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N° 3019

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 avril 2006

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur le suivi de l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

par M. Jacques MYARD,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe-Armand Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LES QUESTIONS POLITIQUEMENT SENSIBLES ONT FAIT L'OBJET D'AVANCEES REMARQUABLES 7

A. Des progrès incontestables en matière de liberté de la presse et de protection de l'enfance 8

1) Une presse indépendante du pouvoir politique 8

2) Un strict respect du moratoire sur les adoptions internationales 9

B. Des évolutions très positives dans les secteurs de la justice et de la police 10

1) La mise en place d'une justice indépendante 10

2) Des signes manifestes de lutte contre la corruption 11

3) Une efficacité accrue de la police des frontières 13

4) La délicate question de l'intégration des Roms 15

II. LA PERSISTANCE DE PROBLEMES D'ORDRE ADMINISTRATIF NE SAURAIT EMPÊCHER L'ADHESION AU 1er JANVIER 2007 17

A. Les problèmes pointés par la Commission sont d'ordre technique et donc secondaire 17

1) Les marchés publics 18

2) La propriété intellectuelle 19

3) La pollution industrielle 19

4) Les contrôles vétérinaires et phytosanitaires 19

B. L'insuffisance des capacités administratives pénalise surtout la Roumanie 20

1) La faible consommation des crédits de préadhésion 20

2) Un risque d'être contributeur net au budget de l'Union européenne ? 21

C. L'absurdité de la clause de sauvegarde générale 22

1) Un report de l'adhésion à 2008 n'aurait pas de sens 22

2) L'application de clauses sectorielles ne serait pas stigmatisante 24

III. UN EFFORT A POURSUIVRE APRES L'ADHESION 27

A. Un secteur rural vulnérable 28

B. Les risques liés à la revalorisation de la monnaie 30

CONCLUSION 33

TRAVAUX DE LA DELEGATION 35

ANNEXES 39

Annexe 1 : Carte de la Roumanie 41

Annexe 2 : Liste des personnes entendues par le rapporteur 43

INTRODUCTION

« Foch, saluez ! C'est la famille. »

Général Henri Mathias Berthelot,

Chef de la mission militaire alliée en Roumanie, entre 1916 et 1918

(lors du passage d'un détachement roumain
pendant le défilé militaire du 11 novembre 1919
)

Mesdames, Messieurs,

La Roumanie est sur le point d'achever son long processus d'adhésion à l'Union européenne.

Sa demande a été déposée officiellement en 1995 et les négociations ont débuté en 2000. Elles ont été clôturées en décembre 2004, puis le traité d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie a été signé par les 25 chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union en avril 2005. Ce traité devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2007, à condition que tous les Etats membres aient mené à bien avant cette date leur procédure interne de ratification et sous réserve que la clause de sauvegarde générale, prévue par l'article 39 de l'Acte relatif aux conditions d'adhésion, ne soit pas adoptée par le Conseil, ce qui conduirait à reporter d'une année l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne.

Les prochains mois s'annoncent donc décisifs. Tout d'abord, parce que le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie devrait être soumis au Parlement français. Ensuite, car la Commission européenne devrait publier, le 16 mai 2006, un nouveau rapport de suivi sur le degré de préparation de ces deux pays. La Commission pourrait alors recommander au Conseil de reporter l'adhésion de l'un ou l'autre des deux pays au 1er janvier 2008. Enfin, indépendamment du fait qu'une décision de report ait été prise ou non, la Commission devrait présenter, à l'automne 2006, un dernier bilan, permettant de décider si la Commission doit appliquer des mesures correctives éventuelles (clauses de sauvegarde sectorielles, procédures d'infraction ou encore blocage des fonds communautaires), en tant que gardienne des traités.

Dans ce contexte, il a semblé opportun au rapporteur de la Délégation d'effectuer une mission en Roumanie, qui a eu lieu du 5 au 8 mars 2006. Cette visite intervenait quelques semaines après celle de M. Edouard Balladur, Président de la Commission des affaires étrangères. Elle faisait suite également au passage d'une délégation de quatre députés conduite par M. Hervé de Charrette.

Une précédente mission d'évaluation du processus d'adhésion s'était déroulée du 1er au 3 décembre 2003. Le débat qui avait suivi la présentation du rapport(1) devant la Délégation avait donné lieu à des échanges assez vifs car plusieurs députés émettaient des réserves sur l'exercice des libertés fondamentales en Roumanie. Finalement, la Délégation s'était prononcée à l'unanimité pour l'adhésion en 2007, « tout en rappelant que la Roumanie se devait de fournir un effort particulier dans le domaine des droits de l'homme, de la liberté de la presse et de la lutte contre la corruption ».

Deux années plus tard, il est évident que la Roumanie a su répondre aux préoccupations longtemps exprimées par les Etats membres et les institutions communautaires.

Des progrès particulièrement sensibles ont été enregistrés en matière de libertés fondamentales et la seule persistance de problèmes d'ordre administratif ne saurait faire obstacle à une adhésion dès le 1er janvier 2007, tout en sachant que cette date ne constitue qu'une étape et que la Roumanie devra affronter un choc économique considérable.

I. LES QUESTIONS POLITIQUEMENT SENSIBLES ONT FAIT L'OBJET D'AVANCEES REMARQUABLES

En juin 1993, le Conseil européen de Copenhague a défini les critères politiques que doivent satisfaire les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne : ils doivent être parvenus à une stabilité des institutions garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, ainsi que le respect des minorités et leur protection.

Depuis plusieurs années, les rapports de suivi de la Commission européenne jugent que la Roumanie remplit les critères politiques d'adhésion. Cette appréciation globale était néanmoins assortie de sérieuses réserves jusqu'au dernier rapport, publié fin octobre 2005. Ce document récent estime que « dans l'ensemble, elle a atteint un niveau satisfaisant de conformité aux exigences de l'Union européenne » et ajoute qu'« elle a pris des mesures importantes pour remédier à certains problèmes relatifs aux critères politiques présentés dans le rapport 2004 comme nécessitant des améliorations, comme la réforme et l'indépendance de la justice, une plus grande liberté pour les médias, une nouvelle législation relative à la restitution de la propriété, une amélioration générale de la situation des minorités et la protection de l'enfance ».

Effectivement, on peut constater tout d'abord que les élections législatives et présidentielles de novembre-décembre 2004 ont conduit à une véritable alternance politique, avec l'arrivée au pouvoir d'une coalition dirigée par les libéraux (PNL) et les démocrates (PD).

On doit surtout souligner que des progrès incontestables sont unanimement reconnus en matière de liberté de la presse et de protection de l'enfance. De même, des évolutions très positives sont enregistrées, s'agissant de la réforme de la justice et de la lutte contre la corruption, de l'efficacité de la police des frontières et de l'intégration des Roms.

Ces progrès sont imputables à la volonté des autorités roumaines d'adhérer au plus vite et dans les meilleures conditions à l'Union européenne. Ils peuvent aussi être mis au crédit du travail de la Commission européenne, qui a certainement fait preuve d'un peu de zèle dans le suivi du processus d'adhésion de la Roumanie (ainsi que de la Bulgarie), mais qui, par là même, a aussi aidé l'administration roumaine à identifier les secteurs à problèmes et à se discipliner.

A. Des progrès incontestables en matière de liberté de la presse et de protection de l'enfance

Lors de l'examen du précédent rapport de la Délégation sur la Roumanie, en mars 2004, les critiques formulées à l'encontre de ce pays s'étaient beaucoup appuyées sur ces deux thèmes. Il est vrai que des violences physiques et des faits de harcèlement sur les journalistes étaient encore dénoncés par la Commission européenne et des organisations non gouvernementales. S'agissant de la question de l'adoption des enfants roumains, la Baronne Emma Nicholson of Winterbourne, qui était alors en charge du suivi de l'adhésion de la Roumanie au sein du Parlement européen, venait de dénoncer le non-respect du moratoire sur les adoptions internationales.

Aujourd'hui, dans ces deux domaines, la Roumanie a su mettre en œuvre les mesures adéquates.

1) Une presse indépendante du pouvoir politique

Le dernier rapport de suivi de la Commission européenne constate que « la pression générale exercée sur les médias s'est relâchée et que les journaux sont de moins en moins politisés ». Le chef de la délégation de la Commission à Bucarest, M. Jonathan Scheele, a confirmé au rapporteur qu'il n'existait plus de violences physiques et que les journaux voyaient leur ligne éditoriale influencée beaucoup plus par les hommes d'affaires les finançant que par les autorités politiques. Une rencontre avec un journaliste de la presse satirique et plusieurs représentants d'organisations non gouvernementales a permis de conforter cette appréciation.

2) Un strict respect du moratoire sur les adoptions internationales

Une nouvelle législation sur les droits de l'enfance et l'adoption est entrée en vigueur en janvier 2005. Désormais, l'adoption internationale est strictement réservée aux membres de la famille de l'enfant, afin d'éviter les dérives à caractère commercial constatées par le passé.

Cette position ferme de la Roumanie rend beaucoup plus difficile l'aboutissement des procédures d'adoption préalablement engagées par une vingtaine de familles françaises. Six d'entre elles ont d'ores et déjà vu leur dossier rejeté par l'office roumain pour les adoptions en novembre 2005. Un dossier a connu une issue favorable, mais la mère adoptive, de nationalité franco-roumaine, a réalisé l'adoption en qualité de résidente en Roumanie. D'une façon générale d'ailleurs, l'adoption nationale est encouragée et plus de 1 000 enfants ont pu être adoptés par des familles roumaines au cours des derniers mois.

Une autre évolution particulièrement encourageante mérite d'être signalée. Dans ce pays où le nombre d'enfants abandonnés à la naissance avait une fâcheuse tendance à s'approcher de 4 500 à 5 000 par an, on a enregistré 1 141 abandons seulement en 2005.

Si selon la Commission européenne, « les conditions de vie se sont sensiblement améliorées et sont généralement convenables » dans les institutions accueillant des enfants, la situation dans les institutions pour adultes handicapés et les cliniques psychiatriques demeure difficile. M. Vlad Iliescu, secrétaire d'Etat à l'intégration européenne au ministère de la santé, a indiqué au rapporteur que le gouvernement roumain était pleinement conscient de ce problème, qui nécessite la mobilisation d'importantes sommes financières, compte tenu de la vétusté des infrastructures concernées. Il a toutefois assuré que ce dossier serait la première priorité de son ministère après l'adhésion.

B. Des évolutions très positives dans les secteurs de la justice et de la police

S'il est un domaine pour lequel l'Union européenne attendait l'engagement d'une véritable réforme, c'est bien celui de la justice et de son corollaire, la lutte contre la corruption. Or, on peut affirmer que la Roumanie a su répondre à cette attente en mettant en place les bases d'une justice indépendante. Par ailleurs, elle a renforcé l'efficacité de sa police des frontières et fait preuve de bonne volonté dans sa collaboration dans la lutte contre la criminalité.

1) La mise en place d'une justice indépendante

Une nouvelle législation adoptée à l'été 2005 garantit l'indépendance personnelle et institutionnelle des magistrats, dont on peut signaler que l'effectif, compris entre 6 000 et 7 000 juges, est du même ordre que celui constaté en France, pour une population pourtant trois fois moins nombreuse que celle de notre pays.

L'indépendance a été étendue aux magistrats du Parquet, compte tenu du fait que ces derniers sont seuls en charge des poursuites dans un système judiciaire ne comportant pas de juges d'instruction.

Afin que ces textes ne restent pas lettre morte, la ministre de la justice, Mme Monica Macovei, mène une politique très volontariste. De nouveaux juges et procureurs ont été recrutés sur concours, tandis qu'une limite d'âge de soixante ans a été instituée pour écarter les magistrats les plus anciens, dont la formation et la probité laissent parfois à désirer. Pour réduire les risques de corruption, un système informatique d'attribution aléatoire des affaires aux juges a aussi été introduit.

Ces efforts devraient se poursuivre dans la durée puisque le budget 2006 de la justice croît de 12 % par rapport au budget 2005 rectifié. En outre, la Roumanie a conclu un accord avec la Banque mondiale, afin de bénéficier d'un prêt de 110 millions d'euros, destinés à la rénovation des bâtiments des tribunaux et à leur équipement en matériels.

Le système n'est certainement pas parfait - en France non plus, d'ailleurs - et il importe, en particulier, de réduire la durée des audiences de jugement qui peuvent s'étaler sur une année entière, puisque le tribunal refait à cette occasion toute l'instruction du dossier examiné. Pour autant, il est évident que les réformes commencent à produire leurs effets, comme l'illustrent les nouvelles orientations de la lutte contre la corruption de haut niveau.

2) Des signes manifestes de lutte contre la corruption

Pendant le séjour du rapporteur à Bucarest, la vie politique roumaine a été dominée par le débat à la Chambre des députés visant à autoriser une perquisition au domicile du Président de la Chambre - M. Adrian Nastase, ancien Premier ministre - auquel la justice reproche notamment d'avoir fait construire cet immeuble à un prix sous évalué et d'avoir, en échange, nommé le chef du chantier à un poste important au sein du ministère des travaux publics. Le vote, qui a suivi ce débat, a conduit à un rejet de la demande de perquisition, mais après un débat public et transparent auquel la presse roumaine a donné un large écho. De plus, dès que les résultats du vote ont été connus, la justice roumaine a annoncé que l'enquête se poursuivrait. Quelques jours plus tard, le 16 mars 2006, M. Adrian Nastase était d'ailleurs contraint de démissionner de ses fonctions de Président de la Chambre et de Président exécutif du parti social démocrate (PSD).

Cette affaire est révélatrice du changement profond intervenu en Roumanie, qui n'hésite plus à mettre en cause les plus hauts responsables politiques.

Le cas de M. Nastase n'est pas un dossier isolé. L'ex-ministre de l'industrie, M. Dan Ioan Popescu, a récemment été convoqué par le Parquet. Des enquêtes concernent également des membres de la coalition au pouvoir : sont ainsi visés M. George Copos, vice-Premier ministre chargé des PME et du milieu des affaires et même l'actuel Premier ministre, M. Calin Popescu-Tariceanu.

Dans son rapport d'octobre 2005, la Commission européenne se félicitait de l'adoption récente de nouvelles lois concernant aussi bien la levée de l'immunité des anciens ministres que les déclarations de patrimoine des élus, mais elle insistait sur la priorité à accorder à la mise en œuvre « rigoureuse » de la législation. Ce message a manifestement été entendu par les autorités roumaines. La société civile sait également utiliser les nouveaux instruments mis en place par la loi, comme l'illustre la campagne de presse ayant suivi la mise en ligne obligatoire sur Internet des déclarations de patrimoine des élus, dont l'un des aspects les plus retentissants a porté sur l'« héritage » d'un million d'euros légué à M. Adrian Nastase par sa veille tante Tamara, qui de son vivant ne bénéficiait pourtant que d'une pension très modeste selon les investigations des journalistes.

La principale institution en charge des poursuites dans les affaires de corruption est le département national de répression de la corruption (DNA), qui dépend désormais du Parquet et qui, conformément au souhait exprimé par la Commission européenne, démontre « qu'il est pleinement capable de traiter de manière efficace des dossiers politiquement sensibles de corruption au plus haut niveau ». Hormis les affaires impliquant des hommes politiques, le DNA, qui ne s'occupe que des infractions les plus graves (les montants concernés doivent être supérieurs à 10 000 euros), a ainsi renvoyé devant les tribunaux 64 personnes dans les mois ayant suivi la publication du dernier rapport de suivi (entre le 30 septembre 2005 et le 7 février 2006). Parmi ces inculpés, on recense notamment trois juges du tribunal de Bucarest.

La corruption existe malheureusement à tous les niveaux de la société roumaine. Selon l'ONG Transparency International, dont le rapporteur a rencontré le représentant en Roumanie, ce pays se classerait en 85ème position à l'échelle mondiale avec un indice de perception de la corruption de 3 en 2005(2), c'est-à-dire un ratio qui le situerait en dernière position de l'Union européenne, derrière la Bulgarie (autre pays candidat, dont l'indice est évalué à 4), mais finalement très proche de la Pologne, créditée d'un indice de 3,4.

Même si ce type de classement établi par une ONG doit être manié avec beaucoup de précautions, il témoigne d'une difficulté reconnue par tous en Roumanie et qui s'explique largement par la modicité des salaires perçus, en particulier par les employés du secteur public.

Des efforts sont cependant engagés pour lutter contre ce fléau, notamment à l'encontre du personnel des douanes et de la police des frontières, qui fait l'objet de tests d'intégrité et de contrôles inopinés (en 2005, par exemple, 41 agents de la police des frontières ont été renvoyés devant la justice pour faits de corruption).

3) Une efficacité accrue de la police des frontières

Après son adhésion, la Roumanie aura à surveiller une frontière externe de l'Union européenne qui - s'agissant de la frontière terrestre - concerne l'Ukraine, la Moldavie, ainsi que la Serbie-et-Monténégro.

En 2003, le rapporteur avait souligné les insuffisances de la préparation roumaine dans ce domaine, en particulier le manque de personnels et de moyens matériels.

Deux ans plus tard, les informations transmises par les autorités roumaines, le représentant de la Commission à Bucarest, ainsi que par des fonctionnaires français de la police et de la gendarmerie participant à des actions de coopération bilatérales ou multilatérales(3), convergent pour constater de nettes améliorations.

Les postes vacants au sein de la police des frontières sont désormais limités (87,6 % des effectifs sont pourvus à la future frontière extérieure de l'Union européenne) et les recrutements prévus pour 2006 devraient permettre de pourvoir la plupart des postes vacants.

S'agissant des moyens matériels, la Commission s'inquiétait dans son dernier rapport de l'absence de décision dans le cadre de la renégociation de l'accord signé en août 2004 avec la société EADS. Finalement, une solution a pu être trouvée en novembre 2005, ce qui devrait autoriser l'installation d'un système de communication couvrant l'ensemble des départements frontaliers. Selon les informations recueillies, le contrôle à la frontière avec la Moldavie apparaît satisfaisant et la Roumanie a déjà voté les dispositions imposant un régime de visa pour les ressortissants de ce pays à compter du 1er janvier 2007, ce qui constitue un effort certain, compte tenu des liens étroits entre les populations vivant des deux côtés de la frontière.

En revanche, des difficultés ont été signalées sur les points de passage avec le Hongrie, où s'exercent la pression du flux migratoire vers l'Europe, et où la multiplication des contrôles à réaliser réduit d'autant leur efficacité. On peut certes indiquer que la Hongrie n'est pas membre du système Schengen, mais il semble que le contrôle de la frontière Schengen par l'Autriche soulève aussi quelques interrogations.

D'une façon générale, ces observations renforcent le rapporteur dans sa critique du système Schengen, qui confond la liberté de circulation avec l'absence de contrôles internes et dont la centralisation complexifie la tâche des services de police.

La Roumanie envisage pourtant de rejoindre ce système Schengen à l'horizon 2009-2010. Cette perspective et, avant cela même, l'adhésion de ce pays à l'Union européenne, doivent conduire à nous interroger sur l'impact éventuel de ces événements sur la délinquance roumaine en France. A cet égard, il faut rappeler que les interpellations de ressortissants roumains sur notre territoire ont doublé après la suppression des visas depuis le 1er janvier 2002.

Les points de vue exprimés par les interlocuteurs du rapporteur sur les conséquences de l'adhésion sont néanmoins divers. Ceux qui pensent que la délinquance risque d'augmenter font notamment valoir l'allégement des contrôles à la sortie de Roumanie et la plus grande difficulté pour opérer des reconductions à l'encontre de citoyens de l'Union.

Il semble donc nécessaire de développer encore notre coopération policière avec les autorités roumaines, qui d'ores et déjà se montrent « hyper-coopératives ». L'ambassade de Roumanie en France, par exemple, est de bonne volonté, ce qui explique en partie le fait que les Roumains constituent la nationalité ayant fait l'objet du plus grand nombre de reconductions depuis notre pays en 2005 (3 511 reconductions de Roumains, soit une croissance de 38,5 % par rapport à 2004). Une partie de ces délinquants arrêtés sur notre territoire sont des Roms de nationalité roumaine.

4) La délicate question de l'intégration des Roms

Officiellement au nombre de 535 000 d'après le dernier recensement de 2002, les Roms de Roumanie pourraient en fait représenter 3 000 000 de personnes, selon Mme Mariea Ionescu, Présidente de l'Agence nationale pour l'intégration des Roms.

Cette population n'a jamais réellement pu s'intégrer. Soumise à un statut d'esclavage jusqu'en 1864, elle n'a pas connu de véritables changements dans sa situation de fait après cette date et jusqu'à la seconde guerre mondiale où le gouvernement pro-nazi de Ion Antonescu a procédé à une déportation en masse des Roms vers la Transnistrie, ce qui aurait entraîné la mort de 35 000 d'entre eux. Par la suite, le pouvoir communiste a mené une politique d'assimilation forcée, tendant notamment à les sédentariser.

Aujourd'hui encore, les Roms se distinguent du reste de la population roumaine, moins par l'usage d'une langue spécifique ou par la religion (ils pratiquent habituellement la langue roumaine et sont majoritairement orthodoxes) que par leur niveau de vie : 75 % des Roms vivent en dessous du taux de pauvreté et 52 % sont même en situation de grande pauvreté (pour la population roumaine ces taux sont respectivement de 24 % et de 9 %). Ils se différencient aussi par leurs pratiques matrimoniales, puisque 35 % des femmes se marient avant l'âge de 16 ans et, parfois, avant même d'atteindre leur 10 ans(4).

Dans le cadre des négociations d'adhésion, l'Union européenne a beaucoup insisté sur la protection et l'intégration de la minorité Rom. Une stratégie d'amélioration de la situation des Roms a donc été adoptée en 2001 et l'Agence nationale pour l'intégration des Roms est chargée de la planification, de la coordination et du contrôle des mesures afférentes à cette stratégie, qui s'étend sur dix années.

Malgré son adoption relativement récente, cette stratégie commence à produire des effets. La Commission européenne note que « des avancées positives ont été réalisées dans l'amélioration de l'accès des Roms aux secteurs de l'éducation et de la santé ». De même, l'avis consultatif adopté le 24 novembre 2005 au sein du Conseil de l'Europe observe que ces mesures « commenceraient à produire graduellement des effets, dans les différents secteurs - logement, emploi, santé, formation professionnelle ».

On doit ajouter que la minorité Rom bénéficie d'une représentation au sein du Parlement (cinq députés) et que, ces dernières semaines, cinq policiers Roms ont été recrutés par le ministère de l'intérieur, pour tenter d'établir une meilleure communication avec cette communauté.

Pourtant, la Présidente de l'Agence pour l'intégration des Roms a déclaré au rapporteur ne pas être optimiste, regrettant que la stratégie soit essentiellement financée par des programmes communautaires, ce qui dénote un engagement insuffisant des autorités roumaines. Si une infime minorité de Roms est parvenue à s'intégrer et si une autre minorité vit de façon aisée grâce à des profits issus de la criminalité dans ce que l'on qualifie sur place même de « villages parcmètres » par référence à l'origine des fonds, il faut constater que la plupart d'entre eux continuent à être marginalisés et victimes d'exclusion sociale. Durement frappés par le chômage, vivant parfois dans de véritable taudis, disposant d'un accès restreint aux services de santé, ils font souvent l'objet de discriminations et de racisme.

Le problème Rom n'est toutefois pas spécifique à la Roumanie. C'est en fait un problème commun à l'ensemble des Etats de l'Union européenne et la France sait par expérience qu'il n'est pas facile à résoudre.

II. LA PERSISTANCE DE PROBLEMES D'ORDRE ADMINISTRATIF NE SAURAIT EMPÊCHER L'ADHESION AU 1er JANVIER 2007

Le rapport de suivi de la Commission européenne a souligné les progrès intervenus en matière de respect des critères politiques. Cette évolution favorable a également été observée par le Parlement européen, qui a adopté le 15 décembre 2005, sur le rapport de M. Pierre Moscovici, une résolution saluant « les avancées importantes, notamment dans les domaines de la liberté d'expression, de la justice, de l'intégration des minorités, de la protection de l'enfance, de la restitution des biens et de la politique de la concurrence ».

On s'aperçoit que les principales difficultés subsistant sont essentiellement d'ordre administratif, susceptibles de pénaliser en premier lieu la Roumanie et non pas ses futurs partenaires de l'Union et qu'elles ne peuvent donc pas être invoquées pour retarder l'adhésion de ce pays.

A. Les problèmes pointés par la Commission sont d'ordre technique et donc secondaire

L'encadré ci-dessous, extrait du dernier rapport de la Commission, énumère les sujets qualifiés de « très préoccupants » par cette dernière.

« Il s'agit notamment du domaine des marchés publics au chapitre libre circulation des marchandises ainsi que de la protection des droits de propriété intellectuelle et industrielle en matière de droit des sociétés. Un nombre important d'aspects restent à traiter dans le domaine de l'agriculture, en particulier en ce qui concerne les préparatifs de la Roumanie pour établir ses organismes payeurs et mettre en œuvre le système intégré d'administration et de contrôle. En outre, sont concernés, dans le domaine vétérinaire, les mesures concernant les encéphalopathies spongiformes bovines (ESB) et les sous-produits d'origine animale (en particulier le système de collecte des cadavres, l'absence d'usines d'équarrissage, l'interdiction de certains aliments pour animaux) mais aussi le système de contrôle vétérinaire sur le marché intérieur (identification et enregistrement des animaux, création de postes d'inspection aux frontières), les mesures de contrôle des maladies animales et la santé publique vétérinaire. D'autres points gravement préoccupants sont les capacités administratives dans le domaine de la fiscalité, notamment la lenteur avec laquelle l'interopérabilité des systèmes informatiques est mise en œuvre ; la nécessité urgente de renforcer les structures institutionnelles et les mécanismes de gestion financière et de contrôle dans l'optique de la politique régionale et de la coordination des instruments structurels, de même que la pollution industrielle et la capacité administrative générale dans le domaine de l'environnement. Enfin, une action urgente s'impose dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, en particulier en ce qui concerne les préparatifs en vue de l'application de l'acquis de Schengen et de la gestion de la future frontière extérieure de l'Union européenne, ainsi que la lutte contre la fraude et la corruption, afin que la Roumanie soit prête pour l'adhésion à la date envisagée. »

A l'exception du dernier point concernant la police des frontières et la corruption, pour lequel on a déjà mentionné les évolutions favorables survenues ces derniers mois, il faut admettre que les critiques les plus lourdes figurant dans les précédents rapports ont disparu et qu'il ne subsiste que des questions mineures que les autorités roumaines s'attachent à résoudre.

On peut, d'ailleurs, se demander avec une certaine malice ce que donnerait un rapport de la Commission évaluant la situation d'Etats membres de l'Union depuis plusieurs décennies ...

1) Les marchés publics

Les institutions communautaires considèrent que « les procédures administratives et les systèmes de suivi et de contrôle des procédures de passation des marchés publics doivent être modernisées en profondeur ».

La Roumanie a conçu un plan d'action dans ce domaine et institué une autorité nationale pour la régulation et le suivi des marchés publics dépendant directement du Premier ministre. Elle devrait prochainement transposer par une ordonnance d'urgence les deux directives de 2004 (2004/17 et 2004/18) sur les marchés publics.

2) La propriété intellectuelle

En la matière, les structures administratives sont en place mais les capacités générales de mise en œuvre demeurent faibles. La Commission souhaite donc un renforcement de toute urgence de la lutte contre le piratage et la contrefaçon.

Un plan d'action sur les droits de propriété intellectuelle et industrielle est en vigueur depuis octobre 2005 et un service spécifique du Parquet a été établi auprès de la Haute cour de cassation et de justice en janvier 2006, regroupant dix procureurs. De même, un procureur spécialisé a été nommé dans chacun des 41 parquets régionaux.

3) La pollution industrielle

La Commission note que la capacité d'octroi de permis pour toutes les installations industrielles soumises à la directive sur la prévention et la réduction intégrées de la pollution (IPPC) représente un défi majeur, puisqu'en septembre 2005, 13 permis intégrés avaient été délivrés sur les 716 exigés à la date de l'adhésion.

A la suite de cette observation, le gouvernement roumain a adopté, en novembre 2005, une nouvelle réglementation et a recruté du personnel.

4) Les contrôles vétérinaires et phytosanitaires

Sur ce point, les critiques ne doivent pas être excessives. D'abord parce que la Roumanie a interdit la vaccination contre la peste porcine, conformément aux exigences européennes, depuis le 1er janvier 2006. Ensuite, car ce pays a eu le courage politique de fermer 161 établissements de transformation de viande animale depuis septembre 2005 et 94 unités de traitement du lait, soit respectivement 23 % et 18 % du total des installations concernées. Enfin, la Roumanie qui, à ce jour, est le pays européen le plus touché par l'épizootie de grippe aviaire, a fait preuve d'une efficacité exemplaire dans la prise en charge de cette crise, soulignée par tous ses partenaires.

En dernier ressort, les difficultés signalées dans les quatre secteurs précités relèvent toutes d'un même facteur, identifié depuis de longues années : l'insuffisance des capacités administratives roumaines.

B. L'insuffisance des capacités administratives pénalise surtout la Roumanie

L'adhésion à l'Union européenne impose de disposer d'une administration efficace. Déjà parce qu'il faut traduire et transposer dans le droit national les quelque 90 000 pages que représentent l'acquis communautaire (auxquelles s'ajoutent les 15 000 pages des arrêts « fondamentaux » de la Cour de justice des Communautés européennes). Ensuite - et surtout - parce qu'il faut être en mesure de gérer au mieux les ressources communautaires attribuées, dans un premier temps, au titre des aides de préadhésion, puis au titre des fonds structurels.

Pour l'heure, le bilan dressé par la Commission européenne n'est guère flatteur : « la fonction publique a encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir être qualifiée d'apolitique et de professionnelle ».

Cette appréciation globale mérite certainement d'être nuancée. Le chef de la délégation de la Commission à Bucarest a ainsi fait part au rapporteur de son jugement positif sur l'administration locale. Il existe également, au niveau central, des différences sensibles entre les ministères. L'adhésion peut d'ailleurs faire craindre le départ de quelques-uns des meilleurs agents publics vers les postes réservés au sein des institutions communautaires.

Le risque principal demeure néanmoins l'impossibilité d'employer la totalité des fonds communautaires.

1) La faible consommation des crédits de préadhésion

Dans cette phase de préadhésion, la Roumanie perçoit déjà des ressources provenant de trois instruments : le programme Phare (aides à caractère institutionnel), le programme Sapard (développement agricole et rural) et le programme ISPA (infrastructures dans les domaines de l'environnement et des transports).

Pour 2006, le montant total du budget communautaire pour la Roumanie est de 1,155 milliard d'euros. Or, il est certain que tout cet argent ne pourra pas être utilisé.

En 2005, le taux de consommation des crédits Phare a atteint 80 %, mais ce ratio n'était que de 20 % pour Sapard et seulement de 14 % pour ISPA. S'agissant de Sapard, les carences ne sont pas imputables au seul secteur administratif : une partie des crédits ne peut être accordée que si l'exploitant bénéficiaire contribue à l'opération pour au moins 50 % du financement du projet, ce qui se heurte aux difficultés d'accès aux crédits bancaires (3 % seulement des crédits accordés par les banques privées sont destinés à l'agriculture).

2) Un risque d'être contributeur net au budget de l'Union européenne ?

En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, la Roumanie devrait recevoir environ 31 milliards d'euros de fonds communautaires pour la période 2007-2013, soit plus de 4 milliards d'euros par an. Par ailleurs, dès la première année de son adhésion, elle devrait contribuer au budget de l'Union pour une somme approchant 1 milliard d'euros.

En principe, le bilan financier de l'adhésion devrait donc être largement positif pour la Roumanie. Pourtant, les difficultés d'absorption des fonds de préadhésion font craindre un bilan bien moins avantageux et on évoque même le risque de voir la Roumanie être contributrice nette au budget de l'Union en 2007.

Ce risque ne doit pas être exagéré, même s'il est exact que l'administration roumaine, accaparée par l'achèvement de la procédure d'adhésion, ne semble pas préparer suffisamment de projets pour l'utilisation des fonds structurels.

Des progrès sont néanmoins perceptibles depuis ces derniers mois. Ainsi, les capacités administratives de l'Agence de paiements et d'interventions, responsable de la gestion des fonds communautaires alloués à l'agriculture, sont montées en puissance : de 16 employés en janvier 2005, on est passé à 1 047 personnes en février 2006 et il est prévu d'atteindre un effectif de 3 900 employés en fin d'année. Dans ces conditions, M. Dacian Ciolos, conseiller du ministre de l'agriculture, a pu affirmer au rapporteur que la Roumanie serait aussi prête, lors de son adhésion, que ne l'étaient la Pologne ou la Hongrie en 2004. Surtout, il faut signaler que le chef de la délégation de la Commission européenne à Bucarest, M. Jonathan Scheele, a indiqué que son opinion sur la capacité roumaine à utiliser les fonds structurels était beaucoup plus positive aujourd'hui que dans le rapport de suivi d'octobre 2005, même s'il subsiste encore des difficultés.

C. L'absurdité de la clause de sauvegarde générale

Le traité d'adhésion - plus précisément les articles 36 à 42 de l'Acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la Bulgarie et de la Roumanie - prévoit une batterie de mesures de sauvegarde. La plus sévère, celle autorisant la Commission à proposer au Conseil le report de l'adhésion au 1er janvier 2008, apparaît inutile en pratique. En revanche, l'application de mesures de sauvegarde sectorielles ne peut être écartée a priori.

1) Un report de l'adhésion à 2008 n'aurait pas de sens

S'il apparaît clairement que l'état des préparatifs en vue de l'adoption et de la mise en œuvre de l'acquis est tel qu'il existe un risque sérieux que la Roumanie (ou la Bulgarie) ne soit manifestement pas prête à satisfaire aux exigences de l'adhésion dans les domaines de la politique de concurrence ainsi que de la justice et des affaires intérieures, le Conseil peut décider de reporter d'un an l'adhésion.

C'est du moins ce que prévoit le traité d'adhésion.

Plusieurs raisons rendent toutefois improbable la mise en œuvre de cette disposition.

En premier lieu, il importe de rappeler que les chefs d'Etat et de gouvernement se sont déjà prononcés pour l'adhésion en signant le traité d'adhésion et que plusieurs Etats l'ont déjà ratifié. La décision politique est donc prise. On ne voit pas pourquoi la Commission, qui en fin de compte n'est qu'un simple secrétariat, proposerait de retarder l'adhésion pour de simples problèmes d'ordre technique. Elle risquerait d'ailleurs de voir les Etats passer outre sa recommandation et y perdrait sa crédibilité.

En deuxième lieu, il serait difficile de justifier un report qui, en tout état de cause, ne peut être supérieur à une année, en arguant d'insuffisances dans les capacités administratives. Ce type de problèmes ne peut se résoudre que sur plusieurs années, comme le savent les Etats fondateurs de la Communauté européenne, qui s'étaient accordés de longues années pour achever leur adaptation au nouveau contexte communautaire.

Enfin, l'entrée de la Roumanie dans l'Union répond à une dynamique historique, qui ne peut être subordonnée à des difficultés techniques.

Le représentant de la Commission à Bucarest a d'ailleurs reconnu que la Commission n'avait jamais sérieusement envisagé user de cet instrument, qui a surtout été conçu comme un moyen de maintenir la pression sur les autorités roumaines.

C'est probablement de cette façon qu'il convient aussi d'interpréter aujourd'hui la disposition du traité d'adhésion, rendant plus aisée la mise en œuvre de la clause de sauvegarde générale à l'encontre de la Roumanie, par rapport à la Bulgarie. Il faut rappeler, en effet, que cette mesure lourde de conséquences ne pourrait être appliquée à l'encontre de la Bulgarie que si le Conseil était unanime, tandis qu'il suffirait d'une majorité qualifiée pour retarder d'un an l'adhésion de la Roumanie. Cette différence de traitement entre les deux pays candidats a pu être justifiée dans le passé par les retards roumains. Ce pays faisant désormais figure de meilleur élève que la Bulgarie, cette règle de vote spécifique apparaît inopportune.

2) L'application de clauses sectorielles ne serait pas stigmatisante

Hormis la clause relative au report de l'adhésion, le traité signé en avril 2005 comporte trois clauses de sauvegarde à caractère sectoriel, permettant à la Commission de prendre des mesures protégeant les autres Etats membres contre les effets négatifs d'une mise en œuvre incomplète de l'acquis communautaire durant les trois années suivant l'adhésion :

une clause de sauvegarde économique générale, pour pallier les difficultés graves et persistantes dans l'un ou l'autre secteur économique dans les anciens ou les nouveaux Etats membres. Elle ne se justifierait pas ;

- une clause de sauvegarde du marché intérieur, pour prévenir toute perturbation par la Bulgarie ou la Roumanie du fonctionnement du marché intérieur ou y remédier. Ces perturbations concernent les quatre libertés mais également la concurrence, l'énergie, les transports, l'environnement, les télécommunications, l'agriculture et la protection des consommateurs et de la santé (par exemple, la sécurité alimentaire), à condition qu'elles aient des effets transfrontaliers. Les mesures de sauvegarde peuvent aboutir à l'exclusion provisoire d'un nouvel Etat membre ou de ses citoyens et entreprises du bénéfice de l'appartenance à l'Union dans certains domaines particuliers, afin de préserver l'intégrité du marché intérieur et empêcher tout préjudice dans les autres Etats. Elle ne saurait être générale, tout au plus pourrait-elle être justifiée dans certains secteurs ;

une clause de sauvegarde relative à la justice et aux affaires intérieures, pour s'attaquer aux graves lacunes dans le domaine de la coopération en matière pénale et civile, notamment pour suspendre provisoirement les droits et obligations connexes prévus par l'acquis communautaire. Elle ne se justifierait pas.

Si la Commission estimait nécessaire d'activer la clause de sauvegarde pour une partie du marché intérieur, il n'y aurait pas lieu de s'en offusquer, car il s'agirait d'une application normale des règles communautaires. On peut d'ailleurs rappeler que des règles similaires existent pour les Etats membres et que, par exemple, la France avait décidé de suspendre les importations de viande de bœuf britannique lors de la crise de la « vache folle ».

Il est certain que la Roumanie pourra mieux se réformer et progresser en étant membre de l'Union européenne qu'en étant maintenue à l'extérieur. La pression des pairs et l'éventualité de recours en manquement susceptibles de déboucher sur des condamnations devant la Cour de justice des Communautés européennes constitueront de sérieuses incitations à évoluer et à combler les lacunes.

A titre d'exemple, le risque de voir la Commission, en qualité d'organe d'exécution du budget, refuser de débloquer des crédits issus du budget communautaire si la Roumanie n'offre pas les garanties nécessaires quant à sa capacité à les dépenser correctement, conformément aux exigences de la politique agricole commune ou des fonds structurels, devrait constituer un excellent argument pour améliorer les capacités administratives dans ces secteurs.

Comme le faisait remarquer au rapporteur M. Vlad Iliescu, secrétaire d'Etat à l'intégration européenne au ministère de la santé, on peut comparer la procédure d'adhésion avec le sport de haut niveau ; l'entraînement ne suffit pas, pour donner le meilleur de soi il faut participer à la compétition.

III. UN EFFORT A POURSUIVRE APRES L'ADHESION

Le 1er janvier 2007 ne sera pas une fin, mais une simple étape dans le processus d'intégration de la Roumanie à l'Europe communautaire.

Depuis 2004, la Commission reconnaît que la Roumanie satisfait au critère d'économie de marché viable. De bons résultats macro-économiques ont été enregistrés : la croissance du PIB a atteint 8,3 % en 2004, avant de retomber à 4 % en 2005 en partie à cause des importantes inondations subies par ce pays. Le taux officiel de chômage est d'environ 6 % ; l'inflation a chuté à 8,5 % après avoir atteint des taux supérieurs à 40 % jusqu'en 2000. Par ailleurs, on peut souligner que le constructeur automobile Dacia, appartenant au groupe Renault, a réalisé sa première année bénéficiaire en 2005 après cinq années de pertes, grâce au succès commercial du modèle « Logan » lancé en septembre 2004.

Pour autant, le PIB par habitant n'était, en 2004 que de 31,3 % de la moyenne de l'Union européenne à vingt-cinq en parité de pouvoir d'achat. Le salaire mensuel moyen est annoncé à 290 euros, mais le salaire minimum dans le textile est fixé à 90 euros. Un haut responsable de l'opposition confiait au rapporteur que 60 % des revenus de son couple étaient consacrés au paiement de sa facture de gaz. Il faut préciser cependant que l'économie souterraine est estimée à 50 % du PIB officiel, que la demande est soutenue par les capitaux envoyés par les nombreux expatriés en Espagne, en Italie ou en Israël (3,7 milliards d'euros en 2005 pour la partie transitant par le système bancaire) et que 97 % de la population est propriétaire de son logement.

En 2007, la Roumanie devra donc montrer qu'elle est capable de résister aux pressions concurrentielles au sein de l'Union européenne.

Les difficultés seront grandes pour les 1 100 entreprises qu'il a été impossible de privatiser jusqu'à présent. Le choc sera surtout rude pour le secteur rural particulièrement vulnérable. Par ailleurs, la revalorisation de la monnaie nationale fait planer une menace sérieuse sur les perspectives économiques de la Roumanie.

A. Un secteur rural vulnérable

L'agriculture occupe 37 % de la population roumaine. On a même observé à la suite de la fin de la collectivisation et de la restitution des terres dans les années 1990 une augmentation de la population agricole liée à la fermeture de nombreuses usines.

Outre son importance en termes démographiques, ce secteur se caractérise par la coexistence, d'une part, de nombreuses exploitations (environ 4,5 millions) disposant d'une surface moyenne de deux hectares et qui participent d'une économie de subsistance ignorant parfois les échanges monétaires et, d'autre part, de 23 000 exploitations couvrant à elles seules la moitié de la surface agricole utile, avec des tailles variant de 400 à 10 000 hectares, voire 50 000 hectares pour l'une d'entre elles.

Cette économie duale subira de plein fouet les conséquences de l'adhésion puisque les droits de douane existant aujourd'hui - qui peuvent atteindre des taux de 40 % - ou les contingentements seront supprimés.

Le choc ne touchera pas uniquement les micro-exploitations. Les grandes propriétés, souvent gérées comme les anciennes fermes d'Etat par des « directeurs d'exploitation », souffrent, pour la plupart, d'une faible productivité.

La Roumanie qui, sans aucun doute, est le pays d'Europe centrale et orientale ayant expérimenté le plus grand nombre de réformes agraires depuis la fin de la domination ottomane(5), tente de faire face à ces défis en cherchant encore et toujours à faire émerger une classe moyenne rurale.

Pour atteindre cet objectif, deux outils principaux sont utilisés. Il est d'abord prévu de verser une rente viagère de 100 euros par an et par hectare aux agriculteurs de plus de 60 ans propriétaires d'une superficie inférieure à 10 hectares qui accepteraient de vendre leurs exploitations à un autre paysan (la rente serait inférieure de moitié en cas de location). Il est ensuite proposé de dégager 200 millions d'euros destinés à être répartis sous forme de prêts à long terme par les banques, afin de surmonter les difficultés d'accès au crédit et de faciliter l'achat de matériels et d'animaux (ces fonds bénéficiant d'une garantie de l'Etat ne peuvent pas être utilisés en revanche pour l'achat de terres, sauf s'il s'agit de regrouper les terres d'une même famille).

L'agriculture roumaine devrait, en outre, profiter des aides liées à la politique agricole commune (PAC). On peut néanmoins s'interroger sur l'impact réel de ces aides compte tenu de la structure des exploitations du pays. Attribuées sur le seul critère de la surface, elles vont pour l'essentiel être accordées aux propriétaires des très grosses exploitations, avec une forte probabilité qu'elles ne soient pas réinvesties dans l'agriculture.

Même si la population agricole est généralement âgée - la moitié a plus de cinquante ans et un quart plus de soixante-cinq ans - on peut supposer qu'une partie sera tentée d'abandonner la terre pour mieux vivre.

Cette situation peut provoquer une émigration. On constate déjà des mouvements migratoires vers l'Espagne et l'Italie en particulier, pour des séjours temporaires généralement. Il faut rappeler, à cet égard, qu'au cours des deux premières années suivant l'adhésion, les Etats membres appliqueront des mesures nationales, ou des accords bilatéraux, visant à réguler l'accès des travailleurs roumains à leur marché du travail. Ces dispositions pourront être prorogées pour atteindre une période de sept ans au maximum.

Une autre alternative serait de pouvoir employer ces ruraux dans des entreprises locales. Or, l'attractivité économique de la Roumanie semble grevée par l'actuelle revalorisation du leo, la devise roumaine.

B. Les risques liés à la revalorisation de la monnaie

Depuis novembre 2004, la Banque nationale de Roumanie a abandonné sa politique de dépréciation administrée du change du leo, au profit d'une politique de ciblage de l'inflation. On a alors pu constater une rapide appréciation de cette monnaie, dont le taux de change est passé de 4,10 lei(6) pour 1 euro fin 2004 à 3,48 lei pour 1 euro au 1er mars 2006.

Cette évolution de la monnaie, conjuguée aux hausses des tarifs énergétiques, a provoqué une perte de compétitivité externe de l'économie roumaine. Plusieurs indicateurs illustrent ce fait :

- le ralentissement de la production industrielle (+ 2 % seulement en 2005) en particulier dans le secteur du textile (- 16 % dans ce seul secteur) où la hausse des importations chinoises et turques démontre la réduction des avantages comparatifs de la Roumanie ;

- le creusement du déficit courant qui s'élève à 9,4 % du PIB en 2005 ;

- la constatation des premières délocalisations vers l'Ukraine de certaines entreprises du secteur informatique.

La Roumanie conserve néanmoins quelques atouts. La réforme fiscale adoptée en janvier 2005 et visant à instituer une « cote unique » de 16 % pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés participe ainsi à son attractivité, puisque ce taux d'imposition est sensiblement inférieur à la moyenne constatée dans l'Union européenne pour la fiscalité des entreprises (31,4 % dans l'Union européenne à 15 et 27,4 % dans l'Union à 25).

Si la revalorisation du leo n'est pas encore dissuasive pour les investisseurs étrangers, il importe toutefois que les autorités roumaines surveillent étroitement ce facteur de compétitivité et veillent, par ailleurs, à accélérer les dépenses d'investissements d'infrastructures. Il est certain, par exemple, qu'une autoroute transversale reliant Constanta, sur la Mer Noire, à Oradea ou Arad, à la frontière avec la Hongrie, favoriserait grandement le développement de ce pays.

D'une façon générale, pour faire face aux conséquences de l'adhésion, la Roumanie devra - selon l'expression de M. Vasile Puscas, vice-président de la commission parlementaire pour l'intégration européenne et ancien négociateur en chef - « dépasser une frontière de mentalité politique, en transformant les acquis techniques en attitude politique générale ».

CONCLUSION

« Dans les grandes crises, où l'on connaît mieux

les sentiments des peuples comme des hommes, le cœur des Roumains

battit toujours pour la France, la France dont il avait adopté toutes

les institutions, toutes les lois. »

Nicolas Iorga

Cette seconde mission du rapporteur en Roumanie a permis de constater une évolution très positive de ce pays, qui ne se contente plus de plans d'action, ou de stratégies et peut faire valoir des résultats concrets, tant dans le domaine des droits politiques qu'en matière de concurrence ou de transposition de l'acquis.

L'adhésion au 1er janvier 2007 scellera les retrouvailles avec une nation qui par la culture et la géostratégie appartient incontestablement à l'Europe.

Lorsque la Roumanie a fait acte de candidature, la France a été le plus ardent défenseur de ce pays, avec lequel elle entretient depuis longtemps des liens étroits. Le prochain sommet de la francophonie, qui se tiendra à Bucarest en septembre 2006, illustre l'importance de nos rapports culturels. Si la langue française arrive désormais en seconde position dans l'enseignement roumain, elle n'en demeure pas moins pratiquée par un quart de la population. Cela souligne l'aberration de l'exigence communautaire ayant imposé l'anglais comme langue unique dans les transmissions d'informations entre l'administration roumaine et la Commission.

Le rapporteur a d'ailleurs vivement protesté auprès du Représentant de la Commission à Bucarest. Il demande que le gouvernement français en fasse de même à Bruxelles.

La proximité des relations franco-roumaines donne aussi à regretter que la France n'ait pas encore ratifié le traité d'adhésion, alors qu'à ce jour quatorze Etats membres ont déjà achevé cette procédure(7). Les interlocuteurs du rapporteur ont tous déploré ce qu'ils perçoivent comme un retard.

Notre pays a pourtant lancé la procédure de ratification, qui est encore dans sa phase administrative, précédant la transmission du projet de loi au Parlement. Nous avons fait le choix contestable d'attendre la publication du prochain rapport de la Commission, prévue pour le 16 mai prochain, alors même que nous savons que son contenu sera probablement positif, comme l'a encore rappelé le Président de la République lors du dernier Conseil européen, et qu'en tout état de cause notre décision à caractère politique n'est pas liée aux conclusions d'un document d'ordre administratif.

Il convient donc d'insister auprès du gouvernement français pour que le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la Roumanie vienne en discussion devant le Parlement en mai ou en juin 2006. Ce calendrier est techniquement envisageable et politiquement nécessaire.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le mardi 11 avril 2006, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. François Guillaume a estimé que la cause est entendue, mais a formulé deux observations.

Le secteur agricole roumain est très différent du secteur agricole bulgare : le potentiel agricole de la Roumanie la place juste derrière la France et la Pologne, et son adhésion risque donc de créer de graves perturbations dans la politique agricole commune (PAC).

Sous le régime de Nicolae Ceaucescu, une politique à visées expansionnistes incitait autoritairement les femmes à avoir des enfants très jeunes, allant jusqu'à conditionner leur accès à un emploi à la naissance d'un premier enfant. Les familles avaient la possibilité de placer les enfants dans des hospices. Ces enfants y vivaient dans des conditions déplorables, à tel point que, arrivés à l'âge adulte, entre le tiers et la moitié d'entre eux seulement pouvaient mener une vie normale hors de ces établissements. Les autorités roumaines ont eu beaucoup de peine à abolir la loi qui permettait ainsi aux familles de se séparer de leurs enfants, et même si la situation a un peu changé depuis cette abolition, l'habitude antérieure semble se perpétuer. M. François Guillaume a invité la Délégation à se référer au témoignage de M. François de Combret, président de l'association SERA (Solidarité Enfants Roumains Abandonnés). Il a souhaité que la position de la Délégation mentionne ce problème et demande son règlement.

Sur l'agriculture, le rapporteur a indiqué que, pour l'instant et pour plusieurs années encore, la Roumanie ne sera pas un compétiteur sérieux pour la France. Certes, historiquement la Roumanie a été le « grenier à blé » de l'Europe, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. La politique de regroupement des exploitations agricoles qui est menée actuellement va prendre beaucoup de temps avant d'atteindre des niveaux de productivité équivalant aux niveaux français. Une période transitoire est d'ailleurs prévue dans le traité d'adhésion en matière agricole.

Sur la question des enfants, la situation décrite par M. François Guillaume a été vraie pendant très longtemps, mais les progrès réalisés sont phénoménaux puisque le nombre d'abandons est passé de 4000 à 5000 par an il y a quelques années à 1141 abandons en 2005. L'action de la baronne Emma Nicholson, ancien rapporteur du Parlement européen, est à saluer. Par ailleurs, la situation démographique de la Roumanie est loin d'être favorable : la Roumanie voit sa population diminuer, comme l'Allemagne. On peut donc espérer que le problème des abandons disparaîtra de lui-même.

Mme Anne-Marie Comparini a salué les avancées réalisées par la Roumanie et la Bulgarie et a estimé qu'un report d'un an pour leur adhésion casserait leur motivation et n'apporterait rien. Néanmoins, comment faire bien comprendre que la ratification des traités d'adhésion n'implique en aucune façon que les deux pays pourront ensuite relâcher leurs efforts ? Un exemple, illustré par les problèmes rencontrés par l'Estonie pour mettre en place un corps de policiers aux frontières, est la nécessité de se doter d'une police des frontières efficace, ce qui va de pair avec la lutte contre la corruption. Même si la perspective pour ces pays d'intégrer l'espace Schengen est lointaine, ils doivent être conscients que toute avancée en termes de justice et de police des frontières profitera à tous.

M. Jean-Pierre Dufau, Président du groupe d'amitié France-Roumanie de l'Assemblée, a qualifié les deux rapports présentés de bonnes synthèses entre le cœur et la raison. Il est important de souligner que la ratification des traités d'adhésion ne pose problème à personne : or c'est la seule question qui est posée aux parlementaires français.

M. Jean-Pierre Dufau a constaté lui-même depuis 2002 la rapidité des progrès accomplis en Roumanie en termes économiques et en termes de réformes, et surtout la continuité de l'Etat roumain dans cette démarche, une même volonté au-delà des alternances politiques pendant cette période. Des réformes économiques courageuses ont ainsi été engagées depuis plusieurs années. Les responsables roumains, toutes tendances politiques confondues, sont unanimement en faveur de l'adhésion de la Roumanie à l'Union dans le délai prévu.

S'agissant de l'agriculture, l'application des mécanismes de la PAC posera effectivement des problèmes à ces deux pays dans un premier temps. Ils devront s'adapter aux critères européens. Mais il serait bon que, parallèlement, l'Europe elle-même s'adapte aux réalités de l'agriculture de ces deux pays, et leur applique ses critères avec progressivité. Il y a sur ce sujet une réflexion à mener.

S'agissant de la situation des enfants, des progrès considérables ont été faits, mais d'autres avancées restent à faire dans le domaine social.

Enfin, M. Jean-Pierre Dufau a souligné que la démocratisation en Roumanie a suscité l'émergence, trop lente, de la société civile, et notamment des organisations non gouvernementales (ONG).

En réponse le rapporteur, a estimé que la formation des personnels administratifs ne s'arrêterait pas à la signature du traité et que la Roumanie, comme d'ailleurs la France, devait faire face à certaines difficultés administratives qui peuvent encore persister. Il a ensuite évoqué les progrès très importants réalisés depuis deux ans en matière de coopération policière et judiciaire franco-roumaine et s'est félicité des résultats concrets qui ont été obtenus. En ce qui concerne l'efficacité de la police des frontières, il a évoqué les difficultés inhérentes à la réalité géographique d'une Union à 27 Etats membres. Il a souligné les insuffisances du système Schengen et déploré les rigidités de la coopération centralisée. Evoquant ensuite le chapitre agricole, le rapporteur a fait état des difficultés sociales que pourrait engendrées un exode rural si les populations concernées ne trouvaient pas d'emploi dans les villes. L'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne ne sera pas un long fleuve tranquille.

En conclusion du débat, le Président Pierre Lequiller a remercié le rapporteur pour la qualité de ses travaux. Il a rappelé que la Bulgarie et la Roumanie sont des pays amis avec lesquels la France entretient depuis longtemps des liens très forts. Sur le plan politique, il a souhaité qu'un avis favorable clair soit émis sur leur adhésion à l'Union européenne, tout en insistant pour que des progrès sensibles soient encore accomplis s'agissant des problèmes évoqués par le rapporteur, et dans la perspective de la publication prochaine du rapport de la Commission européenne. Il a également souhaité que le gouvernement français présente au Parlement, avant l'été, le projet de loi d'autorisation de ratification du traité d'adhésion de ces deux pays.

ANNEXES

Annexe 1 :
Carte de la Roumanie

Annexe-1

Annexe 2 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

¬ Lundi 6 mars 2006

- M. Leonard Orban, secrétaire d'Etat au ministère de l'intégration européenne, négociateur en chef ;

- Mme Mihaela Blajan, directrice pour les affaires générales de l'Union européenne, et M. Cristian Badescu du ministère des affaires étrangères ;

- Les conseillers français du commerce extérieur et plusieurs entrepreneurs français ;

- M. Istvan Jakab, secrétaire d'Etat à l'intégration européenne au ministère des finances ;

- M. Cyril Dewaleyne, jeune expert auprès de la délégation de la Commission européenne ;

- M. Philippe Boin, conseiller commercial et M. Georges Duhaupas, attaché douanier ;

- Mme Renate weber, vice-présidente de la fondation pour une société ouverte ;

- M. Victor alistar, président de la branche roumaine de Transparency international ;

- Mme Sofia oprescu, membre du groupe de dialogue social ;

- M. Sorin ionita, directeur exécutif de la société académique roumaine ;

- M. Mircea toma, rédacteur en chef de l'hebdomadaire satirique Academia Catavencu.

¬ Mardi 7 mars 2006

- M. Mircea Geoana, sénateur, président du Parti social démocrate et ancien ministre des affaires étrangères ;

- M. Vasile Puscas, vice-président de la commission parlementaire pour l'intégration européenne ;

- M. Hugues de Chavagnac, conseiller du Président de la République de Roumanie pour les affaires européennes ;

- M. Vlad Iliescu, secrétaire d'Etat à l'intégration européenne au ministère de la santé ;

- M. Dacian Ciolos, conseiller du ministre de l'agriculture ;

- M. Demolins, attaché de sécurité intérieure, M. Picard, attaché de sécurité intérieure adjoint, M. Despres, conseiller préadhésion gendarmerie.

¬ Mercredi 8 mars 2006

- M. Manson, attaché agricole, M. Coroner, assistant technique, M. Hamel, conseiller préadhésion agriculture ;

- M. Nicolae Berechet, secrétaire général au ministère de l'administration et de l'intérieur ;

- Mme Mariea Ionescu, présidente de l'agence nationale pour l'intégration des Roms ;

- M. Jonathan Scheele, chef de la délégation de la Commission européenne à Bucarest ;

- Mme Marie Leclair, magistrate, assistante technique au ministère de la justice ;

- Mme Monica Macovei, ministre de la justice.

*

* *

Le rapporteur remercie M. Hervé Bolot, ambassadeur de France à Bucarest, ainsi que tous les membres de l'Ambassade de France pour leur concours actif dans l'organisation et le bon déroulement de son déplacement en Roumanie.Annexe-1

Le rapporteur remercie M. Yves Saint-Geours, ambassadeur de France à Sofia, ainsi que tous les membres de l'ambassade de France, pour leur concours actif dans l'organisation et le bon déroulement de son déplacement en Bulgarie.

1 () Rapport d'information n° 1480, enregistré le 3 mars 2004.

2 () Cet indice fait référence à la perception du degré de corruption vu par les hommes d'affaires et les analystes du pays. Il s'étend de la note 10 (probité élevée) à la note 0 (très corrompu).

3 () La France a participé à trois des neuf jumelages PHARE ayant bénéficié à la police des frontières depuis 2000.

4 () Mariea Ionescu et Sorin Cace : « Public policies for Roma. Evolution and perspectives », Edition Expert, 2006.

5 () Christian Giordano : « Réformes agraires et tensions ethniques en Europe centrale et orientale », Etudes rurales n° 159-160, 2001.

6 () Pluriel de leo. Ce chiffre est donné en tenant compte de la réforme monétaire intervenue le 1er juillet 2005.

7 () République tchèque, Estonie, Grèce, Espagne, Italie, Chypre, Hongrie, Malte, Slovénie, Slovaquie, Lettonie, Royaume-Uni, Portugal et Lituanie.

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