unis qui ont enregistré le plus fort taux de croissance annuel (14,3 %, 11,1 % pour le Japon et 10,9 % pour l'Europe).

S'agissant des brevets déposés par l'USPTO, la suprématie américaine est forte. Même si le nombre des brevets délivrés à des inventeurs européens a régulièrement progressé de 1990 à 2000, l'écart avec le nombre de brevets délivrés à des américains s'est très sensiblement accru, comme l'indique la courbe ci-après :

(1) 2000 données provisoires

Source  Eurostat, données - OEB.

En 2000, l'USPTO a délivré 86 563 brevets à des inventeurs américains, 31 643 brevets à des japonais et 27 783 brevets à des européens (données Eurostat).

Au-delà de ces chiffres globaux, l'analyse par secteur des brevets demandés montre une avance croissante de l'activité inventive des Etats-Unis dans le domaine de la haute technologie. Ainsi, les demandes de brevets de haute technologie déposées à l'OEB de 1995 à 2000 ont augmenté de 27,2 % pour les Etats-Unis, de 22 % pour l'Europe et de 13,4 % pour le Japon, comme le montre la courbe ci-après :

(1) 2000 données provisoires

Source  Eurostat, données - OEB.

En 2000, l'Union européenne a déposé 27,8 demandes de brevets par million d'habitants dans le domaine de la haute technologie, les Etats-Unis 49,5 et le Japon 36,6. Cette situation est particulièrement cruciale dans certains secteurs comme celui de la biotechnologie. Même à l'OEB, malgré l'avantage de « terrain » des européens, le pourcentage des demandes de brevets en biotechnologie déposées par des sociétés américaines (51,9 %) est beaucoup plus important que celui des demandes européennes (27,8 %).

· L'évolution inquiétante de la balance commerciale de l'Union dans le secteur des produits de haute technologie.

Le déficit commercial de l'Union européenne en matière de produits de haute technologie s'aggrave régulièrement depuis 1995 (comme le montre le diagramme ci-joint) :

Source : Troisième rapport européen sur les indicateurs de la science et de la technologie 2003.

Il est passé de 9 milliards à 48 milliards d'euros de 1995 à 2000. Les exportations européennes dans ce secteur ont augmenté moins vite (de 88 à 185 milliards d'euros) que les importations (de 97 à 234 milliards d'euros). Ce déficit est lié en particulier à la mauvaise compétitivité commerciale européenne dans les secteurs de l'électronique, de l'informatique et des télécommunications.

La proportion des produits de haute technologie dans les exportations européennes n'est que de 20 %, alors qu'elle est de 27 % pour le Japon et de 30 % pour les Etats-Unis.

Cette faiblesse de la compétitivité européenne dans des secteurs clés du développement économique futur constitue un élément majeur que nous devons prendre en compte dans les priorités de la politique européenne de la recherche.

b) Les moyens mis au service du développement de la recherche en Europe sont insuffisants par rapport à l'effort de ses partenaires

· Le déficit dont souffre le financement de la recherche

Globalement, le fossé entre l'Union européenne et les Etats-Unis en matière d'investissement dans la recherche se creuse de façon régulière depuis 1990, et, en outre, l'aggravation de l'écart s'accélère comme le montre le diagramme ci-après :

Source : Troisième rapport européen sur les indicateurs de la science et de la technologie 2003.

Il est ainsi passé de 46 à 83 milliards d'euros de 1991 à 2000. Les derniers éléments d'évolution portant sur les années 2001, 2002, et 2003 - qui ont été marquées par une augmentation de l'effort aux Etats-Unis, et une stagnation en Europe - n'ont pas encore fait l'objet de statistiques comparatives. En tout état de cause, ils ne feront que renforcer la gravité de l'écart.

Cette différence s'explique notamment par les investissements américains très importants, déjà évoqués, en matière de recherche militaire : ainsi en 2000, les Etats-Unis ont dépensé 46 milliards d'euros pour la recherche militaire, soit cinq fois plus que les pays européens. Cette situation est reflétée par le diagramme ci-après (les pays de la « LoI » pris en compte dans ce diagramme, étant les six pays qui ont signé en 1998 la « letter of intent », lettre d'intention, sur la coopération en matière d'armement - la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Suède, et le Royaume Uni-, soit les principaux pays européens dans ce domaine).

Source : Ecodef - Le bulletin de l'économie de la Défense, mars 2003 n° 26.

Si l'on exclut la recherche militaire, les crédits publics en faveur de la recherche représentent 0,65 % du PIB en Europe et 0,43 % aux Etats-Unis.

En tout état de cause, même en mettant à part les crédits destinés à la recherche militaire, la croissance du soutien public à la recherche s'est accru plus fortement aux Etats-Unis (+ 3,38 %) qu'en Europe (+1,88 %) au cours de la période 1995-2002.

Il faut, en outre, noter que dans certains secteurs d'intérêt stratégique la prédominance américaine est vraiment écrasante. C'est ainsi le cas pour l'espace : 80 % des dépenses spatiales mondiales sont le fait des Etats Unis, ce chiffre incluant les dépenses de recherche.

Par ailleurs, la répartition entre sources publiques et privées du financement de la recherche est sensiblement différente aux Etats-Unis et en Europe. Les entreprises financent 57 % de la recherche en Europe, 67 % aux Etats-Unis (et 72 % au Japon). Par ailleurs, 40% de la recherche des grandes entreprises européennes sont réalisés hors d'Europe. Il convient de noter néanmoins que la part de l'industrie dans le financement de la recherche croit régulièrement dans la majorité des pays de l'Union.

Enfin, les crédits publics à la recherche privée (voir aussi diagramme en III.B.2) sont sensiblement moins importants en Europe (0,76 % du PIB), par rapport aux Etats-Unis (0,94 % du PIB).

3) L'attraction exercée par les Etats-Unis sur les chercheurs du reste du monde

· L'Europe conserve des atouts forts sur le plan du potentiel humain

Si l'on s'attache en premier lieu au nombre de diplômés dans le domaine des sciences et de l'ingénierie, l'Europe arrive au premier rang. Ainsi en 2000, l'Union européenne a formé 2,14 millions de diplômés dans ce secteur, les Etats-Unis 2,07 millions et le Japon 1,1 million.

Mais, en revanche, le nombre total de chercheurs est sensiblement plus élevé aux Etats-Unis (1,22 million, soit 8,66 % de la population active) qu'en Europe (0,91 million soit 5,36 % de la population active).

Les chercheurs sont aux Etats-Unis très majoritairement en entreprise (82 %), très peu dans le secteur public (4 %), ou même dans l'enseignement supérieur (11 %). La situation est très différente en Europe : 50 % des chercheurs en entreprise, mais 34 % dans l'enseignement supérieur et 14 % dans le secteur public.

· La « fuite des cerveaux » ?

L'attractivité de la recherche européenne est nettement insuffisante pour les chercheurs. D'une part, elle n'attire pas suffisamment de chercheurs étrangers et, d'autre part, de nombreux chercheurs européens s'expatrient durablement aux Etats-Unis. Evoquant au début de l'année la gravité de cette situation, le président de la Commission européenne a estimé que « si nous continuons ainsi nous sommes finis ».

En 2000, seulement 2,1 % des diplômés employés en sciences et technologies étaient originaires de pays extérieurs à l'Union.

Par ailleurs, environ 4 % du total des ressources humaines européennes en sciences et technologies (environ 400 000 sur 11 millions) travaillent aux Etats-Unis. L'attractivité des Etats-Unis est très forte dans ce domaine : plus de 55 % des post-docs en sciences et ingénierie aux Etats-Unis sont étrangers. Environ 14 % des effectifs non-américains travaillant dans le domaine des sciences et technologies aux Etats-Unis sont d'origine européenne (et 86 % asiatiques).

La « fuite des cerveaux »

Quelques chiffres qui donnent à réfléchir

· Chaque année, 0,35 % des étudiants français s'inscrivent dans une université américaine pour des études « undergraduate » (1er et 2ème cycle) ou « graduate » (3ème cycle).

· Chaque année, environ 28 % des post-docs français partent aux Etats-Unis, l'année qui suit leur thèse.

· La part des étudiants français dans les universités américaines est remarquablement faible. La part des jeunes français les plus formés, qui constituent le vivier de la recherche, y est au contraire remarquablement élevée.

· 46 % des thèses en Sciences et Ingénierie aux Etats-Unis sont soutenues par des étrangers.

· 55 % des post-docs en Sciences et Ingénierie aux Etats-Unis sont étrangers.

· La recherche américaine dépend fortement de l'importation d'une force de travail étrangère.

· Les Etats-Unis réalisent des économies importantes en matière d'éducation par l'importation de jeunes déjà formés.

Source : Ambassade de France à Washington.

Ce qui est inquiétant, c'est que la proportion des titulaires européens d'un doctorat américain préférant rester aux Etats-Unis après leur thèse pour y faire carrière s'est sensiblement renforcée : elle est passée de 50 % en 1990 à près de 75 % en 1999. La « fuite des cerveaux » européens tend à s'accentuer. Certes, il convient d'être prudent sur les chiffres, et ce n'est pas un mal en soi qu'un chercheur européen passe une partie de sa carrière aux Etats-Unis, mais les tendances sont de plus en plus marquées.

4) Parallèlement à l'effort américain, d'autres Etats accentuent également leur effort

· Le Japon

Le Japon a engagé une restructuration importante de sa politique de la recherche et de l'enseignement supérieur. Un premier plan cadre de cinq ans avait été lancé en 1995, le deuxième a été lancé en 2001. Le premier plan prévoyait un doublement des crédits affectés sur la base de 1992. Ce qui a été atteint en 2000. Son budget était de 148 milliards d'euros et de nombreuses réformes ont été entreprises durant ces cinq ans. Le deuxième plan a pris effet en avril 2001. Il prévoit un budget de 209 milliards d'euros sur cinq ans.

Le Japon est le pays au monde qui investit le plus pour la recherche en pourcentage du PIB, aux environs de 2,9 % à 3 % selon les sources, devant les Etats-Unis. En valeur absolue, le Japon arrive en deuxième position derrière les Etats-Unis qui dépensent environ 2,3 fois plus que le Japon.

· L'Inde

L'Inde, qui compte, doit-on le rappeler, 950 millions d'habitants, a décidé de renforcer très sensiblement son effort de recherche. La nouvelle politique pour la science et la technologie, rendue publique en janvier 2003 par le premier ministre, M. Atal Bihari Vajpayee, aspire à transformer l'Inde en une société du savoir. La recherche est affirmée comme une priorité de l'Inde et fera l'objet d'investissements publics et privés en forte croissance.

Les investissements dans la recherche, qui dépasseront 2 % du PNB à la fin du 10ème plan, associeront largement le secteur privé attiré par des mesures légales et fiscales. L'industrie, invitée à investir dans la recherche, devra aussi soutenir des formations personnalisées, voire financer des chaires. La mobilité des chercheurs, entre secteurs public et privé, sera facilitée. Une réforme du régime de propriété intellectuelle encouragera l'innovation en accélérant sa mise sur le marché et en soutenant les chercheurs qui transféreraient leur savoir-faire à l'industrie.

La recherche publique sera vigoureusement impulsée en allégeant considérablement les procédures de financement des établissements, puis en leur accordant une large autonomie, enfin, en attirant les sujets les plus brillants dans les carrières scientifiques et technologiques rendues plus attrayantes. De nouvelles dispositions faciliteront le retour des scientifiques indiens établis à l'étranger. L'infrastructure existante sera renforcée, puis des pôles d'excellence seront créés, particulièrement dans les secteurs prioritaires, et assurés d'un soutien sur au moins 10 ans. Des laboratoires de ressources, de niveau international, seront créés dans les domaines où l'Inde excelle ou dispose d'avantages spécifiques. Infrastructures, investissements et ressources humaines seront mis en réseau au niveau national. Projets interdisciplinaires et carrières transdisciplinaires seront favorisées.

Si une attention particulière est accordée aux technologies de l'information et de la communication, à la biotechnologie et aux sciences des matériaux, le savoir traditionnel de l'Inde sera aussi valorisé. Par exemple, la recherche en médecine traditionnelle sera intensifiée et un programme proposé pour conquérir de nouvelles parts de marché en phytothérapie.

Chaque administration devra financer des recherches dans les domaines qui la concernent. La culture scientifique et technologique devra toucher tous les citoyens.

· La Chine

Dans le contexte d'une économie chinoise en forte croissance (+ 7,3% en 2001, + 8% en 2002 ), la recherche constitue une priorité de premier rang pour les responsables chinois. Le gouvernement s'est engagé à assurer « le redressement du pays » par la science et l'éducation et par une politique de développement durable. La recherche en Chine représente à l'heure actuelle 1 % du PIB. 60 % de la recherche est effectuée dans les entreprises, 28,8 % dans les instituts de recherche et 8,6 % dans les universités. La recherche fondamentale ne représente que 5,2 % de l'effort de recherche, la recherche chinoise étant surtout dirigée vers la recherche appliquée et le développement.

L'Union européenne a signé en 1998 un important accord de coopération avec la Chine. La Chine a participé au 5ème programme cadre pour des programmes représentant 92 millions d'euros.

Il faut signaler par ailleurs que la Chine connaît un problème important de fuite des cerveaux : des 580 000 jeunes chinois partis étudier à l'étranger entre 1978 et 2002, 150 000 seulement sont revenus en Chine. Le gouvernement mène une politique active, assortie d'aides, pour inciter au retour les Chinois formés à l'étranger.

B. Les faiblesses de la recherche européenne

1) La diversité des efforts et des organisations nationales de recherche

Au cours de ce rapport, j'ai eu l'occasion de me rendre dans un certain nombre de pays de l'Union européenne. J'ai constaté une très grande diversité d'approche et de modes de fonctionnement (voir en annexe un exposé plus complet de la recherche dans les pays visités). Cette diversité n'est pas, par elle même, une faiblesse. Elle peut être au contraire un facteur de richesse et vitalité. C'est la mauvaise coordination des efforts de recherche, le fractionnement, qui nuit à l'efficacité de la recherche en Europe.

Je rapporte ici les éléments principaux des systèmes de recherche de ces pays et de leur effort de recherche, à partir des informations que j'ai pu réunir à l'occasion de mes rencontres et entretiens, sans que cet exposé ne puisse prétendre à l'exhaustivité. Il rend compte par ailleurs d'un certain nombre d'opinions émises par les interlocuteurs rencontrés.

Synthèse des situations nationales des pays visités par le rapporteur et de la France, moyenne de l'Union à quinze et situation des Etats-Unis

 

UE-15

EU

GB

A

I

E

S

G

P

F

Part/PIB en %

1,95

2,8

1,85

2,53

1,07

0,96

3,65

0,67

0,75

2,20

Taux de croissance annuel [95.01] en %

0,60

1,70

-1,10

1,90

0,60

2,90

2,20

8,50

7,30

-0,90

Nombre de chercheurs

919 796

1 219 407

164 040

255 260

64 886

61 568

39 921

14 828

15 572

160 424

Crédits gouvernementaux en % du PIB

0,76

0,94

0,69

0,81

0,69

0,69

0,86

0,30

0,69

0,99

Taux de croissance annuelle (%) des crédits gouvernementaux [95.02]

1,88

3,38

0,87

-0,08

5,69

11,30

5,73

4,29

9,84

1,13

Part des dépenses de recherche dans le total de la recherche européenne (%)

_

_

16

30,4

8,8

4,1

4,8

0,7

0,8

18,7

Source : Troisième rapport science et technologie, Commission européenne (chiffres 2001 ou dernière année disponible)

a) L'Allemagne

- La recherche en Allemagne

L'organisation de la recherche en Allemagne est tout d'abord marquée par la nette distinction entre les domaines de la recherche : d'une part, entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, d'autre part, entre la recherche civile et la recherche militaire. Il convient de noter en outre que la recherche à des fins militaires est peu importante, tandis que la coopération avec la recherche civile est limitée.

Par ailleurs, la recherche est caractérisée en Allemagne par le principe de la compétition entre les chercheurs : le recours systématique à l'appel d'offres pour le financement des projets de recherche et pour la nomination à des postes de chercheurs entretient cette culture de la compétition. Dans le même esprit, les instituts de recherche sont soumis à une évaluation régulière, auxquels participent majoritairement des chercheurs étrangers, qui peut aboutir très concrètement à des diminutions importantes de crédits, voir à la fermeture de certains établissements.

La définition des priorités de la recherche et leur financement sont organisés de façon très décentralisée, les Länder participant largement au financement des instituts de recherche. Par ailleurs, la mise en œuvre de la politique de la recherche relève, pour l'essentiel, d'entités autonomes, principalement la DFG (Deutsche Forschunggesellschaft) et la société Max Planck pour la recherche fondamentale, la société « Fraunhofer » pour la recherche appliquée. L'Etat fédéral souhaite favoriser une plus grande centralisation pour mieux coordonner les activités de recherche.

- L'Allemagne et les programmes européens

Les partenaires que j'ai rencontrés constatent à la fois la nécessité de créer un Espace européen de la recherche et le chemin restant à parcourir, les politiques de recherche demeurant imprégnées d'une vision nationale (par exemple, mobilité réduite des jeunes chercheurs, conceptions très diverses en matière de défense).

Les principales critiques portées au PCRD portent, d'une part, sur l'insuffisance des soutiens à la recherche fondamentale et, d'autre part, sur le caractère bureaucratique du processus.

Néanmoins, la coopération européenne apparaît indispensable à nos partenaires allemands pour assurer la compétitivité de l'Europe au niveau mondial, ce qui n'est pas exclusif de coopérations bilatérales.

Par ailleurs, la lutte contre la fuite des cerveaux et l'association du public à la science (initiative Futur) constituent des priorités importantes.

b) Le Royaume-Uni

- La recherche au Royaume-Uni

· L'effort de recherche

L'effort de recherche au Royaume-Uni correspond en 1999 à 1,9 % du PIB britannique. Cet effort est en déclin par rapport aux années quatre-vingt (2,2 % du PIB en 1985). Des pays du G7, seule l'Italie fait moins bien avec seulement 1 % de son PIB investi dans la recherche. Les entreprises sont les principaux investisseurs avec près de la moitié du total des dépenses.

L'engagement financier des pouvoirs publics en matière de recherche a sensiblement décru depuis le début des années quatre-vingt : en livres constantes, il représentait 4,6 milliards en 1999 (contre 5,8 milliards en 1985). En proportion du total des dépenses de recherche, l'investissement public représentait 42 % en 1985, mais seulement 28 % en 1999. Cette situation commence à changer, le budget public de la science étant en croissance depuis 2001 (voir annexe sur la recherche au Royaume-Uni).

· L'organisation de la recherche

La recherche publique est conduite essentiellement dans les universités, beaucoup de scientifiques ayant à la fois une activité de recherche et une activité d'enseignement.

Elle est financée selon un système complexe, le « dual support system ». Les infrastructures ainsi que le personnel académique permanent sont financés par les quatre « higher education funding councils » (HEFC), un pour chacune des quatre régions : Angleterre, Pays de Galles, Ecosse, Irlande du Nord. Les dépenses de recherche sont financées par les subventions accordées par les « Conseils de recherche » - au nombre de sept, correspondant aux différents secteurs de la recherche - ou par les ministères.

Les pôles d'excellence de la recherche du Royaume-Uni sont très concentrés en Angleterre (94 % des dépenses de recherche-développement).

Les liens entre la recherche et l'industrie sont étroits au Royaume-Uni, à travers notamment des centres de transferts de technologies mis en place par les universités et les centres de recherche, ou des démarches spécifiques comme les partenariats « Faraday » pilotés par le ministère du commerce et de l'industrie. Il existe aussi de nombreux parcs scientifiques fondés sur un partenariat entre les établissements d'enseignement supérieur, les centres de recherche et l'industrie.

- Le Royaume-Uni et les programmes européens

Le Royaume-Uni participe activement aux programmes-cadre : 43 % des projets du 5ème programme-cadre contenaient au moins un partenaire britannique et la participation britannique représentait globalement 15,2% des participations au programme cadre (données Cordis, traitement OST). En ce qui concerne le 6ème programme, l'analyse des appels à manifestation d'intérêt montre que la participation du Royaume-Uni se maintient à un niveau élevé, 15 % des projets présentés étant pilotés par une équipe britannique (le Royaume-Uni dispose d'une interface particulièrement efficace à Bruxelles, le « UK research office »).

Des nombreux contacts que j'ai eus avec des interlocuteurs britanniques - notamment de la Chambre des Communes, de l'Office de la science et de la technologie (OST), de « Conseils de recherche », de la « Royal society », du bureau des affaires européennes de l'« University College of London », du secteur privé - il ressort que, dans l'ensemble, le Royaume-Uni considère que les programmes-cadre constituent un instrument très utile, dont il tire de nombreux avantages, au service d'une coopération scientifique jugée nécessaire pour une recherche plus efficace. En revanche, la question de savoir jusqu'où l'intégration doit aller est sujet à discussion : la « coopération » n'est pas la « combination ». Mes interlocuteurs ont semblé accueillir également favorablement le principe de l'Espace européen de la recherche.

Les interlocuteurs rencontrés ont par ailleurs exprimé un ensemble de critiques vis-à-vis des programmes-cadre, qui recoupent les opinions entendues dans d'autres Etats membres (lourdeur excessive, pas suffisamment d'accent sur la recherche fondamentale, critères d'évaluation des projets parfois difficiles à cerner).

La Commission science et technologie de la Chambre des Communes, présidée par M. Ian Gibson, que j'ai rencontré, vient de déposer un rapport, publié le 24 juillet dernier, intitulé « UK science and Europe : value for money ? ». Ce rapport porte en particulier sur la façon dont le Royaume-Uni tire avantage, ou non, des possibilités de financement de la recherche par les programmes-cadre et sur l'efficacité des mécanismes de financement européens existants.

La Commission estime que les priorités thématiques européennes correspondent le plus souvent aux priorités britanniques. Elle souhaite que les procédures des programmes-cadre soient facilitées. Elle juge que les effets de l'élargissement ne devraient pas être considérables, beaucoup des pays candidats participant déjà aux PCRD. Elle considère en revanche que la recherche européenne pourra bénéficier de la collaboration de scientifiques talentueux issus de ces pays.

Enfin, elle considère qu'un « Conseil européen de la recherche » pourrait constituer l'une des solutions pour accroître le financement de la recherche fondamentale (mais que cela pourrait aussi se faire dans le cadre du PCRD).

c) La Suède

- La recherche en Suède

Le système de recherche suédois est fondé essentiellement sur les universités ainsi que sur un certain nombre d'instituts scientifiques, mais l'essentiel de l'effort de recherche est concentré dans la recherche industrielle. On notera également que la recherche militaire est relativement structurée, avec une administration centrale de type DGA (Délégation générale à l'armement).

La Suède est aujourd'hui le pays d'Europe qui consacre la plus forte part de son PIB à la recherche (3,8 % en 1999).

Toutefois, la délocalisation de centres de recherche à l'étranger et la baisse de l'investissement recherche de certains secteurs qui ont connu des dérégulations ont entraîné un certain tassement de cet effort. Le rachat de SAAB et d'autres entreprises suédoises importantes par des groupes extérieurs n'est pas, non plus, sans incidence sur l'effort suédois de recherche.

La recherche fondamentale reste essentiellement de la responsabilité de l'Etat, par le biais des universités et des instituts technologiques.

D'après certains de mes interlocuteurs, la gestion nationale de l'effort de recherche doit tenir compte de la grande autonomie des centres universitaires.

- La Suède et les programmes européens

La Suède, compte tenu de son adhésion récente, n'a pas pleinement participé au 5ème PCRD.

Les Suédois critiquent la lourdeur administrative des PCRD, tout en reconnaissant leur utilité. Ils se félicitent des mesures de décentralisation prises dans le cadre du 6ème programme-cadre, mais critiquent les nouveaux instruments : les réseaux d'excellence ne finançant pas directement la recherche et les projets intégrés risquant à leurs yeux d'être trop lourds.

Les Suédois sont attentifs à ce que les nouveaux pays adhérents - notamment les pays baltes - puissent participer aux programmes-cadre.

d) Le Portugal

- La recherche au Portugal

L'entrée du Portugal dans la Communauté européenne, en 1986, a conduit à un accroissement notable de l'effort de recherche scientifique et de développement technologique, même si le pourcentage du PIB qui y est consacré reste encore modeste (0,8 % en 1999) et représente une faible part de la dépense de recherche de l'Union (0,8 % en 1999). La politique de la recherche au Portugal cherche un nouveau souffle. Malgré des foyers d'excellence, la recherche publique reste globalement encore peu développée.

La recherche dans l'industrie est faible et le Portugal est le dernier des pays de l'Union européenne en matière de brevets. Le nombre de docteurs, de 9787 en 2001, a augmenté toutefois de 5,8% par an depuis 1988.

Des efforts importants ont été entrepris pour renforcer la recherche au Portugal : début 2002, le ministère de la science et de la technologie s'est vu accorder une augmentation de 19,1%, 3ème en importance des budgets ministériels, pour atteindre une dotation de 390,8 millions d'euros. Cette augmentation suit celle de 17% en 2001. L'augmentation de 2002 a été d'autant plus significative qu'elle était due à un accroissement de 65,1% du financement des projets de recherche, essentiellement consacrés aux investissements.

- Le Portugal et les programmes européens

Mes interlocuteurs portugais, bien que jugeant les programmes-cadre très importants pour le développement de la recherche portugaise, ont estimé primordial le renforcement vers des actions bilatérales et notamment avec l'Espagne et la France.

Le 6ème PCDR apparaît, aux yeux des personnes rencontrées, comme une exercice très difficile. La Commission est critiquée pour avoir mis en place un programme trop ambitieux, dont la dimension pose des problèmes insurmontables aux petites entreprises. Ces dernières éprouvent beaucoup de difficultés à entrer dans les réseaux d'excellence. Le 5ème PCRD leur semblait plus accessible.

e) L'Espagne

- La recherche en Espagne

L'augmentation des dépenses publiques depuis six ans a été très importante: +23% en 1997, +47% en 1999, mais seulement +7,6% en 2002 et +5,5% en 2003 correspondant à un montant total de 4 milliards d'euros. Mais la proportion des dépenses recherche dans le PIB reste encore faible, soit 0,94% du PIB (en 1999). Cet effort représente 4,1 % de la dépense des pays de l'Union en matière de recherche (chiffres 1999).

La création d'un ministère de la science et de la technologie, en avril 2000, a montré l'importance que le gouvernement espagnol attachait au développement de la recherche. Ce ministère, qui a également la charge du secteur industriel, a la tâche de poursuivre l'effort financier engagé en 1997, afin d'amener dans un délai raisonnable l'Espagne au niveau moyen de l'effort de recherche des pays de l'Union européenne.

Il est important de noter les efforts faits par le Gouvernement pour réformer la loi sur la science, afin de faciliter et d'encourager, par des mesures fiscales, l'investissement des entreprises dans le domaine de la recherche.

- L'Espagne et les programmes européens

Les nouveaux instruments du 6ème programme-cadre apparaissent difficiles d'accès aux interlocuteurs espagnols rencontrés, notamment pour les PME. Leur complexité favorise l'apparition d'officines spécialisées peu contrôlables.

L'objectif de 3 % du PIB pour la recherche apparaît, pour l'heure, difficile à atteindre pour l'Espagne.

L'ouverture des programmes nationaux aux partenaires des autres Etats membres est perçue comme une priorité, de même qu'un accès plus facile aux coopérations renforcées par le biais de l'article 169. Le programme Eureka est apprécié par les industriels espagnols. Il devrait profiter d'une nouvelle impulsion.

f) L'Italie

- La recherche en Italie

Le budget de la recherche italienne, 1,05 % du PIB (en 1999), est l'un des plus bas des pays industrialisés. Il représentait encore 1,32 % du PIB en 1992. Les pouvoirs publics prennent en charge un peu plus de la moitié de ce financement.

La recherche italienne est assez fortement cloisonnée, notamment entre entreprises et universités ou organismes de recherche. Elle compte cependant quelques points forts : un capital humain doté d'excellentes qualités de base, un niveau élevé de concentration de la recherche industrielle dans quelques secteurs stratégiques (mécanique instrumentale, robotique, optoélectronique...), un réseau industriel extrêmement flexible de petites et moyennes entreprises, nombreuses et dynamiques.

Sur ces bases, un programme national de la recherche 2003-2006 a été annoncé. Il vise à doubler le budget de la recherche, en le faisant passer à 2 % du PIB d'ici 2006.

- L'Italie et les programmes européens

Les interlocuteurs italiens que j'ai rencontrés sont favorables au développement de la politique de la recherche, tout en soulignant qu'à l'heure actuelle il n'y a pas de marché de la recherche identifiable à l'échelle de l'Europe.

La participation italienne au 5ème programme-cadre a été satisfaisante, mais les crédits disponibles étaient insuffisants, les thèmes trop éclatés et les procédures trop longues.

Les thèmes du 6ème programme-cadre apparaissent pour les Italiens correspondre aux bonnes priorités, mais les projets intégrés posent problème car ils ne sont pas suffisamment accessibles aux PME, très présentes dans l'économie italienne.

Le réseau Eranet est un bon instrument pour faciliter la coopération entre Etats membres. Les conditions de travail des chercheurs en Europe doivent être améliorées pour répondre au problème de la fuite des cerveaux. Il convient d'assouplir la gestion de l'article 169 par la mise en place d'un comité de gestion indépendant. Le programme Eureka est très apprécié par la recherche des entreprise italiennes.

g) La Grèce

- La recherche en Grèce

L'effort de recherche en Grèce est sensiblement inférieur à la recherche européenne (0,7 % du PIB en 1999). La part du secteur privé est particulièrement faible (25 % du total). L'effort de rattrapage engagé par la Grèce au cours de ces dernières années est néanmoins très important : la croissance de l'effort de recherche s'est établi à 8,71 %, le plus fort taux de l'Union européenne. 40 % de l'effort de recherche est conduit dans les universités et 33 % dans les centres de recherche.

La Grèce a un taux élevé de publication par habitant et de dépôt de brevets.

- La Grèce et les programmes européens

10 à 11 % du financement de la recherche en Grèce provient du programme-cadre communautaire. La participation de la Grèce au 5ème programme-cadre s'est élevée à 4,5 % du budget total du PCRD, ce qui représente le taux relatif le plus élevé de l'Union.

Les nouveaux instruments du 6ème PCRD suscitent des interrogations. La Grèce craint de ne pouvoir que difficilement participer aux réseaux d'excellence et aux projets intégrés du fait des masses critiques importantes exigées pour ces projets.

h) La France : mise en perspective par rapport à ses partenaires

- La recherche en France

L'effort de recherche français correspond à 2,2 % du PIB (en 1999), ce qui est légèrement supérieur à la moyenne de l'Union européenne (1,9 %). L'Allemagne est à 2,53 % et aux extrêmes, d'une part, la Suède à 3,65 % de son PIB et, d'autre part, le Portugal et l'Espagne, en dessous de 1 %. Mais l'effort français tend à plafonner : il n'a cru que de 9 % de 1994 à 1999 (la dépense recherche représentait 2,4 % du PIB en 1990), alors que la moyenne de l'Union a cru de 25 %. La France est ainsi, du point de vue de l'évolution de l'effort de recherche, au dernier rang des Quinze, certains pays ayant engagé un effort de rattrapage très volontariste (chiffres OCDE pour l'évolution 1990-1999 : +95 % pour la Grèce, +75 % pour le Portugal, +63 % pour le Danemark).

Par ailleurs, la part du financement de la recherche provenant des entreprises est légèrement inférieure en France (55 % en 2000) à la moyenne européenne (57 %), mais cette part augmente régulièrement, puisqu'elle était de 42 % en 1981 et de 56 % en 1999. La part de l'Etat a diminué parallèlement (de 58 à 44 % de 1981 à 1999).

L'examen de la répartition de l'effort public de recherche en France montre que notre pays consacre un peu plus d'un tiers à la recherche fondamentale, environ 16 % au financement des organismes de recherche finalisée, 4,4 % à l'incitation à l'innovation industrielle, 15,5 % aux grands programmes technologiques civils (essentiellement le spatial), 18,7 % pour la recherche de défense. Cet effort public est régionalement concentré : 40 % en Ile-de-France, suivie de Rhône-Alpes (10,8 %), Provence-Alpes-Côtes d'Azur (7,8 %) et Midi-Pyrénées (7,2 %).

La recherche des entreprises a augmenté en France de 20 % de 1992 à 2000. Le nombre des entreprises effectuant de la recherche a été multiplié par quatre entre 1982 et 2000. La recherche reste néanmoins concentrée à 80 % dans les entreprises de plus de 500 salariés.

La France compte par ailleurs environ 160 000 chercheurs et ingénieurs - dont près de 73 000 pour le secteur privé -, ce qui représente environ 17,6 % du personnel de recherche de l'Union européenne et correspond à peu près aux effectifs de la recherche britannique, mais sensiblement moins que ceux de l'Allemagne (28 %). S'agissant des indicateurs de la recherche, il faut noter que la France représente 5,2 % des publications mondiales (8 % pour le Royaume-Uni et 6,9 % pour l'Allemagne). Notre pays se distingue notamment en mathématique et pour les sciences de l'univers.

La situation est très différente pour les brevets, ce qui montre clairement qu'il n'y a pas de corrélation simple entre production scientifique et capacité technologique : l'Allemagne dépose trois fois plus de brevets à l'Office européen des brevets (18,1 %) que la France (6,3 %) ou le Royaume-Uni (5,3 %). La part de la France, sur le plan mondial, en termes de dépôts de brevets est en diminution (8,4 % en 1990, 7,2 % en 1999).

- La France et les programmes européens(5)

La France participe activement à la politique européenne de la recherche. Le taux de participation française au 5ème PCRD(6) est de 14,4 % des participations de l'Union européenne (données Cordis, traitement OST). La France est arrivée en troisième position, après l'Allemagne (16,8 %) et le Royaume-Uni (15,2 %). S'agissant de la part financière obtenue par des équipes françaises, celle-ci a été pour le 5ème programme d'environ 15 %, d'après les éléments d'information dont nous disposons(7).

- Une remobilisation nécessaire

L'organisation de la recherche en France souffre incontestablement de cloisonnements excessifs, notamment ente le secteur privé et le secteur public, et entre le civil et le militaire (ce qui ne constitue néanmoins pas une exception française en Europe).

En outre, les liens entre l'enseignement et la recherche et entre les universités et les entreprises, sont insuffisants, contrairement à ce qui se passe par exemple au Royaume-Uni à travers notamment les grandes universités britanniques. Cette faiblesse des liens entre la recherche publique et les entreprises est particulièrement nette en ce qui concerne les PME : dans notre pays, seulement 10 % ont établi un partenariat avec une université (25 % en moyenne en Europe).

Au regard des expériences de certains de nos partenaires - notamment, l'Allemagne et la Grande-Bretagne - deux éléments ont particulièrement retenu mon attention :

- la faiblesse de l'appel à projets, indispensable pour créer un minimum d'émulation entre les équipes de chercheurs ;

- la nette insuffisance, dans les organismes publics, de l'évaluation faite en externe ou, du moins, conduite par des scientifiques venus de l'extérieur.

Il est certain également qu'il importe de rétablir les conditions d'un environnement favorable à la recherche et au développement technologique. C'est l'objectif du plan innovation, préparé sous l'impulsion de madame Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, et de madame Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, présenté en avril dernier, et repris dans le projet de loi de finances pour 2004, qui prévoit notamment de soutenir les « jeunes entreprises innovantes », et de mieux valoriser les résultats de la recherche, de renouveler les incitations fiscales à l'innovation, de simplifier l'accès des entreprises aux aides à l'innovation, de développer la culture de l'innovation dans l'enseignement. Il serait utile, dans le même esprit, de revoir le statut des fondations afin d'ouvrir plus largement le financement de la recherche par les fondations.

Mais l'engagement financier de l'Etat reste un instrument incontournable. Dans cet esprit, le Gouvernement a décidé d'un effort financier important en faveur de la recherche - malgré un contexte budgétaire difficile - dans le cadre de la loi de finances 2004 (voir III D). C'est une première étape importante pour engager notre pays dans une démarche réellement volontaire en matière de recherche.

2) La trop lente montée en puissance de la recherche communautaire : 15 + 1 ou 1 +15 ?

On ne saurait, certes, sous-estimer la place faite à la recherche dès les premiers pas de la construction européenne. Certaines des initiatives les plus marquantes dans le domaine scientifique sont intervenues dès les débuts de l'Europe et aujourd'hui, la recherche est l'un des domaines où l'Europe a la politique la plus affirmée. Mais on ne peut manquer de relever la lenteur, et souvent aussi, la modestie d'un processus où l'Europe est souvent apparue plus comme un ixième partenaire (15 + 1) que comme un véritable fédérateur (1 + 15).

a) Certes, des éléments forts issus d'initiatives parfois anciennes

Dès les premiers pas de la construction européenne, une place importante a été faite à la coordination des efforts des Etats membres - voir à leur mise en commun - dans le domaine de la recherche et du développement. Ces efforts ont porté tout naturellement sur les secteurs qui répondaient à une double caractéristique ; un caractère critique en termes politiques, notamment d'indépendance - en particulier vis-à-vis des Etats-Unis -, un niveau élevé de masse critique nécessaire.

· Le charbon et l'acier

Ainsi, l'article 55 du traité de Paris instituant la CECA, signé le 18 avril 1951, attribuait à la Haute autorité une compétence en matière de recherche qui pouvait s'appliquer soit par l'organisation de « contacts appropriés » entre organismes de recherche, soit par des interventions financières, financement en commun ou participation financière à des programmes de recherche. Ces dispositions ont permis de développer une politique active dans ce domaine. Le patrimoine de la CECA a été transféré, le 23 juillet 2002, date d'expiration du traité de Paris à la Communauté européenne et les recettes correspondantes affectées à un Fonds de recherche du charbon et de l'acier, selon les termes d'un protocole annexé au traité de Nice.

· Le nucléaire

Mais c'est dans le domaine nucléaire que la recherche européenne s'est tout particulièrement, et très tôt, développée.

En 1949, à la conférence de Lausanne, Louis de Broglie propose la création d'un laboratoire scientifique européen compétent dans le domaine nucléaire afin que la recherche européenne puisse disposer, dans ce domaine, des infrastructures nécessaires à son développement. Il s'agissait à la fois de contribuer à stopper la fuite des cerveaux vers les Etats-Unis, dans le domaine de la physique nucléaire et de participer au développement de l'unité de la science européenne. En 1952, onze pays européens se mettent ainsi d'accord pour créer le CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire). Un site près de Genève est sélectionné pour accueillir le futur laboratoire. Vingt pays en sont membres à présent, et les Etats-Unis (contributeurs) sont observateurs depuis 1997. Le CERN est le plus grand centre de physique des particules du monde, qui comporte à la fois des accélérateurs et des détecteurs de particules. Le développement des activités du CERN a été notamment marqué par la création du synchrotron et du super synchrotron, du LEP (grand collisionneur Electrons-Positons).

Par ailleurs, le traité Euratom, signé le 25 mars 1957, parallèlement au traité instituant la Communauté économique européenne, accorde une place importante au développement de la recherche nucléaire, par le biais de procédures d'échanges d'informations ou de coordination, de concours financier à l'exécution des programmes, d'actions de diffusion des connaissances. La Communauté poursuit en outre dans ce domaine des programmes propres de recherche, par l'intermédiaire du Centre commun de recherche (en particulier sécurité nucléaire, non-prolifération, gestion des déchets).

Il convient d'évoquer aussi le succès de la coopération européenne dans le domaine de la fusion nucléaire à travers les développements du projet JET (Joint European Torrus) mis en place en 1976 dans le cadre Euratom. J'ai pu visiter avec grand intérêt les installations de JET et le Tokamak à Culham au Royaume-Uni. JET associe tous les laboratoires européens qui travaillent sur la fusion. Il a largement contribué à la position d'excellence que la recherche européenne a acquise dans ce domaine au niveau mondial (voir précisions sur le JET dans l'annexe, insérées dans la note sur la recherche au Royaume Uni).

· L'espace et l'aéronautique

Le domaine spatial a constitué également un domaine exemplaire de coopération pour la recherche européenne, menée dans un cadre intergouvernemental. Dès 1962 étaient créés le CERS (Centre européen de recherche spatiale) et le CECLES (Comité européen pour la construction de lanceurs d'engins spatiaux), qui ont donné naissance à l'ESA (Agence spatiale européenne) en 1973. La coopération européenne dans ce domaine, a été motivée par un souci permanent d'autonomie européenne. Elle a permis de créer une solide base industrielle et de garantir à l'Europe une capacité reconnue dans le domaine des lanceurs, de la science et de la technologie, et des applications, notamment en matière de satellites de communication. - en particulier à travers le succès d'Ariane.

S'agissant spécifiquement de l'organisation de la recherche, le « plan directeur de technologie spatiale », élaboré par l'ESA, représente le cadre de définition des besoins européens et de l'organisation des actions de coopération. Les programmes-cadre de recherche de l'Union et les programmes nationaux complètent ces actions.

Enfin, l'aéronautique apparaît aussi comme une réussite remarquable de la recherche européenne grâce à un effort de coordination soutenu. Cette démarche a été marquée en particulier par la création d'Airbus en 1970 - en collaboration, dans un premier temps, franco-allemande -, et son succès industriel et commercial. Dans ce domaine, la recherche en collaboration a contribué à faire de l'Europe le seul concurrent sérieux des Etats-Unis.

· D'autres exemples

· d'autres organisations

La recherche européenne est riche de nombreux organismes ou organisations. Ce n'est pas l'objet de ce rapport d'en faire un examen détaillé. Il convient néanmoins, sans pouvoir être exhaustif, de citer particulièrement :

- l'EMBO (Organisation européenne pour la biologie moléculaire ) créée en 1964 ;

- l'ILL (Institut Laue-Langevin, réacteur à neutrons de très haute intensité de Grenoble) , créé en 1967 ;

- l'EMBL (Laboratoire européen de biologie moléculaire) créé en 1971 ;

- l'ESF (Fondation européenne de la science), créée en 1974, dont le siège est à Strasbourg.

· d'autres procédures

Parmi les procédures de soutien à la science, il convient de citer la COST (coopération dans le domaine de la recherche scientifique et technique).

Mise en place en 1971 par dix-neuf Etats européens, la COST est un cadre de coopération pour des actions de recherche concertée au niveau européen, appelées actions COST, avec l'appui de l'Union européenne. La COST regroupe à présent 35 Etats membres.

La COST vise à coordonner la recherche pré-compétitive ou des activités d'intérêt public financées au niveau national en Europe. Il existe actuellement quelque 150 actions COST dans vingt domaines de recherche, chacune d'entre elles durant en moyenne de trois à quatre ans. Selon une approche ascendante, la coopération est entamée par les participants eux-mêmes au niveau national. Les pays membres peuvent choisir de participer aux actions en fonction de leurs priorités nationales en matière de recherche.

Malgré l'importance des programmes-cadre communautaires de recherche et le lancement d'Eureka en 1985, la COST continue de jouer un rôle important dans le développement de la coopération scientifique et technologique en Europe.

Enfin, dans le domaine de la défense, il convient de citer les programmes de recherche militaire menés en coopération dans le cadre de l'Organisation armement de l'Europe occidentale (OAEO).

b) Des initiatives marquantes dans les années quatre-vingt

Après les initiatives importantes des années soixante, rien de très nouveau n'a été lancé dans courant des années soixante-dix en matière de recherche européenne. Il a fallu pour cela attendre le début des années quatre-vingt.

La première étape importante qui a marqué l'engagement de la Communauté européenne, en tant que telle, dans le domaine de la recherche scientifique, a en effet été le programme Esprit. L'initiative en est venue, au début des années quatre-vingt, des industriels européens de l'informatique qui s'inquiétaient du retard pris dans ce domaine par l'Europe vis-à-vis de ses concurrents américains et japonais, du fait, notamment, de la duplication des efforts de recherche en Europe et de la diversité des normes intra-européennes. Dès 1979, un rapport d'Etienne Davignon avait souligné les risques de dépendance européenne dans ce secteur, comme dans d'autres secteurs de pointe. Les contacts entre les industriels et la Commission débouchent, en 1984, sur le programme Esprit. L'objectif du programme est triple : renforcer la base technologique de l'Europe ; encourager les efforts de coopération entre les industriels et entre ceux-ci et les universités ; adopter un programme-cadre commun de soutien et de planification, à moyen terme, pour l'Europe. Le programme prévoit des contrats de soutien à des projets de recherche pré-compétitive associant plusieurs entreprises de nationalités différentes. Esprit a constitué un succès important pour le secteur de l'information et des télécommunications en Europe. Il a eu d'importantes retombées en termes de compétitivité industrielle en favorisant les synergies. Il a contribué à l'émergence d'une véritable communauté technologique européenne.

Dans la lancée, la démarche d'Esprit a été appliquée à d'autres secteurs : les télécommunications (Race), les applications des nouvelles technologies (Brite), les biotechnologies, les énergies nouvelles non nucléaires, le traitement des déchets radioactifs. L'ensemble de ces actions a été regroupé dans un premier programme-cadre d'aide à la recherche-développement qui porte sur la période 1984-1987.

Il convient de rappeler également le lancement d'Eureka, à l'initiative de la France. Ce programme - établi à la suite de l'accord d'Hanovre en novembre 1985 - visait à mettre en place, dans un cadre intergouvernemental cette fois, un programme de coopération technologique basé non pas sur une programmation mais sur une démarche « bottom-up ». Cette initiative a visé à stimuler la recherche développement industrielle et à renforcer la compétitivité des entreprises. Dès le départ, le partenariat étatique à la base d'Eureka a dépassé les membres de la Communauté. Eureka réunit à présent 34 pays européens et a des liens avec l'Albanie, la Bulgarie, le Maroc et l'Ukraine. L'Union européenne est également membre. Chacun des membres décide librement de ses priorités en fonction des propositions des industriels. Les projets sont soutenus financièrement à la fois par les Etats et par les partenaires concernés, selon des modalités variables. Eureka est notamment très engagé dans le domaine des technologies de l'information. Depuis 18 ans, Eureka a décidé de plus de 3 000 projets pour un montant de plus de 16 milliards d'euros .

c) La montée en puissance progressive d'une véritable démarche commune

· Les fondements de l'action communautaire en matière de recherche

Le texte initial du traité de Rome ne reconnaissait pas de compétence à la Communauté économique européenne en matière de recherche. Si le programme Esprit a constitué la première étape importante sur le plan communautaire, il a fallu attendre l'Acte unique européen pour qu'en 1986 une compétence en matière de recherche soit introduite dans le traité.

Cette compétence a ensuite été renforcée par le traité de Maastricht. Le traité d'Amsterdam a fait passer les décisions prises en matière de recherche de l'unanimité à la majorité, ce qui devait constituer un cadre plus favorable pour éviter le « saupoudrage » des actions.

C'est le titre XVIII du traité instituant la Communauté européenne qui est le fondement des actions européennes dans ce domaine. Il fixe les objectifs, les règles et les procédures de mise en œuvre des activités de recherche et de développement technologique.

L'article 163 dispose ainsi que la « Communauté a pour objectif de renforcer les bases scientifiques et technologiques de l'industrie de la Communauté et de favoriser le développement de sa compétitivité internationale, ainsi que de promouvoir les actions de recherche jugées nécessaires ». Il convient de noter à ce propos que si l'objectif de l'action de la Communauté dans ce domaine est clairement la compétitivité industrielle, le traité n'exclut aucune forme de recherche du champ d'action communautaire, notamment pas la recherche fondamentale.

Les articles 164 à 173 du traité déterminent les actions à mener par la Communauté et mettent en exergue le rôle essentiel réservé à cet égard aux programmes cadres pluriannuels, à travers les soutiens financiers apportés à des programmes de recherche correspondant aux priorités fixées en commun.

Il convient d'évoquer également l'existence d'actions de recherche menées directement par la Communauté et gérées par la Commission à travers l'activité des établissements du Centre commun de recherche (CCR), au service à la fois de la Communauté européenne et d'Euratom.

Le rôle du CCR a été récemment recentré, notamment à la demande des Etats membres, sur le soutien scientifique aux politiques communautaires. C'est ainsi que le CCR travaille en particulier dans le domaine de la santé et de l'environnement.

· Le développement des programmes-cadre

Les activités de recherche au niveau de l'Union européenne et leur financement sont inscrites dans des programmes quinquennaux de recherche et de développement technologique depuis 1984.

Le budget de ces programmes s'est accru sensiblement depuis l'origine, passant de 3 250 milliards d'euros pour le premier programme-cadre (1984-1987) à 13 215 milliards d'euros pour le 4ème programme-cadre (1994-1998), qui fut le premier à couvrir toutes les activités de recherche et développement technologiques financées par la Commission européenne sur une période donnée.

Le processus de décision relatif au programme-cadre et à sa mise en oeuvre est décrit dans les tableaux joints. La phase d'exécution - et notamment la sélection des projets - est conduite par la Commission, sous le contrôle des Etats membres.

Depuis 1984, le programme-cadre s'est imposé comme un instrument utile au service du développement de la recherche en Europe. Il a permis de rapprocher les équipes de recherche à travers toute l'Europe et de soutenir des priorités scientifiques d'intérêt commun. Il reste néanmoins un instrument discuté, notamment du point de vue de sa procédure, de son impact sur la science européenne, ou de son articulation avec les programmes nationaux. Je reviendrai plus loin plus en détail sur les réactions que suscite le programme-cadre à l'occasion de l'examen du 6ème PCRD et j'examinerai ensuite les voies de progrès possibles.

Procédure de décision du programme-cadre

Phase législative

Phase réglementaire

Phase d'exécution

· Décision cadre
- grandes lignes du programme
- crédits associés

· Règles de participation

· Programmes spécifiques
- détail du contenu scientifique du programme
- définition des modalités de contrôle de l'exécution

· Programmes de travail

· Sélection des projets

· Négociation des contrats

Commission
proposition

Conseil
décision

Parlement
décision

Commission
proposition

Conseil
décision

Parlement
consultation

Commission décide,
sous le contrôle des
Etats membres (comités de programmes)

Processus de sélection projet

· Le cinquième programme-cadre

Participation des Etats au 5ème PCRD (ces données incluent le programme EURATOM)

Le déroulement du programme et son évaluation

A partir des critiques formulées à l'adresse des programmes-cadre, notamment du 4ème, le 5ème programme, adopté en décembre 1998, et qui fixe les priorités pour les activités de recherche de l'Union européenne au cours de la période 1998-2002, a voulu apporter des inflexions importantes.

Le programme a affiché en particulier la nécessité de répondre davantage que dans les programmes précédents au critère de l'excellence scientifique et technologique, à la pertinence nécessaire par rapport aux grandes politiques de l'Union. Il a prévu par ailleurs une certaine concentration du nombre des programmes communautaires. Il met enfin l'accent sur la nécessité d'une meilleure coordination entre les différentes actions ayant des incidences en matière de recherche - actions communautaires, menées dans d'autres cadres européens, ou nationales -, ainsi sur une plus grande flexibilité de la gestion des programmes.

Notre collègue le sénateur Pierre Lafitte, dans son rapport sur les programmes communautaires de recherche, déposé en avril 2000, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, apporte un soutien clair aux nouvelles orientations du cinquième programme, tout en avançant de fortes critiques. Ces critiques vont au-delà du cinquième programme et portent sur l'organisation même de la recherche européenne, et elles sont, en tant que telles, intéressantes à évoquer.

Le rapport Lafitte met en particulier en exergue :

- la faiblesse des encouragements à la coordination des politiques des Etats membres ;

- l'insuffisante prise en compte de l'environnement de la recherche européenne (fiscalité, propriété intellectuelle, emploi, sensibilisation de la société civile) ;

- le cloisonnement vis-à-vis des autres politiques de l'Union européenne (fonds structurels, Banque européenne d'investissement) et des autres programmes multilatéraux de recherche, civils et militaires ;

- l'insuffisance des moyens mis en œuvre, ainsi que les inconvénients liés à des instruments non différenciés.

C'est à ces différentes faiblesses que le lancement de l'« Espace européen de la recherche » a voulu répondre. Nous verrons - notamment à travers l'examen du 6ème PCRD - qu'il reste encore un chemin important à parcourir.

Les éléments relatifs à la participation française au cinquième programme-cadre font ressortir les points suivants (il s'agit de résultats encore provisoires, le bilan final du 5-PCRD n'étant pas encore établi) :

- le taux de participation des équipes françaises est de 15,3 %. Ce taux, en hausse par rapport à la participation française au 4ème PCRD, place la France en troisième position, derrière l'Allemagne (17,2 %) et le Royaume-Uni (16,6 %) ;

- le taux d'implication de la France comme coordonnateur de projets du 5ème PCRD est à peu près équivalent au taux de participation, soit 15,6 % (il convient de noter que le Royaume-Uni conserve de ce point de vue une position dominante, puisque 22,8 % des projets du 5ème PCRD ont été coordonnées par une équipe britannique) ;

- la participation des PME françaises s'est légèrement tassée du 4ème au 5ème PCRD (de 11,7 % à 9,6 % de la participation française) alors même que, en moyenne européenne, la participation des PME s'est accrue de 25 % du 4ème au 5ème PCRD.

Le lancement du 5ème PCRD a fait l'objet d'une évaluation communautaire (« Evaluation quinquennale des programmes de recherche et de développement technologiques de l'Union européenne ») par un groupe d'experts indépendants présidé par M. Joan Majo, ancien ministre espagnol de l'industrie et président du Conseil de gestion de l'Institut Català de technologie. La Commission a fait part de ses observations sur les conclusions du rapport Majo dans une communication du 19 octobre 2000.

Le rapport Majo porte non seulement sur le 5ème programme-cadre (1998-2002), mais également sur les résultats du 3ème programme-cadre (1990-1994) et sur la mise en œuvre et les résultats du 4ème programme-cadre (1994-1998). Ce bilan est le dernier exercice d'envergure pour l'évaluation du programme-cadre dans son ensemble. Il a largement conforté la Commission non seulement dans sa volonté de refonte du programme-cadre, notamment d'une concentration plus forte des instruments, mais aussi dans son souhait de mettre en œuvre une démarche plus globale que le seul PCRD, s'exprimant par le lancement de l'« Espace européen de la recherche ».

Sans vouloir procéder à une analyse exhaustive du rapport Majo, il est intéressant d'en faire ressortir les points principaux :

- s'agissant des 3ème et 4ème programmes-cadre, le rapport note que le ciblage prioritaire sur les projets de recherche en collaboration et le ciblage annexe sur des activités telles que la formation et la mobilité des chercheurs ont été très appréciés. Il estime que ces programmes ont renforcé la capacité scientifique et technologique à travers l'Europe, mais que les procédures de gestion ont fait l'objet de critiques (lourdeur, délais, retards de financement...). L'enquête sur la base de laquelle s'appuie le rapport indique que 70 % des participants aux 3ème et 4ème programmes-cadre estiment que les avantages de la participation l'emportaient sur les coûts, mais que 65 % pensent que tout le processus de la candidature était trop lent et/ou trop coûteux.

En ce qui concerne la mise en œuvre initiale du 5ème programme-cadre, le rapport se félicite des mesures prises pour améliorer la gestion. Il note néanmoins que « les nouvelles structures de gestion ne fonctionnent pas bien et doivent être revues ». Il souligne que les « règles qui régissent les activités des services de la Commission sont trop rigides. Trop d'efforts sont consacrés à contrôler la stricte observation des procédures juridiques et administratives et pas assez à veiller à la réalisation des objectifs globaux du programme. Les structures et les procédures administratives ont besoin d'être remaniées pour diminuer les charges de travail et permettre aux agents de la Commission de se concentrer sur les questions de gouvernance, avec externalisation des tâches chaque fois que possible » ;

- pour le sixième programme, le rapport Majo préconise de privilégier l'excellence et d'être attentif à ne pas exclure les projets « à risque », de conserver « la diversité des actions », de renforcer les initiatives visant à « entretenir le potentiel humain » (mobilité, formation, diffusion de l'expertise, aide au retour...), d'assouplir les règles de gestion (plus de flexibilité et de réactivité, séparation des fonctions stratégiques et d'exécution, en donnant plus d'autonomie à la Commission pour la spécification des instruments nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par les Etats membres), d'améliorer l'administration, le suivi et l'évaluation ;

- au-delà du programme-cadre, le rapport plaide pour la mise en œuvre d'une stratégie globale pour la recherche en Europe (voir encadré ci-dessous) : il souligne que le « défi pour l'Europe est d'éviter les inefficacités sans détruire le potentiel d'innovation qui naît de la diversité »

Des mesures supplémentaires importantes
(préconisations du rapport Majo)

Le groupe est convaincu que les activités du programme-cadre devraient être complétées en Europe par :

- une plus grande reconnaissance de l'importance de la science, de la technologie et de l'innovation comme déterminants du bien-être social et économique ;

- une augmentation de la part du PIB consacrée en Europe à la recherche-développement, qu'il faudrait porter à au moins 3 % dans les dix prochaines années ; la promotion de mesures indirectes visant à stimuler l'investissement du secteur privé dans la recherche-développement ;

- des actions assurant que la Communauté et les Etats membres adopteront une approche plus cohérente de l'élaboration des politiques et mettront en œuvre des politiques se complétant mutuellement ;

- l'acheminement du financement de la recherche-développement vers les pays d'Europe centrale et orientale, provisoirement par le canal des structures institutionnelles existantes jusqu'à ce que de nouvelles structures se mettent en place ;

- l'encouragement à l'élaboration de politiques éducatives qui permettront de pallier les déficits de qualification prévus et d'amener la création de centres européens d'excellence en matière d'enseignement et de recherche ;

- des mesures et des partenariats efficaces permettant d'assurer que l'innovation sera stimulée et soutenue en Europe.

II.

III. LE SIXIEME PROGRAMME-CADRE : UNE VOLONTE DE DEMARCHE GLOBALE QUI MONTRE ENCORE SES LIMITES

Le sixième programme-cadre s'inscrit désormais dans une démarche plus ambitieuse, marquée par la volonté de structurer la recherche européenne.

A. L'ambition de structurer une démarche globale

1) La mise en place d'un « Espace européen de la recherche », dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne »

La démarche intitulée « Espace européen de la recherche » découle d'une prise de conscience : celle que malgré l'intérêt des actions menées en matière de recherche dans le domaine communautaire, l'importance du défi auquel l'Europe est confrontée en matière de recherche implique un changement de nature des actions engagées dans ce domaine, pour une politique globale et intégrée. La fragmentation des actions de recherche en Europe - les politiques de recherche des Etats membres et celle de l'Union sont, pour l'essentiel, menées parallèlement et ne constituent pas un ensemble cohérent - comme la faiblesse globale des investissements réalisés dans ce domaine, exigent une réaction d'ensemble, coordonnée, visant l'intégration des efforts de tous les acteurs.

Le Conseil européen de Lisbonne a, en mars 2000, décidé d'assigner à l'Union l'ambition de devenir, d'ici à 2010 « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » et a lancé la démarche de l'« Espace européen de la recherche ». Depuis, cette démarche constitue l'axe central de l'action de l'Union en matière de recherche. Deux ans après Lisbonne, les chefs d'Etat et de Gouvernement ont convenu, lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002, que les investissements de recherche et développement devaient atteindre 3 % du PIB d'ici à 2010. Ils ont également, dans ce cadre, souhaité favoriser l'augmentation de l'investissement des entreprises (de 56 % - niveau actuel - aux deux tiers, proportion atteinte aux Etats-Unis et dans certains Etats européens).

La démarche de l'« Espace européen de la recherche » comporte une série d'objectifs prioritaires :

- un ensemble de ressources matérielles et d'infrastructures optimisées à l'échelle de l'Europe. La démarche indique vouloir mettre en place des « centres d'excellence » par le regroupement en réseau d'institutions de recherche de pointe, éventuellement sous forme de réseaux ; un programme de « cartographie » de l'excellence est en cours ; cette politique implique également une approche commune en matière de grandes infrastructures ;

- des instruments et des moyens publics utilisés avec plus de cohérence. Il s'agit de mettre en œuvre de manière plus coordonnée les programmes de recherche nationaux et européens et de renforcer les relations entre les organisations de coopération scientifique et technologique européennes. L'étalonnage des politiques de recherche des Etats membres constitue dans ce cadre un élément essentiel de comparaison, d'échanges et d'apprentissage mutuel. La mise en réseau des programmes nationaux de recherche comporte diverses actions possibles, allant des échanges d'informations à l'exécution conjointe d'éléments de programme avec le soutien de l'Union (article 169) ;

- le soutien à l'investissement privé, notamment en utilisant de façon plus efficace les outils de protection de la propriété intellectuelle, en stimulant la création d'entreprise et les investissements du capital risque ; c'est un axe essentiel du plan d'action 3 % ;

- le développement des recherches nécessaires à la décision politique et la construction d'un système commun de références scientifique et technique pour la mise en œuvre des politiques ;

- des ressources humaines plus abondantes et plus mobiles. Les instruments impliqués recouvrent à la fois le renforcement des encouragements financiers à la mobilité et la levée des obstacles juridiques ;

- un territoire européen dynamique ouvert et attractif pour les chercheurs et les investissements. il s'agit de renforcer le rôle joué par les régions en matière de recherche, d'intégrer les communautés scientifiques d'Europe occidentale et orientale et de rendre le territoire européen attractif pour le reste du monde ;

- un espace de valeurs partagées. L'objectif affiché est de favoriser une approche européenne des questions science/société et de développer une vision commune des questions d'éthique de la science et de la technologie.

La démarche de l'Espace européen de la recherche est intéressante dans la mesure où elle sert de référence-cadre - à la fois politique et de suivi de l'action - et permet de mobiliser les partenaires. C'est en soi un catalogue et il suppose par conséquent une grande rigueur dans le suivi et dans le « portage » politique si l'on veut éviter le flou et, au final, l'inefficacité.

Une communication de la Commission en date d'octobre 2002, « un nouvel élan, renforcer, réorienter, ouvrir de nouvelles perspectives », a fait un point sur la démarche de l'« Espace européen de la recherche ». Cette communication considère que l'initiative « Espace européen de la recherche » a déclenché une prise de conscience, au niveau national, de la dimension européenne de la recherche, qu'elle a stimulé le rapprochement des acteurs de la recherche en Europe et le lancement d'initiations nouvelles de coopération, qu'elle a permis l'adoption d'un programme-cadre redéfini. Mais dans le même temps elle constate qu'« en dépit des progrès réalisés (...), le projet tel qu'il est mis en œuvre aujourd'hui apparaît cependant se heurter, sous la forme d'une implication trop peu importante des Etats membres, à une limite qui réduit la portée des actions entreprises, compromettant les chances d'atteindre les objectifs visés : la création d'un vrai « marché intérieur de la recherche » et l'établissement d'une véritable coordination des politiques nationales de recherche ».

2) L'affirmation de l'objectif de 3 %

Le différentiel d'investissement dans la recherche existant au détriment de l'Europe par rapport à ses partenaires, notamment les Etats-Unis, a conduit le Conseil européen de Barcelone à fixer l'objectif de 3 % du PIB d'ici 2010, dont 2/3 en provenance du secteur privé. Tenir cet objectif suppose une croissance annuelle de 8 %, 6 % pour le secteur public et 9 % pour le secteur privé.

Une communication de la Commission de septembre 2002 a lancé le débat sur les moyens d'atteindre les objectifs fixés. Elle contient une analyse des différentes politiques possibles au service de la stratégie de Lisbonne.

Une seconde communication de la Commission du 30 avril 2003 - investir dans la recherche : un plan d'action pour l'Europe - décrit « les initiatives nécessaires pour donner à l'Europe une base de recherche publique plus solide et renforcer son attrait pour l'investissement privé dans la recherche et l'innovation ».

Les grandes lignes de ce plan sont : la cohérence - entre les actions menées par les différents acteurs de la recherche -, l'amélioration et le renforcement du soutien public à la recherche, l'établissement d'un cadre favorable à l'investissement privé.

La méthode de mise en œuvre de ce plan est la méthode ouverte de coordination (MOC), qui fixe des objectifs à atteindre
- les moyens mis en œuvre étant en grande partie de la compétence des Etats -, et prévoit des mécanismes de suivi.

Le plan contient un ensemble complet de mesures qui vont incontestablement dans le bon sens et permet de favoriser une dynamique positive renforcée par un mécanisme de suivi (la Commission fera un rapport à chaque Conseil européen de printemps). Les partenaires concernés - notamment les organisations patronales (UNICE, MEDEF) - ont accueilli favorablement le plan d'action. Certains éléments du plan se mettent effectivement en place : une proposition de règlement préparée par la Commission et transmise en mai dernier prévoit d'assouplir le régime des aides d'Etat aux PME lorsqu'il s'agit d'aides à la recherche et au développement (aucune notification préalable ou autorisation de la Commission) ne serait plus requise.

Mais pour que le plan soit effectif, il faut que la recherche devienne véritablement une priorité politique de premier rang. D'abord au sein de l'Union, ce qui suppose la prise en compte de cette priorité par toutes les politiques de l'Union (notamment les fonds structurels et l'ensemble des organes communautaires). J'y reviendrai dans le cadre des propositions du rapport.

Il faut aussi que les politiques nationales de recherche relaient effectivement les priorités décidées par le Conseil européen. Et notamment sur le plan budgétaire. Les initiatives récentes prises dans certains pays membres, notamment en France et au Royaume-Uni vont dans ce sens, mais ne constituent encore que des étapes qui devront être sensiblement renforcées.

Il est urgent de décréter une mobilisation générale pour un accroissement très sensible des moyens de la recherche. Le président Romano Prodi estimait récemment, en présentant le 1er octobre dernier les recommandations de la Commission pour un plan de croissance européen, qu'à défaut de parvenir à l'objectif de 3% d'investissements dans la recherche, c'est toute la stratégie de Lisbonne qui sera « vouée à l'échec ». Il a souligné que si « nous continuons à prendre au sérieux notre engagement pour que l'Union européenne devienne, d'ici 2010, l'économie la plus compétitive du monde, nous ne pouvons pas perdre un mois à attendre qu'un miracle se produise ».

3) La volonté de consolider les succès sectoriels.

L'année 2003 a été marquée positivement par des avancées importantes sur des sujets clés , signe d'une volonté politique des européens d'avancer malgré tout ensemble en matière de recherche et de développement industriel. Espérons que ces progrès soient le signe de la possibilité d'une prise de conscience plus large et plus ambitieuse .

· L'espace

Secteur d'intérêt stratégique par excellence, l'espace est un indicateur intéressant du degré d'ambition politique et d'indépendance de l'Union. C'est dans cet esprit que l'accord intervenu le 26 mai dernier entre les Etats membres de l'Agence spatiale européenne à propos de Galileo - programme européen de radionavigation par satellite appelé à concurrencer le GPS américain - est emblématique.

Cet accord - intervenu malgré les pressions américaines - permettra de lancer enfin le développement de l'entreprise commune Galileo, entité juridique commune à l'Union européenne et à l'Agence spatiale qui gérera le programme, financé à parité entre les deux partenaires. L'Union avait déjà, pour sa part, pris les décisions nécessaires en 2003 et le Conseil européen avait fermement invité l'Agence spatiale à trouver les chemins d'un accord. Il est heureux que l'intérêt commun n'ait pas finalement été bloqué par les discussions financières et industrielles entre Etats.

Par ailleurs, dans le même esprit, un accord a pu également intervenir au sein de l'Agence spatiale pour la relance d'Ariane 5 (22 millions d'euros), la simplification du système de production des fusées Ariane et un programme d'accès garanti à l'espace (960 millions d'euros), l'accueil du lanceur russe Soyouz à Kourou (investissement de 314 millions d'euros), la préparation des lanceurs futurs (124 millions d'euros), première étape de la participation de l'Europe à l'exploitation de la station spatiale internationale.

Cet ensemble de décisions traduit un engagement politique majeur qui donne à l'Europe les moyens d'exister dans un domaine clé pour son indépendance.

De même, le débat conduit à travers le Livre vert sur l'Europe spatiale, comme la proposition faite par la Convention européenne d'inscrire désormais l'espace dans les compétences partagées entre l'Union et les Etats membres, reflètent la conscience du caractère crucial de la politique spatiale pour l'intérêt commun des européens.

· L'aéronautique

Il convient de citer ici l'accord intervenu à propos du futur avion cargo militaire européen, l'Airbus militaire A 400 M.. Cet accord a été signé par l'OCCAR (Organisme conjoint de coopération en matière d'armement ) avec Airbus. Il porte, à ce stade, sur 180 avions pour un montant de l'ordre de 20 milliards d'euros.

· Le nucléaire

Dans le domaine de l'énergie, la poursuite des recherches conduites jusqu'ici par Euratom à travers le Joint European Torus (JET) constitue un enjeu essentiel, puisqu'il conditionne largement la disponibilité future d'une source d'énergie suffisamment large et durable. Le nouveau dispositif expérimental, baptisé ITER, doit permettre d'acquérir la maîtrise scientifique et technologique préalable à un usage opérationnel de la fusion nucléaire. Le programme ITER suppose un investissement estimé à plus de 10 milliards d'euros.

L'Europe a un intérêt particulier dans ce projet du fait de sa position au premier plan mondial en matière de fusion nucléaire construite à travers une coopération étroite entre partenaires européens. Il faut qu'ITER soit construite en Europe. Les négociations internationales sur ITER - notamment sur le choix du site - entre l'Union, le Canada, le Japon et la Russie ont démarré en 2001. L'année 2003 a été marquée par le retour des Etats-Unis à la table de négociation - ils avaient quitté la collaboration ITER en 1998 - et l'arrivée de la Chine. Afin de défendre au mieux son projet, il faut aujourd'hui que l'Union choisisse entre les deux sites proposés, Cadarache en France et Vandellos en Espagne.

La décision politique européenne doit impérativement déboucher cet automne, le début de la construction d'ITER étant prévu pour 2005-2006. Le dernier Conseil « Compétitivité » de septembre est parvenu à un accord « pour parvenir à un accord » le 27 novembre prochain, lors de la prochaine réunion du Conseil qui traitera de cette question.

4) Le « saut qualitatif » du 6ème programme-cadre

a) Une rupture avec les programmes antérieurs

Montant financier global et quotes-parts des différentes actions du 6ème PCRD (Décision du Conseil du 3 juin 2002 (Euratom) et décision du
Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002)

 

Types d'activités

Millions €

%

1

CONCENTRER ET INTEGRER LA RECHERCHE COMMUNAUTAIRE

13 345

     

76.3

 

Domaines thématiques prioritaires de recherche

 

11 285

   

64.5

 

SCIENCES DU VIVANT, GENOMIQUE ET BIOTECHNOLOGIE POUR LA SANTE

   

2 255

 

12.9

 

· Génomique avancée et ses applications pour la santé

     

1 100

6.3

 

· Lutte contre les principales maladies

     

1 155

6.6

 

TECHNOLOGIES POUR LA SOCIETE DE L'INFORMATION

   

3 625

 

20.7

 

NANOTECHNOLOGIES ET NANOSCIENCES, MATERIAUX MULTI-FONCTIONNELS
NOUVEAUX PROCEDES ET DISPOSITIFS DE PRODUCTION

   

1 300

 

7.4

 

AERONAUTIQUE ET ESPACE

   

1 075

 

6.1

 

QUALITE ET SURETE ALIMENTAIRE

   

685

 

3.9

 

DEVELOPPEMENT DURABLE, CHANGEMENT PLANETAIRE ET ECOSYSTEMES

   

2 120

 

12.1

 

· Systèmes énergétiques durables

     

810

4.6

 

· Transports de surface durables

     

610

3.5

 

· Changement planétaire et écosystèmes

     

700

4.0

 

CITOYENS ET GOUVERNANCE DANS UNE SOCIETE DE LA CONNAISSANCE

   

225

 

1.3

 

Activités spécifiques couvrant un champ de recherche plus vaste

 

1 300

   

7.4

 

- Soutien aux politiques et anticipation des besoins scientifiques et technologiques

   

555

 

3.2

 

- Activités de recherche horizontales intéressant les PME

   

430

 

2.5

 

- Mesures spécifiques d'appui à la coopération internationale

   

315

 

1.8

 

Activités non nucléaires de Centre commun de recherche

 

760

   

4.3

2

STRUCTURER L'ESPACE EUROPEEN DE LA RECHERCHE

2 605

     

14.9

 

· Recherche et innovation

 

290

   

1.7

 

· Ressources humaines et mobilité

 

1 580

   

9.0

 

· Infrastructures de recherche

 

655

   

3.7

 

· Science/société

 

80

   

0.5

3

RENFORCER LES BASES DE L'ESPACE EUROPEEN DE LA RECHERCHE

320

     

1.8

 

· Soutien à la coordination des activités

 

270

   

1.5

 

· Soutien au développement cohérent des politiques R&I

 

50

   

0.3

4

RECHERCHE ET FORMATION DANS LE DOMAINE NUCLEAIRE (EURATOM)

1 230

     

7.0

 

· Domaines thématiques prioritaires de recherche

 

890

   

5.0

 

· Fusion thermonucléaire contrôlée

   

750

 

4.3

 

· Gestion des déchets radioactifs

   

90

 

0.5

 

· Radioprotection

   

50

 

0.3

 

· Autres activités dans le domaine des technologies et de la sûreté nucléaires

 

50

   

0.3

 

· Activités nucléaires du Centre commun de recherche

 

290

   

1.7

 

TOTAL GENERAL

17 500

     

100

Source : direction de la technologie, mission des affaires européennes.

Le 6ème programme-cadre a été conçu en rupture avec les programmes précédents. Alors que précédemment, le soutien aux programmes de recherche, même si le critère de la promotion de la coopération européenne a toujours été déterminant, apparaissait plus comme un complément à des actions principalement nationales, le nouveau programme privilégie résolument une approche structurale, inscrite dans la durée, visant à l'intégration des efforts de recherche. Dans cet esprit, le 6ème programme s'inscrit dans le cadre de la construction de l'« Espace européen de la recherche » qui implique de décloisonner les différentes politiques menées à l'échelon national ou régional, d'éviter les fractionnements et les doubles emplois, de développer les économies d'échelle. Il ne s'agit plus simplement de soutenir l'action des partenaires européens de la recherche mais de créer des entités fonctionnelles nouvelles qui soient compétitives au niveau mondial.

Le commissaire chargé de la recherche, Philippe Busquin, évoquait ainsi en novembre dernier la philosophie du nouveau programme : « L'objectif principal poursuivi à travers la conception et la mise en œuvre des programmes-cadre antérieurs étaient le financement de projets de recherche. Avec le 6ème programme-cadre, cela va changer. Le futur programme sera plus qu'un système de financement : ce sera un instrument clé pour la création de l'Espace européen de la recherche (EER) et la promotion de l'excellence scientifique de l'Europe. Le 6ème programme-cadre est conçu pour contribuer à cibler et à intégrer la recherche en Europe, structurer l'espace de recherche et renforcer ses fondations. La grande nouveauté du 6ème programme réside dans l'élaboration d'un nouvel ensemble d'instruments de financement, qui permettront de dégager une véritable « valeur ajoutée » à l'échelon européen et d'atteindre une masse critique, afin de créer des structures de recherche et d'obtenir des résultats durables ».

b) Un resserrement des priorités thématiques qui fait une part plus large à la recherche fondamentale

Le budget du 6ème programme est en augmentation de 17 % par rapport au programme précédent, passant de 14,9 à 17,5 milliards d'euros.

Le programme-cadre concentre l'utilisation de cette enveloppe financière sur un nombre limité de thématiques, au nombre de sept (voir tableau page 62) : les sciences du vivant ; les technologies pour la société de l'information ; les nanotechnologies ; l'aéronautique et l'espace ; la qualité et la sûreté alimentaire ; le développement durable, changement planétaire et écosystèmes ; citoyens et gouvernance dans une société de la connaissance. Le choix de ces priorités, fruit d'un processus élaboré de consultation et de décision, correspond à un consensus assez large des partenaires de la recherche en Europe. Les sommes allouées aux différentes priorités sont très diverses, l'accent principal étant mis, dans l'ordre, sur les technologies de l'information, les sciences du vivant et le développement durable.

Parallèlement, le programme-cadre prévoit le soutien à la recherche nucléaire (1 230 millions d'euros).

c) La reprise des actions "horizontales" du 5ème programme

Le nouveau programme poursuit et renforce un ensemble d'actions « horizontales » déjà contenues dans le 5ème programme-cadre. Il s'agit en particulier du soutien aux activités de recherche des PME (dont les financements ont doublé dans le cadre du 6ème programme). Des mesures spécifiques d'appui à la coopération internationale sont par ailleurs prévues ainsi que des actions en faveur du renforcement du lien recherche/innovation. En outre, le programme contient le soutien à des programmes relatifs aux ressources humaines et à la mobilité (il s'agit notamment des bourses Marie Curie) ; ces soutiens à la mobilité prévoient des « aides au retour », ce qui constitue une nouveauté par rapport au programme précédent. Le 6ème programme prévoit aussi le financement du Centre commun de recherche (CCR).

d) Des actions nouvelles

Outre le soutien aux actions menées dans le cadre des sept domaines thématiques prioritaires de recherche, le programme comprend une part de financement spécifique, couramment appelé « boîte 8 » dédiée aux actions innovantes et au soutien aux politiques (« Nest » : New and Emerging Science and Technology).

Par ailleurs, autre nouveauté du 6ème programme, des financements spécifiques, mais limités, sont prévus pour les « infrastructures » de recherche.

Enfin, le 6ème programme introduit une catégorie nouvelle d'action intitulée : « renforcer les bases de l'Espace européen de la recherche » qui recouvre des actions relatives à la coordination des activités et des actions de soutien au développement cohérent des politiques de recherche.

e) Des instruments structurants

Dans l'esprit de la construction de l'« Espace européen de la recherche », le 6ème programme innove en mettant en place de nouveaux instruments - réseaux d'excellence, projets intégrés et utilisation de l'article 169 - dont la caractéristique commune est de favoriser l'intégration de la recherche européenne en constituant des collaborations durables représentant les masses critiques nécessaires dans un contexte mondialisé.

Selon la définition donnée par la Commission, les « réseaux d'excellence » recouvrent « des projets multipartenaires visant à renforcer l'excellence dans un domaine de recherche par la mise en place d'une masse critique en termes de ressources et d'expertise ».

Cette expertise sera organisée en réseau à travers un programme d'activité axé prioritairement vers l'intégration durable des activités de recherche des partenaires du réseau, et dans le même temps, apte à soutenir le développement de la recherche dans le domaine concerné.

Les « projets intégrés » sont quant à eux définis comme visant à soutenir des projets de recherche finalisés, dont l'objectif est de nouveaux produits, processus ou services. Ils devront « rassembler une masse critique suffisante au service d'objectifs ambitieux visant à renforcer la compétitivité ou à répondre à des besoins de la société européenne ».

Le recours à l'article 169 pour la mise en œuvre conjointe des programmes nationaux, prévu par le programme cadre ne constitue pas à proprement parler une nouveauté, puisque cette possibilité préexistait dans le traité, mais elle n'avait jamais été mise en œuvre. Il vise à intégrer l'exécution des programmes nationaux et/ou régionaux sur un sujet particulier, à travers des programmes de travail harmonisés et des appels d'offres communs ou conjoints. 

Par ailleurs, il faut noter la mise en place de l'action Eranet qui est destinée à promouvoir la mise en réseau des partenaires de la recherche publique des Etats membres. C'est un instrument utile pour promouvoir une plus grande cohérence des programmes nationaux sur un plan européen.

Parallèlement aux nouveaux instruments ont été maintenus les instruments ciblés dits « traditionnels » issus du 5ème programme : les projets de recherche à finalité spécifiques, les actions de coordination, les soutiens particuliers, les projets destinés aux PME (projets CRAFT et projets de recherche collectif), les soutiens aux infrastructures de recherche, les programmes  « Marie Curie » (mobilité, formation, reconnaissance de l'excellence).

f) Une volonté d'assouplir la gestion des programmes

Une autre nouveauté concerne les modes de gestion. Afin de progresser vers davantage de souplesse, il a été décidé de déléguer la gestion financière et comptable au consortium responsable du projet. Au lieu d'un contrôle permanent et au coup par coup par la Commission qui pouvait entraîner des retards dans le déroulement du programme, il y aura un contrôle a posteriori, par un audit comptable qui pourra être organisé par le consortium lui-même, et par une évaluation scientifique annuelle.

g) Les premiers résultats de la mise en oeuvre

La première vague d'appel d'offres du 6ème programme-cadre a été lancé fin 2002 - début 2003. Les résultats de la sélection opérée commençent à être connus sans qu'un bilan global ne soit encore disponible. On peut néanmoins en tirer les premiers enseignements.

· Un intérêt confirmé

Un premier indicateur de la mobilisation de la communauté scientifique pour le programme-cadre a été la réponse des partenaires à l'appel à manifestation d'intérêt lancé par la Commission entre mars et juin 2002. Cet appel consistait à inviter les acteurs scientifiques des Etats membres (ainsi que des nouveaux adhérents et des pays tiers) à adresser des propositions d'actions faisant intervenir les nouveaux instruments du PCRD. Il s'agissait par cet appel de mesurer le degré de mobilisation des acteurs autour des enjeux du nouveau programme-cadre, d'apprécier la compréhension des nouveaux instruments et de finaliser les thématiques à soutenir. Cet exercice a été très utile pour permettre une meilleure prise en compte de la réalité scientifique européenne et du positionnement de ses acteurs face aux perspectives du programme cadre.

11 855 propositions ont été retenues par la Commission dans le cadre de cet appel à manifestation d'intérêt -après exclusion des projets redondants ou incomplets - ce qui marque un fort taux de mobilisation (32 % des réponses ont concerné des réseaux d'excellence, 58 % des projets intégrés, 10 % ne sont pas spécifiés).

S'agissant des appels d'offres eux-mêmes, d'après les informations et chiffres provisoires dont nous disposons, environ 11 000 propositions ont été transmises, ce qui montre un degré de mobilisation élevé, qui annonce également un taux de sélection important.

En ce qui concerne la qualité même des projets, il est encore difficile de porter une appréciation. Il semble d'après les informations disponibles que si les projets intégrés ont donné lieu à de nombreuses propositions de qualité, le bilan est sans doute plus contrasté en ce qui concerne les réseaux d'excellence. Un certain malentendu semble s'être introduit entre la Commission et les porteurs de propositions quant à la nature des réseaux d'excellence et notamment leur effet d'intégration à long terme à travers les programmes d'activité conjoints.

· Une importante participation française

Les chiffres disponibles en ce qui concerne l'appel à manifestation d'intérêt indiquent que la contribution française a été de 9 % environ (15 % pour l'Allemagne et le Royaume-Uni, 10 % pour l'Italie).

S'agissant des appels à proposition - lancés fin 2002 et début 2003 - la participation française dans les projets présentés, d'après les chiffres provisoires disponibles, serait d'environ 9,4 % et de 11,66 % dans les projets retenus, ce qui indique la bonne qualité des propositions des partenaires français. Les proposants français seraient très présents pour la priorité « Aéronautique et espace » (21,19 %) et pour la priorité « Sûreté alimentaire et risques pour la santé » (18,15 %).

Par ailleurs, la participation française en tant que coordonnateur de projets se serait accrue par rapport au 5ème PCRD : elle serait, en moyenne, de 11,26 % pour les propositions présentées et de 13,92 % pour les propositions retenues. Cette évolution semble marquer une implication accrue des partenaires français, en dépit de la nouveauté de l'approche du 6ème programme-cadre et d'une certaine complexité des instruments.

En termes financiers, et en l'état actuel des informations disponibles, la part des financements reçue par la France serait de 15,34 % derrière l'Allemagne (20,81 %) et devant le Royaume-Uni (11,54 %). Si ce chiffre se confirme, le « retour » des financements communautaires pour les partenaires français de la recherche européenne serait à peu près stable par rapport au précédent programme-cadre.

B. Les limites de l'entreprise

Les priorités thématiques du 6ème PCRD ont été bien reçues par la communauté scientifique, comme la volonté de réduire le saupoudrage, de faire une place aux sujets émergents, de consacrer des financements plus importants à la mobilité et aux programmes réservés aux PME.

Néanmoins, de nombreuses critiques, venant d'horizons divers, sont exprimées. Elles portent notamment sur la lourdeur des procédures, sur le caractère parfois peu effectif des déclarations d'intention. Même si l'on manque encore de recul par rapport à la mise en œuvre du 6ème programme-cadre, ces critiques doivent interpeller les responsables de la politique européenne de la recherche : bien sûr, la Commission chargée de la conception initiale du programme, de son exécution et de son suivi, mais au moins autant les Etats membres, concernés à la fois comme décideurs européens, comme interface avec les communautés scientifiques nationales, et comme responsables des politiques nationales.

1) Des outils controversés

Mon analyse portera en priorité sur les nouveaux instruments, la mise en œuvre des anciens instruments, hérités du 5ème programme ne posant pas, aux dires des différents partenaires concernés, de problèmes majeurs.

Pour apprécier les forces et les faiblesses des instruments mis en œuvre par le 6ème PCRD, j'ai rencontré - outre les représentants compétents de la Commission - des interlocuteurs très divers (voir liste en annexe du rapport) représentant les différents partenaires concernés responsables des politiques de la recherche, organismes de recherche, entreprises, représentants des PME, personnalités qualifiées. Mes déplacements dans plusieurs pays de l'Union m'ont permis également de compléter mon information sur la façon dont ces pays apprécient les outils mis en œuvre.

a) Des processus lourds

La critique la plus couramment entendue, et tout particulièrement de la part des partenaires privés, est la lourdeur du processus d'appel à proposition. Plusieurs partenaires nous ont indiqué que l'investissement nécessaire pour monter un dossier correspond à environ 2 hommes/mois, et à 3 hommes/mois pour une proposition de coordonnateur. Compte tenu du fort taux de sélection, qui serait de l'ordre de 15 % de dossiers retenus par rapport aux propositions transmises, l'investissement est important, et considéré comme dissuasif par certains. L'ambition et la complexité spécifique des nouveaux instruments du 6ème PCRD, le nombre élevé de participants requis et leur nouveauté même, ont accru ce sentiment.

Il est essentiel de répondre à cette préoccupation très largement partagée. Le système de délégation de la gestion des programmes aux consortiums des participants de chaque programme, décidé dans le cadre du 6ème programme, devrait en principe, c'est en tout cas son ambition, alléger les tâches de suivi et éviter certains retards. J'ai rencontré pourtant un certain scepticisme chez les partenaires concernés quant à la réalité des allégements rendus possible. Il est évident que nous manquons encore de recul pour porter une appréciation sur les modifications introduites à ce sujet. Il faudra attendre la conclusion du 6ème programme, et en tirer les conclusions pour le suivant. En tout état de cause, les programmes européens sont par essence marqués d'un certain degré de complexité dans la mesure où ils doivent, d'une part, satisfaire à un certain nombre de critères « européens » visant à structurer la recherche (critères souvent difficiles à apprécier : comment, par exemple, donner une définition précise de la « valeur ajoutée communautaire » ?) et, d'autre part, être soumis au contrôle de la Commission, ce qui est constitutif de sa mission, mais aussi au contrôle des Etats membres qui souhaitent vérifier l'usage des financements et suivre leurs retombées nationales. Il y a parfois une certaine schizophrénie chez certains partenaires qui réclament un allégement maximal mais qui souhaite aussi assurer des contrôles étroits.

Le déroulement du processus est également mis en cause à travers la composition des comités d'expert chargé de l'évaluation de la valeur des propositions. Certains estiment que les Français ne sont pas assez présents dans ces comités. Cette situation n'est malheureusement pas particulière au domaine de la recherche. Les Français sont d'une façon générale insuffisamment présents dans les institutions communautaires et dans les organes qui gravitent autour des institutions. Le rapport décidé à ce sujet par la Délégation et confié à notre collègue Jacques Floch permettra de faire un point approfondi sur ce déficit de la présence française, qui nuit à notre capacité d'influence.

b) Des instruments dont la définition n'est pas toujours claire

Il est très difficile de se faire une idée précise de ce que sont les principaux nouveaux instruments, réseaux d'excellence et projets intégrés, à la seule lecture des documents de présentation de la Commission. Les difficultés sont, en pratique, plus grandes
semble-t-il pour les réseaux d'excellence.

Une difficulté de communication particulière entre la Commission et la communauté scientifique européenne - y compris les entreprises - à propos de ces nouveaux instruments, est liée au flou apparent du discours de la Commission quant à la fourchette de participants qu'ils doivent comporter. Il semble qu'au départ la Commission a eu un discours très ambitieux, en particulier pour les réseaux d'excellence. Elle semble avoir évolué depuis, se rendant compte que les réseaux et les projets deviendraient ingérables si leurs membres étaient trop nombreux. Le nombre affiché comme souhaitable de participants à un réseau tourne à présent autour de 8 à 10 partenaires. Cette fluctuation du discours de la Commission n'a pas aidé à bien faire passer le message.

En outre, une ambiguïté particulière concerne les réseaux d'excellence : il semble en effet que l'idée n'est pas toujours bien passée que les financements affectés à ces réseaux n'étaient pas destinés au financement de la recherche, mais à soutenir le développement du réseau lui-même.

Il reste que la caractéristique qui ressort effectivement le mieux quant aux nouveaux instruments est leur importance en termes de « masse critique » et de niveau de financement, par opposition au financement de projets multiples qui caractérisait les programmes antérieurs. Les représentants de la Commission que j'ai pu rencontrer à ce propos m'ont indiqué que les financements moyens par projet passeraient d'environ 1,5 million d'euros pour le 5ème programme-cadre à 15 millions d'euros pour le 6ème programme. Cette évolution, qui tend à concentrer les moyens pour les rendre plus efficaces, va dans le bon sens et correspond à l'orientation défendue par la France au cours des discussions relatives au 6ème programme. Elle répond aussi au souhait des industriels et de beaucoup d'organismes de recherche qui critiquaient le morcellement des projets dans le cadre du 5ème PCRD.

c) Une multiplicité de critères qui conduit à la confusion des objectifs

Il faut être clair sur les critères d'évaluation des projets de recherche et tout d'abord ne pas confondre politique de la recherche et politique d'aménagement du territoire. Si le FEDER peut très valablement et utilement soutenir des actions de développement économique portant sur la recherche, le contraire n'est pas vrai. L'Europe ne peut pas se permettre de disperser les moyens disponibles pour financer la recherche en coopération. Le critère de la recherche se doit d'être l'excellence, que ce soit au niveau régional, national ou européen. Il faut continuer, comme la France l'a beaucoup fait ces dernières années, à soutenir la Commission dans ce sens. On a trop souvent voulu faire prendre en compte des critères liés au soutien des régions de l'Union en retard de développement dans les critères d'attribution des soutiens à la recherche. Il faut, dans le même esprit, sortir progressivement de la logique du « juste retour ». C'est le seul moyen de faire de l'Europe un acteur qui continue de compter dans la recherche mondiale. Cela suppose un mouvement progressif mais inévitable de spécialisation, et des réticences à surmonter.

Le débat « centres » ou « réseaux » d'excellence est à cet égard significatif. Les discussions initiales sur le 6ème programme envisageaient au départ des « centres » d'excellence, mais les étapes de la négociation communautaire ont fait évoluer la terminologie utilisée pour adopter finalement le mot réseaux, certains Etats craignant sans doute de rester à l'écart des « centres ». Je reste convaincu que - s'il faut éviter des centralisations excessives, et faire la part des possibilités du virtuel- la fécondité scientifique se nourrit néanmoins de proximité géographique. C'est ainsi que fonctionnent, souvent très brillamment, les campus universitaires anglo-saxons et les concentrations de chercheurs que nous connaissons aussi dans certains secteurs de notre territoire national.

Le maintien des petits instruments hérités du 5ème programme
- décidé au fil de la procédure de codécision relative au 6ème programme - est significatif de la même crainte - celle de beaucoup de petits Etats - d'être sous-représentés dans les nouveaux instruments porteurs de « masses critiques » plus importantes. L'évolution se fera par étapes.

Mais le critère de l'aménagement du territoire ou des équilibres nationaux n'est pas le seul critère « parasite » pris en compte. Celui de la parité des genres est également de ceux-là. Je ne pense pas que la parité ait un lien direct avec l'excellence scientifique. En mêlant la politique de la recherche à d'autres objectifs, on lui fait perdre de son efficacité. La seule question c'est de savoir si tel ou tel projet européen de recherche est un bon projet, ou non.

d) Des outils insuffisamment accessibles aux nouvelles équipes et aux entreprises

La question de l'accès aux programmes communautaires pose d'abord la question de l'accès des PME. Malgré les efforts entrepris pour améliorer cet accès, et en dépit de l'augmentation des financements spécifiques destinés aux programmes auxquels participent des PME (15 % du 6ème PCRD), les programmes communautaires restent très difficiles d'accès pour les petites entreprises. Cette difficulté d'accès est naturellement due à la fois à un manque de moyens, d'information, et de capacité d'investissement. Il est beaucoup plus facile pour les PME de s'adresser à l'échelon régional ou national. Quand les PME participent au programme cadre, c'est le plus souvent par l'intermédiaire de grandes entreprises.

D'une façon plus large, il faut se poser la question de savoir si les programmes communautaires fonctionnent entre partenaires qui se connaissent déjà - ce qui limiterait l'intérêt de la démarche - ou s'ils sont réellement l'occasion de tisser des liens nouveaux, ce qui est l'esprit de la construction de l'Espace européen de la recherche. Il est en fait difficile d'apprécier précisément cette question. Les interlocuteurs que j'ai pu rencontrer ont des sentiments différents à ce propos. Certains considèrent que les programmes européens sont des « machines à exclure les nouveaux ». D'autres au contraire, plus nombreux, estiment que la vertu essentielle de ces programmes est d'inciter à l'établissement de liens nouveaux et divers, avec des partenaires d'autres pays de l'Union. Cet enjeu est capital, en particulier dans la perspective de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale dont les communautés scientifiques sont souvent importantes et de qualité, même si les moyens mis au service de la recherche dans ces pays sont limités.

Pour les réseaux d'excellence, au-delà de la période même de leur constitution, il est important de maintenir l'exigence d'ouverture possible à la participation ultérieure de nouveaux partenaires. Il faut éviter que ne se constituent, dans la durée, des structures exclusives, fermées à l'arrivée de nouvelles équipes. Ce serait contraire à leur philosophie même.

e) Des instruments excessivement standardisés qui ne permettent pas la réactivité

Beaucoup de participants aux programmes-cadre regrettent que les instruments disponibles ne soient pas différenciés en fonction des secteurs d'activité concernés, ou des types de recherche. Il est clair en effet que certains projets de recherche supposent des programmes d'investissement lourds sur de longues périodes
- comme pour le nucléaire ou l'espace -, alors que dans d'autres secteurs, aux cycles courts et en évolution très forte, la réactivité devra être beaucoup plus grande, comme pour le domaine des biotechnologies ou des technologies de l'information. En tout état de cause, le découpage rigide en période de quatre années apparaît inadapté à beaucoup d'acteurs.

De même, s'il est nécessaire de « flécher » certains financements prioritaires - en fonction de priorités politiques clairement déterminées -, comme le font les thèmes prioritaires des programmes-cadre, certains types de recherche - notamment la recherche fondamentale - suppose des instruments plus ouverts, de type « bottom-up ».

f) Des freins et des limites à l'utilisation des instruments les plus innovants

Parmi les innovations les plus prometteuses du projet du 6ème programme - et que soutenait notre pays - se trouve la « boîte 8 » qui contient notamment la procédure « Nest » (« new emerging science and technology ») destinée à répondre aux besoins émergents ou « à risque », non « étiquetés » à l'avance parmi les thématiques prioritaires. Cette innovation du 6ème PCRD a été très soutenue par la France.

Malheureusement, les financements prévus à l'origine pour cette procédure, qui permet une réactivité plus grande du système, ont été réduits au cours de la procédure de décision communautaire : ils ne représentent plus que 3,2 % des financements du PCRD, soit au total 555 millions d'euros. En outre, le processus reste très lourd puisqu'il faut passer pour chaque projet par la procédure de codécision, qui dure environ deux ans en moyenne. Ces délais ne sont nullement adaptés à la réactivité nécessaire de la recherche scientifique face aux défis auxquels nos sociétés sont confrontées, et qui peuvent advenir très brutalement comme l'expérience l'a montré, en particulier dans le domaine de la santé.

De même, l'utilisation de l'article 169 du traité dans le cadre du 6ème PCRD constitue une innovation intéressante dans la mesure où elle permet à l'Union de participer directement aux programmes de recherche menés conjointement par plusieurs Etats membres. Il faut que le projet soit d'intérêt commun pour l'Union et qu'il ne puisse être mis en œuvre autrement que par l'article 169. Un seul projet a pour l'instant été retenu : il s'agit du projet de partenariat avec les pays en développement à propos des tests cliniques. Ce projet a été proposé à l'initiative de la France. Mais la difficulté de l'article 169 réside, comme pour la procédure « Nest », dans la rigidité et le manque de réactivité de la procédure, puisqu'il faut, là encore, passer, pour chaque projet, par la procédure de codécision.

g) La question de la propriété intellectuelle

Beaucoup d'interlocuteurs industriels m'ont dit éprouver des difficultés à rentrer dans le cadre des programmes communautaires du fait du frein que représente la confidentialité de certaines recherche et de l'enjeu que constitue la propriété du fruit de la recherche. Le plus grand nombre de participants aux nouveaux instruments renforce cette prévention. Dans le même esprit, il est parfois difficile de trouver un accord entre industriels et universitaires partenaires dans un même programme dans la mesure où les universitaires auront souvent le souhait légitime de publier le résultat de leur recherche alors qu'un partenaire industriel aura plutôt tendance à vouloir protéger la confidentialité du résultat de la recherche.

La situation est différente dans le cadre des programmes Eureka : les partenaires industriels se retrouvent pour l'essentiel entre eux et gèrent cette question comme ils l'entendent, en fonction des habitudes de l'industrie.

En ce qui concerne le 6ème programme-cadre, il est prévu que les partenaires d'un consortium concluent entre eux un contrat type qui contient notamment les dispositions relatives à la propriété intellectuelle. Pour les réseaux d'excellence, il est prévu un partage entre partenaires, ce qui ne convient pas aux industriels. Pour les projets intégrés, les partenaires sont amenés à compléter le contrat type, obligatoire et commun à tous les secteurs, par un contrat spécifique qui prenne notamment en compte les caractéristiques du secteur concerné.

Il est souhaitable qu'une plus grande souplesse soit dans l'avenir laissée aux partenaires, et une plus grande diversité introduite dans les contrats, prenant en compte les souhaits légitimes, et divers, des partenaires.

2) La limitation au civil

En Europe, les principales entreprises de l'armement sont devenues des entreprises européennes. Les importantes restructurations intervenues dans ce secteur ont abouti à la création d'entités qui dépassent les fractionnements nationaux et qui mènent par conséquent des stratégies de recherche cohérentes au niveau européen. EADS et Thalès sont ainsi clairement des groupes européens et internationaux qui sont aux premiers rangs de la compétition mondiale dans le domaine des industries de défense .

En revanche, sur le plan politique, les politiques de recherche en matière de défense sont restées, encore plus largement que pour le civil, gérées au niveau national. La coopération européenne en matière de recherche de défense reste en effet encore très limitée. Elle ne représente que 2,5 % du total des investissements européens de recherche militaire et est gérée dans le cadre de l'OAEO (Organisation armement de l'Europe occidentale) qui rassemble les pays européens membres de l'OTAN. En outre, sur le plan de l'action de l'Union en matière de recherche, il n'y a pas de lien entre le domaine militaire et le civil, s'agissant de domaines de compétence gérés, pour l'un, sur un mode intergouvernemental
- excluant notamment le droit d'initiative de la Commission - et, pour l'autre, dans le cadre communautaire.

La coupure entre recherche civile et militaire n'a pas de sens sur le plan scientifique. La recherche de base est le plus souvent commune.

Le cloisonnement intra-européen des efforts de recherche de défense en Europe - qui s'ajoute à la faiblesse globale des investissements européens dans ce domaine (les investissements cumulés des pays européens sont 4 à 5 fois plus faibles que ceux des Etats-Unis) - ne permet pas aux Européens d'être suffisamment présents dans certains domaines technologiques clés et met les Américains en mesure d'imposer dans ce secteur des normes souvent difficiles à atteindre par les Européens.

Cette situation est très différente de celle qui prévaut aux Etats-Unis et qui est marquée par une interpénétration forte de la recherche civile et de la recherche militaire. La recherche militaire est aux Etats-Unis un moteur essentiel de l'innovation et elle profite à l'ensemble du tissu industriel, militaire et civil. Les commandes militaires des Etats-Unis en technologies de pointe - auxquelles sont consacrés des investissements massifs -permettent aux industriels américains d'assumer la prise de risque, d'amortir les coûts de démonstration, ce qui facilite le transfert de technologie au civil. De nombreuses innovations américaines ont ainsi été au départ financées par la recherche militaire des Etats-Unis : Internet, le « GPS » (« Global Positionning System »), le microprocesseur « RISC » des téléphones mobiles, en sont autant d'exemples.

Une certaine prise de conscience de la perte d'efficacité qu'entraîne cette coupure - et le manque de coopération européenne dans ce domaine - se fait jour au niveau européen.

La communication de la Commission du 11 mars dernier, « Vers une politique de l'Union européenne en matière d'équipements de défense », souligne que les bénéfices qui devraient être tirés d'une meilleure coordination de la recherche au niveau européen s'appliquent « a fortiori au domaine de la recherche avancée liée à la sécurité ». Une convergence des efforts à l'échelle européenne dans une vision des besoins à moyen ou long terme permettrait de mieux assurer le développement des technologies avancées et critiques pour l'Europe et dégagerait une « véritable valeur ajoutée européenne ».

L'objectif est de préparer « un agenda de recherche avancée liée à la sécurité globale », selon une suggestion du Parlement européen du 10 avril 2002. Pour préparer cet « agenda » la Commission a lancé une phase pilote - dite « action préparatoire » - qui sera mise en œuvre avec les Etats membres et l'industrie et qui portera « sur certains éléments spécifiques et concrets, utiles notamment à l'accomplissement des missions de Petersberg. L'action devrait concerner principalement les domaines des technologies de l'information et de la communication, l'aéronautique et l'espace, les sciences du vivant, le bioterrorisme. Cette initiative doit couvrir la période 2004-2006 et sera financée à hauteur de 65 millions d'euros. Elle repose sur l'article 157 du traité (Titre Industrie) et est donc située clairement hors du PCRD, notamment du fait de la confidentialité nécessaire à ce type de recherche, qui n'est pas compatible avec les règles de propriété intellectuelle, de diffusion des connaissances et d'ouverture internationale qui sont celles du programme-cadre.

3) Des moyens encore insuffisants

Les moyens affectés aux programmes-cadre ont bénéficié d'une augmentation régulière depuis l'origine. Après avoir doublé du 3ème au 4ème programme, ils ont connu des augmentations plus mesurées, mais qui restent néanmoins sensibles, du 4ème au 5ème programme (+ 14 %) et du 5ème au 6ème programme (+ 17 %), à 17,5 milliards d'euros.

Néanmoins, ces montants affectés à la recherche européenne restent nettement insuffisants par rapport aux besoins.

Tout d'abord, comme nous l'avons vu en évoquant le diagnostic de la recherche en Europe, le fossé se creuse de plus en plus entre l'investissement financier global affecté à la recherche en Europe, tous acteurs confondus et la recherche américaine (le déficit a atteint 86 milliards d'euros en 2000 et il a doublé en prix constants depuis 1994).

Par ailleurs se pose le problème de la répartition de cet effort : le montant des crédits spécifiquement affectés à la recherche européenne reste insuffisant. Au total, le PCRD représente environ 5 % de l'effort de recherche civil en Europe. Les programmes nationaux représentent plus de 80 % des financements en faveur de la recherche en Europe. Même si les crédits du PCRD constituent un bras de levier plus important que la masse financière qu'ils représentent en valeur absolue, puisqu'il s'agit de crédits d'intervention correspondant à des actions nouvelles, et qu'il faille tenir compte des crédits consacrés à la recherche européenne en dehors du PCRD (notamment Eureka, qui représente un financement de projets correspondant à plus de 16 milliards d'euros sur 18 ans), ce budget reste insuffisant, ce qui pose le problème du montant global du budget de l'Union dont la discussion s'engagera dans le courant 2004.

C'est enfin aussi au niveau des budgets nationaux que la priorité pour la recherche doit être fortement prise en compte. Certains éléments vont, sur ce plan, dans le bon sens. Le projet de budget 2004 présenté par le Gouvernement marque la direction à suivre.

IV.

V. LES VOIES DU REDRESSEMENT

A. Affirmer un cadre institutionnel plus fort

Pour assurer la visibilité politique d'une véritable politique européenne de la recherche et le décloisonnement des actions, il faut que l'Europe ait la volonté d'affirmer une ambition et qu'elle soit apte à conjuguer toutes ses forces. Cela suppose qu'elle se donne la capacité de fixer des objectifs et de soutenir les efforts et la coopération des acteurs aux différents niveaux (européen, national, régional).

Pour atteindre ses objectifs et pour optimiser les ressources disponibles, il importe d'éviter les duplications, de favoriser les économies d'échelle, de maximiser collectivement nos atouts. Cela supposera des reconversions, des restructurations, des spécialisations pour atteindre les masses critiques nécessaires. Ce n'est qu'au niveau européen qu'une telle politique peut être conçue et partagée. Elle suppose une mutation progressive de la politique communautaire se libérant de plus en plus des contraintes du « juste retour » ou du « saupoudrage » communautaire et privilégiant l'excellence. Cette évolution sera possible si l'Europe parvient à se doter d'une Constitution permettant l'affirmation d'objectifs communs et la prise de décision.

1) Développer une compétence partagée

Clarifier le rôle de chaque niveau d'intervention amène à examiner la définition du partage des compétences entre l'Union et les Etats membres dans le texte du traité.

Dans la rédaction actuelle des articles 163 et suivants, la Communauté a fondamentalement un rôle complémentaire de celui des Etats en matière de recherche - même si un principe de coordination de la politique communautaire et des politiques nationales est posé par l'article 165 - dans une optique de renforcement de la compétitivité industrielle.

Les catégories d'actions de la Communauté sont limitativement énoncées par l'article 164 (mise en œuvre de programmes de recherche, promotion de la coopération, diffusion et valorisation, stimulation, de la formation et de la mobilité des chercheurs).

Le texte du traité doit être modifié pour donner à la politique de la recherche le fondement dont elle a besoin pour être plus ambitieuse et plus efficace, c'est-à-dire l'énoncé clair d'un principe général de compétence de l'Union dans ce domaine, qui ne se rattache pas à certains objectifs exclusifs ou à une liste de moyens limitatifs.

C'est l'esprit de la proposition faite par la Convention, à travers le texte proposé pour la Constitution européenne, d'inscrire le domaine de la recherche et du développement technologique dans l'énoncé des domaines de compétence partagée (projet d'article 13 de la Constitution).

Le texte proposé par la Convention précise que dans « les domaines de la recherche, du développement technologique et de l'espace, l'Union a compétence pour mener des actions, notamment pour définir et mettre en œuvre des programmes, sans que l'exercice de cette compétence puisse avoir pour effet d'empêcher les Etats membres d'exercer la leur ».

Il faut noter, qu'outre le principe même d'une compétence partagée, le texte innove en introduisant le domaine de l'espace dans les compétences de l'Union. Il s'agit là d'un pas important pour le développement de l'Europe spatiale. L'Union n'ayant pas jusqu'à présent de compétence spatiale directe, même si naturellement le domaine spatial pouvait faire partie des actions de recherche, au titre de la politique de la recherche.

Le principe de la compétence partagée en matière de recherche comme l'inclusion du domaine spatial dans les compétences de l'Union, doivent être fermement soutenus par le Gouvernement dans le cadre de la prochaine Conférence intergouvernementale.

Le fait que l'Union ait une compétence en matière de recherche permettra en principe d'adopter des textes juridiquement obligatoires dans ce domaine, même si le texte proposé reste ambigu, disposant que l'exercice de cette compétence ne peut « avoir pour effet d'empêcher les Etats membres d'exercer la leur », ce qui est contraire à la définition des compétences partagées proposée par le projet d'article 11 (dans les domaines de compétence partagée, les « Etats membres exercent leur compétence dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne ou a décidé de cesser de l'exercer ») ; cette définition est d'ailleurs déjà celle actuellement en vigueur.

Il convient de noter que le texte consacré à la recherche dans la Partie III du projet de Constitution, qui contient les dispositions relatives aux politiques de l'Union, reprend quasiment à la lettre les dispositions du traité actuel relatives à la recherche. Elle ne fait qu'ajouter des dispositions nouvelles nécessaires pour le domaine spatial. On peut regretter que la Convention n'ait pas souhaité actualiser et renforcer les dispositions du traité (notamment pour ce qui concerne les possibilités, qui doivent être élargies, d'avoir recours aux coopérations renforcées), mais cette non-remise en cause des dispositions du traité actuel en ce qui concerne les politiques de l'Union correspond à une décision de la Convention valable pour toutes les politiques, à l'exception de quelques modifications spécifiques, le plus souvent à la marge. Il lui aurait fallu plus de temps pour revoir en profondeur les dispositions relatives aux politiques.

Enfin, rien n'est dit dans le projet de traité sur la méthode ouverte de coordination (MOC). On peut, là encore, le regretter, dans la mesure où cette méthode est très utile dans certains domaines, notamment pour le développement et la convergence des politiques de recherche (par exemple pour la mise en œuvre de l'objectif 3 %). En tout état de cause, cette absence dans le texte de la Constitution n'empêchera nullement de continuer à utiliser cette méthode.

2) Jouer les complémentarités et surmonter l'opposition intergouvernemental-communautaire

Rassembler, promouvoir les synergies et les complémentarités entre politiques de la recherche, entre procédures, doit être le maître mot de la politique européenne de la recherche. La diversité est nécessaire à condition de s'accompagner d'un réel mouvement de mise en cohérence.

Cela concerne d'abord l'articulation entre les actions de l'Union et celle des Etats membres, et entre programmes nationaux, en matière de recherche. Le 6ème programme-cadre contient des instruments utiles dans ce sens pour permettre une meilleure coordination des programmes nationaux (article 169 qui permet les coopérations renforcées ; dispositif Eranet pour favoriser la coopération entre les programmes nationaux ; développement d'un système d'information intégré sur les programmes nationaux et régionaux).

Ces initiatives doivent être prolongées, notamment par le développement des moyens mis au service de la coordination dans le futur programme-cadre.

Il serait par ailleurs opportun d'envisager la mise en place d'un « lieu » de concertation rassemblant des représentants de tous les partenaires de la recherche au niveau européen qui pourrait être le moteur d'une dynamique et d'une cohérence nouvelle. Il s'agirait d'une sorte de Conseil supérieur de la recherche au niveau européen. Le projet de création d'un Conseil européen de la recherche pourrait être associé à cet objectif.

Dans le même esprit, il convient de dépasser l'opposition « intergouvernemental »-« communautaire ». La démarche intergouvernementale s'accompagne du principe du juste retour, chaque Etat attendant logiquement de recevoir une part de programme correspondant à son niveau de financement. L'actuelle démarche communautaire procède, quant à elle, souvent du souci d'intégrer tous les partenaires et conduit ainsi à une certaine dispersion des moyens.

Si l'Union européenne veut s'affirmer comme une véritable puissance dans le domaine de la recherche, il importe d'abord qu'elle développe ses points forts. Dans certains cas, et faute de consensus général, cette affirmation devra prendre le chemin privilégié de coopérations renforcées. Elle pourra conduire aussi à concentrer géographiquement certains moyens, ce qui n'interdit pas de rechercher des équilibres entre les Etats - les Etats-Unis donnant, au demeurant, un bon exemple de cette combinaison d'objectifs. La future Constitution européenne gagnerait sans doute à être plus explicite sur cet aspect des choses.

Dans le même esprit, il convient sans doute de concilier la coexistence des instruments de l'Union et de ceux qui sont situés hors de la sphère communautaire, tout en assurant une bonne complémentarité entre eux. C'est ainsi le cas pour Eureka, qui depuis sa création en 1985 a fait la preuve de son efficacité pour soutenir des projets de recherche industrielle. Le grand avantage d'Eureka, c'est sa souplesse et sa réactivité ; c'est aussi sa composition qui va au-delà des membres de l'Union. Son défaut, c'est une certaine irrégularité des financements.

L'engagement des Etats pour Eureka a connu des hauts et des bas. A la fin des années quatre-vingt dix l'engagement des Etats a semblé faiblir. Depuis, le soutien à Eureka semble revenu - au travers de grands projets comme Medea+ ou Itea -, et la présidence française d'Eureka qui vient de débuter constitue l'occasion de confirmer cette relance.

Il serait vain de vouloir absolument faire rentrer Eureka, ce que certains semblent souhaiter à la Commission, dans le giron communautaire. Il est préférable de maintenir la diversité des instruments. Les partenaires industriels trouvent un intérêt réel à cette structure plus souple, porteuse de projets souvent à plus court terme, dans laquelle ils se retrouvent davantage entre eux (ce qui est notamment important du point de vue de la propriété intellectuelle).

Néanmoins, il faut assurer une meilleure articulation entre les programmes communautaires et Eureka par une intensification des échanges d'informations, de la concertation, afin de faire advenir un véritable partenariat.

Dans le même esprit, la complémentarité doit jouer pleinement entre les actions de l'Union en matière spatiale et l'Agence spatiale européenne (ESA). L'Union doit définir la demande politique (par rapport aux multiples usages de l'espace, en termes d'environnement, de transport, de météorologie, etc...), et l'Agence doit organiser la réponse à cette demande, en liaison avec les organismes nationaux compétents. La prochaine signature de l'accord de coopération entre l'Union et l'Agence va dans ce sens.

Il convient également d'assurer, au sein même de l'Union, une meilleure complémentarité de l'ensemble des instruments communautaires en matière de recherche. La recherche doit être véritablement une priorité transversale qui s'impose à tous les niveaux. Il faut ainsi mobiliser pleinement le FEDER au service du développement de la recherche. La révision des fonds structurels qui sera engagée en 2004 doit faire de la priorité « recherche et innovation » un axe majeur des fonds structurels après 2006. Cette orientation - évoquée par le plan d'action 3 % d'avril dernier - doit être fortement soutenue par la France et contribuer au développement régional de la recherche.

De même, les structures bancaires européennes doivent être mobilisées : ainsi la BEI et la BERD doivent clairement intégrer la priorité sur la recherche. L'initiative « innovation 2010 », approuvée par le Conseil des gouverneurs de la BEI en juin dernier, estime que la banque peut intervenir à hauteur de 50 milliards d'euros d'ici 2010 pour soutenir des investissements dans la recherche et ainsi contribuer à atteindre l'objectif de 3%.

3) Susciter un environnement éthique et culturel favorable à la recherche

La recherche a besoin, pour se développer, de liberté et parfois même d'audace. Elle ne peut donc être contenue par des a priori idéologiques.

Cela suppose donc que l'Europe progresse dans le dialogue politique et public sur certains sujets sensibles qui sont aussi des éléments-clés du développement de la recherche : ainsi, la question des cellules-souches pour la recherche médicale, celle des OGM pour la recherche et le développement des biotechnologies. Si la prudence est nécessaire, elle ne doit pas devenir un prétexte à l'inaction. L'Europe a déjà pris, dans certains domaines, un retard très important sur les Etats-Unis. Il est temps de poser clairement les vraies questions.

Il importe également de développer vigoureusement la culture scientifique à l'échelon européen. Cet effort est d'autant plus nécessaire que le scepticisme se renforce dans l'opinion européenne à l'égard de la science. Ainsi, un sondage Eurobaromètre indique que seulement 50,4 % des personnes interrogées estiment que les bienfaits de la science sont plus importants que les effets négatifs qu'elle pourrait avoir. L'effort de diffusion de la culture scientifique doit commencer dès l'enseignement primaire (dans cet esprit, le programme « main à la pâte » piloté par le prix Nobel de physique Georges Charpak paraît exemplaire). Il faut également engager aux niveaux européen, national et régional des actions de communication dans ce domaine et favoriser la présence territoriale de centres de diffusion de la culture scientifique. Le soutien à ces actions doit faire partie des actions de l'Union pour soutenir la recherche en Europe.

Dans une perspective voisine, il convient de prendre en compte l'importance qui s'attache à la recherche européenne- et notamment dans des domaines comme la santé- du point de vue de l'image de l'Europe sur le plan international. Dans cet esprit, le programme « tests cliniques » mené avec les pays en développement, sur la base de l'article 169, et dans lequel l'Institut Pasteur joue un rôle pilote, est exemplaire de ce que l'on peut faire au service de la santé tout en contribuant à la qualité de l'image de l'Europe dans le monde.

B. Dépasser les clivages : une approche globale

1) Casser la séparation recherche civile/recherche militaire

Pour donner une efficacité nouvelle à la recherche européenne, il faut casser la séparation recherche civile/recherche militaire.

Cela suppose en premier lieu que la coopération européenne soit très sensiblement renforcée (comme nous l'avons vu, jusqu'à présent, à peine 2,5 % de la recherche de défense des pays européens est menée en coopération).

Le développement de la coopération européenne dans le domaine de la recherche de défense est l'une des missions principales qui devra être assignée à la future Agence européenne de l'armement. Le Conseil européen de Thessalonique a en effet décidé la création, d'ici 2004, d'une « agence intergouvernementale dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l'armement ».

En outre, le groupe de travail de la Convention européenne sur les questions de défense, présidé par le commissaire Michel Barnier, a fait des recommandations précises dans ce domaine.

Une base industrielle et technologique de défense européenne compétitive est indispensable pour permettre à l'Europe de disposer d'une autonomie de décision et d'action et donc d'exister sur le plan international. Il est essentiel que la recherche figure clairement dans les compétences de la future agence. Le développement de la coopération en matière de recherche peut constituer une étape, le développement et l'acquisition de capacités étant politiquement plus faciles à engager dans un second temps.

Cette agence devra être placée sous l'autorité du Conseil et être ouverte à tous les Etats membres qui souhaiteront y participer. Elle devra pouvoir être dotée d'une structure de gestion indépendante. Ses compétences en matière de recherche pourraient également porter sur le thème de la sécurité.

Pour transcender le clivage recherche civile/recherche militaire, il faut mettre sur pied un programme visant à faciliter les transferts de technologies du militaire au civil. Il faut aussi que des liens soient établis entre la politique de la recherche, conduite par l'Agence, et la politique communautaire. L'initiative de recherche dans le domaine de la sécurité - dont la Commission a lancé l'action préparatoire - doit être articulée avec l'action de l'Agence. Certaines actions pourront être conduites en commun.

Je ne peux que souhaiter un renforcement de la politique européenne de défense qui - à terme - conduirait à intégrer le système communautaire, avec le maintien de dispositifs de décision spécifiques (la décision de faire ou non la guerre devant, par exemple, rester du ressort de la décision de chaque Etat).

2) Refuser d'opposer recherche publique et recherche industrielle

Recherche publique et recherche industrielle ont trop longtemps vécu dans deux univers séparés. Des efforts d'ouverture réciproque sont d'ores et déjà engagés au niveau national comme sur le plan communautaire, mais il faut aller plus loin. Il faut développer l'enrichissement réciproque entre recherche publique et recherche industrielle qui constituent deux efforts complémentaires. Il convient notamment, dans cet esprit, de favoriser l'exploitation des résultats de la recherche, d'encourager la création d'entreprises d'essaimage, de faciliter les passages de chercheurs du privé au public et réciproquement, d'adapter les règles de la propriété intellectuelle pour les collaborations public-privé.

A l'heure actuelle, les liens public-privé, par exemple entre universités et entreprises, restent encore trop ponctuels et de courte durée. Il s'agit de favoriser la mise en place de partenariats durables entre le public et le privé, qui constituent un facteur d'attractivité fort pour le développement de l'effort de recherche. Cette nécessité partenariale doit également conduire à mieux associer le secteur privé aux instances de concertation qui participent à la politique de la recherche, tant au niveau européen, national, que régional.

Par ailleurs, il convient de bien garder à l'esprit que le niveau même de l'effort des entreprises en matière de recherche est très lié à la part du financement public dans cet effort.

L'augmentation de l'investissement privé dans la recherche constitue sans doute en Europe un objectif prioritaire - l'écart entre l'Europe et les Etats-Unis étant à cet égard très important. Mais il serait absurde d'incriminer les entreprises pour ce retard. Celles-ci définissent leur effort de recherche en fonction des contraintes et des perspectives du marché. C'est bien souvent l'impulsion donnée par les programmes publics qui peut les conduire à élargir leurs efforts. L'exemple américain, qui repose sur une stratégie industrielle implicite et sur un pilotage volontariste de la recherche, est à cet égard significatif.

Il s'agit d'abord du niveau des soutiens directs aux entreprises : à cet égard, les pays européens sont en moyenne nettement en retrait par rapport aux Etats-Unis. D'après les informations dont nous disposons, la part du financement public dans la recherche privée serait de 20 % aux Etats-Unis, et de 12 % en France (voir aussi diagramme ci-après).

Il s'agit aussi d'assurer au secteur privé un cadre favorable à l'investissement dans la recherche. Cet effort doit être décliné autant au niveau européen - le plan d'action 3 % d'avril 2003 prévoit un ensemble de mesures - qu'au plan national. La méthode ouverte de coordination constitue une méthode bien adaptée à l'organisation et au suivi d'une démarche commune des Etats membres dans ce domaine.

L'établissement d'un cadre favorable à la recherche des entreprises passe par un ensemble de mesures et, en particulier : une refonte des mesures fiscales en faveur de la recherche, un accès plus facile au capital-risque - notamment pour les PME -, un droit européen de la propriété intellectuelle favorable à la recherche (il faut en particulier concrétiser rapidement l'accord politique qui est intervenu à propos du brevet européen en mars dernier), la prise en compte des impératifs de la recherche dans les processus de normalisation.

En outre, il convient de faire mieux prendre en compte la dimension recherche et innovation dans les décisions relatives à la concurrence. A cet égard, la proposition de règlement du 7 mai 2003, relative à l'octroi d'aides d'Etat aux PME, qui prévoit que les Etats membres pourraient prendre en charge pour les PME, sans notification préalable ni autorisation de la Commission, jusqu'à 100 % des dépenses en matière de recherche fondamentale, 60 % des dépenses en matière de recherche industrielle, et 35 % des dépenses de développement pré-commercial, va dans le bon sens. Il convient d'étudier comment et dans quelle mesure cette décision pourrait être étendue au-delà des PME, sans néanmoins porter atteinte aux objectifs essentiels de la politique de la concurrence.

Au niveau national, les mesures prévues par le plan innovation, présentées en avril dernier par les ministres de la recherche et de l'industrie, représentent une étape très positive pour le développement de la recherche en France.

Je pense que les mesures prévues par le gouvernement français en faveur des « jeunes entreprises innovantes » pourrait constituer la base d'une réflexion pour un projet de statut européen de la jeune entreprise innovante, assorti de mesures fiscales et sociales. A défaut de pouvoir faire adopter une législation européenne contraignante dans ce domaine- le domaine fiscal et social restant, à ce stade, soumis, pour l'essentiel, à l'unanimité -, la méthode ouverte de coordination pourrait constituer le cadre approprié de cette démarche.

3) Définir une stratégie industrielle européenne

L'Europe se désindustrialise et l'Union européenne n'a pas de stratégie industrielle. Il importe qu'une initiative forte au niveau de l'Union soit prise dans ce domaine, ciblant les priorités de premier rang et mettant en place les moyens nécessaires pour maintenir l'Europe parmi les grands pôles industriels du monde. Une spécialisation exclusive dans le tertiaire constituerait un risque majeur d'affaiblissement et de dépendance.

Une industrie vivante fondée sur une recherche dynamique permettant de disposer des technologies clé, est en effet un élément essentiel d'une « Europe souveraine ». C'est bien entendu aussi un atout majeur du développement économique et de l'emploi. Le soutien à la recherche - y compris la recherche militaire - doit faire partie des outils d'une politique industrielle. Tous les autres outils de la politique industrielle doivent être mis en œuvre au service de la stratégie décidée an niveau européen, aides directes ou indirectes, et création d'un environnement favorable à l'investissement dans les secteurs clés.

Une stratégie industrielle européenne qui renforce les points forts, organise des restructurations, des spécialisations, ne peut se faire qu'à la condition d'un engagement politique fort et de moyens budgétaires nouveaux.

Cette politique devrait être développée parallèlement à la politique de la concurrence et sur le même plan. Il ne s'agit bien entendu pas de remettre en cause les objectifs de la politique de la concurrence : le bon fonctionnement du marché unique est un atout essentiel pour les entreprises et pour les consommateurs. Mais les objectifs et les contraintes propres au développement industriel doivent être également pris en compte. Le récent débat, suscité par l'affaire Alstom, sur la politique industrielle au Parlement européen, ainsi que les prises de position de certains commissaires européens, ont marqué une prise de conscience nouvelle en ce domaine.

Par ailleurs, la mise en place de « plates-formes technologiques », animée par la Commission, regroupant tous les partenaires d'un secteur donné, constitue une initiative très positive pour établir pour chacun des secteurs clé de l'industrie européenne une stratégie commune prenant en compte tous les aspects du développement de ce secteur, dans une logique finalisée. Les démarches en cours dans quelques secteurs (aéronautique), ou sur certains objectifs (utilisation de l'hydrogène comme source d'énergie) doivent être développées et étendues. La Commission devrait préciser la définition de ces plates-formes, qui reste encore floue. Et la réflexion sur le prochain programme cadre devra prendre fortement en compte cet instrument.

4) Soutenir tous les aspects de la recherche, recherche fondamentale d'un côté, innovation de l'autre

Les programmes-cadre ont été depuis le départ essentiellement axés sur la recherche pré-compétitive. Il convient à présent d'élargir le champ de la politique européenne de la recherche vers la recherche fondamentale d'une part, vers l'innovation d'autre part.

Le développement de la recherche fondamentale est essentiel pour que l'Union européenne reste aux avant-postes de la science, notamment dans les secteurs clés pour le développement économique et l'indépendance stratégique.

C'est encore au niveau national que la recherche fondamentale reste encore essentiellement soutenue. Les efforts menés sur le plan européen dans ce domaine et les actions de coordination restent insuffisantes (programme Eurocores de la Fondation européenne de la science, programme Eranet, initiative Nest, financements accordés par EUROHORCs - association des dirigeants des organismes nationaux de recherche -, projets Cost). Le soutien provenant de partenaires privés, notamment de fondations, est beaucoup moins important, et moins diversifié qu'aux Etats-Unis.

Le soutien à la recherche fondamentale a été jusqu'à présent freiné par la définition quelque peu restrictive de la recherche dans la rédaction actuelle du traité, définition axée sur le soutien à la recherche pré-compétitive. Le texte proposé par la Convention prévoyant une compétence partagée en matière de recherche, doit permettre d'élargir le champ de la mission de l'Union en ce domaine.

A l'autre extrémité de la recherche, la politique européenne doit également soutenir plus directement l'innovation, notamment par un étalonnage (« benchmarking ») systématique et par une harmonisation toujours plus favorable aux initiatives des créateurs et des entreprises.

5) Assurer la disponibilité et la qualité du capital humain de la recherche

La situation actuelle des chercheurs en Europe est préoccupante : les formations scientifiques et les métiers de la recherche n'attirent plus autant qu'auparavant et il y a dans beaucoup d'Etats de l'Union un problème de non-renouvellement des générations lié aux fortes irrégularités passées des recrutements dans la recherche. Cela pose le problème de la transmission et du maintien de la capacité de recherche, compte tenu notamment du délai nécessaire pour former des équipes efficaces .

En outre, la recherche n'arrive pas à retenir un certain nombre de ses meilleurs éléments et attire peu de chercheurs étrangers, ce qui contraste radicalement avec l'attractivité des Etats-Unis dans ce domaine (voir le diagnostic de la recherche européenne vis-à-vis de ses partenaires en I).

Enfin, l'hétérogénéité des statuts des chercheurs et de l'organisation de leur carrière, très divers suivant les Etats membres, ne favorise pas les mobilités intra-européennes.

Le 6ème programme-cadre a renforcé les actions en faveur de la mobilité intra-européenne des chercheurs, et mis en place des aides au retour. Ces actions, menées dans le cadre des bourses Marie-Curie, sont très appréciées par les partenaires de la recherche.

Face à ce risque de perte de substance du capital humain de la recherche européenne, il faut à présent mettre en place, au niveau européen, une politique globale et volontariste pour assurer la disponibilité de chercheurs en nombre et en qualité suffisante pour relever les défis du nécessaire développement de la recherche européenne.

D'une part, renforcer les mesures en faveur de la mobilité européenne. Le contexte de l'élargissement constitue un impératif supplémentaire dans ce sens, pour accueillir efficacement les chercheurs des pays nouveaux adhérents. Je serais à cet égard favorable à la mise en place proposée par certains d'un statut de chercheur-enseignant européen, permettant de lever les obstacles réglementaires, fiscaux ou sociaux, à la mobilité et d'assurer en outre un passage plus facile du privé au public, ou inversement, et du domaine de la recherche au domaine de l'enseignement. Dans le même temps, il convient de renforcer encore les incitations financières européennes à la mobilité. Il s'agit d'instaurer un véritable marché européen pour l'emploi dans la recherche.

Il convient, d'autre part, de renforcer l'attractivité de la recherche européenne vis-à-vis des chercheurs des pays tiers. Il est clair que c'est en premier lieu le renforcement même de la politique de la recherche en Europe, les moyens mis au service de son développement, la visibilité de cet élan nouveau, qui seront à même d'attirer des chercheurs étrangers et de retenir nos chercheurs en Europe. Mais des incitations spécifiques sont nécessaires et il convient de renforcer à cet égard les efforts engagés dans le cadre du programme-cadre.

Enfin, il faut renforcer sensiblement l'attractivité des formations scientifiques et des métiers de chercheurs. La situation actuelle, caractérisant la majorité des pays européens, est inquiétante : désaffection des formations scientifiques et vieillissement de la moyenne d'âge des chercheurs.

L'effet « papy boom » entraîne, dans la plupart des pays de l'Union, un vieillissement de l'âge moyen des équipes de recherche. Ainsi, en France, la moyenne d'âge des chercheurs des organismes de recherche est actuellement de 47 ans. A l'INSERM, à effectif constant, 32 % des chercheurs devraient être remplacés entre 2002 et 2010.

Par ailleurs, les formations scientifiques attirent moins les étudiants. Ainsi, pour la France, le rapport 2001 sur les études doctorales indique que, par rapport à 1995, le nombre global des thèses en cours a chuté de 7 % (de 28 % pour la chimie et la science des matériaux, de 24 % pour la physique et les sciences pour l'ingénieur, de 21 % pour les sciences de la terre, 18 % pour les mathématiques ; or ce sont ces sciences qui sont le plus marquées par le vieillissement des chercheurs).

Des chiffres donnés par l'Education nationale en avril dernier indiquaient qu'un tiers des futurs bacheliers issus de la filière s'apprêtaient à ne pas suivre des études scientifiques ou technologiques (ce chiffre n'était que de 20 % en 1995). Cette tendance s'observe dans la plupart des pays européens.

Le vieillissement des équipes de recherche et le moindre recrutement des formations scientifiques vont à l'encontre de la nécessité de renforcer la recherche en Europe. La Commission indiquait en juillet dernier que pour atteindre l'objectif de 3 %, l'Union européenne aurait besoin de 700 000 chercheurs supplémentaires.

Pour renverser la tendance, il faut d'abord revaloriser le statut du chercheur, ce qui passe bien entendu par une revalorisation des rémunérations - notamment dans le secteur public pour les post-doctorants - mais aussi par une autonomie et une responsabilisation accrues.

Il convient également, comme on l'a déjà souligné, de développer vigoureusement la culture scientifique à l'échelon européen.

C. De nouveaux instruments

1) Le Conseil européen de la recherche : vers la recherche fondamentale

Comme nous l'avons vu, la recherche fondamentale en Europe n'est pas suffisamment soutenue par l'Union et les soutiens qui y sont apportés provenant de divers partenaires, notamment les Etats membres à travers les programmes nationaux, sont fragmentés.

C'est à partir de cette constatation qu'est apparue - parmi les partenaires de la recherche - l'idée de créer un « Conseil européen de la recherche ». Cette idée a été notamment débattue lors d'une conférence à Copenhague organisée par la présidence danoise du Conseil, les 7 et 8 octobre 2002. Elle a fait également l'objet d'une étude réalisée par la Fondation européenne de la science.

Le projet consisterait, dans ses grandes lignes, à mettre en place un mécanisme souple de dotations financières sur projet, libéré de programmations pluriannuelles - et probablement de programmation thématique - géré par un organisme indépendant associant les partenaires de la recherche.

Je suis personnellement favorable à la mise en place d'un tel mécanisme de soutien à la recherche fondamentale, sous réserve de la définition d'un cadre minimal fixant les grandes orientations ou objectifs. Néanmoins, un certain nombre de conditions, ou de questions doivent être prises en compte :

- quelle articulation avec les systèmes de soutien à la recherche fondamentale ? Il faut éviter les duplications ;

- quel lien structurel avec la politique communautaire de la recherche ? Il faut conjuguer une double nécessité, à première vue contradictoire : d'une part, la garantie de l'indépendance nécessaire de l'organe mis en place ; d'autre part, l'existence d'un lien structurel avec la Commission et avec la démarche de référence de l'« Espace européen de la recherche » ;

- quels financements ? S'il s'agit d'un simple redéploiement au sein du budget communautaire de la recherche, l'objectif ne pourrait être atteint. Il faut donc des financements provenant à la fois des programmes nationaux, d'une augmentation du budget européen de la recherche, de partenaires privés ;

- le Conseil européen de la recherche doit-il avoir d'autres fonctions que le soutien à des projets ? Beaucoup de partenaires voient dans ce Conseil, qui rassemblerait les partenaires de la recherche, une sorte de « parlement » de la recherche en Europe . Une telle instance de concertation pourrait jouer un rôle utile pour asseoir plus largement la légitimité politique de la politique européenne de la recherche plus ambitieuse que j'appelle de mes vœux. Elle pourrait aussi favoriser une cohérence et une complémentarité accrue des divers efforts et programmes de recherche menés aux différents niveaux.

Les présidences du Conseil de 2004  - irlandaise et néerlandaise - ont l'intention de reprendre l'examen de ce projet (qui ne fait pas actuellement partie des priorités de la présidence italienne). Il serait utile de confier d'ici là à la Commission une étude sur le sujet, qui permettrait de préparer les décisions nécessaires.

2) Des programmes différenciés suivant les secteurs de la recherche

a) De grands projets finalisés avec un ou plusieurs chefs de file

L'un des points forts des grandes politiques de recherche - celle de la France et de l'Europe dans certains domaines, celle des Etats-Unis de façon permanente - est de s'appuyer sur certains grands projets très finalisés - par exemple, dans le spatial, dans l'aéronautique, dans les armements, dans le domaine de l'énergie. Ces grands projets irriguent d'autant plus la recherche et l'industrie qu'ils portent sur une palette étendue de secteurs. Ils ont aussi pour intérêt de mobiliser l'ensemble des acteurs, depuis les centres de recherche fondamentale jusqu'aux entreprises industrielles et à leurs sous-traitants.

L'Europe a d'ores et déjà l'expérience de tels projets avec Airbus, Ariane ou JET. Il importe aujourd'hui qu'elle élargisse le champ de ses ambitions.

b) Le soutien aux technologies émergentes qui exigent des réponses rapides et un financement continu et non pas un financement programmé

A l'heure actuelle, les instruments communautaires paraissent peu adaptés au développement des technologies émergentes.

Dans des secteurs fortement évolutifs, tels que les technologies de l'information, les biotechnologies ou les nanotechnologies, la capacité de répondre rapidement aux nouveaux projets est essentielle. Lorsque plusieurs entreprises décident de conduire une action commune, lorsqu'une équipe de jeunes chercheurs, même de petite taille, est en pointe, à quelque stade de la recherche que ce soit, il est indispensable qu'elles puissent très rapidement présenter leur projet, le faire évaluer, et obtenir les soutiens nécessaires.

Il conviendrait donc, dans cet esprit, de disposer d'instruments souples de soutien à projet, éventuellement différenciés selon les secteurs de recherche, mais capables d'une grande réactivité - ce qui ne permet aujourd'hui aucun des instruments communautaires.

c) Entre les deux, des réseaux ou structures associant plusieurs partenaires

En complément des mécanismes de soutien à la recherche fondamentale, des grands projets, et du soutien en flux continu aux technologies émergentes, il faut également des instruments plus permanents pour soutenir la constitution ou le renforcement de réseaux de recherche ou la coopération autour de projets : c'est l'esprit des deux principaux instruments existants du 6ème programme-cadre, les réseaux d'excellence et les projets intégrés.

La préparation du 7ème programme-cadre devra bien entendu tenir compte des réactions positives ou critiques au 6ème programme. La concentration des thématiques, l'exigence de « masse critique » suffisante, d'une dimension structurante dans le temps, qui caractérisent le 6ème programme, devront être confirmées et approfondies.

Par ailleurs, bien qu'il soit bien entendu trop tôt pour tirer un quelconque bilan du programme en cours, la prise en compte renforcée de l'excellence scientifique - cessons de faire de l'aménagement du territoire à travers la politique de la recherche - et la souplesse de la gestion devront, en tout état de cause, figurer parmi les éléments de la réflexion sur les instruments qui prendront la suite des instruments actuels.

S'agissant des réseaux d'excellence, ils devront à l'avenir constituer des instruments plus ouverts et se développer en outre comme outil de veille scientifique et technologique.

Au-delà des projets intégrés, bien accueillis généralement par les acteurs de la recherche, et qui devront être maintenus, il conviendra de développer la démarche des plates-formes technologiques, qui permet de rassembler plus largement les acteurs et de les mobiliser dans une démarche stratégique.

En outre, un effort particulier devra être engagé pour soutenir le développement des infrastructures européennes de la recherche.

3) La nécessité de renforcer l'indépendance de l'évaluation

a) Dans le choix des projets

Le système actuellement existant de groupes d'experts indépendants qui évaluent en valeur l'intérêt des projets doit être renforcé.

D'une part, sa composition doit être davantage diversifiée. D'autre part, le poids de ses avis doit être renforcé, afin notamment de renforcer le critère de la prise en compte de l'excellence .

b) Dans l'évaluation des résultats de la recherche

Une évaluation renforcée constitue une base indispensable au développement de l'effort de recherche. Ce développement suppose en effet une véritable lisibilité, une mesure de l'excellence et du degré de succès de la recherche. Elle va de pair avec le renforcement d'une culture de projet.

L'appréciation des résultats de la recherche constitue un exercice difficile. L'évaluation des programmes-cadre réalisée tous les cinq ans doit être renforcée et son indépendance approfondie. Les critères pris en compte dans l'évaluation doivent être enrichis et intégrer, par exemple, le dépôt de brevets. Par ailleurs, il serait nécessaire de mettre en place une démarche d'évaluation sur la durée, et non pas seulement tous les cinq ans.

Cette évaluation devra bien entendu porter sur les nouveaux instruments mis en place et une articulation étroite devra être établie entre l'évaluation de ces nouveaux instruments et celle du programme-cadre.

Parallèlement, le renforcement de l'évaluation suppose une définition plus claire de la recherche.

D. Donner les moyens financiers à la hauteur des ambitions

Atteindre les 3 % fixés pour 2010 ne se décrète pas. L'effort des entreprises, notamment, dépend d'une série de facteurs complexes. Mais l'engagement financier public est au cœur du redressement nécessaire. Cet effort est communautaire, mais aussi national et régional. Les progrès constatés sont encore trop lents et hésitants.

a) Sortir les dépenses de recherche du pacte de stabilité

La rigidité et la myopie du pacte de stabilité sont dénoncées par la plupart. Il faut que le pacte prenne davantage en compte les objectifs de la croissance et de l'emploi, et les différences nécessaires de politique économique suivant le contexte du moment.

Dans le même esprit, on ne peut traiter de la même façon tous les types de dépenses : il y a des dépenses de fonctionnement qu'il faut s'efforcer de réduire et les dépenses d'investissement qui préparent l'avenir et que l'on ne peut supprimer sans risques graves pour le développement futur. Les dépenses de recherche sont de celle-là. Je suis donc partisan d'exclure ces dépenses du calcul du déficit, à condition néanmoins de préciser la définition de la recherche, comme je l'indiquais déjà en ce qui concerne les procédures d'évaluation.

b) Le budget communautaire

La recherche est passée de 2,4 % du budget communautaire pour le premier programme-cadre à 4,15 % pour le 5ème. C'est encore nettement insuffisant. La recherche doit figurer au premier rang des priorités de la discussion des nouvelles perspectives financières de l'Union. Par ailleurs, l'équilibre respectif entre les budgets nationaux de recherche et celui de l'Union pourrait être revu, comme le suggère le « plan d'action » présenté par la Commission en avril dernier.

Pour atteindre les 3 % du PIB, l'effort du budget communautaire ne suffira pas et les programmes nationaux resteront un acteur majeur.

Dans cet esprit, le projet de budget sur la recherche de la France pour 2004, préparé par Mme la ministre Claudie Haigneré, constitue une étape positive. Le projet de loi de finances prévoit en effet une augmentation de 3,9 % des moyens mis au service de la recherche : augmentation de 1 % du BCRD, création d'un nouveau fonds de 150 millions d'euros gérés par le ministère de la recherche et 100 millions d'euros d'exonération fiscale ou de recettes affectées à des agences ou organismes.

c) L'initiative franco-allemande

L'initiative de croissance franco-allemande présentée le 19 septembre 2003 constitue également un engagement significatif dans le sens du développement de l'effort de recherche et de l'organisation d'une stratégie industrielle. Il contient dix projets d'investissement qui concernent, pour plusieurs d'entre eux, la recherche : la généralisation des réseaux numériques à large bande, le soutien à l'industrie des semi-conducteurs, le développement des énergies renouvelables, l'interconnexion du TGV Est et de l'ICE en 2007, le programme Galileo, le développement de la voiture propre, l'internet à haut débit sur le mobile, la promotion des systèmes télématiques pour les transports, la réduction des gaz à effet de serre pour les pays nouveaux adhérents, la télévision numérique terrestre. Il correspond à environ 3 milliards d'euros d'investissement.

Cette initiative franco-allemande rejoint les orientations proposées par la Commission début juillet (« initiative en faveur de la croissance : stimuler les investissements dans les réseaux transeuropéens et les grands projets de recherche et de développement ») et celles avancées par la présidence italienne. Elle suppose une participation active de la BEI(8). Il convient à présent qu'une décision communautaire soit prise dans ce sens lors du prochain Conseil européen des 16 et 17 octobre 2003.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le mardi 30 septembre 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat.

M. Didier Quentin a souhaité savoir dans quelle mesure la France est plus concernée que ses voisins par le phénomène de la fuite des cerveaux. 

M. Christian Philip a rappelé combien les questions de recherche constituent un défi essentiel pour l'Union européenne. Au même titre que les dépenses militaires, il s'agit d'un domaine où l'Europe accuse un important retard par rapport aux Etats-Unis. S'il est nécessaire de soutenir une réorientation des fonds structurels versés par l'Union, cela ne doit toutefois pas se traduire par une réduction de l'effort budgétaire en faveur de la politique régionale. La recherche devrait ainsi constituer une priorité de premier rang dans le débat qui s'ouvrira en 2004 sur les nouvelles perspectives financières de l'Union, sans préjudice des décisions prises en ce qui concerne les fonds structurels.

Le Président Pierre Lequiller a, quant à lui, souligné les enjeux liés au secteur de la recherche, qui constitue un domaine d'avenir. Pour autant, il s'est déclaré réservé face au souhait émis par le rapporteur de ne pas prendre en compte, dans l'appréciation du niveau de déficit public prévu par le Pacte de stabilité et de croissance, les dépenses de recherche. S'agissant du respect de l'environnement, l'Union européenne doit pouvoir atteindre un équilibre entre d'une part, une politique plus soutenue en faveur de la recherche et d'autre part, le nécessaire respect du principe de précaution en ce qui concerne notamment l'utilisation des OGM.

En réponse, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- la fuite des cerveaux vers les Etats-Unis touche particulièrement le Royaume-Uni, en raison notamment des facilités linguistiques et d'un mode de gestion similaire de la recherche dans les deux pays. On observe toutefois un mouvement de retour des chercheurs britanniques vers leur Etat d'origine après plusieurs années passées outre-atlantique. La France a subi plus tardivement ce phénomène, aujourd'hui bien réel. Si seulement 0,35% d'étudiants français étudient dans les universités américaines, ce sont 28% des chercheurs post-doctorants qui partent chaque année pour les Etats-Unis : cela est quantitativement peu important mais qualitativement très grave. On dénombre 50% de chercheurs étrangers sur le sol américain, composés pour 80% d'Asiatiques et pour 20% d'Européens, portant à 10% la proportion de chercheurs européens aux Etats-Unis ;

- la priorité en matière de recherche doit effectivement être également prise en compte dans le cadre de la réforme de la politique régionale ;

- on peut se rallier à la position exprimée par le Président Pierre Lequiller visant à ne pas soustraire les dépenses de recherche du niveau de déficit public ;

- la prise en compte du principe de précaution ne doit pas avoir pour effet pervers de brider la recherche alors qu'il s'agit au contraire de l'encourager. Certaines idées non scientifiquement démontrées sont trop souvent bien ancrées dans l'opinion, notamment chez les jeunes. Le débat sur les OGM suscite des comportements parfois plus idéologiques que rationnels, qui peuvent se révéler dangereux pour l'Europe mais aussi pour la planète, face au défi alimentaire que constitue la pression démographique à l'échelle mondiale.

En conclusion, le rapporteur a émis le souhait que la Délégation prolonge sa réflexion sur d'autres aspects de la recherche européenne. Il a évoqué l'articulation entre recherche civile et militaire, le statut européen du chercheur, le soutien de l'Union aux technologies émergentes et la place de la recherche dans le débat public.

Compte tenu de ces observations, la Délégation a ensuite adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION

La Délégation,

Convaincue de l'enjeu crucial que représente le développement de la recherche pour l'emploi et la croissance de demain, pour garantir l'indépendance stratégique de l'Europe et sa capacité d'influence dans le monde, ainsi que pour relever les défis majeurs auxquels notre continent est confronté pour assurer le bien-être des générations futures,

Consciente que le différentiel croissant d'investissement pour la recherche entre les Etats-Unis et l'Europe, risque d'entraîner des décalages technologiques insurmontables,

Persuadée que le niveau européen constitue le cadre approprié pour renforcer la cohérence des politiques nationales de recherche et insuffler l'élan politique nécessaire à la mobilisation efficace de tous les partenaires concernés,

Attachée par conséquent à ce qu'une impulsion nouvelle et décisive soit donnée à la politique européenne de la recherche,

1. Souhaite la mise en place d'un cadre institutionnel plus fort, fondé sur une compétence partagée entre l'Union et les Etats membres en matière de recherche comme dans le domaine spatial.

Ce nouveau cadre doit permettre de dépasser l'opposition intergouvernemental/communautaire, de développer, dans un objectif d'excellence, les complémentarités entre les différents modes de soutien à la recherche, et d'engager, lorsque c'est nécessaire, des coopérations renforcées au service de l'ambition commune.
L'Union européenne doit susciter un environnement éthique qui favorise les initiatives de la recherche au lieu de parfois les brider ;

2. Recommande le dépassement des clivages et la mise en place d'une approche globale :

- surmontant l'opposition recherche civile/recherche militaire par la mise en place rapide d'un programme de recherche de défense au niveau de l'Union, qui devrait être mis en œuvre par la future Agence européenne de l'armement et par la préparation d'une initiative de recherche de grande ampleur portant sur la sécurité ;

- développant le financement public de la recherche industrielle ;

- élargissant les programmes de la recherche européenne à la recherche fondamentale et à l'innovation ;

- sous-tendant l'effort de recherche par la définition d'une véritable stratégie industrielle ;

- assurant le renouvellement et la qualité du capital humain de la recherche, par un statut européen du chercheur et notamment du chercheur-enseignant, par des mesures favorisant l'attractivité de la recherche européenne vis-à-vis des chercheurs des pays tiers, et par la revalorisation des formations scientifiques en Europe ;

3. Demande la mise en place de nouveaux instruments au service de la recherche européenne :

- un Conseil européen de la recherche pour le soutien à la recherche fondamentale, à travers des procédures d'appel et de soutien à projets ;

- des programmes différenciés suivant les secteurs de la recherche :
* de grands projets finalisés avec un ou plusieurs chef de file,
* le soutien aux technologies émergentes par un mécanisme souple, réactif et affranchi de la rigidité des programmes pluriannuels,
* la poursuite des programmes de soutien aux réseaux ou projets associant dans un esprit plus ouvert une pluralité de partenaires ;

- le renforcement d'une évaluation indépendante, aussi bien pour le choix des projets que pour l'évaluation des résultats de la recherche ;

4. Demande que les moyens financiers nécessaires soient mis au service du développement de la recherche, afin d'atteindre l'objectif de 3 % du PIB fixé par le Conseil européen de Barcelone en mars 2002 et dans ce but recommande que :

- la recherche soit prise en compte comme une priorité de premier rang dans le débat qui s'ouvrira en 2004 sur les nouvelles perspectives financières de l'Union, sans préjudice des décisions qui seront prises en ce qui concerne les fonds structurels ;

- les propositions contenues dans l'initiative
franco-allemande pour la croissance soient confirmées et reprises dans un programme communautaire.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des organismes et personnes entendus par le rapporteur

1. EN FRANCE

- Mme Claudie HAIGNERÉ, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

- M. Claude BIRRAUX, président ;

- M. Jean-Yves LE DEAUT, député.

Cabinet du Premier ministre

- M. Luc ROUSSEAU, conseiller pour l'industrie, la recherche scientifique et la société de l'information.

Cabinet de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies

- Mme Jeanne MONFRET, conseillère ;

- M. Alexandre GALDIN, conseiller parlementaire.

Cabinet de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense

- M. Pierre-Marie ABADIE, conseiller pour les affaires industrielles.

Conseil supérieur de la recherche et de la technologie

- Mme Claudine LAURENT, vice-présidente ;

- Mme Danièle HULIN, présidente de la Commission Europe.

ANVAR

- M. Philippe JURGENSEN, président directeur général ;

- M. Jean-Claude POREE, directeur des affaires européennes.

DGA

- M. Michel PETRE, directeur de la prospective.

Eureka

- M. Michel VIEILLEFOSSE , directeur du secrétariat européen.

MEDEF

- Mme Elisabeth JASKULKE, chargée du groupe recherche européenne.

CGPME

- M. Jean-François VEYSSET, vice-président.

Organismes de recherche

* CNRS :

- M. Gérard MEGIE, président.

* CEA :

- Mme Caroline CHEVASSON, déléguée aux affaires européennes auprès du directeur des relations internationales du CEA ;

- M. Guillaume GILLET, chargé des affaires publiques européennes ;

- Mme Irène PUCCI, responsable de la cellule affaires publiques.

* ESA (Agence spatiale européenne) :

- M. Jean-Jacques DORDAIN, directeur général.

* INRIA :

- M. Jean-Pierre BANATRE, responsable des affaires européennes.

* Institut Pasteur :

- M. Philippe KOURILSKY, directeur général.

Entreprises

* Alcatel :

- M. Jacques MAGEN, directeur recherche et développement, affaires publiques.

* Cilas :

- M. Jacques BATTISTELLA, président directeur général.

* EADS :

- M. Michel DEVILLER, vice-président, recherche et technologie ;

- Mme Sophie ROUKLINE, chargée des relations avec le Parlement ;

- Mme Brigitte SERREAULT, coordination recherche européenne.

* Pechiney :

- M. Bruno DUBOST, directeur scientifique.

* PSA Peugeot Citroën :

- M. Jean-Pierre GOEDGEBUER, directeur scientifique ;

- Hervé PICHON, délégué aux relations avec les assemblées parlementaires et les élus.

* Saint-Gobain :

- M. Jacques DELPHIS, directeur des relations extérieures et institutionnelles.

- M. Jean-Claude LEHMANN, directeur de la recherche.

* Thalès :

- M. Dominique VERNAY, directeur technique du groupe.

Personnalités qualifiées

- M. Michel CARPENTIER, ancien directeur général à la Commission européenne ;

- M. Hubert CURIEN, ancien ministre de la recherche, ancien président de l'Académie des sciences, président du Conseil consultatif de la recherche, de l'enseignement supérieur, de la technologie et de l'innovation de la région Ile-de-France ;

- M. Pierre DAUMARD, président de l'Université René Descartes (Paris V) ;

- M. Olivier POSTEL-VINAY : ancien rédacteur en chef de la revue « La Recherche » ;

- M. Philippe POULETTY, président du Conseil stratégique de l'innovation ;

- M. Gérard TOBELEM, professeur de médecine, président du CIRRES (Cercle initiatives et réflexion sur la recherche, l'éducation et la science) ;

- M. Jacques VALADE, ancien ministre de la recherche, sénateur.

2. EN BELGIQUE

Commission européenne

* M. Michel BARNIER, commissaire en charge de la politique régionale et de la réforme des institutions.

* Cabinet de M. Philippe Busquin, commissaire en charge de la recherche :

- M. Jean-Eric PAQUET, chef de cabinet adjoint ;

- M. Cyril ROBIN-CHAMPIGNEUL, membre du cabinet.

* Direction générale de la recherche :

- M. Achilleas MITSOS, directeur général.

- M. Paraskevas CARACOSTAS, chef d'unité, prospective science et technologie » ;

- M. Peter KIND, directeur, « structuration de l'espace de recherche » ;

- M. Jean-François MARCHIPONT, directeur, « société et économie de la connaissance » ;

- M. Jack METTHEY, directeur, « espace et transport » ;

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

- M. Bertrand BOUCHET, conseiller pour la science et la technologie.

3. AU ROYAUME-UNI

Ambassade de France

- Prof. Gilbert BALAVOINE, conseiller scientifique ;

- Mme Anne PROST, attachée scientifique.

Personnalités qualifiées

- Mme Vicki BROWN, OST (Office of science and technology) ;

- M. Peter CHEETHAM, directeur technique de la société Zylepsis ;

- M. Peter COLLINS, directeur du groupe de la politique scientifique à la Royal Society ;

- M. Graham CREWE, chargé de la coordination des programmes Eureka au sein du DTI (Department of Trade and Industry) ;

- M. Chris DARBY, OST (Office of science and technology) ;

- M. Ross EGERTON, Knowledge Transfer Unit, Department of Trade and Industry ;

- M. Ian GIBSON, membre de la Chambre des Communes, président de la commission « Science and technology » ;

- Prof. Julia GOODFELLOW, directrice général du BBSRC (Biotechnology and Biological Sciences Research Council) ;

- Mme Rachel JENKINSON, directrice du Conseil international de l'OST (Office of science and technology) ;

- M. Philip O'NEIL, responsable des partenariats « Faraday » au sein du DTI (Department of Trade and Industry) ;

- M. Jérôme PAMELA, directeur associé de JET ;

- M. Robert SULLIVAN, directeur « secteur public » à QinetiQ ;

- Mme Ilse VICKERS, directrice du bureau des affaires européennes à l'University College of London ;

- M. Tim WILLIS, chef du service des relations internationales du BBSRC (Biotechnology and Biological Sciences Research Council).

4. EN ITALIE

Ambassade de France

- M. Loïc HENNEKINE, ambassadeur de France ;

- M. Robert CARLES, conseiller pour la science, la technologie et la coopération universitaire ;

- Mme Cathy RACAULT, attachée scientifique ;

- Mme Sandra TIBI, secrétariat du service scientifique.

Personnalités qualifiées

- Dott. ssa Nicoletta AMODIO, Area Imprezza, Nucleo Ricerca, Innovazione e Net Economy ;

- Dott. Paolo ANNUNZIATO, directeur de la recherche, de l'innovation et de l'économie numérique chez Confindustria ;

- Prof. Massimo EGIDI, recteur de l'université de Trente et responsable des relations internationales ;

- Dott. Gioacchino FONTI, responsable de la coopération scientifique et technologique au ministère de l'instruction, de l'université et de la recherche.

- Dott. ssa LAPICELLA, directrice des activités internationales, CNR.

5. EN GRECE

Ambassade de France

- M. Luc ASSELIN de WILLIENCOURT, premier conseiller ;

- M. Alexis MICHEL, attaché de coopération scientifique et universitaire.

Secrétariat général à la recherche et à la technologie

- M. Georges BONAS, secteur des affaires européennes ;Annexe-1

- Mme Maria CHRISTOULA, secteur des affaires européennes ;

- M. Dimitris DENIOZOS, secrétaire général ;

- Mme Agnès SPILIOTI, directrice de la coopération internationale ;

- Mme Olga STERGIOU, directrice de planification de la politique de recherche.

Fondation nationale de la recherche

- M. Ion SIOTIS, directeur.

Hellenic aerospace industry

- Mme Zaïra MARIOLI-RIGA, directrice du Département.

6. EN ALLEMAGNE

Ambassade de France

- M. Claude MARTIN, ambassadeur de France ;

- Prof. Marcel BERVEILLER, conseiller scientifique ;

- M. Vincent DUBRULE, attaché d'armement adjoint ;

- Dr. Laurent HUBER, attaché scientifique.

Personnalités qualifiées

- Dr Bernd EBERSOLD, directeur à la SMP (société Max Planck) ;

- Dr Heming EIKENBERG, directeur de la coopération, ministère de l'éducation et de la recherche ;

- M. Christoph MÜHLBERG, directeur du département international de la DFG (Deutsche Fortschungsgemeinschaft) ;

- Mme Anne MÜNGERSDORFF et Dr Ing. Martin GRABERT, directeurs au « KOWI » (représentant les instituts de recherche allemands auprès de l'Union européenne) ;

- Dr Joachim PELKA, directeur à la société « Fraunhofer » ;

- Dr Bernhard RAMI et Dr Wolkmar DIETZ, directeurs au service des affaires européennes du ministère de l'éducation et de la recherche.

- Dr Christoph SCHNEIDER, directeur général des affaires scientifiques ;

7. EN SUEDE

Ambassade de France

- Mme BASSA-MAZZONI, premier conseiller ;

- M. MANNEVILLE, conseiller culturel et scientifique.

Personnalités qualifiées

- M. BERGMAN, responsable de la coopération internationale et de l'évaluation de la participation suédoise dans les programmes-cadres européens au Conseil suédois pour la recherche et le développement dans l'Union européenne ;

- M. HAKANSSON, directeur de l'Agence suédoise des systèmes de l'innovation, chargé des relations internationales et de la coordination ;

- Mme HJORTH-RYBBE, directrice du Conseil suédois pour la recherche et le développement dans l'Union européenne ;

- M. MOLLERYD, chargé de projet à l'Académie royale des sciences ;

- M. NORMAK, directeur général de la Fondation pour la recherche stratégique ;

-Mme RUGEL, secrétaire générale de l'Association franco-suédoise pour la recherche ;

- Mme SAMUELSSON, directeur au ministère de l'éducation et des sciences, chargée des relations internationales ;

- M. SVEDIN, directeur des relations internationales du Conseil suédois de recherche sur l'environnement, l'aménagement du territoire et les sciences agronomiques.

7. EN ESPAGNE

- M. Bernard HEULIN, conseiller pour la science et la technologie, ambassade de France ;

- M. Gonzalo LEÓN, secrétaire général de la politique scientifique, ministère de la science et de la technologie ;

- Mme MONTERO et M. MANGAS, chargés de mission à la Fondation Cotec pour l'innovation technologique ;

- Mme Montserrat TORNE, directrice des relations internationales, Conseil supérieur de la recherche scientifique ;

- M. Antonio ALVAREZ BERENGUER, directeur de la recherche et du développement du groupe Tolsa et membre du groupe de travail « recherche » de la confédération espagnole des organisations d'entreprises.

8. AU PORTUGAL

- M. Jean RAZUNGLES, conseiller pour la science et la technologie, ambassade de France ;

- M. Joao MELO BORGES, directeur adjoint des relations internationales du ministère de la science et de l'enseignement supérieur ;

- M. Carlos VARANDAS, directeur d'un laboratoire de recherche en robotique.

Annexe 2 :
La recherche dans les Etats membres où
s'est rendu le rapporteur

Il ne s'agit pas dans cette annexe de fournir une vue globale de la recherche dans les Etats membres concernés. Les informations données ici correspondent à celles qui ont été communiquées au rapporteur dans le cadre des missions qu'il a effectuées.

L'Allemagne

Le rapporteur s'est rendu en Allemagne - à Bonn et à Berlin - les 24 et 25 juin 2003.

Les entretiens du rapporteur se sont, pour l'essentiel, concentrés autour de trois thèmes :

- l'organisation de la recherche en Allemagne ;

- la position de l'Allemagne face à la politique européenne de la recherche ;

- le statut de la recherche dans la société.

I. L'organisation de la recherche en Allemagne

1. La nette distinction entre les missions de la recherche

La distinction entre recherche fondamentale et recherche appliquée est traditionnelle en Allemagne. Il en résulte plusieurs conséquences majeures :

- les universités et les principaux organismes de recherche forment un réseau très intégré et structuré autour de projets à durée déterminée .

- Au plan du financement, chaque domaine de recherche a ses propres sources de financement. Le budget de la société Max Planck (SMP), qui est l'un des principaux organes de recherche fondamentale, est financé - par moitié - par l'Etat fédéral et par les Länder. En revanche, le tiers du budget de la société « Fraunhofer », laquelle est chargée de la promotion de la recherche appliquée, est financé par les entreprises. Les quinze grands centres thématiques de recherche intégrée (espace, santé, transport, énergie, matériaux, terre et environnement, technologies clés) regroupés au sein de la Helmholtzgesellschaft (HGF) sont financés à 90% par le Bund et 10% par les Länder.

- La SMP est très soucieuse de faire respecter la séparation entre recherche fondamentale et recherche appliquée. C'est pourquoi, par exemple, elle ne commercialise pas de brevets, à la différence du CNRS. Cela étant, la séparation entre recherche fondamentale et recherche appliquée, pour traditionnelle qu'elle soit, n'en est pas pour autant totale. Car, d'une part, on observera que la SMP n'en a pas moins participé au Vème PCRD, même si elle reproche à ce dernier de n'être pas axé sur la recherche fondamentale. D'autre part, bien que chargée de la promotion de la recherche appliquée, la société « Fraunhofer » a tissé des liens très étroits avec les universités et la recherche fondamentale. Le tiers de son personnel est composé de chercheurs. En second lieu, le fait que les directeurs soient également des professeurs d'université incite les étudiants à y soutenir leur thèse : c'est ainsi que 400 thèses sont soutenues chaque année en son sein.

Par ailleurs, il existe en Allemagne une nette distinction entre la recherche civile et la recherche militaire.

Il convient de relever à cet égard deux différences majeures avec la situation prévalant en France. D'une part, le budget de la recherche militaire est nettement inférieur à celui de la France et décroît. Ainsi les crédits du budget de la défense affectés au financement de projets industriels est passé de 313 millions d'euros en 2000 à 284 millions d'euros en 2001. Quant aux crédits finançant la recherche et le développement, ils ont été ramenés de 1 103 millions à 747 millions d'euros dans la même période.

D'autre part, l'Allemagne ne dispose pas d'une institution analogue à la DGA. L'organe qui en tient lieu est purement militaire et, en tout état de cause, ne joue pas un rôle aussi important qu'en France. Toutefois, si une séparation claire est établie entre le ministère de la Défense et le ministère de l'Education et de la Recherche (BMBF) - en ce sens qu'il n'existe pas de programme militaire au sein du BMBF et que la recherche militaire relève du ministère de la Défense - des laboratoires civils travaillent néanmoins pour le ministère de la Défense.

Au total, la recherche à des fins militaires est peu importante, tandis que la coopération avec la recherche civile est limitée.

2. L'importance de l'idée de compétition entre les chercheurs

Il convient d'observer, d'emblée, que cette idée est d'autant moins contestée que -hormis ceux qui ont la qualité de professeur d'université - les chercheurs n'ont pas le statut de fonctionnaires, à la différence de ce qui prévaut en France. En règle générale, ils sont recrutés sur contrat.

Dans ce contexte, deux mécanismes contribuent à entretenir cette « culture » de la compétition : le recours systématique à l'appel d'offres et la pratique de l'évaluation.

La procédure d'appel d'offres trouve à s'appliquer à la fois pour financer les projets de recherche et pour pourvoir à des nominations.

Pour ce qui est de la recherche fondamentale, la DFG (Deutsche Forschungsgemeinschaft) - association allemande pour la recherche - procède à un appel d'offres permanent pour sélectionner les projets de recherche des universités ou de chercheurs individuels, auxquels elle accordera un soutien financier. En matière de recherche appliquée, les crédits provenant des entreprises à hauteur de 30 % du budget de la société Fraunhofer résultent de la participation de cette dernière à des appels d'offres sur des projets déterminés.

Dans deux cas au moins, les chercheurs sont recrutés par voie d'appel d'offres. C'est d'abord le cas des directeurs de recherche de la société Max Planck. La procédure d'appel d'offres doit permettre de nommer les meilleurs spécialistes - allemands ou étrangers (25 % des postes étant pourvus par des étrangers). Le même souci d'excellence explique également le recours à la procédure d'appel d'offres dans le cadre d'un programme post doctoral destiné à promouvoir les jeunes chercheurs dans la phase post-doctorale. Ce programme doit leur permettre pour une durée de cinq à sept ans de disposer des moyens financiers nécessaires pour conduire un projet de recherche.

Par ailleurs, la pratique d'une évaluation régulière et indépendante est très ancrée dans le système de fonctionnement de la recherche en Allemagne.

Ainsi, la DFG procède à une évaluation systématique des projets de recherche qui lui sont soumis. La HGF (Helmhotz Gemeinschaft) a également mis en œuvre un « pilotage » de la recherche fondé sur des programmes évalués par des experts nationaux et internationaux. En ce qui concerne les instituts de la société Max Planck, chacun d'entre eux doit rendre compte de ses activités tous les deux ans. Depuis le début des années 70, c'est un Conseil institué en leur sein qui est chargé de leur évaluation. Ce Conseil élabore un rapport qui est adressé au Président. Pour garantir l'impartialité de l'évaluation, le Conseil est composé de chercheurs extérieurs, dont 70 % sont des ressortissants étrangers. 90 % d'entre eux viennent des pays anglo-saxons. L'évaluation effectuée par le Conseil influe sur les moyens budgétaires dont dispose chaque institut, puisque ces crédits peuvent être diminués au bout de quelques années à concurrence de 25 %, , si les résultats de l'évaluation sont jugés insuffisants. Les interlocuteurs du rapporteur lui ont précisé que deux des douze instituts qui ont été fermés l'avaient été à la suite de l'évaluation de leurs performances, ce qui tendrait à confirmer les vertus de l'évaluation.

3. Une organisation décentralisée de la recherche

Il apparaît que l'Etat fédéral n'est qu'un acteur parmi d'autres de la politique de recherche, celle-ci étant, pour l'essentiel, mise en œuvre par d'autres entités.

L'Etat fédéral intervient dans la politique de recherche au travers notamment du budget fédéral de la recherche. Celui-ci s'établit actuellement à près de 9 milliards d'euros. Les crédits sont ainsi répartis : 40 % pour la promotion des projets de recherche (programmes du Bund); 40 % pour le soutien institutionnel des organismes, ceux ci étant encouragés à mettre en œuvre des programmes; 10 % pour la coopération internationale et 10 % pour la contribution du Bund aux Universités.

La gestion des crédits consacrés à la promotion des projets de recherche relève non pas seulement de l'Etat, mais aussi de la DFG ou de la société Max Planck. (Les crédits de ces organismes sont abondés par les Länder dont la contribution est significative : 50% du Bund pour les crédits de recherche).

Globalement l'effort de recherche en Allemagne représente 2,4 % du PIB. Il a augmenté de 27 % entre 1994 et 1999, ce qui correspond a peu près à la moyenne européenne. Cet effort de recherche correspond à 18,7 % de la dépense européenne de recherche (chiffres 1999).

Par ailleurs, l'Etat fédéral participe à la définition de la politique de recherche par des programmes élaborés pour la durée de la législature. Ces programmes fixent les priorités du gouvernement fédéral pour la recherche. La mise en œuvre des programmes (rédaction de l'appel d'offres, sélection et suivi des projets) relève de la responsabilité des Projektträger (au nombre d'une douzaine, ces Projektträger (manager de projets) - qui sont soit des personnes morales de droit public, soit des personnes morales de droit privé, comme l'Association des ingénieurs allemands - sont issus des organismes de recherche et du ministère de l'Education et de la Recherche).

L'exécution de la politique de recherche relève quant à elle, pour l'essentiel, d'entités autonomes. Pour la recherche fondamentale, ce sont la DFG et la société Max Planck. Leur statut juridique (personnes morales de droit privé à but non lucratif) et les conditions de leur financement (à parité, Etat fédéral et Länder) leur confèrent une réelle autonomie, selon le principe d'autogestion de la politique de la recherche défendu par ces organismes.

Dans cet esprit, la DFG définit les thèmes de recherche à l'aide desquels elle appréciera et sélectionnera les projets de recherche qu'elle subventionne au terme des appels d'offres qu'elle aura organisés. De même, chaque institut de la société Max Planck définit les thèmes de recherche.

L'idée d'autonomie est tout aussi forte en ce qui concerne la recherche appliquée dont la société « Fraunhofer » est le principal acteur : les 57 instituts qu'elle compte en Allemagne sont très indépendants les uns des autres. Son souci est de promouvoir une indépendance totale - l'Etat le finançant à hauteur de 30 % de son budget - afin de compter sur le seul soutien des grandes industries, comme aux Etats-Unis.

Certains interlocuteurs du rapporteur ont estimé qu'une telle situation d'autonomie présentait l'inconvénient majeur d'entraver une bonne coordination d'ensemble. D'où, en ce qui concerne la recherche fondamentale, le souhait de l'Etat fédéral de favoriser une plus grande centralisation. En ce qui concerne la société « Fraunhofer », l'absence de coordination a amené les instituts à créer des fédérations thématiques d'instituts.

II. La position contrastée de l'Allemagne face à la politique européenne de la recherche

1. Une position critique répandue

Les critiques formulées sont de deux ordres :

a) Les difficultés de la création d'un espace européen de recherche

Sur ce point, le représentant de KOWI (organe représentant les instituts de recherche allemands, auprès de l'Union européenne) a, d'emblée, déclaré que « Le marché intérieur de la recherche n'existe pas ». La notion de recherche européenne existe non pas dans la réalité, mais dans l'esprit des chercheurs. En effet, les administrations qui élaborent et mettent en œuvre la politique de recherche demeurent imprégnées par une vision nationale. Certes, la jeune génération de chercheurs est habituée à l'idée européenne, car elle connaît bien les conditions de travail offertes par les différents systèmes nationaux. Pour être visible, la recherche européenne doit entamer une profonde mutation, que le commissaire Busquin a enclenchée au Conseil européen de Lisbonne. Beaucoup d'organismes de recherches hésitent encore et ne savent pas s'orienter, la situation des pays candidats - où le processus est trop récent - étant encore plus grave.

Deux exemples sont particulièrement significatifs de ces difficultés :

- Le premier concerne la mobilité réduite des jeunes chercheurs : du fait de la crainte des jeunes chercheurs français de subir un préjudice dans leur carrière, seulement 10 % d'entre eux acceptent de rester dans un laboratoire allemand au titre d'un séjour « post-doc ».

- Le second exemple est celui de la recherche militaire. En ce domaine, la démarche de la France reflète sa conception de « l'Europe puissance », mais les difficultés à élaborer une recherche militaire européenne proviennent de ce que chacun des Etats membres se dote de sa propre politique d'armement.

b) Des doutes quant à l'efficacité du PCRD

Ces doutes touchent à la philosophie et aux instruments mêmes du PCRD, d'où deux séries de reproches :

- Le PCRD n'est pas suffisamment axé sur la recherche fondamentale, bien que les universités aient participé au 5ème PCRD à concurrence de 60 % contre 40 % pour l'industrie. Certains interlocuteurs du rapporteur lui ont fait remarquer que les meilleurs chercheurs français ou allemands n'avaient pas été retenus pour les réseaux d'excellence, car leur recherche était trop axée sur la recherche fondamentale. Or, ceci est d'autant plus regrettable que la recherche fondamentale a été négligée en Europe.

- Le PCRD est un processus bureaucratique. Cette deuxième critique se rapporte à plusieurs aspects :

- à la différence de la démarche de la DFG qui estime que la recherche doit se fonder sur un processus ascendant (« bottom-up ») , - c'est-à-dire que le développement de la recherche relève de la responsabilité des chercheurs - le PCRD est plutôt regardé comme une démarche « top down », à savoir que l'Union européenne pense pouvoir promouvoir la recherche, à l'aide de décisions émanant d'organes administratifs et politiques ;

- les interlocuteurs du rapporteur ont déploré l'opacité qui entoure les critères de sélection des projets, car ils ne répondent pas aux mêmes exigences d'excellence scientifique requis en Allemagne. Le représentant de KOWI a ainsi mis en cause la pertinence de critères autres que scientifiques tels que l'égalité des sexes ou l'aptitude au management.

- La distinction entre les projets intégrés et les réseaux d'excellence établie par le 6ème PCRD est d'une utilité contestable : les chercheurs ne savent pas pour quel programme ils doivent poser leur candidature, car les fonctionnaires de la Communauté ne sont pas eux-mêmes capables d'expliquer la différence entre ces deux notions.

- Enfin, selon les propos d'un chercheur rapportés par le Handelsblatt du 20 juin 2003 « un euro venant de l'Union européenne nous coûte environ 50 centimes d'euro, contre 10 centimes d'euro en ce qui concerne les subventions de la DFG ».

2. La position de l'Allemagne n'est toutefois pas négative

Le responsable de la planification au ministère de l'Education et de la Recherche, a considéré qu'il était nécessaire d'utiliser le cadre communautaire lorsqu'un seul Etat membre ne dispose, dans certains domaines - tels que la micro-électronique ou les biotechnologies - des moyens - techniques ou financiers - nécessaires. Par ailleurs, le renforcement de l'espace européen de recherche constitue une condition de la compétitivité de l'Union européenne à l'échelle mondiale. Il a, en outre, estimé qu'EURANET (European Research Area Network) offrait une illustration de la notion de réseau d'excellence, car il est un lieu d'échanges entre les responsables nationaux de la recherche et il permet un financement communautaire pour élaborer une programmation de la recherche qui a déjà débuté dans le domaine de la chimie (réunissant l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni).

Les responsables du BMBF ont, en outre, indiqué au rapporteur qu'il existait 20 projets EURANET auxquels l'Allemagne participe et 10 projets dont elle a la responsabilité.

Le responsable de la planification au ministère de l'éducation et de la recherche a néanmoins rappelé que l'Allemagne avait eu recours aux coopérations bi et multilatérales plutôt qu'au PCRD, parce que celui-ci s'était avéré insuffisant. Il en est ainsi de la coopération dans le domaine de la micro-électronique, à laquelle participent l'Allemagne, la France et les Pays-Bas. Au-delà de cet exemple, le BMBF a rappelé que les appels d'offres qu'il lançait étaient ouverts aux chercheurs et laboratoires des autres Etats.

De son côté, la société « Fraunhofer » a rappelé que le LETI (Laboratoire d'Electronique et de Technologie Informatique) situé à Grenoble était l'un de ses partenaires privilégiés.

Dans le domaine de la recherche militaire, l'Allemagne ne paraît pas non plus hostile à toute coopération, même si, comme on l'a souligné, très peu de crédits lui sont consacrés.

En définitive, les interlocuteurs du rapporteur ont semblé, dans leur majorité, juger la politique européenne de la recherche au travers du prisme du système allemand.

Le PCRD leur apparaît un instrument insatisfaisant, parce qu'il ne répond pas aux besoins des chercheurs. Au demeurant, on observera que - même s'il considère la comparaison délicate - le BMBF a rappelé que le montant des crédits prévus par le PCRD s'élevait à 3,5 milliards d'euros par an, et celui du BMBF (8,7 milliards d'euros) à un niveau presqu'équivalent en ce qui concerne les programmes (3 milliards pour le financement des projets).

Mais beaucoup sont ouverts aux initiatives visant à relancer une politique européenne de la recherche :

- l'idée d'un Conseil européen de la recherche qui serait un peu l'équivalent de la DFG ne leur apparaîtrait pas absurde, à condition, d'une part, que cet organe soit géré par les scientifiques et que, d'autre part, il introduise une valeur ajoutée dans le cadre de la recherche fondamentale universitaire ;

- l'Europe doit s'attacher à renforcer la recherche dans les secteurs où elle est en mesure de soutenir la concurrence avec les Etats-Unis ;

- en tout état de cause, il n'existe aucune incompatibilité entre le fait de promouvoir des coopérations entre Etats membres et le PCRD, une coexistence étant parfaitement concevable.

III. Le statut de la science dans la société

1) La lutte contre la fuite des cerveaux

L'Allemagne, comme d'autres pays, a dû faire face à l'attrait exercé auprès des jeunes chercheurs par les Etats-Unis.

En outre, le nombre des étudiants en sciences a tendu, au cours de ces dernières années, à baisser, non seulement parce que les entreprises ne les embauchaient plus, mais aussi parce que ces étudiants étaient attirés par la psychologie et d'autres sciences « molles ». C'est pourquoi diverses mesures ont été prises : création de prix pour soutenir les jeunes chercheurs, création d'un statut de « jeunes » professeurs, mise en œuvre au sein de la DFG de programmes destinés à faciliter la mobilité des jeunes chercheurs et à les faire revenir dans leur pays d'origine.

2) L'association du public à la science

Dans cette perspective, le BMBF a fait état de FUTUR, initiative qui a été lancée en 2001 par le Ministre. Il s'agit d'un espace de réflexion réunissant 1 500 experts
- spécialisés dans les sciences, l'économie, ou encore des artistes et des journalistes - chargé d'identifier les thèmes les plus urgents pour l'avenir.

Quatre thèmes ont été retenus :

- la prévention des maladies, dans le contexte de vieillissement de la population auquel est confrontée l'Allemagne ;

- la compréhension du cerveau dans une perspective d'applications pratiques - par exemple permettre aux paralysés de remarcher ;

- l'éducation : l'objectif est d'examiner les incidences de l'évolution des technologies de l'information sur le processus de l'apprentissage ;

-- la socionique : le but consiste à analyser les changements profonds sur la vie des vingt prochaines années dus aux technologies de communication.

Outre cette initiative de la Ministre, on a cité au rapporteur des manifestations telles que la Nuit de la Science, à l'occasion de laquelle 80 000 personnes ont visité des installations scientifiques à Berlin. Il convient également de rappeler l'existence du concours  junior : « die Jugend forscht » destiné à stimuler auprès des jeunes lycéens les facultés d'innovation et la créativité. Ce concours, organisé à l'échelle fédérale, mobilise chaque année plus de 7000 jeunes. Son succès a amené les autorités à proposer un autre concours : « die Jugend gründet » destiné à initier les jeunes à la création d'entreprises.

De façon générale, les journalistes scientifiques sont un des plus importants relais d'organisation des débats sur la recherche dans les médias.

L'Espagne

Le rapporteur s'est rendu à Madrid les 9 et 10 avril 2003.

I. La recherche scientifique en Espagne

La création d'un ministère de la science et de la technologie, en avril 2000, a montré l'importance que le gouvernement espagnol attachait au développement de la recherche. Ce ministère, qui a également la charge du secteur industriel, a la tâche de poursuivre l'effort financier débuté en 1997, afin d'amener dans un délai raisonnable l'Espagne au niveau moyen de l'effort de recherche des pays de l'Union européenne.

L'augmentation des dépenses publiques depuis six ans a été très importante : +23% en 1997, +47% en 1999, mais seulement +7,6% en 2002 et +5,5% en 2003 correspondant à un montant total de 4 milliards d'euros -soit 0,94% du PIB. Le budget 2003 du ministère de la science et de la technologie s'élève à 1 521 000 euros. Cet effort représente 4,1 % de la dépense des pays de l'Union en matière de recherche (chiffres 1999).

120 000 personnes travaillent pour la recherche et le développement, dont 60% dans le secteur public.

Les grands objectifs du ministère de la recherche sont le développement de la société de l'information, la concentration des compétences scientifiques et l'internationalisation afin d'améliorer qualitativement et quantitativement la science et la technologie en Espagne.

Il est important de noter les efforts faits par le Gouvernement pour changer la loi sur la science, afin de faciliter et d'encourager, par des mesures fiscales, l'investissement des entreprises dans le domaine de la recherche, du développement et de l'innovation, afin de permettre un meilleur transfert technologique par la création d'entreprises abritées dans des incubateurs ou des pépinières d'entreprises situées très souvent dans les parcs technologiques des universités ou des Communautés autonomes.

II. L'Espagne et les programmes européens

Le 5ème programme-cadre semble avoir convenu aux partenaires de la recherche en Espagne. Les interlocuteurs du rapporteur au ministère de la science et de la technologie ont fait état de certaines craintes vis-à-vis du 6ème programme-cadre.

Le ministère de la science et de la technologie estime que le 6ème programme-cadre est compliqué, avec une interprétation difficile et aléatoire des textes. De plus, la plupart des activités de recherche du système public espagnol ne correspond pas aux priorités du programme-cadre.

Le 6ème programme-cadre s'avère extrêmement difficile pour les petites entreprises et tous les efforts entrepris dans le 5ème programme-cadre pour faire participer les PME risquent d'être perdus.

Les universités espagnoles ont participé aux projets intégrés dans le 5ème PCRD mais dans le 6ème PCRD le système pourrait être trop compliqué pour envisager de telles participations. Concernant les réseaux d'excellence, les chercheurs espagnols estiment que la bureaucratie qu'ils impliquent est trop lourde et compliquée.

Les interlocuteurs du rapporteur au Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSIC), font aussi une analyse très critique du 6ème programme-cadre dont ils jugent les instruments trop compliqués et dont la gestion, impossible pour les organismes publics, devra être confiée à des entreprises spécialisées difficilement contrôlables. Le coordonnateur délégué risque d'orienter le déroulement des projets à sa guise, sans contrôle des organismes publics de recherche. Le principal objectif du 6ème programme-cadre apparaît d'obtenir une plus grande intégration de la recherche européenne plutôt que des résultats scientifiques.

Le ministère de la science et de la technologie place ses espoirs dans l'ouverture des programmes nationaux aux autres pays, ce qui sera effectif pour l'Espagne avec le plan national de recherche et de développement technologique 2004-2007. L'objectif, fixé en mars 2002, lors du Conseil européen de Barcelone, d'augmenter les investissements de recherche et de développement technologique dans l'U.E. de façon à ce qu'ils approchent 3% du P.I.B. en 2010 sera très difficile à atteindre selon les interlocuteurs du ministère. Ils estiment que l'Espagne atteindra 1,5 à 1,6% en 2007 et devrait se satisfaire d'un montant de dépenses de recherche à hauteur de 1,8 à 1,9% du P.I.B. à l'échéance de 2010.

Les espagnols rappellent que l'objectif de 3% est un objectif pour l'Union européenne dans son ensemble. Ce chiffre a été établi par l'O.C.D.E. en se basant sur les "grands" pays. Tous les Etats membres ne sont pas censés l'atteindre d'ici 2010. Les résultats des pays qui dépasseront les 3% permettront de compenser ceux des pays qui, comme l'Espagne, n'arriveront pas à ce résultat.

Les représentants de la fondation pour l'innovation technologique (Cotec) estiment que le programme Eureka, mieux adapté que le 6ème programme-cadre et qui fonctionne bien en Espagne, devrait bénéficier d'une nouvelle impulsion.

De l'ensemble des entretiens du rapporteur en Espagne, il est possible de souligner quatre points essentiels quant à l'opinion qu'ont du PCRD les interlocuteurs espagnols :

- un manque de recherche fondamentale dans les programmes européens ;

- une grande difficulté d'accès pour les petites unités de recherche ou les P.M.E. ;

- la nécessité d'ouverture des programmes nationaux ;

- l'importance de la coopération scientifique bilatérale.

La Grèce

Le rapporteur s'est rendu à Athènes le 18 avril 2003. Des entretiens du rapporteur au cours de son déplacement en Grèce s'est dégagé le sentiment d'une forte détermination des interlocuteurs grecs à ancrer leur pays dans l'espace de la recherche européen, doublée d'une certaine inquiétude quant aux nouvelles dispositions du 6ème
programme-cadre.

I. L'effort de recherche

En pourcentage du PIB, l'effort de recherche en Grèce est inférieur à la moyenne européenne : il se monte à 0,7 % en 2000. L'objectif annoncé pour 2010 est de 1,5 %. L'effort de recherche de la Grèce représente 0,7 % de l'effort de recherche de l'ensemble de l'Union (chiffres 1999).

La part de l'effort du secteur privé, structurellement faible en Grèce, par rapport à l'engagement public, est de 25 % (alors que la moyenne européenne est de 55 %). L'objectif annoncé pour 2010 est de porter ce pourcentage à 40 % (objectif UE : 65 %). Plus de 40 % de l'effort de recherche s'effectue dans les vingt universités et 33 % dans les centres de recherche.

La Grèce a pourtant engagé un intense effort de rattrapage au cours des années
1995-1999 : elle a enregistré sur cette période une des plus fortes croissances des dépenses en recherche-développement de l'Union (8,71 %).

Le faible niveau des dépenses reflète les particularités nationales des structures de financement de la recherche. Ainsi, la recherche-développement financée par les entreprises n'atteint que 0,19 % de la production industrielle, alors que la moyenne européenne se monte à 1,42 %, et cette part est en baisse, ce qui ferait de la Grèce le seul pays de l'UE à connaître une baisse du budget moyen de la recherche-développement dans les entreprises.

La recherche-développement représente par ailleurs 0,76 % du budget de l'Etat (moyenne de l'Union : 1,99 %).

La Grèce reste encore globalement plutôt un consommateur qu'un producteur de produits de haute technologie. Ce constat doit néanmoins être nuancé par l'examen des indicateurs d'efficacité et de productivité des systèmes universitaires de recherche grecs : la Grèce se situe en tête des grands pays industriels européens, du Japon et des USA par le nombre de publications par habitant. Elle connaît un taux de croissance des brevets déposés entre 1995 et 2000 de 21,7 %, très supérieur à la moyenne européenne (11,7 %).

Le niveau relativement faible des efforts financiers, la fragmentation des activités et des entreprises, la dispersion des ressources, les insuffisances des incitations à la recherche ou l'exploitation des résultats, le déficit de la balance commerciale en produits de haute technologie, reflètent sur le plan national des handicaps dont souffre plus généralement la recherche européenne. Le gouvernement grec a conscience de ces faiblesses et cherche à valoriser davantage les atouts réels dont bénéficie le pays.

II. L'intégration de la politique européenne de la recherche

A. L'accès au 5ème programme-cadre : de très bons résultats (2000-2003)

Le tableau ci-dessous retrace la participation grecque dans les projets du 5ème programme-cadre. La Grèce est le pays qui, proportionnellement, a le plus participé à ce programme et dont la participation à des programmes de compétitivité dans l'Union a le plus augmenté. Avec 5 % des chercheurs en Europe, la Grèce a reçu dans le cadre du 5ème programme-cadre un pourcentage de participation budgétaire variant de 1 à 8 %. Globalement, les projets soumis par la Grèce ont bénéficié de 4,5 % du budget total, (notamment dans les domaines des technologies de l'information et les télécommunications).

10 à 11 % du financement de la recherche en Grèce proviennent du programme cadre communautaire.

L'intégration européenne est essentielle pour les petites et moyennes entreprises grecques, qui représentent 98 % du tissu industriel.

PARTICIPATION GRECQUE DANS LES PROJETS DU 5ème PCRD

PROGRAMMES SPECIFIQUES

NOMBRE TOTAL DE PROJETS DU 5ème PCRD

PROJETS AVEC AU MOINS UN PARTICIPANT GREC

PROJETS COORDONNES PAR UNE ORGANISATION LOCALISEE EN GRECE

Programmes thématiques

     

Qualité de la vie et gestion des ressources du vivant

1 330

145

27

Société de l'information conviviale

1 845

442

142

Croissance compétitive et durable

1 266

217

28

Energie, environnement et développement durable

1 266

274

52

Programmes horizontaux

     

Confirmation du rôle international de la recherche communautaire

627

37

15

Promotion et encouragement de la participation des PME

51

2

2

Potentiel humain de recherche et des connaissances
socio-économiques

2 564

193

78

5ème Programme Cadre EURATOM

     

Energie, environnement et développement durable EURATOM

252

12

1

 

9 201

1 322

345

B. Les nouvelles modalités du 6ème programme-cadre de recherche communautaire suscitent des interrogations

Les nouveaux instruments ont été accueillis avec inquiétude pour ce qui est, en particulier, de la capacité du pays à proposer des équipes ayant la masse critique nécessaire pour intégrer les réseaux d'excellence.

La Grèce a répondu à l'invitation de déclaration d'intérêt pour l'usage des nouveaux instruments (projets intégrés et réseaux d'excellence) du 6ème PCRD pour 2 % des 11 855 déclarations.

III. La coopération bilatérale

Le budget total pour la coopération bilatérale de la Grèce en matière de recherche à l'intérieur de l'Union européenne ou hors de celle-ci se monte en 2001-2003 à 7 millions d'euros. La France et l'Allemagne sont les premiers partenaires de l'UE pour la Grèce en matière de recherche. Cette coopération s'exerce par l'intermédiaire du programme PLATON au niveau des organismes de recherche grecs et français (INRA, IFREMER, Institut Curie, INRIA). Des coopérations spécifiques sont par ailleurs actives entre le CNRS et la Fondation nationale grecque pour la recherche scientifique, entre l'Institut Pasteur Paris et l'Institut Pasteur hellénique, entre l'INRA et l'Université agronomique d'Athènes et la Fondation nationale grecque pour la recherche agronomique, et, très activement, entre les universités.Annexe-1

Un tiers du budget de coopération concerne les pays de l'OBSEC (« Organisation for the black sea economic cooperation »), notamment l'Albanie, l'Arménie, la Bulgarie, la Géorgie, la Roumanie, la Russie, la Turquie et l'Ukraine. La coopération internationale de la Grèce en matière de recherche se dirige avec un intérêt croissant vers les pays du pourtour de la Mer Noire et vers les Balkans.

L'Italie

Le rapporteur s'est rendu à Rome les 16 et 17 avril 2003.

I. La politique italienne de la recherche

Le budget de la recherche italienne est l'un des plus bas des pays industrialisés. Stagnant aux environs de 1,05 % du PIB, il n'a pas connu d'augmentation depuis 1997 (cet effort représente 8,8 % de l'effort de recherche de l'ensemble de l'Union, chiffres 1999). Sur les dix dernières années, il a même subi une sévère diminution, puisqu'il représentait encore 1,32 % du PIB en 1992. Les pouvoirs publics prennent en charge un peu plus de la moitié de ce financement.

Ce sous-financement recouvre des carences spécifiques. Peu d'entreprises italiennes de grande envergure opèrent dans le secteur des technologies de pointe, ce qui explique la faiblesse du financement privé dans le domaine de la recherche et du développement, ce type d'investissement étant plutôt le fait des unités de production les plus importantes. D'autre part, les entreprises industrielles italiennes innovantes coopèrent peu avec les universités ou avec les organismes publics de recherche. Le cloisonnement freine la bonne diffusion des résultats déjà obtenus. Quant à l'opinion, elle ne semble pas avoir pris conscience du rôle central de la recherche pour le développement du pays ; en témoigne notamment la forte désaffection de la carrière scientifique auprès des jeunes.

La recherche italienne compte cependant quelques points forts. Les organisations internationales reconnaissent généralement au pays un capital humain doté d'excellentes qualités de base, capable d'alimenter la formation de nouveaux chercheurs. Limitée à certains secteurs stratégiques, la recherche industrielle y connaît aussi un niveau élevé de concentration : mécanique instrumentale, robotique, optoélectronique... Enfin, les petites et moyennes entreprises, nombreuses et dynamiques, constituent un réseau industriel extrêmement flexible. Habiles à s'adapter aux changements du marché, elles paraissent enclines à augmenter graduellement leurs investissements en recherche et développement.

Sur ces bases, un programme national de la recherche 2003-2006 a été annoncé. Il vise à doubler le budget de la recherche, en le faisant passer à 2 % du PIB d'ici 2006. Le principe en est que la hausse des crédits publics entraînera l'augmentation du financement privé. Toutefois, les crédits publics supplémentaires n'ont pas encore été dégagés à ce jour L'objectif annoncé risque de ne pas être rempli en 2006.

II. L'Italie et la politique européenne de la recherche

Tous les interlocuteurs rencontrés se sont accordés sur la nécessité de développer en Europe les efforts de recherche au niveau européen. De l'avis unanime, cela passe par des échanges plus nombreux entre Etats membres, un rapprochement des systèmes nationaux et une coordination accrue de leurs efforts de recherche. Le principal obstacle à l'action communautaire vient de ce qu'il n'existerait pas, au sens économique, de marché européen de la recherche, du fait notamment qu'il n'y a pas de demande effective de recherche qui soit identifiable comme telle à l'échelle européenne.

Certains ont exprimé au demeurant le sentiment que la politique européenne de la recherche ne devait pas se superposer aux politiques nationales ; la recherche en Europe ne saurait se concevoir selon la formule « n+1 » (n Etats membres, plus une politique européenne), la politique européenne mettant au contraire du liant entre des politiques nationales auxquelles elle ne doit pas s'ajouter.

Le 5ème programme-cadre (2000-2003)

En Italie, le 5ème programme-cadre a convenablement bénéficié aux PME, le pays arrivant au troisième rang européen pour le nombre des réalisations. Beaucoup d'échanges entre chercheurs existaient déjà auparavant et la collaboration internationale constatée a souvent correspondu à des mouvements qui avaient eu lieu par le passé. Tous les accords de recherche bilatéraux aujourd'hui en vigueur sont reliés à des objectifs européens. Les entreprises italiennes ont été enfin encouragées à délocaliser leur effort de recherche dans la région du Mezzogiorno, ce qu'ont pu faire les plus grandes d'entre elles.

Toutefois, selon le ministère de la Recherche, le programme-cadre n'a pas été aussi efficace qu'il aurait été souhaitable ; il semble qu'un saut qualitatif ne soit possible qu'à la condition que de vrais programmes européens se développent. Plus particulièrement, l'exécution du programme encourt trois reproches principaux :

- les fonds n'étaient pas suffisants, surtout si on les rapporte aux objectifs du traité que sont l'accession à la taille critique et la création de valeur ajoutée ;

- l'effort de recherche était trop éclaté, un programme de grande envergure comme celui sur la fusion nucléaire restant l'exception, tandis que les objectifs se dispersent entre divers thèmes qui ne correspondent pas tous à un besoin supranational ;

- les procédures étaient trop longues à mettre en œuvre et produisent des résultats qui sont loin d'être toujours satisfaisants.

Le 6ème programme-cadre (2003-2006)

Les perspectives fixées à Barcelone devraient être conçues comme un objectif tangible alors qu'elles paraissent être parfois considérées comme un simple vœu politique.

Le 6ème programme-cadre sélectionne des secteurs prioritaires qui paraissent recueillir l'assentiment général, même si l'Italie attache traditionnellement une grande importance à l'agro-alimentaire et aux biens culturels, deux secteurs qui auraient peut-être mérité une place plus grande, le deuxième n'entrant pas dans le cadre du programme. L'effort financier prévu reste trop faible, puisqu'il ne représente qu'un cinquième du total des efforts nationaux en Europe.

Les nouveaux instruments prévus présentent quelques inconvénients. Les réseaux d'excellence établissent des liens entre des pôles de recherche universitaire qui ne sont pas financés en tant que tels. Il faut pourtant bien, si l'on veut tisser un réseau, qu'il y ait au préalable des centres d'excellence à relier entre eux. Au demeurant, les projets envisagés enregistrent le plus souvent des situations existantes, faisant œuvre de consolidation plutôt que d'avant-garde.

Quant aux projets intégrés, ils suscitent l'inquiétude des entrepreneurs qui font valoir que les PME italiennes n'ont pas la taille critique pour participer à des opérations de si grande ampleur. Le 6ème programme-cadre néglige trop les PME, qui forment pourtant l'armature du système économique italien. Les avis sont enfin partagés quant à la question de savoir s'il est opportun que tous les Etats membres participent nécessairement à un projet intégré, les uns mettant l'accent sur l'efficacité du petit nombre, les autres sur l'origine communautaire des fonds alloués.

La stratégie d'ensemble

Il ne semble pas que la stratégie prévue puisse permettre d'atteindre l'objectif des 3 % fixé à Barcelone, les financements envisagés apparaissant d'ores et déjà trop faibles. La solution ne passe cependant pas forcément par une hausse des crédits communautaires. La coopération entre les institutions nationales peut supprimer des cas de double emploi ; le réseau informatique ERANET a ainsi déjà permis d'identifier des domaines où des rapprochements pourraient s'opérer entre des acteurs publics de toute nature à travers l'Europe.

Une meilleure collaboration entre Etats membres pourrait au reste rendre plus efficace l'utilisation des fonds existants, enclenchant un cercle vertueux qui entraînerait les entreprises à investir elles-mêmes davantage dans le secteur.

A cet égard, la réglementation communautaire des aides d'Etat devrait être revue. La recherche des entreprises européennes bénéficie en effet aujourd'hui d'un taux de soutien public inférieur à celui qui est permis par l'OMC, soit 50 %, alors que de nombreuses entreprises américaines l'atteignent dans certains secteurs.

Le facteur humain

La fuite des cerveaux n'a pas une origine purement financière. Certes, les chercheurs sont attirés à l'étranger par des salaires plus élevés, mais ils y trouvent aussi de meilleures conditions de travail ainsi que des facilités matérielles (logement, prise en charge des démarches administratives). Ce sont donc ces trois aspects qu'il faut prendre en compte, la mobilité des chercheurs n'étant pas au reste mauvaise en soi, pour peu qu'elle n'opère pas en sens unique.

Les scientifiques qui travaillent dans la recherche appliquée ne bénéficient pas non plus d'une reconnaissance suffisante de la part de leurs pairs. Les brevets qu'ils ont déposés devraient être systématiquement pris en compte pour l'avancement professoral.

Les chercheurs interrogés sont apparus très attachés à leur liberté de travail, la présentant comme la meilleure garantie d'une exploration optimale du champ des connaissances à découvrir. Dans cette perspective, pour éviter la dispersion, seuls des projets mobilisateurs fondés sur la base du volontariat peuvent se révéler efficaces.

La question de l'évaluation

Le 5ème programme-cadre a livré quelques enseignements sur le problème de l'évaluation. La question de la confidentialité s'est posée au stade de l'expertise des projets transnationaux. La charge en avait parfois été confiée à des spécialistes indépendants recrutés au Japon ou aux Etats-Unis, ce qui n'apparaît pas tout à fait satisfaisant du point de vue de la protection des informations.

D'une manière générale, toute la difficulté de l'exercice vient de ce que le chercheur, qui est le mieux à même de décrire son activité, est aussi le seul parfois à pouvoir en évaluer correctement les développements et les perspectives. Il est au reste difficile de recruter des chercheurs qui acceptent de cesser leur activité, ou du moins de l'interrompre durablement, pour évaluer celle des autres. Aussi les évaluateurs de projet efficaces doivent-ils être identifiés, par exemple au vu des résultats produits par les projets qu'ils auront contribué à faire retenir.

L'article 169, trop peu employé

Les services du ministère de la recherche ont regretté que l'article 169 du traité ne soit pas mis en œuvre plus souvent. Selon eux, son activation se heurte à la lourdeur des procédures prévues, puisqu'elles mettent en jeu la règle de l'unanimité. Si le Parlement européen et le Conseil pouvaient au contraire définir des secteurs sur lesquels appliquer l'article 169, et nommer ensuite un comité de gestion ou renvoyer à un comité existant l'approbation de la procédure qui s'ouvrirait, il en sortirait des projets plus nombreux.

Le programme Eureka

Le programme Eureka, ainsi que l'action de l'Agence spatiale européenne, ont été très apprécié des entreprises italiennes qui y ont participé. Aussi paraît-il aux représentants du patronat qu'il serait utile d'investir plus conformément à ce schéma. De même, le développement de la défense européenne ouvrirait la voie à une recherche accrue dans ce domaine, ce qui déboucherait sur un développement de la recherche en général.

Il reste que, selon le ministère de la Recherche, Eureka pourrait faire bientôt double emploi avec les objectifs du programme-cadre, à cette seule réserve qu'Eureka est intergouvernemental alors que le programme-cadre est communautaire.

Le Portugal

Le rapporteur s'est rendu au Portugal le 8 avril 2003.

I. La recherche au Portugal

Le Portugal a utilisé d'importants crédits communautaires pour se doter de structures d'enseignement et de recherche de niveau international, former localement et à l'étranger, notamment en France, les cadres nécessaires à son développement. La politique de la recherche au Portugal cherche à présent un deuxième souffle. Malgré des foyers d'excellence, la recherche publique reste globalement peu développée. Sa participation aux programmes européens diminue. La faiblesse de la recherche industrielle traduit une faiblesse vis-à-vis de l'innovation. L'entrée du Portugal dans la Communauté Européenne, en 1986, a conduit à un accroissement notable de l'effort de recherche scientifique et de développement technologique, même si le pourcentage du PIB qui y est consacré reste encore modeste (0,78% en 2002) et représente une faible part de la dépense de recherche de l'Union (0,8 % en 1999).

Le Portugal est encore éloigné de la moyenne européenne sur le plan scientifique, quels que soient les indicateurs adoptés (nombre de chercheurs, publications scientifiques, grands équipements, etc.). La recherche dans l'industrie est faible et le Portugal est le dernier des pays de l'Union Européenne en matière de brevets. Le nombre de docteurs, de 9787 en 2001, a augmenté toutefois de 5,8% par an depuis 1988.

Pour pallier l'étroitesse de sa communauté scientifique, le Portugal poursuit une politique de formation d'une partie de ses futurs chercheurs et enseignants à l'étranger (U.S.A., Grande Bretagne, France, ..) et de participation à des coopérations bilatérales, aux programmes communautaires ou aux grands laboratoires européens (CERN par exemple). Le Portugal a adhéré à l'ESRF (Synchrotron) et à l'EMBO (organisation européenne pour la biologie moléculaire) et, plus récemment, à l'ESO (organisation européenne pour l'observation astronomique) et à l'Agence spatiale européenne. Le Portugal a adhéré dès sa création au programme Eureka, où il joue un rôle actif, notamment pour son ouverture sur l'Asie.

Des efforts importants ont été entrepris : début 2002, le Ministère de la Science et de la Technologie s'est vu accorder une augmentation de 19,1%, 3ème en importance des budgets ministériels, pour atteindre une dotation de 390,8 millions d'euros. Cette augmentation suit celle de 17% en 2001. L'augmentation de 2002 a été d'autant plus significative qu'elle était due à un accroissement de 65,1% du financement des projets de recherche, essentiellement consacrés aux investissements.

Ces efforts s'inscrivent dans une tendance déjà amorcée depuis le début des années 90 : les dépenses de recherche au Portugal ont augmenté de 75 % de 1995 à 1999, ce qui représente le deuxième taux de croissance après la Grèce (+95 %).

Les dépenses totales pour la recherche du Portugal, en incluant les salaires, représente un milliard d'euros en 2002 qui se répartissent entre le secteur de l'enseignement supérieur (38%), le secteur des entreprises (23%), le secteur des institutions de recherche de l'Etat (28%) et le secteur des ISBL (11%) parmi elles, la Fondation Gulbenkian prend une part très active aux projets de recherche en biologie).

L'évolution budgétaire pour 2003, si elle a entraîné une baisse de 3,3% du budget global du ministère de la science et de l'enseignement supérieur (1963,1 millions d'euros en 2002 ; 1899,1 en 2003), a cependant privilégié le financement de la recherche publique en augmentant la part nationale du budget de la fondation pour la science et la technologie d'un tiers (de 75 à 100 millions d'euros). Les quelque 300 millions dont dispose la fondation pour la science et la technologie restent encore ainsi très fortement dépendants des fonds structurels. La perspective d'une diminution des fonds structurels, abondamment utilisés dans les budgets nationaux de recherche, laisse présager une situation difficile à moyen terme.

II. Le Portugal et les programmes européens

Le Portugal, bien que jugeant les programmes-cadre très importants pour le développement de la recherche portugaise, estime primordial le renforcement vers des actions bilatérales et notamment avec l'Espagne et la France.

Le 6ème PCDR apparaît, aux yeux du Portugal, comme une exercice très difficile. La Commission est critiquée pour avoir créé un programme trop ambitieux, dont la dimension pose des problèmes insurmontables aux petites entreprises. Ces dernières éprouvent beaucoup de difficultés à entrer dans les réseaux d'excellence. Le 5ème PCRD leur semblait plus accessible.

Le Royaume-Uni

Le rapporteur s'est rendu à Londres et à Culham (installation du JET) les 16 et 17 juin 2003.

I. La recherche au Royaume-Uni

La recherche et le développement (R&D) représente environ 263 000 emplois au Royaume-Uni. Le secteur public britannique emploie près de 110 000 chercheurs et enseignants-chercheurs. 17,7 milliards de livres (26 milliards d'euros) étaient investis en 2001 dans la R&D au Royaume-Uni. Cela correspond à 1,83 % du Produit Intérieur Brut (PIB), contre 2,2 % en 1985. Cet effort correspond à 16 % de l'ensemble de l'effort de recherche de l'Union (chiffres 1999). Les entreprises britanniques sont les principaux investisseurs dans la recherche avec près de la moitié du total des dépenses, pourcentage relativement stable depuis 10 ans. Les principaux secteurs d'investissement sont : 23 % pour l'industrie pharmaceutique, 22 % dans les services, 12 % dans l'électronique, 11 % dans le domaine aérospatial, 11 % dans les transports, 6 % dans le domaine de l'ingénierie mécanique, 6 % en chimie.

Le gouvernement a longtemps diminué son investissement dans la recherche, aussi bien en terme réel (4,6 milliards de livres en 1999 contre 5,8 en 1985 - en livres constantes) qu'en proportion du total des dépenses puisque la part gouvernementale ne représentait plus que 28 % des dépenses de recherche/développement en 1999 contre 42 % en 1985. Cette situation est en train de changer avec un investissement public recommençant à augmenter (voir encadré
ci-dessous).

Le budget britannique de la science 2003-2004 à 2005-2006 :
une augmentation résolue des financements

Le budget de la science pour la période 2003-2004 à 2005-2006 répond aux quatre orientations stratégiques gouvernementales pour la science et la technologie :

la recherche : le gouvernement souhaite augmenter la pertinence et l'impact que les résultats de recherche peuvent avoir sur la société et l'économie. Il privilégie de façon très claire les travaux inter ou multidisciplinaires, voire les projets à « haut risque », issus d'une recherche préservant une forte compétitivité internationale. Le maintien des infrastructures passe par l'injection d'un flux d'argent (« capital ») destiné à l'entretien des installations mais aussi, si nécessaire, à la restructuration des universités, y compris des fusions entre établissement.

la formation : le rapport « Science and Technology for success » rédigé par Gareth Roberts et publié en avril 2002 a mis l'accent sur la pénurie des doctorants et des post-doctorants au Royaume-Uni ainsi que sur les carences de leur formation. Il est crucial d'augmenter le nombre d'étudiants dans certains domaines, d'améliorer leur formation, en particulier en leur permettant de développer des compétences dont ils auront besoin s'ils poursuivent leur carrière dans l'industrie ou au sein de « start-up ».

le transfert de technologie : l'exploitation des résultats de recherche par les scientifiques doit être améliorée. Des structures (Higher Education Innovation Fund) et des programmes (partenariat « Faraday », « CASE awards », programme « LINK ») sont d'ailleurs déjà en place.

la science au cœur de la société : les autorités britanniques accordent une grande importance aux relations que le grand public entretient avec la science : conscience des priorités de la recherche publique, transparence de la gestion et de l'utilisation de la science à travers le dialogue avec le public.

Le budget, fortement en hausse (croissance de 10 %), se caractérise par l'augmentation du financement des université, le soutien au transfert de technologie, la mise en application de certains recommandations du rapport Roberts ainsi que la mise en place de nouveaux programmes de recherche pluridisciplinaires impliquant plusieurs conseils de recherche.

Source : Ambassade de France en Grande-Bretagne

La recherche publique est conduite essentiellement dans les universités avec une partie des scientifiques ayant à la fois une activité de recherche et une activité d'enseignement. Elle est financée par un système complexe, le « Dual Support System » dans lequel :

· Les infrastructures ainsi que le personnel académique permanent sont financés par les « Higher Education Funding Councils » (HEFC, un pour chacune dans quatre régions : Angleterre, Pays de Galles, Ecosse, Irlande du Nord) en fonction de l'importance de la charge d'enseignement.

· Les dépenses de recherche sont payées sur les « grants », des subventions de plusieurs centaines de milliers de livres attribuées à une équipe et pour un projet pour des périodes de 2 à 5 ans. Ces « grants » ont une utilisation très libre, ils permettent de financer aussi bien du matériel et des consommables que des voyages/congrès ou des salaires pour des techniciens ou des
post-docs.

Les HEFC attribuent également une petite subvention à la recherche en fonction de l'évaluation des département scientifiques des universités lors du « Research Assessment Exercice » (RAE).

Le système de financement de la recherche publique est complexe. La fonction des Conseils de Recherche (« Research Councils ») est uniquement le financement de la recherche dans leurs domaines de compétence ; ils ne disposent en réalité qu'un quart du budget. Le reste du budget est entre les mains des différents ministères qui subventionnent des projets de recherche appliquée et dans les HEFC qui financent une partie de la recherche menée dans les universités. Une même équipe peut demander des subventions à plusieurs organismes différents.

Il faut noter que, dans le cadre de la décentralisation, les régions (Ecosse, Pays de Galles et Irlande du Nord) déterminent le budget de leur HEFC respectifs et disposent d'un petit budget propre alloué à la recherche et à l'innovation qui vient s'ajouter, pour les régions concernées, au financement assuré par le gouvernement au niveau national. Ceci permet par exemple à l'Ecosse de renforcer la recherche, en particulier dans le domaine des biotechnologies.

Cependant, le système de financement de la recherche publique souffre d'un manque de fonds chronique, qui peut s'illustrer, en particulier, par une croissance importante des universités qui n'a pas été suivi d'une augmentation de budget des HEFC.

En plus du financement public, il existe de très nombreuses associations caritatives qui soutiennent la recherche. Elles ont le statut particulier de « fondations ». Les plus importantes soutiennent la recherche biomédicale.

JET (Joint European Torus)
La fusion nucléaire, énergie de demain ?

Le rapporteur a visité les installations de JET à Culham, le 16 juin. Le projet JET a été mis en œuvre sous l'égide d'Euratom à partir de 1978. Depuis le 1er janvier 2000, l'exploitation de JET est gérée dans le cadre de l'EFDA (Accord européen pour le développement de la fusion). L'objectif de JET et de l'EFDA est de démontrer la faisabilité de la fusion thermonucléaire - qui est l'énergie des étoiles - comme une option énergétique possible. Il s'agit de chercher à reproduire, dans un réacteur, les réactions qui se produisent dans le soleil : les noyaux d'hydrogène fusionnent en produisant de l'hélium et de l'énergie. L'utilisation industrielle de la fusion thermonucléaire représente un défi essentiel pour le futur de l'humanité, compte tenu en particulier des contraintes environnementales fortes - en particulier l'effet de serre - liées à l'utilisation des énergies fossiles.

L'installation JET (dénommée « Tokamak ») permet d'obtenir la fusion nucléaire, par de très hautes températures et l'utilisation d'un confinement magnétique. La fusion thermonucléaire, qui représente l'avantage de constituer une source possible d'énergie de grande ampleur, ne présente pas, outre l'absence de pollution atmosphérique, les risques de la fusion nucléaire utilisée dans les centrales nucléaires : le réacteur ne contient qu'une faible quantité de combustible sans possibilité de fuite massive, de fusion au cœur du réacteur, ou de réaction en chaîne non contrôlée, car la réaction « s'éteint » quand les conditions changent. Par ailleurs, il n'y a pas de transport de combustibles radioactifs ni de déchets radioactifs de longue période.

Mais des défis restent à relever avant qu'une utilisation commerciale soit envisageable. D'une part, les réactions de fusion sont difficiles à amorcer et nécessitent des réacteurs techniquement complexes et coûteux. D'autre part, la recherche et le développement vont encore nécessiter plusieurs dizaines d'années (probablement quarante à cinquante ans).

JET est une installation de recherche au service de tous les laboratoires de recherche européens qui travaillent sur la fusion. JET est la plus grande installation de son genre dans le monde et détient le record mondial en termes de production expérimentale d'énergie par la fusion. Les résultats obtenus par l'installation permettent d'envisager techniquement le passage à la phase suivante, dans le cadre d'une stratégie visant à une future exploitation industrielle. Cette prochaine phase est le projet ITER qui devrait permettre de démontrer la faisabilité d'une production d'énergie beaucoup plus importante que celle, expérimentale, obtenue par JET. La phase suivante est le futur projet DEMO qui constituerait l'installation de démonstration.

II. Le Royaume-Uni et les programmes européens

Le Royaume-Uni participe activement aux programmes-cadre : 43 % des projets du 5ème programme-cadre contenaient au moins un partenaire britannique et la participation britannique dans l'ensemble du programme-cadre était de 15,2 %. En ce qui concerne le 6ème programme, l'analyse des appels à manifestation d'intérêt montre que la participation du Royaume-Uni se maintient à un niveau élevé, 15 % des projets présentés étant pilotés par une équipe britannique (le Royaume-Uni dispose d'une interface particulièrement efficace à Bruxelles, le « UK research office »).

Des nombreux contacts que le rapporteur a eus avec des interlocuteurs britanniques
- notamment de la Chambre des Communes, de l'office de la science et de la technologie (OST), de « Conseils de Recherche », de la « Royal society », du bureau des affaires européennes de l'« University College of London », du secteur privé - il ressort que, dans l'ensemble, le Royaume-Uni considère que les programmes-cadre constituent un instrument très utile, dont il tire de nombreux avantages, au service d'une coopération scientifique jugée nécessaire pour une recherche plus efficace. En revanche, la question de savoir jusqu'où l'intégration doit aller est sujet à discussion : la « coopération » n'est pas la « combination ». Les interlocuteurs du rapporteur semblent accueillir également favorablement le principe de l'Espace européen de la recherche.

S'agissant du 6ème PCRD lui-même, les partenaires rencontrés considèrent positivement le choix des thématiques prioritaires (tout en souhaitant une priorité forte pour les sciences de la vie), soutiennent le principe d'un programme-cadre plus ciblé que le 5ème, soulignent l'intérêt des instruments de mobilité (bourse Marie Curie). Les commentaires sur les nouveaux instruments - y compris les réseaux d'excellence - ont été plutôt positifs.

Néanmoins, un certain nombre de critiques apparaissent : pas suffisamment d'accent sur la recherche fondamentale et sur les grandes infrastructures, des moyens insuffisants (en particulier pour les technologies émergentes), des critères d'évaluation des projets parfois difficiles à cerner. La nécessité d'un effort supplémentaire de simplification est aussi affirmé fortement (en particulier de la part des partenaires privés ; ceux-ci ont insisté également sur la nécessité d'un mécanisme « bottom-up » et sur les problèmes que posent aux entreprises les programmes européens du point de vue de la propriété intellectuelle). Cependant, des interlocuteurs ont souligné que le travail de la Commission n'était pas si « mauvais que cela », que les équipes disponibles dans les services de la Commission étaient peu nombreuses et que beaucoup d'éléments de complexité était imposés à la Commission par le traité ou par les Etats membres.

L'idée d'un Conseil européen de la recherche est accueillie avec prudence. Les questions posées sont celles de son financement, des procédures. Par ailleurs, Eureka est considéré comme un système utile dont il faut renforcer les bases financières.

Plusieurs interlocuteurs ont évoqué la nécessité que l'Europe développe sa recherche sur les cellules souches (pour laquelle le Royaume-Uni est très engagé).

La Commission Science et Technologie de la Chambre des Communes, présidée par M. Ian Gibson, que le rapporteur a rencontré, vient de déposer un rapport, publié le 24 juillet dernier, intitulé « UK science and Europe : value for money ? ». Ce rapport porte en particulier sur la façon dont le Royaume-Uni tire avantage, ou non, des possibilités de financement de la recherche par les programmes-cadre et sur l'efficacité des mécanismes de financement européens existants (voir encadré ci-dessous).

Les députés britanniques donnent leur avis sur le financement européen
de la recherche

Le comité Science et Technologie a mené une enquête sur la façon dont le Royaume-Uni tirait avantage, ou non, des possibilités de financement de la recherche en science et technologie offertes par les programmes cadres européens et sur l'efficacité des mécanismes de financement européens existants. Le rapport, publié le 24 juillet 2003, s'intitule « UK science and Europe : value for money ? ».

Le comité s'est penché sur divers points du mécanisme d'attribution des financements européens :

la sélection des priorités thématiques. Deux domaines particuliers ont retenu l'attention des députés : d'une part la recherche sur les cellules souches et les embryons humains et d'autre part l'abandon du soutien à l'« Ocean Drilling Programme » (...). De façon plus générale, si les députés jugent que l'exercice des expressions d'intérêt dans le cadre du 6ème PCRD va dans le bon sens, ils recommandent que le gouvernement et les conseils de recherche britanniques fassent preuve de plus de clarté et de transparence en ce qui concerne les processus de sélection des priorités thématiques. Ainsi, les conseils de recherche doivent continuer à consulter leur communauté scientifique et fournir les résultats à l'Office de la science et de la technologie pour la préparation du 7ème PCRD. Toutefois, le comité de félicite du fait que, bien souvent, les priorités européennes recoupent les priorités britanniques, ce qui n'est certainement par l'effet du hasard.

l'élargissement de l'Union européenne. Les députés jugent que les effets de l'élargissement ne devraient pas être dramatiques car beaucoup des pays candidats participent déjà aux PCRD. De plus, la recherche européenne bénéficiera de la collaboration de scientifiques talentueux issus de ces pays. Toutefois, les députés mettent en garde contre un excès de motivation politique dans les financements au détriment du système méritocratique.

le processus de candidature. Jugeant que les candidats à un financement européen ont parfois besoin d'une personne spécialiste à temps complet travaillant sur la proposition pour qu'elle ait des chances de succès, les députés souhaitent que le gouvernement et les conseils de recherche continuent d'exercer des pressions sur la Commission européenne pour réduire la bureaucratie et améliorer le processus de candidature.

Enfin, les députés ont abordé des questions d'avenir plus générales :

le devenir d'Euratom : les députés estiment que la décision de la Commission d'investir la plus grande partie du financement d'Euratom dans le domaine à long-terme de la fusion thermonucléaire pourrait creuser un fossé dans le développement des techniques de fission, nécessaires jusqu'à ce que la fusion soit opérationnelle. Quel retour pour son domaine nucléaire national le Royaume-Uni retirera-t-il d'Euratom une fois que le « Joint European Torus » (JET) aura quitté Culham ?

le Centre Commun de Recherche (CCR) : cette structure exerce à l'heure actuelle deux activités : une activité de conseil auprès de la Commission et une activité de recherche. Si le comité de la Chambre des Communes ne discute pas le fait que la Commission ait besoin de conseils scientifiques, il estime que les raisons pour lesquelles cette structure devrait faire de la recherche ne sont pas claires.

le Conseil Européen de la Recherche : selon les députés britanniques, l'idée d'un Conseil Européen de la Recherche (CER) est née du manque de financement de la recherche fondamentale dans le cadre des PCRD. Si les députés considèrent que le CER pourrait être une des solutions pour augmenter le financement de la recherche fondamentale, ils estiment également que le 7ème PCRD pourrait constituer l'outil ad hoc avec un objectif de 50 % de financement pour la recherche fondamentale et 50 % pour la recherche appliquée.

La Suède

Le rapporteur s'est rendu en Suède les 10 et 11 juin 2003.

I. La recherche en Suède

Le système de recherche suédois est fondé sur les universités ainsi que sur quelques instituts scientifiques, mais l'essentiel de l'effort se concentre dans la recherche industrielle (à titre d'exemple, Ericsson a investi 46 milliards de couronnes en 2001et prévoit un investissement dans ce domaine de l'ordre de 20 milliards en 2003).

L'effort de recherche de la Suède correspond à 3,8 % du PIB. Il a augmenté de 49 % entre 1994 et 1999, ce qui est sensiblement supérieur à la moyenne européenne qui est de 25 %. L'effort de recherche de la Suède correspond à 4,8 % de l'effort européen (chiffres 1999).

Certains interlocuteurs ont évoqué le risque que la part du PNB consacrée à la recherche et au développement par la Suède diminue, tout en restant supérieur au niveau fixé par la conférence de Lisbonne : les multinationales suédoises pourraient délocaliser leurs centres de recherche à l'étranger et la dérégulation de certains secteurs, tels que l'énergie, a conduit à une baisse de l'investissement en matière de recherche.

La recherche fondamentale reste, quant à elle, sous la responsabilité de l'Etat, via les universités et les instituts technologiques ; si on prend en compte ces organismes seulement, l'effort budgétaire de recherche fourni par la Suède est de même niveau que celui de la plupart des pays européens. La gestion administrative des efforts de recherche n'est pas facilitée par la grande autonomie des centres universitaires (sauf naturellement en matière de recherche de défense qui est centralisée : la recherche militaire représente environ 25% du budget global consacré à la recherche).

II. La Suède et les programmes européens

En raison de son adhésion récente, la Suède n'a participé pleinement aux programmes européens qu'à partir du 5ème programme cadre.

L'ensemble des interlocuteurs semblent d'accord pour reconnaître deux types de difficultés pour l'exécution du programme cadre : d'une part, les structures suédoises semblent peu adaptées. La plupart des laboratoires de recherche sont dans les universités qui bénéficient d'une totale autonomie pour décider de leur propre programme de recherche, qui sont souvent effectués en liaison avec différents partenaires privés intervenant à environ 60% du financement. Selon les dires des interlocuteurs du rapporteur, il manque en Suède une structure nationale qui serait en mesure de fédérer l'ensemble de l'effort de recherche. Ils considèrent que les programmes cadres ont été conçus pour des pays où la recherche est fortement centralisée, en particulier l'Allemagne et la France.

La seconde difficulté relève de la gestion des programmes: les interlocuteurs du rapporteur soulignent que tant les structures publiques que les entreprises - et surtout les PME - n'avaient pas les moyens matériels d'assurer la gestion administrative des programmes : l'Union européenne est considérée par certains comme un « monstre bureaucratique".

Le 6ème programme cadre suscite des interrogations spécifiques. La plupart des interlocuteurs se félicitent d'une part d'une plus grande part du programme gérée par les partenaires, ainsi que de la nouvelle possibilité d'introduire des demandes à tout moment du programme. Les nouveaux instruments (réseaux d'excellence, projets intégrés) paraissent difficilement adaptables au système suédois : les réseaux d'excellence sont insuffisamment financés pour qu'un réel intérêt se soit développé. Quant aux programmes intégrés, ils apparaissent comme trop contraignants et générateurs d'une trop grande bureaucratie. Une autre inquiétude quant aux nouveaux instruments porte sur les nouveaux membres : la Suède, comme les autres pays nordiques, apporte un concours important aux futurs membres et les interlocuteurs se demandent dans quelle mesure la recherche estonienne ou lettone pourra participer aux programmes cadres.

Malgré les critiques émises, l'ensemble des interlocuteurs reconnaît toutefois les apports très positifs des programmes-cadre. L'attente est forte vis-à-vis des prochains programmes.

L'ensemble des organisations visitées sont particulièrement enthousiastes à l'idée du Conseil européen de la recherche - idée à l'origine suédoise qui a été reprise par la présidence danoise.

1 () Voir aussi les travaux de modélisation récents de l'Institut de prospective technologique : « Impact of technological and structural change on employment ». Par ailleurs, les études montrent que l'indicateur le plus fortement corrélé à la fois avec les gains de productivité et de croissance est la proportion des entreprises d'un pays qui ont des dépenses de recherche continues.

2 () Intervention du Président George Bush devant l'« Economic club » de Chicago, 7 janvier 2003.

3 () Source : National Science Fondation.

4 () Office of Science and Technology Policy, Bureau exécutif du Président, Washington, DC.

5 () Voir aussi I/B/2)/c) et II/A/4)/g).

6 () Participation : chaque fois qu'une institution participe à un projet.

7 () Les chiffres provisoires pour la participation de la France dans les financements obtenus du 6ème PCRD montrent une certaine stabilité (15,34 %), derrière l'Allemagne (20,81 %) et devant le Royaume-Uni (11,54 %).

8 () Par rapport aux pistes proposées par la Commission et la Présidence, la BEI s'assigne un objectif de 50 milliards d'euros de prêts en ce qui concerne la recherche. Elle étudie aussi la possibilité d'utiliser une partie de ses excédents pour renforcer et développer des mécanismes permettant de limiter les risques encourus par les investissements du secteur privé dans des projets européens.

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