COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 4

Jeudi 20 octobre 2005
(Séance de 9 heures)

Présidence de M.  Pierre Morange, coprésident

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale (DGAS) au ministère de la santé et des solidarités, de M. Jean-Pierre Hardy, chef du bureau de la réglementation financière et comptable à la DGAS, et de M. Serge Canape, adjoint au chef du bureau des personnes âgées à la DGAS

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- Audition de M. Bernard Cazeau, sénateur, président du conseil général de la Dordogne, président de la commission politiques sociales et familiales de l'Assemblée des départements de France (ADF), et de M. Jean-Michel Rapinat, chef du service développement social de l'ADF.

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- Présentation des grandes lignes du rapport de M. Jean-Pierre Door sur « l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale », discussion entre MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents, Mme Paulette Guinchard et M. Georges Colombier, échange de vues sur les thèmes d'études pour 2007

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale (DGAS) au ministère de la santé et des solidarités, M. Jean-Pierre Hardy, chef du bureau de la réglementation financière et comptable à la DGAS, et M. Serge Canape, adjoint au chef du bureau des personnes âgées à la DGAS.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale au ministère de la santé et des solidarités, M. Jean-Pierre Hardy, chef du bureau de la réglementation financière et comptable, et M. Serge Canape, adjoint au chef du bureau des personnes âgées à la DGAS.

Notre objectif est de comprendre la façon dont évolue le financement des différentes catégories de maisons de retraite. Vos réponses à nos questions permettront de compléter les renseignements très précis que vous nous avez communiqués par écrit. Le nombre des conventions tripartites signées depuis 2001 est-il conforme aux prévisions ? Pourquoi ces conventions sont-elles presque toujours signées en fin d'année ? Pourquoi certaines régions et certains départements rechignent-ils à les signer ? Qui est responsable du suivi de la réforme de la tarification ? Sur ces différents sujets, comment se répartissent les responsabilités entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la direction générale de l'action sociale ? Disposez-vous d'outils pour mesurer la qualité des établissements, dont l'amélioration est le second objectif de la réforme de la tarification, avec le souci d'équilibrage entre les différentes catégories de structures ? L'écart de coût de un à trois que vous évoquez dans les documents transmis concerne-t-il le montant global de prise en charge ou les frais que la personne âgée doit acquitter elle-même ? La réforme de la tarification a-t-elle contribué à réduire les écarts ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Compte tenu de la précision de vos questions, nous serons peut-être amenés à vous apporter des compléments de réponses par écrit.

La direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), par décision de juillet 2000, avait la responsabilité du suivi statistique, du financement et de l'élaboration d'outils d'information concernant la politique conduite en faveur des personnes âgées. La DGAS avait compétence en ce qui concerne les personnes handicapées, mais nous travaillons en étroite collaboration avec la DHOS ainsi qu'avec la direction de la sécurité sociale, puisque nous élaborons des circulaires budgétaires en commun. Au 1er janvier 2006, la donne changera complètement puisque la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) deviendra le pilote du suivi et de l'analyse de l'hébergement en établissement, des soins et des écarts de tarification, mais aussi de la répartition des établissements sur le territoire. Elle sera en outre chargée de l'adaptation de l'offre à la demande, qui passe par le développement de dispositifs intermédiaires comme l'accueil de jour, l'hébergement temporaire, les soins infirmiers à domicile ou les petites unités de vie. À cet effet, la CNSA sera dotée d'outils informatiques et statistiques qui faisaient défaut à l'administration centrale. Nous signerons prochainement une convention fixant les objectifs assignés à la CNSA pour les cinq ans à venir.

Au 1er août 2005, 4 052 conventions avaient été conclues, soit 50 % de l'objectif en nombre de signatures et 60 % de l'objectif en nombre de places. En 2005, 277 conventions ont été conclues alors que l'objectif est de 1 500, mais nous savons que, chaque année, l'essentiel des signatures intervient en novembre et décembre. Cette forte saisonnalité s'explique par le souci des conseils généraux d'engranger un maximum de signatures tout en reportant les financements sur l'année suivante. Au demeurant, les départements et les établissements ont des appréciations différentes par rapport au conventionnement, certains d'entre eux, dissuadés par l'effet de cliquet anti-retour, refusant de s'engager directement. Pour limiter ces comportements dommageables, nous avons émis des propositions tendant à pénaliser ceux qui restent dans l'expectative.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Pouvez-vous citer les départements qui retardent délibérément les signatures de conventions tripartites ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous connaissons les départements dans lesquels peu de signatures ont été enregistrées mais, pour savoir si ce retard est volontaire ou pas, il faudrait que nous consultions les DDASS et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Toutefois, hormis en Haute-Normandie, où le refus de signer des conventions est caractérisé, le phénomène s'explique par un faisceau de raisons : la situation de l'établissement, l'existence d'avantages acquis qui n'incitent pas à sauter le pas, l'attente de conditions plus favorables, le renvoi à l'année suivante pour reporter l'affectation des crédits ou encore le manque d'effectifs de la DDASS. Nous nous efforçons de tenir compte des spécificités de certaines catégories d'établissements pour lesquels la norme « DOMINIC + 35 » - dotation minimum de convergence, plus 35 % -, qui reste l'objectif général à atteindre, est trop défavorable. Celle-ci a été assouplie pour les petits établissements de vingt-cinq à soixante places, où les coûts fixes sont très élevés, et pour ceux qui accueillent une proportion significative de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer. J'ajoute que les effectifs des DDASS sont extrêmement contraints, notamment dans l'arc régional nord-est, et que nos collègues, en département, sont mobilisés sur une multitude d'opérations allant de la création de maisons départementales des personnes handicapées à la mise en place des contrats aidés en passant par la valorisation des acquis de l'expérience, sans oublier le plan de climatisation, qui les a beaucoup occupés depuis deux ans. Les conventions tripartites sont certes une priorité, mais elles passent après plusieurs « super-priorités ».

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous souhaitons aussi connaître les financements correspondant aux conventions signées. Sont-ils conformes aux prévisions ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous vous communiquerons un document à ce propos. Les crédits engagés étaient de 3,5 millions d'euros en 2000, 45 millions en 2001, 281 millions en 2002, 204 millions en 2003, 235 millions en 2004 et 117 millions en 2005, soit un total cumulé de 886 millions pour un objectif initial de 900 millions d'euros.

M. Jean-Pierre Hardy : La saisonnalité des signatures est aussi due à la prédominance du secteur public, qui a tendance à sacraliser l'annuité budgétaire. Il est difficile de convaincre les établissements qu'ils peuvent passer une convention en cours d'exercice ; ils préfèrent attendre le 1er janvier pour répartir la tarification sur les trois sections (hébergement, soins et dépendance) et ouvrir trois comptes de résultat.

Les réalités départementales sont extrêmement diverses, avec des doses variables d'établissements privés commerciaux, privés associatifs et publics de différents statuts - maisons de retraite hospitalières ou liées aux collectivités territoriales. Or les établissements privés, commerciaux comme associatifs, ont davantage intérêt à signer une convention car ils sont généralement peu médicalisés. De même, les départements à forte implantation héliotrope, situés sur les rives de l'Atlantique et de la Méditerranée, se caractérisent par un taux de signature supérieur à la moyenne ; il conviendrait de croiser cette donnée avec celle des strates juridiques. Au contraire, les départements comme la Haute-Marne, où la plupart des établissements sont publics, enregistrent peu de signatures, à cause de l'effet de clapet anti-retour.

Je note enfin que certains blocages infra-politiques, imputables à des services administratifs, ont été levés il y a quelques mois.

L'écart de coût de un à trois signalé dans le rapport de 2002 de l'inspection générale des affaires sociales, de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration concernait uniquement les soins. Cet écart tend à se resserrer, sous l'effet des conventions tripartites, pour ne plus être que de un à deux. Concernant le coût d'hébergement, les écarts sont beaucoup plus importants.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Avez-vous une idée des écarts concernant le coût qui reste à la charge de la personne âgée ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous disposons seulement d'une enquête, que nous vous transmettrons, portant sur l'hébergement, les soins et la dépendance dans une dizaine de départements.

La mission MARTHE - mission interministérielle d'appui à la réforme de la tarification de l'hébergement des personnes âgées -, qui a de facto été reprise par le cabinet du ministre chargé des personnes âgées, n'a désormais plus de raison d'être dans la mesure où la CNSA va prendre en main la coordination du système, l'État conservant évidemment la responsabilité du pilotage et de la définition des objectifs assignés à la Caisse.

Cinq ans après les premières signatures, nous bénéficions maintenant d'un certain recul pour évaluer l'effet de conventions tripartites sur la qualité des établissements.

M. Serge Canape : D'autant que les conventions les plus anciennes vont bientôt faire l'objet d'un renouvellement et que de nombreuses DDASS ont mis sur pied un processus local d'évaluation de l'amélioration de la qualité. Nous recensons ces initiatives et, pour les homogénéiser, nous créerons avant la fin de l'année un groupe de travail national qui aura pour mission d'établir une grille de quinze à vingt-cinq indicateurs.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quand rendra-t-il ses conclusions ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Vraisemblablement à la fin du premier trimestre 2006 car il suffira de compiler et de synthétiser le travail approfondi accompli par les DDASS.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : La réforme de la tarification aura certainement permis de réduire les écarts en ce qui concerne les tarifs de soins et les tarifs dépendance, mais la connaissance des écarts concernant le montant qui reste à la charge de la personne âgée ou de sa famille mérite d'être améliorée. Avez-vous mené des études sur ce sujet ? Le problème est lié à celui de la prise en charge du coût de l'investissement. Les textes identifient-ils clairement un niveau de collectivité responsable des investissements ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Dans certains départements, les investissements pèsent lourdement sur le coût d'hébergement restant à la charge des personnes. En tout cas, juridiquement, la responsabilité de l'investissement incombe aux départements.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : En vertu de quel texte ?

M. Jean-Jacques Trégoat : L'État n'a pas la responsabilité de ces investissements, mais il ne se désintéresse pas du problème pour autant. Il avait décidé d'accomplir un effort particulier au titre des contrats de plan État-région, mais ceux-ci ont pris du retard, comme dans d'autres domaines, et nous nous sommes battus, budget après budget, pour débloquer les autorisations de programme et surtout les crédits de paiement nécessaires. Nous espérons que le taux d'exécution desdits contrats de plan, pour ce qui concerne les équipements en faveur des personnes âgées, atteindra 60 % fin 2005 ; c'est beaucoup par rapport à la tendance passée, mais peu si l'on considère que cette génération de contrats ne court que jusqu'en 2006. Nous avons en outre obtenu de la CNSA un concours de 50 millions d'euros, dont 60 % sont consacrés à l'accélération des contrats de plan, soit, avec les 25 millions prévus par la loi de finances, un total de 55 millions pour tenir notre objectif.

Mme Catherine Génisson : Mais d'un point de vue juridique, les investissements relèvent-ils strictement des conseils généraux ? D'autre part, le retard pris dans la concrétisation des contrats de plan État-région - qui participent très largement à ces investissements - est-il imputable à l'État ou aux collectivités territoriales ?

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le matelas financier de la CNSA sera-t-il consacré à des investissements ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Une grosse partie des moyens de la CNSA consacrés aux personnes handicapées servira à payer la prestation de compensation tandis que, pour ce qui concerne les personnes âgées, tout dépendra de la montée en charge des créations de places, voire de la médicalisation. C'est précisément la raison pour laquelle la réserve sera sanctuarisée. Mais quel usage en sera-t-il fait ? Si je ne puis préjuger des décisions ministérielles, je constate que le Gouvernement cherche à l'utiliser le plus judicieusement possible.

La capacité d'investissement des établissements est freinée par des obstacles de différentes natures. Sur ce dossier très technique, nous ne sommes pas restés passifs et nous avons identifié trois ou quatre pistes de modifications législatives susceptibles de leur procurer des moyens supplémentaires.

M. Jean-Pierre Hardy : Le responsable direct de l'investissement - constructions, mobilier, cuisine, etc. - est bien entendu l'établissement, personne morale de droit public ou privé. Cela dit, le département, qui facture l'hébergement - de même que la dépendance, l'État prenant en charge les soins -, tient compte, dans sa tarification, des amortissements et des frais financiers consécutifs aux investissements. Le payeur principal est donc l'usager car celui-ci n'est généralement pas bénéficiaire de l'aide sociale départementale, dans la mesure où il entre en maison de retraite pour cause de dépendance et non plus par manque de moyens comme cela se passait le plus souvent dans les années 1960 et 1970.

Lorsque les gestionnaires préfèrent limiter le recours à l'emprunt et réduire les frais financiers, la construction d'un bâtiment neuf se traduit mécaniquement par 4 % d'augmentation du prix de journée, auquel sont incorporés les amortissements et les frais financiers. Une série de mesures vont être prises non seulement pour faciliter l'affectation des excédents d'investissement mais aussi pour réduire l'imputation des amortissements.

Étonnamment, la situation financière des établissements n'est pas mauvaise, hormis le haut des bilans, à cause du besoin en investissements. Mais, grâce aux mécanismes de paiement à terme échu, de dépôt et de cautionnement, les établissements publics disposent de quatre-vingt-dix jours de trésorerie, que nous voulons ramener à trente jours en les encourageant à ne plus emprunter. Malgré l'avis négatif de Bercy, nous souhaiterions aller plus loin en autorisant les établissements publics à procéder à des placements financiers dont les revenus alimenteraient l'investissement. Pour dégager de l'autofinancement, il conviendrait également de fixer deux tarifs selon que l'usager bénéficie ou non de l'aide sociale. Le problème de la fiscalité est beaucoup plus délicat : les établissements publics autonomes ne récupèrent pas la TVA sur les constructions, contrairement à ceux dépendant d'un centre communal d'action sociale, tandis que le secteur commercial, en plein développement, bénéficie du régime de loueur en meublé professionnel, très intéressant du point de vue fiscal.

La dépendance et les soins sont solvabilisés respectivement par l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et l'assurance maladie. Le véritable enjeu des années à venir est le coût de l'hébergement, qui n'est pas complètement socialisé. Et nous sommes soumis à des contraintes strictes : fixer un tarif plancher serait contraire à la libre administration des collectivités territoriales, et fixer un tarif plafond serait contraire à la liberté du commerce et de l'industrie.

Mme Cécile Gallez : En plus des travaux de rénovation classiques, les établissements doivent faire face à des exigences draconiennes en matière de travaux de sécurité. Les foyers-logements, par exemple, ont été classés successivement en type U, en type J puis en type J'. La sécurité est certes nécessaire mais ces contraintes ne sont-elles pas excessives ? Ne serait-il pas envisageable d'accorder des prêts à taux zéro aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ?

Mme Catherine Génisson : Nombre de maisons de retraite, notamment en milieu rural, jouent un rôle fondamental dans la prise en charge locale des personnes âgées, comme elles l'ont prouvé lors de la canicule, sans pour autant respecter les normes définies au niveau national. Les obligations pas toujours compréhensibles et très coûteuses sous lesquelles croulent ces établissements entraînent bien souvent des fermetures pures et simples.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : En quoi les règles de financement applicables aux champs du handicap et des personnes âgées dépendantes diffèrent-elles ? Comment expliquez-vous que le secteur privé à but lucratif, ces dix dernières années, ait été le plus actif dans la création de places d'accueil de personnes âgées dépendantes ? N'est-ce pas dû à l'impossibilité d'identifier dans les textes l'échelon administratif responsable des investissements ? J'insiste également sur le problème des normes sanitaires et de sécurité soulevé par mes collègues.

M. Jean-Jacques Trégoat : Ces sujets mériteraient de longs commentaires.

Certaines normes sont de nature réglementaire, d'autres de nature législative voire communautaire. En ce qui concerne la climatisation des maisons de retraite, l'État a imposé une norme par décret et a exceptionnellement financé les dépenses à hauteur de 40 %. En tant que fonctionnaire, je n'ai pas à me prononcer sur le principe de précaution. Ce qui est sûr, c'est que la représentation nationale unanime a jugé pertinent de faire climatiser les établissements pour apporter une réponse au risque de canicule. L'autre levier est l'augmentation du taux d'encadrement qui, grâce aux conventions tripartites, a déjà fait l'objet d'un effort considérable entre 1996 et 2003 puisqu'il a été porté à 0,57. Dès lors qu'apparaissent des enjeux de santé publique, concernant la climatisation, l'amiante, les légionelles ou encore la sécurité électrique, nous nous devons de faire appliquer les normes, y compris lorsqu'elles émanent d'autres ministères comme ceux du logement ou de l'intérieur.

Dans la mesure où le foyer-logement se substitue au domicile, nous examinons, avec les ministères de l'intérieur et du logement, la possibilité de réduire les normes qui leur sont applicables, au moins pour une partie des bâtiments, même si les normes J constituaient un progrès par rapport aux normes U. Il s'agit de gagner en souplesse tout en garantissant la sécurité des personnes et des gestionnaires d'établissement, qui ne doivent pas être mis en porte-à-faux. Ce chantier énorme devrait déboucher courant 2006 car nous disposons déjà de la typologie des personnes âgées hébergées en foyer-logement, par groupes iso-ressources et par âge, et nous avons établi l'état des lieux précis du patrimoine : dans quel état se trouvent les bâtiments ? sont-ils construits en hauteur ? en plusieurs parties ? seraient-ils facilement convertibles en établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) ? Je rappelle que ces foyers-logements ne sont pas marginaux puisqu'ils sont au nombre de 3 000 et représentent 153 000 places, soit plus du quart du nombre total d'établissements et près du quart du nombre total de places. La transformation intelligente de foyers-logements en EHPAD ou en structures d'un autre type constitue un enjeu fondamental. Quoi qu'il en soit, je suis favorable à ce que les normes, pour cette catégorie d'établissements, restent très raisonnables ou du moins n'explosent pas. Nous recommandons aussi une harmonisation des critères de contrôle des commissions de sécurité sur tout le territoire national, ce qui requiert, de la part du ministère de l'intérieur, la publication d'un texte producteur de droit.

Mme Cécile Gallez : Je confirme que les commissions de sécurité émettent des appréciations très divergentes. Par ailleurs, je préconise pour ma part le maintien d'un nombre élevé de foyers-logements, car ces établissements sont parfaitement adaptés aux femmes qui craignent de rester seules chez elles sans pour autant être invalides.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Sur cette question très importante, la MECSS fera des propositions. Compte tenu de l'heure, je propose que nous vous entendions de nouveau dans les deux mois à venir mais, en attendant, je souhaiterais que vous répondiez à deux questions. Pourquoi le secteur privé a-t-il ouvert tant de places ? En quoi les règles de financement applicables aux champs du handicap et des personnes âgées dépendantes diffèrent-elles ?

M. Pierre Morange, coprésident : De quels outils disposez-vous pour, d'une part, apprécier le stock et le flux de places, dans le domaine de la dépendance comme dans celui du handicap, d'autre part,  adapter l'offre d'hébergement aux besoins actuels et du futur ?

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Cette question immense mériterait au moins une demi-heure d'échanges ; elle englobe en effet les problématiques relatives aux grilles AGGIR - autonomie, gérontologie, groupes iso-ressources - et PATHOS, mais aussi celle du financement du long séjour.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions de nous fournir des réponses écrites afin que, lors de notre prochaine rencontre, nous puissions approfondir ce sujet.

M. Jean-Jacques Trégoat : D'accord.

M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, nous a demandé de faire progresser rapidement notre méthodologie pour donner de la hauteur à notre vision. La DGAS s'efforce par conséquent d'établir un continuum de prise en charge, allant du maintien complet au domicile jusqu'au placement complet en établissement, avec tous les cas de figure intermédiaires, afin de tenir compte de la diversification des populations : les personnes à prendre en charge ont en effet de soixante à cent vingt ans, certaines d'entre elles font des allers-retours entre deux systèmes et la dépendance, dans certains cas cliniques, intervient très tôt. Nous fournissons donc des outils au niveau local et celui-ci se les approprie pour répondre à la demande d'hébergement et de soins. Nous avons notamment mis au point un outil très intéressant, les PRIAC (programmes interdépartementaux d'accompagnement de la dépendance), qui permettent de rapprocher les données des agences régionales d'hospitalisation, des directions régionales des affaires sanitaires et sociales, et des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale, afin de hiérarchiser et de financer les besoins, dans toutes leurs composantes - médecine libérale, médecine hospitalière, etc. Quant à la CNSA, elle sera dotée d'outils destinés à réduire les inégalités et à apporter des réponses plus qualitatives aux problèmes. Ainsi, les services de l'État auront davantage de moyens et davantage de temps pour piloter le système.

M. Jean-Pierre Hardy : La législation autorise les établissements à recourir à l'emprunt s'ils ont l'accord de l'autorité compétente, c'est-à-dire du conseil général, pour les maisons de retraite habilitées à l'aide sociale. Au demeurant, toute collectivité, commune, caisse de retraite ou caisse de sécurité sociale, a la possibilité de subventionner des investissements, mais cela n'a aucun impact sur le coût d'hébergement puisqu'il faut alors procéder à des amortissements. Le secteur des personnes âgées est, de fait, soumis au même régime que celui des personnes handicapées, à deux différences près : dans celui-ci, le coût de revient journalier est supérieur, mais la totalité de la dépense est socialisée.

Si les opérateurs privés ont choisi d'investir dans l'hébergement des personnes âgées, c'est que la demande, dans ce secteur, est solvable. L'offre s'est donc adaptée, certains grands groupes privés proposant une gamme d'établissements allant de l'Ibis au Hilton en passant par le Novotel, avec des prestations de restauration, des loisirs et des animations identiques. Ils sont en outre intéressés par le régime de loueur en meublé professionnel, qui offre un régime fiscal relativement intéressant et une liberté de prix totale.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions pour ces explications, en espérant vous revoir très prochainement.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Bernard Cazeau, sénateur, président du conseil général de la Dordogne, président de la commission politiques sociales et familiales de l'Assemblée des départements de France (ADF), et M. Jean-Michel Rapinat, chef du service développement social de l'ADF.

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Bernard Cazeau, sénateur, président du conseil général de la Dordogne, président de la commission politiques sociales et familiales de l'Assemblée des départements de France, et à M. Jean-Michel Rapinat, chef du service développement social de l'ADF.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : La mission cherche à cerner les flux de financement consacrés à l'hébergement des personnes âgées. Aussi aimerions-nous savoir comment vous envisagez le rôle des départements en matière d'hébergement des personnes âgées, quel est le montant de l'investissement réalisé et quel est son niveau selon les départements. Nous souhaitons également connaître l'évolution constatée au cours des dernières années.

M. Bernard Cazeau : Aujourd'hui, les départements sont pratiquement chargés de toute l'action médico-sociale, ce qui explique d'ailleurs l'inquiétude des présidents de conseils généraux quant au transfert de recettes. Cela concerne en particulier l'hébergement des personnes âgées, pour lequel, au niveau national, les recettes globales s'établissent à 2,4 milliards d'euros environ. Elles émanent de l'Etat, au travers du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FFAPA), à hauteur de 1,45 milliard, la part des familles et les récupérations diverses représentant 954,9 millions.

Mais les départements participent à la prise en charge des personnes âgées pour quelque 2 milliards d'euros et consacrent 3,669 milliards aux dépenses d'APA. Autrement dit, la part de l'Etat dans la dépense globale est de 30 % et celle des départements de 70 %. On comprend mieux les reproches qui s'expriment : la solidarité nationale et la solidarité locale ne s'équilibrent pas, contrairement à ce qui avait été envisagé lors de la création de l'APA. Encore faut-il ajouter que la part des départements est variable. Si l'on tient compte, hors APA, des aides ménagères et des aides complémentaires, la dépense totale engagée par les départements pour les personnes âgées s'élève à 5,6 milliards d'euros. Sachant que l'ONDAM médico-social pour les personnes âgées s'établit à 4,8 milliards, on constate à nouveau que l'engagement des départements en faveur des personnes âgées est supérieur à celui de l'Etat, alors même qu'ils doivent aussi faire face à la très lourde charge du RMI, évaluée à 5,2 milliards. On a ainsi une idée de l'action entreprise par les départements en faveur des personnes âgées dépendantes, qu'elles soient maintenues à domicile ou hébergées en établissement.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Notre connaissance des flux financiers consacrés aux personnes âgées est loin d'être parfaite. Des analyses plus détaillées sont nécessaires, ce qui suppose une concertation entre les départements et la sécurité sociale. Ce sera tout l'enjeu des PRIAC, les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie.

Les départements ont donc la responsabilité de l'action sociale en faveur des personnes âgées ; considérez-vous qu'ils ont aussi celle des investissements ? Par ailleurs, comment se justifient les disparités frappantes relevées dans les coûts d'hébergement ?

M. Bernard Cazeau : Les investissements sont indispensables et les départements les réalisent pour répondre à la demande de places en établissements. De nombreux départements, sinon tous, font le maximum pour maintenir le plus longtemps possible les personnes âgées à domicile. Ils le font pour des raisons humaines aisément compréhensibles et pour des raisons médicales bien connues, mais aussi parce que le coût du maintien à domicile est incontestablement plus faible que celui de l'hébergement en établissement ; de plus, le maintien à domicile permet de créer des emplois. En Dordogne, la moyenne d'âge des personnes hébergées en établissement est de 85 ans, et l'on ne fête plus les centenaires tant elles sont nombreuses. Cette évolution impose l'augmentation de la prise en charge, qui n'est plus seulement sociale mais qui doit, souvent, être médicalisée. Voilà qui explique l'augmentation non négligeable des coûts, qu'il s'agisse des coûts d'établissement proprement dit ou des frais de personnel, sachant qu'aux personnels soignants s'adjoignent d'autres personnels qui contribuent, par leur participation à la vie des établissements, à retarder la survenue de déséquilibres neurovégétatifs chez les pensionnaires.

Je n'ai pas de chiffres précis à vous fournir, car la situation varie du tout au tout selon les départements. On comprendra facilement que le coût du foncier n'est pas le même en région parisienne que dans la Creuse. Or, la dérive du prix du foncier explique pour beaucoup la forte variation des prix de journée. En Dordogne, il est de 43,53 € par jour, soit 1 306 € par mois, zone basse de la fourchette.

M. Pierre Morange, coprésident : La tarification de l'hébergement en établissement tient-elle compte de l'amortissement et des frais financiers ?

M. Bernard Cazeau : La bonne gestion l'impose, en Dordogne comme dans les autres départements. Pour qu'il en aille autrement, les départements devraient être prodigieusement riches !

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : L'ADF dispose-t-elle d'une étude sur les stratégies d'investissement des différents départements ?

M. Bernard Cazeau : Nous n'avons pas réalisé d'analyse globale. J'appelle d'ailleurs votre attention sur la nécessaire prudence qui doit prévaloir. La situation des départements varie à de nombreux égards, qu'il s'agisse de leur richesse, du nombre de personnes âgées qui y résident et de l'importance de la dépendance constatée. On compte ainsi de nombreuses personnes âgées dépendantes dans les campagnes du sud de la France, car beaucoup ont souhaité s'établir dans des régions ensoleillées pour y passer leur retraite, en bénéficiant de prix qui leur semblaient plus acceptables qu'ailleurs. Étant donné l'ampleur des disparités, ce serait faire une mauvaise manière aux départements que de prétendre les comparer. Contrairement à mon habitude, je ne donnerai pas pour exemple le département des Hauts-de-Seine, et je me bornerai à demander comment l'on pourrait valablement comparer le budget de l'Essonne avec celui de la Dordogne, de la Creuse ou de la Corrèze. Chacun comprendra qu'une comparaison valide n'est pas possible.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je cherchais à savoir, sans porter de jugement, quelle connaissance l'ADF a des investissements réalisés par les départements en matière d'hébergement en établissement.

M. Bernard Cazeau : Quand cette étude aura été réalisée, on constatera tout au plus que certains départements peuvent faire davantage que d'autres parce qu'ils en ont les moyens. Cela soulignera le besoin impérieux d'une péréquation nationale.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est la vocation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), et nous avons bien compris combien la comparaison est malaisée. Pouvez-vous nous indiquer si, dans chaque département, un mécanisme a été créé, tendant à compenser les taux d'équipement les plus faibles par des dispositifs de soins à domicile plus développés ?

M. Bernard Cazeau : Pour ce qui me concerne, mon intention n'est pas de transformer la Dordogne en une grande maison de retraite. La population de certains départements compte déjà plus de 40 % de personnes âgés de plus de 75 ans. J'ai dit la volonté générale de maintenir les personnes âgées à domicile le plus longtemps possible, ce qui s'envisage mieux dans les campagnes, grâce à la prise en charge partielle par les voisins, la vie sociale étant plus développée dans les départements ruraux que dans les grandes villes, comme on l'a vu lors de la canicule. Pour autant, la création d'établissements est nécessaire, et les départements construisent lorsqu'il le faut. Pour ma part, j'ai décidé qu'il devrait y avoir un établissement d'hébergement public ou associatif, par canton. C'est à eux que l'aide est réservée, même si cette offre est complétée par une offre privée.

M. Pierre Morange, coprésident : On sait qu'à cet égard les stratégies diffèrent selon les départements. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

M. Jean-Michel Rapinat : La question que vous nous posez est celle de l'offre de services. Il est difficile de la prendre en compte, compte tenu du fait que le potentiel fiscal diffère selon les départements. Nous espérons trouver le moyen de mesurer le niveau moyen de dépendance d'une population sur un territoire donné. Il faudrait, pour adapter l'offre de service, établir un « groupe iso-ressources » moyen pondéré par département. En effet, certains départements cumulent les handicaps : un potentiel fiscal faible, une population dépendante nombreuse et un taux moyen de dépendance très élevé. Voilà pourquoi une péréquation est indispensable. Les départements se sont demandés s'ils allaient plutôt se tourner vers l'offre privée, notamment pour la prise en charge de la maladie d'Alzheimer. Mais tout dépend aussi des offres qui leur sont faites. De même que pour la prise en charge des personnes handicapées, les offres vont parfois du simple au double pour une même population.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment de tels écarts se justifient-ils ?

M. Jean-Michel Rapinat : Par l'histoire de la prise en charge. S'agissant des personnes handicapées, la prise en charge était généralement assurée par des associations. Pour ce qui est des personnes âgées, les établissements n'ont pas tous réagi de la même manière aux évolutions qu'ont représenté la création de l'APA, la réforme de la tarification et la réduction du temps de travail. De plus, on partait de structures existantes dont les modalités de fonctionnement n'étaient pas les mêmes, qu'il s'agisse du personnel ou de la prise en charge proprement dite. La réforme de la tarification a suscité des critiques mais elle a permis de différencier le coût de la dépendance et celui des soins et, ce faisant, d'envisager la question différemment. Toutefois, à ce jour, on a du mal à réduire les différences de coûts et des écarts demeurent en raison de l'hétérogénéité de l'offre de départ. Il en est parfois résulté des tensions entre les départements et les gestionnaires d'établissements, qui ont des arguments à faire valoir.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le directeur général de l'action sociale, que nous venons d'entendre, nous a dit que la compétence de l'investissement revient au département. Partagez-vous ce point de vue ?

M. Bernard Cazeau : La loi nous donne cette compétence, que nous exerçons par le biais de subventions ou par celui du prix de journée. La décentralisation a donné aux départements la responsabilité de l'action sociale, et il est en effet bien davantage de leur ressort que de celui de l'Etat de traiter ces questions. Encore faudrait-il que deux problèmes en suspens soient réglés. S'agissant de l'APA, la répartition entre la part de l'Etat et celle des départements devrait être rééquilibrée pour passer de 30 % et 70 % actuellement à 50 % chacun. Pour ce qui est du RMI, son financement devrait être envisagé par le biais d'un impôt plus dynamique ou d'une compensation intégrale. Si ces rectifications étaient faites, les départements seraient parfaitement à même d'assumer l'ensemble de l'action sociale, y compris les investissements, auxquels ils contribuent en fonction de leur richesse respective. Une évolution s'impose, car ces problèmes sont réels. Le conseil général de la Dordogne est sur le point de voter un budget supplémentaire de 2 millions d'euros destiné à couvrir une dépense de RMI excédentaire ; et le département ne compte que 400 000 habitants ! Toute compétence doit être transférée complètement ou pas du tout. C'est d'ailleurs le fait que la prise en charge du handicap soit une compétence partagée qui pose problème.

M. Jean-Michel Rapinat : Avant la création de l'APA, les départements étaient principalement préoccupés par la tarification. Actuellement, il s'agit bien davantage d'une approche « qualité » : les conseils généraux recherchent la qualité de la prise en charge. Aussi, une fois réglée la question de la coordination d'ensemble, les autres questions pourront être progressivement traitées différemment.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Certains départements ont choisi l'aide à la pierre. C'est le cas pour la Dordogne, à hauteur de 20 %, et d'autres départements ont décidé d'y consacrer davantage. Savez-vous lesquels, et avez-vous analysé l'impact de l'aide à la pierre sur l'évolution du prix de journée ?

M. Bernard Cazeau : Le département de la Dordogne a financé 110 opérations en vingt ans, à hauteur de 50 millions, opérations qui ont suscité pour 200 millions d'euros de travaux.

M. Jean-Michel Rapinat : On constate un fort engagement d'un quart au moins des départements, mais il est difficile de le quantifier. Une première phase a consisté à rénover les établissements existants, mais l'on est déjà passé à une deuxième phase. On constate la même implication des départements dans l'investissement en faveur des établissements d'hébergement pour personnes âgées que dans l'investissement en faveur du logement.

M. Pierre Morange, coprésident : L'ADF a-t-elle une idée exacte de l'offre complète, ou des éléments d'information peuvent-ils lui manquer ?

M. Jean-Michel Rapinat : L'articulation des schémas gérontologiques départementaux grâce au PRIAC permettra l'harmonisation de la planification.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : J'en reviens à l'aide à la pierre et à ses conséquences sur l'aide sociale. L'ADF a-t-elle fait un bilan à ce sujet ? Certains considèrent que plus l'investissement public en faveur de la création ou de la rénovation des maisons de retraite est important, plus la demande d'aide sociale diminue. Mais, pour la DGAS, la réduction de la demande d'aide sociale découle bien davantage de l'augmentation du nombre des personnes âgées dépendantes. Quel est votre sentiment ?

M. Bernard Cazeau : Nous constatons en Dordogne que le fait de subventionner l'équipement ne réduit pas la demande d'aide sociale, à la fois parce que les coûts d'investissement augmentent et parce que la tarification ternaire a accru de façon non négligeable les coûts d'hébergement, heureusement compensés par l'APA après que la sécurité sociale s'est désengagée de certaines dépenses. Pour que le volume de l'aide sociale diminue en Dordogne, le conseil général devrait porter l'aide à la pierre à 50 % de l'investissement total.

M. Jean-Michel Rapinat : Une étude pourrait être réalisée à ce sujet en partenariat entre l'ADF, la CNSA et l'Observatoire décentralisé de l'action sociale (ODAS).

M. Pierre Morange, coprésident : La récupération sur succession a-t-elle un impact sur les finances des départements ?

M. Jean-Michel Rapinat : Avec la création de l'APA, nous sommes passés d'une aide sociale classique à une aide sociale universelle. Ainsi, il était envisagé que 800 000 personnes seraient aidées à fin 2005 ; nous en sommes à 900 000 à ce jour. Les recettes sont en baisse et la philosophie elle-même a changé depuis 2002-2003. D'autre part, les personnes actuellement aidées sont âgées de plus de 75 ans ; l'aide qui leur est allouée au travers de l'APA l'est pendant une durée relativement courte, mais il arrive fréquemment que des aides engagées soient versées au-delà de la date des décès. Ces sommes, dont le total est loin d'être négligeable, doivent être récupérées, ce qui prend un certain temps. Le chèque emploi universel contribuera peut-être à traiter différemment l'aide à la personne, et donc à résorber le volume des sommes indues à récupérer.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le représentant de la Fédération hospitalière de France a proposé d'encadrer les tarifs d'hébergement en fixant un minimum et un maximum au prix de journée. Qu'en pensez-vous ?

M. Bernard Cazeau : Les départements estiment que les prix de journée demandés résultent d'une gestion très serrée. D'autre part, ils ne sont pas très favorables à ce qu'on légifère pour leur laisser ensuite le soin de régler l'addition. Ils ne se satisfont pas non plus que l'on prétende que tous les départements seraient dans la même situation, alors que leur hétérogénéité est patente et que les ressources de leur population le sont également. Chacun sait que les pensions agricoles ne sont pas du même montant que celles des salariés en milieu urbain. Chaque président de conseil général doit pouvoir limiter la demande, en assurant une gestion convenable, pour ne pas grever la fiscalité locale. Je ne vois pas comment, sauf à faire une péréquation nationale, on pourrait établir des prix de journée fixes. Or, en matière de péréquation, on sait ce qu'il advient des promesses - on l'a encore vu avec l'APA : quinze départements en ont profité, mais pour ce qui est des autres... Et qui ignore que, dès que l'on parle de péréquation, les départements riches se mettent à hurler ? Il faut tenir compte de la diversité des situations. Vous aurez compris que je ne suis pas favorable à la fixation autoritaire des prix de journée. Je pense, en disant cela, traduire l'état d'esprit de mes collègues, dont certains auraient vraisemblablement une expression moins modérée que la mienne à ce sujet.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

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A l'issue de ces auditions publiques, M. Pierre Morange, coprésident, a présenté une communication sur l'organisation des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS).

Il a indiqué que la Mission devrait terminer ses travaux sur « l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale », le 3 novembre prochain. Le rapport de la MECSS pourrait ensuite être soumis pour adoption à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le 16 novembre 2005.

Puis, il a rappelé qu'en ce qui concerne le thème d'étude relatif au « plan Biotox », la Mission avait entendu, à huis clos, la semaine précédente, la Cour des comptes, qui a présenté son rapport sur ce sujet, ainsi que le directeur général de la santé et le secrétaire général de la défense nationale. Compte tenu des contraintes liées au respect du secret défense, M. Jacques Domergue, rapporteur, présentera prochainement une simple communication à ce sujet.

Les auditions sur « le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées », qui ont commencé le 6 octobre dernier, devraient se poursuivre jusqu'à la mi-février 2006. Le rapport pourrait être proposé à l'adoption par la Mission dans la première quinzaine de mars.

A compter du mois de mars 2006, la MECSS devrait conduire ses travaux sur « La tarification à l'activité dans les établissements de santé » et pourrait rendre ses conclusions sur ce sujet à la fin de la présente session, avant de commencer ses investigations sur « L'action sociale du régime général de sécurité sociale et l'action sociale des collectivités territoriales ».

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale s'est ensuite réunie à huis clos.

M. Jean-Pierre Door a présenté les grandes lignes de son rapport sur « l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale ».

Une discussion s'est alors engagée, à laquelle ont participé MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents, Mme Paulette Guinchard et M. Georges Colombier.

Un premier échange de vues a ensuite eu lieu sur les thèmes d'études de la Mission pour 2007.

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