COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 6

Jeudi 17 novembre 2005
(Séance de 9 heures)

Présidence de Mme Paulette Guinchard et M. Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

pages

- Communication sur le plan Biotox présentée par M. Jacques Domergue

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- Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé et des solidarités

3

- Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

9

- Audition de M. Michel Peltier, directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France, de M. Christian Meurin, directeur départemental des affaires sanitaires et sociales du Finistère, et de M. Michel Dmuchowski, directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Garonne

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord adopté une communication sur le plan Biotox, présentée par M. Jacques Domergue, rapporteur.

Communication de la mission d'évaluation et de contrôle des lois
de financement de la sécurité sociale sur le Plan Biotox

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a examiné, le 17 novembre 2005, les conclusions sur le plan Biotox, présentées par M. Jacques Domergue, rapporteur.

Conformément aux conclusions présentées par M. Jacques Domergue et compte tenu des contraintes liées au respect du secret défense, la mission a décidé de présenter une simple communication sur le plan Biotox, de prévention et de lutte contre le bioterrorisme, et de ne pas publier de rapport.

La mission s'est réunie à huis clos, le 12 octobre dernier.

Elle a d'abord entendu M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Bernard Candiard, président de la 3ème section de la sixième chambre, M. Denis Morin, conseiller maître à la sixième chambre, et M. Michel Braunstein, conseiller maître à la sixième chambre, rapporteur général chargé de l'élaboration du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Les représentants de la Cour des comptes ont présenté, de manière détaillée, le rapport de la Cour sur l'utilisation du fonds Biotox affecté à la lutte contre les agressions biologiques et bactériologiques.

La MECSS a ensuite entendu, en audition commune, d'une part, M. le professeur Didier Houssin, directeur général de la santé au ministère de la santé et des solidarités, d'autre part, M. Francis Delon, secrétaire général de la défense nationale (SGDN), et M. Jean-Philippe Grelot, conseiller pour les affaires de défense au SGDN.

En conclusion de ces auditions, la mission souhaite manifester sa vigilance en ce qui concerne la protection contre le bioterrorisme. Elle appelle à une amélioration du pilotage et de la coordination de l'action publique dans ce domaine ainsi qu'au renforcement des moyens de veille, de prévention et de lutte contre le bioterrorisme.

Elle relève le caractère convergent, en matière de santé publique, des problématiques de lutte contre la pandémie de grippe aviaire et contre le bioterrorisme, ainsi que des dispositifs mis en œuvre pour y répondre.

S'agissant du fonds de concours Biotox, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, la mission considère qu'il est légitime de demander à l'assurance maladie de participer au financement de ce fonds et même d'augmenter cette participation dans la mesure où l'objet du fonds, initialement limité au financement des stocks de produits de santé destinés à la prophylaxie ou au traitement en cas d'attaques bioterroristes, a été étendu, fin 2004, à l'ensemble des menaces sanitaires graves, en particulier pour faire face à une éventuelle pandémie de grippe aviaire.

Mais, la mission insiste pour que ce fonds ne soit pas utilisé au-delà de son objet et ne finance pas des dépenses, notamment de personnel, qui seraient sans lien direct avec la lutte contre le bioterrorisme. Elle sera attentive à ce que l'État assume pleinement les charges qui lui incombent au titre de ses responsabilités régaliennes et à ce que la contribution demandée à l'assurance maladie ne se transforme pas en une charge indue.

Elle veillera également à ce que l'urgence liée au risque de pandémie de grippe aviaire ne porte pas atteinte aux moyens affectés à la lutte contre le bioterrorisme.

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* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite procédé à des auditions publiques.

Elle a d'abord entendu, M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé et des solidarités, accompagné de Mme Sonia Beurier, et de Mme Céline Lambert, attachées à la sous-direction Financement du système de soins.

M. Pierre Morange, coprésident : La MECSS poursuit aujourd'hui ses auditions publiques sur le thème du financement des établissements d'hébergement des personnes âgées en accueillant tout d'abord M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé et des solidarités, accompagné de Mmes Sonia Beurier et Céline Lambert.

J'indique que M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, viendra présenter à la mission le 1er décembre prochain le rapport que la Cour vient de rendre public sur les personnes âgées dépendantes.

Je laisse la parole à notre rapporteure.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je commencerai par vous demander si vous disposez des outils permettant de recenser dans les comptes de la nation l'ensemble des financements consacrés aux personnes âgées.

Est-on par ailleurs capable d'apprécier le coût réel d'une place en établissement, quel qu'il soit, et de comprendre pourquoi ce qui reste à la charge des personnes âgées ou des familles est aussi important, et pourquoi il existe de tels écarts ?

M. Dominique Libault : Au sein de l'administration centrale, la direction de la sécurité sociale (DSS) n'est pas « leader » sur le dossier des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui relève plutôt de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS). Notre rôle est plutôt de veiller au respect de la loi de financement de la sécurité sociale, donc de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), en particulier de l'ONDAM médico-social, et à la cohérence des différents acteurs. En effet, la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ne doit pas faire oublier que d'autres acteurs concourent au financement public des actions en faveur des personnes âgées, notamment l'assurance maladie et l'assurance vieillesse. A ce titre, la DSS est donc également concernée.

Il est évident qu'on n'a pas une bonne connaissance des financements que la collectivité nationale consacre aux personnes âgées. C'est d'ailleurs pourquoi nous étions favorables à la création de la CNSA, dont nous attendons l'émergence d'un pilotage de l'ensemble du système, qui permettrait sans doute d'en améliorer la connaissance. Ce n'est pas chose aisée car il y a beaucoup d'intervenants : départements, caisses de sécurité sociale, CNSA. Si les financements dédiés peuvent être assez facilement repérés, l'exercice est beaucoup plus difficile pour les autres financements, en particulier pour les soins de ville et les personnes à domicile. En effet, l'assurance maladie suit les dépenses de soins de ville à partir du numéro de sécurité sociale, mais elle ignore si la personne est hébergée en établissement ou non. On comprend donc qu'on ait du mal à identifier les soins de ville pour les personnes hébergées. Or, pour optimiser les dépenses, on a bien besoin de les connaître.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment ne pas s'étonner d'une méconnaissance aussi flagrante alors que la dépendance croît ? Avez-vous des propositions à faire pour que la connaissance progresse ?

M. Dominique Libault : Dans son rapport sur les personnes âgées dépendantes, la Cour des comptes traite quand même la question des dépenses d'assurance maladie pour les plus de 75 ans. Elle estime à 7,8 milliards d'euros les dépenses de soins de ville et à 1,6 milliards d'euros celles de l'hospitalisation, soit un total de prestations d'assurance maladie de 9,4 milliards d'euros. On a donc des données, mais nous avons besoin d'un suivi régulier et c'est une des ambitions essentielles des conventions d'objectifs et de gestion (COG) que nous allons conclure avec la CNSA et avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pouvez-vous nous dire quelles dépenses provenant des soins de ville ont été affectées comme prévu à la réforme de la tarification ? Je n'ai pu obtenir aucun chiffre à ce jour.

Mme Sonia Beurier : Il y avait eu une estimation au début de la réforme, mais nous n'en avions pas le montant exact, qui ne sera connu qu'a posteriori, par les remontées des directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS). On sait que sur le total des crédits affectés à la médicalisation, 190 millions d'euros concernent les soins de ville.

Mme Céline Lambert : L'estimation initiale était de 450 millions d'euros sur la totalité du plan de médicalisation des EHPAD. A mi-parcours, on peut donc dire que 20 % des crédits engagés au titre des conventions tripartites sont consacrés à des dépenses précédemment supportées par l'enveloppe soins de ville.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous une estimation du montant consacré à une personne âgée dépendante qui vit à domicile, par rapport à la dépense en établissement ?

M. Dominique Libault : On ne dispose que d'études très ponctuelles et je souhaite que ce sujet soit une priorité de celles que nous mènerons en 2006, en sachant que les montants engagés varient selon le niveau de dépendance et que nous avons besoin d'une typologie pour comparer les coûts réels. Il faudrait aussi, pour avoir une vue complète, agréger les soins de ville dispensés en établissement et les forfaits.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Faute de tels outils de connaissance et d'analyse, sur quelles bases se prennent les décisions ?

M. Dominique Libault : Les décisions se prennent plutôt en fonction de la volonté des personnes âgées et de leurs familles. Nous nous efforçons donc de nous adapter à la demande sociale. Mais je suis d'accord avec vous : pour éclairer les décideurs, il serait bon d'avoir plus d'éléments sur les conséquences des choix qui sont faits. Par exemple, s'il est vrai que, dans un grand nombre de cas, le maintien à domicile est moins coûteux, les choses sont moins évidentes pour les très fortes dépendances.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La mutualité sociale agricole (MSA) a mené un travail dans son réseau de soins gérontologistes et elle dispose de chiffres.

M. Dominique Libault : Il appartiendrait plutôt à la CNAMTS de mener de telles études pour les salariés. Toutes les informations sont dans les caisses, mais, je le répète, la difficulté tient au fait qu'on est incapable de savoir si la personne se trouve ou non en établissement. Pour progresser, il faudrait des enquêtes très spécifiques, que nous pourrions prévoir dans le cadre de la COG.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Disposez-vous de chiffres qui prouvent que répondre au souhait des personnes âgées de rester chez elle coûte moins cher ?

Mme Céline Lambert : Tout dépend du degré de dépendance et du besoin de soins de la personne qu'on maintient à domicile. La CNAMTS pourrait vous donner, sur les dépenses cumulées en service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), des chiffres qui montrent que le coût moyen des soins est plus élevé qu'en EHPAD. Voilà qui relativise le sentiment général.

L'ancien Commissariat général au plan est en train de préparer, en complément de celui sur les besoins de créations de place un établissement, un rapport qui devrait s'interroger sur l'articulation entre offre à domicile et offre en établissement.

M. Jean-Luc Préel : Il y a une quinzaine d'années, une étude menée dans le Calvados avait montré que le coût global d'un hébergement en établissement était équivalent à celui d'un maintien à domicile. Le vrai problème c'est que le financement du maintien à domicile incombe pour une bonne partie au conseil général ou à la famille. De ce point de vue, cette usine à gaz que constitue la CNSA va simplement rendre les choses encore plus complexes. Il faudrait donc non seulement que le rapport que présentera la mission explique quels seront les besoins demain, mais aussi qu'il dise comment y répondre.

M. Dominique Libault : On a dit que les soins à domicile étaient difficiles à appréhender, mais pour les établissements non plus il n'y a pas un coût unique, et on a aussi besoin d'une typologie. On ne peut pas se situer dans la logique de la tarification à la DOMINIC + 35 - dotation minimum de convergence, plus 35 % -  pour tout le monde.

Mme Cécile Gallez : Si une personne veut rester à domicile alors qu'elle est très handicapée, cela coûte aussi cher qu'en établissement. Vous avez donc raison : tout dépend du degré de dépendance.

M. Pierre Morange, coprésident : On distingue les grosses masses financières affectées actuellement à la prise en charge la dépendance, mais de quels éléments d'analyse disposez-vous à l'horizon de quinze ou de vingt ans ?

M. Dominique Libault : Le gouvernement avait demandé au Commissariat général au Plan d'évaluer les besoins en nombre de places d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes. Les données fournies dans le rapport qu'il a remis sont les dernières dont nous disposons, mais les fourchettes étant assez larges, elles comportent donc une importante marge d'incertitude. Cela tient à la difficulté à appréhender les conditions de vieillissement de la population. Jusqu'ici, l'espérance de vie sans dépendance a crû beaucoup plus vite que la dépendance, mais les choses peuvent évoluer. Des actions de prévention de la dépendance sont prévues dans la COG de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), et on peut donc penser qu'il sera possible de maintenir plus longtemps les personnes à domicile, d'autant que cela correspond à la demande. À l'inverse, la rénovation des établissements peut aider à vaincre la répugnance des familles à y placer leurs anciens. Tout cela s'inscrit dans les efforts du ministre pour offrir une palette de solutions qui réponde le mieux possible aux besoins des personnes âgées et de leurs familles.

M. Pierre Morange, coprésident : A l'occasion d'une précédente audition, Mme Bernadette Coulon-Kiang, directrice générale du Centre d'action sociale de la ville de Paris nous a dit qu'en dehors même du problème du foncier, la construction d'une place en EHPAD revenait deux fois plus cher en région parisienne qu'en province. Comment peut-on expliquer une telle différence ?

M. Dominique Libault : Jusqu'à la lecture du compte rendu de cette audition, je n'avais jamais entendu parler d'un écart aussi important et je n'ai pas d'explication. Peut-être faudrait-il adapter la stratégie d'implantation.

J'observe pour ma part qu'on a bien du mal à parvenir à une tarification homogène entre les établissements, pour des raisons qui sont parfois compréhensibles mais pas toujours. Or cela pose un véritable problème pour faire respecter l'ONDAM médico-social voté par le Parlement. Cette hétérogénéité des coûts, qui ne s'explique en effet pas uniquement par le foncier ou par les différents publics accueillis, est inquiétante.

M. Pierre Morange, coprésident : Qui serait habilité à effectuer une étude sur ce point ?

M. Dominique Libault : La CNSA, qui est désormais pilote en la matière. Mais elle n'est pas seule : il y a beaucoup de données à ce propos dans les caisses.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous aimerions aussi avoir votre analyse des conventions tripartites, de leur évolution et de leur devenir.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Estimez-vous qu'il serait nécessaire de les faire évoluer et sur quels points ?

M. Dominique Libault : Cette fois, le pilote est la direction générale de l'action sociale (DGAS) et je sais que vous avez déjà auditionné son directeur, M. Jean-Jacques Trégoat.

Je constate qu'on s'émancipe quelque peu des règles du jeu qui avaient été fixées au départ. Sans doute étaient-elles trop rigides au regard de la complexité du sujet, mais à aller trop loin dans ce sens on risque d'arriver à un dispositif trop hétérogène.

Je n'ai pas d'explication sur les écarts observés sur le territoire en ce qui concerne la signature de ces conventions. Je sais qu'un certain nombre de conseils généraux sont réticents et que les établissements qui gagnent à adopter la nouvelle tarification sont logiquement les premiers à signer.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Inclurez-vous dans la COG conclue avec la CNSA des dispositions visant à établir une comparaison entre le champ du handicap lourd et celui des personnes âgées lourdement handicapés ?

M. Dominique Libault : Cela semble indispensable car la CNSA doit avoir une vision globale des personnes âgées et des personnes handicapées, afin de pouvoir faire des comparaisons qui n'ont pas été possibles jusqu'ici.

Pour autant, je ne veux pas prendre d'engagement pour la prochaine COG, car il s'agit d'un sujet très complexe. En effet, le financement des maisons d'accueil spécialisé (MAS), pour lesquelles l'assurance maladie finance tout, y compris l'hébergement, n'est pas comparable à celui des EHPAD. La première étape sera donc de parvenir à une meilleure connaissance afin d'envisager ultérieurement des comparaisons.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Si je vous comprends bien, mieux vaut avoir un accident vasculaire grave à 50 ans, quand tout est pris en charge, qu'à 90 ans, quand on doit payer soi-même une grande partie de l'hébergement.

M. Dominique Libault : Mieux vaut ne jamais avoir un tel accident.

M. Jean-Luc Préel : Une question très naïve : aujourd'hui les conventions tripartites sont signées par l'État, le conseil général et l'établissement ; puisque la CNSA constituera demain la référence et disposera d'une certaine autonomie, ne serait qu'il pas plus logique que ce soit elle qui signe les conventions en lieu et place de l'État ?

M. Dominique Libault : Cette idée d'autonomie n'a rien d'original puisqu'on reprend ce qui existe déjà dans le champ de la sécurité sociale pour la maladie, la vieillesse ou les allocations familiales. Pour ma part, je défends ce système dans lequel l'État détermine les politiques et les caisses gèrent le dispositif. Et, pour être plus naïf encore, je me demanderai pourquoi ce n'est pas l'assurance maladie qui signe ces conventions puisque c'est son argent qui est engagé.

On a d'ailleurs réfléchi à une éventuelle modification des règles du jeu au moment de la création de la CNSA, mais on a considéré qu'il y avait suffisamment d'acteurs dans le système pour ne pas déstabiliser l'organisation des conventions tripartites, ce qui aurait rendu les choses encore plus complexes. J'ajoute que la CNSA n'a pas d'implantation dans les départements, qu'elle s'appuie donc sur les services déconcentrés et qu'il ne paraît vraiment pas utile qu'elle dispose de services propres.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Y aura-l un lien direct entre la CNSA et les services déconcentrés, ou continuera-t-on à passer par la DGAS ?

M. Dominique Libault : Des relations directes pourront s'instaurer, mais le ministre restera le garant de la cohérence de ce qui est demandé à ses services déconcentrés. Ce sera un point de la convention qui sera conclue entre l'État et la CNSA.

M. Pierre Morange, coprésident : M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, a annoncé un plan de modernisation de 350 millions d'euros pour les EHPAD et de 150 millions pour les établissements d'accueil des personnes handicapées. Pouvez-vous nous donner des détails concernant les objectifs de ce plan ?

J'aimerais également que vous nous indiquiez le canevas de la future COG de la CNSA.

M. Dominique Libault : La DSS n'a en rien la responsabilité de gérer ce plan, et je ne puis donc vous donner d'information supplémentaire.

La première COG sera très méthodologique, afin de bien cerner le rôle de chacun, de se mettre d'accord sur les chantiers prioritaires, de préciser qui fait quoi et comment sont organisés les services déconcentrés, les études, le suivi financier. Aujourd'hui, faute d'un véritable pilotage financier de cet ensemble, je n'ai pas de visibilité de l'exécution de l'ONDAM médico-social pour 2005.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais quels seront les objectifs de la COG ?

M. Dominique Libault : Pour l'heure, il s'agit plus de mettre en place des outils que de définir des politiques publiques.

Je rappelle qu'une réforme importante est intervenue dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale afin d'offrir plus de souplesse dans la création de places. Jusqu'ici, il fallait que les crédits soient disponibles en totalité sur les douze mois de l'année dans l'ONDAM médico-social afin d'éviter que ce dernier soit dépassé. Cette rigidité retardait les réalisations et les crédits étaient sous consommés. L'assouplissement s'accompagnera d'une programmation très précise pour éviter le dépassement.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous souhaiterions avoir le projet de COG de la CNSA.

M. Dominique Libault : Je rappelle que les discussions en cours sont pilotées par la DGAS, mais cela ne devrait poser aucun problème.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je reviens sur le plan de modernisation des établissements qui prévoit 500 millions d'euros : le directeur de la CNSA nous a dit qu'ils étaient pris sur les recettes non dépensées du jour férié. Or il me semblait que le total 2004-2005-2006 était plus important. Pouvez-vous préciser les chiffres ?

Par ailleurs, on constate que la prise en charge sanitaire d'une personne âgée dépendante est assurée par l'assurance maladie et l'ONDAM soins de ville si elle fait appel à une infirmière libérale, et par l'ONDAM médico-social si elle fait appel à un SSIAD ou si elle est en établissement. Une telle hétérogénéité, qui n'est pas sans conséquence, vous paraît-elle normale ?

La durée de séjour est en train de diminuer et, en dehors de la maladie d'Alzheimer, on a de plus en plus recours aux établissements pour la fin de vie. Les conseils généraux ont donc plutôt intérêt à privilégier l'hospitalisation à domicile car c'est la sécurité sociale qui prendra tout en charge, alors qu'en établissement c'est à eux ou à la famille qu'incombera le financement. Il y a là une vraie inégalité. Avez-vous travaillé sur ce sujet ?

M. Dominique Libault : S'agissant de votre première question, je précise que les 500 millions d'euros correspondent uniquement au montant des réserves non dépensées sur l'exercice 2005.

On a créé la double tarification dans les établissements parce qu'historiquement il y avait une part sociale importante à côté de la part sanitaire. Dans la mesure où ils accueillent de plus en plus des gens très dépendants, voire en fin de vie, on en arrive à ce que des situations assez proches soient prises en charge de façon très différente.

Des solutions peuvent être recherchées. Il paraît difficile d'envisager un transfert total des EHPAD vers l'assurance maladie. Ce n'est d'ailleurs pas le choix des collectivités locales qui sont attachées à la possibilité de mener une politique globale de proximité en direction des personnes âgées. Mais on peut aussi considérer qu'il n'y aucune raison que les familles soient exonérées de toute participation dans le cadre de l'hôpital. Pour ma part, une participation forfaitaire ne me paraîtrait pas anormale.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de la Caisse d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagné de M. Jean-Marc Aubert, directeur de l'organisation et de la gestion des soins à la CNAMTS.

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de la Caisse d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), ainsi qu'à M. Jean-Marc Aubert, directeur de l'organisation et de la gestion des soins à la CNAMTS.

Je rappelle que M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, viendra présenter à la mission, le 1er décembre prochain, le rapport public particulier de la Cour concernant les personnes âgées dépendantes, mais notre mission souhaiterait déjà connaître votre sentiment sur l'évaluation de la dépense de soins de ville en faveur des personnes âgées.

M. Frédéric Van Roekeghem : Comme vous le savez, le sujet est d'une rare complexité, mais je m'efforcerai de clarifier ce qui peut l'être, non sans avoir rappelé avant toute chose que si l'assurance maladie obligatoire est le financeur principal des interventions auprès des personnes âgées dépendantes, elle n'est pas le gestionnaire principal du dispositif, puisque les décisions sont prises soit par les départements, soit par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), soit par les directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS) dans le cadre du conventionnement.

Le rapport de la Cour des comptes auquel vous avez fait référence évalue à quelque 9,5 milliards d'euros le financement par l'assurance maladie des sommes consacrées aux personnes âgées dépendantes en 2003, sur un total de 15,5 milliards. L'enveloppe médico-sociale de l'ONDAM permet de constater que les dépenses liées aux établissements d'hébergement pour personnes âgées et aux services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) se sont élevées cette année-là à 3,3 milliards d'euros, dotation en augmentation de 10 % par rapport à l'année précédente. S'y ajoute un montant estimé par la Cour à 2,2 milliards d'euros entre forfaits pour les unités de soins de longue durée (USLD) et subventions indirectes des hôpitaux aux établissements d'hébergement rattachés. Doivent aussi être prises en compte les dépenses de soins de ville, évaluées à 2,33 milliards d'euros - dont 1,1 milliard de soins infirmiers libéraux, 398 millions de médicaments, 239 millions de produits inscrits sur la liste des produits et prestations remboursées et 212 millions de soins de masseurs-kinésithérapeutes. Viennent enfin les prestations hospitalières, pour 1,612 milliard d'euros. Le cumul des forfaits EHPAD, des crédits SSIAD et des dépenses pour soins de ville et hospitalisation conduit donc la Cour à estimer à plus de 9,4 milliards d'euros les dépenses de l'assurance maladie bénéficiant aux personnes âgées dépendantes.

La Cour déplore que la réforme de la tarification ne se soit pas accompagnée d'une clarification de la répartition des charges. Il s'agit là de l'organisation générale du système, dans laquelle, je le redis, l'assurance maladie, organisme financeur, intervient assez peu, sinon par le biais de quelques outils de conseil et en négociant avec les fournisseurs de soins que sont les professionnels libéraux.

Il ressort du paysage brossé par la Cour des comptes que l'action publique a été très orientée vers les offreurs de soins et assez peu vers les personnes, ce qui explique sans doute en partie pourquoi l'on éprouve tant de mal à distinguer ce qui relève du financement par l'assurance maladie et du financement de la dépendance. Il y a d'évidence une continuité dans la vie des individus, et ce n'est pas parce que l'on devient dépendant que l'on n'a plus besoin de soins !

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quelle connaissance réelle a-t-on du financement des soins de ville ? La réforme de la tarification prévoyait un transfert de ces dépenses vers l'ONDAM médico-social ; avez-vous les moyens d'identifier les dépenses qui doivent être ainsi réaffectées ? Plus généralement, comment pourrait-on mieux distinguer ce qui relève de la dépendance et ce qui relève de l'assurance maladie ? Les soins infirmiers sont-ils réglés par l'assurance maladie ou par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ? Quand peut-on dire d'un individu qu'il n'est plus malade mais dépendant ? Où placer la frontière entre maladie et dépendance ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nos financements étant principalement fléchés en fonction des modalités d'intervention de l'offre, nos interventions ne sont pas homogènes sur l'ensemble du territoire ; on constate, par exemple, qu'il y a beaucoup plus d'infirmières libérales dans le sud de la France qu'au Nord. Ce n'est pas sans incidence sur l'offre de soins.

M. Jean-Marc Aubert : De fait, dans le Midi, de 80 % à 90 % de l'activité des infirmières est consacrée aux soins aux personnes, pour 10 à 15 % seulement dans le nord du pays.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est que l'héliotropisme entraîne une grande concentration de personnes âgées au sud de la France.

M. Jean-Marc Aubert : La demande de soins techniques ou de soins aux personnes s'organise manifestement en fonction de la disponibilité des infirmières. Dans les départements où l'on ne compte que 40 infirmières pour 100 000 habitants, on ne recense que des demandes de soins techniques, mais là où elles sont 250 pour le même nombre d'habitants, l'essentiel de leur activité consiste en des soins médico-sociaux et non en des soins médico-techniques. C'est un exemple de répartition du financement liée à l'offre de soins.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : A-t-on constaté que dans les départements où les infirmières libérales sont les plus nombreuses, il y a moins de services de soins à domicile ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Le lien est relativement faible car le manque de coordination est manifeste entre les interventions des personnels relevant du financement au titre des établissements d'hébergement et celles des professionnels libéraux. Dans le domaine médico-social particulièrement, il est nécessaire et urgent de mieux mettre en regard médecine en établissement et médecine de ville, d'autant qu'il y a une continuité évidente entre domaine médical et domaine médico-social.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous liez donc les disparités régionales constatées à la disparité de l'offre de soins. Cela étant, si les infirmières se concentrent sur les actes techniques, les actes de soins sont effectués par les aides-soignantes, qui deviennent alors des sortes d'infirmières « bis ». On ne peut donc pas dire que l'offre de soins génère la demande.

M. Frédéric Van Roekeghem : Partout où l'offre de soins infirmiers augmente, on constate une modification de la nature des actes, dont la plus grande partie est alors consacrée aux soins. De ce fait, actuellement, la prise en charge des personnes âgées dépendantes n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire parce que la répartition des infirmières libérales ne l'est pas. Si on pense qu'il faut veiller à l'égalité de traitement, on doit constater qu'elle n'est pas assurée aujourd'hui.

M. Pierre Morange, coprésident : Si je vous ai bien entendu, l'affectation des enveloppes budgétaires est structurée en fonction de l'offre de soins et non en fonction des besoins des patients. A quelles recommandations vous conduit ce constat ? Comment améliorer l'adéquation de l'offre aux besoins des personnes dépendantes ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Si la CNAMTS se réorganise, c'est précisément pour se réorienter vers ses assurés. Il convient en premier lieu de procéder à une meilleure analyse médico-économique de la consommation de soins selon les pathologies pour tenter de rationaliser l'offre de soins. Il faut aussi favoriser l'accompagnement à domicile ou la création de structures légères lorsque c'est possible, pour pouvoir, à terme, mieux spécialiser les établissements.

M. Pierre Morange, coprésident : Quand procéderez-vous à l'analyse médico-économique que vous présentez comme le préalable indispensable à toute rationalisation ?

M. Frédéric Van Roekeghem : La création de la CNSA conduira à définir qui est le pilote. Ce sera une bonne chose car la multiplication des intervenants nuit à l'efficacité générale des dispositifs. Selon moi, priorité doit être donnée au développement de la connaissance médico-économique de la partie des dépenses consacrée aux soins.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous en sommes bien d'accord, mais comment comptez-vous vous y prendre ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Une étude complète ayant été menée à ce sujet dans la région Midi-Pyrénées, nous savons quels sont les coûts globaux et la répartition des dépenses en fonction des grandes pathologies. Nous avons obtenu de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) l'autorisation d'étendre cette étude à l'ensemble du territoire ; elle sera entreprise au 1er trimestre 2006. Nous vous transmettrons ces deux études.

M. Pierre Morange, coprésident : Il nous serait utile de prendre connaissance de la première étude. Est-elle d'ordre statistique ?

M. Frédéric Van Roekeghem : C'est une photographie. Mais le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie nous incite à évoluer en ce qui concerne la dépendance.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous aurez compris que nos questions tendent à évaluer les moyens qu'il faudra mettre en œuvre, avec l'implication que cela aura sur l'assiette du financement.

M. Frédéric Van Roekeghem : Le problème est qu'actuellement, peu nombreux sont ceux qui se préoccupent de croiser la question de l'accompagnement des personnes malades ou dépendantes et celle de l'optimisation des moyens financiers collectifs. C'est ce que nous souhaitons faire. Nous nous inspirerons des travaux du Haut-Conseil - et vous savez sans doute que Mme Dominique Polton a été récemment nommée directrice de la stratégie des études et des statistiques de la CNAMTS. Il s'agit de construire une vision prospective intégrant à la fois l'évolution du nombre de personnes susceptibles d'être prises en charge au titre de la dépendance et celle des traitements médicaux. Ce sont des travaux de long terme indispensables, car l'assurance maladie doit recentrer sa réflexion sur ses assurés et gérer de manière beaucoup plus active les protocoles de soins. C'est ainsi que j'envisage le pilotage général.

Lorsque des personnes sont en établissement, elles sont prises en charge globalement. Mais lorsqu'elles restent à leur domicile, de nombreux services interviennent, dont le coût repose pour beaucoup sur les familles. Pourtant, à domicile comme en établissement, les personnes âgées veulent des aides soignantes lorsqu'elles en ont besoin, des soins par un kinésithérapeute si nécessaire et, le cas échéant, la visite de leur médecin traitant. On peut légitimement s'interroger pour savoir si la distinction des sources de financement, aussi nécessaire soit-elle par souci de clarification, a un sens pour la personne elle-même.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Votre réflexion a-t-elle porté sur l'évolution des dépenses rapportée à celle de la qualité de la prise en charge ? La mutualité sociale agricole (MSA) a fait une étude poussée à ce sujet ; qu'en est-il de la CNAMTS ? Sur un autre plan, la durée moyenne de séjour dans les maisons de retraite diminue et le nombre des décès augmente dans les EHPAD, ce qui signifie que les établissements ont, de plus en plus, la charge de la fin de vie. Certaines des dépenses engagées dans ce contexte ne devraient-elles pas être prises en charge par l'assurance maladie ?

M. Jean-Marc Aubert : La CNAMTS n'a pas réalisé d'étude équivalente à celle de la MSA car nous avons centré nos travaux sur d'autres sujets pour éviter les redondances.

M. Frédéric Van Roekeghem : J'ajoute qu'étant donné l'âge de la population qu'elle couvre et son implantation, la MSA est particulièrement bien placée pour réaliser une telle étude.

Pour ce qui est de la durée moyenne de séjour en établissements, il est exact que les EHPAD accueillent une proportion croissante de personnes âgées classées en GIR 4. C'est logique puisque les gens, souhaitant rester chez eux le plus longtemps possible, intègrent les établissements de plus en plus tard. Il est vrai que de ce fait le problème du suivi de la fin de vie se pose, mais l'assurance maladie n'est pas la mieux à même de juger si les financements accordés aux EHPAD sont adaptés à cette évolution. Tout ce que je puis dire, c'est que l'effort de la collectivité a augmenté dans de très fortes proportions : les crédits destinés aux EHPAD ont augmenté de plus de 10 % entre 2003 et 2004, et ce rythme sera tenu, voire amplifié, en 2005. Mais cet effort très important est-il pour autant globalement efficace ? Puisque l'on connaît le souhait des personnes âgées de rester à leur domicile le plus longtemps possible, l'offre de soins qui leur est proposée est-elle appropriée ? On constate que certains pays étrangers privilégient nettement l'hospitalisation à domicile plutôt que l'hébergement dans un établissement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Comment se répartissent les charges de personnel dans les établissements pour personnes âgées entre l'assurance maladie, ce qui relève de la dépendance et ce qui est couvert par la personne elle-même ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Comme vous le savez, des clés forfaitaires ont été instituées. Il reste à savoir si les établissements disposent d'une comptabilité analytique suffisamment précise pour vérifier si les dépenses ainsi définies correspondent aux dépenses réelles. Aucune consolidation nationale n'a été faite à ce sujet, mais je me renseignerai pour savoir si certains établissements se sont livrés à une telle analyse.

Mme Cécile Gallez : S'agissant des soins à domicile, exige-t-on toujours une forte part de soins infirmiers et de kinésithérapie pour intervenir ? Par ailleurs, quelle est la répartition des coûts selon qu'il s'agit de logements-foyers ou d'EHPAD ?

M. Jean-Marc Aubert : L'assurance maladie n'a pas un rôle de gestionnaire. Ces données relevaient de la direction générale de l'action sociale (DGAS) jusqu'au 1er janvier dernier ; elles relèvent désormais de la CNSA.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Plusieurs responsables de centres communaux d'action sociale (CCAS) s'interrogent sur les modalités de financement des logements-foyers, se demandant ce qui est préférable, du forfait soins ou du recours aux professionnels libéraux. On sait que plusieurs pays étrangers préfèrent faire appel aux professionnels libéraux et n'ont pas de personnel à demeure. Quelle est votre opinion ? Le sujet est-il débattu dans les Caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) ?

M. Frédéric Van Roekeghem : On peut effectivement se poser la question des modalités de financement des logements-foyers au regard de la nouvelle tarification et des besoins de médicalisation - bien que les résidents des logements-foyers ne soient pas dans le même état de dépendance que ceux qui intègrent les EHPAD. Je n'ai connaissance d'aucune étude à ce sujet.

M. Jean-Marc Aubert : Le problème est celui de la coordination des soins. Pour les personnes faiblement dépendantes, il faudrait faire évoluer les choses pour privilégier un système de santé mieux coordonné, comme par exemple en Angleterre, pays dans lequel le médecin traitant se charge de l'ensemble du suivi de son patient, les pathologies les plus lourdes mises à part. La généralisation du médecin coordinateur est une bonne chose, mais il est aussi nécessaire de renforcer le rôle du médecin traitant, autrement dit, de privilégier la coordination des soins dans le cadre ordinaire.

M. Frédéric Van Roekeghem : La création de la CNSA répondait au besoin qu'un organisme couvre ce champ-là, mais il faut une interface. On en revient à la question initiale : le système n'est-il pas trop orienté vers l'offre de soins et insuffisamment vers l'accompagnement des personnes, qu'elles dépendent de l'assurance maladie ou du financement par les départements ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Certaines unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) ont étudié la consommation médicamenteuse des personnes âgées dans les EHPAD. Quel bilan pouvez-vous dresser à ce sujet ?

M. Frédéric Van Roekeghem : C'est un dossier prioritaire car, en matière de prévention, nous avons deux objectifs : la lutte contre le risque iatrogène et la vaccination antigrippale. Nous sommes en cours d'élaboration, avec nos médecins conseils, d'un plan d'amélioration de la consommation médicamenteuse par les personnes âgées dans les établissements d'hébergement. L'aide des médecins traitants sera nécessaire ; ce sera donc l'un des thèmes de la prochaine négociation conventionnelle. Les médecins coordinateurs peuvent mieux réguler la consommation médicale dans chaque EHPAD.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : L'institution des médecins coordinateurs a-t-elle permis de mieux maîtriser la consommation de médicaments ?

M. Jean-Marc Aubert : Nous ne disposons d'aucune étude nationale à ce sujet, mais peut-être certaines URCAM ont-elles réalisé des travaux spécifiques.

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous vous transmettrons, si vous le souhaitez, les conclusions du groupe de travail de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) conduit par M. Pierre Deloménie sur la prise en charge des médicaments dans les maisons de retraite médicalisées. Il se dit en particulier favorable à la réintégration d'une partie des dispositifs médicaux dans le forfait soins.

M. Pierre Morange, coprésident : Une des conséquences des conventions tripartites est que les professionnels libéraux ont quitté en masse les EHPAD où ils exerçaient auparavant. Comment expliquez-vous cela ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Certains médecins libéraux se plaignent que les conventions ont favorisé le salariat plus que leurs intervention, ce qui n'est pas totalement faux.

M. Jean-Marc Aubert : Nous n'avons pas de connaissances précises sur la manière dont les soins sont assurés dans les établissements : une fois le forfait alloué, nous ne savons pas s'il financera des salariés ou des libéraux. Mais le phénomène que vous avez décrit nous a été rapporté.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est même un phénomène massif, et le procédé n'est pas très élégant envers des professionnels qui accomplissaient jusqu'alors un travail remarquable. Il serait d'ailleurs bon de pouvoir comparer les deux périodes pour savoir si le nouveau système est aussi rationnel qu'on le pensait en l'instituant. L'assurance maladie a-t-elle gagné à la réforme ? Surtout, le patient bénéficie-t-il d'une qualité de soins égale ?

M. Jean-Marc Aubert : Nous n'avons constaté aucune rupture dans l'évolution des dépenses de soins.

M. Pierre Morange, coprésident : Selon certaines informations qui nous sont parvenues, depuis que les forfaits ont été institués, des actes infirmiers sont effectués par des aides-soignantes qui n'en ont pas la compétence. Est-ce exact ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La présence, dans les EHPAD, de différentes catégories de personnels de santé est source d'incohérence dans la qualité des soins et dans la consommation médicamenteuse. La présence d'un médecin coordinateur devait permettre d'améliorer cette situation. Dans ce domaine, la plus grande prudence est de rigueur.

M. Frédéric Van Roekeghem : Je le redis : l'assurance maladie n'a aucun pouvoir de tutelle sur les établissements médico-sociaux, et c'est seulement en raison de nos relations avec nos partenaires libéraux que nous savons qu'ils se plaignent de la substitution du salariat à leurs interventions. Quant à savoir si le nouveau système est efficace, c'est à la DGAS qu'il revient de le dire, car nous n'avons aucune légitimité pour conduire de telles études. L'État dispose des données nécessaires, c'est à lui de les produire. L'assurance maladie n'a aucun moyen de savoir comment les dépenses se répartissent au sein des établissements ; seuls leurs gestionnaires le savent.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le problème est que de plus en plus d'agents de service hospitalier (ASH) font des actes infirmiers. Avez-vous des éléments permettant de confirmer que des actes infirmiers sont réalisés par des gens qui ne sont pas formés pour cela ?

M. Jean-Marc Aubert : L'assurance maladie ne dispose pas d'informations à ce sujet et n'a pas la compétence légale qui lui permettrait d'en avoir.

M. Pierre Morange, coprésident : Il serait toutefois intéressant de comparer les prescriptions au cours des deux périodes pour savoir si les actes prescrits sont effectivement réalisés par des personnels compétents, qu'ils soient salariés ou libéraux.

M. Frédéric Van Roekeghem : Je partage sans réserve votre préoccupation mais, contrairement à la DGAS, nous n'avons ni la compétence requise pour procéder à la comparaison que vous souhaitez, ni de pouvoir de tutelle sur le contrôle des actes, ni de données sur la répartition entre infirmières et aides soignantes et entre intervenants salariés et intervenants extérieurs.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous interrogerons donc la DGAS.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Combien de personnes travaillent sur l'accompagnement des personnes âgées à la CNAMTS, au niveau national ?

M. Jean-Marc Aubert : Deux ou trois personnes, si l'on est optimiste.

M. Frédéric Van Roekeghem : La réorganisation en cours tend à corriger la disparité entre les priorités et la répartition des moyens dans les établissements de tête. L'assurance maladie dispose de ressources humaines importantes, mais elles doivent être réorientées vers les assurés plutôt que vers les offreurs de soins.

M. Pierre Morange, coprésident : A quel stade en êtes-vous de l'élaboration de la convention d'objectifs et de gestion de l'assurance maladie ? Les recommandations de la MECSS y seront-elles bien reprises ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Le conseil de la CNAMTS fixera, en décembre ou janvier, ses orientations pour la négociation de la COG qui aboutira en mars. Nous avons pris connaissance des recommandations de votre mission. Actuellement, nous consultons les directeurs de caisse primaire pour recueillir leurs propositions sur l'évolution du réseau afin de préparer le projet d'orientation qui sera prêt le mois prochain. Nous tiendrons compte de vos recommandations dans l'élaboration de ce projet.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous souhaitons que le délai de réponse de deux mois à nos recommandations soit respecté. Notre mission ne se réunit pas uniquement pour auditionner : elle souhaite voir déclinées les mesures issues de sa réflexion tendant à améliorer le système de sécurité sociale français. Nous le voulons d'autant plus que nos recommandations ont été adoptées à l'unanimité par la mission. Nous souhaitons donc qu'elles constituent l'ossature de votre COG.

M. Frédéric Van Roekeghem : Le délai de deux mois sera respecté et nous vous répondrons par écrit avant que les négociations s'engagent avec les partenaires sociaux.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

*

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu, M. Michel Peltier, directeur régional des affaires sanitaires et sociales (DRASS) d'Île-de-France, accompagné de Mme Sandrine Courtois, inspectrice de la DRASS d'Île de-France, M. Christian Meurin, directeur départemental des affaires sanitaires et sociales (DDASS) du Finistère, et M. Michel Dmuchowski, directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Garonne.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous souhaite à tous la bienvenue et je donne immédiatement la parole à notre rapporteure.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : L'objet de notre mission est d'abord de bien comprendre le financement de l'ensemble du dispositif médico-social et sanitaire en faveur des personnes âgées. Nous cherchons en particulier à approfondir la question du coût de l'hébergement en établissement et nous nous demandons si les personnes âgées et les familles vont pouvoir continuer à le supporter. J'aimerais comprendre pourquoi on est arrivé à de tels montants, en dépit de la réforme de la tarification.

Je commencerai par quelques questions :

- Comment analysez-vous votre rôle de DRASS et de DDASS en matière d'hébergement des personnes âgées ?

- Quels sont, au sein de vos directions, les effectifs affectés à la prise en charge de la dépendance ?

- Quel est l'état des lieux, dans vos territoires respectifs, en ce qui concerne le nombre et la qualité des places d'hébergement pour personnes âgées ?

- Est-il possible de connaître le montant des financements affectés à la prise en charge de la dépendance ?

- Quels moyens mettez-vous en oeuvre pour améliorer la connaissance dans le champ sanitaire comme dans celui des établissements médico-sociaux ?

- Quelle est votre politique en matière d'amélioration des taux d'équipement en maisons de retraite dans vos régions respectives ?

M. Michel Peltier : La DRASS a d'abord un rôle de répartition de l'enveloppe régionale des crédits de l'assurance maladie en enveloppes départementales. Cette répartition doit s'appuyer sur une connaissance des besoins et sur une logique de programmation. La connaissance des besoins est assez difficile, les paramètres démographiques étant les plus accessibles.

En Île-de-France, nous avons un important effort de rattrapage à faire, notre taux d'équipement étant sensiblement inférieur à la moyenne nationale. Si nous voulions que notre région soit équipée selon le même standard que l'ensemble des régions françaises, il nous faudrait créer 8 000 places en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et en unités de soins de longue durée (USLD). Et, si on considère que le nombre de personnes âgées doublera d'ici 2030 et que le nombre des personnes dépendantes augmentera dans une proportion moins importante, ce sont au total 21 000 places qui seront nécessaires.

On observe par ailleurs que le taux d'équipement varie du simple au double entre le centre et la périphérie, essentiellement en raison du coût du foncier. Certains départements se sont beaucoup investis, d'autres moins. Le rôle de la région est d'essayer d'équilibrer les réponses sans se contenter de suivre l'initiative des promoteurs, d'autant qu'on observe que les projets de création sont plus nombreux dans les départements qui sont déjà les mieux équipés.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Certains départements versent-ils une aide à la pierre importante ?

M. Michel Peltier : Je l'ignore. Ces dernières années, les moyens ont beaucoup augmenté : de 2002 à 2005, l'enveloppe médico-sociale en Île-de-France a progressé de 52 %. Sur les crédits de l'assurance maladie, l'investissement en faveur des personnes âgées a été très important.

Nous allons disposer, grâce à la loi récente sur le handicap, d'un outil essentiel : le programme interdépartemental pour la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées (PRIAC). Ce travail de programmation sera effectué en étroite concertation avec les collectivités territoriales et les autres acteurs, notamment les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), afin de renforcer la synergie entre ce qui se fait dans le champ hospitalier et dans le champ médico-social. Il permettra de densifier l'offre, de la rééquilibrer territorialement et de l'adapter aux besoins des personnes âgées.

Si on suit la tendance des promoteurs, on a des projets situés majoritairement dans les départements les mieux équipés, tournés plus vers la prise en charge de la dépendance moyenne - alors que nous souhaiterions orienter les prises en charge institutionnelles vers la dépendance lourde - et concernant en majeure partie le secteur privé à but lucratif sans habilitation à l'aide sociale, ce qui risque de poser des problèmes d'accès aux établissements pour certaines personnes âgées.

Nous avons aussi la volonté d'accompagner les évolutions de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a pour objectifs de se recentrer sur les soins et de moderniser ses unités de soins de longue durée. Et nous sommes engagés dans un programme de création de places pour compenser les pertes de capacités que vont entraîner ces restructurations. Des mouvements de crédits sont déjà en cours entre l'enveloppe AP-HP et l'enveloppe médico-sociale d'Île-de-France. Le ministre de la santé a nommé une chargée de mission, Mme Hélène Gisserot, afin de mettre en œuvre concrètement cette stratégie de compensation.

Pour répondre à une autre de vos questions, j'indique qu'au sein de la DRASS d'Île-de-France, sur un total de 300 personnes, 3,5 à 4 équivalents temps plein s'occupent du secteur des personnes âgées.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous pu, à l'occasion de la compensation des suppressions de lits à l'AP-HP, établir une comparaison entre le coût d'une reconversion est celui d'une création ex nihilo ?

M. Michel Peltier : D'un point de vue budgétaire, nous entendons aller au-delà de la stricte compensation de la fermeture de lits. C'est la taille même de la structure AP-HP qui conduit à un niveau de tarification assez élevé et, avec les montants transférés, nous devrions pouvoir créer 1 200 à 1 500 lits pour 800 suppressions. Mais il m'est difficile d'être plus précis car nous ne sommes qu'au début du processus.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les EHPAD seront appelés à supporter les charges de personnels jusqu'ici assumées par l'assurance maladie. Cela signifie qu'il y aura moins de personnel pour accompagner les personnes âgées car sinon le budget sera insuffisant, sauf à considérer que l'AP-HP est vraiment très mal gérée. En fait, je crains que ces charges supplémentaires n'incombent aux conseils généraux et aux personnes âgées elles-mêmes, alors que le coût d'hébergement est déjà très élevé en région parisienne. Dans ces conditions, vous pourrez facilement créer de nombreuses places...

M. Pierre Morange, coprésident : C'est un sujet important car, avec l'évolution du parc hospitalier, l'investissement va être de plus en plus à la charge des patients.

M. Michel Peltier : Je pense qu'on peut optimiser les moyens dans des unités plus petites. J'ajoute que l'AP-HP ne se désintéressera pas de ce qui va être créé et que les nouvelles structures pourront s'appuyer sur son plateau technique. Il est également possible qu'elle mette des terrains et des locaux à leur disposition.

Je souhaite aussi que nous nous inscrivions dans une logique d'appels à projets communs avec les conseils généraux.

Mme Cécile Gallez : Vous dites que la répartition des établissements n'est pas équilibrée au sein de votre région. Dans mon département, le conseil général a lancé un plan gérontologique dans lequel il n'accepte de créations de lits que dans les secteurs les plus défavorisés. En Île-de-France, le financement est-il immédiatement disponible dès que la création a été reçu un avis favorable du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (CROSMS) ?

M. Michel Peltier : Non, car sur les crédits d'assurance maladie on ne fonctionne pas à guichets ouverts mais en enveloppe annuelle répartie. Cela étant, nous essayons de répartir l'offre et de compenser un écart de taux d'équipement qui va de 35 à 124 pour 1 000 selon les départements. La programmation régionale cherche à privilégier les départements les moins équipés et tous les projets ne sont pas financés de la même façon. Des départements sont très en-dessous de la moyenne d'équipements, Paris et la Seine-Saint-Denis, tandis que la Seine-et-Marne est très au-dessus.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je souhaite également savoir quelles sont les difficultés que rencontrent actuellement les établissements en matière de financement, pour l'investissement comme pour le fonctionnement. Quelles seraient selon vous les évolutions nécessaires pour faciliter la réalisation des investissements et le financement des dépenses de fonctionnement ?

Pouvez-vous par ailleurs nous dire comment les DDASS ont-elles été associées à la préparation des schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération, pour la partie personnes âgées et dépendance ?

J'aimerais aussi que chacun réponde à ma question sur les effectifs.

M. Christian Meurin : A la répartition globale des ressources au niveau régional fait suite une répartition entre les établissements. Des conventions tripartites sont instruites depuis 2001 pour faire entrer les établissements dans la réforme de la tarification. Dans le Finistère, un peu moins de la moitié des établissements sont aujourd'hui conventionnés et les premières conventions, conclues pour trois ans, commenceront à être renouvelées l'an prochain.

Sur 120 agents, à peu près cinq équivalents temps pleins sont consacrés à ce thème, dont un et demi seulement en catégorie A, et pour partie sous statut contractuel depuis le lancement de la réforme.

Nous avons aussi une mission de planification car nous préparons la troisième génération du schéma départemental, le deuxième couvrant la période 1999-2005. Sur les 630 créations de places prévues, seulement 230 ont été réalisées en raison de notre incapacité à médicaliser toutes les places supplémentaires inscrites dans ce schéma. Arrêté conjointement par le préfet et par le président du conseil général, il s'agissait d'un outil opposable, dans lequel devaient s'inscrire les créations de places. Cette mission nous mobilise fortement. Pour sa part, le conseil général emploie cinq attachés pour le secteur des personnes âgées, qui englobe la tarification des services de soins infirmiers à domicile.

Nous avons 11 800 places d'hébergement en établissement, en grande majorité éligibles à la réforme de la tarification, réparties dans près de 120 établissements, dont la moitié sont conventionnés. Avec 153 places pour 1 000 personnes de plus de 75 ans, notre taux d'équipement est inférieur à la moyenne régionale, qui est de 171 pour 1 000. L'importance du parc d'hébergement collectif varie beaucoup d'un département à l'autre, de même que celle de la partie médicalisée de ce parc. Les Côtes-d'Armor et le Finistère sont les plus défavorisés, alors que ce sont aussi les départements où l'évolution démographique est la plus forte. De même, le Finistère a le taux le plus faible de services de soins infirmiers à domicile, avec 17,5 places pour 1 000 personnes de plus de 75 ans, alors que le taux régional de 18 pour 1 000 est supérieur à la moyenne nationale. On peut donc regretter que les places soient réparties en tenant compte du taux régional et non des variations entre les départements.

S'agissant du financement, nous rencontrons des difficultés à passer des conventions tripartites en raison du plafond de la norme DOMINIC + 35 - dotation minimum de convergence, plus 35 %. En effet, au début de la réforme, le Finistère était déjà pour les forfaits de soins, en raison d'un effet mécanique important, à la DOMINIC + 29. Les établissements avaient donc très peu voire pas du tout à attendre de la réforme de la tarification. Même s'il n'existe pas de normes en matière d'encadrement, depuis l'entrée en vigueur de la réforme, nous avons été obligés d'adopter une approche normative pour être équitables dans l'instruction des conventions.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous pensez que des normes précises pourraient vous aider.

M. Christian Meurin : Oui, d'autant que de nouvelles réglementations sont intervenues. Ainsi, il nous faut désormais tenir compte également du statut des médecins coordonnateurs et de leur rémunération, qui ne figuraient pas dans beaucoup des anciens forfaits de soins. Le fait d'avoir repoussé à plusieurs reprises les délais de conventionnement incite les établissements qui sont en dépassement à ne pas passer de convention. L'absence de normes est un facteur d'inéquité entre les établissements en ce qui concerne l'encadrement en personnel de soins.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Existe-t-il des normes pour les personnes handicapées ?

M. Christian Meurin : Oui, pour certains établissements, en particulier les maisons d'accueil spécialisé (MAS). Elles ne sont qu'indicatives mais elles sont respectées.

La différence de statut entre les établissements et les écarts de coûts du personnel soignant sont des obstacles au conventionnement. Ces différences s'observent en particulier entre la fonction publique territoriale et les établissements sous gestion associative, qui représentent 40 % des établissements dans mon département. Pour ce dernier, le coût d'un poste infirmier est de 50 000 euros toutes charges comprises, contre 36 000 euros dans la fonction publique territoriale.

En outre, le fait d'ignorer ce que sera l'avenir des USLD pousse les établissements hospitaliers qui en sont gestionnaires à la plus grande prudence, même si les taux de dépendance sont parfois supérieurs dans certains EHPAD.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Disposez-vous de chiffres à ce propos ?

M. Christian Meurin : Nous pouvons vous fournir les taux de dépendance comparés par établissement. Cela renvoie à la mesure de la charge de travail : si la grille AGGIR nous permet de l'apprécier pour la dépendance, tel n'est pas le cas en matière de soins. C'est aussi ce qui dissuade les gestionnaires des USLD d'entrer dans la réforme de la tarification.

Un autre frein à la conclusion des conventions tripartites et à la clarification du financement est l'intérêt des établissements, mais aussi des infirmiers eux-mêmes dans mon département, à maintenir les interventions d'infirmiers libéraux dans l'enveloppe des soins de ville.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous la capacité de vérifier si, dans les maisons de retraite, les actes médicaux sont accomplis par des personnels qui ont la compétence pour cela et non par des agents de service hospitalier (ASH) ?

M. Christian Meurin : Oui, en particulier quand nous sommes saisis sur plainte des familles et en cas de signalement, mais aussi dans un cadre médico-légal, en associant médecin du conseil général et médecin conseil de l'assurance maladie. Mais nous n'avons pas les moyens de mener un travail plus systématique.

La volonté du département est de ne pas favoriser le parc privé à but lucratif mais de rendre possible quand cela devient nécessaire un accès à un hébergement collectif de proximité, par une répartition plus équitable, en fonction des taux d'équipement par territoire. C'est aussi dans ce cadre que s'inscrit notre politique de médicalisation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La réforme de la tarification a-t-elle permis de faire diminuer le coût moyen de l'hébergement ?

M. Christian Meurin : Non. Les opérations « sincérité des comptes » ont mis en évidence des transferts de charges et montré notamment que le secteur hospitalier supportait des charges d'hôtellerie, qui étaient indûment imputées sur des dotations de soins de l'assurance maladie. On a vu aussi des postes d'aides-soignantes imputés sur des sections d'hébergement. Tout cela faisait obstacle à une clarification des enveloppes entre l'hébergement, la dépendance et les soins.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Votre département a-t-il une politique d'aide à la pierre ?

M. Christian Meurin : Oui, le conseil général subventionne les opérations autour de 20 %. Il accompagne l'État dans les opérations inscrites au contrat de plan et va au-delà, avec une politique pluriannuelle. Le schéma de 1999 prévoyait 630 créations de places et nous en avons ouvert 240.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous des propositions à nous faire pour réduire la part qui reste à la charge des personnes âgées ou de leur famille ?

M. Christian Meurin : Il me semble qu'on pourrait agir sur la partie dépendance, grâce à une majoration de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Nous nous interrogeons surtout sur les questions d'investissement. Avez-vous mené un travail sur la part de l'amortissement dans le tarif d'hébergement ?

M. Christian Meurin : Non, nous nous sommes d'abord consacrés à la médicalisation et à la prise en charge des soins. Nous savons que le conseil général a adopté un plafond de tarification à 45 euros par jour, mais cette question n'est pas de la compétence des services déconcentrés de l'État.

M. Michel Dmuchowski : Le département de la Haute-Garonne compte 1,1 million d'habitants mais l'on pourrait presque, en en parlant, évoquer « Toulouse et le désert haut-garonnais », puisque 750 000 habitants se concentrent dans la ville et son agglomération. De surcroît, l'agglomération toulousaine accueille chaque année de 12 000 à 13 000 nouveaux habitants, et l'on prévoit qu'il en arrivera 20 000 par an au cours des cinq prochaines années en raison du développement de l'industrie aéronautique. Jusqu'à présent, la population du département était relativement jeune mais, en Haute-Garonne comme ailleurs, les gens vieillissent ; de plus, beaucoup de personnes âgées viennent rejoindre leurs familles qui s'installent dans le département.

Or, la Haute-Garonne, et l'agglomération toulousaine particulièrement, souffrent d'un manque flagrant d'établissements pour personnes âgées. En outre, les établissements existants sont inadaptés. Plus d'un tiers sont gérés par le secteur privé lucratif, 40 % par le secteur associatif et 20 % seulement par le secteur public - encore ne s'agit-il pas d'établissements autonomes, mais de logements-foyers ou de maisons de retraite, gérés par les CCAS. La Haute-Garonne compte 150 établissements et, sur un effectif de 140 personnes, la DDAS affecte au suivi des maisons de retraite deux cadres A - y compris une contractuelle dont l'avenir n'est pas assuré - et un cadre B ; un autre cadre B est chargé du suivi du maintien à domicile. Un chef de service chapeaute cette équipe très réduite - ce que l'on ne manque pas de me faire remarquer lorsqu'il s'agit de fixer les objectifs en début d'année.

Je ne répéterai pas ce qu'a dit mon collègue du Finistère à propos des tâches qui sont les nôtres mais j'insisterai sur notre rôle de planification, tout en soulignant que le schéma gérontologique départemental n'est pas encore établi. Les choses n'avancent pas assez vite ; or, nous devons présenter les dossiers au CROSMS et, dans un département tel que le nôtre, ces dossiers concernent également des créations d'établissements. Faute de schéma, ces créations se font sans références, ce qui n'est pas satisfaisant.

Notre mission d'inspection et de contrôle est très poussée dans le département. Il nous a en effet fallu conduire un très important travail relatif aux établissements « clandestins » - lesquels, autrement dit, fonctionnaient sans autorisation. Nous en avons agréé, comme ils auraient dû l'avoir été initialement, lorsque cela était possible mais, dans une dizaine de cas, nous avons engagé des procédures judiciaires et, avec l'aide du parquet et du conseil général, nous avons été amenés à transférer des personnes âgées dans d'autres structures. Les responsables de sept de ces établissements ont été condamnés - pour certains lourdement - par le tribunal correctionnel en décembre dernier ; deux instructions sont encore en cours.

Mais l'existence de ces établissements est, d'une certaine manière, la conséquence de l'insuffisance de places disponibles, notamment à Toulouse et dans son agglomération. Elle tient aussi à ce que de nombreux établissements privés à but lucratif pratiquent des prix de journée très élevés, si bien qu'ils ne font pas tous le plein. Les familles, dans l'urgence, se tournent vers ce qu'elles trouvent. Nous avons été obligés de mettre fin à ce système.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Qui a compétence sur le financement des investissements pour les établissements ?

M. Michel Dmuchowski : Juridiquement, personne ! C'est une question de volontarisme politique de la part de chaque conseil général. Pour ce qui le concerne, le département de la Haute-Garonne n'a pas décidé d'aide à la pierre ; pourtant, une politique d'aide à la pierre dynamique et dotée de moyens significatifs permettrait de limiter les coûts. Dans la pratique, les établissements « se débrouillent » car, le parc étant vétuste, il faut bien procéder aux travaux d'entretien et de sécurité nécessaires.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La question du coût de l'hébergement est-elle abordée dans les comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA) ? Y évoque-t-on des cas de maltraitance ?

M. Michel Dmuchowski : Depuis le 1er janvier, le CODERPA a basculé au conseil général mais son utilité ne se dément pas. Une question y est évoquée de manière récurrente : celle du coût de la prise en charge en établissement, et singulièrement de la part restant à la charge de la personne âgée. C'est une des questions que nous souhaitons voir abordée dans le cadre du schéma gérontologique.

M. Christian Meurin : L'insuffisance de l'encadrement et du personnel soignant est, elle aussi, fréquemment évoquée.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Qu'en est-il de la maltraitance ?

M. Christian Meurin : La question n'est pas abordée en ces termes. En fait, on pourrait presque parler d'une « maltraitance institutionnelle » due à l'insuffisance de personnel.

M. Michel Peltier : En Île-de-France, où près de 120 inspections sur sites ont eu lieu, de 80 à 90 % ont été déclenchées par des plaintes.

S'agissant de l'investissement, je rappelle que les contrats de plan État-région comprenaient un volet « aide à l'investissement », plutôt envisagé sous l'angle de l'amélioration de la qualité des établissements existants. Mais, comme vous le savez, ces contrats ont du mal à être tenus en raison des difficultés de financement par l'État. Ainsi, pour la région Île-de-France, la moitié seulement des engagements auront été honorés fin 2005, alors que le contrat prend fin en 2006.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il serait intéressant d'interroger toutes les DRASS sur l'application des contrats de plan.

M. Michel Dmuchowski : Dans notre département, l'augmentation du nombre de plaintes et de saisines est manifeste. Elles n'ont pas trait à des maltraitances mais aux prix de journée, jugés trop élevés au regard des prestations servies. Les plaintes se multiplient parce que les familles se préoccupent bien davantage de cette question qu'il y a vingt ans et parce qu'elles savent désormais à qui s'adresser. Mais elles traduisent aussi la situation de certains établissements où l'insuffisance en personnel est criante. Je ne citerai qu'un cas, celui de cet établissement de quatre-vingt places où le service de nuit est assuré par une aide-soignante et un agent de service hospitalier, sans infirmière, alors que certains résidents relèveraient bien davantage d'une unité de long séjour que d'un EHPAD.

M. Christian Meurin : Les plaintes tiennent aussi à la pénurie de places, si bien qu'elles sont plus nombreuses dans les zones urbaines. Mais nous n'avons pas connaissance de plaintes pour maltraitance en tant que telles.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : On peut s'interroger sur le niveau d'investissement nécessaire pour parvenir à une maîtrise d'une offre de qualité. Il serait sans doute intéressant de faire le lien entre l'aide à la pierre et la présence du secteur privé. Le Commissariat général au plan doit avoir analysé cela.

M. Michel Dmuchowski : En Haute-Garonne, il n'y a pas d'aide à la pierre, les promoteurs qui veulent créer un établissement se débrouillent et c'est donc logiquement que les établissements à but lucratif sont les mieux placés. Il me semble que si on aidait les investissements, dans le cadre d'une politique départementale et nationale, on maîtriserait bien mieux l'équilibre de l'offre d'hébergement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quelles sont vos relations avec la CNSA ?

M. Michel Dmuchowski : Nous n'avons pas de relations particulières pour le moment. La priorité doit selon nous être donnée à la mise en place de la maison départementale des personnes handicapées.

M. Christian Meurin : Le département du Finistère est fortement mobilisé sur les enjeux de répartition, dont on ne connaît pas les nouvelles règles. On sait que la CNSA assurera le suivi national pour les personnes handicapées. Le conseil général imagine qu'il en ira de même pour les personnes âgées et il souhaite faire bénéficier le département d'un rattrapage en taux d'équipement, en s'adressant à la CNSA et en nous associant à cette démarche.

M. Michel Peltier : Nos relations avec la CNSA sont bonnes et étroites, depuis son installation. La démarche de programmation est prévue par la loi sur le handicap et les programmes départementaux de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées sont menés en totale concertation entre la CNSA et les services déconcentrés. Un travail expérimental a été mené dans quelques régions, dont l'Île-de-France, pour mettre au point la programmation, qui permettra de déterminer les enveloppes régionales et départementales mais aussi la façon dont la caisse s'alimentera en informations.

La CNSA vient de distribuer dans les régions des crédits d'investissement pour les personnes âgées, prenant ainsi le relais des contrats de plan.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : On mobilise donc les réserves de la CNSA pour honorer les contrats de plan.

Je vous remercie et je vous invite à nous faire remonter toutes les informations que vous jugerez utile sur les coûts, la répartition et les moyens des établissements.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie également et je vous rappelle qu'au delà de sa mission de contrôle et d'évaluation, la MECSS est ouverte à toutes les suggestions qui permettraient d'améliorer les choses, en matière législative comme réglementaire.

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