COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 11

Jeudi 16 février 2006
(Séance de 9 heures)

12/03/95

Présidence de Mme Paulette Guinchard et M. Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

pages

Auditions sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées

 

- M. Patrick Hermange, directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), M. Jean-Paul Le Bail, président de la commission d'action sanitaire et sociale de la CNAVTS, et M. Claude Périnel, directeur national de l'action sociale de la CNAVTS

2

- Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas, chef du service de l'habitat et de la construction au ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, et M. Jean-Pierre Bardy, sous-directeur de la qualité et du développement durable de la construction à la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, plus particulièrement chargé des questions techniques relatives aux normes de sécurité, notamment incendie

7

- M. Marc-René Bayle, adjoint au directeur général des collectivités locales (DGCL) au ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, M. Bernard Nouvier, adjoint au chef du bureau de la réglementation incendie et des risques de la vie courante à la direction de la défense et de la sécurité civiles, M. Emmanuel Aubry, chef du bureau des services publics locaux de la DGCL, et M. Jérôme Teillard, adjoint

11

- M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale (DGAS) au ministère de la santé et des solidarités, Mme Annick Bony, chef du bureau personnes âgées de la DGAS, et M. Jean-Pierre Hardy, chef du bureau de la réglementation financière et comptable de la DGAS

17

- Information relative à la mission

23

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Patrick Hermange, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), accompagné de M. Jean-Paul Le Bail, président de la commission d'action sanitaire et sociale de la CNAVTS, et de M. Claude Périnel, directeur national de l'action sociale de la CNAVTS.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous souhaite à tous la bienvenue et j'indique que Mme Danièle Karniewicz, présidente du Conseil d'administration de la CNAVTS, retenue, ne peut être présente ce matin. Je laisse sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Nous souhaitons ce matin vous interroger sur le financement des maisons de retraite et plus particulièrement sur ce qui reste à la charge des personnes âgées.

Selon une de vos études, « le coût de résidence est en moyenne supérieur de 420 euros aux pensions perçues par un retraité de plus de 80 ans ». Pouvez-vous nous indiquer comment vous êtes parvenus à cette estimation, qui montre que les pensions ne suffisent pas à payer l'hébergement ?

M. Patrick Hermange : Vous faites écho aux travaux qui ont été menés par la CNAVTS il y a deux ans, alors que nous nous interrogions sur une éventuelle réorientation de notre politique d'action sociale dans le contexte de la mise en œuvre de l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA), et plus précisément sur le volet aide à la modernisation et la construction des établissements, l'autre volet de notre action étant l'aide au maintien à domicile. Jusqu'alors, la Caisse intervenait sur l'ensemble de ce champ et nous nous demandions s'il convenait de recentrer notre intervention sur les établissements accueillant des personnes fragiles mais non lourdement dépendantes, ces dernières relevant désormais de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Les investigations que nous avons menées ont été assez larges mais nous n'avons pu, faute de temps et de moyens, mener une analyse très détaillée. Notre objectif était de voir si nos prêts sans intérêt étaient pertinents pour réduire le coût financier des constructions et des réhabilitations. C'est à cette occasion que nous nous sommes aperçus que le reste à payer pour les personnes âgées était souvent tellement important qu'elles devaient, pour y faire face, se tourner vers l'aide sociale ou vers leurs familles.

C'est dans ce contexte que nous avons calculé que le coût de l'accueil en établissement était en moyenne de 900 euros pour les 85 ans et plus et de 2 200 euros pour tous les retraités du régime général. Dans la mesure où le prix de journée moyen dans les établissements habilités à l'aide sociale et signataires d'une convention tripartite était en 2003 de 42 à 43 euros par jour, on en arrive à la différence de plus de 400 euros que vous avez rappelée.

M. Jean-Paul Le Bail : Sur le terrain, lorsque nous accordons un prêt à taux zéro, nous sommes très attentifs à l'augmentation du tarif d'hébergement que va entraîner l'opération de rénovation. Pour cela, au sein de chaque CRAM, une personne est spécifiquement chargée d'étudier de près les projets et de discuter avec les promoteurs.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Si on ajoute le tarif dépendance, on doit même être un peu au-dessus des chiffres qui ont été donnés. La CNAVTS ou les CRAM ont-elles mené un travail particulier sur cette question ?

M. Patrick Hermange : Je n'ai pas connaissance d'études approfondies à ce propos, mais des coups de projecteurs avaient été donnés il y a deux ans.

M. Claude Périnel : Lors de l'enquête menée il y a deux ans, nous avons cherché à rassembler les informations disponibles dans les conseils généraux, mais elle n'avait absolument pas un caractère exhaustif et nous étudierons votre suggestion de faire remonter les informations par le biais des caisses régionales.

M. Pierre Morange, coprésident : Ce que vous venez de dire sur la différence entre le reste à charge et la moyenne des pensions montre que les personnes âgées sont confrontées à de graves problèmes financiers qui les amènent à se tourner vers leurs familles ou vers d'autres circuits de financement. Pour votre part, avez-vous pu mesurer l'efficacité de votre politique d'aide à l'investissement, notamment sur le reste à charge ? Est-ce à partir d'une analyse de ce type que vous avez été amenés à reconsidérer cette politique ?

M. Jean-Paul Le Bail : Cette aide à l'investissement est dotée de 70 millions d'euros en autorisations d'engagement cette année et de 90 millions l'an prochain. Ce n'est pas négligeable, mais nous ne sommes à l'évidence pas les principaux financeurs : nos prêts à taux zéro ne représentent que 16 % de l'investissement total.

Nous n'avons jamais mesuré leur incidence précise mais, je l'ai dit, nous sommes attentifs à l'augmentation du tarif d'hébergement consécutive aux travaux.

M. Patrick Hermange : Notre politique est très liée au niveau des taux d'intérêt : les prêts à taux zéro ont été très attractifs dans le passé mais, dans certains cas, la subvention est peut-être plus intéressante. Je pense en particulier aux petits établissements qui n'appartiennent pas à la sphère publique, qui ont du mal à monter leur dossier, qui n'arrivent pas à décrocher de subventions de l'État, des conseils généraux ou des communes. Peut-être aurions-nous intérêt à diversifier nos interventions.

Surtout, nous n'avons à connaître que les dossiers qui nous sont présentés et nous ne mesurons donc pas bien le niveau réel de la demande.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels sont les critères d'attribution de vos prêts à taux zéro ? Savez-vous quel pourcentage des maisons de retraite - médicalisées ou non - en bénéficient ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Lors d'une audition précédente, un représentant du conseil général des Landes nous a dit que les participations de la CRAM étaient de plus en plus faibles et données au compte-gouttes. Quel est le pourcentage des dossiers acceptés par rapport à ceux qui sont déposés ?

M. Jean-Paul Le Bail : Pour vous donner une réponse de terrain, je vous informe que les CRAM distribuaient aussi des prêts à taux zéro au titre de la branche maladie. Ces derniers ont été réduits et il ne reste donc plus aujourd'hui que les nôtres, ce qui explique la diminution que vous évoquez.

Pour notre part, nous répondons à l'essentiel des demandes, qui sont assez peu nombreuses. Nous avons privilégié jusqu'ici celles qui émanaient d'établissements éligibles au contrat de plan État-région.

M. Patrick Hermange : Il est difficile de dire combien de dossiers sont rejetés, dans la mesure où nous accompagnons l'établissement dès l'origine de son projet, à partir d'une sorte de cahiers des charges relatives à l'environnement, à la vie sociale, à la taille des chambres, etc. Ainsi, quand le dossier est prêt, il a toutes les chances de passer.

M. Pierre Morange, coprésident : Serait-il possible de comparer le montant total des investissements et ceux auxquels vous participez ?

M. Patrick Hermange : Je doute que quelqu'un dispose de ces chiffres, qui sont très dispersés.

M. Pierre Morange, coprésident : Comme toujours, nous nous heurtons au problème de la collecte des informations...

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Lors de nos auditions, la question de l'efficacité des subventions sur le coût d'hébergement a toujours été posée. Quelle prise en charge des investissements permettrait de réduire réellement le reste à charge ? Certains considèrent que la subvention d'investissement n'est pas forcément la formule la mieux adaptée. Manifestement, vous-même n'avez pas travaillé sur ce point.

Avez-vous par ailleurs réfléchi à des propositions pour réduire l'écart entre les pensions et le tarif d'hébergement, afin que les personnes âgées disposent quand même d'un « reste à vivre » ?

M. Patrick Hermange : Non, nous n'avons pas mené ce type de travail. Pour l'instant, et depuis la création de la CNSA, nous nous intéressons davantage à l'évolution de la population que nous avons vocation à prendre en charge. Nous nous orientons vers une aide à la diversification des structures d'accueil. Notre pays a fait un effort très important depuis trente ans pour supprimer les hospices, puis pour moderniser les établissements. Faut-il continuer dans cette voie ou développer une gamme d'accueil plus ouverte, pour éviter l'hébergement systématique dans ces grands ensembles qu'on a construits dans l'urgence à partir de 1970 ? N'oublions pas que les équipements que nous construisons aujourd'hui existeront encore dans trente ou cinquante ans. Il faut donc anticiper ce que seront alors les attentes des personnes âgées. Rien ne dit qu'elles auront envie d'intégrer ces grands ensembles collectifs.

Il est nécessaire de développer des formules intermédiaires entre le domicile et les établissements, un certain nombre de personnes ne pouvant pas rester à domicile mais n'ayant pas vocation à entrer dans un établissement de type hospitalier ou dans une maison de retraite. Ces formules, moins coûteuses, pourraient fonctionner en particulier grâce à l'aide à domicile et aux services de soins. Il s'agirait ainsi d'une sorte de domiciles, mieux organisé et mieux surveillé, situés, en particulier, dans les rez-de-chaussée des HLM, dont les autres locataires sont peu demandeurs. S'il n'y a pas de solutions toutes faites pour réduire le coût à la charge des familles, il y a là incontestablement des pistes à étudier.

Nous nous trouvons face à l'aspiration des retraités à un plus grand confort, à la volonté des collectivités de faire jouer le principe de précaution en multipliant les normes, à la difficulté de recruter des personnels, qu'il faut payer davantage pour les fidéliser. Au bout du compte, le tarif d'hébergement est sans cesse plus élevé. Les petites structures mieux adaptées à la demande seraient donc probablement moins onéreuses.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : On nous a présenté un certain nombre de structure de ce type, mais les prix de journée étaient presque aussi élevés que dans les autres établissements. Si vous-même connaissez des formules où les tarifs sont plus bas, merci de nous le faire savoir.

M. Pierre Morange, coprésident : L'encadrement médico-social et sanitaire alourdit le coût de fonctionnement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il est vrai que des logements en rez-de-chaussée d'HLM peuvent être adaptés aux personnes âgées qui conservent une relative autonomie, avec un loyer proche de celui d'un logement social.

Dans la mesure où l'entrée en établissement est de plus en plus tardive puisqu'elle est récemment passée de 73 à 82 ans, c'est la perte d'autonomie qui conduit à une demande différente, à une prise en charge plus lourde et un reste à charge plus important. Mais jusque-là, toutes les solutions intermédiaires sont bonnes à prendre.

M. Georges Colombier : Ce qui vient d'être dit sur les structures intermédiaires me fait penser à quelque chose qui existe chez nous et qui ne me semble plus vraiment en vogue : les logements foyers, particulièrement bien adaptés à ceux qui n'ont pas de grosse retraites, comme les agriculteurs.

Par ailleurs, pouvez-vous indiquer quelle est la marche à suivre pour qu'un dossier arrive jusqu'à vous sans qu'il faille emprunter un parcours du combattant ?

M. Jean-Paul Le Bail : Nous sommes en train de revoir notre politique car nous devons arrêter le financement des EHPAD, qui ne correspond plus à la population que nous avons en charge. Nous allons donc réorienter nos financements vers les établissements dont vous venez de parler, mais cela se fera progressivement et il faudra une période de transition de trois ou quatre ans.

Le concept de résidences de services ou de logements foyers permettra aux personnes relativement valides de bénéficier de services collectifs. Mais nous savons aussi qu'il faut éviter les déménagements aux personnes âgées et nous souhaitons que l'on aille vers des structures aptes à évoluer au fur et à mesure de la perte d'autonomie. Mais, là non plus, il n'y a pas de réponse toute faite : cela peut prendre la forme d'hébergements temporaires, d'accueil de jour, etc.

Sur la marche à suivre, vous connaissez tous les CRAM et les établissements savent qu'ils doivent s'adresser, au sein des services d'action sociale, aux responsables de l'immobilier, qui étudient les dossiers avec les promoteurs.

M. Georges Colombier : Certains logements foyers datent de 30 ans, la mise en place d'un soutien financier pour la mise aux normes est-elle possible ?

M. Patrick Hermange : Cela ne figure pas pour l'instant dans les missions de la CNAVTS ou des CRAM, mais nous travaillons sur ce sujet afin d'arrêter une position dans les tous prochains mois. Sans doute un investissement important est-il effectivement nécessaire pour adapter les logements foyers construits il y a trente ans à l'évolution des normes et de la population. Mieux vaudra sans doute en reconvertir certains car les travaux seraient trop onéreux, mais d'autres pourront être réaménagés. Un groupe de travail piloté par la Direction générale de l'action sociale (DGAS) établit un diagnostic sur l'état du bâti et sur le coût des aménagements, afin de vérifier la viabilité économique de l'opération.

J'observe par ailleurs que la réorientation de notre politique d'action sociale dépend également des travaux menés par la DGAS et le ministère de l'équipement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Existe-t-il un groupe de travail sur la question des investissements ?

M. Claude Périnel : Nous travaillons avec la DGAS sur les logements foyers et sur les normes, car il apparaît que c'est de là que provient une bonne partie des coûts, mais pas de façon globale sur les investissements pour l'ensemble des établissements.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous vous orientez donc vers la suppression de l'aide à l'investissement des EHPAD, au profit d'un soutien aux formes d'accueil d'une dépendance plus légère ?

M. Patrick Hermange : Je répète qu'il n'y aura pas de changement radical, du jour au lendemain. Afin de réorienter notre politique, nous avons en particulier besoin de savoir ce que va faire la CNSA, car si nous nous désengageons, il faut que d'autres prennent le relais. Une coordination entre la CNAVTS et la CNSA paraît indispensable et nous regrettons beaucoup de ne pas être membres de la nouvelle caisse.

M. Noël Diricq : Lors d'une audition antérieure, nous avons vu qu'il existait en Suède un nombre important de structures intermédiaires, qui permettent que la population appréhende sereinement le problème du vieillissement et de la dépendance, alors qu'en France, parce qu'on refuse d'y penser, les choses se passent largement dans l'improvisation.

Pour votre part, vous contentez-vous de vous adapter aux changements institutionnels récents ou adoptez-vous une position d'avant-garde en menant une véritable stratégie prospective qui pourrait avoir un impact sur la façon dont les Français pensent leur vieillissement ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Concrètement, un engagement financier vient-il appuyer votre nouvelle stratégie ?

M. Patrick Hermange : Nous souhaiterions avoir les moyens d'une telle stratégie car la CNAVTS peut jouer un rôle non négligeable en faveur de la diversification des formes d'accueil répondant aux besoins et aux attentes de la population. Le problème est que notre branche est en déficit presque structurel depuis 2005 et le restera jusqu'en 2009. On ne sait donc pas ce qui sortira du bilan intermédiaire que la loi Fillon prévoit en 2008. Nous n'avons ainsi pas les moyens de nous consacrer davantage à l'action sociale, alors que nous souhaiterions être un acteur important de l'évolution et de l'aménagement des structures d'accueil.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous n'avez donc pas les moyens de soutenir une évolution vers des structures plus légères. Mais quels sont exactement les moyens que vous engagez en faveur de la prise en charge des personnes âgées dépendantes ? Vous avez parlé de 90 millions d'euros pour les investissements, mais je pense que vous menez d'autres actions.

M. Jean-Paul Le Bail : Sur un budget d'intervention de 373 millions d'euros, 288 millions sont consacrés aux aides à domicile, dont 240 millions pour les aides ménagères et 48 millions pour les plans d'action personnalisés. Nous n'avons pas les mêmes moyens pour les établissements auxquels nous consacrons environ 70 millions - 90 l'an prochain.

Nous sommes partis du constat que nous-mêmes n'avions pas envie de vieillir dans les établissements qui sont aujourd'hui proposés et qu'il fallait essayer de concevoir ensemble de nouvelles structures d'accueil.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous sembliez aussi vous interroger sur la pertinence de notre stratégie financière, entre prêts à taux zéro et subventions. De nouvelles modalités financières sont-elles envisageables, au service du soutien à des formes de prise en charge plus légères ?

M. Patrick Hermange : La réflexion se poursuit. Comme pour l'accueil des personnes âgées dépendantes, la question du financement va se poser, en particulier pour les collectivités locales qui ont peu de moyens, ou pour les structures associatives qui gèrent les logements foyers. Là aussi, dans un certain nombre de cas, si l'on veut que le projet aboutisse, la subvention sera préférable au prêt.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quelles sont vos relations avec la CNSA ?

M. Patrick Hermange : Elles sont modestes mais nous souhaitons les développer.

M. Jean-Paul Le Bail : Nous tentons d'obtenir un rendez-vous avec son président et son directeur. Mais la CNSA privilégie logiquement dans un premier temps ses relations avec la CNAMTS, les montants financiers étant autrement importants. Une convention est prévue entre nos deux établissements, mais je ne suis pas persuadé qu'elle sera suffisante. J'aimerais aussi qu'il y ait au niveau départemental une instance légère de coordination entre les différents financeurs. Nous avons commencé à y travailler dans mon propre département, mais il faudrait étendre cette expérience pour éviter d'aller dans des directions différentes.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les CRAM sont-elles associées aux PRIAC - Programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie ?

M. Jean-Paul Le Bail : Oui.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous remercie et je vous invite à nous faire parvenir toutes les propositions que vous jugeriez utiles, en particulier sur la question du reste à charge et du financement des investissements.

*

* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas, chef du service de l'habitat et de la construction au ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, accompagnée de M. Jean-Pierre Bardy, sous-directeur de la qualité et du développement durable de la construction à la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, plus particulièrement chargé des questions techniques relatives aux normes de sécurité, notamment incendie.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas et M. Jean-Pierre Bardy, auxquels je souhaite la bienvenue.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : En octobre dernier, notre mission avait appelé l'attention du directeur général de la DGAS sur les inquiétudes suscitées par le coût de la mise aux normes de sécurité des logements foyers pour personnes âgées. M. Jean-Jacques Trégoat avait alors fait référence à des travaux menés avec les ministères de l'intérieur et du logement. Où en est la réflexion commune à ce sujet ? Est-il envisagé de revoir les textes pour éviter que les directeurs d'établissements soient contraints de consacrer la presque totalité de leurs capacités d'investissement à la réalisation de travaux de ce type ?

Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas : Sur ce point, je laisserai à M. Jean-Pierre Bardy le soin de vous répondre.

M. Jean-Pierre Bardy : Jusqu'en 2001, les logements foyers étaient soumis à la réglementation relative aux bâtiments d'habitation. Mais l'on s'était rendu compte au fil des années 1990 que les résidents, vieillissants, étaient de plus en plus dépendants, si bien que les commissions de sécurité tendaient à considérer ces structures comme des hôpitaux, alors que les problèmes de sécurité y sont moins importants. Voilà ce qui a conduit à la définition de la règlementation de type « J » pour les logements foyers de personnes âgées. Pour les bâtiments à construire, l'application de cette réglementation ne pose pas de problèmes particuliers. En revanche, pour les bâtiments existants, problèmes financiers et problèmes techniques s'additionnent, et il est parfois impossible de répondre aux exigences réglementaires. L'analyse, qui tend à définir comment assurer la sécurité des personnes âgées dans les logements foyers sans faire de surenchère, n'est pas achevée, mais différentes pistes se dégagent.

Pour les bâtiments à construire, la réglementation de type « J » demeurerait, sauf s'il s'agit d'établissements ayant vocation à accueillir des personnes âgées non dépendantes. Dans ce cas, on s'interroge pour savoir s'il ne conviendrait pas d'en revenir à la réglementation relative aux bâtiments d'habitation. S'agissant des bâtiments existants qui accueillent des personnes âgées dépendantes, la réflexion s'oriente vers la définition d'une réglementation de type « J'», mieux adaptée. Enfin, les établissements existants destinés à accueillir des personnes âgées valides continueraient de se voir appliquer la réglementation « habitation ». La difficulté tient évidemment à l'évolution de l'état des personnes hébergées, le risque étant que certains gestionnaires déclarent n'accueillir que des personnes valides qui, dix ans plus tard, ne le seront plus, et dont la sécurité ne sera alors plus convenablement assurée. Nous réfléchissons donc à l'éventualité de conventions associant l'État, le conseil général, les logements foyers et les EHPAD pour permettre que les personnes devenues dépendantes puissent se voir proposer une place dans un établissement propre à assurer leur sécurité. Comme je vous l'ai dit, la réflexion est encore inaboutie ; nous allons tenter de chiffrer le coût que représenterait une mise aux normes en fonction de ce qui serait la réglementation « J' ».

M. Pierre Morange, coprésident : La réglementation de type « J » a été créée pour tenir compte des contraintes particulières à respecter pour assurer la sécurité des personnes invalides. Elles demeurent. Si une réglementation « J' » doit voir le jour, ne doit-elle pas être établie en fonction du degré de dépendance plutôt que de l'existence des bâtiments ? Procéder autrement me semble susceptible de déclencher de multiples contentieux.

Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas : On voit bien qu'il faudra établir une sorte « d'itinéraire » permettant de suivre l'évolution de l'état des personnes âgées, et que chaque établissement devra définir ce qu'il entend devenir. Des plans départementaux devront être élaborés, et nous plaidons en faveur de la prise en compte des besoins d'hébergement des personnes âgées dans les programmes locaux de l'habitat et de l'articulation avec les schémas gérontologiques. Actuellement, ce chaînage est très léger.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Connaissez-vous des exemples de Programmes locaux d'habitation (PLH) ayant pris cette dimension en compte ?

Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas : Non, car la réflexion ne fait que s'engager, mais nous insistons en ce sens.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quand la révision des normes entrera-t-elle en vigueur ?

M. Jean-Pierre Bardy : Notre objectif est d'arrêter les grandes lignes de la réforme dans les trois ou quatre mois à venir pour qu'elle soit applicable dans le détail au cours de l'année qui vient.

M. Noël Diricq : Vous considérez que l'application de la réglementation de type « J » ne pose pas de problème pour les bâtiments neufs. Ce n'est pas l'opinion des opérateurs entendus par la mission qui, loin de décrire une situation irénique, ont tous fait état de difficultés multiples, qu'il s'agisse des coûts, des délais ou des complications administratives.

M. Jean-Pierre Bardy : J'ai voulu dire qu'il est plus facile d'appliquer la réglementation de type « J » dans le neuf que dans l'existant. J'ajoute que certains établissements se sont bien trouvés de la nouvelle réglementation car, avant son entrée en vigueur, les commissions de sécurité leur imposaient souvent les normes beaucoup plus sévères qui valent pour les hôpitaux.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : C'est exact. Un des aspects du problème tient aussi à la plus ou moins grande souplesse des commissions de sécurité.

M. Georges Colombier : Quand la réglementation « J' » leur sera-t-elle opposable ?

M. Jean-Pierre Bardy : Notre objectif est que le texte sorte dans l'année qui vient.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les règles relatives à l'accessibilité découlant de la loi du 11 février 2005 relative au handicap s'appliquent-elles aux établissements d'hébergement pour personnes âgées ?

M. Jean-Pierre Bardy : Cette question montre l'intérêt que trouveraient certains établissements à rester soumis à la réglementation « habitation ». En effet, les dispositions de la loi du 11 février 2005 s'appliquent aux bâtiments neufs et ne s'imposent, pour les bâtiments existants relevant de la réglementation « habitation », qu'à l'occasion de travaux de rénovation importants. En revanche, les établissements recevant du public ont l'obligation de se mettre aux normes, c'est-à-dire d'appliquer la réglementation du type « J », sous dix ans. Certes, des dérogations sont possibles, mais les dispositions de ce texte seront source de complexité supplémentaire.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pour ce qui est des aides à la pierre, ce sont les DDE qui accordent l'autorisation d'aller voir un prêteur. À quelles conditions ? Il a été fait état devant nous de pratiques incroyablement diverses selon les départements, certaines DDE refusant l'utilisation des prêts locatifs sociaux pour les établissements devant accueillir des personnes âgées dépendantes. Qu'en est-il ?

Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas : Jusque tout récemment, nous considérions être des financeurs de logements et donc de logements foyers, et notre cible était la population des personnes âgées valides et autonomes. Cette définition, dont nous nous sommes rendu compte qu'elle était très floue, a néanmoins conduit à ce que nous financions le quart de l'offre, soit de 2 000 à 2 500 places d'EHPAD par an au cours des dernières années. Cette année, nous avons décidé d'en finir avec les querelles byzantines sur le degré de dépendance et nous avons clarifié le dispositif en établissant que l'on peut financer à l'aide de crédit logement toute structure qui relève du logement social ou médico-social. Trois conditions doivent être réunies : il doit s'agir du logement principal de la personne, ce qui exclut l'accueil de jour ; il faut que les normes techniques de type « logement » soient respectées, ce qui signifie, par exemple, pas moins de 20 m² pour un T1 ; et il faut qu'une redevance « logement » soit clairement individualisée pour permettre l'octroi de l'aide personnalisée au logement (APL). Si ces trois conditions sont remplies, les DDE peuvent autoriser des prêts en PLS (prêts locatif social) pour des EHPA ou des EHPAD. Ce sont des prêts sur trente ans, actuellement consentis par les établissements financiers au taux de 3,50 % environ. Ils sont obligatoirement de 50 %, ce qui déclenche les avantages supplémentaires que sont la TVA à 5,5 % et l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), et l'aide à la pierre ouvre en corollaire le droit à l'APL, sous condition de ressources. Chaque année, 600 millions d'euros sont ainsi versés aux personnes âgées de plus de 60 ans résidant en logements foyers.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quel est le ratio allocation de logement à caractère social (ALS) sur APL ?

Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas : Je vous communiquerai les chiffres par écrit. J'en viens à l'hétérogénéité des situations selon les départements. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, l'enveloppe des prêts PLS va passer de 2 milliards en 2005 à 2,6 milliards en 2006 et à 3 milliards dans quelques années, mais cette masse croissante est destinée à financer tous les logements. Nombreux sont donc ceux qui viennent manger dans la même assiette, et les départements arbitrent en fonction des priorités locales. Certains décident, par exemple, de consacrer les PLS au logement classique, d'autres aux logements pour étudiants. Je sais que certains départements n'ont pas pu dégager un sou pour le logement de personnes âgées.

M. Pierre Morange, coprésident : Des précisions chiffrées sur vos interventions nous seraient utiles, car nous savons tous que le montant de l'aide à la pierre a un fort impact sur le coût de l'investissement et donc, in fine, sur le reste à charge.

Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas : Nous en avons financé de 2 000 à 2 500 par an au cours des dernières années. La participation des collectivités locales est très hétérogène.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Des exemples chiffrés récents nous permettraient de mieux appréhender l'impact de votre action sur le prix de l'hébergement.

Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas : Je vous les adresserai.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Que peut-on escompter de la délégation des aides à la pierre ?

Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas : Tout dépendra de ce que chaque collectivité voudra en faire, et de la démographie locale. Le Limousin ne pourra faire l'impasse sur l'hébergement des personnes âgées mais les départements dont la population est très jeune considéreront sans doute que leurs priorités sont ailleurs. Pour l'heure, nous manquons encore de recul.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le ministère de l'équipement mesure-t-il l'impact des opérations immobilières sur les coûts d'hébergement ?

Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas : Pas spécifiquement. Nos calculs tendent plutôt à définir combien de points de subvention d'État représentent les avantages que sont l'exonération de TFPB et la réduction de taux de TVA.

M. Pierre Morange, coprésident : Madame, Monsieur, je vous remercie. Toutes vos propositions et suggestions tendant à améliorer le dispositif seront les bienvenues.

*

* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Marc-René Bayle, adjoint au directeur général des collectivités locales (DGCL) au ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, accompagné de M. Bernard Nouvier, adjoint au chef du bureau de la réglementation incendie et des risques de la vie courante à la direction de la défense et de la sécurité civiles, de M. Emmanuel Aubry, chef du bureau des services publics locaux de la DGCL et son adjoint, M. Jérôme Teillard.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous souhaite à tous la bienvenue. Vous connaissez le thème de nos travaux et je laisse sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je me réjouis de vous accueillir alors que nous approchons de la fin de nos travaux, et j'espère que vous allez pouvoir nous donner des informations sur le travail que vous faites pour connaître les différents dispositifs qu'utilisent les collectivités locales pour soutenir l'investissement dans les établissements d'hébergement des personnes âgées. Pour notre part, nous nous intéressons particulièrement à la question du « reste à charge », y compris pour la part incombant au coût de l'investissement. Nos auditions nous ont permis de nous rendre compte qu'il y avait des différences très importantes entre les collectivités locales, qu'il conviendrait sans doute d'analyser en détail. Je vous demanderai donc pour commencer si les textes disent clairement qui est compétent pour de tels investissements.

M. Marc-René Bayle : La DGCL est compétente dans les domaines généraux des finances et de la fiscalité locales et des concours financiers de l'État. Mais le ministère pilote en la matière qui vous intéresse est celui des affaires sociales, plus particulièrement la Direction générale de l'action sociale. Pour notre part, nous sommes à la croisée de la décentralisation et de la logique sociale.

Juridiquement, c'est la personne morale gestionnaire de l'établissement qui est responsable des investissements. Le département joue toutefois un rôle essentiel, que lui ont conféré un certain nombre de textes : lois de décentralisation de 1983, loi de 1997, loi de 2001 sur l'APA, loi de 2004 sur les libertés et les responsabilités locales. Il est notamment en charge de la programmation des besoins et de la coordination de l'action sociale en faveur des personnes âgées.

La Cour des comptes a estimé que cette politique représentait globalement 15 milliards d'euros, dont 60 % incombent à l'assurance maladie, 20 % à l'État et 20 % aux collectivités locales. Les responsabilités sont donc partagées, mais il faut aller plus loin et c'est tout le sens du travail que le Premier ministre a confié aux administrations à l'occasion de la Conférence nationale des finances publiques du 11 janvier dernier. Un groupe de travail est animé par le directeur du budget et par le directeur général des collectivités locales, un autre relève du directeur général des affaires sociales et je pense qu'il vous en reparlera tout à l'heure. Ces groupes sont destinés à mener la réflexion sur les financements, sur la décentralisation et sur les normes. Leurs travaux seront ensuite présentés aux associations nationales d'élus, l'objectif étant que la représentation nationale puisse en prendre connaissances avant le débat d'orientation budgétaire de la fin du semestre.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La représentante de la Caisse d'action sociale de Paris nous a dit que l'aide à la pierre des départements prenait actuellement la forme d'une subvention d'équipement et que le conseil général s'interrogeait sur la possibilité d'utiliser plutôt une subvention d'exploitation, afin de mieux maîtriser le coût d'hébergement. Est-ce juridiquement possible ?

M. Marc-René Bayle : Dans le cadre de la décentralisation, les collectivités locales peuvent utiliser directement les aides à la pierre. Afin de maîtriser les finances publiques et de répondre à la demande des associations d'élus, nous pensons toutefois qu'il faut éviter d'aboutir à un mécanisme trop contraignant et à des normes trop coercitives.

M. Jérôme Teillard : La DGAS pourra vous apporter davantage d'informations sur les travaux en cours sur la prise en charge des amortissements, un décret budgétaire et comptable étant en préparation.

Il est vrai qu'aujourd'hui les modes d'intervention sont très différents, entre communes, certaines mettant des terrains à disposition, mais aussi entre départements. Parce qu'il s'agit d'une politique menée sur une base volontaire, il n'existe pas de dispositif type. Pour la création des établissements qui prennent en charge des personnes âgées, l'intervention des communes n'est pas obligatoire, même si elle est fréquente.

M. Marc-René Bayle : Les conseils généraux disposent des outils de coordination de toutes ces politiques : il existe désormais un cadre qui n'est pas coercitif, mais qui permet de coordonner et de rationaliser les investissements.

M. Pierre Morange, coprésident : L'ancien Commissariat général du plan a fait un tour de table des institutions appelées à apporter un concours financier aux constructions ou rénovations d'établissements d'hébergement. Il a constaté que, dans les comptes des départements, la rubrique « équipement sanitaire et social » ne permet pas d'isoler ces concours. De quels moyens dispose-t-on pour connaître le montant des dépenses d'investissement des départements ?

Nous faisons toujours le même constat de la dispersion des informations et de l'extrême difficulté à les collecter. Faute d'une telle vision globale, il est impossible de savoir qui fait quoi et si les investissements répondent aux besoins de la population. Comment mener une politique d'investissement quand on ne connaît même pas la situation ?

M. Marc-René Bayle : L'Observatoire de l'action sociale décentralisée est en mesure de recueillir ces informations.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Nous les leur avons demandées, ils ne les ont pas.

M. Marc-René Bayle : Notre service d'études statistiques analyse les budgets des communes par catégorie à partir des remontées des comptes administratifs des collectivités locales. Nous travaillons beaucoup sur les comptes des départements, en raison de leur situation financière particulière. Dans le cadre de la conférence des finances publiques, les administrations vont pouvoir travailler collégialement, les informations que nous pourrons recueillir étant destinées à être transmises rapidement aux associations d'élus.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment ne pas ressentir de frustration quand on voit qu'il est impossible de maîtriser l'information ? Pouvez-vous nous dire, de façon très concrète, quelles dispositions il faudrait prendre pour que le ministre de tutelle ait effectivement la capacité de centraliser l'information ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La démocratie exige que les élus puissent connaître et comparer les données. L'accès à l'information est donc un enjeu essentiel. Or, pour l'instant, il n'y a strictement rien, c'est impressionnant !

M. Marc-René Bayle : On peut envisager de créer par voie réglementaire un dispositif de collecte des informations.

L'Association des départements de France a récemment proposé qu'une enquête soit menée auprès des communes sur l'ensemble de ces questions, en particulier sur les aides à la pierre, mais tout ceci relève plutôt de la CNSA, au titre de ses statuts et de sa convention d'objectifs. Or, si nous avons participé à sa création, nous ne sommes pas membres de son conseil d'administration.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La DGCL peut nous dire quels sont les montants consacrés par l'ensemble des collectivités locales à l'Éducation, mais pas à l'accueil des personnes âgées !

M. Marc-René Bayle : Nous pouvons vous donner les informations que nous recevons des budgets des collectivités locales. Il y a là un problème de mutualisation des informations avec le ministère compétent, qui est celui des Affaires sociales. Votre préoccupation est légitime, mais il faut que ce soit le ministre des affaires sociales qui prenne l'initiative, dans le cadre de la Conférence des finances publiques.

Il faut aussi prendre en compte le rôle nouveau que va jouer la CNSA.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Est-ce, à la différence du champ de l'Éducation, l'absence d'une compétence obligatoire clairement définie qui vous empêche d'accéder aux informations dans ce domaine ?

M. Marc-René Bayle : Tout à fait. Cela tient aussi au fait que l'assurance maladie intervient également.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons abordé la question du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) avec les personnes qui ont été auditionnées juste avant vous. Le contexte venant de changer, quelles sont vos réflexions à ce propos ?

M. Marc-René Bayle : La loi de finances pour 2006 a rendu éligibles au FCTVA les maisons de retraite appartenant aux collectivités locales et données en gestion à des associations à but non lucratif, dès lors qu'elles interviennent dans des missions de service public. Cette évolution était attendue, mais les établissements publics autonomes ne sont toujours pas éligibles, alors que les collectivités locales y ont souvent recours. C'est aujourd'hui un sujet de réflexion.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La direction du budget a-t-elle évalué les effets d'une nouvelle extension du dispositif ?

M. Marc-René Bayle : Non, mais nous pouvons le lui demander.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Merci de le faire rapidement, car nous approchons du terme de nos travaux.

Je profite de la présence de M. Bernard Nouvier pour revenir sur les questions de sécurité que nous avons abordées avec les représentants du ministère de l'équipement, en particulier à propos des normes des logements-foyers - le type « J ». Nous avons vu que les commissions de sécurité avaient un poids très important et que leurs choix étaient parfois assez arbitraires. Le ministère de l'intérieur mène-t-il avec elles un travail afin qu'elles s'adaptent davantage aux réalités du terrain ?

M. Bernard Nouvier : Il est vrai que les commissions de sécurité ont, sur le terrain, une marge d'appréciation importante et que les maires suivent la plupart du temps les avis donnés par les préventionnistes.

Au départ, c'est la réglementation « habitation » qui s'appliquait aux logements foyers, en dehors des locaux collectifs qui étaient classés ERP - établissements recevant du public - les locaux destinés aux personnes nécessitant des soins étant pour leur part classés ERP de type « U » - établissements de soins. En 1998, à la suite de l'incendie de Livry-Gargan, on a ressenti le besoin de réglementer l'ensemble des maisons de retraite, en considérant que le type « U » était sans doute trop contraignant mais que la réglementation « habitation » ne l'était pas assez. On a donc cherché à élaborer un texte satisfaisant du point de vue de la sécurité incendie mais qui permette aussi aux personnes âgées de mener une vie normale. C'est ainsi qu'on est arrivé au type « J », qui s'applique aux établissements à construire et aux établissements existants qui subissent des travaux modificatifs.

La réglementation impliquait que tous les établissements soient visités et contrôlés, sans qu'il soit obligatoire de faire des prescriptions. Mais son appréciation a varié selon les commissions qui ont visité les locaux. En effet, en application de l'article R. 123-8 du code de la construction, les commissions de sécurité ont la possibilité de faire des prescriptions de mise en sécurité pour les établissements existants. Face à un établissement existant ne présentant pas toutes les garanties en matière de sécurité incendie, la tentation a été grande de recommander au maire de prescrire, ce qui marque une certaine dérive par rapport au texte. La DGAS et le ministère de l'intérieur sont conscients que l'application de la réglementation n'est pas aussi souple que nous l'avions prévu, ce qui n'est pas satisfaisant, notamment en termes de coût.

Nous recherchons donc avec la DGAS et la Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction (DGUHC) les moyens de moduler cette application. Une solution pourrait être de remettre dans la réglementation « habitation » les établissements dont le GIR moyen pondéré est inférieur à 300. Une autre possibilité serait de remettre les logements foyers dans cette réglementation habitation, tout en prévoyant que les commissions de sécurité les visitent sur cet aspect de la sécurité incendie. La DGUHC a commandé à la société SOCOTEC une étude sur les normes incendie dans les logements-foyers, dont le résultat sera disponible début mars.

M. Marc-René Bayle : Depuis l'affaire de Furiani, les membres des commissions de sécurité ont redoublé de vigilance en raison du risque de mise en cause pénale.

Un groupe de travail vient d'être mis en place pour traiter cette question. Un grand nombre de textes sont intervenus dans le secteur de l'hébergement des personnes âgées, afin de fixer des normes répondant au principe de précaution. Prenant en compte les préoccupations des élus locaux, le ministère de l'intérieur est attaché à ce qu'un travail soit fait sur l'ensemble de ces normes. Lors de la Conférence des finances publiques, le Premier ministre a annoncé, pour ce qui concerne les compétences transférées, un moratoire des normes, qui s'applique à tous les secteurs. Il a aussi posé le principe d'une concertation avec les associations nationales d'élus locaux avant l'édiction de toute nouvelle norme. La mise en œuvre de ces deux mesures relève du champ d'investigation du groupe de travail Budget/DGCL.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La loi sur le handicap, qui prévoit des normes très précises, est-elle également concernée par ce moratoire ?

M. Marc-René Bayle : Non, car dans ce cas, la concertation préalable a été menée.

M. Jérôme Teillard : Sur la mise aux normes d'accessibilité - dans un délai de 10 ans - de l'ensemble des établissements recevant du public, un travail a été mené pendant près de neuf mois par le ministère de l'équipement avec les associations de personnes handicapées, les maîtres d'ouvrage, les professionnels du secteur. Les associations d'élus ont bien sûr été étroitement associées à cette concertation, qui a abouti au décret actuellement examiné par le Conseil d'État. Le principe qui vient d'être posé par le Premier ministre avait donc déjà été appliqué par anticipation à un texte qui a d'importantes conséquences pour les collectivités locales.

M. Pierre Morange, coprésident : Je me réjouis que le Premier ministre ait souhaité que des études d'impact permettent de mesurer les conséquences normatives des textes qui sont adoptés. Un certain nombre de nos collègues l'avaient souhaité, en particulier Pierre-Louis Fagniez dans le domaine sanitaire et social.

Par ailleurs, je suppose que c'est parce qu'on a observé que le fait de pouvoir récupérer la TVA avait une incidence sur les investissements et donc sur les constructions, que les critères d'éligibilité ont été modifiés. Mais a-t-on également mesuré les effets de cette mesure sur le coût de l'hébergement et, éventuellement, sur le « reste à charge » pour les familles ?

M. Marc-René Bayle : Vous vous situez là dans une logique d'aide sociale et la DGCL n'appréhende pas à cette question du « reste à charge ».

Je puis toutefois vous indiquer qu'il existe des possibilités de modulation de la répartition des charges entre les sections tarifaires : on peut, par exemple, faire passer des dépenses d'animation sociale de l'hébergement vers la dépendance, en évitant toutefois que des modification trop brutales des clés de répartition ne perturbent l'assurance maladie, la maîtrise des dépenses sociales s'inscrivant dans la volonté globale de maîtrise des dépenses publiques.

S'agissant de la compensation des charges relatives aux amortissements des gros travaux d'équipements de sécurité, un décret budgétaire et comptable est à la signature des ministres compétents, afin que certains excédents d'exploitation puissent être affectés au financement de ces travaux.

Je n'ai pas mandat pour parler des questions de fiscalité, mais il est vrai qu'on peut discuter de la modification du régime de récupération de la TVA sur les travaux et les investissements dans les établissements publics.

M. Georges Colombier : La note que vous nous avez remise sur le FCTVA, traite des maisons de retraite mais pas des logements foyers. Quid de la mise aux normes de ceux qui sont gérés par une commune ou par un EPCI - Établissement public de coopération intercommunale - ?

M. Marc-René Bayle : Le sujet est ouvert et mérite une concertation entre l'administration et les associations d'élus. Le rapport de la Cour des Comptes fait état de ce besoin de mise aux normes, mais juridiquement, pour l'instant, nous en restons à la disposition adoptée par le Parlement, qui marque déjà un progrès important.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il semble impossible d'identifier, dans les comptes des départements, la part des investissements destinée aux institutions médico-sociales. Une évolution vous paraît-elle possible, car nous avons vraiment besoin de cette connaissance ?

M. Marc-René Bayle : Je vous adresserai une contribution très précise sur la faisabilité de l'identification de ces éléments, à partir des budgets primitifs et des comptes administratifs dont nous disposons. Nous verrons avec la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES) si des progrès sont possibles.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La difficulté d'accéder à la formation est manifestement liée à l'absence de définition claire de la compétence obligatoire. Existe-t-il, dans les champs de la santé et du handicap, d'autres secteurs où cette compétence n'est pas clairement définie ?

M. Marc-René Bayle : La décentralisation pose des problèmes d'articulation pour l'ensemble du champ social.

M. Jérôme Teillard : J'ai cru comprendre que votre mission avait l'intention de travailler sur l'action sociale des collectivités locales.

Des enquêtes périodiques de la DREES portent déjà sur l'ensemble des aides envisageables et sur les différences entre les communes. Nous sommes là dans un domaine qui relève de la compétence facultative laissée à l'initiative des communes, le législateur n'ayant pas souhaité encadrer l'action des collectivités locales. Mais cela a aussi pour conséquence l'absence de remontée systématique des données.

S'agissant du handicap, les maisons départementales des personnes handicapées, auxquelles seront associés des fonds de compensation alimentés de façon volontaire par les collectivités, permettront peut-être de disposer des informations sur l'apport de chacun.

Il est vrai que, dans le champ du handicap, la loi du 11 février 2005 a clarifié un certain nombre de compétences obligatoires des départements, en particulier sur la prestation de compensation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les textes disent-ils qui a la compétence obligatoire pour les hôpitaux ?

M. Jérôme Teillard : Il y a une compétence de l'État et de l'assurance maladie, mais deux textes permettent aux collectivités d'investir. La loi du 13 août 2004 sur les libertés et les responsabilités locales, dont l'article 70 ouvre une expérimentation permettant aux régions de participer au financement et à la réalisation d'équipements sanitaires. La loi du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux, dont l'article 111 a pour sa part ouvert cette possibilité aux communes et aux EPCI de montagne.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les réformes de santé dans les pays nordiques aboutissent à la désignation de compétences obligatoires dans l'ensemble de ces champs

M. Marc-René Bayle : Il faut quand même rappeler le principe de libre administration des collectivités locales.

Cela étant, pour les compétences transférées, la logique est un peu particulière dans le champ social en raison de l'intervention de la sécurité sociale.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'ai beaucoup participé au débat sur le champ social lors de l'examen de la dernière loi de décentralisation et j'ai été impressionnée de voir à quel point la question de la responsabilité des acteurs était taboue.

M. Emmanuel Aubry : Il me semble que la spécificité du champ social tient aussi à la multiplicité des acteurs, publics, privés et associatifs, dont beaucoup ne sont pas dotés d'une vraie comptabilité analytique, ce qui complique fortement la remontée des informations.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie et je vous invite à nous faire parvenir toutes les suggestions que vous jugerez utiles pour améliorer le fonctionnement du système.

Je précise que nous allons achever nos travaux sur ce thème début mars. Nous travaillerons ensuite sur la tarification à l'activité. À partir du mois de septembre, nous aborderons le sujet de l'action sociale au sein des collectivités territoriales, au travers des branches du régime général, en particulier de la Caisse nationale d'allocations familiales. Nous avons bien compris que la dispersion des informations en rend la collecte malaisée et je vous invite donc à vous préparer dès maintenant à une nouvelle audition en rassemblant les éléments épars.

*

* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale (DGAS) au ministère de la santé et des solidarités, accompagné de Mme Annick Bony, chef du bureau personnes âgées, et de M. Jean-Pierre Hardy, chef du bureau de la réglementation financière et comptable à la même direction.

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale au ministère de la santé et des solidarités, à M. Jean-Pierre Hardy, chef du bureau de la réglementation financière et comptable, et à Mme Annick Bony, chef du bureau personnes âgées.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je suis ravie de vous retrouver tous, et notamment Mme Annick Bony, qui a longtemps vécu dans la solitude au bureau des personnes âgées de la DGAS. Si l'on considère la faiblesse de l'implication de l'État en personnel, au niveau central, pendant tant d'années, il est peu surprenant que nous dispositions de si peu d'informations ! M. Jean-Jacques Trégoat, lorsque nous vous avons accueilli, le 20 octobre dernier, vous avez évoqué une enquête portant sur les écarts de coûts d'hébergement, de soins et de dépendance dans une dizaine de départements. Qu'en est-il ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Je faisais allusion à l'enquête menée par la Cour des comptes et reprise dans son rapport particulier. Comme nous n'avons pas de vision exhaustive des différents facteurs de coût, facteurs qu'il est très difficile de distinguer précisément et d'exploiter sur le plan statistique, nous travaillons sur cet échantillon. Mais la loi de 2002 nous a permis de créer des indicateurs pour tout le champ médico-social. Ils sont déjà définis pour ce qui concerne la dépendance et l'exclusion et en passe de l'être pour l'aide à domicile. Considérant que les conventions tripartites avaient déjà permis d'y voir plus clair, nous avons choisi de définir en dernier les indicateurs pertinents pour les maisons de retraite et les EHPAD. Ils nous donneront une meilleure connaissance des données, établissement par établissement, et nous pourrons ainsi apprécier d'éventuelles divergences de coûts anormales. Les données seront transmises aux préfets de région et aux préfets, pour que les tarificateurs fassent les comparaisons nécessaires. Nous comptons ainsi parvenir à une certaine convergence tarifaire.

Il reste à savoir quels déplacements de curseurs sont possibles de l'un des trois secteurs de tarification à un autre, et comment réduire le coût d'hébergement, pour lequel nous constatons des écarts assez importants selon les établissements et les départements qui nous laissent à court d'explications. Il nous faut donc creuser l'analyse des facteurs du coût, qu'il s'agisse de la restauration, de la logistique ou des dépenses de personnel. Pour ces dernières, les différences ne devraient pas être significatives, puisqu'il existe des conventions collectives, mais il peut y avoir des différences injustifiées de taux d'encadrement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Nous avons retenu de notre visite en Belgique que l'ancienneté du personnel peut conduire à d'importantes différences de coût.

M. Jean-Jacques Trégoat : La prochaine conférence salariale aura lieu la semaine prochaine, et nous intégrerons un indice GVT - glissement vieillesse/technicité - très positif - à 0,5 ou 0,8 - car il a un effet beaucoup plus fort dans le secteur médico-social que dans le secteur sanitaire. La notion est donc bien prise en considération à l'échelon national, mais il sera intéressant de le faire à l'échelon local.

M. Jean-Pierre Hardy : Le paradoxe est que, si l'on a mis au point assez vite des indicateurs synthétiques à propos des personnes âgées, les outils manquent pour parvenir à la convergence tarifaire pour le coût d'hébergement, seul étant connu le coût moyen. Mais l'on sait, par exemple, que le coût de la logistique varie automatiquement selon la taille de l'établissement. Pendant deux ans, une batterie d'indicateurs a été mise au point. Ils portent sur le coût de l'immobilier ; sur l'indice GVT, qui induit en effet de grandes différences ; sur la structure de qualification, car une surqualification ou une surqualification peut également entraîner une distorsion du coût d'hébergement ; sur les postes « restauration » et « blanchisserie ». Dans ces différents domaines, nous souhaitons établir des référentiels, qui permettront d'alerter les gestionnaires si les coûts s'en éloignent trop. De plus, la décomposition du coût d'hébergement permettra de mieux en analyser les facteurs et de corriger les fonctions mal gérées ou hypertrophiées, même dans les établissements les moins chers.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : En tenant compte des travaux de la mission MARTHE - mission interministérielle d'appui à la réforme de la tarification de l'hébergement des personnes âgées - pensez-vous que la maîtrise des coûts passe seulement par des efforts internes de gestion ou qu'il faut aussi prendre en considération les coûts externes ?

M. Jean-Pierre Hardy : Nous avons constaté que, pour servir 200 repas, il faut de une à vingt-quatre personnes... C'est dire l'extrême diversité des situations et l'extrême disparité des établissements, en taille et en statut. Un travail de gestion interne est nécessaire, mais il faut aussi tenir compte des facteurs externes et notamment des surcoûts induits par les normes de sécurité.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Qui dit gestion dit direction. Or, nous avons été alertés à diverses reprises sur l'extrême difficulté du recrutement de directeurs d'établissements. Comment maîtriser les coûts s'il n'y a pas de direction ? Quel travail menez-vous sur la fonction de direction ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Un décret est en préparation, qui définira quelques référentiels grâce auxquels nous pourrons mieux analyser les facteurs de coût. Cela a fait dire que nous nous dirigions vers une « tarification à l'activité », ce qui ne serait pas une mauvaise chose si elle est concertée avec le secteur, d'ailleurs assez partagé à ce sujet. Nous pensons que le système doit évoluer, et nous y travaillons de manière consensuelle, ou du moins non conflictuelle. Nous souhaitons mieux apprécier l'activité pour mieux la tarifer, et aussi que s'instaure une meilleure coopération entre tous les établissements du secteur médico-social. Dans les jours qui viennent, un décret sera publié qui permettra une coopération logistique. Il ne s'agit pas de fusion, mais de permettre le partage de plates-formes de restauration ou de systèmes d'information car si, actuellement, les informations ne remontent pas, c'est pour partie parce que certaines petites structures ne disposent pas des outils nécessaires à leur collecte. Le décret permettra aussi la coopération en matière de gestion des ressources humaines. Si l'on constitue un groupement associant SSIAD - services de soins infirmiers à domicile -, maisons de retraite et services d'hospitalisation à domicile, la mutualisation des moyens permettra, par exemple, la présence d'un ingénieur sanitaire, tout en améliorant les perspectives de carrière pour tous. La coopération se fera donc sur des projets définis en commun, ce qui suppose des directeurs compétents. Sachant que la moitié de l'effectif des aides-soignantes va partir à la retraite sous peu, la mutualisation des moyens de toute la chaîne de prise en charge est nécessaire, tout comme l'amélioration des perspectives de carrière. Le décret incitera donc à la coopération, et j'espère que nous trouverons un outil de tarification favorisant les établissements qui s'y prêteront. Ce décret est pour nous fondamental, car c'était l'outil manquant. Il s'agit de coopérer et, le cas échéant, de fusionner.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Cela devrait permettre des économies d'échelle.

M. Jean-Jacques Trégoat : Effectivement. Et avec cet élément important de l'édifice réglementaire que nous avons construit, nous pourrons mutualiser les coûts, en apprécier les facteurs et résoudre les questions de personnel, dont celui de la vacance de postes de direction.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'en viens à l'enjeu que constituent l'affectation à l'investissement des excédents d'exploitation et la réduction de l'imputation des amortissements. Des mesures ont-elles été prises à cet effet ? Que pensez-vous de la suggestion de la directrice du CCAS - centre communal d'action sociale - de Paris, qui demande, comme d'autres de ses collègues, la possibilité de transférer ou d'amortir les subventions ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Toute réduction des coûts se traduit par la réduction du « reste à charge », mais une partie du coût provient de la fiscalité, qui diffère selon le statut de l'établissement. Pour réduire le « reste à charge », mieux vaut jouer sur tous les claviers que transférer des dépenses.

M. Jean-Pierre Hardy : Pour que les travaux de sécurité n'entraînent pas de renchérissement, le mécanisme d'affectation de l'excédent doit garantir la neutralité de l'amortissement. Très souvent, en fin de campagne budgétaire, certaines opérations n'ayant pas eu lieu, des crédits non reconductibles étaient disponibles pour financer l'entretien, mais les comptables publics n'acceptaient pas ce procédé. Ce dispositif va être créé, et les collectivités pourront en faire des subventions amortissables, ce qui devrait permettre de neutraliser le coût des travaux de mise aux normes de sécurité.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ceux-là seulement ?

M. Jean-Pierre Hardy : S'agissant du décret prévu, oui. Mieux vaudrait, pour le reste, réfléchir à l'harmonisation des régimes de récupération de TVA et des taux de TVA applicables dans ce secteur. Ainsi réduirait-on le coût de l'investissement et le besoin de recours à l'emprunt, et donc l'amortissement. Substituer à l'assujettissement à la taxe sur les salaires l'application d'une TVA à taux réduit sur l'hébergement en diminuerait le coût. Le secteur commercial ne paye pas la taxe sur les salaires mais la TVA au taux de 5,5 %, et l'on sait bien que ce dispositif est nettement plus intéressant. Pourquoi ne pas le généraliser ? Un simple changement de régime de TVA suffirait à réduire le coût d'hébergement.

M. Jean-Jacques Trégoat : Si l'on peut déjà arriver à compenser l'amortissement des travaux de sécurité, le coût en sera neutralisé.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Mais pourquoi ceux-là uniquement ?

M. Jean-Pierre Hardy : Il est possible d'avoir une vision large de ces travaux...

M. Jean-Jacques Trégoat : Il est rare que l'on entreprenne des travaux de sécurité seuls. L'objectif est de renforcer la sécurité, mais on en profite souvent pour aller au-delà et, par exemple, pour améliorer l'accessibilité. J'insiste sur le fait que la récupération de la TVA est à l'origine d'importantes distorsions de coûts, puisque, selon leur statut juridique, certains établissements sont éligibles au FCTVA et d'autres ne le sont pas. Ces questions sortent de notre champ de compétence, mais nous pensons, comme nos collègues de la DGCL, qu'il faudrait revoir l'ensemble des régimes fiscaux relatifs aux établissements pour ne pas faire exploser le coût d'hébergement. Il faudrait aussi se pencher sur le problème du conventionnement à l'APL des établissements non commerciaux et, d'une manière générale, renforcer la cohérence du dispositif.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ce que vous préconisez me semble aller dans le sens d'une plus grande équité.

M. Jean-Jacques Trégoat : D'autres mécanismes gagneraient à être clarifiés. Ainsi, la fiscalité locale ne pèse pas de manière égalitaire sur toutes les personnes hébergées en EHPAD, car si l'exonération de taxe foncière est automatique, l'exonération de la taxe d'habitation dépend de chaque comptable et peut donc rester à charge.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pourrait-on imaginer d'extraire le coût d'hébergement de l'assiette de l'impôt sur le revenu ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous ne l'avons pas envisagé. La réflexion sur les moyens de réduire le « reste à charge » peut prendre d'autres chemins. Ainsi, le coût de l'animation sociale figure dans la partie « hébergement » ; si elle passait dans la partie « dépendance », le « reste à charge » diminuerait. C'est une piste, mais elle consiste à reporter une charge sur d'autres financeurs. De même, est-il équitable d'imputer 100 % des locaux de blanchisserie au volet "dépendance" ? Et que dire de la répartition 70 %-30 % des charges d'aides-soignantes et d'AMP - aide médico-psychologique -, périodiquement évoquée ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous une idée des sommes en jeu ?

M. Jean-Pierre Hardy : Une enquête de 1996 montrait que le coût de nombreux animateurs était répercuté dans le coût d'hébergement, alors qu'il s'agit aussi de prévention de la dépendance. À l'époque, la charge avait été estimée à 250 millions de francs. Les mêmes questions peuvent se poser pour les frais d'entretien des locaux, car c'est bien parce que les gens sont dépendants que l'entretien doit se faire d'une certaine manière. Le déplacement de tous ces curseurs est loin d'être neutre - particulièrement celui qui concerne la répartition de la charge des aides-soignantes et des AMP. Pour les usagers, le reste à charge a deux volets : d'une part, ce que nous appelons le « talon » du G5-G6, d'autre part le tarif hébergement. On peut jouer sur les deux composantes, le « talon » étant proportionnel à la cherté de l'établissement - s'il compte un fort effectif d'aides-soignantes par exemple.

Mme Annick Bony : L'APA couvre un tiers du coût : le conseil général paie 268 euros par mois, le résident 129 euros.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ce n'est pas négligeable, et il y a une véritable rupture d'égalité entre les personnes maintenues à domicile qui, lorsqu'elles recourent aux SSIAD, ne payent rien, et les personnes hébergées, auxquelles sont imputées 30 % des mêmes frais.

M. Jean-Jacques Trégoat : Le Conseil d'État a considéré qu'il n'y a pas rupture d'égalité, les SSIAD intervenant pour prodiguer des soins techniques. Mais, de fait, la position des différents curseurs emporte des conséquences financières pour les usagers.

M. Pierre Morange, coprésident : La démarche de renforcement de la coopération, de mutualisation et de chaînage des moyens que vous avez engagée est pour nous un grand motif de satisfaction. Elle correspond à la philosophie de notre mission, qui souhaite la rationalisation des ressources humaines et financières. Nous espérons aussi que le mécanisme prévu de neutralisation des amortissements permettra de réduire le reste à charge. Dans cette logique de rationalisation, menez-vous une réflexion d'ensemble sur les capacités potentielles d'accueil, en EHPAD et en USLD - unités de soins longue durée - bien sûr, mais aussi par l'utilisation des lits d'hôpitaux qui viendraient à être dégagés ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous avons souffert du cloisonnement créé par la loi de 1975 et par la loi hospitalière. Il nous faut maintenant veiller à faire travailler ensemble le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Les deux décrets évoqués y concourront, sans y suffire, mais la loi du 11 février 2005 a institué les PRIAC - programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie -, qui répondent à votre préoccupation. Ils permettront d'analyser les SROS - schémas régionaux d'organisation sanitaire - de la troisième génération, grâce à quoi la CNSA pourra recenser l'ensemble des besoins, ce qui ne pouvait être fait jusqu'à présent, et déterminer si des crédits doivent être basculés vers un secteur donné. Pour autant, l'ONDAM (Objectif national de dépenses d'assurance maladie) sanitaire et l'ONDAM médico-social demeureront. Si les PRIAC sont bien exploités et qu'ils se traduisent en priorités budgétaires, on évitera la dispersion des efforts et, tous les ans, les ARH - agences régionales de l'hospitalisation -, les DRASS et les départements se rencontreront et travailleront de conserve, sous l'autorité des préfets de région.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'espère que les PRIAC seront bien l'outil que vous décrivez, mais je vois poindre des risques de conflit.

M. Jean-Jacques Trégoat : On ne peut certes changer la société par décret, mais si l'on n'a pas les outils nécessaires, on est sûr de ne rien faire.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : De moins en moins de personnes font appel à l'aide sociale. Comment l'expliquez-vous ? Par ailleurs, quelle sera l'attribution des crédits exceptionnels d'investissement de 350 millions destinés aux établissements ?

M. Jean-Pierre Hardy : Le nombre des bénéficiaires de l'aide sociale baisse, en effet, ce qui traduit l'arrivée en établissements de personnes qui ont une pension de retraite complète. L'évolution dépendra du montant des futures pensions et des périodes de précarité au cours des carrières. Dans l'ordonnance de simplification du 1er décembre 2005, nous avons prévu la possibilité que, par convention entre le conseil général et l'établissement, les établissements d'hébergement pour personnes âgées ayant accueilli en moyenne moins de 50 % de bénéficiaires de l'aide sociale par rapport à leur dernière capacité agréée sur les trois exercices précédant celui de la demande puissent sortir de la tarification administrative, les deux parties s'accordant sur une tarification « aide sociale », le reste relevant d'une tarification négociée. Cela permet à certains établissements qui se trouvaient bloqués dans leurs investissements par une tarification contraignante de ne plus l'être. L'ordonnance a renvoyé à un décret simple, qui sortira sous peu, les dispositions destinées à éviter l'éviction des bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement des personnes âgées.

M. Jean-Jacques Trégoat : Tous les assouplissements vont dans le bon sens.

Pour ce qui est des 350 millions, le conseil d'administration de la CNSA a formulé des propositions privilégiant les établissements publics qui bénéficient de l'aide sociale et, éventuellement, les unités de soins de longue durée. Un arrêté va préciser les règles d'éligibilité ; les projets devront être présentés avant le 30 avril afin que les premiers fonds soient distribués en juin et que les opérations démarrent au plus vite. Les sommes en jeu étant très importantes, il fallait s'entourer de toutes les garanties. Il ne s'agit pas de construire de nouveaux EHPAD mais bien d'améliorer les conditions de vie des personnes hébergées dans les bâtiments existants, sans s'en tenir aux travaux de mise aux normes de sécurité.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Qu'en est-il des conventions tripartites ?

Mme Annick Bony : La barre des 5 000 établissements conventionnés est désormais franchie. La loi de financement de la sécurité sociale prévoit une nouvelle vague de 1 400 conventions, pour en terminer, en 2006-2007, avec la réforme des EHPAD éligibles et des logements foyers. Les informations qui nous reviennent font état du recrutement de 30 000 équivalents temps plein. La réforme se traduit donc bien par l'amélioration de la prise en soin et par celle du taux d'encadrement en personnel soignant et non soignant. Les statistiques montrent un renfort de 7 ETP - équivalent temps plein -, dont 5,5 en personnel soignant, par établissement de taille moyenne. Une étude de février 2005 de la DREES montre un taux d'encadrement moyen de 0,45 pour les établissements, et de 0,57 pour ceux qui ont signé une convention. Cela relativise ce qui est dit sur le taux d'encadrement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Nous avons effectivement senti une évolution.

M. Jean-Jacques Trégoat : Et ces données témoignent des progrès accomplis. Vous trouverez dans le dossier que je vous ai remis les réponses écrites promises lors de notre première audition, ainsi qu'une fiche relative aux normes.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous en remercie.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous demanderai, selon l'habitude de notre mission, de nous faire part de vos suggestions et propositions. Madame, Messieurs, je vous remercie.

*

* *

Information relative à la Mission

La mission a désigné M. Jean-Marie Rolland rapporteur pour le thème d'étude sur la tarification à l'activité dans les établissements de santé.

--____--


© Assemblée nationale