COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 2

Jeudi 10 février 2005
(Séance de 9 heures)

Présidence de MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents

puis de M. Jean-Marie Le Guen, coprésident

SOMMAIRE

 

pages

- Désignation de rapporteurs

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- Audition de M. François Carayon, sous-directeur de la 6e sous-direction du budget au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

2

- Audition de M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale

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- Audition de M. Philippe Georges, président du comité exécutif des directeurs, et de M. Bernard Meunier, directeur de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a procédé à un échange de vues sur le déroulement de ses travaux au cours duquel sont intervenus MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents, Mmes Paulette Guinchard-Kunstler et Catherine Génisson, MM. Jacques Domergue, Jean-Pierre Door, Jean-Luc Préel et Laurent Wauquiez.

Puis, elle a désigné :

- M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour le thème d'études sur l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale, le thème d'études sur la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale dont il avait été précédemment chargé n'ayant finalement pas été retenu ;

- M. Jacques Domergue, rapporteur pour le thème d'études sur le plan biotox.

M. Pierre Morange, coprésident, a indiqué que les trois thèmes d'études fixés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour 2005 seraient examinés dans l'ordre suivant :

1. L'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale ;

2. Le plan biotox ;

3. Le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées.

Puis, après une réunion préparatoire avec la Cour des comptes, à laquelle a participé M. Michel Braunstein, conseiller maître, rapporteur général chargé de l'élaboration du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a procédé à des auditions sur l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale.

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* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu, sous la présidence de MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents, M. François Carayon, sous-directeur de la 6e sous-direction du budget au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous accueillons ce matin M. François Carayon dans le cadre de nos auditions sur l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale, dont M. Door sera le rapporteur, comme il le sera sur les recettes et l'équilibre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (PLFSS).

M. Michel Braunstein, conseiller maître à la Cour des comptes, nous a présenté rapidement les grandes lignes du dernier rapport de la Cour des comptes, qui traite plus particulièrement de ce sujet. Il a insisté sur la difficulté de piloter une machinerie fort complexe ; sur les conventions d'objectifs et de gestion (COG), qui sont d'excellents outils mais dont la mise en œuvre se heurte à un certain nombre de difficultés ; sur le caractère figé d'une organisation territoriale dont les déclinaisons locales garantissent la proximité mais dont la gestion est coûteuse ; sur la différence du nombre de points d'accueil entre les branches vieillesse et maladie ; sur l'inégalité entre les branches en ce qui concerne la gestion des ressources humaines ; sur la question de la productivité des branches et des indicateurs utilisés pour la mesurer.

Sur tous ces sujets, il sera intéressant d'avoir aussi le point de vue du ministère du budget.

M. François Carayon : En matière d'organisation et de suivi de la sécurité sociale, la direction du budget assure le suivi des finances publiques, ce qui la conduit à préparer la programmation pluriannuelle, le programme de stabilité, et à suivre à ce titre la loi de financement de la sécurité sociale. Elle exerce aussi, avec les services du ministère de la Santé, la tutelle financière sur les caisses nationales et sur les branches qu'elles pilotent. Dans ce cadre, la négociation des COG est très importante. La 6e sous-direction est celle qui s'occupe plus particulièrement des comptes sociaux.

Un certain nombre de graphiques vous ont été remis pour montrer le poids des coûts de gestion de la sécurité sociale.

Le premier rappelle que le poids des dépenses des administrations sociales est supérieur à celui des dépenses de l'Etat.

Le deuxième montre que les dépenses administratives du régime général -  9,9 milliards d'euros en 2004 - sont comparables à celles du ministère de l'économie et des finances - 9,5 milliards, avec des effectifs similaires, de l'ordre de 170 000 agents.

Le troisième établit que, depuis quatre ans, les frais de gestion du régime général augmentent plus vite que les dépenses de fonctionnement du titre III et les investissements directs du titre V du budget de l'Etat. On peut voir quatre explications à ce phénomène : les 9 300 recrutements rendus nécessaires dans les organismes du régime général par la réduction du temps de travail (RTT) ; le fait que la COG de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a été plus large que les autres ; le poids des dépenses informatiques liées à d'importantes modernisations ; l'anticipation, par 1 200 recrutements, des effets attendus du baby-boom sur la branche retraite.

Le quatrième graphique prouve que les effectifs de la sécurité sociale augmentent plus vite que ceux de l'Etat.

Le cinquième, relatif à la répartition par branche des dépenses de gestion administrative, montre le poids prépondérant des dépenses administratives de l'assurance maladie.

On voit enfin dans le sixième que les dépenses en personnel représentent les deux tiers du total des dépenses de gestion administrative.

M. Laurent Wauquiez : Cette répartition des dépenses administratives est-elle particulière ou similaire à celle des structures de l'Etat ?

M. François Carayon : Si l'on analyse uniquement les dépenses de fonctionnement et non les dépenses d'intervention, je pense que les répartitions sont assez proches.

S'agissant du jugement que l'on peut porter sur ces évolutions, je suppose que M. Michel Braunstein a évoqué devant vous les conclusions du rapport 2004 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, dont le travail approfondi nous sert de point d'appui pour la préparation des futures conventions d'objectifs et de gestion. La Cour signale ainsi des insuffisances en matière d'analyse stratégique et d'outils de pilotage par les têtes de réseaux et elle met en évidence les déséquilibres entre les objectifs des COG concernant la qualité de service qui sont prépondérants et ceux relatifs à l'efficacité. En parlant même d'« aisance financière », la Cour nous incite, ainsi que les autres tutelles, à une approche plus stricte dans les futures conventions. Elle nous pousse aussi à retenir un nombre restreint d'indicateurs, pour mieux mettre en évidence les priorités.

La Cour signale par ailleurs que l'organisation tant territoriale que fonctionnelle a peu évolué depuis cinquante ans, ce qui est à l'origine d'une dispersion des moyens.

Elle insiste également beaucoup sur la productivité, trop peu présente dans les conventions qui s'achèvent, en particulier dans celle de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS), qui ne prévoyait aucune réduction des coûts de gestion alors que cette branche représente 63 % des effectifs de la sécurité sociale. La Cour note toutefois qu'il existe des perspectives de gains de productivité, grâce aux investissements déjà réalisés et aux départs à la retraite attendus.

S'agissant de la gestion des ressources humaines, la Cour montre que les enveloppes sont assez larges, mais qu'il est nécessaire d'impliquer davantage les caisses nationales dans le pilotage des réseaux.

Les COG sont un bon outil, qui vise à responsabiliser les gestionnaires autour d'objectifs de performance, ce qui est tout à fait dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), que préfiguraient les ordonnances de 1996.

On peut toutefois porter une appréciation nuancée sur ces COG. Pour la branche retraite et le recouvrement, dans la perspective des départs en retraite, une contrainte plus forte s'est exercée sur les coûts de gestion. L'enveloppe de la branche famille a été plus confortable. Pour autant, l'effort de mise en place d'indicateurs de performance est manifeste. La CNAF a fait des progrès considérables dans la qualité de service et dans les outils. Les COG sont toujours dans un processus d'apprentissage : la deuxième génération s'achève, la troisième se prépare ; il y a de plus en plus d'indicateurs et il est possible de faire encore mieux dans le cadre de la négociation en cours, en particulier grâce à vos travaux et à ceux de la Cour des comptes.

La deuxième génération des COG a prévu l'intéressement des agents aux performances de la branche. C'est une avancée, même s'il faut aller encore plus loin.

La Cour évoque à juste titre la multiplicité et la faiblesse des indicateurs. Nous voulons des conventions assez précises pour qu'elles soient motivantes et efficaces, mais nous entendons aussi ne pas multiplier les indicateurs. Les directions du budget et de la sécurité sociale ont signé en 2004 une circulaire instituant un comité de suivi et de comparaison d'indicateurs de performance, en vue d'établir des indicateurs communs aux branches de la sécurité sociale et de faire progresser la réflexion.

Aujourd'hui, pour progresser, il convient d'abord d'améliorer les outils. Il faut que la troisième génération des COG offre une vision pluriannuelle, qu'elle donne plus de souplesse aux gestionnaires, à l'intérieur d'enveloppes désormais fixées pour quatre ans, et qu'elle améliore la visibilité du pilotage. En contrepartie, la branche doit prendre des engagements de performance et de respect des enveloppes limitatives, en évitant le recours aux avenants.

Pour la troisième génération des COG, les ministères semblent d'accord pour ne pas partir de la dernière année d'exécution, sur laquelle on observe les phénomènes classiques de consommation de tous les reports accumulés et de dépenses supplémentaires destinées à justifier des demandes d'augmentation des crédits, et pour négocier sur la moyenne de l'exécution précédente. Ils entendent aussi donner la priorité à l'efficacité et à la qualité.

Il est normal que la gestion administrative contribue au plan de redressement de la sécurité sociale, qui prévoit à ce titre 200 millions d'économies. Vous avez d'ailleurs adopté un amendement à la loi de financement pour 2005, qui fait figurer explicitement la productivité dans les objectifs.

La réduction des coûts ne se fait pas au détriment de la qualité du service. Ainsi, au sein de la branche famille, les services de meilleure qualité sont délivrés aussi bien par les caisses qui ont des coûts de gestion élevés que par celles dans lesquelles ils sont faibles.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous nous avez rappelé la croissance exponentielle des coûts de fonctionnement administratif des branches. Quelle est la réaction de la tutelle que vous exercez face à ce dérapage ? Quelles économies escomptez-vous des COG et de l'accent mis sur le rapport coût/efficacité et sur la productivité ?

M. François Carayon : On ne peut pas vraiment parler de dérapage, dans la mesure où les caisses se sont tenues aux enveloppes précédemment fixées en fonction des choix stratégiques et de l'objectif de renforcement de la qualité.

S'agissant des moyens d'action, notre responsabilité de tutelle est importante au moment de la négociation des COG. Nous arrivons au terme de la plupart d'entre elles, et l'année 2005 sera consacrée à la négociation des nouvelles conventions de la CNAF puis de la CNAMTS, compte tenu de l'avenant lié à la réforme de l'assurance maladie.

Il existe des leviers d'action et nous pouvons donc demander aux gestionnaires des caisses de faire des efforts d'efficacité, en tirant parti des investissements réalisés au nom de la qualité et qui se traduisent par une accélération du traitement des dossiers, grâce notamment, pour la branche maladie, à la liquidation électronique et au télétraitement SESAM-VITALE, et, pour la branche famille, à un important investissement dans le logiciel Cristal capable de gérer la totalité des prestations familiales. Il faut aussi rendre hommage à la branche retraite, qui a su, en s'en tenant à l'enveloppe initiale, faire face à l'afflux de dossiers lié aux possibilités de départ anticipé ouvertes par la loi d'août 2003. On le voit, des gains de productivité sont possibles.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelles réflexions vous inspirent les économies déjà réalisées grâce à ces leviers ? Vous permettent-elles de donner une estimation ?

M. François Carayon : Je serai prudent car les métiers diffèrent d'une branche à l'autre. Ainsi, pour la branche retraite, le gros du travail s'effectue au moment de la liquidation tandis que la branche maladie assure au quotidien le contact avec les assurés et avec les professionnels de santé. Même au sein d'une branche, les activités sont diverses, par exemple entre l'action sociale et le recouvrement. Il faut donc partir des missions et négocier cas par cas.

L'accélération très nette des départs en retraite, dont le nombre sera multiplié par 1,5 à 3, selon les branches, à partir de 2006, devrait permettre d'adapter les compétences aux nouveaux métiers et de gagner en efficacité. Grâce à l'informatisation, les personnels sont de moins en moins dévolus aux tâches automatiques et accèdent à des fonctions plus intéressantes, comme le conseil aux retraités ou les relations avec les professionnels de santé.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : L'organisation territoriale des caisses semble figée depuis 60 ans, avec un grand nombre de caisses locales. Pensez-vous, comme la Cour des comptes, qu'il sera nécessaire d'adapter le maillage territorial ?

Quels objectifs peut-on par ailleurs fixer pour rationaliser les réseaux ? Faut-il le faire au niveau seulement local ou aussi national ? Economiserait-on vraiment plus d'une centaine de millions d'euros en fusionnant les caisses d'un même département ? Quelle serait selon vous la bonne répartition des compétences entre caisses nationales et locales ?

Vous avez parlé d'efficacité et de productivité. Qu'envisagez-vous en matière de gestion prévisionnelle des emplois, grâce notamment à l'informatisation ?

Enfin, la double tutelle des ministères de la santé et du budget ne pose-t-elle pas de difficultés dans les négociations des COG avec les caisses nationales ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Vous assurez le contrôle d'organismes qui avaient jusqu'ici des missions assez proches, consistant surtout à ouvrir des droits et à les liquider. N'avez-vous pas l'impression qu'avec la révolution technologique les choses sont en train de changer profondément ? En tant qu'administration de tutelle, avez-vous une réflexion stratégique sur l'évolution des métiers d'ici cinq ou dix ans ?

Avec la réforme, l'assurance maladie se voit chargée de la régulation de l'ensemble de notre système de santé, du côté aussi bien des usagers que des producteurs, ce qui l'éloigne de ses missions antérieures. Dispose-t-elle des moyens nécessaires pour cela ? J'ai ainsi entendu dire qu'on allait recruter 700 personnes pour expliquer la réforme. Avez-vous des informations à ce propos ?

Vous n'avez pas du tout évoqué les régimes spéciaux. Considérez-vous qu'ils relèvent de cette discussion ?

Enfin, l'évolution des structures, avec par exemple la création de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM), entraîne-t-elle une réflexion sur la légitimité des modes de gestion ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler : Les comparaisons entre les branches sont malaisées mais utiles. J'aimerais aussi que l'on parle des caisses et des régimes spéciaux. Si une stratégie et des outils sont nécessaires, si le contrôle par la direction du Budget et la Cour des comptes est indispensable, il convient également de voir quelle place les différents régimes réservent au contrôle démocratique de gestion, en étudiant par exemple ce que fait la Mutualité sociale agricole (MSA).

M. Laurent Wauquiez : Les dépenses de gestion administrative ont augmenté de 5 % ces dernières années et le rapport de la Cour des comptes est extrêmement sévère, en particulier sur les carences de la tutelle exercée par le ministère du Budget. Si les enveloppes ont été tenues, leur définition ne mettait pas l'accent sur la modernisation - je préfère ce mot à celui de productivité, car le but est d'avoir à la fois un meilleur service et de moindres coûts - de la gestion. Comment envisagez-vous d'améliorer l'efficacité de votre tutelle pour avoir une vraie vision stratégique, mieux connaître les bonnes pratiques, effectuer des comparaisons internationales ? C'est la branche famille elle-même qui a enclenché la modernisation avec le système de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Votre sous-direction peut-elle devenir une force de proposition ?

M. Jacques Domergue : J'ai l'impression quelque peu étonnante qu'on en est encore à évaluer des indicateurs d'efficacité, qu'on constate sans cesse les dysfonctionnements et le peu d'efficacité de l'assurance maladie, mais qu'on s'en tient là, sans proposer de mesures qui permettraient de réels gains de productivité.

Comme dans nombre d'administrations, les charges de personnel représentent 67 % des dépenses. Comment expliquez-vous que, de 1997 à 2002, alors que les progrès techniques auraient dû entraîner une réduction des effectifs, c'est le contraire qui s'est produit ? D'ailleurs, si, comme vous l'avez dit, les effectifs sont comparables à ceux de Bercy, cela ne peut que me conforter dans l'idée que des gains de productivité sont possibles...

M. François Carayon : Vous m'interrogez sur le rôle des tutelles pour faire évoluer les choses. L'interprétation que nous avons de l'ordonnance du 24 avril 1996 qui a institué les COG est que nous n'avons pas à gérer les caisses à leur place. L'idée est de mener avec elles une réflexion stratégique, de définir des objectifs, avec des rendez-vous annuels d'évaluation et le contrôle systématique de la Cour des comptes. Le ministère de la santé a également demandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de faire le bilan des COG précédentes.

S'agissant de la double tutelle, nous essayons de nous répartir les rôles : le ministère des finances n'est pas le mieux placé pour porter un jugement ou pour définir des objectifs de service des prestations sociales. Il lui revient de fixer des indicateurs d'efficacité et de définir l'enveloppe. Sans doute n'avons-nous pas pesé assez sur la deuxième génération des COG, qui ont surtout mis l'accent sur la qualité de service et dont les objectifs ont été atteints. Les nouvelles conventions mettront l'accent sur l'efficacité, sans que la qualité s'en trouve dégradée, au contraire, grâce aux nouveaux outils techniques.

Il est difficile de répondre à vos questions sur l'organisation du réseau : je mesure l'importance de la bonne gouvernance de la sécurité sociale mais, en tant qu'expert financier, je ne puis me prononcer sur son organisation. Je constate toutefois, d'un point de vue technique, qu'il y a un lien entre la taille et le coût de gestion des structures. Compte tenu du poids des coûts fixes, mieux vaut éviter des organes de trop petite taille, qui sont en outre moins efficaces. On ne saurait pour autant en conclure que seuls les organismes de grande taille sont performants. Il faut rechercher un équilibre.

Des démarches d'efficacité très concrètes ont été menées. Elles peuvent être encore développées par des coopérations entre les caisses, y compris entre régime général et régimes spéciaux. On peut aussi faire le choix de la spécialisation, tel a été le cas avec la PAJE : l'option du lieu unique de traitement traduit une démarche pragmatique d'adaptation de l'organisation à un besoin particulier. Dans d'autres cas, le pilotage par la caisse nationale peut être utile. C'est le cas de l'accueil téléphonique, qui permet des gains de productivité tout en améliorant la qualité du service rendu à l'usager, qui n'a plus à faire la queue à un guichet. Les caisses nationales peuvent ainsi définir des stratégies et mutualiser les bonnes expériences.

Enfin, aucune demande budgétaire n'ayant été formulée en vue de l'éventuel recrutement de 700 agents qu'a évoqué le coprésident Le Guen, il ne pourrait avoir lieu que dans le cadre de l'enveloppe actuelle, sous la responsabilité des gestionnaires de la caisse.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Je vous remercie d'avoir répondu à nos questions.

*

* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu, sous la présidence de M. Jean-Marie Le Guen, coprésident, M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Je vous remercie, monsieur le Secrétaire général, d'être venu à notre invitation, et je vous propose de nous faire une brève présentation liminaire.

M. François Monier : Je ne suis pas certain d'avoir beaucoup à apporter à votre Mission, n'étant qu'un observateur extérieur, nullement impliqué dans la gestion même de la sécurité sociale. Je crois que vous connaissez comme moi, grosso modo, les données.

Les dépenses de gestion administrative du régime général s'élevaient en 2004 à une dizaine de milliards d'euros, dont 60 % pour l'assurance maladie, 20 % pour la branche famille, 10 % pour la branche vieillesse et 10 % pour le recouvrement. Les coûts de gestion ont relativement peu augmenté en 2004, mais ils avaient beaucoup augmenté au cours des trois années précédentes, notamment du fait de la loi sur la réduction du temps de travail (RTT) et des créations d'emplois qui l'ont accompagnée. Ces montants, rapportés à celui des prestations, varient beaucoup selon les branches : environ 5 % pour la CNAM, 3,2 % pour les prestations familiales, 1,3 % pour la CNAV, 0,5 % pour le recouvrement. Cela traduit naturellement des différences de métier : il est plus facile de recouvrer des masses importantes ou de verser des pensions fixes que de rembourser des soins acte par acte.

Je me suis également penché sur les comptes des différents régimes, en portant mon attention sur le poste des charges de gestion courante. Ce n'est pas exactement la même chose que les coûts de gestion administrative : ces derniers sont un concept budgétaire, qui sert à définir des enveloppes. Il y a donc des éléments de l'un qui ne figurent pas dans l'autre, et inversement. Cela dit, pour le régime général au moins, les deux chiffres, en 2004, ne sont pas très éloignés : 9,6 milliards dans un cas, 9,9 dans l'autre.

Ce qui est intéressant, c'est d'étendre l'analyse aux autres régimes, dont les charges de gestion courante se sont élevées à 2,5 milliards en 2004. Mais il faut être très prudent lorsque l'on compare ces régimes entre eux, car les charges ne sont pas les mêmes. Certains régimes sont relativement coûteux : c'est le cas du régime agricole, mais aussi, à un degré moindre, des régimes des non-salariés non agricoles - la CANAM, par exemple, a des frais de gestion qui représentent environ 4 % de ses prestations. Une lacune importante est l'absence de toute donnée sur les pensions des fonctionnaires de l'Etat ; la CNRACL, par contre, est prise en compte.

Voilà pour les chiffres. Sur le reste, c'est-à-dire sur le fond des choses, je ne puis avoir qu'un avis personnel, qui n'engage évidemment que moi. Ce que je constate, c'est que les organismes de base sont très nombreux et que leur localisation géographique est figée depuis longtemps, très peu de regroupements ayant été opérés - trois seulement, en ce qui concerne les URSSAF... Les progrès de productivité sont médiocres, du fait de la réduction du temps de travail (RTT), mais aussi, dans certains réseaux, de l'amélioration, évidemment souhaitable, du service rendu. Le pilotage par l'Etat a fait de grands progrès, notamment grâce aux conventions d'objectifs et de gestion, mais il reste largement perfectible. Il ne semble pas qu'il y ait une contrainte budgétaire très forte...

Pour l'avenir, l'informatisation permet la dématérialisation d'un nombre croissant de transmissions, et le renouvellement considérable des effectifs qui va intervenir au cours des prochaines années permettra de mieux ajuster les moyens aux missions. Il y a donc un potentiel important, qu'il s'agit maintenant de traduire dans les conventions d'objectifs et de gestion. Il faut continuer à améliorer les outils de pilotage - en renforçant le rôle des directeurs de caisses - et de gestion des ressources humaines. Il faut aussi opérer des rapprochements, voire des fusions ; or, on manque d'études sur la taille optimale des organismes de base. Le sujet est extrêmement délicat, car il y a d'énormes résistances, d'ailleurs bien compréhensibles. Il faut que cela se fasse sans dégrader la qualité du service, et je crois que c'est possible ; c'est l'enjeu des prochaines années que de remettre au premier plan cette question des gains de productivité. Il y a des exemples, en dehors du régime général, où ceux-ci sont allés de pair avec l'amélioration du service rendu : c'est le cas du recouvrement unique des cotisations des indépendants, qui va apporter à la fois une simplification considérable aux ressortissants des régimes et un gain de productivité à ces derniers.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Savez-vous quel est le patrimoine immobilier des caisses et comment il se répartit ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Et comment il a évolué à la suite du plan Juppé ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Avez-vous également des données sur les avantages en nature - véhicules, logements... - des dirigeants de caisses ?

M. Jacques Domergue : Sur les voyages en Chine, par exemple...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Y a-t-il, par ailleurs, externalisation de certains services : centres d'appel, ménage, maintenance ? Enfin, dispose-t-on de comparaisons avec les autres pays ?

M. François Monier : Sur le patrimoine immobilier, il faut que je regarde ce qu'il y a dans le bilan des caisses. Je vous transmettrai les informations.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : C'était tout de même l'un des éléments du plan Juppé : on en attendait un gain d'un milliard... Il serait intéressant de voir quelle a été l'évolution de ce patrimoine.

M. François Monier : Il me semble me souvenir que l'objectif a été largement atteint. Peut-être la Cour des comptes pourrait-elle nous le dire...

M. Michel Braunstein, Conseiller maître à la Cour des comptes : Cela nécessiterait une enquête complète de la Cour. J'y suis depuis 2001, et à ma connaissance il n'y a pas eu de synthèse récente sur ce sujet.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Il serait tout de même étonnant que M. Juppé ait fixé un objectif d'économies sur le parc immobilier et que personne ensuite ne soit en mesure de dire ce qui a été fait...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler : Je comprends que vous n'ayez pas tous les chiffres, mais j'espère que les caisses et les branches les ont...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Dans toute comptabilité, il y a tout de même les immobilisations !

M. Laurent Wauquiez : Pourrez-vous nous expliquer comment fonctionne la Commission des comptes de la sécurité sociale ? Quels sont vos outils, et quelle est votre capacité à assurer le suivi des dépenses administratives, des immobilisations, des amortissements ?

M. François Monier : S'agissant des cessions réalisées à la suite du plan Juppé, je n'ai pas les chiffres en mémoire, mais je crois me souvenir qu'à un moment on a constaté que l'objectif était atteint. Les données existent donc. Quant à la valeur du patrimoine actuel, je ne sais pas si on l'a, mais les caisses l'ont, et donc on peut l'avoir.

M. Laurent Wauquiez : Pouvez-vous être un peu plus précis ? Certes, la Commission des comptes se prononce seulement sur la certification des résultats, mais il doit bien y avoir aussi quelque chose qui ressemble à une comptabilité analytique...

M. François Monier : Le rôle de la Commission des comptes est de rassembler les comptes des organismes, dans une optique plutôt macro-économique, en mettant en évidence les grandes tendances pour les recettes, les dépenses, les soldes, les perspectives financières, et en servant de cadre à la préparation de la loi de financement. Nous essayons de progresser dans notre connaissance des bilans, mais cela reste limité. La comptabilité analytique, le contrôle de gestion sont davantage de la responsabilité de la Cour des comptes : la Commission des comptes a un effectif très réduit, et sa mission est de centraliser et de commenter les comptes, non de les contrôler.

M. Laurent Wauquiez : Si je comprends bien, non seulement on en est encore à une comptabilité de résultats, mais il n'y a pas vraiment de comptabilité analytique. Les caisses, elles, en ont une, mais qui l'exploite ? Je crains qu'on ne soit tenté de penser que les frais de gestion, rapportés à cette énorme masse financière, sont un enjeu somme toute mineur, alors qu'il s'agit tout de même de montants non négligeables.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Il n'y a pas eu de plan de redressement qui n'ait comporté un chapitre là-dessus, même si c'était marginal.

M. François Monier : Il y a eu des progrès, mais il reste encore du chemin à faire. La convention d'objectifs et de gestion de 1996 s'est traduite par une relative aisance budgétaire. De même, les pouvoirs supplémentaires donnés aux directeurs de caisses nationales ne sont pas encore suffisants : ils doivent certes approuver les budgets des organismes locaux, mais ce n'est pas encore très contraignant.

M. Georges Colombier : Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. François Monier : Il y a des enveloppes budgétaires, mais qui ne sont pas calculées de façon très contraignante.

M. Michel Braunstein, Conseiller maître à la Cour des comptes : François Carayon a été très clair tout à l'heure : actuellement, on se base sur les crédits de la dernière année, qui incluent des reports. Et il a indiqué qu'il faudrait à l'avenir prendre la moyenne d'exécution sur toute la durée de la convention, et non plus seulement la dernière année.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Comme nous avons nous-mêmes pris du retard dans nos propres questionnements, nous avons surtout parlé à M. Carayon de la masse salariale et des immobilisations, mais il faudrait parler aussi de la valeur des programmes informatiques. Il faudra le faire revenir.

M. François Monier : Les possibilités de reports et la fongibilité des crédits font en effet que l'enveloppe n'est pas très contraignante. Il y a des règles qui s'appliquent aux organismes locaux, mais elles ne sont pas tellement respectées en pratique.

M. Georges Colombier : Cela signifie-t-il qu'il y a des améliorations à apporter sans nuire à la qualité du service ?

M. François Monier : J'en suis persuadé.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Je sais que vous ne faites que constater l'application des lois de financement, mais êtes-vous outillés pour mesurer les charges nouvelles qui pèsent sur l'assurance maladie ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler : Cela vaudrait la peine, je le pense aussi, d'entendre une nouvelle fois M. Carayon.

Nous voyons bien que vous avez la capacité d'évaluer les grandes masses, mais les enjeux sont très importants aussi, nous en sommes persuadés, au niveau des organismes locaux. Selon les éléments dont vous disposez, quelles sont les directions dans lesquelles on peut aller, au niveau national et local, pour améliorer la gestion ? J'insisterai beaucoup, quant à moi, pour que l'on fasse des comparaisons, non pas seulement par branches, mais par caisses, afin de mieux comprendre comment les choses se passent.

M. Jacques Domergue : Cela doit tout de même être un peu frustrant de faire des rapports dont vous savez qu'ils n'auront aucune conséquence directe l'année suivante ?

M. Laurent Wauquiez : C'est, en réduction, tout le problème de la réforme de l'Etat. Il est regrettable que les raisonnements en termes globaux se traduisent généralement par des suppressions en zones rurales et par une concentration accrue dans les grandes agglomérations. On élude ainsi toute réflexion sur les bénéfices à retirer de la mutualisation, de l'utilisation de l'outil informatique. Il y a là une totale absence d'imagination.

M. Michel Braunstein, Conseiller maître à la Cour des comptes : J'ai évoqué, dans ma petite synthèse, lors de la réunion préparatoire, ce qui relève de l'organisation des caisses, où il est difficile de modifier les choses, et ce qui relève des structures de proximité, où il y a un gisement important de progrès de productivité, couplés à une amélioration de la qualité du service. Si l'assurance vieillesse qui doit liquider chaque année environ 500 000 retraites a 2 000 points de proximité et l'assurance maladie qui a à faire à plusieurs millions d'usagers en a 1 500, cela doit tout de même conduire à se demander quel est le maillage territorial optimal, en sachant naturellement que ce qui est optimal pour une caisse ne le sera pas forcément pour une autre.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : On n'en est pas encore là... La question de Mme Paulette Guinchard-Kunstler est fondamentale. Avant de faire des comparaisons par pays ou par branche, il faut commencer par en faire entre caisses, notamment pour ce qui est des coûts de gestion. La première chose à faire est donc de demander à la direction de chaque caisse de nous fournir ces éléments. Et il faudra aussi qu'on nous explique ce qui se passe dans des structures qui sont « hors caisses ». Est-ce que Bercy ou la Cour des comptes ont des éléments là-dessus ?

M. Michel Braunstein, Conseiller maître à la Cour des comptes : Nous avons des données, mais elles ne peuvent évidemment toutes figurer dans une synthèse en 150 pages. Nous avons des éléments de comparaison inter-caisses, mais nous avons seulement cité les plus intéressants.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Il faut en tout cas que nous ayons ces informations, de façon transparente et certifiée. M. Monier, pouvez-vous dire quelques mots de conclusion ?

M. François Monier : Ce qu'a dit M. Michel Braunstein est très important. Il faut souligner que beaucoup de structures de proximité se sont développées ces dernières années. Parmi les quelques 500 organismes disposant d'un conseil d'administration, certains sont très gros, certains sont tout petits. On devrait pouvoir en réduire le nombre sans que la qualité du service rendu aux usagers baisse, dès lors que la densité des points d'accueil reste la même. Le territoire optimal n'est pas forcément le département : il peut être plus petit ou plus grand. Or le maillage est resté figé depuis cinquante ans.

Les comparaisons entre caisses sont évidemment indispensables. C'est surtout du ressort de la Cour des comptes, même si je l'ai un peu fait à ma modeste échelle : dans le rapport de la Commission des comptes, vous trouverez, pour chaque régime, les prestations, les effectifs et les charges de gestion courante.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Et les transferts ? D'une façon générale, avez-vous vocation à faire un tableau des entrées-sorties ?

M. François Monier : Non. Nous avons vocation à calculer l'impact de toute mesure nouvelle, concernant notamment les relations entre l'Etat et la sécurité sociale. Cela fait partie explicitement du mandat de la Commission des comptes.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Êtes-vous demandeur d'un élargissement de vos compétences ?

M. François Monier : Ce n'est pas à moi d'en juger. La construction actuelle est toutefois un peu ambiguë. Elle est peu coûteuse, car la Commission emploie très peu de monde, dont un seul magistrat issu de la Cour des comptes. C'est surtout de cette dernière que relèvent les tâches de contrôle proprement dites.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : La question est fondamentale, mais elle échappe quelque peu à notre ressort. Il serait peut-être temps de doter notre pays d'une structure plus indépendante, qui assure l'ensemble de la certification des comptes.

M. Michel Braunstein : L'article 64 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (LOLF) le prévoit, et le prochain rapport de la Cour des comptes évoquera longuement cette question.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu, sous la présidence de M. Jean-Marie Le Guen, coprésident, M. Philippe Georges, président du comité exécutif des directeurs, et M. Bernard Meunier, directeur de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : En l'absence de M. Pierre Burban, Président du conseil d'orientation de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS), dont je regrette qu'il n'ait pu être présent, je souhaite la bienvenue à M. Philippe Georges, Président du comité exécutif des directeurs, et à M. Bernard Meunier, Directeur de l'UCANSS, organisme parfois considéré comme l'employeur des personnels des caisses de sécurité sociale. Ils nous diront comment l'UCANSS accomplit ses diverses missions, quel est son champ d'action et si, selon eux, la gestion « interbranches » a encore une raison d'être ou si l'UCANSS, principalement chargée de la gestion des conventions collectives, est ou non une survivance historique.

M. Philippe Georges : C'est en ma qualité de directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) que je pensais m'exprimer devant vous sur l'organisation et les coûts de gestion des réseaux, questions qui sont du ressort des branches du régime général, et non pas directement de l'UCANSS. L'UCANSS, regroupement des caisses nationales, n'a pas le même statut qu'elles, puisque c'est un organisme de droit privé sous la tutelle de l'Etat. Sa fonction première est de gérer les relations sociales et de faire évoluer les deux conventions collectives uniques : celle des employés et des cadres d'une part, celle des agents de direction d'autre part. S'agissant des premiers, un important accord a été signé il y a quelques mois et une négociation non moins importante va s'engager dans les prochains jours pour redéfinir les conditions de rémunération des agents de direction. La centralisation est d'autant plus nécessaire que l'ensemble du personnel est très attaché au principe d'une convention unique, toutes branches du régime général confondues, applicable sur tout le territoire.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : La fluidité du passage des salariés de caisse à caisse est-elle réelle ? En existe-t-il beaucoup d'exemples ?

M. Philippe Georges : Cela se produit, et ces passages sont effectivement facilités par l'existence d'une convention collective unique ; il est, de fait, plus compliqué pour un salarié de passer d'un régime à un autre, en raison d'obstacles statutaires ou financiers. Cela dit, les rigidités culturelles font que la mobilité est loin d'être parfaite et nous sommes parfois obligés de batailler pour que les avis de vacances de postes ne soient pas assortis de commentaires précisant que les candidats devraient venir de telle ou telle caisse...

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Nous vous serions reconnaissants de nous fournir le chiffre des flux, internes et externes, des personnels...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : ... ainsi que la pyramide des âges des agents, pour savoir si des progrès dans la gestion prévisionnelle du personnel peuvent être envisagés.

M. Philippe Georges : Ces données montrent qu'un nombre considérable de départs à la retraite auront lieu au cours des années qui viennent. Cette tendance donne une dimension toute particulière à la négociation des conventions d'objectifs et de gestion entre l'Etat et les caisses, puisque c'est dans ce cadre que se règle l'évolution des effectifs. Ainsi la CNAF négocie actuellement sa convention pour les années 2005 à 2008.

M. Bernard Meunier : Les missions de l'Union ont été réaffirmées et étendues par la loi de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2001 et par le décret du 6 mars 2002. Depuis sa création, en 1968, l'UCANSS est chargée de la négociation, de la conclusion et de la gestion des deux conventions collectives interbranches du régime général. C'est ainsi que, le 30 novembre 2004, un accord a été signé qui traduit une évolution culturelle majeure, puisque l'on est passé d'une rémunération individuelle très majoritairement fondée sur l'ancienneté, et donc automatique, à tout autre chose : une rémunération dont la partie fondée sur l'ancienneté est très réduite, et à laquelle s'ajoutent, à chaque niveau de qualification, des « points de compétences » attribués au terme d'un entretien individuel d'évaluation devenu obligatoire.

Pour ce qui est de la pyramide des âges, l'évaluation précise de l'évolution démographique menée par l'UCANSS depuis une décennie a permis à chaque organisme de base d'établir des projections. De mémoire, un tiers du personnel de la sécurité sociale, toutes qualifications confondues, partira à la retraite entre 2006 et 2010, les départs étant d'autant plus massifs que le niveau de qualification s'accroît.

L'UCANSS a d'autre part une grande expertise en matière de formation professionnelle, expertise mise au service des caisses nationales et des services transversaux. Depuis dix ans, un effort de professionnalisation considérable a été mené pour développer les compétences de tous les personnels, qu'il s'agisse des agents en place ou des nouveaux recrutés. L'UCANSS forme ainsi quelque deux mille techniciens par an, toutes branches confondues ; un effort particulier concerne les cadres, conformément aux dispositions de l'accord sur la formation professionnelle de 1993, dont la renégociation vient de s'engager.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Le Medef est-il présent à l'UCANSS ?

M. Philippe Georges : Non, pas davantage qu'il ne l'est aux conseils d'administration de la CNAVTS et de la CNAF.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Combien de salariés compte l'UCANSS ?

M. Bernard Meunier : L'organigramme comprend 230 salariés, tous de droit privé ; l'effectif permanent s'établit entre 215 et 220 personnes.

M. Georges Colombier : Quelle est la politique de formation professionnelle ? Existe-t-il des orientations annuelles générales, ou se fait-elle en fonction des demandes exprimées par le personnel ?

M. Bernard Meunier : Chacun des quelque 600 organismes de base est indépendant, mais l'UCANSS participe à la mise en œuvre de la politique de formation par l'offre d'une gamme de formations nationales très variées, destinées à l'ensemble des personnels. Les directeurs, dont chacun définit le plan de formation de son organisme, disposent ainsi d'une importante offre de formation institutionnelle.

M. Georges Colombier : Comment se fait la répartition ?

M. Bernard Meunier : De manière constante depuis dix ans, le taux global de participation à la formation, toutes branches confondues, est de 5 %, ce qui est important ; le taux varie toutefois selon les branches et les projets. On notera que, contrairement à ce qui se passe dans les entreprises privées, les petits organismes - les URSSAF par exemple - ont souvent le taux de participation à la formation le plus élevé. C'est que les caisses doivent former tous les nouveaux recrutés aux métiers de base, qu'ils ne connaissent pas.

M. Georges Colombier : L'offre de formation correspond-elle uniquement aux besoins de chaque organisme considéré, ou un salarié peut-il envisager une formation tournée vers l'extérieur ?

M. Bernard Meunier : Cela relève de chaque directeur de caisse. Mais, dans les caisses où les entretiens professionnels se pratiquent déjà, ils sont largement consacrés aux besoins en formation, évalués tant par la hiérarchie que par le salarié lui-même. Cela permet ensuite à la direction des ressources humaines de l'organisme considéré d'accepter, ou non, les demandes présentées, en fonction des besoins des services, y compris lorsque s'exprime une demande de mobilité, particulièrement pour les niveaux de qualification les plus élevés. De plus, comme ailleurs, les salariés peuvent bénéficier du congé individuel de formation.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : La politique des rémunérations est-elle fondée sur l'ancienneté, les primes, le mérite ? Existe-t-il des avantages en nature dans certains corps ?

M. Bernard Meunier : Il convient de distinguer le système en vigueur jusqu'au 31 janvier 2005 et celui qui découle de l'accord signé le 30 novembre 2004 et entré en vigueur le 1er février, sachant qu'il existe toujours trois niveaux de qualification pour les employés et six niveaux pour les cadres ; après quoi, on passe aux agents de direction.

Jusqu'au 31 janvier 2005, la rémunération de base était calculée en multipliant le coefficient de base de la qualification, exprimé en points, par la valeur du point ; s'appliquait ensuite une augmentation automatique d'ancienneté de 2 % par an dans la limite de 40 %, et une notation annuelle permettait, dans la limite d'un quota égal à 40 % du personnel, d'obtenir encore 2 % d'échelon supplémentaire. De plus, un nouvel élément de rémunération avait été introduit en 1993, premier avatar du concept de rémunération de la compétence : la possibilité d'attribuer de trois à quatre « degrés » liés à des développements de compétences correspondant à des qualifications précises. L'attribution de ces niveaux supplémentaires de rémunération faisait l'objet d'un entretien d'évaluation permettant de s'assurer que la compétence requise était acquise. A ces éléments de rémunération s'ajoutait l'augmentation collective des salaires. On voit que, dans ce système, l'ancienneté avait un poids considérable dans la rémunération.

Le coefficient de base par qualification existe toujours, et il a même été relevé pour tenir compte du fait que celui des qualifications les plus basses était inférieur au SMIC. Mais, depuis le 1er février 2005, on est passé de la notion d' « ancienneté » à celle d'« expérience », et l'augmentation n'est plus de 2 % mais de 2 points pour tout le monde, avec un maximum de 50 points. A également été instituée une « plage salariale » qui traduit, chaque année, l'attribution de « points de compétence » à 25 % de l'effectif, attribution qui repose sur une évaluation objective et mesurée du développement des compétences de chaque salarié, au terme d'un entretien d'évaluation. Autrement dit, il ne suffit pas de faire bien son travail, il faut aussi améliorer son expertise juridique, technique ou relationnelle. La rémunération individuelle est donc de moins en moins liée à l'ancienneté.

M. Georges Colombier : Voilà qui souligne l'importance de la formation professionnelle.

M. Bernard Meunier : Effectivement. C'est dire l'importance de la concordance entre l'accord signé le 30 novembre 2004 et la négociation sur la formation professionnelle qui s'engage, orientée vers le développement des compétences mis en avant dans la loi du 4 mai 2004. Notre objectif est bien entendu que le service rendu au public et aux partenaires soit le meilleur possible.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Outre la négociation des conventions collectives, quelles sont les missions de l'UCANSS ?

M. Philippe Georges : Elle a aussi un rôle d'expertise immobilière.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Elle connaît donc le patrimoine immobilier de la sécurité sociale ?

M. Philippe Georges : Il est connu au niveau des branches, puis centralisé. Les opérations immobilières sont décidées par chaque caisse dans le cadre de son plan de financement propre, mais elles recourent à l'UCANSS pour des expertises techniques. Le mécanisme est toujours le même : l'UCANSS fait office de GIE et mutualise les moyens, mais les décisions d'opportunité et la gestion relèvent de chaque réseau.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : La mission se penchera avec un grand intérêt sur l'inventaire du patrimoine immobilier de la sécurité sociale et sur son évolution.

M. Philippe Georges : Nous vous communiquerons le nombre des immeubles et leur surface respective, mais je ne suis pas certain que ce patrimoine immobilier soit valorisé.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Sans nul doute, l'ensemble des actifs immobiliers figure dans les comptes administratifs.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Comment l'UCANSS est-elle financée ?

M. Bernard Meunier : Pour la gestion administrative, c'est-à-dire les frais de personnel, par une contribution des caisses nationales : 69 % provenant de la CNAMTS, 22 % de la CNAF et 9 % de la CNAVTS. L'Union dispose aussi d'une ligne budgétaire libellée « services rendus », car elle passe des marchés avec des imprimeurs, notamment pour les imprimés de l'assurance-maladie, les fait fabriquer et les vend aux caisses primaires, ce dont elle tire des produits. Les caisses n'ont pas l'obligation de se tourner vers l'UCANSS pour se fournir, mais c'est un service qui leur est rendu : non seulement cela leur évite de devoir passer les marchés, mais ces commandes en très grand nombre permettent d'obtenir des prix plus bas.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : L'UCANSS est-elle tenue informée en temps réel des recrutements, des carrières, et plus généralement de l'évolution des effectifs ? Se limite-t-elle à la constater, ou a-t-elle un rôle de tutelle dans ce domaine ?

M. Bernard Meunier : L'UCANSS n'a aucun pouvoir de tutelle mais, parce que nous avons, chaque mois, l'état des payes, nous sommes tenus au courant des flux d'entrées et de sorties par niveaux de qualification. Cela vaut particulièrement pour les agents de direction, parce que l'UCANSS gère le secrétariat du comité des carrières pour les directeurs et les agents comptables et que l'Etat vient de lui confier le secrétariat de la liste d'aptitude.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Il nous serait précieux de connaître les flux relatifs aux cadres supérieurs pour les douze derniers mois, ainsi que les grilles de salaires des directeurs et des praticiens, pour avoir une vision d'ensemble claire.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Puisqu'un très important mouvement de départs à la retraite va s'engager sous peu, le moment n'est-il pas venu de réfléchir à d'éventuels rapprochements territoriaux et fusions pour tenter de réduire le nombre d'organismes et de caisses, suivant en cela les recommandations de la Cour des comptes ?

M. Georges Colombier : C'est une idée qui peut sembler bonne si l'on observe les choses depuis Paris, mais il faut faire attention : certains départements sont très peuplés, et dans d'autres, qui le sont également, les distances sont de surcroît très longues. Ainsi, l'Isère compte certes une caisse à Grenoble et une autre à Vienne, mais il faut une heure et demie pour se rendre de l'une à l'autre ville !

M. Jean-Marie le Guen, coprésident : J'observe que les personnels de l'audiovisuel public dépendent également d'une convention collective spécifique ; mais, à ma connaissance, une seule personne, dans chaque organisme concerné, est chargée de la gérer, et il n'existe pas d'organisme particulier. Comment se justifie la gestion coopérative des ressources humaines pour les organismes de sécurité sociale ?

M. Philippe Georges : Cette organisation s'explique largement par l'histoire de la sécurité sociale : à l'origine, l'UCANSS avait à sa tête un conseil d'administration qui donnait les orientations de la négociation de la convention collective. J'ignore ce qu'il en est aujourd'hui dans les autres grands services publics, mais les effectifs ne sont pas au prorata de l'importance des missions. La gestion immobilière et celle des imprimés peuvent justifier des effectifs spécialisés et en nombre, mais il est important, aussi, de respecter les équilibres entre les branches, et l'on voit mal laquelle récupérerait ce service commun. Le fait qu'il existe un organisme extérieur équilibre les impératifs de gestion des différentes branches du régime général et je ne pense pas que rattacher les 50 personnes qui suivent les négociations collectives à l'une des caisses nationales améliorerait la gestion de l'ensemble.

Sur un autre plan, il est évident que l'évolution attendue des effectifs conduit à s'interroger sur le rapprochement, voire la fusion de certains organismes, mais cette question est de la responsabilité des caisses nationales et non de l'UCANSS. C'est d'ailleurs l'un des chapitres importants de la convention d'objectifs et de gestion de la CNAF, en cours de négociation.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : L'UCANSS joue un rôle en matière de ressources humaines mais les caisses recrutent de manière autonome. Il y a donc deux pilotes ; cet emboîtement des responsabilités entre l'UCANSS sur le plan national et les caisses sur le plan local est curieux.

M. Philippe Georges : Il est exact que la sécurité sociale a une organisation sans équivalent, qui ne relève ni de la logique du secteur privé ni de celle de l'administration. Elle s'explique par son histoire - avec la création des caisses locales en 1945 puis des caisses nationales en 1967 par les ordonnances Jeanneney - et il est vrai que l'on reste prisonnier de l'articulation entre niveau national et niveau local, ce qui requiert des ajustements permanents. Mais ce mouvement est assez comparable à celui qui s'établit en Europe entre le niveau communautaire et le niveau national... Dès 2005, le rôle de la CNAF en matière de ressources humaines sera renforcé ; les directeurs locaux souhaitent des harmonisations pour déterminer les justes niveaux de recrutement et la politique de formation. Tout cela se fait, de plus en plus, au niveau national.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Je vous remercie.

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