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N° 1730

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 juillet 2004

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l'exécution des sanctions pénales dans l'Union européenne
(COM [2004] 334 final/E 2587)
,

ET PRÉSENTÉ

par M. christian philip,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. BILAN ET PERSPECTIVES DE L'ESPACE PENAL EUROPEEN 9

A. L'émergence progressive d'un espace pénal européen 9

1) Un cadre institutionnel spécifique : le « troisième pilier » de l'Union 9

2) Les orientations fixées par le Conseil européen de Tampere 11

B. Un premier bilan contrasté 13

1) Une activité législative intense 13

a) La mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle 13

b) Le rapprochement des législations 14

c) La création d'acteurs intégrés de coopération 14

d) Le développement de la dimension externe de l'espace pénal européen 15

2) De graves carences institutionnelles 16

a) Les conséquences de l'unanimité 16

b) L'absence d'instruments juridiques efficaces 16

c) L'absence de recours en manquement à l'initiative de la Commission européenne 16

d) Une faible légitimité démocratique 17

e) Le droit d'initiative partagé 17

f) Les conflits de base juridique 17

C. Les perspectives ouvertes par la Constitution européenne. 18

1) Un cadre institutionnel unique 18

a) Une communautarisation quasi complète 18

b) Un passage à la majorité qualifiée tempéré par un droit d'appel au Conseil européen 18

2) La constitutionnalisation du principe de reconnaissance mutuelle 19

3) La clarification des compétences pénales de l'Union 20

a) Droit pénal matériel 20

b) Droit pénal procédural 21

4) Le renforcement d'Eurojust et la perspective d'un parquet européen 22

5) Le renforcement du rôle des parlements nationaux 22

II. LE LIVRE VERT DE LA COMMISSION SUR LES SANCTIONS PÉNALES 23

A. Le rapprochement des sanctions privatives de liberté et des peines alternatives 24

1) Légalité ou opportunité des poursuites ? 25

2) L'opportunité de prévoir des « lignes directrices pour le prononcé » des peines au niveau européen 26

3) La prise en compte de la récidive 27

a) Le projet de casier judiciaire européen 27

b) Vers une « récidive spéciale européenne » ? 28

c) La définition du type de décisions pénales définitives pouvant être pris en compte 29

d) Les délais et les circonstances pouvant annuler les effets d'une première décision 29

4) L'existence de peines d'emprisonnement à perpétuité 30

5) Le rapprochement des sanctions pécuniaires 30

6) La responsabilité des personnes morales 31

7) L'harmonisation des sanctions alternatives 32

a) Le travail d'intérêt général 33

b) La médiation pénale 33

8) L'harmonisation de la libération conditionnelle 34

B. Reconnaissance et exécution des sanctions privatives de liberté et de sanctions alternatives dans un autre Etat membre 34

1) Le champ d'application d'une éventuelle réglementation 36

a) Champ d'application personnel 36

b) Champ d'application matériel 37

2) Droit d'initiative pour lancer la procédure de reconnaissance 37

3) Motifs de refus 37

4) Le pouvoir de l'Etat d'exécution d'adapter la sanction prononcée par l'Etat de jugement 39

5) Le consentement du condamné 40

6) Les droits des victimes 40

7) Délais et remboursement des dépenses encourues 41

8) Répartition des compétences entre l'Etat du jugement et l'Etat d'exécution 41

III. QUELLES LIMITES POSER À L'ACTION DE L'UNION EUROPÉENNE DANS LE DOMAINE PÉNAL ? 43

A. Conforter le principe de reconnaissance mutuelle 43

1) La remise en cause du principe de reconnaissance mutuelle 44

2) Renforcer la confiance mutuelle 44

B. L'harmonisation des législations pénales est-elle nécessaire ? 45

1) Les domaines de criminalité visés 46

a) Selon le traité sur l'Union européenne 46

b) Selon la Constitution européenne 47

c) L'absence de base juridique pour procéder à un rapprochement transversal 49

2) Les fonctions du rapprochement 49

a) Conception de la Commission 50

b) Conception conforme au principe de subsidiarité 51

c) Le choix opéré par la Constitution européenne 52

CONCLUSION 53

TRAVAUX DE LA DELEGATION 55

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION 57

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées 59

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les attentes des citoyens européens à l'égard de l'Europe judiciaire sont particulièrement fortes. Selon un sondage Eurobaromètre réalisé en avril 2002, plus de sept Européens sur dix sont favorables à une prise de décision au niveau européen en matière de lutte contre la criminalité organisée. En France, la création d'une justice commune arrive en tête, avec 40 % de citations, des avancées de l'Union les plus attendues(1).

Certaines affaires, comme celles de l'extradition de Sid Ahmed Rézala ou de Rachid Ramda vers la France, ou de Cesare Battisti vers l'Italie, ou l'absence de communication entre les casiers judiciaires français et belges au sujet du tueur en série présumé Michel Fourniret, ont frappé l'opinion publique et illustré les insuffisances de la coopération européenne.

La construction de l'espace pénal européen, évoquée dès 1977, est particulièrement lente. Une étape décisive a, certes, été franchie avec l'adoption de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen. Mais il a fallu les attentats du 11 septembre 2001 pour que ce projet aboutisse, et les événements tragiques du 11 mars 2004 pour que sa transposition dans le droit des Etats membres s'accélère.

La Constitution européenne comporte des avancées déterminantes. La constitutionnalisation du principe de reconnaissance mutuelle, « pierre angulaire » de l'espace judiciaire européen, et la création d'un parquet européen, par exemple, constitueraient des progrès majeurs.

La Commission européenne a déposé, le 30 avril 2004, un Livre vert important. Consacré au rapprochement, à la reconnaissance mutuelle et à l'exécution des sanctions pénales dans l'Union européenne, ce Livre vert soulève cependant de sérieuses interrogations au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Au-delà des questions posées, ce Livre vert invite les acteurs concernés (Etats, parlements nationaux et européen, associations, universitaires, etc.) à s'interroger sur les compétences de l'Union européenne dans ce domaine. Quel est le projet pénal de l'Union européenne ? Que faut-il harmoniser et jusqu'où ?

Si la reconnaissance mutuelle des décisions de justice apparaît indissociable de la notion même d'« espace pénal », en va-t-il de même du rapprochement des législations pénales ? Est-il possible de définir des critères pour que les spécificités des systèmes pénaux nationaux soient respectées, sans que cette diversité ne nuise à l'efficacité de la lutte contre la criminalité grave internationale ?

Ce Livre vert offre l'opportunité d'effectuer un bilan de la mise en œuvre, dans le domaine pénal, des orientations définies pour que s'établisse un espace de liberté, de sécurité et de justice, lors du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999. Ce bilan est d'autant plus nécessaire que l'Union doit adopter prochainement (sans doute lors du Conseil européen de novembre) de nouvelles orientations pour l'espace de liberté, sécurité et justice, appelées « Tampere II ».

Le présent rapport, après avoir rappelé le bilan et les perspectives de l'espace pénal européen, aborde les questions soulevées par le Livre vert de la Commission au sujet du rapprochement et de la reconnaissance mutuelle des sanctions pénales. Il montre enfin les limites à déterminer aux compétences de l'Union dans ce domaine, et pourquoi.

I. BILAN ET PERSPECTIVES DE L'ESPACE PENAL EUROPEEN

La notion d'espace judiciaire pénal européen, formulée pour la première fois par M. Valéry Giscard d'Estaing, alors président de la République, en 1977, lors du Conseil européen de Bruxelles, a été concrétisée par le traité d'Amsterdam.

Le traité d'Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, a en effet donné un nouvel essor au troisième pilier de l'Union européenne, en assignant à l'Union l'objectif de devenir un authentique espace pénal. Ce concept d'espace marque une véritable rupture avec la souveraineté pénale des Etats et la territorialité de la loi pénale. La coopération européenne en matière judiciaire et policière vise ainsi, avec les politiques européennes d'asile et d'immigration, à faire de l'Europe un « espace de liberté, de sécurité et de justice ».

A. L'émergence progressive d'un espace pénal européen

La construction de l'espace pénal européen s'inscrit, sur le plan institutionnel, dans le cadre du troisième pilier de l'Union. Ses objectifs ont été définis par le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999.

1) Un cadre institutionnel spécifique : le « troisième pilier » de l'Union

Le troisième pilier de l'Union européenne (justice et affaires intérieures), créé par le traité de Maastricht de 1992, est caractérisé par une logique intergouvernementale, et non par une logique d'intégration, telle qu'elle est à l'œuvre dans le pilier communautaire.

L'action de l'Union, fondée sur le titre VI du traité sur l'Union européenne, présente plusieurs spécificités par rapport au pilier communautaire :

- les instruments juridiques (décisions-cadre, décisions et conventions) sont différents. Les décisions-cadre et les décisions sont explicitement dépourvues d'effet direct, contrairement aux directives et aux règlements communautaires. Les conventions restent, quant à elles, soumises à la ratification des Etats membres (elles entrent en vigueur lorsque la moitié des Etats membres ont procédé à cette ratification) ;

- l'unanimité continue de régir l'ensemble du troisième pilier (à l'exception des mesures de mise en œuvre des décisions) ;

- le Parlement européen n'est que consulté et joue, en pratique, un rôle limité ;

- le droit d'initiative législative est partagé entre la Commission européenne et les Etats membres (alors que dans le pilier communautaire, la Commission détient le monopole de l'initiative) ;

- la Commission européenne ne peut pas déposer un recours en manquement, seuls les Etats membres étant habilités, dans le troisième pilier, à saisir la Cour d'un tel recours ;

- la compétence de la Cour de justice est limitée : elle ne peut être saisie par les particuliers et la possibilité de connaître d'un renvoi préjudiciel est subordonnée à une déclaration des Etats membres.

Les objectifs de l'Union en matière pénale

Article 31 du Traité sur l'Union européenne

(dans sa version issue du traité de Nice)

1. L'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise, entre autres, à :

a) faciliter et accélérer la coopération entre les ministères et les autorités judiciaires ou équivalentes compétents des Etats membres, y compris, lorsque cela s'avère approprié, par l'intermédiaire d'Eurojust, pour ce qui est de la procédure et de l'exécution des décisions ;

b) faciliter l'extradition entre Etats membres ;

c) assurer, dans la mesure nécessaire à l'amélioration de cette coopération, la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres ;

d) prévenir les conflits de compétences entre Etats membres ;

e) adopter progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue.

2) Les orientations fixées par le Conseil européen de Tampere

Le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 a défini les quatre grandes orientations devant présider à la construction de cet espace judiciaire européen, en application de l'article 31 TUE :

- le développement du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires (selon lequel les décisions de justice sont exécutées directement dans toute l'Union sans aucune procédure de réception) ;

- le rapprochement progressif des législations pénales des Etats membres, tant matérielles que procédurales ;

- la création d'agences de coopération européennes, dans le domaine policier (Europol) et judiciaire (Eurojust) ;

- l'intensification des relations de l'Union avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière pénale.

Les conclusions du Conseil européen de Tampere

des 15 et 16 octobre 1999 (extraits)

B. Un véritable espace européen de justice

33. Le renforcement de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et des jugements et le rapprochement nécessaire des législations faciliteraient la coopération entre autorités et la protection judiciaire des droits de la personne. Le Conseil européen approuve donc le principe de reconnaissance mutuelle, qui, selon lui, devrait devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l'Union. Le principe devrait s'appliquer tant aux jugements qu'aux autres décisions émanant des autorités judiciaires.

46. Afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité organisée, le Conseil européen a décidé la création d'une unité (Eurojust) composée de procureurs, de magistrats ou d'officiers de police ayant des compétences équivalentes détachés par chaque Etat membre conformément à son système juridique. Eurojust aura pour mission de contribuer à une bonne coordination entre les autorités nationales chargées des poursuites et d'apporter son concours dans les enquêtes relatives aux affaires de criminalité organisée, notamment sur la base de l'analyse effectuée par Europol ; cette unité devra aussi coopérer étroitement avec le Réseau judiciaire européen afin, notamment, de simplifier l'exécution des commissions rogatoires. Le Conseil européen demande au Conseil d'adopter l'instrument juridique nécessaire avant la fin de l'année 2001.

48. Sans préjudice des domaines plus larges envisagés dans le traité d'Amsterdam et le plan d'action de Vienne, le Conseil européen estime que, en ce qui concerne le droit pénal national, les efforts visant à trouver un accord sur des définitions, des incriminations et des sanctions communes doivent porter essentiellement, dans un premier temps, sur un nombre limité de secteurs revêtant une importance particulière, tels que la criminalité financière (blanchiment d'argent, corruption, contrefaçon de l'euro), le trafic de drogue, la traite des êtres humains, notamment l'exploitation des femmes, l'exploitation sexuelle des enfants, la criminalité utilisant les technologies avancées et la criminalité au détriment de l'environnement.

59. Le Conseil européen souligne que toutes les compétences et tous les instruments dont dispose l'Union, notamment en matière de relations extérieures, doivent être utilisées de manière intégrée et cohérente pour établir l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Les questions de justice et d'affaires intérieures doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre d'autres politiques et actions de l'Union.

B. Un premier bilan contrasté

Au terme du délai fixé par le Conseil européen, le premier bilan de la mise en œuvre du programme de Tampere apparaît contrasté. Le Conseil a en effet fait preuve d'une activité législative intense, mais l'effectivité des actes adoptés n'est pas bien assurée.

1) Une activité législative intense

Depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, des progrès incontestables ont été réalisés : des agences de coopération ont été créées (Europol et Eurojust), des réseaux établis (réseau judiciaire européen, collège européen de police), des banques de données constituées (Système d'information Schengen, système informatique d'Europol).

Le Conseil a développé une activité législative intense, qui a conduit à l'adoption de dix-neuf conventions, vingt-six actions communes, onze décisions-cadre (dont celles sur le mandat d'arrêt européen et la lutte contre le terrorisme), neuf décisions et sept positions communes. Comme l'a souligné M. Gilles de Kerchove, l'un des experts auditionnés par le groupe de travail de la Convention européenne consacré à l'espace de liberté, sécurité et justice : « en regard des quarante années qu'il a fallu pour construire le marché intérieur, les réalisations de l'Union en matière pénale supportent aisément la comparaison »(2). Ce bilan vaut pour chacune des quatre priorités identifiées par le Conseil européen de Tampere.

a) La mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle

Plusieurs textes importants ont été adoptés sur le fondement du principe de reconnaissance mutuelle, dont le Conseil européen a fait la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire pénale.

La décision-cadre du 13 juin 2002 sur le mandat d'arrêt européen, qui remplace les procédures d'extradition entre Etats membres (en supprimant l'exigence de la double incrimination pour 32 infractions graves), est le plus marquant.

Des décisions-cadre relatives à la reconnaissance mutuelle des décisions de gel des avoirs et des éléments de preuve, des sanctions pécuniaires ainsi que des décisions de confiscation ont également été adoptées. La création d'un mandat européen d'obtention des preuves en matière pénale est en discussion.

b) Le rapprochement des législations

En matière de rapprochement des législations, des décisions-cadre harmonisant les incriminations et les sanctions ont été adoptées sur la traite des êtres humains, l'aide à l'immigration clandestine, l'exploitation sexuelle des enfants et la pédo-pornographie, le terrorisme, les crimes financiers, la criminalité informatique, la corruption dans le secteur privé et le trafic de drogue.

Des instruments plus classiques de coopération judiciaire ont aussi été élaborés, tels que la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 29 mai 2000, qui facilite l'entraide judiciaire, permet l'emploi des nouvelles technologies de communication (visioconférence, etc.) et autorise le recours aux nouvelles techniques d'enquête (livraisons surveillées, écoutes téléphoniques, équipes communes d'enquêtes composées de magistrats et de policiers de deux Etats membres ou plus), et son protocole additionnel du 16 octobre 2001, facilitant le recueil d'informations en matière bancaire.

c) La création d'acteurs intégrés de coopération

Le Conseil a créé plusieurs acteurs intégrés de coopération. Dans le domaine judiciaire, le plus important est Eurojust. Composée de procureurs, magistrats ou officiers de police ayant des compétences équivalentes, détachés par chaque Etat membre, l'unité Eurojust a pour mission de renforcer la coopération judiciaire en matière pénale et de favoriser la coordination des enquêtes et des poursuites entre les autorités compétences des Etats membres. Elle a été instituée, à la suite des conclusions du Conseil européen de Tampere d'octobre 1999, sous une forme provisoire (dite « Pro-Eurojust »), par une décision du 14 décembre 2000. Le traité de Nice a consacré son existence, et la décision du 28 février 2002 en a fait un organe de l'Union, doté de la personnalité juridique.

Installé à La Haye - comme Europol - depuis le 1er décembre 2002, Eurojust est compétent pour les mêmes types de criminalité que l'Office européen de police, ainsi qu'en matière de criminalité informatique, de fraude, de corruption, d'infraction pénale aux détriment des intérêts financiers de l'Union, de blanchiment des produits du crime et de participation à une organisation criminelle. Présidé par un Britannique, M. Michael Kennedy, Eurojust peut notamment demander que les autorités compétentes d'un ou plusieurs Etats membres entreprennent une enquête ou des poursuites sur des faits précis, mettent en place une équipe commune d'enquête ou lui communiquent les informations nécessaires à l'accomplissement de ses missions. Les Etats ne sont pas tenus de donner suite à ces demandes, mais doivent motiver leur refus (sauf si cela portait atteinte à des intérêts nationaux essentiels, au bon déroulement d'enquêtes en cours ou à la sécurité d'une personne).

Un réseau judiciaire européen a également été créé en 1998, pour permettre aux praticiens de disposer de points de contact pour la coopération judiciaire pénale sur le territoire de l'Union.

d) Le développement de la dimension externe de l'espace pénal européen

La dimension externe de l'espace pénal a été développée, avec la signature le 25 juin 2003 de deux accords de coopération judiciaire, en matière d'extradition et d'entraide, entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Un accord d'entraide a également été conclu avec l'Islande et la Norvège, et des négociations sont en cours pour étendre à ces deux Etats certains mécanismes du mandat d'arrêt européen. En France, ces accords, fondés sur l'article 24 du traité sur l'Union européenne, pose de sérieuses difficultés en termes de contrôle parlementaire parce qu'ils n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la Constitution(3).

2) De graves carences institutionnelles

Ce bilan n'est pas négligeable, mais ne saurait cependant masquer les difficultés rencontrées et les carences dont souffre l'action de l'Union dans ce domaine.

a) Les conséquences de l'unanimité

L'unanimité ralentit considérablement la négociation et conduit à un appauvrissement des textes adoptés, à tel point que certains auteurs évoquent une harmonisation « à droit constant » (les Etats membres parviennent à adopter un texte qui ne les obligera à aucune modification de leur législation) ou « en trompe-l'œil » (le texte comporte de multiples dérogations ou options). Il en résulte un droit mou, presque virtuel, où l'affichage politique l'emporte souvent sur l'énoncé d'un contenu normatif.

b) L'absence d'instruments juridiques efficaces

La deuxième carence tient à l'absence d'instruments juridiques efficaces, qui tend à faire du droit produit par l'Union dans ce domaine un « droit virtuel ». L'absence d'effet direct des décisions-cadre et des décisions diminue considérablement leur efficacité, compte tenu de transpositions tardives ou incomplètes. Les conventions restent, quant à elles, souvent lettre morte faute de ratification par les Etats membres : sur vingt-deux conventions et protocoles, six seulement sont entrés en vigueur, avec un délai moyen de ratification d'environ quatre à cinq ans. Cet instrument a d'ailleurs été progressivement abandonné.

c) L'absence de recours en manquement à l'initiative de la Commission européenne

L'absence de possibilité, pour la Commission européenne, de déposer un recours en manquement, accentue ces défauts, en empêchant la Commission de veiller à la bonne application du droit européen. Les transpositions tardives ou incomplètes de décisions-cadre ne peuvent, dans ces conditions, être véritablement sanctionnées. La difficile transposition du mandat d'arrêt européen illustre cette faiblesse.

d) Une faible légitimité démocratique

Le rôle limité joué par le Parlement européen, qui n'est que consulté, et par les parlements nationaux, progressivement dessaisis, porte atteinte à la légitimité démocratique des actes adoptés, dans un domaine où l'institution parlementaire devrait jouer un rôle essentiel en application du principe de légalité des délits et des peines.

Les compétences réduites de la Cour de justice, qui ne peut être saisie par les particuliers et dont la possibilité de connaître d'un renvoi préjudiciel est subordonnée à une déclaration des Etats membres, sont également contestables, compte tenu du fait que les actes adoptés peuvent porter atteinte aux libertés individuelles.

e) Le droit d'initiative partagé

Le partage du droit d'initiative législative entre la Commission européenne et les Etats membres, combiné à la rotation des présidences, ne favorise pas la continuité des travaux du Conseil. Certains Etats membres tendent en effet à déposer des initiatives correspondant davantage à leur agenda national qu'à leur caractère transeuropéen.

f) Les conflits de base juridique

La division complexe de l'Union en piliers entraîne, enfin, des conflits concernant le choix de la base légale de certaines initiatives. La Commission européenne considère en effet que la Communauté est compétente pour imposer aux Etats membres d'incriminer et de sanctionner certains comportements, alors que ceux-ci estiment que de telles mesures ne peuvent être prises que dans le cadre du troisième pilier. Les propositions de directives relatives à la protection de l'environnement par le droit pénal, à la protection pénale des intérêts financiers ou aux sanctions en cas d'infractions de pollution maritime en constituent l'illustration.

C. Les perspectives ouvertes par la Constitution européenne.

La Convention européenne a présenté des propositions ambitieuses en matière pénale, qui ont été préparées dans le cadre d'un groupe de travail présidé par l'ancien Premier ministre irlandais, M. John Bruton. Ces avancées n'ont été que légèrement modifiées par la Conférence intergouvernementale. La Constitution européenne comporte donc de nombreuses avancées en matière pénale.

1) Un cadre institutionnel unique

a) Une communautarisation quasi complète

La Constitution met fin à la structure en piliers de l'Union européenne, grâce à la fusion de la Communauté européenne et de l'Union dans une personne juridique unique. Cette « communautarisation » du troisième pilier rend pour partie applicables les procédures communautaires classiques :

- les instruments spécifiques du troisième pilier (convention, décision-cadre et décision) sont supprimés, et remplacés par les nouvelles lois-cadre et lois européennes ;

- le régime général de compétence de la Cour de justice sera applicable, les dérogations actuelles étant supprimées (à l'exception du contrôle des opérations de police ou de maintien de l'ordre public, lorsqu'elles relèvent du droit interne) ;

- le droit d'initiative reste en revanche partagé entre la Commission et les Etats membres, mais l'initiative des Etats membres est encadrée, un seuil d'un quart des Etats membres étant requis.

b) Un passage à la majorité qualifiée tempéré par un droit d'appel au Conseil européen

La Convention proposait de « passer » à la majorité qualifiée et à la codécision en matière de coopération judiciaire pénale.

Ce changement a cependant été contesté par certains Etats membres, le Royaume-Uni en particulier, lors de la Conférence intergouvernementale. Celle-ci a finalement décidé, à titre de compromis, d'assortir ce passage à la majorité qualifiée d'un mécanisme de « frein » et d'« accélérateur » en matière de rapprochement des législations pénales.

La « clause de frein » consiste en la reconnaissance d'un droit d'appel au Conseil européen (qui statue par consensus), ouvert à tout Etat membre qui estimerait qu'une proposition porterait atteinte aux principes fondamentaux de son système juridique. Le Conseil européen peut alors, dans un délai de quatre mois, soit renvoyer le projet au Conseil (ce qui met fin à la suspension de la procédure), soit demander un nouveau projet (l'acte initialement proposé étant alors considéré comme rejeté). Cette disposition revient à donner à chaque Etat membre un droit de veto.

En contrepartie, une « clause d'accélérateur » a été prévue, qui assouplit le recours aux coopérations renforcées pour mettre en œuvre une proposition ainsi rejetée. Si le Conseil européen n'a pas agi dans le délai de quatre mois prévu ou si le nouveau projet déposé n'a pas été adopté dans un délai de douze mois, l'autorisation de procéder à une coopération renforcée est en effet réputée accordée dès lors que le seuil d'un tiers des Etats membres est atteint (une décision du Conseil des ministres, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, n'étant plus requise).

Il a également été précisé que les règles minimales adoptées en matière de procédure pénale doivent tenir compte des différences entre les traditions et les systèmes juridiques des Etats membres.

2) La constitutionnalisation du principe de reconnaissance mutuelle

Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, qui ne figurait pas dans les traités actuels, est constitutionnalisé, à l'article III-171(4). Il repose sur la confiance réciproque que s'accordent les Etats membres quant au fonctionnement respectif de leurs systèmes judiciaires, qui devrait être renforcée par la création d'une nouvelle base juridique visant la formation commune des magistrats et des personnels de justice (art.III-171, 1, c).

L'évaluation mutuelle de la qualité de la justice dans les Etats membres, prévue à l'article III-161, sera également de nature à conforter cette confiance entre autorités judiciaires(5).

3) La clarification des compétences pénales de l'Union

Les compétences de l'Union en matière de procédure pénale et de droit pénal matériel sont clarifiées, tant dans le domaine du droit pénal matériel que procédural.

a) Droit pénal matériel

En ce qui concerne le droit pénal matériel, l'article III-172 prévoit que des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions pourront être adoptées dans deux hypothèses :

- lorsque l'infraction est à la fois particulièrement grave et revêt une dimension transfrontalière résultant de son caractère ou de ses incidences ou « d'un besoin particulier de la combattre sur des bases communes » ;

- lorsque le rapprochement est indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation (ce qui permettra à l'Union d'intervenir, par exemple, en matière de contrefaçon de l'euro, de protection des intérêts financiers communautaires, de contrefaçon des produits, de crimes contre l'environnement ou de lutte contre le racisme et la xénophobie).

La liste des infractions relevant de la première hypothèse (criminalité grave et revêtant une dimension transfrontalière) figure dans la Constitution : le terrorisme, la traite d'êtres humains, l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d'armes, le blanchiment d'argent, le contrefaçon des moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée, sont ainsi visés.

Cette liste n'est cependant pas exhaustive, et le Conseil, statuant à l'unanimité, peut la compléter afin de l'adapter aux évolutions de la criminalité.

b) Droit pénal procédural

En ce qui concerne la procédure pénale applicable aux matières pénales ayant une dimension transfrontalière, l'Union pourra définir des règles minimales sur :

- l'admissibilité mutuelle des preuves ;

- les droits des personnes dans la procédure pénale ;

- les droits des victimes de la criminalité ;

- tout autre élément spécifique de la procédure pénale que le Conseil aura préalablement identifié à l'unanimité, après approbation du Parlement européen.

Le Royaume-Uni a obtenu, lors de la Conférence intergouvernementale, qu'il soit précisé que ces règles minimales tiendront compte des différences entre les traditions et les systèmes juridiques des Etats membres (c'est-à-dire surtout entre les systèmes dits de « common law » et les systèmes continentaux)

L'article III-173 donne également à l'Union une compétence d'appui en matière de prévention du crime. L'action de l'Union dans ce domaine pourra prendre la forme d'échanges de meilleures pratiques ou de programmes financiers portant sur des mesures incitatives ou des activités de recherche et de documentation, mais en aucun cas de mesures de rapprochement des législations, conformément au principe de subsidiarité.

4) Le renforcement d'Eurojust et la perspective d'un parquet européen

Les compétences d'Eurojust pourront être renforcées. La loi européenne pourra lui conférer le pouvoir de déclencher et de coordonner des poursuites (alors qu'Eurojust ne peut actuellement que demander aux autorités nationales de le faire).

Un parquet européen pourra être créé, à partir d'Eurojust, par une loi européenne adoptée à l'unanimité. Le texte de la Convention prévoyait qu'il serait compétent pour l'ensemble de la criminalité transfrontière. Plusieurs Etats - le Royaume-Uni en particulier - s'y sont opposés, et ont obtenu que sa compétence soit limitée à la protection des intérêts financiers de l'Union. Le Conseil pourra cependant étendre cette compétence à l'ensemble de la criminalité organisée internationale, par une autre décision elle aussi adoptée à l'unanimité, simultanément ou ultérieurement à la création du parquet.

Ce parquet pourra rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices d'infractions relevant de sa compétence, et exercera l'action publique relative à ces infractions devant les juridictions des Etats membres.

5) Le renforcement du rôle des parlements nationaux

Le rôle des parlements nationaux dans ce domaine est renforcé. Ils seront en effet associés aux mécanismes d'évaluation mutuelle mise en place, ainsi qu'au contrôle politique d'Europol et à l'évaluation d'Eurojust.

Le droit d'alerte précoce qui leur est reconnu lorsqu'une proposition leur paraît contraire au principe de subsidiarité est, en outre, facilité en ce qui concerne les politiques de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Le seuil d'un tiers des voix des parlements nationaux requis pour que la Commission soit tenue de réexaminer sa proposition est en effet abaissé à un quart.

II. LE LIVRE VERT DE LA COMMISSION SUR LES SANCTIONS PÉNALES

Le Livre vert de la Commission a pour objectif d'ouvrir un large débat sur l'utilité et la faisabilité d'une proposition législative relative au rapprochement des sanctions pénales et à la reconnaissance mutuelle des sanctions privatives de liberté et des peines alternatives. Il s'inspire, pour partie, des résultats d'une étude menée par l'Unité mixte de recherche de droit comparé de Paris sur l'harmonisation des sanctions pénales en Europe(6).

Le Livre vert part du constat qu'en matière de sanctions, le simple rapprochement des peines applicables n'est pas suffisant. Des montants de peines similaires ne signifient en effet ni que ces peines seront effectivement prononcées de la même manière dans les Etats membres, ni qu'une fois prononcées elles seront appliquées de façon identique. Il peut y avoir de fortes différences, par exemple, entre les peines prononcées et les peines effectivement subies : la réalité montre ainsi qu'une peine de vingt ans d'emprisonnement au Portugal (le maximum autorisé par la Constitution) se purge en vingt ans, alors qu'en Belgique une peine d'emprisonnement à vie peut être réduite, en cas de bonne conduite, à douze années de prison(7).

L'ensemble de la problématique doit donc être pris en compte, et se résume en quatre questions :

- quelles sanctions le droit pénal permet-il d'imposer ?

- comment les infractions sont-elles poursuivies ?

- comment les sanctions sont-elles prononcées ?

- comment les sanctions prononcées sont-elle exécutées ?

Une politique cohérente concernant les sanctions doit, selon la Commission, aborder ces quatre volets. Le Livre vert comporte, à cette fin, trois parties, consacrées respectivement à l'état des lieux des instruments adoptés par l'Union européenne sur les sanctions pénales, à la diversité des législations des Etats membres relatives aux sanctions et aux accords internationaux qu'ils ont conclus en la matière, puis aux besoins d'action de l'Union européenne dans ce domaine.

Trois études comparatives relatives aux législations des Etats membres en matière de sanctions figurent en annexe, mais ne portent que sur les législations des quinze « anciens » Etats membres (le Livre vert est daté du 30 avril, soit... la veille de l'élargissement), ce qui est regrettable.

Les trente-neuf questions du Livre vert ont trait, d'une part, au rapprochement des sanctions pénales et, d'autre part, à leur reconnaissance mutuelle. Elles ont fait l'objet d'un premier examen au cours d'une réunion d'experts organisée par la Commission les 10 et 11 juin 2004, qui donne une idée des premières réactions des Etats membres.

A. Le rapprochement des sanctions privatives de liberté et des peines alternatives

En matière de rapprochement des sanctions privatives de liberté, l'Union européenne s'est contentée jusqu'ici (lorsqu'elle va au-delà de l'exigence de « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives ») d'adopter des instruments fixant le minimum de la peine maximale (la fixation de peines minimales est interdite par la déclaration n° 8 annexée au traité d'Amsterdam), selon des fourchettes fixées par le Conseil JAI des 25 et 26 avril 2002.

Les niveaux de peines

prévus par le Conseil JAI des 25 et 26 avril 2004

- niveau 1 : peines dont le maximum est au moins entre 1 an et 3 ans de privation de liberté ;

- niveau 2 : peines dont le maximum est au moins entre 2 et 5 ans de privation de liberté ;

- niveau 3 : peines dont le maximum est au moins entre 5 et 10 ans de privation de liberté ;

- niveau 4 : peines dont le maximum est au-delà de 10 ans de privation de liberté.

Le Livre vert suggère d'aller plus loin et d'aborder la manière dont les infractions sont poursuivies (principes de légalité/opportunité), les sanctions prononcées (marge d'appréciation du juge pénal, prise en compte de la récidive) et exécutées (conditions et modalités des libérations conditionnelles). L'harmonisation des sanctions pécuniaires, de la responsabilité des personnes morales, des peines perpétuelles et des sanctions alternatives est également envisagée.

1) Légalité ou opportunité des poursuites ?

Les systèmes pénaux des Etats membres sont divisés en ce qui concerne les principes d'opportunité et de légalité pour l'engagement des poursuites(8). Le principe d'opportunité, selon lequel le ministère public est libre de poursuivre ou non, est appliqué en France, en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Royaume-Uni et au Danemark. En Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Finlande, en Suède, en Grèce, en Italie et au Portugal, c'est le principe de légalité, selon lequel le ministère public est tenu de poursuivre, qui s'applique.

L'opposition de principe entre les systèmes légalistes et opportunistes doit cependant, en pratique, être relativisée. Tous les systèmes comportent en effet des éléments issus des deux principes. Les pays légalistes connaissent ainsi des critères d'opportunité, tels le classement sous condition ou le classement des délits mineurs. Les systèmes opportunistes sont tempérés, par exemple, par le mécanisme de l'action civile et par l'exigence de motivation des classements sans suite, et admettent des instructions des procureurs généraux ou des orientations de politique criminelle émanant du ministre de la justice.

La Commission suggère qu'au moins pour les infractions harmonisées au niveau de l'Union, il ne devrait pas y avoir de divergence sensible entre les Etats membres en ce qui concerne l'engagement des poursuites. Un système de légalité des poursuites, assorti d'exceptions destinées à le tempérer (possibilité de transactions, application de l'adage « de minimis non curat praetor » pour les affaires d'importance mineure, etc.) devrait ainsi être mis en place. C'est d'ailleurs l'option (principe de légalité tempéré) qu'elle avait retenue dans le Livre vert sur le Procureur européen, pour assurer une poursuite uniforme dans tout l'espace judiciaire européen.

Le choix entre ces deux principes relève de l'appréciation de chaque Etat membre, conformément au principe de subsidiarité. Il ne devrait pas y avoir, à ce stade, d'harmonisation dans ce domaine.

2) L'opportunité de prévoir des « lignes directrices pour le prononcé » des peines au niveau européen

Le Livre vert ne propose pas d'instaurer des règles contraignantes concernant le prononcé des peines, ce qui serait contraire à l'indépendance du juge découlant du principe de séparation des pouvoirs. Mais il suggère d'établir au niveau européen des « lignes directrices pour le prononcé » des peines, recommandant l'adoption de peines comprises entre un minimum et un maximum, selon un modèle inspiré des systèmes de common law.

Ces lignes directrices, non contraignantes (il s'agirait de « soft law »), pourraient être adoptées à l'aide d'exercices de comparaison, sous forme d'études de cas, pour connaître les pratiques des juridictions des Etats membres en ce qui concerne le prononcé de la peine.

La Commission évoque aussi la possibilité de mettre en place un système d'information européen sur le prononcé de la peine, qui permettraient aux juridictions de connaître les sanctions appliquées dans les autres Etats membres dans des cas similaires. Un système de ce type existe, au niveau national, en Ecosse, par exemple (« High Court Sentencing Information System »).

La marge d'appréciation du juge pénal doit être intégralement préservée, conformément au principe d'individualisation des peines, qui est un principe à valeur constitutionnelle en droit français.

Il ne semble pas y avoir, en outre, de base juridique permettant à l'Union d'encadrer le prononcé des peines par le juge pénal. L'article 31 e) du traité sur l'Union européenne ne vise en effet que les « sanctions applicables », et la rédaction de l'article 31 c) ne vise pas expressément le prononcé des peines.

3) La prise en compte de la récidive

Le « programme destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales », adopté par le Conseil le 30 novembre 2000, fixe pour objectif de parvenir à la prise en compte par le juge d'un Etat membre d'une condamnation prononcée dans un autre Etat membre afin d'évaluer le passé pénal du délinquant et d'en tirer les conséquences quant à la condamnation de l'intéressé.

La prise en considération des condamnations antérieurement prononcées par les juridictions d'un autre Etat membre est en effet indissociable de la notion d'espace judiciaire européen. Dans un tel espace, l'autorité de la chose jugée dans un autre Etat membre doit être prise en compte aussi bien négativement (application du principe non bis in idem, conformément à l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux) que positivement, au titre de la récidive.

a) Le projet de casier judiciaire européen

Pour être prises en compte, les décisions étrangères doivent être portées à la connaissance de la juridiction qui doit prononcer la peine. Des travaux sont en cours pour favoriser l'information sur les peines prononcées dans les autres Etats membres, dans le cadre notamment de la mise en place d'un casier judiciaire européen. La Commission devrait présenter des propositions à ce sujet à la fin de l'année 2004. La proposition de décision-cadre relative au mandat européen d'obtention des preuves, en cours de discussion, prévoit également d'introduire un formulaire type de demande d'extrait de casier judiciaire, qui facilitera cette information.

Vers un casier judiciaire européen

Le projet de créer un casier judiciaire européen est évoqué depuis longtemps. L'affaire Fourniret en a récemment souligné la nécessité : ce Français de 62 ans, soupçonné d'une dizaine de meurtres sur des victimes belges et françaises, a en effet pu s'établir en Belgique et y occuper un emploi de surveillant de cantine scolaire, sans que les autorités belges n'aient connaissance de ses condamnations antérieures.

La Commission européenne a annoncé qu'elle présenterait, à la fin de l'année 2004, deux propositions législatives et un Libre blanc sur le sujet. La première proposition viserait à mettre en réseau les casiers judiciaires nationaux (sans créer un registre centralisé, qui dupliquerait inutilement ceux des Etats). La seconde obligerait les juridictions nationales à prendre en compte, lorsqu'elles poursuivent un suspect, les condamnations dont il a fait l'objet dans un autre Etat. Seules les 32 infractions pour lesquelles le mandat d'arrêt européen a supprimé l'exigence de la double incrimination seraient visées. Le Conseil européen, à la suite des attentats meurtriers de Madrid, a également souhaité la création d'un registre européen des condamnations et interdictions, dans la déclaration sur la lutte contre le terrorisme du 25 mars 2004.

La France a pris l'initiative, avec l'Allemagne et l'Espagne, de créer un groupe de travail sur ce sujet. Il est envisagé que les juges des trois pays - auxquels l'Italie pourrait se joindre prochainement - pourront interroger, sans demande préalable, les casiers judiciaires des deux autres pays dès le premier trimestre 2005. Chaque fois qu'un juge poursuivra une personne appartenant à l'une des deux autres nationalités, il pourra se procurer automatiquement le casier judiciaire de cette personne dans son pays.

b) Vers une « récidive spéciale européenne » ?

D'autres aspects de la prise en compte de la récidive pouvant nécessiter une harmonisation sont abordés par le Livre vert.

Le premier aspect a trait à la notion de « récidive spéciale ». Dans certains Etats membres, la récidive n'est constituée que si la deuxième infraction fait l'objet d'une qualification du même type que l'infraction qui a donné lieu à la première condamnation (deux infractions successives en matière de trafic de drogue, par exemple). La Commission s'interroge sur la nécessité d'harmoniser ce point, en créant une récidive spéciale européenne. Il faudrait pour le moins déterminer les infractions qui seraient prises en compte de manière systématique pour constituer le premier terme de la récidive.

c) La définition du type de décisions pénales définitives pouvant être pris en compte

Une approche commune pourrait également être nécessaire, selon la Commission, en ce qui concerne la nature de la décision, le type d'autorité qui l'a prononcée (qui peut être un juge, mais aussi un procureur dont la décision peut mettre fin aux poursuites, ou une autorité administrative), la nature de la peine ou de la décision prononcée (peine d'emprisonnement avec ou sans sursis, peine alternative, dispense de peine, mais aussi transaction pénale, médiation, etc.) et le quantum de la peine prononcée. La définition des décisions pénales définitives prises en compte par les législations nationales comme premier terme de la récidive varie en effet fortement.

d) Les délais et les circonstances pouvant annuler les effets d'une première décision

La durée pendant laquelle les décisions pénales définitives sont prises en compte pour constituer le premier terme de la récidive pénale varie également d'un Etat membre à l'autre, et pourrait être harmonisée. Il en va de même des circonstances qui peuvent annuler les effets d'une première décision au regard de la récidive.

La reconnaissance des condamnations antérieurement prononcées par les juridictions d'autres Etats membres, au titre de la récidive comme en application du principe « non bis in idem », est indissociable de la notion d'espace judiciaire européen.

La mise en place d'un casier judiciaire européen constitue, à cet égard, une nécessité urgente.

La prise en considération par le juge des condamnations prononcées dans un autre Etat membre, pour certaines infractions harmonisées, est souhaitable, sous réserve de respecter pleinement le pouvoir d'appréciation du juge et le principe d'individualisation des peines.
Toute autre mesure d'harmonisation dans ce domaine devrait être strictement limitée à la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle.

4) L'existence de peines d'emprisonnement à perpétuité

Le Livre vert aborde la question des peines d'emprisonnement à perpétuité. Les peines perpétuelles existent, par exemple, en Belgique, en Grèce, au Royaume-Uni, en France, en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas. Elles ne sont, en revanche, pas prévues par les systèmes pénaux espagnol et portugais(9).

La Commission s'interroge sur la suppression éventuelle ou l'aménagement de ces peines au niveau de l'Union. Elle estime en effet que leur suppression serait justifiée du point de vue de l'objectif de rééducation et de réinsertion du condamné. Elle suggère le remplacement de l'emprisonnement à vie par une peine d'emprisonnement à temps (par exemple par une période déterminée située entre 20 et 30 ans, avec un réexamen régulier de la situation du condamné).

Consciente, sans doute, de la sensibilité politique de ce sujet, la Commission a cependant évité de faire figurer ce sujet dans le questionnaire détaillé contenu dans le Livre vert.

L'existence de peines perpétuelles est une question qui relève de l'appréciation des Etats membres, en application du principe de subsidiarité, et l'Union ne dispose d'aucune compétence l'autorisant à supprimer ces peines.

5) Le rapprochement des sanctions pécuniaires

Aucun instrument de rapprochement des sanctions pécuniaires n'a, à ce jour, été adopté par l'Union européenne. La proposition de décision-cadre visant le renforcement du cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires prévoit cependant une échelle fixant le niveau minimal des peines d'amendes maximales susceptibles d'être infligées aux personnes responsables d'actes de pollution maritime.

La diversité des législations nationales des Etats membres est assez grande sur ce point(10). Certains Etats membres appliquent en effet la technique du jour-amende (le Danemark, l'Espagne, le Portugal ou l'Allemagne, par exemple), selon lequel l'amende est évaluée en fonction du nombre de jours d'emprisonnement envisagés et du revenu quotidien du condamné. D'autres (la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l'Italie) suivent le système classique du montant, qui peut être compris entre un minimum ou un maximum (système dit de la « fourchette ») ou être proportionnel au préjudice causé ou au bénéfice retiré par le coupable. Les deux systèmes coexistent dans certains pays (France, Grèce, Suède et Finlande).

Le Livre vert suggère un rapprochement des systèmes d'amendes pénales (principe et règles de calcul), en particulier en cas de non respect des dispositions communautaires dans le cadre d'une politique de l'Union et dans le domaine de la criminalité économique.

Un rapprochement des législations relatives aux sanctions pécuniaires dans le domaine de la criminalité économique internationale apparaît souhaitable, compte tenu de l'efficacité de ces sanctions à l'égard des personnes morales.

6) La responsabilité des personnes morales

Certains Etats membres excluent, à titre de règle générale, la responsabilité pénale des personnes morales : c'est le cas, par exemple, en Allemagne, en Italie (où une partie de la doctrine la fonde sur l'article 27 de la Constitution), et en Espagne. D'autres Etats l'admettent, selon des techniques diverses, comme la France, l'Irlande, le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays-Bas(11).

Le Livre vert souligne le risque que certaines entreprises localisent leurs activités dans les Etats membres où les risques de sanction sont les plus faibles. Cela justifierait, selon la Commission, une harmonisation des régimes nationaux de responsabilité pénale et administrative des personnes morales, afin d'éviter les risques de délocalisation dans le domaine de la criminalité économique et financière. Ce rapprochement se limiterait aux cas dans lesquels il est indispensable pour la mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation.

Elle suggère ainsi une généralisation de la panoplie des sanctions pour les personnes morales prévues dans plusieurs décisions-cadre (amendes pénales ou non pénales, mesures d'exclusion du bénéfice de tout avantage ou aide octroyé par les pouvoirs publics, mesures d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une activité commerciale, placement sous surveillance judiciaire, mesure judiciaire de dissolution et fermeture temporaire ou définitive d'établissements).

On peut cependant douter de la nécessité d'un instrument transversal, qui ne prendrait pas en compte la spécificité des domaines de criminalité concernés.

Un rapprochement des règles de responsabilité des personnes morales apparaît souhaitable, à condition de se limiter aux domaines de criminalité présentant un caractère transfrontalier.

Ce rapprochement devrait être opéré en fonction des domaines de criminalité concernés, plutôt que dans un instrument horizontal applicable à l'ensemble de la criminalité.

7) L'harmonisation des sanctions alternatives

La Commission s'interroge sur la nécessité de réduire les divergences entre les régimes nationaux de sanctions alternatives (dont elle retient une définition différente de celle existant en France, inspirée des « community sanctions » du droit anglo-saxon) aux peines privatives de liberté, particulièrement en vue d'éviter qu'elles ne s'appliquent qu'aux seuls résidents. La mise en place de mécanismes d'information et d'échange d'expériences, ainsi que l'établissement de bonnes pratiques sont aussi suggérés.

La prise en compte des intérêts des victimes (y compris celles qui ne résident pas dans l'Etat membre où l'infraction a été commise), lors de l'imposition de sanctions alternatives, est évoquée. Le Livre vert insiste tout particulièrement sur le travail d'intérêt général et la médiation pénale (qui ne relève pas, en droit français, des sanctions alternatives, mais des procédures alternatives).

a) Le travail d'intérêt général

Le travail d'intérêt général consiste en une prestation de service non rémunérée réalisée au profit d'une collectivité publique, d'un établissement public ou d'une association à but non lucratif. Il a été introduit dans la législation de la plupart des Etats membres, à partir de l'exemple anglais(12).

Un encadrement minimum du travail d'intérêt général est évoqué par la Commission, afin de faciliter sa reconnaissance et son exécution dans un autre Etat membre. Cet encadrement minimum viserait : les conditions d'accès à cette peine ; leur durée (éventuellement en fixant un minimum et/ou un maximum) ; la nature du travail à exécuter (qui pourrait varier en fonction du délit commis : un travail à l'hôpital pour un délinquant ayant causé des lésions corporelles, ou un travail dans une maison de repos pour un délinquant ayant attaqué des personnes âgées) ; les conditions de contrôle de ces peines alternatives ainsi que les sanctions en cas de non-respect des conditions imposées pour leur mise en œuvre.

La délinquance concernée par le travail d'intérêt général est essentiellement locale et ne relève par conséquent pas des compétences de l'Union, conformément au principe de subsidiarité.

b) La médiation pénale

Un rapprochement de certaines conditions et modalités d'application de la médiation pénale est également envisagé, afin de faciliter sa reconnaissance et son exécution dans les autres Etats membres.

Selon le Livre vert, cet encadrement minimum pourrait régler, par exemple, les catégories d'infractions concernées, la procédure de médiation pénale, le statut des médiateurs, y compris leur degré d'indépendance par rapport aux organes de la justice.

8) L'harmonisation de la libération conditionnelle

Les conditions d'éligibilité et de mise en œuvre de la libération anticipée ou conditionnelle diffèrent considérablement d'un Etat à l'autre. Le délai minimum d'incarcération pour en bénéficier, par exemple, est d'un tiers de la peine en Belgique, tandis qu'il est de trois quarts en Espagne.

Un encadrement des conditions minimales est envisagé par la Commission. Il viserait, en particulier, le délai minimum d'incarcération nécessaire, les critères pour octroyer ou refuser la libération anticipée, la procédure de remise en liberté, les conditions de contrôle et la durée de mise à l'épreuve, les sanctions en cas de non respect des conditions imposées lors de la libération anticipée, les garanties procédurales des condamnés et les intérêts des victimes (la libération anticipée ne pouvant accordée que si les victimes ont, par exemple, été dédommagées).

L'existence d'une base juridique permettant à l'Union d'harmoniser les conditions d'exécution des peines n'est pas établie. L'article 31 e) du traité sur l'Union européenne ne vise en effet que les « sanctions applicables », et la rédaction de l'article 31 c) ne vise pas expressément le prononcé des peines(13).

B. Reconnaissance et exécution des sanctions privatives de liberté et de sanctions alternatives dans un autre Etat membre

Il existe déjà, en matière de reconnaissance des sanctions pénales, plusieurs conventions internationales, adoptées dans le cadre du Conseil de l'Europe ou, à titre complémentaire, par les Etats membres de l'Union européenne dans le cadre de la coopération politique européenne (CPE).

Parmi les conventions adoptées dans le cadre du Conseil de l'Europe, figurent, en particulier :

- la convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs du 28 mai 1970, que seuls huit Etats membres ont ratifié (Autriche, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Suède, Estonie, Lettonie, Lituanie, Chypre) ;

- la convention sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983, que tous les Etats membres de l'Union européenne ont ratifié, complétée par le protocole additionnel du 18 décembre 1997 (que treize Etats membres ont ratifié)(14) ;

- la convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition du 30 novembre 1964, que seuls dix Etats membres ont ratifié (Autriche, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Slovaquie, Suède).

Ces conventions sont complétées par des conventions conclues entre les Etats membres de l'Union, tel l'accord relatif à l'application de la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées du 25 mai 1987 (qui assimile notamment les ressortissants d'un autre Etat membre résidant dans un Etat membre à ses propres nationaux).

Selon la Commission, ces instruments sont incomplets ou peu efficaces, en raison du faible nombre de ratifications. Le seul à faire l'objet d'une application effective est la convention sur le transfèrement des personnes condamnées de 1983, dont le fonctionnement apparaît, selon le Livre vert, susceptible d'importantes améliorations(15).

La Commission aborde, dans le Livre vert, uniquement la reconnaissance mutuelle des sanctions privatives de liberté et des peines alternatives. Elle présentera en effet une communication distincte sur les décisions de déchéances de droits, et la reconnaissance des sanctions pécuniaires et des décisions de confiscation fait l'objet de textes actuellement en cours de discussion au Conseil. Une réglementation éventuelle, ayant pour objet la reconnaissance mutuelle des sanctions privatives de liberté, y compris celles statuant sur un sursis ou une libération conditionnelle ainsi que les peines alternatives, est évoquée.

Il conviendrait de disposer d'une évaluation complète du fonctionnement de la convention de 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées avant d'envisager l'adoption d'une réglementation de l'Union dans ce domaine.

La possibilité de corriger d'éventuels dysfonctionnements de cette convention dans le cadre du Conseil de l'Europe, par le biais d'un protocole, devrait également être explorée.

1) Le champ d'application d'une éventuelle réglementation

a) Champ d'application personnel

La Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983 ne s'applique qu'aux ressortissants de l'Etat d'exécution, et non aux personnes y résidant habituellement. L'accord du 13 novembre 1991 relatif à l'application, entre les Etats membres des Communautés européennes, de cette convention, invite cependant les Etats membres à assimiler à leurs propres nationaux les ressortissants de tout Etat membre résidant habituellement et régulièrement sur leur territoire. La Commission suggère de retenir cette solution.

Dans l'hypothèse où une réglementation de l'Union s'avérerait nécessaire, celle-ci devrait assimiler les ressortissants d'un autre Etat membre résidant dans l'Etat membre d'exécution aux ressortissants de l'Etat d'exécution.

b) Champ d'application matériel

Le Livre vert propose que la reconnaissance mutuelle s'applique à l'ensemble des sanctions pénales, y compris les peines alternatives, les peines suspendues et les mesures et arrangements issus de procédures de médiation pénale et de procédures transactionnelles.

Dans l'hypothèse où une réglementation de l'Union s'avérerait nécessaire, son champ d'application devrait inclure, autant que possible, l'ensemble des sanctions.

2) Droit d'initiative pour lancer la procédure de reconnaissance

La convention de 1983 sur le transfèrement stipule que les deux Etats concernés (Etat de jugement et Etat d'exécution) peuvent lancer la procédure de reconnaissance (art.2). La Commission propose de retenir cette option, pour des raisons de flexibilité pratique et parce que l'Etat d'exécution peut également avoir un certain intérêt à exécuter sur son territoire le jugement concernant l'un de ses ressortissants ou résidents.

Le droit d'initiative pour lancer la procédure de reconnaissance devrait être reconnu à l'Etat de jugement comme à l'Etat d'exécution.

3) Motifs de refus

La Commission s'interroge sur les motifs de refus de reconnaissance par l'Etat d'exécution qui devraient figurer dans une réglementation éventuelle. Elle rappelle les motifs figurant dans la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen, qui prévoit des motifs obligatoires et facultatifs.

Les motifs de refus d'exécution prévus

pour le mandat d'arrêt européen

Trois motifs de refus obligatoires sont prévus :

- l'infraction à la base du mandat d'arrêt européen est couverte par l'amnistie ;

- la personne recherchée a fait l'objet d'un jugement définitif pour les mêmes faits par un autre Etat membre ;

- la personne faisant l'objet du mandat ne peut, en raison de son âge, être tenue pénalement responsable selon le droit de l'Etat membre d'exécution.

Les six autres motifs de refus sont facultatifs :

- l'absence de double incrimination, pour les infractions ne figurant pas dans la liste des 32 infractions pour lesquelles cette exigence a été supprimée ;

- lorsque le suspect est poursuivi dans l'Etat membre d'exécution pour le même fait ;

- il y a prescription de l'action pénale ou de la peine, selon la législation de l'Etat membre d'exécution ;

- la personne recherchée a été définitivement jugée pour les mêmes faits dans un pays tiers ;

- si le mandat d'arrêt européen a été délivré aux fins d'exécution d'une peine, lorsque la personne demeure dans l'Etat d'exécution, en est ressortissant ou y réside, et que cet Etat s'engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne ;

- si l'Etat membre de jugement a fait usage de sa compétence extraterritoriale.

La Commission suggère de retenir les trois motifs de refus obligatoires prévus pour le mandat d'arrêt européen, mais de ne conserver que deux des motifs facultatifs (prescription et non bis in idem).

La possibilité, pour l'Etat membre de condamnation, de refuser une demande de transfert d'un condamné n'ayant pas payé l'amende qui lui a également été infligée, ne devrait pas être acceptée, selon la Commission, compte tenu de l'adoption prochaine de la décision-cadre relative à la reconnaissance mutuelle des sanctions pécuniaires.

La Commission évoque également les difficultés pouvant apparaître du fait des différences existant entre les législations des Etats membres en ce qui concerne la libération conditionnelle. Il peut en effet arriver, en raison de ces divergences, qu'un condamné doive être immédiatement libéré à la suite de son transfert dans l'Etat requis (parce qu'il a déjà purgé le délai requis, selon la législation de cet Etat, pour bénéficier d'une libération conditionnelle). Pour éviter que cette éventualité ne constitue un motif de refus, le Livre vert propose d'introduire un délai minimum à purger dans l'Etat de condamnation, ou bien une « période d'une certaine durée compatible avec les fins de la justice », telle que proposée par le Comité d'experts sur le fonctionnement des conventions européennes dans le domaine pénal du Conseil de l'Europe.

Conformément au principe de reconnaissance mutuelle, les motifs de refus devraient être limités.

La reprise des trois motifs de refus obligatoires prévus dans la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et des deux motifs facultatifs relatifs à la prescription et à la règle non bis in idem est cependant indispensable, notamment pour des raisons d'ordre constitutionnel.

4) Le pouvoir de l'Etat d'exécution d'adapter la sanction prononcée par l'Etat de jugement

Les conventions du Conseil de l'Europe laissent à l'Etat d'exécution, lorsque la nature ou la durée de la peine est incompatible avec sa législation, la possibilité de modifier la peine à reconnaître en l'adaptant à une peine prévue par sa loi pour des infractions de même nature(16) (sous réserve de ne pas aggraver la sanction prononcée dans l'Etat de jugement). La Commission estime que cette possibilité n'est pas conforme au principe de reconnaissance mutuelle, et qu'il faudrait, au minimum, l'encadrer par des règles destinées à guider les Etats d'exécution dans leur recherche d'une solution équivalente.

Le pouvoir d'adaptation de la sanction de l'Etat d'exécution ne doit pas conduire à la dénaturation de la peine imposée par l'Etat de jugement. Il semble en outre peu compatible avec le principe de reconnaissance mutuelle.

5) Le consentement du condamné

La convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées de 1970 prévoit que le juge donne au condamné la possibilité de faire valoir son point de vue avant de prendre une décision sur la demande d'exécution.

Le Livre vert pose la question de savoir s'il ne faudrait pas aller plus loin, et conditionner le transfert de l'exécution à la demande ou à l'accord du condamné. La Convention de 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées subordonne d'ailleurs le transfèrement au consentement de la personne condamnée (ou à son représentant). Le protocole additionnel à cette convention du 18 décembre 1997 (en voie de ratification par la France) permet cependant de se dispenser de ce consentement pour les personnes évadées de l'Etat de condamnation ou les personnes condamnées frappées d'une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière.

Compte tenu des objectifs de réinsertion poursuivis, l'accord de la personne condamnée devrait-il être requis, sous réserve des hypothèses dans lesquelles le protocole du 18 décembre 1997 additionnel à la convention de 1983 prévoit que ce consentement n'est pas nécessaire ?

6) Les droits des victimes

La Commission suggère de prendre en compte les intérêts des victimes, en les informant d'une demande de reconnaissance et de transfert, voire en subordonnant la reconnaissance à sa consultation ou même à son accord.

La reconnaissance et le transfert de l'exécution d'une sanction pénale ne sauraient être subordonnés à l'accord de la victime. Son information et sa consultation se justifient, en revanche, lorsque la sanction à exécuter comporte une obligation d'indemnisation ou des mesures visant à restreindre la liberté du condamné d'entrer en contact avec elle.

7) Délais et remboursement des dépenses encourues

Le Livre vert rappelle que la durée de traitement moyenne des demandes de transfèrement effectués en application de la convention de 1983 se situe entre un an et un an et demi. Elle suggère donc de prévoir un délai maximal pour le traitement des demandes de reconnaissance. Elle recommande également que seuls les prisonniers condamnés à des peines d'emprisonnement d'une certaine durée minimale ou qui doivent encore purger une peine d'une certaine durée minimale soient éligibles à un transfert, compte tenu des délais et de la charge administrative que représente le traitement d'une demande de transfert.

Elle propose aussi de ne prévoir aucun remboursement des dépenses encourues par l'Etat d'exécution (celui-ci ayant également intérêt au transfert et ces frais finissant, à terme, par se compenser).

La fixation d'un délai maximal pour le traitement des demandes de transfert serait souhaitable, dans la mesure compatible avec les impératifs de gestion des administrations pénitentiaires des Etats membres.

Le remboursement des frais d'exécution encourus par l'Etat d'exécution ne semble pas conforme au principe de reconnaissance mutuelle.

8) Répartition des compétences entre l'Etat du jugement et l'Etat d'exécution

Les conventions du Conseil de l'Europe et plusieurs actes de l'Union en matière de reconnaissance mutuelle prévoient comme règle générale que l'exécution est régie par la loi de l'Etat d'exécution.

La Commission privilégie cette option pour les peines d'emprisonnement, sans exclure cependant la possibilité que l'Etat membre de jugement soit consulté ou au moins informé avant qu'une mesure importante, telle que la libération anticipée, soit prise.

La question est en revanche ouverte en ce qui concerne la surveillance des conditions d'un sursis ou d'une peine prononcées sous conditions. Il serait en effet souhaitable de laisser à l'Etat de jugement une possibilité  de s'assurer que les conditions posées sont effectivement respectées.

La question de la compétence pour exercer le droit d'amnistie ou de grâce est également posée. Sur ce point, la convention de 1970 prévoit que chacun des deux Etats peut exercer ce droit.

L'exécution doit être régie par la loi de l'Etat d'exécution, tout en préservant un droit de regard à l'Etat de jugement en ce qui concerne la surveillance des conditions d'un sursis ou d'une peine prononcée sous condition.

Le droit de grâce, qui constitue une prérogative constitutionnelle du chef de l'Etat en France (art. 17 C), doit pouvoir être exercé par les deux Etats.

III. QUELLES LIMITES POSER À L'ACTION DE L'UNION EUROPÉENNE DANS LE DOMAINE PÉNAL ?

Le Livre vert invite, au-delà des questions posées, à essayer de définir les limites qui devraient être posées à l'action de l'Union européenne dans le domaine pénal, dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

La priorité devrait être accordée, conformément à ces principes, à la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, et l'harmonisation des législations ne devrait intervenir que dans la mesure nécessaire à la mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle.

A. Conforter le principe de reconnaissance mutuelle

L'adoption du programme de « Tampere II » par le Conseil européen devrait permettre de conforter le principe de reconnaissance mutuelle. Inspiré de la « nouvelle approche » adoptée pour la réalisation du marché intérieur, la reconnaissance mutuelle implique que les décisions de justice rendues dans un Etat membre sont exécutées dans les autres Etats comme si elles avaient été rendues par leurs juridictions, sans aucune procédure de réception, de quelque nature que ce soit.

Erigé au rang de « pierre angulaire » de l'espace judiciaire européen, ce principe fait pourtant l'objet, en pratique, d'une certaine remise en cause. Des initiatives pourraient être prises pour le conforter, et anticiper ainsi la constitutionnalisation opérée par la Constitution.

1) La remise en cause du principe de reconnaissance mutuelle

Au cours des discussions portant sur plusieurs instruments de reconnaissance mutuelle, ce principe a fait l'objet d'une remise en cause, discrète mais certaine.

Plusieurs délégations ont en effet souhaité inscrire dans les décisions-cadre mettant en œuvre ce principe une disposition spécifique autorisant le juge de l'Etat d'exécution à subordonner l'exécution de la décision judiciaire rendue dans un autre Etat membre à la vérification préalable de sa conformité aux droits fondamentaux (tels qu'ils garantis par le traité sur l'Union européenne ou, pour certains Etats, par le droit constitutionnel de l'Etat d'exécution). Des clauses ayant cet effet ont ainsi été intégrées dans la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen (considérants 12 à 14 du préambule et art.1.3), ainsi que dans les projets de décisions-cadre relatives à la reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation et aux sanctions pécuniaires.

Ces dispositions reviennent, en pratique, à réintroduire un contrôle du juge de l'Etat d'exécution sur la décision rendue dans l'Etat membre d'émission, ce qui est contraire au principe de reconnaissance mutuelle. Ces précautions découlent d'une absence de confiance mutuelle dans les systèmes judiciaires des autres Etats membres (qui sont pourtant tous partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales).

Ces dispositions ont fait, en outre, l'objet de transpositions différenciées selon les Etats membres. Certaines des législations nationales transposant le mandat d'arrêt européen ont en effet fait de la conformité du mandat d'arrêt européen émis aux droits fondamentaux un motif obligatoire de refus et ont confié ce contrôle au juge de l'Etat d'exécution, tandis que d'autres ont estimé que ce contrôle devait avoir lieu dans l'Etat d'émission .

2) Renforcer la confiance mutuelle

Le principe de reconnaissance mutuelle est fondé sur la confiance mutuelle que s'accordent les Etats membres. Les précautions prises, en matière de droits fondamentaux, témoignent que cette confiance mutuelle n'est pas pleinement acquise.

Cette confiance mutuelle, que la Cour de justice a consacré dans un arrêt récent(17), pourrait être confortée par la création d'un mécanisme d'évaluation mutuelle de la justice(18), comme le prévoit la Constitution européenne (art. III-161). Le développement de formations communes des magistrats, elle aussi prévue par la Constitution, y contribuerait également. La mise en place d'un « Erasmus pour les juges », évoquée par le Parlement européen et par la Commission, permettrait d'anticiper cette disposition.

B. L'harmonisation des législations pénales est-elle nécessaire ?

La première question du Livre vert est la plus importante. Elle a trait à la nécessité d'harmoniser les sanctions pénales dans l'Union européenne. Il s'agit là d'une question fondamentale, qui touche à la définition même du projet pénal européen.

La réponse à cette question doit tenir compte des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les effets négatifs d'une diversité en matière de sanctions pénales devraient donc être clairement démontrés pour justifier toute harmonisation.

Depuis que le Conseil européen de Tampere a fait de la reconnaissance mutuelle la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire, la nécessité de l'harmonisation des législations pénales apparaît moins évidente. Cette harmonisation avait en effet pour objectif premier de supprimer l'obstacle de la double incrimination (qui tient au fait que la plupart des Etats membres subordonnent l'entraide judiciaire à la condition que les faits soient incriminés et punis de manière comparable dans l'Etat requérant et dans l'Etat requis). Dès lors que cette condition est supprimée, conformément au principe de reconnaissance mutuelle, on peut s'interroger sur la nécessité de l'harmonisation. En d'autres termes, la reconnaissance mutuelle a-t-elle rendu le rapprochement inutile ?

Lorsque l'on tente de définir des critères susceptibles de guider l'action de l'Union en matière pénale (en particulier en ce qui concerne le droit pénal matériel), deux questions, qui sont en réalité étroitement imbriquées, se posent avec acuité :

- que faut-il rapprocher, c'est-à-dire dans quels domaines de criminalité une harmonisation est-elle envisageable ?

- pourquoi faut-il rapprocher les législations nationales dans ces domaines(19) ?

Les rédacteurs des traités actuels, puis les conventionnels qui ont rédigé la Constitution, ont tenté d'apporter une réponse à ces questions.

1) Les domaines de criminalité visés

a) Selon le traité sur l'Union européenne

Les traités actuels ne sont pas très clairs sur ce point. L'article 31 e) du traité sur l'Union européenne prévoit que le rapprochement peut intervenir dans trois domaines de criminalité spécifiques : la criminalité organisée, le terrorisme et le trafic de drogue.

L'article 29 TUE, qui fixe à l'Union l'objectif général d'offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice, vise pour sa part « la criminalité organisée ou autre », « notamment le terrorisme, la traite des êtres humains et les crimes contre des enfants, le trafic de drogue, le trafic d'armes, la corruption et la fraude ».

Le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 a adopté, à la suite du plan d'action de Vienne(20), une interprétation large de ces domaines, en privilégiant un « nombre limité de secteurs revêtant une importance particulière, tels que la criminalité financière (blanchiment d'argent, corruption, contrefaçon de l'euro), le trafic de drogue, la traite des êtres humains, notamment l'exploitation des femmes, l'exploitation sexuelle des enfants, la criminalité utilisant les technologies avancées et la criminalité au détriment de l'environnement ».

b) Selon la Constitution européenne

La Constitution clarifie les compétences de l'Union dans ce domaine, en identifiant plus précisément les domaines de criminalité visés. A cette fin, l'article III-172, relatif au rapprochement du droit pénal matériel, cumule deux critères : la gravité de la criminalité et sa dimension transfrontière.

Art.III-172 de la Constitution européenne

La loi-cadre européenne peut établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave et qui revêtent une dimension transfrontière résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d'un besoin particulier de les combattre sur des bases communes.

Ces deux critères sont cependant difficiles à manier. La gravité d'une forme de criminalité est subjective, comme l'ont récemment illustré les discussions au Conseil portant sur la sanction du trafic de drogue : les Etats membres n'avaient pas du tout la même approche en matière de « petit trafic de drogue » (Quelles quantités ? Quelles drogues ?).

Le caractère transnational est également difficile à appliquer. Certaines formes de criminalité sont en effet nécessairement transnationales, comme la traite d'êtres humains ou le trafic de drogues, mais le moindre petit contentieux peut, dans un cadre transfrontalier, présenter un aspect transnational.

Conscients de ces difficultés, les conventionnels ont décidé d'adopter une liste des domaines de criminalité répondant à ces critères : le terrorisme, la traite d'êtres humains, l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d'armes, le blanchiment d'argent, le contrefaçon des moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée, sont ainsi visés. Pour pallier la rigidité d'une telle liste, il a été prévu que cette liste pourra être complétée par le Conseil statuant à l'unanimité, afin de l'adapter aux évolutions de la criminalité.

La Constitution ne s'arrête cependant pas là, et ajoute à cette première catégorie de domaines de criminalité un deuxième champ d'harmonisation : le rapprochement est également possible s'il « s'avère indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation ».

Cette seconde hypothèse, qui correspond à une revendication ancienne de la Commission européenne, permettra d'assortir n'importe quelle législation comportant des mesures d'harmonisation de sanctions pénales. Elle risque, selon certains auteurs, d'ouvrir la voie à l'inflation pénale et à la « dévaluation du pénal comme remède ultime »(21). L'on peut en effet craindre que « la Commission ne souhaite assortir systématiquement ses propositions législatives de sanction pénales »(22) et créer ainsi des incriminations nouvelles qui ne s'inscriraient dans aucune politique criminelle globale. Il serait souhaitable que cette possibilité soit utilisée avec prudence, et que l'élaboration de normes pénales reste réservée au Conseil dans sa formation « justice et affaires intérieures », afin d'assurer la cohérence du droit pénal européen.

Les risques d'inflation pénale découlant de la superposition de la compétence de l'Union et de celles des Etats membres peuvent être illustrés par les conséquences négatives de la fédéralisation du droit pénal aux Etats-Unis.

La fédéralisation du droit pénal aux Etats-Unis

Le Congrès américain disposait à l'origine, en application de la Constitution de 1787, de compétences limitées, en matière pénale, à la répression de la contrefaçon des titres et de la monnaie nationale, de la piraterie et des crimes commis en haute mer, ainsi que des délits contre le droit des gens (article I, section 8, § 6 et 10). Les compétences pénales fédérales ont cependant fait l'objet, au fil du temps, d'une interprétation extensive, notamment en application de la clause de commerce (commerce clause, art. I, section 8 § 3).

Cette fédéralisation du droit pénal a conduit à une inflation pénale aujourd'hui dénoncée par la plupart des praticiens du système judiciaire américain (cf. notamment les critiques de l'American Bar Association(23)). La quantité d'actes fédéraux adoptés par le Congrès, le morcellement et l'illisibilité du droit pénal qui en résultent, les risques de double poursuite et de forum shopping figurent parmi les reproches les plus courants. La Cour suprême a d'ailleurs tenté d'endiguer cette fédéralisation, dans un arrêt rendu en 1995 (United States v. Lopez, 514 US 549).

c) L'absence de base juridique pour procéder à un rapprochement transversal

De ces premiers critères, on peut déduire a contrario qu'un rapprochement transversal des législations de droit pénal matériel des Etats membres, visant l'ensemble de la criminalité (comme ce qui est proposé, par exemple, dans le domaine de la responsabilité pénale des personnes morales) est exclu. Il viserait en effet des domaines de criminalité pour lesquels l'Union ne dispose d'aucune compétence.

2) Les fonctions du rapprochement

Une fois identifiés les domaines de criminalité dans lesquels l'Union est susceptible d'intervenir, il reste à déterminer pourquoi un tel rapprochement doit être opéré. Sur ce point, deux conceptions se sont opposées, notamment au cours de la Convention.

a) Conception de la Commission

Selon une première conception, qui est celle de la Commission, le rapprochement poursuit à la fois des fonctions auxiliaires et autonomes(24).

Les fonctions auxiliaires sont les plus classiques :

- le rapprochement permet de faciliter la reconnaissance mutuelle. Celle-ci requiert en effet une confiance mutuelle des autorités judiciaires dans la qualité de leurs ordres juridiques respectifs. Le rapprochement progressif des législations pénales permet d'accroître cette confiance. La proposition de décision-cadre de la Commission relatives aux garanties procédurales accordées aux personnes mises en cause dans les procédures pénales se fonde sur cet argument ;

- le rapprochement a pour objet de faciliter l'action des agences de coopération policière et judiciaire. L'action d'Europol et d'Eurojust ne peut être efficace que si les formes de criminalité pour lesquels ils sont compétents sont définies de manière harmonisée.

Les fonctions autonomes sont plus originales (donc moins consensuelles) :

- l'harmonisation vise à éviter que ne se créent dans l'Union européenne des « sanctuaires », c'est-à-dire que les organisations criminelles ne concentrent leurs activités dans les pays les moins répressifs ;

- le rapprochement des législations assure une « fonction signal », l'Union harmonise la définition d'une infraction et les sanctions dont elle fait l'objet parce qu'elle porte atteinte aux valeurs qui la fondent (la répression du racisme et de la xénophobie ou de la pédopornographie relèveraient de cette fonction, par exemple) ;

- le fait de disposer d'une législation harmonisée renforce la position de l'Union européenne, au plan externe, lors de la négociation de conventions internationales dans le domaine pénal (par rapport aux Etats-Unis, par exemple) ;

- le rapprochement peut contribuer à diffuser auprès des citoyens européens un « sentiment commun de justice » et évite qu'un citoyen exerçant son droit à la libre circulation ne soit confronté à de trop grandes disparités des législations pénales ;

- l'harmonisation, surtout dans le domaine procédural, peut renforcer les droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par la Charte des droits fondamentaux.

Cette conception extensive est retenue par la Commission dans son Livre vert sur les sanctions pénales, lorsqu'elle évoque trois types d'arguments pouvant justifier une harmonisation : l'harmonisation des sanctions peut être indispensable pour assurer l'efficacité d'une politique de l'Union dans un secteur harmonisé ; la diversité des incriminations et des sanctions pourrait conduire certains criminels à « délocaliser » leur activité vers le ou les Etats membres où leur activité répréhensible est moins sévèrement sanctionnée (« tourisme criminel ») ; l'absence d'harmonisation pourrait faire obstacle à la libre circulation des personnes.

b) Conception conforme au principe de subsidiarité

Selon une seconde conception, qui a la faveur de la plupart des Etats membres, le rapprochement des législations n'est que le complément du principe de reconnaissance mutuelle. Il n'est donc nécessaire que dans la mesure indispensable pour assurer la mise en œuvre de ce principe. Il ne saurait donc y avoir d'« harmonisation pour l'harmonisation », le rapprochement n'étant pas un objectif en soi, autonome.

La seconde fonction auxiliaire assignée au rapprochement
- contribuer à l'efficacité d'Europol et d'Eurojust en harmonisant les infractions qu'ils sont chargés de combattre - est parfois également retenue.

c) Le choix opéré par la Constitution européenne

La Constitution a clairement tranché, en ce qui concerne le droit pénal procédural, en faveur de la seconde conception. L'article III-171.2 précise en effet que, dans ce domaine, le rapprochement n'a lieu que « dans la mesure où cela est nécessaire pour faciliter la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires, ainsi que la coopération policière et judiciaire dans les matières pénales ayant une dimension transfrontière ».

Il n'en va en revanche pas de même pour le droit pénal matériel, pour lequel la Constitution n'apporte pas cette précision. Ce sera donc aux acteurs politiques européens, et en particulier au Conseil européen, d'opérer ce choix - en anticipant l'entrée en vigueur de la Constitution - et d'améliorer ainsi la lisibilité de la politique pénale européenne. L'adoption du programme de « Tampere II », en novembre prochain, pourrait en fournir l'occasion.

Nous pensons qu'il faut donner une lecture claire aux citoyens européens de l'espace judiciaire européen envisagé. C'est pourquoi il faut dire nettement - en résistant aux interprétations excessives de la Commission, qui en voulant trop harmoniser risque un blocage - que la pierre angulaire, c'est la reconnaissance mutuelle. Oui à l'harmonisation, mais seulement si elle est nécessaire au bon fonctionnement de la reconnaissance mutuelle.

CONCLUSION

L'adoption d'un nouveau programme - dit de « Tampere II » - pour la mise en place de l'espace de liberté, de sécurité et de justice lors du Conseil européen de novembre prochain permettra de donner un nouvel élan à la construction de l'espace judiciaire européen. Ces nouvelles orientations devraient accroître la lisibilité du projet pénal européen, et donner aux citoyens une vision claire des objectifs poursuivis.

Le principe de reconnaissance mutuelle, que la Constitution européenne consacre, devrait être conforté. La reconnaissance mutuelle est indissociable de la notion d'« espace pénal » et permet de réelles avancées, qu'illustre le mandat d'arrêt européen. Des mesures concrètes visant à renforcer la confiance mutuelle, qui en constitue le fondement, devraient être prises, en particulier concernant le casier judiciaire européen et en matière de formation commune des magistrats et d'évaluation des systèmes judiciaires.

La priorité devrait être accordée à la reconnaissance mutuelle, plutôt qu'à l'harmonisation des législations pénales, conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Le rapprochement ne devrait donc être opéré que dans la mesure nécessaire à la mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle.

Certaines des propositions contenues dans le Livre vert - en matière d'encadrement du prononcé des peines, de peines perpétuelles ou de travail d'intérêt général, par exemple - ne répondent pas à ces critères, ou ne se fondent pas sur une base juridique suffisante. A cet égard, ce Livre vert montre l'intérêt, pour les parlements nationaux, d'agir en amont des propositions législatives de la Commission, lors de la phase consultative, pour contribuer au respect du principe de subsidiarité.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le mardi 13 juillet 2004, sous la présidence de M. Michel Delebarre, député, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat.

M. Jérôme Lambert a exprimé des réserves sur le point 2 de la proposition de conclusions. Il a souligné, à cet égard, que la notion de récidive était différente selon les droits nationaux - elle est, par exemple, très encadrée en France où on la distingue de la réitération. Les délais pour sa définition sont un élément variable. Plus généralement, les condamnations pénales peuvent avoir des incriminations différentes selon les Etats, ce qui est une source possible d'erreurs judiciaires.

Concernant le point 8, M. Jérôme Lambert a souhaité que la recommandation relative à la marge d'appréciation du juge pénal soit renforcée.

Le rapporteur, a proposé que, à cette fin, dans le point 8, les mots « doit être » remplacent le mot « soit ».

Concernant le point 2, le rapporteur a souligné que si le juge pénal a connaissance des condamnations prononcées dans d'autres Etats membres, il doit en tenir compte, mais ce ne sera que dans le cadre de législations harmonisées.

Le Président Michel Delebarre a proposé que dans le point 2, les mots « prise en compte » soient remplacés par les mots « prise en considération ».

M. Jérôme Lambert a proposé que les mots « au titre de la récidive » soient supprimés.

Le Président Michel Delebarre a interrogé le rapporteur sur la notion d'instrument transversal citée dans le point 6.

Le rapporteur a indiqué qu'elle désignait un texte global qui n'est pas souhaitable du fait de l'existence de formes de criminalité différentes. Il a proposé de supprimer dans le point 6 les mots « et ne soit pas réalisée dans un instrument transversal applicable à l'ensemble de la criminalité » et a accepté de substituer au mot « transfrontière » le mot « transfrontalier ».

Après que les membres de la Délégation aient marqué leur accord avec les modifications proposées, la Délégation a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION

La Délégation pour l'Union européenne,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le Livre vert sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l'exécution des sanctions pénales dans l'Union européenne du 30 avril 2004 [COM (2004) 334 final / E 2587],


1. Estime qu'en matière de sanctions pénales, la reconnaissance mutuelle devrait être privilégiée par rapport à l'harmonisation, conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

I. En ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des sanctions pénales :


2. Est favorable à la création d'un casier judiciaire européen, ainsi qu'à la prise en considération par le juge pénal des condamnations pénales prononcées dans d'autres Etats membres ;
3. Souligne qu'il conviendrait de disposer d'une évaluation du fonctionnement de la convention de 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées avant d'envisager l'adoption d'une réglementation de l'Union dans ce domaine ;

4. Recommande, dans l'hypothèse où une telle réglementation s'avérerait nécessaire, qu'elle assimile les ressortissants d'un autre Etat membre résidant dans l'Etat membre d'exécution aux ressortissants de l'Etat d'exécution.

II. En ce qui concerne l'harmonisation des sanctions pénales :


5. Soutient un rapprochement des législations relatives aux sanctions pécuniaires dans le domaine de la criminalité économique, compte tenu de l'efficacité de ces sanctions à l'égard des personnes morales ;

6. Juge souhaitable une harmonisation des règles de responsabilité des personnes morales, à condition qu'elle soit limitée aux domaines de criminalité présentant un caractère transfrontalier ;

7. Considère en revanche que l'existence de peines perpétuelles, de même que le choix entre les principes d'opportunité et de légalité, relèvent de l'appréciation de chaque Etat membre, conformément au principe de subsidiarité ;

8. Estime que la marge d'appréciation du juge pénal doit être intégralement préservée, conformément au principe d'individualisation des peines, et que le prononcé des peines ne soit donc pas encadré ;

9. Souligne que la délinquance concernée par le travail d'intérêt général est essentiellement locale et ne relève par conséquent pas des compétences de l'Union ;

10. Estime que l'existence d'une base juridique permettant à l'Union d'harmoniser les conditions d'exécution des peines n'est pas suffisamment établie.

ANNEXE :
Liste des personnes auditionnées

- M. Dominique BARELLA, président de l'Union syndicale des magistrats ;

- M. Michel BONNEAU, sous-directeur des libertés publiques et de la police administrative ; M. Jean-David CAVAILLE, adjoint au chef du bureau des questions pénales, direction des libertés publiques et des affaires juridiques, ministère de l'Intérieur ;

- Mme Délou BOUVIER, secrétaire générale adjointe, Syndicat de la magistrature ;

- M. Bruno STURLESE, sous-directeur de la négociation, service des affaires européennes et internationales ; M.Patrick POIRET, sous-directeur de la justice pénale générale, direction des affaires criminelles et des grâces ; M. David TOUVET, adjoint au chef du bureau des négociations pénales, service des affaires européennes et internationales, ministère de la Justice.

1 () Enquête IPSOS pour LCI et Le Point, « Où va l'Europe ? L'opinion des Français », mai 2003.

2 () Gilles de Kerchove, « Améliorations institutionnelles à apporter au titre VI du traité sur l'Union européenne afin d'accroître l'efficacité et la légitimité de l'action de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité intérieure », 8 octobre 2002. Les documents du groupe de travail X, « Liberté, sécurité et justice » sont en ligne sur le site de la Convention européenne : www.european-convention.eu.int.

3 () Cfhttp://www.european-convention.eu.int. rapport d'information n° 716 de M. Didier Quentin au nom de la Délégation pour l'Union européenne, La coopération judiciaire entre l'Union européenne et les Etats-Unis, 19 mars 2003.

4 () La Constitution devrait faire l'objet d'une renumérotation en continu. La numérotation retenue ici est celle figurant dans la version consolidée provisoire du 25 juin 2004 (CIG 86/04).

5 () Isabelle Jegouzo, « La création d'un mécanisme d'évaluation mutuelle de la justice, corollaire de la reconnaissance mutuelle », in Gilles de Kerchove et Anne Weyembergh , Sécurité et justice : enjeu de la politique extérieure de l'Union européenne, Editions de l'Université libre de Bruxelles, 2003.

6 () Mireille Delmas-Marty, Geneviève Giudicelli-Delage, Elisabeth Lambert-Abdelgawad (dir.), L'harmonisation des sanctions pénales en Europe, Société de législation comparée, coll. de l'UMR de droit comparé de Paris (Paris I-CNRS, vol. V), 2003.

7 () Gilles de Kerchove, « Améliorations institutionnelles à apporter au titre VI du traité sur l'Union européenne afin d'accroître l'efficacité et la légitimité de l'action de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité intérieure », op. cit., p. 5, note 11.

8 () Cf. Jean Pradel, Droit pénal comparé, Dalloz, 2002, n° 420 s.

9 () Cf. Jean Pradel, Droit pénal comparé, Dalloz, 2002, n° 514 s.

10 () Cf. Jean Pradel, Droit pénal comparé, Dalloz, 2002, n° 519 s.

11 () Cf. Jean Pradel, Droit pénal comparé, Dalloz, 2002, n° 239 s.

12 () Cf. Jean Pradel, Droit pénal comparé, Dalloz, 2002, n° 533 s. et l'annexe II du Livre vert, « inventaire et analyse comparée de la législation des Etats membres sur les sanctions alternatives ».

13 () Cf. Emmanuel Gindre, « La légitimité au regard des sources du droit », in Mireille Delmas-Marty, Geneviève Giudicelli-Delage, Elisabeth Lambert-Abdelgawad (dir.), op. cit., p. 473 s.

14 () Autriche, Chypre, Danemark, Estonie, Finlande, Hongrie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, République tchèque et Suède.

15 () J. C. Froment, « Les avatars de la Convention sur la transfèrement des détenus en Europe », in Jean Céré (dir.), Panorama européen de la prison, L'Harmattan, 2002, p. 133 s.

16 () Ces conventions laissent à l'Etat d'exécution, plus précisément, le choix entre adapter la peine à reconnaître à la peine prévue par sa propre législation pour des infractions de même nature, lui substituer une sanction prévue par sa législation pour le même fait, ou bien convertir la sanction en une sanction prévue par sa propre législation pour le même fait.

17 () CJCE, 11 février 2003, Gözutök.

18 () Cf. Isabelle Jegouzo, « La création d'un mécanisme d'évaluation mutuelle de la justice, corollaire de la reconnaissance mutuelle », in Gilles de Kerchove et Anne Weyembergh, Sécurité et justice : enjeu de la politique extérieure de l'Union européenne, Editions de l'Université libre de Bruxelles, 2004, p. 147 s.

19 () Cf. Daniel Flore, « Droit pénal matériel et Union européenne », in Gilles de Kerchove et Anne Weyembergh, Quelles réformes pour l'espace pénal européen, Editions de l'Université libre de Bruxelles, 2003, p. 69 s. et, du même auteur, « Un droit pénal européen : hasard ou nécessité », Actualités de droit pénal européen, Les dossiers de la revue de droit pénal et de criminologie, 2003.

20 () Plan d'action du Conseil et de la Commission concernant les modalités optimales de mise en œuvre des dispositions du traité d'Amsterdam relatives à l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, JOCE C 19 du 23 janvier 1999.

21 () Daniel Flore, « Un droit pénal européen : hasard ou nécessité », op. cit., p. 14.

22 () Gilles de Kerchove, « L'Europe pénale : bilan et perspective », in Olivier de Schutter et Paul Nihoul (dir.), Une Constitution pour l'Europe - réflexions sur la transformation du droit de l'Union européenne, Larcier, Bruxelles, 2004, p. 197 s.

23 () American Bar Association, Task Force on Federalization of Criminal Law, The Federalization of American Law, ABA, 1998.

24 () Cf. Anne de Weyembergh, L'harmonisation des législations : condition de l'espace pénal européen et révélateur de ses tensions, Editions de l'Université libre de Bruxelles, 2004, p. 137 s, et Gilles de Kerchove, « L'Europe pénale : bilan et perspective », op. cit.

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