COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 14

Jeudi 16 mars 2006
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de Mme Paulette Guinchard et M. Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

pages

Auditions sur la tarification à l'activité dans les établissements de santé :

 

- MM. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale (DSS) au ministère de la santé et des solidarités et Jean-Philippe Vinquant, sous-directeur du financement du système de soins à la DSS, et Mme Sonia Beurier, chef du bureau établissements de santé et médico-sociaux à la DSS

2

- MM. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins de la CNAMTS

13

La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale (DSS) au ministère de la santé et des solidarités, accompagné de M. Jean-Philippe Vinquant, sous-directeur du financement du système de soins à la DSS, et de Mme Sonia Beurier, chef du bureau établissements de santé et médico-sociaux à la DSS.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous recevons ce matin M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé et des solidarités, accompagné de M. Jean-Philippe Vinquant, sous-directeur du financement du système de soins à la DSS, et de Mme Sonia Beurier, chef du bureau établissements de santé et médico-sociaux à la DSS. Madame, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Notre rapporteur va vous poser ses premières questions sur ce sujet éminemment stratégique qu'est la tarification à l'activité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous avons commencé nos auditions sur ce thème la semaine dernière, et nous en sommes donc encore à planter le décor. Je propose que vous nous exposiez la façon dont la T2A s'est mise en place, quels sont ses objectifs, quel rôle a joué la DSS, et que vous nous disiez quelques mots sur les exemples étrangers, dont les représentants de la DREES nous ont également parlé la semaine dernière. Nous souhaitons en particulier que vous nous expliquiez la mise en œuvre de l'expérimentation, les données recueillies pendant la phase expérimentale, les perspectives quant au taux d'application de la nouvelle tarification, le système d'information et de contrôle, ainsi que vos propositions pour développer les bonnes pratiques hospitalières, notamment en matière d'achat de médicaments et de matériels.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes aussi, bien entendu, intéressés de savoir ce que la DSS attend de l'application de la T2A.

M. Dominique Libault : Le passage à la T2A, comme vous le savez, a été décidé par M. Jean-François Mattéi dès son arrivée au ministère en 2002. Nous y avons été associés, mais c'est la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, la DHOS, qui est en charge des hôpitaux. Notre rôle est d'assurer l'adéquation entre la réforme et l'objectif au respect duquel nous devons veiller, c'est-à-dire l'Objectif national de dépenses de l'assurance maladie, l'ONDAM, auquel le Parlement, toutes tendances confondues, est particulièrement attentif. Notre angle d'approche ne couvre donc pas forcément la totalité de la T2A.

La T2A, en tant que telle, a d'abord pour objet d'assurer une plus grande équité dans l'affectation des ressources. Le système de dotation globale de financement figeait la répartition entre établissements, indépendamment de leur niveau de développement. La T2A vise également à responsabiliser les acteurs, et les incite à s'adapter, s'agissant notamment des établissements réputés plus coûteux que la moyenne.

La T2A peut-elle servir aussi à la maîtrise des dépenses ? Oui, par la recherche de l'efficience. Pour autant, elle pose en termes nouveaux la question de la cohérence par rapport à l'objectif voté par le Parlement et celle de la maîtrise de l'objectif. Ce qui est nouveau, c'est que la dépense finale de l'hôpital dépend du tarif de chaque acte et de l'activité. De ce fait, la T2A introduit une incertitude qui n'existait pas auparavant dans le respect de l'ONDAM hospitalier, à savoir l'activité. Les tarifs, on les connaît, mais la construction de l'ONDAM hospitalier se fait à partir de l'activité anticipée ; si l'activité réelle est plus élevée, il y a dépassement. C'est cela qui est nouveau, et qui n'est d'ailleurs pas critiquable en soi, mais qu'il faut gérer dans l'application de la T2A.

M. Pierre Morange, coprésident : Quid des systèmes d'information permettant de suivre l'application de la réforme ? Sont-ils suffisamment exhaustifs, crédibles et opérationnels pour connaître l'activité réelle ?

M. Dominique Libault : Il existe des outils d'information crédibles, mais il faut encore améliorer la réactivité, afin de disposer d'informations en cours d'année. Nous sommes informés plus rapidement sur les soins de ville, tous les mois, par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), que sur l'hôpital. C'est sur ce point qu'il faut progresser.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Mais les systèmes d'informations sont-ils suffisants pour suivre la mise en place de la T2A ?

M. Dominique Libault : Je ne suis pas un grand spécialiste des systèmes d'information hospitaliers, qui sont propres à chaque établissement, mais je sais qu'on cherche à les améliorer, notamment en ce qui concerne leur connexion, afin de disposer plus rapidement de données synthétiques.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a fait des observations à ce sujet.

M. Dominique Libault : C'est exact.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : La DHOS suit-elle ces systèmes d'information ?

M. Dominique Libault : Oui.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est le lien entre la T2A et les procédures de planification de l'offre de soins ? À terme, quelles sont les conséquences prévisibles pour les hôpitaux à faible activité, d'une part, et pour ceux qui ont un dynamisme important, d'autre part ?

M. Dominique Libault : La T2A ne tranche pas la question de l'organisation hospitalière. Il y a plusieurs stratégies possibles. Soit les établissements parviennent, grâce à une meilleure gestion, à s'adapter, soit, dans le contraire, on procède, le cas échéant, à des restructurations, mais la T2A n'entraîne pas de conséquences automatiques. Il faut donc qu'il y ait, à côté, une politique de planification de l'offre de soins. Certains très gros hôpitaux ont certes besoin d'optimiser leur gestion, mais n'ont pas vocation à faire l'objet de restructurations. Nous avons toujours dit que la pression de l'allocation budgétaire ne suffit pas : il faut donner des éléments de bonnes pratiques et d'amélioration de la gestion. Nous comptons sur la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers, la MEAH, pour fournir ces outils aux établissements.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans les pays ayant opté pour des schémas similaires, quels résultats peut-on déjà observer ?

Par ailleurs, a-t-on déjà pu faire des extrapolations permettant d'envisager des redéploiements de potentiels d'accueil afin d'améliorer l'offre de soins là où elle est insuffisante ?

M. Dominique Libault : Ce qui me frappe, c'est de constater que la part de l'hôpital dans les dépenses de santé est plus grande en France que dans les autres pays comparables, où il y a davantage d'ambulatoire, y compris en chirurgie. On pourrait sans doute envisager des reconversions, mais je reste prudent, car les comparaisons internationales sont complexes.

S'agissant de la mise en œuvre de la tarification à la pathologie dans les autres pays, on constate partout où elle est en vigueur une meilleure description de l'activité, ce qui est logique. Il y a un risque inflationniste au départ, puisqu'on constate, comme on l'a fait en France en 2005, une augmentation de l'activité décrite, mais il est transitoire et devrait se résorber.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Comment ?

M. Dominique Libault : Dans la mesure où il s'agit en fait d'une révélation de l'activité réelle, cela n'a lieu qu'une fois. Nous avons souhaité qu'il y ait, sous l'égide de la CNAMTS - et c'est le cas à partir de cette année -, des contrôles portant sur la description de l'activité de l'hôpital.

M. Jean-Luc Préel : J'observerai au passage que la France est l'un des seuls pays où les spécialistes sont nombreux à exercer en libéral. C'est une spécificité française.

S'agissant de la réforme elle-même, je rappelle que le budget global était très critiqué, et que la philosophie de base de la T2A, à laquelle tout le monde adhérait, était que chaque établissement, chaque service, chaque pôle construise son budget en fonction de son activité. On savait cependant que cela poserait des problèmes de trois ordres : le caractère inflationniste du nouveau système ; la difficulté de respecter l'ONDAM ; celle, non moins grande, de faire converger le public et le privé.

Quand la T2A sera en place, nous serons bien loin, à mon avis, de la philosophie de départ. Nous sommes en effet en train de préparer les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération, les SROS 3, qui enserrent dans des fourchettes l'activité prévue ; chaque établissement signera en outre un contrat d'objectifs et de moyens, et ceux qui dépasseront leur activité seront pénalisés. La tarification sera-t-elle bien liée, demain, à l'activité, ou bien le système ne sera-t-il en fait qu'un nouvel avatar de l'ancien budget global ? À voir la façon dont les choses se présentent, il y aura des dotations particulières, l'activité réelle ne sera guère prise en compte, et les SROS interdiront, en pratique, le développement de l'activité.

Je voudrais, au passage, savoir pourquoi la circulaire budgétaire n'est parue que le 27 février dernier, et pourquoi elle est d'une telle complexité.

Quant à la convergence entre public et privé, atteindra-t-elle vraiment 50 % en 2008, étant donné que les règles de rémunération ne sont pas les mêmes ? Les rémunérations, les ratios de personnel convergent-ils ? Les honoraires seront-ils intégrés dans la T2A des établissements privés ?

Je voudrais, enfin, quelques éclaircissements sur les derniers arrêtés relatifs aux dispositifs médicaux implantables, les DMI, qui étaient intégrés dans les budgets des hôpitaux publics, mais pas dans ceux des établissements privés. Les responsables de ces derniers, chirurgiens ou directeurs, sont très inquiets.

M. Dominique Libault : Je ne suis pas sûr d'être capable de répondre à toutes vos questions, et laisserai à M. Jean-Philippe Vinquant le soin de développer certains points particuliers.

La T2A s'inscrit dans une réforme plus globale, englobant la planification hospitalière, la gestion des ressources humaines et le système budgétaire et comptable. Nous ne sommes plus dans le budget global, la notion de budget fait place à l'état prévisionnel de recettes et de dépenses, l'EPRD, fondé sur une logique de recettes et non plus de dépenses.

Il est vrai que la date du 27 février est tardive, mais c'est tout de même trois mois de moins que l'an denier. La circulaire est très complexe, j'en conviens, mais la matière est elle-même complexe, et on nous demande de toutes parts de bien prendre garde à tel ou tel aspect particulier. Cela dit, il faut indéniablement aller vers plus de simplicité et de lisibilité, c'est un enjeu majeur.

Pour ce qui est de la convergence, nous en sommes pour l'instant à la recherche d'un diagnostic partagé sur les écarts entre public et privé, avant de savoir quel objectif on se donne. Le calendrier sera fonction de celui-ci : s'il est ambitieux, il est naturel qu'on se donne un peu de temps, mais si la convergence consiste simplement à tout aligner sur le plus cher et à faire payer l'assurance maladie, c'est nettement moins intéressant. Il faut que les travaux en cours se poursuivent, ne serait-ce que pour que tout le monde s'accorde au moins sur les comparaisons.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Sans doute avez-vous tout de même tiré certaines conclusions de l'expérimentation, notamment sur les écarts entre public et privé - à moins que la durée de l'expérimentation ait été insuffisante, ou que l'échantillon d'établissements ait été insuffisamment représentatif ?

M. Dominique Libault : Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a fait le point, et écrit que l'expérimentation n'avait pas permis d'avancer beaucoup sur cette question. On n'a pas encore d'échelles de coûts comparables.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Parmi les établissements, qui sont les perdants et les gagnants dans l'affaire ? En avez-vous une idée, ou est-il encore trop tôt pour le dire ?

M. Dominique Libault : La DHOS le sait à peu près, et nous aussi, avec toutefois quelques nuances, liées à la prise en compte des MIGAC, les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation. Cela dit, il peut aussi y avoir des évolutions de la tarification, et la mise en place de la T2A peut conduire, en cas de sous-cotation avérée, à des revendications assez légitimes. Le tableau n'est donc ni figé ni immuable.

M. Jean-Philippe Vinquant : L'élaboration, en cours, des EPRD constitue un exercice tout à fait nouveau, les recettes étant liées à l'activité pour 35 %, à quoi s'ajoutera une dotation compensant l'ancienne dotation globale, et dont les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) sont en train de préparer la répartition entre établissements. Les EPRD feront apparaître une différence entre des établissements qui dégageront des recettes parce qu'ils étaient antérieurement sous-dotés, et d'autres qui seront perdants parce qu'ils étaient, au contraire, mieux dotés. Il faudra que le dialogue entre les établissements et l'ARH permette de résoudre le problème des seconds, mais aussi de maîtriser la progression de l'activité des seconds, en s'assurant qu'elle est justifiée au regard des besoins et qu'il n'y a pas d'effet d'aubaine.

Comment orienter l'activité des établissements ? L'outil essentiel est le contrat d'objectif et de moyens, que chacun d'eux signera avec l'ARH. La carte sanitaire a disparu pour faire place aux SROS ; ceux de troisième génération comprendront une annexe fixant les besoins d'une population donnée sur un territoire donné. Il reviendra à l'ARH de faire le lien entre le SROS et les contrats d'objectifs et de moyens des différents établissements, afin de piloter finement l'activité en fonction des besoins, et en tenant compte des très fortes disparités qui peuvent exister au sein d'une région. C'est l'ARH, en effet, qui tient les deux bouts de la chaîne, puisque c'est elle qui valide les EPRD, lesquels intègrent à la fois la composante prix et la composante développement de l'activité.

Pour ce qui est des dispositifs implantables, il est exact que certains étaient déjà inclus dans les tarifs des hôpitaux publics, alors que ce n'était pas le cas, dans le privé, de certains matériels ou fournitures comme les agrafes et les sutures en chirurgie orthopédique ou viscérale. Au lieu qu'ils soient facturés en sus à l'assurance maladie, la rémunération du groupe homogène de séjours (GHS) est augmentée de façon à permettre aux cliniques d'acquérir ces matériels sans qu'il leur en coûte davantage que lorsqu'ils figuraient sur la liste dite « en sus ». Le nouveau système est même avantageux pour elles en matière de greffons cornéens, dont les tarifs sont alignés sur ceux pratiqués par la banque des yeux. Deux arrêtés sont parus : le premier modifie la liste des DMI « en sus », l'autre retire les produits concernés de la liste des produits et prestations.

M. Jean-Luc Préel : Vous préparez donc la convergence...

M. Jean-Philippe Vinquant : Nous allons, en tout cas, dans le sens d'un traitement cohérent et homogène entre public et privé.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le calendrier prévu pour la présentation des EPRD ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Il faudrait poser la question à la DHOS, car le seul établissement avec qui nous ayons des contacts directs est l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a présenté son projet d'EPRD début mars à son conseil de tutelle et à l'ARH. Je pense toutefois, pour avoir rencontré le président du CHU de Grenoble, que les autres établissements suivront sans trop tarder.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : L'EPRD fait-il partie de la réforme budgétaire ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Oui, car le système de la dotation globale obéissait à une logique de coûts historiques, dans lequel la dotation évoluait de 2 à 3 % chaque année et où l'établissement n'avait pas à faire de prévisions pour bâtir un budget à l'équilibre. L'EPRD est donc complètement lié à la T2A.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La DSS est-elle associée à la réforme budgétaire et à la mise en place des EPRD ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Oui.

M. Jean-Luc Préel : Si l'activité augmente plus que prévu, baisserez-vous les tarifs ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Les tarifs sont fixés au niveau national et non pas établissement par établissement, mais s'il apparaît que c'est par les volumes que le revenu global des établissements a progressé, il est normal d'ajuster les tarifs. C'est la règle du jeu.

M. Dominique Libault : Cela dit, notre objectif n'est pas d'ajuster systématiquement les tarifs en cours d'année. Les établissements ont besoin de visibilité. Nous recherchons plutôt une bonne gestion de l'activité, afin de ne pas avoir à ajuster les tarifs trop souvent.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : S'agissant des appareillages dont la tarification diffère entre le public et le privé, l'expérimentation a-t-elle fait apparaître de fortes différences de prix entre une clinique qui implanterait, par exemple, 30 pacemakers par an, et un hôpital qui en implante 500 ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Nous n'avons pas eu d'éléments en ce sens, mais il ressort notamment de nos contacts avec le Comité économique des produits de santé que l'inclusion de certains dispositifs dans les GHS incite les établissements à mieux négocier avec les fabricants, ce qui tend donc plutôt à tirer les tarifs vers le bas.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment être certain que le prix n'est pas le seul élément pris en compte, et que l'on continue de veiller à la qualité des produits ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Je crois qu'aucun établissement ne passerait de commandes de DMI sans avoir consulté ses chirurgiens et ses chefs de service sur la réputation des sociétés qui les fabriquent et s'être assuré que les normes sont respectées.

Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la 6e chambre de la Cour des comptes : Les arrêtés tarifaires ne sont, je crois, pas encore parus. Or, une circulaire budgétaire faisant simplement état d'une baisse moyenne de l'ordre de 1 % ne permet pas à un établissement de faire son compte d'exploitation en fonction de sa propre activité. Je pose la question parce que j'avais cru comprendre, à la lecture de ladite circulaire, qu'il y avait des différences assez importantes entre les tarifs de GHS, par exemple pour les accouchements dans le privé.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Nous n'avons toujours pas reçu les arrêtés, et certains conseils d'administration, dont celui dont je fais partie, ont été repoussés, faute de disposer d'éléments suffisants pour voter les budgets.

Mme Sonia Beurier : Les arrêtés relatifs à la classification des prestations sont parus, mais les arrêtés tarifaires n'ont pas encore été publiés.

M. Pierre Morange, coprésident : Il faudrait que le ministère publie un document écrit permettant aux conseils d'administration d'établir les budgets.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je voudrais revenir sur le problème des informations médicales, tant du point de vue du recueil des données que de leur contrôle. Quels sont les dispositifs existants de contrôle de la tarification à l'activité ? Les avez-vous renforcés ? La CNAMTS a-t-elle un système de contrôle médical suffisant pour suivre la mise en place de la T2A ? Les actions de contrôle sont-elles coordonnées ?

M. Dominique Libault : Ce contrôle du respect de la tarification est essentiel, et nous avons beaucoup insisté pour qu'il soit mis en place. La CNAMTS dispose de moyens très importants, et si son service médical doit faire face à des tâches multiples, une partie de ce service a toujours suivi de très près les aspects hospitaliers. Il y avait toutefois des éléments nouveaux à appréhender, d'où la nécessité d'une formation spécifique, mais M. Van Roekeghem a veillé à ce qu'elle soit bien dispensée aux agents. J'espère donc que nous aurons les premiers retours d'ici un mois ou deux. J'ajoute que les établissements eux-mêmes étaient demandeurs.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On nous a dit, dans certaines ARH, que ces contrôles avaient déjà permis de constater certaines dérives.

M. Pierre Morange, coprésident : Parmi ces dérives, y a-t-il pu y avoir, dans certains cas, sélection des risques, multiplication artificielle d'actes, voire manipulation des codages ?

M. Dominique Libault : Ma réponse sera prudente, car nous n'avons pas encore énormément d'éléments, mais je ne crois pas à la sélection des risques. Je crois davantage à la manipulation des codages, mais certains codages inadéquats peuvent avoir été faits de bonne fois. Il peut aussi arriver qu'il y ait un peu moins de consultations externes et un peu plus d'hospitalisation de jour parce que les établissements y ont intérêt. Si l'on constate ce genre de phénomènes, il faut poser des limites.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pour reprendre la question sous une autre forme, les établissements peuvent-ils être tentés d'éviter certaines pathologies qui sont à la limite des GHS, de ne pas prolonger, par exemple, le séjour des personnes âgées et d'encourager plutôt leur retour précoce à domicile ? Certains responsables d'établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes nous disent avoir vu arriver des patients qui étaient sortis un peu prématurément de l'hôpital. Vous a-t-on signalé des effets pervers de ce type ?

M. Dominique Libault : Il est encore un peu tôt pour avoir des données synthétiques sur ce genre de sujets. Auparavant, les établissements se plaignaient plutôt de devoir, faute de lits d'aval, garder des gens qui ne nécessitaient plus de soins aigus et qui auraient été mieux ailleurs. Ce qui est certain, c'est que la T2A amène certains acteurs à changer de comportement, avec des conséquences qui peuvent être positives ou négatives. Cela dit, les tarifs de GHS ne sont pas figés ; si l'on constate des effets pervers, il faudra les modifier.

M. Pierre Morange, coprésident : Les questions du rapporteur montrent la pertinence de notre choix de la T2A comme thème d'études, après celui du mode de prise en charge des personnes âgées dépendantes, qui nous a permis de constater que la T2A pouvait avoir pour effet de modifier les comportements hospitaliers. Il faudrait intégrer cette perception et établir des passerelles entre les modes d'accueil afin de répondre aux besoins de l'ensemble de la population.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Vous avez dit qu'il était difficile d'évaluer et d'identifier les risques potentiels. L'avez-vous fait pourtant, et si oui, quels sont-ils ?

M. Dominique Libault : À ce stade, la démarche est encore un peu conceptuelle. Si un établissement trouve intérêt à telle ou telle tarification, il en tiendra compte dans ses choix. Pour une même pathologie, par exemple, il peut y avoir le choix entre des pratiques chirurgicales ou non chirurgicales. Si la tarification incite à l'un ou à l'autre choix, cela peut faire problème - encore qu'il faille faire confiance à la déontologie des praticiens. En outre, une tarification peut être adéquate à un certain moment, puis cesser de l'être à cause du progrès médical. Il est évident que, si nous voyions les établissements renoncer à telle ou telle pratique à cause de la tarification, nous devrions en tenir compte.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Êtes-vous dotés de moyens d'analyse permettant d'évaluer ce risque ?

M. Dominique Libault : Il existe des moyens, mais tout système d'allocation budgétaire peut avoir des conséquences de ce type. Ce n'est pas propre à la T2A. Le budget global pouvait ainsi dissuader les établissements de développer telle ou telle activité coûteuse.

Mme Catherine Génisson : On a évoqué le risque de surcotation, mais ne peut-il aussi y avoir sous-cotation, faute de temps consacré au codage par ceux qui le font ?

On a constaté, par ailleurs, une augmentation plus forte que prévu des dépenses hospitalières. L'analyse liée à la T2A permet-elle de voir si cette activité supplémentaire est justifiée, ou s'il y a report, pour diverses raisons, de l'activité libérale ?

Par ailleurs, la T2A prend-elle suffisamment en compte les critères sociaux des publics accueillis qui jouent sur les modalités de l'hospitalisation ? Les MIGAC, qui donnent lieu à crédits supplémentaires, recouvrent non seulement des missions spécifiques, mais aussi l'accueil global des patients. Ce n'est pas faire injure aux cliniques privées que de dire que, si elles ont le même type de malades et de pathologies à prendre en charge, elles n'ont pas forcément affaire aux mêmes profils sociaux, et n'ont pas la même mission de service public. La T2A prend-elle en compte ces critères ?

M. Dominique Libault : Nous n'écartons nullement le risque de sous-cotation, ni de transferts du libéral à l'hospitalier. Nous disons simplement que la T2A incite davantage que la dotation globale à examiner la légitimité du développement de certaines activités. C'est la même chose, d'une certaine façon, que pour la médecine de ville : le paiement à l'acte a son intérêt, mais il faut vérifier que les actes sont légitimes. La T2A accroît l'intérêt que peut trouver l'hôpital à la maîtrise médicalisée.

M. Pierre Morange, coprésident : Face au constat d'éventuels biais de la classification, du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), de la définition des normes, que se passe-il en pratique ? Quand une anomalie est décelée, qu'il y a un correctif à apporter, qui le fait, avec quels moyens et dans quel délai ?

Mme Catherine Génisson : Je me plaçais surtout dans le cas des hôpitaux qui subissent le développement de leur propre activité. L'analyse de l'activité grâce à la T2A permet-elle de constater un report du libéral sur l'hospitalier, notamment dans le secteur des urgences, où la T2A n'est pas appliquée comme elle l'est dans les autres services d'hospitalisation ?

M. Dominique Libault : Le report vers les urgences hospitalières est un phénomène antérieur à la T2A, et dépasse la question tarifaire, qui est très marginale. C'est la démission de la permanence des soins en libéral, qu'il faudrait renforcer pour diminuer la pression sur l'hôpital.

Mme Catherine Génisson : Bien sûr, mais quand il y a asphyxie des urgences et qu'on sait que la personne ne peut revenir à son domicile, on l'hospitalise, quand bien même son état ne le justifie pas. La T2A peut-elle mettre en évidence ce type de situations ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : C'est une très bonne question, qui pose le problème des comportements. La T2A permet-elle d'avoir une meilleure connaissance de ces comportements ? Le problème se pose de la même façon pour la sortie : les gériatres que nous avons rencontrés lorsque nous étudiions notre thème précédent nous ont dit que la façon dont l'hôpital prenait en charge les personnes âgées pouvait accélérer leur grabatisation. Je voudrais donc savoir s'il existe, à l'entrée et à la sortie de l'hôpital, un dispositif permettant d'évaluer le dispositif de soins afin de le faire évoluer. S'il s'agit seulement de connaître les aspects financiers en faisant l'impasse sur les comportements, ce n'est pas très intéressant.

M. Jean-Marie Le Guen : La T2A est certes un mécanisme de financement, mais surtout un mécanisme de gestion, qui a vocation à améliorer l'allocation des ressources. Il est vrai qu'en aval comme en amont, il y a beaucoup de moments où les médecins sont face à un dilemme : soit ils acceptent - ou gardent - un patient parce qu'il y a en aval un déficit social de prise en charge, soit ils le refusent, ce qui est humainement difficile. Ne faudrait-il pas que le système de cotation soit capable d'identifier les cas où le médecin se trouve obligé, pour de bonnes raisons humanitaires et de mauvaises raisons médicales, d'accueillir quelqu'un faute d'autre solution, au risque de faire baisser l'activité de l'établissement ?

Par ailleurs, alors que la T2A a bénéficié d'un assez fort consensus au plan politique et technique, nous constatons tous sur le terrain une incompréhension, assez forte également, des professionnels, qui reprochent au système de favoriser les actes techniques par rapport aux actes « humains ». Ne faudrait-il pas les associer davantage à l'élaboration des GHS ? Si leurs critiques vous paraissent justifiées, vous pourrez ainsi rectifier le tir, et si vous pensez qu'elles ne le sont pas, seule une discussion approfondie, avec les organisations syndicales d'un côté, avec les différentes professions de l'autre, vous permettra de faire comprendre et accepter vos choix par ceux qui auront à appliquer cette tarification, et qui ont souvent le sentiment que celle-ci est orientée, qu'elle n'est pas neutre vis-à-vis de leur exercice.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela rejoint ma question sur la capacité d'ajustement et d'adaptation en cas d'anomalies constatée ou dénoncée.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le problème central est celui de la qualité des soins. La T2A va-t-elle l'améliorer, ou pas ?

Par ailleurs, êtes-vous associés à l'élaboration de la dixième version de la classification des GHS ? Comment faites-vous pour être le plus près possible de la réalité du patient ?

M. Dominique Libault : Si vous voulez me faire dire que la T2A n'est pas le remède miracle à tous les problèmes de l'hôpital, j'en suis tout à fait d'accord ! Tout système a ses avantages et ses inconvénients, et il y a beaucoup de problèmes très importants que la T2A ne réglera pas, comme l'offre de soins, ou encore celle, posée par Mme Guinchard, du suivi des parcours de soins.

Si la DSS a son mot à dire sur les orientations globales, stratégiques du système, autant les tarifs eux-mêmes sont du ressort de la DHOS. Les questions de M. Le Guen sont pertinentes, mais je ne suis pas en situation d'y répondre. Mais dites-vous bien que si un établissement considère que les tarifs sont inadéquats et qu'il n'est pas assez payé pour ce qu'il fait, il n'hésite pas à le faire savoir. Tout n'est donc pas opaque, et nous avons déjà des retours de la part des établissements.

M. Jean-Philippe Vinquant : Il existe plusieurs outils pour prendre en compte les spécificités des publics accueillis. Les coûts fixes liés aux urgences, pour les établissements publics, mais aussi pour les établissements privés qui y participent, sont couverts grâce à la part forfaitaire. En outre, les grilles tarifaires du public et du privé sont différentes : la liste des GHS est identique, mais la rémunération n'est pas la même, de façon à tenir compte du fait que les patients du secteur public sont plus souvent en situation précaire. Enfin, il y a, au sein même des GHS, plusieurs niveaux de gravité de la pathologie ou de l'état du patient.

Mme Catherine Génisson : À pathologie et à gravité égales, la prise en charge est différente dans le public et dans le privé parce que le contexte social est différent, et que ce facteur a une incidence très importante sur la durée de l'hospitalisation. On ne fait pas sortir un patient qui ne peut être accueilli à son domicile. C'est une situation qu'on retrouve beaucoup plus fréquemment à l'hôpital public, qui a vocation à accueillir ce type de patient, et dont les missions d'intérêt général ne se limitent pas aux urgences et à d'autres activités particulières, mais se déclinent aussi dans les services d'hospitalisation. Ce fait est-il pris en compte par la T2A - ou par d'autres dispositifs ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Les dotations liées aux MIGAC, qui augmentent de 5 % en 2006, vont notamment financer les permanences d'assistance sociale, qui visent à gérer tout le parcours du patient tant à l'hôpital qu'après sa sortie.

Si je voulais prendre un exemple d'anticipation de l'impact de la T2A sur la durée moyenne de séjour, je ne choisirais pas celui des personnes âgées, qui fait intervenir aussi le médico-social, mais plutôt celui de la chirurgie orthopédique. La T2A conduit en effet à ne pas laisser le patient hospitalisé plus longtemps qu'il n'en a besoin. Nous avons proposé - et le Parlement a voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 - un dispositif visant à ce que les centres de rééducation fonctionnelle se concentrent sur les publics justifiant le plus une hospitalisation et un suivi - médical, infirmier, kinésithérapique - après leur passage en chirurgie. Le médecin prescripteur se fondera sur les recommandations de la Haute autorité de santé pour décider si la formule la plus adaptée est celle de la prise en charge ambulatoire ou celle du centre de rééducation fonctionnelle. Voilà un exemple d'anticipation de l'impact de la T2A.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons bien compris que les compétences de la DSS étaient surtout d'ordre stratégique, et nous reposerons donc la question aux représentants de la DHOS lorsque nous les réentendrons.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je voudrais que vous nous disiez quelques mots sur les perspectives. Quel est votre programme pour 2006 ? Le rythme de montée en charge vous paraît-il trop rapide, trop lent, ou correct ? L'objectif de 2012 pour l'achèvement de la réforme est-il réaliste ? Quand la T2A s'appliquera-t-elle aux soins de suite et de réadaptation, ainsi qu'à la psychiatrie ? Que comptez-vous faire, enfin, pour développer les bonnes pratiques à l'hôpital en matière de bon usage des médicaments ?

M. Dominique Libault : Nos objectifs sont de mieux assurer la conciliation entre le développement de la T2A, les besoins des établissements publics et privés, et le respect de l'ONDAM. En 2005, selon les premières indications, le résultat n'a pas été totalement satisfaisant : l'ONDAM global a été à peu près respecté, mais le dépassement de l'ONDAM hospitalier n'a été compensé que grâce au ralentissement des dépenses de ville.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quand aurez-vous les chiffres ?

M. Dominique Libault : D'ici la fin du mois.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Quelles seraient vos propositions pour disposer de données nationales plus exploitables ? Sur quels moyens peut-on s'appuyer pour cela ?

M. Dominique Libault : Parmi les objectifs pour 2006 figure celui d'impliquer la CNAMTS dans le suivi de la réforme, afin de mieux suivre ce qui se passe et de réorienter éventuellement le dispositif. Quant aux moyens de pilotage, il y a la mission T2A ; la question s'adresse donc plutôt à la DHOS, mais je milite pour qu'on dégage quelques postes supplémentaires, car lorsqu'il y a un grand projet, la sphère publique souffre généralement d'un manque de moyens de pilotage.

Cela dit, je crois surtout à l'appropriation par l'ensemble des acteurs, car la réforme ne doit pas être vécue au seul niveau central. Notre rôle est de faire que les services travaillent mieux ensemble sur le sujet.

M. Pierre Morange, coprésident : Où en est le Conseil de l'hospitalisation ?

M. Dominique Libault : Il fonctionne, et tient six réunions par an. La prochaine aura lieu le 20 mars. Le fonctionnement a besoin de se rôder, mais cet effort de décloisonnement était indispensable, au niveau central et local, pour faire travailler ensemble les ARH et l'assurance maladie, en s'intéressant au parcours de soins de la personne et pas seulement au financement des établissements.

S'agissant du calendrier, je crois qu'il ne faut pas rester trop longtemps dans un système mixte. Je suis très attentif à ce que l'on mesure la capacité d'adaptation des perdants - car la T2A implique qu'il y en ait, sans quoi ce rôle sera tenu par l'assurance maladie - et que l'on ne crée pas de contraintes insurmontables à certains établissements.

M. Jean-Philippe Vinquant : S'agissant des bonnes pratiques hospitalières, DHOS et les ARH ont promu deux excellents outils. Le premier est le contrat de bon usage des médicaments à l'hôpital, signé par 60 % des établissements au 15 février. Le second est l'accord de bonnes pratiques, portant sur certains types de médicaments ou de prescriptions, comme l'accord-cadre national sur les antibiotiques, qui a été conclu après des négociations longues et difficiles, et que les ARH et l'assurance maladie tâchent de décliner au niveau local en faisant œuvre de persuasion auprès des établissements. Ceux-ci y ont tout intérêt, car ils bénéficient de 50 % des économies réalisées sur la prescription d'antibiotiques. C'est à la fois un enjeu de santé publique et un enjeu financier. Un accord-cadre est en cours de négociation sur les statines.

M. Jean-Marie Le Guen : L'enjeu de santé publique n'est pas le même...

M. Pierre Morange, coprésident : C'est un euphémisme que de dire que l'assurance maladie et le monde hospitalier sont cloisonnés. Mais, suite aux préconisations du rapport que nous avons rendu en juillet 2005, un amendement du sénateur Alain Vasselle au PLFSS a été adopté, qui tend à associer les médecins-conseils de l'assurance maladie à ce travail commun d'optimisation et de rationalisation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous ne m'avez pas répondu sur l'application de la T2A aux soins de suite et à la psychiatrie.

Mme Sonia Beurier : C'est envisagé, mais nous ne sommes pas étroitement associés à ces projets, qui sont surtout du ressort de la DHOS.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous leur poserons la question.

M. Jean-Philippe Vinquant : Les exemples étrangers montrent que la réforme a toujours été appliquée en deux temps, en commençant par ce qui est mesurable car lié à un acte. Dans certains pays, la tarification s'applique aussi à la psychiatrie. Mais avant de pouvoir coter et facturer l'activité, il faudrait disposer d'un PMSI, ce qui me paraît très délicat.

M. Pierre Morange, coprésident : Madame, Messieurs, nous vous remercions d'avoir répondu de façon exhaustive à nos questions.

*

* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagné de M. Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins de la CNAMTS.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes heureux d'accueillir M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, qu'accompagne M. Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comme vous le savez, notre mission consacre ses travaux actuels à la mise en place de la tarification à l'activité. De votre point de vue, quels sont les objectifs et les avantages de ce dispositif ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Les objectifs de la tarification à l'activité sont ceux que le Gouvernement et le Parlement ont fixés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 après avoir constaté que la dotation globale hospitalière présentait des lacunes, faute, notamment, d'un lien systématique entre les ressources allouées et l'activité réelle des établissements. Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité faire entrer en vigueur progressivement un dispositif permettant d'améliorer la dynamique de l'hôpital public. La question ne se posait pas dans les mêmes termes pour les cliniques privées, pour lesquelles la relation entre ressources et activité était déjà forte.

L'UNCAM attend bien sûr de la tarification à l'activité qu'elle renforce progressivement l'efficacité du système de soins. Déjà, certains établissements s'interrogent sur leurs coûts au regard de la tarification et se comparent à d'autres. Ces comparaisons, si elles sont faites de manière raisonnable et en tenant compte des missions d'intérêt général, permettront d'améliorer l'efficacité générale de l'hôpital public. L'UNCAM est favorable à la mise en place de la tarification à l'activité mais elle considère que, pendant la période initiale, le nouveau dispositif est susceptible de provoquer des évolutions substantielles dans la répartition des ressources entre établissements et dans leur activité, évolutions qu'il faudra surveiller avec vigilance pour s'assurer qu'elles ne sont pas trop rapides.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La tarification à l'activité a-t-elle déjà commencé à responsabiliser les acteurs hospitaliers de la santé ? Comment s'articule-t-elle avec les nouvelles procédures de planification de l'offre de soins ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Faire évoluer l'offre de soins, c'est le rôle dévolu aux schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération, les SROS 3. La tarification à l'activité peut d'autant moins le faire à elle seule qu'elle ne concerne qu'une partie des activités hospitalières et que sa montée en charge sera progressive. Mais, une fois pleinement déployée, elle peut avoir un effet structurant sur l'offre de soins à long terme. À moyen terme, nous attendons de la T2A qu'elle permette une véritable politique de gestion du risque, davantage axée sur les patients et sur les parcours de soins. Cela suppose d'une part une connaissance plus individualisée des prescriptions et donc une information mieux coordonnée  sur les actes  accomplis à l'hôpital  et sur les actes réalisés  en médecine de ville - en radiologie par exemple -, d'autre part la recension de toutes ces informations et leur exploitation intelligente au regard des futurs référentiels.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans ce schéma, la collecte et l'enregistrement des informations ont une importance capitale. Celles dont vous disposez vous semblent-elles fiables et suffisantes ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Pour des raisons historiques, le niveau d'intégration des informations diffère selon les secteurs de l'offre de soins - cliniques, professionnels libéraux, établissements publics. Il faudra, à terme, créer un système global d'information similaire pour tous les offreurs de soin. Ce n'est pas tout à fait le cas aujourd'hui, mais les responsabilités de cette situation sont partagées et un système de recueil de l'information performant demande de nombreuses années de travail.

M. Pierre Morange, coprésident : Encore faut-il s'accorder sur l'objectif. On a beaucoup travaillé au plan informatique de la CNAMTS ; la même philosophie vaudra-t-elle pour l'hôpital, dans le cadre de parcours de soins cohérents ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Pour améliorer les transferts d'informations entre le système hospitalier et l'assurance maladie, on cherche d'une part à avoir une meilleure connaissance de la prescription individuelle, d'autre part à passer à une facturation individuelle orientée vers le patient et non plus vers l'offreur de soins. Mais ces évolutions sont longues à mettre en œuvre.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est le calendrier prévu pour la facturation individuelle ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous pensons parvenir à l'identification individuelle des praticiens hospitaliers prescripteurs fin 2006 ou début 2007. La deuxième étape consistera à intégrer ces nouvelles données dans les logiciels des officines, ce qui suppose que les sociétés extérieures mettent au point une nouvelle version. L'évolution est nécessairement longue, et la facturation individuelle se fera par pans.

M. Pierre Morange, coprésident : Les systèmes informatiques hospitaliers, que certains disent obsolètes, permettront-ils de tenir le calendrier prévu pour la première phase, fin 2006 ou début 2007 ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Tout ce qui tend à l'ouverture et à l'amélioration de la rapidité et des échanges entre les établissements hospitaliers et l'assurance maladie va dans le bon sens, celui de la meilleure qualité des soins et d'un meilleur rapport entre qualité et coût.

M. Jean-Luc Préel : Qui, de l'assurance maladie, de la DHOS, de la direction de la santé ou de la direction de la sécurité sociale, a vocation à piloter la tarification à l'activité à l'hôpital ? J'ai entendu dire que vous avez très envie de vous en occuper...

M. Frédéric Van Roekeghem : Un débat a eu lieu à ce propos et les partenaires sociaux ont tranché au sein du conseil de la CNAMTS. En notre qualité d'assureur solidaire dans le domaine de la santé, nous considérons que nous devons améliorer notre action de prévention. L'assurance maladie étant un financeur appelé à contractualiser, il n'est pas absurde qu'elle soit associée à l'élaboration des tarifs.

M. Jean-Luc Préel : Dans ce cas, vous devrez vous rapprocher des assurances complémentaires réunies au sein de l'UNOCAM.

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous n'avons pas pour vocation d'être opérateur hospitalier. En revanche, nous souhaitons avoir une vision claire de la manière dont les soins sont dispensés, pour juger de leur utilité. C'est ce que font déjà les médecins conseil. Les référentiels que la Haute autorité de santé met au point nous y aideront également et, à terme, cela passera par une contractualisation sur l'évolution des coûts. Mais pour la gestion pratique il faut des interfaces organisées par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation, car l'assurance maladie n'est pas une société de services informatiques.

Comme l'assurance maladie obligatoire, les assurances complémentaires considèrent que les soins remboursés doivent être utiles à la collectivité et que la dépense doit être maîtrisée. Les divergences ne portent pas sur les principes de politique générale mais, parfois, sur la répartition des soins et sur le périmètre d'intervention de chacun.

M. Jean-Marie Le Guen : En ces matières, la précision s'impose, sans laquelle il peut y avoir des incompréhensions. Aussi, j'aimerais savoir quel mandat exact vous a donné votre conseil d'administration, comment ce mandat s'articule avec les dispositions prévues par la loi et quels sont vos souhaits d'évolution. Je vois mal que l'on puisse rester dans une situation où subsisteraient des divergences d'appréciation à ce sujet.

M. Frédéric Van Roekeghem : La loi du 13 août 2004 fait obligation à l'UNCAM d'arrêter les orientations de la politique hospitalière, ce qu'a fait son conseil, en définissant cinq priorités. La première est d'informer les assurés.

M. Jean-Marie Le Guen : Les informer à quel propos ? Sur la qualité de l'hôpital ? Sur son coût ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Il s'agit de leur faire mieux connaître l'offre de soins globale. Il faut donc des indicateurs de qualité, et si l'assurance maladie n'a pas de légitimité pour les élaborer, elle en a une pour les diffuser. La loi nous impose de mieux informer sur les coûts et sur les tarifs, ce qui nous a conduits à ouvrir à titre expérimental aux patients de six caisses le système d'information téléphonique « Infosoins ». Nous comptons généraliser ce dispositif à l'ensemble des caisses d'ici la fin de l'année.

La deuxième priorité définie est de participer à la définition des besoins en santé et à une meilleure concordance entre l'offre et les besoins. Aujourd'hui, les agences régionales de l'hospitalisation s'appuient sur les services régionaux de l'assurance maladie. Un millier d'agents de l'assurance maladie détachés dans le cadre d'un groupement d'intérêt public travaillent à des sujets hospitaliers au sein de ces agences. Nous réaffirmons notre investissement dans les ARH, dont une grande partie du personnel est mis à disposition par l'assurance maladie.

La troisième priorité est l'accompagnement des établissements de santé. À ce sujet, nous réaffirmons vouloir continuer les audits médico-économiques. Ainsi, c'est à la suite d'un audit de la caisse régionale d'Île-de-France que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a fait évoluer le nombre de ses laboratoires de biologie. Notre objectif est de redonner une cohérence d'ensemble à notre dispositif hospitalier en reconstituant, au niveau national, des équipes hospitalières qui avaient été déstabilisées au cours des années précédentes.

Notre quatrième objectif est de faciliter la meilleure adéquation de l'offre aux besoins en aidant les ARH à établir les SROS 3 et en favorisant l'évolution de la tarification à l'activité pour renforcer la chirurgie ambulatoire.

Notre cinquième priorité est de développer la maîtrise médicalisée de la dépense à l'hôpital, indispensable pour faire accepter par les professionnels libéraux les contraintes similaires qui leurs ont imposées. Ainsi, la campagne nationale de maîtrise de la prescription d'antibiotiques a donné des résultats probants pour la médecine de ville, et c'est un des projets qui prend corps pour l'hôpital sous la forme d'un accord national signé par le ministre de la santé. Nous avons constaté que si nous voulons mieux maîtriser les postes de dépense, qu'il s'agisse des transports sanitaires ou de l'antibiothérapie, il est indispensable de diffuser l'information au niveau local car, bien souvent, les prescripteurs sont les internes. Cette année, nous diffuserons ce type d'informations au sein des ARH en liaison avec la DHOS, dans le respect des textes. La coordination ne sera pas simple, mais nous devrions y parvenir.

M. Jean-Marie Le Guen : Je suis un peu étonné. L'assurance maladie n'a pas à assumer de responsabilités en matière d'antibiothérapie, puisqu'il s'agit d'un problème de santé publique. On va vers une grande confusion si elle se mêle d'expliquer aux jeunes médecins qu'il ne faut pas prescrire à tort et à travers, alors que ce devrait être le rôle d'une direction « qualité » de la DHOS. Mélanger santé publique et maîtrise des coûts crée des ondes négatives. Je comprends parfaitement le rôle de l'assurance maladie pour ce qui concerne la prescription de transports en ambulance mais, pour l'antibiothérapie, chacun est d'accord sur le fait qu'il s'agit de prescrire mieux et non de prescrire moins.

S'agissant de la T2A, quelle appréciation portez-vous sur la tarification établie ?

M. Frédéric Van Roekeghem : La loi du 13 août 2004 a tenté de clarifier l'articulation entre santé publique et assurance maladie en disposant en son article premier qu'« en partenariat avec les professionnels de santé, les régimes d'assurance maladie veillent à la continuité, à la coordination et à la qualité des soins offerts aux assurés, ainsi qu'à la répartition territoriale homogène de cette offre. Ils concourent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique définis par l'État. » L'interface est nécessairement très forte pour mener à bien les programmes de santé publique. Ainsi, pour mettre en place le dispositif du médecin traitant, il faut mobiliser les moyens de l'assurance maladie pour la négociation conventionnelle et pour l'information des patients. Son action a d'ailleurs été déterminante dans la prise de conscience au sujet de l'antibiothérapie. Pour l'AP-HP, nous intervenons en soutien pour faciliter le bon déploiement du programme dans les hôpitaux, mais cela ne peut réussir que si les patients sont informés. La nation doit pouvoir intervenir sur l'offre de soins mais aussi sur les personnes pour leur donner les explications nécessaires et dans ce domaine la participation de l'assurance maladie est inévitable.

Elle a commencé d'être politiquement associée à la tarification en 2004 et, depuis 2005, des échanges ont lieu entre les directions du ministère et l'assurance maladie à propos de la fixation des tarifs. La disparité apparue en 2005 entre les tarifs et l'évolution réelle de l'activité a conduit le comité ad hoc à proposer une évolution légèrement différente de la tarification.

M. Pierre Morange, coprésident : Je salue l'arrivée de M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : De quels moyens de contrôle de la facturation dispose la CNAMTS ? Quels effectifs se consacrent à cette tâche ? Comment se fait la coordination des contrôles avec les autres caisses ? Faut-il renforcer les contrôles et les sanctions ? Y a-t-il lieu de s'inquiéter de dérives ou de pratiques anormales ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Les contrôles de la tarification à l'activité commencent cette année et ils sont opérationnels. Les dispositifs de sanction et de récupération des indus éventuels sont encore en cours d'élaboration car, dans un premier temps, le Gouvernement a privilégié les contrôles à visée pédagogique. Nous veillons à ce que le codage soit respecté et à ce que les erreurs ne se traduisent pas par des indus. Mais, tout indispensables qu'ils soient, les contrôles ne permettent pas d'assurer la bonne tenue d'un système. Dans le secteur libéral, notre effectif total étant de 2 200 médecins conseil, nous contrôlons environ 1 % des praticiens. Ces contrôles contentieux sont très ciblés. Ils devront l'être aussi pour l'hôpital. Aussi, tout ce qui contribuera à individualiser les prescriptions est de nature à améliorer le management et le contrôle.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous réorganisé vos services à cette fin ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous avons créé une direction nationale du contrôle contentieux et de la répression des fraudes, subdivisée en trois divisions : le droit du contrôle, le contrôle contentieux médical et le contrôle contentieux non médical. Nous avons renforcé notre coopération avec d'autres instances, dont les ministères régaliens, pour lutter contre la fraude organisée, car elle existe. Nous avons aussi créé un mécanisme permettant la remontée des informations depuis les caisses primaires afin d'agir de manière préventive, ce qui renforce la rentabilité des contrôles et de la répression des fraudes.

M. Jean-Michel Dubernard : On a le sentiment qu'à l'hôpital les choses vont extraordinairement lentement. Or il représente 48 % des dépenses de l'assurance maladie, et l'on pourrait obtenir des résultats significatifs en matière de maîtrise médicalisée s'il était enfin concerné. L'esprit de la loi du 13 août 2004 sur l'assurance maladie est respecté en médecine de ville, mais il ne l'est pas à l'hôpital, au point que l'on a l'impression que personne n'y sait ce qu'est la tarification à l'activité. Je n'ose imaginer que la Fédération hospitalière de France puisse freiner. Je ne mets en cause ni les hommes et les femmes ni les directeurs généraux, car je suis persuadé que l'on ne devient pas directeur d'hôpital par hasard mais parce que l'on a une sorte de vocation, celle d'aider les autres. Je mets en cause des schémas d'organisation.

Mme Catherine Génisson : C'est la loi qui a été votée.

M. Jean-Michel Dubernard : Non, c'est une organisation rigide qui perdure depuis des décennies, et l'on n'arrivera à rien si l'évolution continue d'être aussi lente.

M. Jean-Marie Le Guen : Privatisons, privatisons, tout ira plus vite !

M. Jean-Michel Dubernard : Soyons constructifs. Il faut instaurer au plus vite le dialogue le moins institutionnel possible entre la CNAMTS et les établissements hospitaliers. Comment y parvenir ?

Mme Catherine Génisson : Je constate que le président de la commission rouvre un débat qui a été tranché lorsque la loi sur l'assurance maladie a été adoptée sans que ces hypothèses aient été retenues.

Je souhaite revenir sur le rôle de l'assurance maladie en matière de santé publique pour souligner à mon tour que les logiques à l'œuvre ne sont pas les mêmes pour la médecine de ville et pour l'hôpital. Comment imaginer que les services hospitaliers qui prescriraient moins d'antibiotiques puissent se voir accorder des avantages particuliers par l'assurance maladie, alors que la définition des bonnes pratiques en matière d'antibiothérapie relève de la DHOS ? Pour ce qui est de l'information des assurés, j'imagine peu qu'un patient mal en point voyant arriver un aréopage de quinze médecins de tous grades dans sa chambre, alors qu'il gît au fond de son lit, puisse être valablement informé et s'exprimer. C'est une vue de l'esprit. Il y a matière à réflexion, mais la réalité est tout autre que celle qui a été décrite.

M. Frédéric Van Roekeghem : Pour que les actions engagées dans des institutions aussi nombreuses et aussi diverses que le sont les établissements hospitaliers publics donnent des résultats, il faut du temps. Pour le secteur libéral, le délai nécessaire est de six à neuf mois au minimum. Pour ce secteur, les actions pour 2006 sont toutes définies et je sais que ce qui ne l'est pas ne sera pas mis en œuvre avant 2007 au mieux. Or, l'hôpital est un secteur encore plus vaste et plus complexe, et il est certain qu'une action en profondeur ne peut se concevoir que dans la durée. Par ailleurs, notre système institutionnel, singulièrement pour ce qui a trait aux relations entre l'État et l'assurance maladie, est trop complexe, et cette complexité accroît la lenteur. La prolifération des institutions entraîne un besoin croissant de coordination interne qui freine la réactivité du service public.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles sont vos suggestions de réforme ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Le Parlement doit mener une réflexion sur l'architecture institutionnelle. Au seul niveau régional, quatre institutions différentes travaillent sur l'hôpital : l'URCAM, les caisses régionales d'assurance maladie, les DRASS et les ARH, elles-mêmes intégrées dans un groupement d'intérêt public qui associe l'assurance maladie à l'État. Nous avons empilé les structures sans permettre que les gens travaillent et que quelqu'un décide vite.

M. Jean-Michel Dubernard : Votre constat rejoint donc le mien. Comment, alors, modifier cette organisation ? Si l'inertie n'est pas bousculée, rien ne changera.

M. Frédéric Van Roekeghem : Il faut réduire le nombre de structures au lieu de les augmenter et il serait raisonnable de simplifier les relations entre l'État et l'assurance maladie. Voilà qui renvoit à la réflexion qui a eu lieu dans votre Assemblée sur l'évolution vers des agences régionales, mais cela suppose de trancher sur des sujets politiques majeurs : les CRAM d'une part, la place et la finalité des agences régionales d'autre part, et leur articulation avec le niveau local. Par ailleurs, notre système institutionnel est trop orienté vers les offreurs de soins. À mon sens, il faut évoluer progressivement vers des agences régionales, rééquilibrer l'offre et les besoins de soins et améliorer l'information des patients.

M. Jean-Michel Dubernard : Quelles conclusions avez-vous tirées des expérimentations qui devaient être menées en Alsace et en Poitou-Charentes ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous avons besoin d'un décret précisant les modalités des expérimentations. Cela ne nous a pas empêché d'engager, en partant de la situation constatée en Alsace, la réflexion sur ce que devrait être leur contenu.

M. Jean-Marie Le Guen : Et vous considérez que le rapprochement entre ARH et offre de soins va dans le sens d'une meilleure gestion ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Oui, si la chaîne est plus cohérente, depuis le Parlement jusqu'à l'échelon local. La légitimité que donne le vote annuel de la loi est indispensable, mais une vision pluriannuelle est nécessaire. Une volonté forte doit donc se manifester et se traduire par la cohérence entre la loi de financement de la sécurité sociale, la politique de santé publique et sa déclinaison au niveau local.

M. Jean-Michel Dubernard : Le Parlement a manifesté sa volonté à ce sujet.

M. Jean-Marie Le Guen : Dans les discours, pas dans la loi.

M. Jean-Michel Dubernard : Dans la perspective de la création d'agences régionales, la loi sur l'assurance maladie disposait qu'une expérimentation serait menée dans cinq régions. Caisse régionale, ARH et groupement régional de santé publique devaient s'assembler. En Alsace et en Poitou-Charentes, tout le monde était d'accord pour participer à cette expérimentation. Si la volonté du Parlement n'est pas respectée, il n'y a pas lieu de s'étonner de n'obtenir aucun résultat ! Pourtant, de ces expérimentations dépend peut-être le bien-être de tous.

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous espérons que l'expérimentation s'engagera avant la fin de l'année, mais le délai de parution du décret relève du Gouvernement. L'assurance maladie est favorable aux expérimentations qui permettraient d'envisager des modifications institutionnelles de nature à améliorer la qualité des soins et l'équilibre économique général indispensable au maintien du système solidaire. Notre réflexion préparatoire au lancement des expérimentations prévues dans la loi a porté sur différents points : sait-on estimer le montant des dépenses dans une région et son affectation ? Comment améliorer l'efficacité du système de soins pour le traitement du diabète, de l'hypertension artérielle, du cancer du sein et de la sclérose en plaques ? Pour ce qui est du diabète, nous cherchons à mieux organiser la prévention et la prise en charge des patients tout en évitant les hospitalisations inutiles.

M. Jean-Marie Le Guen : Existe-t-il des référentiels ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Non. Ils sont en cours d'élaboration par la Haute autorité de santé.

M. Jean-Marie Le Guen : Et voilà !

M. Pierre Morange, coprésident : Nous interpellerons le ministre à ce sujet.

M. Jean-Marc Aubert : Les modifications institutionnelles ne suffisent pas. Il faut aussi mettre au point de nouveaux outils de gestion permettant d'axer le système de soins sur l'assuré et la pathologie et non plus sur l'offre de soins. Les systèmes d'information actuels ne permettent pas le suivi longitudinal des patients. C'est pourquoi, dans le cadre des travaux entrepris à l'occasion de la mise en place de la tarification à l'activité, nous avons défini un programme d'évolution sur trois ans des systèmes d'information de l'assurance maladie et des hôpitaux, avec des étapes intermédiaires d'ici 2009. Mais la mise au point des outils suppose que soient tranchées la question des rôles respectifs des institutions et celle du pilotage. Quelle part ira à l'assurance maladie et quelle part au ministère de la santé, et en fonction de quels objectifs ? L'évolution est en cours mais tous les outils ne sont pas aboutis, et il faudra avancer.

M. Jean-Marie Le Guen : Il se trouve que la CFDT, qui préside l'UNCAM, considère que l'Union n'a pas vocation à gérer, cette fonction revenant à un directeur nommé par l'État. Nous sommes donc en présence de l'UNCAM, c'est-à-dire de l'État pour 80 %, et de directions ministérielles qui sont aussi l'État. Autrement dit, si problème il y a, il oppose l'État à lui-même. Voilà où nous en sommes. Le seul élément d'espoir, c'est que les outils d'information évoluent assez rapidement, anticipant les évolutions institutionnelles.

M. Pierre Morange, coprésident : Le principal est en effet que l'on avance, mais il apparaît qu'un long chemin reste à parcourir avant que la tarification à l'activité soit véritablement entrée dans les faits.

Messieurs, je vous remercie.

--____--


© Assemblée nationale