COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 4

Jeudi 17 mars 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jérôme Gallot, directeur chargé de la direction des retraites à la Caisse des dépôts et consignations, et de M. Philippe Caïla, directeur du régime de retraite additionnelle de la fonction publique

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- Audition de M. Jean-Louis Rouquette, chef du service des pensions au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

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- Audition de MM. Max Colinet, directeur de la CRAM Alsace-Moselle, Yves Corvaisier, directeur de la CRAM Nord-Picardie, Yves Gales, directeur de la CRAM Auvergne, Patrick Boïs, directeur de la CPAM de Haute-Loire, de Mme Josette Raynaud, directrice générale de la CPAM de Paris, et de M. Charles Serrano, directeur de la CPAM de Valenciennes

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu, M. Jérôme Gallot, directeur chargé de la direction des retraites à la Caisse des dépôts et consignations, et M. Philippe Caïla, directeur du régime de retraite additionnelle de la fonction publique.

M. Pierre Morange, coprésident : La Caisse des dépôts et consignations gère d'importants régimes publics de retraite par répartition, pour les salariés de l'État, des collectivités locales et des établissements hospitaliers. Ces régimes, qui couvrent près de cinq millions d'actifs, près de deux millions et demi de pensionnés, soit un retraité sur sept, et soixante-dix mille employeurs publics, n'entrent pas dans le champ d'investigation de cette MECSS, mais il a paru intéressant, en raison de la nature de ses activités, d'entendre l'un des responsables.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Nous travaillons surtout, en effet, sur le régime général de sécurité sociale, mais nous sommes intéressés par les commentaires que vous pourriez faire sur votre propre travail, et sur l'articulation entre les régimes de retraite que vous gérez et les autres.

M. Jérôme Gallot : Les chiffres que vous avez donnés sont ceux de 2004. Depuis le 1er janvier 2005, ils sont plus élevés, puisque nous avons pris la responsabilité du régime de retraite des mines et celle du nouveau régime de retraite additionnelle de la fonction publique, qui concerne quatre millions de personnes. La Caisse des dépôts gère désormais les dossiers non plus d'un retraité sur sept, mais d'un retraité sur cinq. Je suis d'ailleurs accompagné de M. Philippe Caïla, qui a la responsabilité du nouvel établissement public qui gère le nouveau régime de retraite additionnelle des fonctionnaires.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Le service que vous dirigez gère plusieurs régimes de retraite. Comment et pourquoi cette activité s'est-elle développée au sein de la Caisse des dépôts ? Quels atouts lui ont valu de se voir rattacher le régime des mines ? Enfin, quels sont les coûts de gestion des caisses de retraite dont vous avez la charge ?

M. Jérôme Gallot : La réponse à votre première question, que je m'étais moi-même posée dès mon arrivée, voici deux ans, est d'abord historique. La Caisse des dépôts a été créée par une loi de 1816, afin de mettre l'épargne de la population à l'abri des tentations du pouvoir exécutif, compte tenu de l'expérience encore toute fraîche des campagnes napoléoniennes, et l'une de ses toutes premières missions a été de gérer le premier régime de retraite des fonctionnaires de l'État. Puis, en 1849 ou 1850, cette mission lui a été retirée, pour être confiée à l'administration d'État elle-même. Certains, les syndicats en particulier, y ont vu la concrétisation du fait que la pension de retraite des fonctionnaires est un élément différé du traitement.

La Caisse des dépôts a retrouvé plus tard cette compétence, et gère aujourd'hui quelque quarante-sept ou quarante-huit régimes, de tailles très diverses. Le plus gros, institué en 1947, est la CNRACL, Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et des hôpitaux. Le second est l'IRCANTEC, régime des agents non titulaires de l'État. Je dirai un mot tout à l'heure à propos des compétences respectives de ces deux régimes. Puis viennent le régime des ouvriers d'État, le fonds de pension des élus locaux (FONPEL), le régime des mines et le nouveau régime de retraite additionnelle de la fonction publique.

L'avantage qu'il y a à regrouper ces régimes sous la responsabilité d'un gestionnaire unique tient en un mot : mutualisation. Nous avons, pour gérer ces millions de pensionnés et ces soixante-dix mille employeurs, un système d'information moderne et performant, qui, avec ses multiples ramifications et déclinaisons, a coûté quelque 140 millions d'euros. J'en profite pour préciser que chaque nouveau régime acquitte un droit d'entrée pour financer sa quote-part de ce système. La Caisse des dépôts a la responsabilité de la gestion administrative, et s'efforce d'obtenir la meilleure performance coût-efficacité. En revanche, elle ne définit pas les paramètres des régimes. Le directeur de chaque régime rapporte devant le conseil d'administration, il y a un dialogue et un échange d'informations. La mutualisation permet, grâce à l'élargissement de l'assiette, d'abaisser les coûts, coûts que nous facturons sans faire aucun bénéfice. Le modèle concurrentiel, avec appels d'offres, marges et TVA, n'est pas celui de la Caisse des dépôts, qui conclut de gré à gré avec les pouvoirs publics, et le mandat de gestion que ceux-ci lui confient doit être avalisé par la loi ou le règlement.

Le Fonds de réserve des retraites est également géré par la Caisse des dépôts, mais la problématique est très différente, puisqu'il ne s'agit pas de valider, de liquider ou de verser des pensions, mais de placer les fonds, en l'occurrence vingt milliards d'euros, avec appels d'offres cette fois, sous la responsabilité du directeur général.

Nous avons facturé aux régimes 183 millions d'euros en 2003, et 188 millions en 2004, soit une progression de 2,7 %. Quant aux prestations versées, elles se sont élevées respectivement à 13,5 et 14,2 milliards, ce qui signifie que le ratio coûts de gestion sur prestations est passé de 1,35 % à 1,33 %. C'est le seul indicateur de gestion dont nous disposions, car il y a un problème d'étalonnage avec les autres systèmes, comme la CNAVTS, dont le ratio est de 1,42 %, ou l'AGIRC, dont le ratio est de 2,37 %. Cela ne veut pas dire que nous soyons meilleurs. Nous n'en savons trop rien, car il est très difficile de comparer à structure constante. Au sein même des régimes gérés par la Caisse des dépôts, la CNRACL, par exemple, dont la plupart des ressortissants sont des fonctionnaires et font des carrières longues, le coût de gestion est inférieur à 1 %, tandis qu'il atteint 4,8 % à l'IRCANTEC, qui verse beaucoup de petites pensions d'un faible montant. Le travail à effectuer n'est donc pas du tout le même.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Avez-vous des coûts de gestion financière ?

M. Jérôme Gallot : Assez peu, car nous plaçons, mis à part le Fonds de réserve des retraites, des montants relativement limités. L'IRCANTEC n'a pas de réserves financières, car elles ont été prélevées à un autre usage, elle n'a qu'une petite trésorerie placée à très court terme. L'IRCANTEC a trois milliards d'euros de réserves, mais qui vont fondre d'ici à dix ou quinze ans, et qui sont placées, avec un coût de gestion financière extrêmement faible, à 80 % en obligations et à 20 % en actions.

Quant au Fonds de réserve, il y a eu un appel d'offres international, onze milliards d'euros ont été investis, et vingt-cinq le seront à la fin de l'année, y compris les trois milliards correspondant à une partie de la soulte d'EDF. Le coût de gestion financière est plus élevé, mais il est intégré dans les performances de gestion, l'objectif en termes réels étant fixé à 4 %, soit 6 ou 7 % en nominal, compte tenu de l'inflation. Sur les premiers mois, la performance est satisfaisante, et la diversification imposée à nos placements -  private equity, investissements socialement responsables  - ne devrait pas sacrifier les intérêts des mandataires.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Comment s'effectuent le contrôle et la surveillance par le conseil d'administration ? Avez-vous, d'autre part, un réseau territorial ? Et quelle est votre politique des ressources humaines ?

M. Jérôme Gallot : Il y a une gouvernance par régime, avec un directeur qui rapporte devant le conseil d'administration, celui-ci étant composé paritairement et ayant la possibilité de diligenter des audits, soit internes à la Caisse des dépôts, soit indépendants. Nous sommes également contrôlés par la Cour des comptes, par l'Inspection générale des finances et par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Celle-ci, voici deux ou trois ans, s'est penchée sur la gestion de l'IRCANTEC à la suite de retards intervenus dans le versement des prestations, retards dus au fait que les deux mille agents ne maîtrisaient pas tous bien le nouveau système d'informations.

Il subsiste, cela dit, diverses petites anomalies. C'est ainsi que le conseil d'administration de la CNRACL comprend, pour des raisons historiques, des représentants de la Caisse des dépôts, ce qui est assez contestable, même si ce n'est pas gravissime. J'ai demandé au ministère de tutelle, voici deux ans et demi, qu'il soit mis fin à cette situation, les choses avancent assez lentement mais j'ai bon espoir que le décret sorte un de ces jours.

D'autres améliorations sont en cours au niveau de la discussion budgétaire. Un conseil d'administration ne se manie pas à la baguette, il y a désormais des débats d'orientation budgétaire quelques mois à l'avance.

M. Philippe Caïla : Je voudrais dire quelques mots du régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP). Il s'agit d'un régime par points, intégralement provisionné. C'est la première fois que, dans le secteur public, les pouvoirs sont dévolus à un conseil d'administration, qui fixe la valeur du point et les orientations annuelles en matière de placements, sachant qu'il convient de raisonner à un horizon de quarante ou quarante-cinq ans. Nous visons 1,2 milliard d'euros de cotisations par an, avec des versements très faibles au départ. La composition du conseil d'administration est tripartite. Les sept organisations syndicales représentatives de la fonction publique ont un siège chacun, l'État trois, l'Association des maires de France, l'Association des départements de France, l'Association des régions de France et la Fédération hospitalière de France un chacun, et il y a, en outre, des personnalités qualifiées. Le conseil d'administration, outre son pouvoir de décision stratégique, est également responsable de la bonne gestion administrative, et la Caisse des dépôts lui apporte son expertise actuarielle et financière.

M. Jérôme Gallot : Pour revenir à la question du réseau territorial, la Caisse des dépôts en a naturellement un, mais qui ne travaille pas du tout dans le domaine des retraites. Les personnels de la direction des retraites sont pour une partie à Angers, où six cent cinquante personnes s'occupent de l'IRCANTEC et du FONPEL, pour une autre partie à Bordeaux, où mille trois cents personnes gèrent la CNRACL, le RAFP et le régime des ouvriers d'État, pour une partie enfin à Paris : d'une part avenue de Ségur, où est géré le régime des mines, et d'autre part au siège même, où une vingtaine de personnes sont affectées à la direction des retraites. Il ne s'agit donc pas d'un réseau à proprement parler, mais plutôt d'unités de traitement des dossiers.

Les personnels ont dans leur grande majorité un statut de fonctionnaires, et la gestion des ressources humaines consiste surtout à développer la mobilité, notamment à l'intérieur de la Caisse des dépôts. Quant au Fonds de réserve des retraites, il emploie une trentaine de personnes, presque toutes à Paris.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Gérez-vous aussi l'action sociale ?

M. Jérôme Gallot : Oui. Celle-ci est décidée par les conseils d'administration, et nous appliquons leurs décisions. Le coût est relativement élevé, le traitement des dossiers étant plus fin et plus personnalisé que pour le versement des pensions. Le sujet est un peu délicat, car il s'agit en fin de compte d'actions financées par l'argent des retraités. C'est ainsi que la CNRACL a une activité « croisières ». On peut trouver ça formidable, on peut aussi se demander s'il est normal que les pensions de tous financent les croisières de quelques-uns. Je ne trancherai pas. De toute façon, nous sommes un peu pieds et poings liés. Nous disons seulement aux conseils d'administration : attention, car il y a des coûts de gestion non négligeables.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Intervenez-vous dans la construction de maisons de retraite médicalisées ?

M. Jérôme Gallot : Oui.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous un inventaire de ces établissements ?

M. Jérôme Gallot : Un inventaire complet, non, mais nous avons le bilan complet de l'action sociale, régime par régime. Je peux vous le fournir. Le RAFP, en revanche, est conçue pour être un régime exclusivement contributif, sans avantages annexes divers et variés.

M. Pierre Morange, coprésident : Si la gestion de la retraite de base des fonctionnaires de l'État devait un jour vous revenir, de quels moyens auriez-vous besoin pour cela ? Y avez-vous réfléchi ?

M. Jérôme Gallot : La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et le décret du 18 juin 2004 ont donné à la Caisse des dépôts la responsabilité d'un nouveau régime additionnel, assis sur les primes dans la limite de 20 % du traitement de base. Nous avons donc, en quelque sorte, un pied dans la porte, d'autant que nous avons dû, à cause de la RAFP, mais pas seulement, lancer des travaux dont le coût est important, je veux parler de la création de numéros d'immatriculation ainsi que de comptes individuels de droits, deux éléments qui actuellement n'existent pas dans la fonction publique du fait de la règle des six derniers mois, mais qui sont un préalable indispensable à la création d'un nouveau régime. Et l'État, de son côté, a lancé des travaux équivalents. Nous avons évidemment des contacts entre nous, des échanges, mais je ne peux certifier qu'il n'y aura pas double emploi.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Votre logiciel serait-il adaptable au régime de base des fonctionnaires de l'État ?

M. Jérôme Gallot : Nous serions obligés d'ajouter des éléments supplémentaires. La Cour des comptes a fait un rapport, confié à M. Raoul Briet, sur le problème des pensions dans la fonction publique. Ce rapport a été très largement mis en application dans sa deuxième partie, relative au paramétrage, mais pas dans sa première partie, qui concerne l'organisation au sein des ministères. Actuellement, les calculs de droits sont dispersés entre seize structures au moins, après quoi le service des pensions du ministère des finances, à Nantes, revérifie tout, en même temps qu'il fait le travail pour ses propres agents, et, dans une dernière étape, les pensions sont mises en paiement par les vingt-six ou vingt-sept centres régionaux de la comptabilité publique. Au total, selon la Cour des comptes, cela représente quatre mille à cinq mille personnes. Nous, nous faisons ce travail avec huit cents personnes qui s'occupent de la CNRACL à Bordeaux. C'est donc un processus très éclaté, qui fait intervenir tous les départements ministériels. S'il faut l'unifier, sous quelle autorité ?

En outre, la question est assez délicate d'un point de vue social, car les syndicats sont très attachés au fait que la pension est un élément différé du traitement. Il y a aussi le problème de l'opacité budgétaire. Les nouvelles dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) disposent toutefois qu'il y aura, à partir de 2006, un compte d'affectation spéciale consacré aux pensions de l'État. C'est un élément de transparence qui sera suivi, un jour ou l'autre, de la création d'une véritable caisse des retraites. Qui pourra la gérer ? Je ne vais pas vous dire que la Caisse des dépôts n'est pas potentiellement intéressée. Ce ne serait qu'un retour aux sources de 1816, qui mettrait fin à une petite anomalie juridique. Je ne crois pas qu'il soit vraiment de la responsabilité des administrations centrales de gérer des pensions. J'observe au passage que l'une de ces administrations, dites centrales, se trouve à Nantes. Actuellement, chacune de ces administrations a sa propre logique gestionnaire, avec des redondances qui sont forcément coûteuses pour les finances publiques.

M. Laurent Wauquiez : Puisque vous dites n'être pas dans un modèle concurrentiel, qu'est-ce qui vous incite à abaisser les coûts de gestion ? Vous avez fait état, par ailleurs, de difficultés d'étalonnage. Avez-vous néanmoins des idées sur les indicateurs qui seraient pertinents, ou sur les façons de mettre en commun les bonnes pratiques ? Enfin, le fait de gérer à la fois l'IRCANTEC et la CNRACL vous a-t-il permis de réaliser des économies d'échelle ? En d'autres termes, quel est le coût de la dispersion des caisses ?

M. Jérôme Gallot : Nous ne sommes pas dans un modèle concurrentiel, mais nous en avons la mentalité, car les conseils d'administration - et pas seulement, en leur sein, les représentants du ministère des finances - sont assez exigeants lorsqu'il s'agit d'investir dans des systèmes informatiques ou dans des recrutements. De son côté, la Caisse des dépôts elle-même s'attache, plus encore que par le passé, à rationaliser les dépenses. Pour obtenir la gestion de la RAFP, il lui a fallu démontrer que ses coûts étaient aussi compétitifs que possible. De même, si nous faisons un jour acte de candidature pour reprendre la gestion des pensions des fonctionnaires de l'État, il faudra que nous ayons les moyens de nos ambitions.

Sur l'étalonnage, nous pouvons mieux faire, en France comme en Europe. Il existe une Association des régimes de retraite publics en Europe, qui ronronnait aimablement. J'ai demandé qu'elle fasse du benchmarking. Les choses avancent, mais lentement, et je n'en attends pas monts et merveilles. En revanche, les conventions d'objectifs et de gestion (COG) sont un bon moyen de se doter d'indicateurs homogènes, et nous veillons, dans les négociations, à ce que ceux-ci permettent des comparaisons entre nos propres régimes, et à ce qu'il y ait un noyau d'indicateurs communs. Les COG ont pris du retard, mais font partie de nos priorités. Il y a évidemment des réticences syndicales au sein des conseils d'administrations, mais nous avons fait un important travail de persuasion.

La troisième question est la plus difficile : le coût de la dispersion des régimes. J'ai dit que, même au sein de la direction des retraites de la Caisse des dépôts, il est difficile, parfois, de comparer ; a fortiori au dehors. Cette mosaïque a sûrement un coût, mais elle est là, et il faut la gérer au mieux. Je suis attaché à la simplification administrative, mais rien n'est plus complexe que de simplifier, et la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, avec ses surcotes et ses décotes, a rendu les choses plus complexes encore. Un exemple parmi d'autres : la règle des quinze ans de service, qui crée des complexités de gestion effarantes, au point que plusieurs dizaines de fonctionnaires à plein temps ne s'occupent que de ça. Si on supprimait cette règle, l'IRCANTEC aurait certes un peu moins de clients encore, puisque actuellement les fonctionnaires qui partent avant d'avoir quinze ans de services lui sont reversés, et doivent d'ailleurs, avant de toucher quoi que ce soit, faire un chèque de rachat d'un montant souvent très élevé, ce qu'ils ont quelque difficulté à comprendre et à admettre. C'est un exemple parmi d'autres du surcoût induit par la complexité de la mosaïque. Nous avons fait à notre ministère de tutelle une bonne demi-douzaine de propositions de simplifications, et je les ai remises également à M. Denis Jacquat, votre rapporteur sur l'application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, qui m'a auditionné hier.

Mme Cécile Gallez : Je suis un peu étonnée que vous ayez repris le régime minier. Quel effectif cela représente-t-il ? Les effectifs sont-ils vraiment en diminution ?

M. Jérôme Gallot : Si le RAFP est une idée récente, la reprise du régime des mines était un serpent de mer, dont on parlait depuis cinq ans au moins. Pourquoi avons-nous repris ce régime ? Parce que nous avons considéré que c'était une mission de service public, et que nous pouvions le gérer dans des conditions de productivité bien meilleures. Nous avons pris des engagements très importants, représentant, jusqu'en 2010, un montant cumulé de plusieurs dizaines de millions d'euros. Le processus est un peu compliqué du fait que le régime ne se limite pas à la retraite. Nous avons repris les quatre cent cinquante employés, qui sont devenus des personnels de la Caisse des dépôts, et en avons remis cent trente à la disposition du régime maladie. Restent trois cents personnes, dont une partie, petite au début mais appelée à croître, va pouvoir étendre son domaine de compétences et ses perspectives de mobilité, ce qui est une bonne chose en soi. Il y avait au départ une forte opposition de la CGT, attachée à l'unité du régime minier, mais les personnels, notamment les plus jeunes, ont bien accueilli le changement. S'il ne reste plus que quelques milliers de cotisants, il y a 450 000 bénéficiaires, ce qui laisse de quoi s'occuper encore un certain temps. Certes, le back-office de l'avenue de Ségur est l'un des plus chers de France au mètre carré, mais nous allons faire des économies de gestion. Il y a des défis passionnants à relever, avec des implantations éclatées, par exemple en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais.

M. Jacques Domergue : Vous mettez en avant la mutualisation des coûts entre les quarante-sept régimes dont vous avez la charge. Avez-vous des propositions à faire qui aillent dans le sens d'une plus grande uniformisation ?

M. Jérôme Gallot : Nous avons beaucoup de travail avec le RAFP, la reprise du régime minier, et la modification des paramètres généraux du système, mais au 1er janvier 2005 tout était en ordre de marche, car nous avions pu, grâce à un dialogue permanent avec les pouvoirs publics, suivre, presque au jour le jour, l'état des travaux, notamment parlementaires, et anticiper ainsi les modifications. Il reste, néanmoins, un certain nombre de sujets complexes, celui des pères et mères de trois enfants étant complexe entre tous. N'étant pas une direction de ministère, nous axons notre force de proposition sur la simplification. Ainsi, l'éventuelle suppression de la règle des quinze ans de service aurait des conséquences sur l'IRCANTEC et la CNRACL, mais concernerait aussi les services chargés de liquider les pensions de retraite du régime de base des fonctionnaires de l'État. Nous n'avons pas construit de modèle général idéal, nous n'avons pas le temps de le faire, et ce n'est pas notre mission. Nous proposons des aménagements, parfois très terre à terre, mais qui ont des conséquences non négligeables sur l'architecture d'ensemble du système.

M. Pierre Morange, coprésident : Réfléchissez-vous, toujours dans l'éventualité de l'extension de vos compétences au régime de base des fonctionnaires de l'État, à la possibilité d'incorporer les annuités accomplies dans le public et dans le privé, compte tenu de la mixité croissante des carrières et des parcours ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : J'ai pour ma part une question un peu provocante, à laquelle j'espère néanmoins que vous répondrez à titre personnel. Si l'on vous confiait la CNAVTS, pourriez-vous en abaisser les coûts de gestion ?

M. Jérôme Gallot : Je discute de temps en temps avec M. Patrick Hermange, directeur de la CNAVTS, et je crois que ses défis de gestion sont assez proches des nôtres, même s'il embauche plus que nous. Nous avons fait 10,6 % de gains de productivité sur 2003 et 2004, et notre ambition est d'en faire encore 15 % au cours des trois années à venir, soit 25 % en cinq ans. Je considère que ce serait plus que convenable. Je sais que la CNAVTS a également des objectifs ambitieux, mais la Caisse des dépôts est dans la sphère publique, et ne se pose pas la question de gérer des retraites privées.

L'important est de fluidifier les parcours professionnels, en veillant à ce qu'il n'y ait pas d'obstacle à la mobilité. Le droit à l'information est un chantier central de ce point de vue, or c'est un point sur lequel les décrets d'application ont pris du retard, parce que la responsabilité des caisses n'est pas encore complètement définie.

Je ne crois pas qu'on puisse souhaiter qu'il y ait, compte tenu des spécificités de notre pays, un système unique de retraites. Je crois que le régime public restera. L'objectif est que sa gestion soit aussi performante que possible. Si nous parvenons à faire 25 % de gains de productivité, nous serons crédibles pour faire des propositions.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Êtes-vous en situation, aujourd'hui, de donner à chaque bénéficiaire un état de ses droits ?

M. Jérôme Gallot : Pour l'IRCANTEC, nous le faisons sur demande. Pour la CNRACL, nous proposons sur l'Internet des simulations « non contractuelles », selon l'expression consacrée, mais celles-ci supposent que l'intéressé entre lui-même les données, et donc les connaisse. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites va beaucoup plus loin, et fait obligation de transmettre toutes les informations aux assurés, trois et cinq ans avant l'âge de départ à la retraite. Le problème essentiel est celui de l'interconnexion des régimes. Assurer pleinement le droit à l'information, selon moi, c'est permettre à chacun d'intégrer ses perspectives de droit à pension dans ses choix d'orientation professionnelle, et ce, non pas seulement trois à cinq ans avant l'âge de départ à la retraite, mais à tout moment de sa carrière.

M. Pierre Morange, coprésident : Merci beaucoup.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Jean-Louis Rouquette, chef du service des pensions au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Pierre Morange, coprésident : Je cède immédiatement la parole à notre rapporteur pour les premières questions.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Quel est le rôle exact de votre service ? Son existence au sein du ministère de l'économie et des finances répond-elle à une nécessité technique ? Comment appréciez-vous sa productivité et son efficacité par rapport à des services ou organismes comparables ?

M. Jean-Louis Rouquette : Je vous remercie de votre invitation, et vous ai apporté un petit document qui retrace la genèse et l'activité du service des pensions. Il faut bien comprendre, en effet, comment est organisée la gestion des retraites de la fonction publique. Le service des pensions s'occupe des fonctionnaires civils et militaires de l'État, ainsi que des magistrats. Une demande de pension, présentée six mois environ avant le départ à la retraite, suit un cheminement assez long : le bureau du personnel de l'administration d'emploi du fonctionnaire la transmet à la structure spécifique qui, au sein de chaque ministère, constitue et met en forme le dossier, comprenant les pièces justificatives des états de service, avant de le transmettre, à son tour, au service des pensions du ministère des finances, lequel vérifie les éléments, liquide la pension, la concède et la fait mettre en paiement par le centre régional dont dépend l'intéressé. Le service traite également les dossiers d'invalidité, les contentieux, les réponses aux questions, et tout ce qui concerne, d'une façon générale, l'information sur les droits à pension. Cette dernière activité est un peu nouvelle, car nous étions un objet administratif relativement discret jusqu'à ce que la réforme des retraites n'attire l'attention sur notre existence. Nous avons donc créé un site Internet, avec des outils de simulation.

Nous sommes, en résumé, la porte d'entrée du système de retraite de la fonction publique d'État, au contact de ses quelque quarante-deux employeurs, dont les plus gros sont, dans l'ordre, l'éducation nationale avec quelque 40 000 dossiers par an - soit la moitié du total -, La Poste et France Télécom avec 13 000 à 14 000 dossiers par an, la défense avec 10 000 à 13 000 dossiers, les plus petits étant le ministère de l'outre-mer avec cinq à dix dossiers par an et le Secrétariat général à la défense nationale avec un ou deux dossiers par an.

Je dispose de peu d'éléments comparatifs sur la productivité, car le système de pensions de l'État se compare difficilement avec les autres systèmes. Je peux, en revanche, comparer le système avec lui-même, au fil des ans. Le nombre de dossiers « premiers droits » traités s'est accru de 60 % entre 1990 et 2004, passant de 51 545 à 82 595, et de plus de 70 % - de 100 942 à 172 061 - si l'on tient compte des reversions, des droits des orphelins, des pensions d'invalidité et des révisions pour apparition d'éléments nouveaux ou réclamation s'avérant fondée. Dans le même temps, les effectifs bruts ont diminué de 18 %, et de 11 % si l'on compte en équivalents temps plein. La productivité a donc connu une progression qui n'est pas mauvaise, et qui est largement due à l'informatisation. Nous avons cependant des années difficiles devant nous, car nous allons avoir à liquider un nombre de pensions fortement accru dans un proche avenir : on l'estime à 96 500 en 2008, soit une augmentation de 17 %, ce qui suppose une nouvelle et comparable augmentation de la productivité.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Vous n'envisagez pas de renforcer vos effectifs ?

M. Jean-Louis Rouquette : Compte tenu du contexte actuel de la politique budgétaire, il serait peu probable que l'on m'accorde 17 % d'effectifs supplémentaires. Mon souhait est de pouvoir au moins traiter à effectifs constants cette quantité accrue de dossiers, sachant que cela ne me dispensera pas de demander des effectifs complémentaires justifiés par l'élargissement des responsabilités du service. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a en effet créé un droit d'information des assurés sur leurs retraites, tant dans le public que dans le privé. Il est ainsi prévu d'envoyer à chacun d'eux, tous les cinq ans à partir de l'âge de trente ans, un relevé des services validés dans tous les régimes d'affiliation. Cela représente, pour la fonction publique d'État, quelque 300 000 dossiers par an, auxquels s'ajouteront, à cinquante-cinq et soixante ans, une estimation des droits à pension. C'est une tâche nouvelle extrêmement lourde, que je n'imagine pas pouvoir assumer à effectifs constants.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le coût de la liquidation d'une pension de fonctionnaire ?

M. Jean-Louis Rouquette : J'ai estimé le coût de l'ensemble des liquidations à quelque 25 millions d'euros par an, dont 16 millions de masse salariale, 1,4 à 1,5 million de coûts directs de fonctionnement - papier, timbres, informatique - et 6,5 à 7 millions de coûts indirects correspondant à la fonction support de Bercy. Si l'on ajoute à cela la trentaine de millions d'euros que coûtent les centres régionaux de paiement, on obtient un total de 55 millions d'euros, à rapporter à quelque 172 000 concessions, soit un coût moyen de 159 euros par dossier, la part des coûts directs étant de 116 euros. Cela ne me paraît pas démesuré.

M. Pierre Morange, coprésident : Gérez-vous aussi de l'action sociale, comme le service des retraites de la Caisse des dépôts dont nous avons entendu le responsable tout à l'heure ?

M. Jean-Louis Rouquette : Non. L'action sociale est du ressort des ministères employeurs. Autre différence avec la Caisse des dépôts, nous ne gérons pas de cotisations, étant donné que les droits sont fonction des états de service constatés en fin de carrière par le ministère employeur. Nous avons, en revanche, un élément en plus. Outre deux millions et demi de retraites, nous gérons trois millions huit cent mille pensions et avantages divers, comme la retraite du combattant, ou les pensions de la Médaille militaire et de la Légion d'honneur.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Ce qui nous intéresse, ce sont les coûts de gestion et les comparaisons avec d'autres organismes. Or, un rapport de la Cour des comptes a jugé plutôt médiocre l'efficacité de la gestion des pensions de l'État. Qu'en pensez-vous ?

M. Jean-Louis Rouquette : Le rapport part d'un constat. Celui que quatre mille personnes s'occupent desdites pensions. Pour arriver à ce chiffre, il faut additionner deux éléments assez différents. D'une part, les mille personnes affectées à la liquidation des retraites, dont quatre cents à Nantes et le reste dans les trésoreries. D'autre part, les trois mille agents qui constituent les dossiers dans les services du personnel ou des pensions des différents ministères.

Là où j'ai un désaccord sérieux, c'est sur la comparaison avec la CNAVTS, car la Cour a comparé des choses qui n'ont rien à voir. On additionne en effet les tâches qui relèvent de la responsabilité du gestionnaire des pensions et celles qui relèvent de la responsabilité de l'État en tant qu'employeur, et qui sont de même nature que pour n'importe quel employeur du service privé, même si, je vous l'accorde, les procédures ne sont pas les mêmes, puisque ce dernier fait régulièrement, année après année, ce que l'État fait en une seule fois, en fin de carrière, pour chacun de ses agents. En outre, dans le secteur privé, les régimes de retraite sont directement au contact des assurés, alors qu'ils n'ont de relations, dans le secteur public, qu'avec les employeurs. Il faut donc se garder des comparaisons hâtives.

Cela dit, si vous me demandez si les quatre mille personnes qui s'occupent des pensions des fonctionnaires de l'État sont toutes rationnellement employées, je vous répondrai qu'il y a certainement des marges de productivité. Il va d'ailleurs falloir faire 17 % de mieux, comme je vous l'ai dit, dans les années qui viennent, ce qui suppose une révision importante de nos méthodes de travail, une plus grande sélectivité des contrôles, un distinguo plus précoce entre les dossiers simples, que l'on peut traiter rapidement, et ceux qui requerront un traitement plus long et complexe. Force est toutefois de reconnaître que le législateur ne nous a guère simplifié la tâche en introduisant de nouveaux critères, l'exemple le plus frappant étant celui du régime des bonifications pour enfants, qui varie désormais selon que ceux-ci sont nés avant l'entrée dans la carrière ou pendant celle-ci. Nos marges de productivité s'en trouveront inévitablement grignotées.

Mais la vraie question se situe plutôt en amont, dans les ministères employeurs, où certains niveaux hiérarchiques de contrôle peuvent paraître redondants. Sans vouloir m'immiscer dans l'organisation interne de chaque administration, je crois pouvoir dire que les principaux gains de productivité à attendre viendront sans doute de la mise en œuvre du droit à l'information sur les retraites.

M. Jacques Domergue : La gestion du régime public paraît néanmoins structurellement plus économique, dans la mesure où il n'y a pas de cotisations à recouvrer. Peut-on imaginer qu'un jour il n'y ait plus qu'un seul système, pour le privé comme pour le public ? Et si oui, lequel ?

M. Jean-Louis Rouquette : La grande différence entre le système de l'État et les autres, c'est qu'il est entièrement budgétaire. Elle sera toutefois un peu atténuée à compter de 2006, puisque sera créé un compte d'affectation spéciale, alimenté par les cotisations des agents et celles des administrations d'emploi, ce qui donnera une plus grande lisibilité d'ensemble. Ensuite, la question se posera forcément de savoir si l'on veut faire une caisse des pensions de l'État. C'est un choix politique, et le sujet a toujours été conflictuel. J'observe toutefois que deux occasions se sont offertes, récemment, lors de la modification de la LOLF et de celle de la réforme des retraites, et que ce choix n'a pas été fait. Je ne sais pas s'il le sera un jour, mais tant qu'il n'y aura pas de caisse de l'État, la question même d'un système unique n'aura pas de sens.

Il ne faut pas non plus sous-estimer la complexité des systèmes publics au sein même de la fonction publique. Un douanier ne part pas à la retraite dans les mêmes conditions qu'un instituteur, un ingénieur, un administrateur civil ou un contrôleur de l'aviation civile.

M. Georges Colombier : Vous avez évoqué la complexification due à la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, mais ne pensez-vous pas que, malgré cette complexité, elle apportera, à terme, une amélioration objective ?

M. Jean-Louis Rouquette : Elle améliorera, c'est certain, l'équilibre financier du système. Selon le Conseil d'orientation des retraites, son impact devrait être, à l'horizon 2020, de 13 milliards d'euros sur un besoin de financement estimé à 28 milliards, les 15 milliards restants nécessitant un effort complémentaire de l'employeur.

Par ailleurs, les nouveaux éléments de complexité ont aussi leur contrepartie. Ainsi, la possibilité de tenir compte des services accomplis dans d'autres régimes permettra à de nombreux fonctionnaires d'échapper à la décote, voire de bénéficier d'une surcote. Pour nous, cela représente un coût de gestion accru, ainsi qu'un gros effort de formation de nos agents : songez que la loi date du 21 août 2003, le dernier décret d'application du 26 décembre 2003, et que tout était en place au 1er janvier 2004, sans aucun raté ni incident dans le versement des retraites.

M. Laurent Wauquiez : Pouvez-vous nous indiquer le ratio entre les coûts de gestion et le montant des pensions servies ? Je suis un peu surpris, par ailleurs, que ces coûts n'aient pas baissé malgré la diminution des effectifs. Comment l'expliquez-vous ? Enfin, on a un peu le sentiment que chaque administration gère sa productivité de son côté, sans trop regarder ce qui se passe ailleurs, ni a fortiori dans les pays étrangers, sous prétexte que les choses sont trop différentes pour être comparées. L'excuse n'est-elle pas un peu trop commode ?

M. Jean-Louis Rouquette : Je n'ai pas calculé le ratio général que vous me demandez, mais les éléments que je vous ai apportés par écrit permettent de le faire. Il suffit de rapporter 36,8 milliards d'euros au nombre de dossiers traités, ou encore au nombre d'agents employés. Je pourrai vous fournir un calcul plus précis, à partir des coûts de gestion.

Si les coûts, contrairement aux effectifs, n'ont pas diminué, c'est notamment à cause des dépenses d'informatisation, lesquelles apparaissent certaines années dans l'enveloppe de mon service et d'autres années dans les dépenses d'investissement globales du ministère, étant donné que je n'ai pas d'autonomie budgétaire. D'autre part, l'âge moyen des personnels de Nantes, et donc leur ancienneté, tend à s'élever, car beaucoup ont choisi de venir s'y installer en 1985, au moment de la délocalisation du service, et y sont restés. Pour vous donner une idée, les moins de quarante ans ne représentent que 6 à 8 % de l'effectif.

Sur le dernier point, vous avez raison. Nous n'avons guère la culture du dialogue avec les autres régimes, et je le regrette, de même que je regrette de ne pouvoir négocier avec la direction du budget l'équivalent d'une COG. Les nouvelles dispositions relatives à l'information des assurés vont toutefois contribuer à modifier les choses, notamment grâce à la constitution d'un groupement d'intérêt public associant quelque trente-sept ou trente-huit régimes en vue d'un échange de données. Cela nous aidera à examiner notre propre pratique à la lumière de ce que font les autres, car on ne peut pas réfléchir à l'avenir du régime de l'État indépendamment de son articulation avec les autres régimes.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

*

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu MM. Max Colinet, directeur de la CRAM Alsace-Moselle, Yves Corvaisier, directeur de la CRAM Nord-Picardie, Yves Gales, directeur de la CRAM Auvergne, Patrick Boïs, directeur de la CPAM de Haute-Loire, Mme Josette Raynaud, directrice générale de la CPAM de Paris et M. Charles Serrano, directeur de la CPAM de Valenciennes.

M. Pierre Morange, coprésident : Madame, Messieurs, c'est un plaisir pour nous de vous accueillir pour vous entendre décrire le schéma d'organisation des caisses et nous dire comment sont optimisés les moyens qui leur sont alloués pour leur permettre d'accomplir leurs missions. Nous souhaitons aussi connaître votre point de vue sur l'évaluation de la performance des caisses primaires récemment publiée par un magazine, et savoir comment vous vous proposez d'améliorer la productivité de vos organismes.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Quel est le rôle respectif des CPAM et des CRAM ? Quelle est votre politique de gestion des ressources humaines, du patrimoine immobilier et du réseau territorial ?

M. Pierre Morange, coprésident : Les directeurs des CRAM nous éclaireront tout d'abord sur les missions qui leur sont assignées en matière de liquidation des pensions de retraite.

M. Yves Gales : Je rappellerai dans un premier temps que les CRAM sont des organismes atypiques dans le réseau de la sécurité sociale, en ce que leur dimension est régionale, voire birégionale dans le cas de la CRAM Auvergne, et qu'il n'y a pas de structure départementale. Les CRAM ont trois champs de responsabilité distincts. Leur mission la plus coûteuse et la plus visible est le paiement des pensions de retraite. Elle s'accompagne de la collecte des données sociales, dont nous sommes chargés pour notre propre compte et pour celui de différents partenaires, ainsi que d'une action sociale propre à la branche. Notre deuxième responsabilité est de représenter l'assurance maladie au sein de différentes instances, et notamment des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), nos équipes participant largement à leurs travaux d'analyse. Enfin, nous avons une importante action de terrain dans la définition de la tarification du risque accidents du travail appliqué aux entreprises, auprès desquelles nos ingénieurs et nos contrôleurs agissent, par ailleurs, en qualité de conseil pour la prévention de ce risque.

M. Pierre Morange, coprésident : Pour la liquidation des pensions de retraite, quelle coordination s'établit entre les CRAM et la caisse nationale ? A quelle phase en est l'élaboration des contrats pluriannuels de gestion (CPG) et quels sont vos objectifs ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : L'échelon régional est-il l'échelon pertinent pour la liquidation des pensions ? Ressentez-vous la diversité de vos métiers comme une incongruité ou comme une richesse ?

M. Yves Corvaisier : La CRAM Nord-Picardie a compétence sur cinq départements. Il y a dix ans encore, toutes les liquidations des pensions se faisaient au siège. Le mouvement de déconcentration engagé depuis de nombreuses années a conduit à la création de vingt-six centres d'information et de traitement des retraites. Ils ont permis d'améliorer la qualité du service et entraîné des gains de productivité compris entre 25 % et 30 %, ce qui a permis de réduire un peu les effectifs et de les redéployer pour partie vers l'action sociale, autre activité majeure de la caisse. L'échelon pertinent, c'est la proximité avec les usagers, que nos conseillers retraite mettent en œuvre, dans les cantons, au plus près des assurés et des élus. Ce dispositif n'empêche pas que le pilotage soit régional et, par là-même, plus économe des deniers publics. Le même schéma vaut pour l'action sociale, dont le pilotage à l'échelon régional fait prévaloir la cohérence, qu'il s'agisse de l'accès aux soins, de la prévention de la désinsertion professionnelle ou de la prévention de la dépendance.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Pour la liquidation des pensions de retraite, quel rôle exact jouent les CRAM ? Ne pourrait-on imaginer que la caisse nationale se projette directement à l'échelon local, sans intermédiaires ? Par ailleurs, comment s'explique le regroupement du Nord et de la Picardie au sein d'une seule CRAM ?

M. Yves Corvaisier : Il tient à des raisons historiques. C'est d'ailleurs parce que la Picardie voulait sa propre caisse que le premier centre retraite a été créé à Amiens et que d'autres ont suivi dans les départements picards. L'intérêt du dispositif est qu'il est beaucoup plus facile de piloter seize caisses régionales que cent caisses départementales et c'est, à mon avis, beaucoup moins coûteux.

M. Pierre Morange, coprésident : Voilà qui reste à démontrer. N'existe-t-il pas une contradiction entre l'objectif, légitime, de politique de proximité, et le maintien de l'échelon intermédiaire qu'est l'échelon régional ? Ne pourrait-on privilégier une approche inter-branches, qui serait plus compréhensible pour le citoyen, surtout si elle se traduisait par la création de guichets uniques ?

M. Yves Corvaisier : Dans la mesure du possible, nous nous associons déjà aux autres organismes locaux. Ce sera le cas, par exemple, pour la création du nouveau régime social des travailleurs indépendants. On tend donc au guichet unique. J'observe par ailleurs que la concentration des coûts transversaux dans les structures régionales est facteur d'économies. Ainsi, pour la branche vieillesse, le coût de gestion, rapporté aux flux, est de 1,20 % en moyenne, et de 1 % pour la CRAM de Lille. Cela ne me semble pas excessif et je ne suis pas certain que l'on gagnerait à une démultiplication des structures à l'échelon départemental. A tout le moins, des études préalables très poussées seraient nécessaires avant de s'engager dans cette voie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Certains sont tentés de comparer le fonctionnement du régime général et celui de la Mutualité sociale agricole (MSA), qui semble plus simple. Cette comparaison vaut-elle ?

M. Yves Corvaisier : En matière d'organisation, tout est possible, et l'on pourrait en revenir à des caisses régionales de sécurité sociale, assorties de services déconcentrés. Je n'ai pas d'idées préconçues à ce sujet, mais ce dont je suis sûr, c'est que le dispositif actuel est pertinent et peu cher. Il faut donc bien réfléchir avant de le modifier.

M. Yves Gales : Pour la liquidation des pensions de retraite, l'échelon régional est un bon intermédiaire, que l'on considère le coût de gestion ou la qualité du service, car il permet de prendre en compte avec doigté des spécificités locales, ingérables au niveau national. Ainsi la CRAM Auvergne est-elle amenée à définir une organisation des services différente selon qu'il s'agit de zones urbaines très peuplées, de zones de moyenne montagne frappées par la désertification rurale, ou de zones rurales à la population vieillissante.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Il me semble que la caisse nationale serait à même de distinguer villes, moyenne montagne et territoires ruraux. En revanche, je comprends mal l'intérêt de regrouper la gestion de tâches aussi différentes que la liquidation des pensions de retraite, la tarification et la prévention des accidents du travail, et l'action sociale.

M. Yves Corvaisier : La synergie est très grande entre l'action sociale en direction des personnes âgées, l'accès aux soins et la prévention de la précarité, et le vieillissement de la population renforcera encore la nécessité de lier champ sanitaire et champ social. La segmentation par blocs de compétence rendrait un mauvais service à la population, car l'approche à la fois sanitaire et sociale des CRAM présente de réels avantages, comme en témoigne la forte présence des caisses au sein des ARH, dans les programmes d'insertion des personnes handicapées, dans la définition des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) et des schémas gérontologiques. Tout découpage susciterait immanquablement la création de nouvelles structures et rendrait donc nécessaires de nouvelles concertations. De même, en matière de prévention de la désinsertion professionnelle, objectif majeur de la convention d'objectifs et de gestion, de nombreux partenariats existent déjà, particulièrement pour la santé au travail. Nous savons que la Cour des comptes s'interroge sur les bienfaits de la sectorisation, mais je ne suis pas sûr que l'on y gagnera en termes de coûts, car l'organisation actuelle permet des économies d'échelle mais aussi une synergie qui présente des avantages indéniables.

M. Laurent Wauquiez : On ne peut manquer d'être frappé par les inquiétants écarts de performance des CPAM, dont les coûts de gestion varient, selon le magazine L'Expansion, du simple au double. On constate, d'ailleurs, que les plus performantes sont loin d'être celles qui sont implantées dans des grandes agglomérations. Celle de la Haute-Loire est ainsi très bien placée. Quelles mesures entendez-vous prendre pour réduire ces écarts ? Existe-t-il des indicateurs de gestion par caisse et un tableau de suivi des résultats ? Des comparaisons sont-elles faites pour déterminer les meilleures pratiques et les généraliser ? La notation des directeurs tient-elle compte de leur gestion ?

M. Pierre Morange, coprésident : De quelle marge de manœuvre les directeurs disposent-ils pour faire évoluer un dispositif dont la complexité n'est pas toujours synonyme d'efficacité ?

M. Charles Serrano : Il est difficile de comparer le régime général et la MSA. Les deux systèmes n'ont que peu à voir et l'ampleur de la population concernée n'a rien de commun. Pour ce qui est des avantages et des inconvénients comparés de la polyvalence et de la spécialisation, l'expérience montre que les gains de productivité sont bien moindres lorsque l'on regroupe des métiers différents. Quant aux écarts de performance, ils ont été calculés sans tenir compte de l'environnement des caisses, pourtant déterminant dans la composition des coûts puisqu'elles sont étroitement tributaires de la démographie locale d'une part et du nombre des professionnels de santé d'autre part - deux éléments sur lesquels elles n'ont pas prise. Voilà une première explication. En ma qualité de directeur de caisse, je n'ai pas l'œil rivé sur le coût de gestion des autres caisses primaires car je sais que les contextes sont différents. Ce qui m'intéresse, c'est de m'assurer de tendances saines et d'une évolution maîtrisée au sein de l'organisme que je dirige, dans son contexte singulier.

M. Laurent Wauquiez : Nous avons souvent entendu cet argument. Mais les comparaisons n'ont-elles pas du bon ? Ainsi, la caisse de Grenoble et celle de Saint-Etienne ont beau avoir compétence sur des zones comparables, l'une est en queue du palmarès, l'autre en tête. Se priver de l'air frais qu'apporte l'ouverture des fenêtres peut être préjudiciable.

M. Charles Serrano : Mon propos était réaliste. Nous ne pouvons influer sur les résultats des autres caisses. C'est le rôle de la CNAMTS, et elle le fait plutôt bien. Les nôtres dépendent étroitement du contexte dans lequel nous évoluons, si bien que, sur le plan local, nos fenêtres sont ouvertes en permanence et que nous sommes très attentifs à nouer tous les partenariats utiles. Nous observons naturellement ce que font les autres et, depuis longtemps, les meilleures pratiques sont repérées et diffusées. Quand elles sont transposables, nous n'avons de cesse de les faire prospérer. Enfin, oui, la bonne gestion influe sur la carrière des directeurs, si l'on est d'accord sur la signification de ce qu'il faut entendre par « bonne gestion », et en tenant compte du fait que les directeurs n'agissent pas seuls. Ils donnent l'impulsion.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels progrès votre caisse a-t-elle réalisés au cours des cinq dernières années ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vous avez dit que le regroupement des métiers n'entraînerait pas de gain de productivité. Pourquoi ?

M. Charles Serrano : Pour avoir, pendant très longtemps, demandé à notre personnel d'avoir des compétences très étendues sur des sujets très divers, nous avons pu constater que cette manière de faire est moins efficace que l'acquisition d'une expertise sur des sujets précis.

Vous m'avez interrogé sur l'évolution de la Caisse primaire que je dirige. J'aimerais, pour commencer, vous donner un aperçu de la situation à Valenciennes. Le taux de chômage y est de 15 %, la proportion de bénéficiaires du RMI de 16 %, celle des bénéficiaires de la CMU de 13 %, le taux d'augmentation des maladies professionnelles de 15 % et le taux de mortalité prématurée de moitié supérieur à la moyenne nationale. Il faut admettre qu'une population ainsi caractérisée n'a pas les mêmes besoins qu'une autre.

Dans ce contexte, nos résultats sont les suivants. Les feuilles de soins télétransmises traitées en 2000 représentaient 6,5 % de notre production. Nous approchons aujourd'hui de 50 %. Au cours de la même période, nous sommes passés de 23 562 décomptes par agent à près de 30 000, soit un gain de productivité de 20 %. Quant aux enquêtes de satisfaction, elles montraient un résultat de 6,8 % en 2001 et de 7,4 % en 2004. La tendance est saine. Sur huit ans, notre coût de gestion a augmenté de 0,28 % par an hors inflation, ce qui me paraît être le signe d'une évolution maîtrisée, en dépit de tous les facteurs défavorables qui ont une incidence sur le coût de gestion. S'agissant enfin du fameux taux d'efficacité qui a fait la gloire de L'Expansion, nous étions à 51,83 % en 2003, et à 67,75 % en 2004. Donc, nous progressons.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Comment les contrats pluriannuels de gestion sont-ils négociés ? Quelle est votre politique des ressources humaines ? Quelles sont les relations entre le personnel et la direction ? Malgré la convention collective, les directeurs ont-ils une marge pour négocier avantages et primes ?

Mme Josette Raynaud : La création de la caisse de Paris est récente, puisqu'elle résulte de la division en sept caisses départementales, en 1981, de la caisse primaire centrale d'assurance maladie de la région parisienne, organisme unique que ses dimensions avaient rendu ingouvernable. Quels résultats a eus la départementalisation, qui s'est achevée en 1984 ? La CPAM de Paris couvrait, cette année-là, 2,4 millions d'assurés, dont 600 000 fonctionnaires travaillant à Paris mais qui n'y résidaient pas. Cette population n'a pas varié depuis lors. Avec un effectif supérieur à six mille personnes, la caisse traitait quinze millions de décomptes en 1986. Actuellement, moins de trois mille personnes traitent chaque année trente-neuf millions de décomptes, et assument d'autres fonctions. Pour l'assurance maladie au moins, la somme du coût des sept caisses départementales est inférieure à ce qu'aurait été le coût, actualisé, de l'ancienne caisse régionale. La caisse de Paris ayant eu le handicap d'être surdotée en effectifs lors de sa création, les embauches ont été quasiment nulles depuis 1984, la diminution des effectifs résultant des départs naturels. Mais le processus étant trop lent pour permettre une gestion satisfaisante, le conseil d'administration et l'autorité de tutelle ont accepté, en 2000, la conclusion d'un plan de cessation anticipée d'activité prévoyant dans le même temps, à raison d'une embauche pour trois départs, d'introduire un peu de sang neuf dans un organisme qui n'en avait pas eu depuis 1983. Il en est résulté, fin 2003, date à laquelle le plan a été achevé, un effectif inférieur de 23 % à ce qu'il était en 1994, et la réduction du taux d'encadrement. De par les embauches concomitantes, la caisse a profité de l'apport d'une expertise qui n'existait pas en 1983, en matière statistique et informatique particulièrement.

Ces efforts paraissent très lents, mais 80 % des dépenses de fonctionnement des organismes de sécurité sociale étant des frais de personnel, c'est sur ceux-là qu'il faut jouer pour réduire les coûts. Grâce à l'action entreprise, les dépenses de fonctionnement de la caisse de Paris ont diminué de 8,21 % depuis 1994 alors qu'elles augmentaient de 15,27 % au niveau national, et ses effectifs de 23 % alors qu'ils augmentaient de 1,61 % au niveau national. Le taux d'encadrement a baissé de 1,3 % en dix ans. Nous avons ainsi démontré notre engagement dans le processus de décélération des dépenses, et nous ne sommes plus les derniers de la liste. Certes, du chemin reste à faire. Nous comptons donc réviser notre maillage territorial, déjà diminué de beaucoup, avec l'objectif d'en arriver à trente-six points de contact, dont vingt seront consacrés aux relations avec les professionnels de santé et avec les assurés. Ce nombre peut paraître encore élevé, mais ce sont de petites unités, et nous souhaitons utiliser au mieux notre patrimoine immobilier.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous avez retracé l'historique des efforts accomplis à ce jour et dressé l'état des lieux. Mais, au vu des observations de la Cour des comptes, étant donné l'évolution induite par la dématérialisation des feuilles de soins et la télétransmission d'une part, vos nouvelles missions d'autre part, les départs à la retraite prévus enfin, quels sont vos objectifs ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Quel est le taux de télétransmission à Paris, et quelle autre intervention que la surveillance informatique demande-t-elle ?

Mme Josette Raynaud : Le taux global de télétransmission est de 67 %, mais le taux d'utilisation de la carte SESAM-Vitale n'est que de 59 %. C'est que le corps médical parisien est composé de neuf mille médecins, dont deux tiers de spécialistes, parmi lesquels mille neuf cents exercent essentiellement dans des cliniques. Cela n'empêche pas la télétransmission. En revanche, en raison de questions techniques irrésolues, les actes médicaux réalisés en cliniques n'entrent pas dans le champ de la carte SESAM-Vitale.

M. Pierre Morange, coprésident : Si l'on considère l'importance des investissements informatiques successifs consentis pour mettre au point ces systèmes, voilà qui est proprement stupéfiant.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Cela résulte-t-il d'une lacune du plan informatique de la CNAMTS, ou est-ce que la loi ne l'a pas prévu ?

Mme Josette Raynaud : Pour ce que j'en sais, les médecins ne peuvent utiliser leur carte professionnelle pour rédiger leur note d'honoraire lorsqu'ils exercent en clinique ni, donc, utiliser SESAM-Vitale. Mais les CPAM n'étant pas chargées de ces questions, les experts de la caisse nationale répondraient plus précisément que moi à votre légitime curiosité. Ce que je puis vous dire, c'est que quatre mille médecins parisiens continuent de donner à leurs patients des feuilles de sécurité sociale.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Quel est le coût comparé d'une feuille traitée manuellement et d'une télétransmission ?

Mme Josette Raynaud : Je ne puis vous répondre, car le seul chiffre dont nous disposons est celui du coût total, indifférencié, de la liquidation. Mais j'appelle votre attention sur le fait que la télétransmission n'est pas tout. Il reste l'ordonnancement et le contrôle ainsi que le traitement des signalements et des rejets. Voilà pourquoi la caisse nationale estime le gain de productivité globale à 40 %. La saisie des données, qu'il s'agisse de lecture optique des feuilles de soins ou de télétransmission, ne suffit pas à régler une liquidation, laquelle suppose, en amont, un travail sur le système de tarification et, en aval, un contrôle éventuellement suivi, en cas d'anomalie, d'une prise de contact avec le professionnel de santé concerné.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels sont vos objectifs en termes de gestion des effectifs et de gains de productivité d'ici trois à cinq ans ?

Mme Josette Raynaud : Comme je vous l'ai dit, plan 2000-2003 mis à part, notre taux de remplacement est quasiment nul. Cette stratégie sera maintenue dans le cadre de la nouvelle COG. Nous tablons donc sur 150 départs entre 2006 et 2008, sur un effectif actuel de 2 826 personnes, et ces postes ne seront pas remplacés. Entre 1994 et 2003, notre gain de productivité a été de 150 %. Nous escomptons un gain supplémentaire de 20 % au cours des trois prochaines années.

M. Patrick Boïs : Pour la première fois, les taux de remplacement, sur la durée de la COG, sont gradués selon le classement de performance des organismes. Autrement dit, il est beaucoup plus faible dans les organismes qui coûtent le plus cher. C'est heureux, car si l'on appliquait à ma caisse ce qui vaut pour celle de Paris, je devrais fermer immédiatement. Mais notre situation, notre structure et notre histoire n'étant pas les mêmes, nous avons déjà opéré des gains de productivité et, en particulier, réduit de 7 % nos effectifs. Sur un autre plan, j'insiste sur le fait que le système SESAM-Vitale ne consiste pas seulement à presser un bouton pour mettre en paiement. Il suppose que des gens réfléchissent, comme ils le faisaient avant cette évolution technique, pour appliquer la législation. J'ajoute que la gestion du fichier national unique est d'une lourdeur sans commune mesure avec ce que nous avons connu précédemment, ce qui demande un investissement supplémentaire. Et aussi bien SESAM-Vitale que la télétransmission présentent des risques spécifiques qui exigent des niveaux de contrôle bien supérieurs à ceux que demandaient les dossiers sur papier.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Avez-vous reçu des directives tendant à l'apposition de photo sur la carte SESAM-Vitale ?

Mme Josette Raynaud : Non. A ce sujet, mieux vaudrait définir comment les photos devront nous parvenir. Si c'est par courrier, je doute que l'objectif - la confirmation de l'identité du porteur - soit atteint.

M. Pierre Morange, coprésident : Un document retraçant vos objectifs en termes de gains de productivité nous serait utile. J'ajoute que 7 % sur la durée de la précédente COG, soit quelque 2 % par an, me semble un progrès tout relatif.

M. Charles Serrano : Puisque nous parlons de SESAM-Vitale, je souhaite vivement que les pouvoirs publics nous aident à améliorer la proportion des professionnels de santé qui l'utilisent, car cela ne dépend pas de nous.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : C'est une sujétion réelle pour les médecins. Nous serons donc d'autant plus enclins à les y inciter que la démonstration nous aura été faite que l'on peut en attendre un gain de productivité supplémentaire.

M. Charles Serrano : C'est une question de perspective. Il nous semble, à nous, que 40 %, ce n'est pas négligeable. Votre remarque serait peut-être fondée si le contexte législatif avait été plus stable. Mais, pendant que nous ne gagnions « que » 40 % de productivité globale dans le traitement des feuilles de soins télétransmises, que se passait-il ? Le législateur créait la CMU. Quant à la récente convention médicale, elle suppose que nous réalisions l'analyse des ressources pour le calcul du crédit d'impôt. Tout cela représente des travaux supplémentaires et ne réduit en rien la complexité administrative du processus de liquidation. En saisie pure, passer du traitement d'une feuille de soin sur papier à la télétransmission procure un gain de productivité de 100 % mais, nous l'avons dit, le travail en amont et en aval n'a pas disparu pour autant. De surcroît, il est manifeste que les professionnels de santé n'ont pas été convaincus d'y venir, comme par un coup de baguette magique. Il a fallu beaucoup y travailler.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Ce volet est de la responsabilité des pouvoirs publics. Mais nous devons disposer de tous les éléments nous permettant d'analyser le coût de gestion dans son ensemble.

M. Charles Serrano : C'est pourquoi j'ai tenu à souligner que l'activité des caisses n'a cessé de croître au fil des ans, à la fois parce que les pouvoirs publics leur ont confié des tâches supplémentaires - ce dont nous ne nous plaignons pas - et parce que la consommation de soins a augmenté. Tout cela nous a repris une part de la productivité gagnée, mais nous n'avons pas été inertes.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : La MECSS n'est pas l'IGAS. Notre intention n'est pas de faire la leçon à qui que ce soit mais d'inciter votre tutelle à fixer aux caisses des objectifs de productivité et de qualité, après avoir tenté de comprendre si, et en quoi, la responsabilité du législateur est engagée dans les dysfonctionnements actuels.

M. Charles Serrano : Dans cette optique, deux mesures nous aideraient à gagner en productivité. En premier lieu, que les professionnels de santé soient fortement incités à adopter sans réserve les technologies nouvelles, et notamment SESAM-Vitale, ce qui n'est pas le cas à ce jour. Ensuite, qu'une simplification administrative réelle soit opérée. Je le redis. Le paiement des indemnités journalières, pour ne citer que cet aspect de nos missions, est un domaine dans lequel la technicité du personnel joue un très grand rôle. Le contexte local joue donc beaucoup, car lorsqu'une région entière est en difficulté, cela ne peut être sans incidence sur l'activité de la caisse.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Je le souligne à mon tour, nous sommes réunis pour comprendre. Dans ce cadre, j'aimerais savoir quel est le rôle d'un directeur. Quelle est sa marge de manœuvre dans la négociation des contrats pluriannuels de gestion d'une part, de l'intéressement d'autre part. Quelles sont ses relations avec son conseil, et dans quelle mesure la loi du 13 août 2004 les a modifiées ? Je souhaite aussi connaître les inflexions que vous souhaiteriez apporter à votre organisation pour améliorer, comme le prévoit la loi, la gestion globale du dispositif, et répondre ainsi aux observations de la Cour des comptes.

M. Pierre Morange, coprésident : Il serait hautement souhaitable que vous nous transmettiez une note récapitulant de manière exhaustive l'ensemble des procédures administratives que vous souhaitez voir simplifiées pour vous aider à améliorer la gestion et l'efficacité de vos services. J'invite à présent M. Max Colinet, directeur de la CRAM Alsace-Moselle, à nous donner son sentiment sur la manière dont on pourrait renforcer la coordination entre les CRAM et les CPAM pour rationaliser leurs moyens.

M. Max Colinet : Non seulement nous représentons les deux tiers de la force de travail des ARH, mais la législation récente requiert de l'assurance maladie un niveau régional, comme en témoigne la création des unions de caisses régionales d'assurance maladie (URCAM). Plus prosaïquement encore, quand nous nous occupons, comme nous le devons, d'action sociale et de prévention, cela ne peut se faire sans les médecins du travail. En outre, à la suite de la création de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), ce sont les CRAM qui ont été chargées de l'évaluation médico-administrative des personnes âgées. Aussi, dans un souci commun d'économie des deniers publics, les conseils généraux recourent à nous avant d'embaucher du personnel dédié à la gestion de la dépendance. Par ailleurs, comment peut-on mesurer la productivité des ARH, lorsqu'elles élaborent les SROS ? C'est un exercice très lourd, évidemment réalisé en coordination avec les CPAM, car une telle redéfinition du tissu sanitaire ne peut se concevoir en séparant médecine hospitalière et médecine ambulatoire.

La question nous est posée de savoir comment augmenter notre productivité, mais les ordres viennent des pouvoirs publics. Les dispositions récentes concernant l'allocation personnalisée d'autonomie et les SROS ont été votées par le Parlement. Qu'acceptez-vous d'investir dans ces tâches, ou dans l'effort nécessaire pour permettre le retour complet à l'emploi d'une personne en très grande difficulté ? Ce sont des choix politiques, comme le sont les actions de prévention qui ont permis que l'indice de fréquence des accidents du travail diminue de 20 % en dix ans. Nous avons un souci de productivité, mais ces politiques ont un coût. Il faut donc un cadrage par l'Etat.

Les objectifs de la CRAM Alsace-Moselle sont évidents. C'est, d'abord, la certification, gage de qualité. C'est ensuite, en parfaite coordination avec les CPAM, la création de guichets uniques. Pour les accidents du travail, nous y parviendrons en 2006 et peut-être même cette année si tout va bien, sans modifier la gestion, autrement dit sans « structuralisme expérimental », en instituant un numéro de téléphone unique pour le régime général. La COG prévoit une troisième source de gain de productivité : la logistique. Pour la CRAM Alsace-Moselle, il s'agira en particulier de réorganiser l'impression qui, sous dix-huit mois, sera confiée à une seule imprimerie. Enfin, sachant qu'il ne saurait être question ni de licenciements économiques ni de départs forcés - c'est un principe qui a toujours prévalu dans les organismes de sécurité sociale -, nous gérons, comme notre collègue de Paris l'a expliqué, les départs naturels. Dans ce cadre, nous espérons, d'ici trois ans, parvenir à un service de recouvrement conjoint CRAM-CPAM. Voilà quelques exemples de ce que nous comptons faire. C'est un travail de fourmi, que nous accomplissons avec le souci de rendre le réseau cohérent et, donc, d'accroître sa productivité.

M. Pierre Morange, coprésident : Pour ce qui concerne la gestion des effectifs, avez-vous des objectifs chiffrés ?

M. Max Colinet : Le CPG prévoit des gains de productivité. Ils seront respectés pour 2004-2005, et nous attendons la négociation pour 2006-2009. Je me félicite que nous ayons enfin une COG pour la branche accidents du travail.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : La marge de manœuvre du directeur, dans ses relations avec son conseil, a-t-elle évolué depuis la promulgation de la loi du 13 août 2004 ? Sur le plan pratique, la très compliquée gestion de la liquidation des dossiers d'accident du travail ne pourrait-elle pas être améliorée ?

M. Max Colinet : Nous y travaillons, en particulier par l'expérimentation de la télétransmission.

M. Patrick Boïs : Vous nous avez interrogés sur la marge de manœuvre du directeur. Pour ce qui est du CPG, elle est relativement mince, car la caisse nationale ne peut se permettre que chaque directeur agisse à sa manière. En revanche, il a des responsabilités en matière de ressources humaines et d'organisation. Dans ce cadre, la CRAM Auvergne procède à des expériences pilotes qui tendent en même temps à l'amélioration de la qualité du service et à des économies de gestion. Ainsi, nous venons de créer une plateforme régionale unique destinée au scannage des quelque 20 % de feuilles papier qui subsistent, sachant que le traitement d'un dossier scanné triple la productivité par rapport au traitement d'une feuille classique. Cette nouvelle organisation permet de plus des économies de locaux. De même, l'accueil téléphonique de toutes les caisses primaires de la région a été concentré en un seul lieu et, dans trois mois, une plateforme unique sera instituée pour tous les employeurs. Dix chantiers de ce type sont en cours, dont nous attendons un retour sur investissement à moyen terme.

M. Pierre Morange, coprésident : L'accueil téléphonique est un excellent exemple de ce qui pourrait être regroupé non seulement à l'échelon régional mais à l'échelle nationale.

Mme Josette Raynaud : Les conseils des CPAM viennent d'être installés et nous en sommes aux balbutiements d'un fonctionnement nouveau. En effet, le conseil n'a pratiquement plus de pouvoirs, si ce n'est de s'intéresser au service à l'usager, à l'organisation du service des réclamations et, un peu, à l'action sanitaire et sociale et encore, car une lecture puriste des textes laisserait, sur ce dernier point, la décision au directeur. Il s'agit plutôt d'un conseil d'usagers, qui comprend des partenaires sociaux, jusqu'à présent habitués à des responsabilités beaucoup plus vastes.

Dans nos relations avec la caisse nationale, nous ne sommes pas à égalité, si bien que nous n'avons pratiquement pas de marge de manoeuvre budgétaire. Elle ne peut porter que sur les éléments de service que l'on nous demande d'atteindre et qui influent indirectement.

M. Yves Gales : Les CRAM fonctionnent encore sous l'ancien système, selon lequel les pouvoirs du directeur découlent du décret du 9 mai 1960, le conseil d'administration orientant les décisions de l'organisme. A ce titre, il signe le CPG avec le directeur. Il revient donc à ce dernier de négocier les grandes orientations avec le président, qui tient lui-même compte des aspirations de la majorité du conseil d'administration. Cette procédure ne pose pas de problèmes particuliers.

Dans un autre domaine, je tiens à souligner une association de toujours entre les CRAM et la branche vieillesse lors de la préparation des COG et des CPG, qui demandent un travail préparatoire considérable. Nous disposons pour cela d'un outil d'analyse budgétaire conjoint très au point.

S'agissant des possibilités d'améliorer la gestion, j'exprimerai trois souhaits, dont le premier tient sans doute du vœu pieux. Nous gérons trois CPG pour trois branches différentes. La synchronisation et l'arrivée des crédits en début d'exercice simplifieraient singulièrement notre gestion et amélioreraient la lisibilité du dispositif par le personnel. Par ailleurs, étant donnée l'évolution démographique, il est urgent de clarifier le rôle des services sociaux et de faire converger branche vieillesse et branche maladie car, passé quatre-vingt ans, de quelle branche ressortit-on ? La convergence des moyens nous permettrait d'organiser la prise en charge par une démarche client. Il y a de grandes marges d'amélioration dans ce domaine. S'agissant, enfin, des accidents du travail, l'IGAS a indiqué des possibilités de simplification, notamment dans l'organisation de la réparation, actuellement scindée entre CRAM et CPAM. Cela devrait être étudié avec soin, car il y a là une possibilité évidente de gain de productivité et de meilleure lisibilité.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

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