COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 17

Jeudi 4 mai 2006
(Séance de 9 h 30)

12/03/95

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

SOMMAIRE

 

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- M. le Professeur Degos, président de la Haute Autorité de santé, et M. Alain Coulomb, directeur de la Haute Autorité de santé

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Auditions sur la tarification à l'activité dans les établissements de santé :

 

- M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), M. le professeur Dominique Bertrand, médecin national à la CCMSA et M. Jacques Portier, directeur de la santé à la CCMSA

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- M. Dominique Maigne, délégué général de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC), M. le professeur Jean-Claude Horiot, directeur du Centre de lutte contre le cancer Georges-François Leclerc de Dijon, et M. Gilbert Leroux, secrétaire général

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Laurent Degos, président de la Haute Autorité de santé (HAS), et M. Alain Coulomb, directeur de la HAS.

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. le Professeur Laurent Degos, président de la Haute Autorité de santé et à M. Alain Coulomb, directeur. Je salue par ailleurs la présence de M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pourriez-vous nous rappeler les principes qui fondent l'évaluation des pratiques par la HAS et nous dire quels en sont les premiers résultats ?

M. Laurent Degos : Vous avez porté la Haute Autorité de santé sur les fonts baptismaux et nous vous en remercions. Cette autorité publique est unique en son genre en ce qu'elle est chargée de l'évaluation des produits, des actes, des pratiques professionnelles et des établissements de soins, mais aussi de la formulation de recommandations de bonnes pratiques et de prise en charge des affections de longue durée, de la contribution à l'information des professionnels de santé et du grand public dans ces domaines et de l'amélioration de la qualité de l'information médicale et de sa diffusion. Elle dispose d'un acquis important, celui de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), celui de la Commission de la transparence et celui de la Commission d'évaluation des produits et prestations, mais la loi lui a aussi conféré de nouvelles missions. Dans un premier temps, nous avons procédé aux fusions nécessaires, nous nous sommes transférés dans de nouveaux locaux et nous nous sommes attachés à mettre en commun les savoir-faire.

Le législateur a confié à la Haute Autorité de santé des missions au titre de la solidarité, de la qualité, de l'information et de l'organisation. Notre système de soin étant fondé sur la solidarité, nous sommes chargés de donner un avis sur la qualité des produits, des prestations et des actes pour aider les décideurs et les financeurs à s'assurer que le service médical rendu est le meilleur possible et justifie le remboursement. Dans la même optique, la HAS doit définir le panier de biens et services remboursables pour les maladies chroniques, établir les critères d'entrée en affection de longue durée et vérifier le bien-fondé des accords de bon usage. Au titre de la « démarche qualité », la HAS est chargée d'organiser l'évaluation des pratiques professionnelles, notamment en recommandant des bonnes pratiques et en certifiant les établissements. Sa troisième mission est d'informer patients et professionnels sur les différents aspects de cette démarche. Il lui revient enfin de participer à l'évaluation de la qualité de l'organisation du système de santé et à son amélioration.

Afin d'assumer au mieux les missions qui nous ont été confiées, nous avons défini plusieurs axes stratégiques. En premier lieu, nous entendons privilégier, plutôt qu'une approche ponctuelle, une évaluation fondée sur une approche transversale globale donnant toute sa place à la pathologie et au patient. Nous souhaitons d'autre part nous appuyer sur une méthode participative. Nous avons souhaité adjoindre à notre fonction d'opérateur une fonction de régulateur. Nous considérons aussi que la valorisation de la qualité est le complément indispensable de la tarification à l'activité, qui ne doit pas être le prétexte à un emballement du nombre d'actes de qualité parfois incertaine. Enfin, nous nous attachons à une insertion internationale, à la fois pour répondre aux questions multiples qui nous sont posées sur le modèle français de labellisation en matière de soins et pour parvenir à des accords européens d'échanges méthodologiques, notamment avec la Grande-Bretagne et avec l'Allemagne, tout en demeurant le garant de l'interprétation nationale des décisions prises au niveau communautaire et international.

Autorité de santé indépendante aux termes de la loi, la Haute Autorité de santé est aussi interdépendante de par sa fonction puisqu'elle se trouve placée entre le décideur, le financeur, le professionnel et le patient, tous acteurs du système de soins dont les logiques ne sont pas les mêmes, ce qui peut créer certaines tensions - le tout, sous l'œil des médias et de la justice. Le rôle de la HAS est donc d'aider aux décisions permettant les adaptations rendues nécessaires par un progrès médical constant. Pour ce faire, nous avons lancé le deuxième cycle de certification des établissements de soins et enclenché l'évaluation des pratiques professionnelles des médecins, qui sera bientôt suivie par celle des biologistes et des masseurs-kinésithérapeutes. La certification de la visite médicale est en cours. Nous avons aussi lancé l'élaboration des fiches de bon usage, rendu des avis sur les accords de bon usage et nous entamons la définition du contour des métiers. Nous avons également évalué le service rendu par certains médicaments en vue de déremboursements, et nous continuons ce travail. Enfin, nous reprenons tous les critères de définition des affections de longue durée.

Pour améliorer le système de soins, trois méthodes sont possibles : l'incitation, la punition et la comparaison au moyen d'indicateurs. À la punition, la France a préféré l'incitation et la comparaison. Les pays anglo-saxons, qui avaient choisi de chercher les erreurs et de les sanctionner, sont en passe d'abandonner cette méthode à la fois parce que lorsqu'on cherche une erreur on la trouve, ce qui suscite une avalanche de procès, et parce qu'en procédant de la sorte on se concentre sur des niches au lieu de s'attacher à améliorer l'ensemble.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelle est la proportion d'établissements de soins et de pratiques professionnelles déjà évaluée ?

M. Laurent Degos : Au terme du premier cycle de certifications, qui s'achèvera à la fin de l'année, 2 850 établissements auront été évalués, dont une centaine doivent encore l'être. Le deuxième cycle est engagé. S'agissant des pratiques professionnelles, nous avons accrédité les organismes chargés de l'évaluation, et les organismes agréés sont dès maintenant en nombre suffisant pour que les médecins puissent choisir. Comme je l'ai dit, la Haute Autorité de santé, outre qu'elle est opérateur, a aussi un rôle de régulateur, qu'il s'agisse de l'évaluation des pratiques professionnelles, de la certification de la visite médicale ou de la définition des contours des métiers.

S'il est simple d'être opérateur dans un système fermé, il en va tout autrement lorsqu'on traite de politique de santé. « Toute politique de santé est un mystère », a d'ailleurs coutume de dire le directeur de la politique de santé en Grande-Bretagne, constatant que ces politiques conduisent, quelque soit l'approche, à des résultats imprévisibles et parfois décevants, si bien que l'on se met à copier d'autres modèles de système de soins au moment même où les pays qui en ont été les instigateurs les abandonnent... Il convient de s'appuyer sur les sciences sociales pour définir une approche commune, car la science des structures systémiques complexes nous apprend que le sens accepté par tous fait boule de neige et conduit aux réformes consensuelles.

Je ne saurais conclure sans souligner que les lois qui régissent notre système de soins doivent avoir un sens. Selon moi, ce sens ne peut être que d'aider autrui face à la souffrance. Autrement dit, il faut de la qualité pour aboutir à des choix solidaires. Au-delà, il faut simplifier au maximum un système de soins complexe par nature et non le rendre toujours plus complexe en multipliant les structures. À cet égard, la création de la HAS, qui regroupe les activités d'agences distinctes, est un exemple de simplification dont nous vous remercions, mais cet effort de simplification pourrait être poursuivi dans le futur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : De quels indicateurs disposez-vous ? Quelles différences y a-t-il entre la première procédure d'accréditation des établissements de santé et la seconde ?

M. Alain Coulomb : La première itération de la procédure de certification, fondée sur un référentiel mis au point par l'ANAES il y a sept ou huit ans, viendra à son terme à la fin de l'année. À ce jour, 90 % des établissements ont été certifiés, dont 12 à 13 % sans réserves ni recommandations et 5 % avec des réserves majeures. Mais si la certification a eu un effet structurant pour tout ce qui entoure le soin - confidentialité, prise en charge, sécurité -, cette première version n'avait pas été conçue pour évaluer la qualité des pratiques cliniques. C'est ce qui a conduit à l'élaboration d'une deuxième version, ainsi complétée. Fin 2006, près de 20 % des établissements de santé auront été certifiés au terme de rapports établis selon la nouvelle version du référentiel, qui traduit l'élévation du niveau d'exigence réglementaire et culturelle et qui demande davantage de précision dans le constat. Alors que, lors de la première itération, de 5 à 7 % des médecins s'étaient impliqués dans le processus d'évaluation, ils sont désormais de 35 à 37 % à le faire.

Parallèlement, comme la loi nous en a donné mission, nous avons élaboré les critères d'agrément des organismes chargés de l'évaluation des pratiques professionnelles de tous les médecins. À ce jour, vingt organismes sont agréés, quarante dossiers d'agrément sont en cours d'instruction et une trentaine d'autres demandes sont en instance. On dénombre deux ou trois organismes commerciaux et deux ou trois organismes universitaires, l'Université ayant rechigné à s'impliquer dans cette démarche. Les autres sont des sociétés savantes ou professionnelles. Aujourd'hui, pratiquement tout le champ des spécialités est couvert et le nombre d'organismes accrédités à l'évaluation permettra aux médecins de choisir. Nous avons, potentiellement, la possibilité d'évaluer les pratiques professionnelles de l'ensemble des médecins, et 10 000 environ auront été évalués à la fin de l'année. Notre objectif aura donc été dépassé ; nous pensions en effet que la difficulté du financement ralentirait la mise en oeuvre du processus. En résumé, il n'y a plus d'obstacle culturel ou de procédure, et celui du financement est en passe d'être levé.

M. Jean-Luc Préel : Ce qui nous intéresse tout particulièrement est de savoir comment la Haute Autorité de santé peut contribuer à la prise en considération de la qualité des soins dans la tarification à l'activité. Entendez-vous,  par exemple, aller vers  une triple garde  chirurgicale - pour le « dur », pour le « mou » et pour l'urologique ? Définirez-vous des critères de maintien des services d'urgences et des plateaux techniques ? Enfin, comment assurer une tarification qui tienne compte de l'intérêt des malades ? Je reprendrai à ce sujet un exemple qui m'a frappé : un cardiologue nous a expliqué qu'une coronaroplastie coûte moins cher et rapporte plus de points si elle est faite par voie thoracique que si elle est réalisée par la voie fémorale, un choix qui serait pourtant davantage dans l'intérêt du malade. Que fera la Haute Autorité pour instaurer un équilibre entre l'intérêt du malade et une juste rémunération qui ne doit pas pousser à l'activité ?

M. Jean-Michel Dubernard : Je fais miennes les interrogations de M. Jean-Luc Préel. J'ajoute que la HAS est une création récente et intéressante mais qu'elle manque pour le moins de notoriété. Il faut faire connaître son action aux professionnels de santé et au public. Quant à l'évaluation des pratiques professionnelles, elle n'est pas dans une situation aussi enthousiasmante que vous l'avez décrite. Selon moi, les médecins étaient déjà prêts à se faire évaluer il y a dix ans et les lacunes tiennent à l'organisation et aux structures de l'évaluation bien davantage qu'à une question culturelle. Une confusion s'est aussi établie entre la « certification », terme utilisé dans la loi pour les établissements, et l'« accréditation », terme qui vaut pour les équipes médicales et dont je n'ai jamais bien compris ce qu'il apporte de plus. Quoiqu'il en soit, accréditer une équipe médicale, pour traiter le cancer par exemple, c'est lui offrir une reconnaissance dont elle est très satisfaite, et c'est un moyen de mobiliser des praticiens hospitaliers qui ne demandent d'ailleurs qu'à se remobiliser, dans une période où, grâce au plan Hôpital 2007, jamais autant d'argent n'a été dépensé pour les hôpitaux et où la nouvelle gouvernance permet de progresser.

M. Jean-Marie Le Guen : L'histoire de la Haute Autorité de santé est singulière. Il y a quinze ans, ses fonctions étaient exercées par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), puis le législateur a estimé utile d'améliorer la gestion des compétences en créant une agence indépendante chargée d'édicter des règles. Ensuite est venue la loi de 2004, par laquelle le Parlement a notamment souhaité créer une Haute Autorité, autre chose, donc, qu'une agence. De cette Haute Autorité, nous attendions beaucoup, et sur tous les bancs : qu'elle publie des normes de qualité, voire d'équité, et qu'elle les rende applicables. Mais, alors même que vous ne partiez pas de rien, nous n'avons pas l'impression que la très forte impulsion législative, qui a trouvé sa traduction dans la dénomination, la composition du conseil et le budget de la Haute Autorité de santé, ait été suivie d'effet à la hauteur de nos attentes et nous restons un peu sur notre faim. Je mesure la difficulté d'agir, les rétroactions, les effets systémiques et, certes, les sciences sociales sont d'une grande importance pour l'appréhension des politiques de santé. Mais le législateur a eu la faiblesse de penser qu'il existe aussi une philosophie de l'action et que la Haute Autorité de santé devrait bousculer tous les pouvoirs, publics et privés, et singulièrement le pouvoir médical.

S'agissant de vos avis sur les médicaments à service médical rendu insuffisant, j'ai été très étonné que vous ne vous placiez pas sur le terrain de l'efficacité des molécules, ce qui aurait été parfaitement légitime, mais sur celui des moyens alloués à l'assurance maladie dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). C'est exactement ce que le Parlement n'avait pas voulu ! Nous sommes favorables à l'expertise médicale et nous acceptons la mesure de l'efficience, mais nous ne sommes pas d'accord pour que la HAS se prononce en matière d'opportunité financière, domaine qui est de notre ressort par le vote de l'ONDAM.

Les personnels hospitaliers ont des difficultés avec la tarification à l'activité. Des craintes se sont exprimées devant nous, et l'on nous dit qu'elle a pour inconvénient de privilégier les actes techniques plutôt que les formes d'action médico-sociales. Je comprends que ceux qui ont structuré la T2A aient pu se tromper lorsqu'ils ont codifié mais, sur le fond, la HAS ne doit-elle pas examiner les conséquences, en termes de qualité et d'efficacité, d'un biais méthodologique qui amènerait à privilégier certains types d'actes plutôt que d'autres ? C'est sur ce terrain-là qu'elle est attendue ! La Haute Autorité doit certes agir de manière pédagogique pour emporter la conviction et stimuler, mais elle a une responsabilité majeure dans la sécurité sanitaire des Français qui l'oblige à faire valoir avant toute chose le principe du primum non nocere - « premièrement, ne pas nuire ». Or, si les médecins s'y appliquent à titre individuel, la logique du développement de biens et de services médicaux n'y conduit pas spontanément, et nous n'avons pas l'impression que la Haute Autorité de santé intervienne avec cette ambition.

M. Laurent Degos : La protection du patient est au coeur de nos préoccupations, et nous allons d'ailleurs être les initiateurs d'une réflexion à ce sujet au niveau européen, mais il faut se garder de confondre le rôle de la Haute Autorité de santé et celui des nombreuses agences de sécurité sanitaire.

Pour ce qui est de la tarification à l'activité, nous avons choisi la valorisation de la qualité comme l'un de nos axes d'action prioritaires. Nous considérons que si quelqu'un s'attache à faire mieux dans ce domaine, il doit être récompensé car, je le redis, c'est une chose de tarifer à l'acte mais encore celui-ci doit-il être de qualité. Je suis parfaitement d'accord avec vous sur le fait que la tarification à l'activité peut avoir des effets pervers. Nous avons donc pris toutes précautions auprès de la DHOS et des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) pour que le dispositif de tarification à l'activité permette de prendre en compte la qualité.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous comprenons quels principes vous animent, mais nous souhaitons des réponses précises aux questions précises qui vous ont été posées.

M. Alain Coulomb : Je préside le comité d'évaluation de la tarification à l'activité. Je puis donc vous dire que nous en sommes pratiquement au point zéro...

M. Pierre Morange, coprésident : Voilà qui est clair !

M. Alain Coulomb : C'est-à-dire que nous sommes prêts, ce qui n'est déjà pas mal, puisque les outils qui nous permettront d'évaluer la T2A sont prêts. C'est une évolution considérable que de modifier un système de tarification. Dans ce contexte, « fabriquer le point zéro » consiste à mettre au point l'instrument de mesure qui permettra d'apprécier les éventuels effets pervers du changement de système alors que, jusqu'à présent, l'État et ses représentants ont eu la tentation permanente de mettre en œuvre plutôt que d'évaluer. La littérature internationale ne permet pas d'établir de manière déterminante si le fait de changer de mode de tarification a pour conséquence la multiplication des actes et des séjours. La réponse à ces questions n'étant pas probante, nous avons défini des indicateurs qui permettront des comparaisons ultérieures.

M. Pierre Morange, coprésident : Selon quel calendrier l'évaluation de la tarification à l'activité se fera-t-elle ?

M. Alain Coulomb : Nous signerons  la semaine  prochaine  un  protocole d'accord - c'est-à-dire une convention de coopération autour du projet COMPAQH - avec la DHOS et la DREES qui sera présenté le 10 mai aux fédérations hospitalières. On aurait, bien sûr, pu imaginer de passer en force, mais nous sommes face à des responsables hospitaliers qui ont le sentiment d'être noyés sous les réformes successives. Nous avons donc pris le parti d'une approche pédagogique pour obtenir une remontée d'informations pertinentes, fiables et relativement légères. Le dispositif sera opérationnel fin mai.

M. Pierre Morange, coprésident : Quand les premiers résultats seront-ils disponibles ?

M. Alain Coulomb : À la fin de l'année, par la généralisation des indicateurs du projet COMPAQH de coordination pour la mesure de la performance et l´amélioration de la qualité hospitalière déjà expérimentés dans une cinquantaine d'établissements, généralisation qui fait l'objet de l'accord mentionné.

M. Jean-Marie Le Guen : Je ne comprends pas. Je ne connais aucune entreprise qui déciderait de modifier sa tarification pour une masse de quelque 65 milliards d'euros et qui ne disposerait des premiers indicateurs d'impact de ce changement que trois, voire quatre ans plus tard. Bien entendu, ce n'est pas la Haute Autorité de santé qui a mis en œuvre la tarification à l'activité ; pour autant, il ne m'apparaît pas qu'elle fonctionne comme je m'y attendais. Pourquoi signer un protocole d'accord avec la DHOS et la DREES, les services mêmes dont le législateur a voulu vous séparer, alors que c'est précisément ce que nous avons voulu éviter en créant une instance indépendante ? Il vient un moment où la Haute Autorité de santé a pour vocation de défendre la qualité. Si, dans trois ans, on se rendait compte que la tarification à l'activité a abouti à privilégier des interventions de chirurgie thoracique avec, en corollaire, leur lot d'affections nosocomiales et leur coût humain, ce serait dramatique. Nous avons conçu un système, et nous avons le sentiment qu'il ne fonctionne pas comme nous le souhaitions.

M. Alain Coulomb : Il fonctionne par le biais d'une procédure de certification que nous souhaitons plus régulière, et par le biais d'une procédure d'accréditation pour laquelle je signale que nous attendons toujours la publication d'un décret.

M. Jean-Marie Le Guen : Mais, en votre qualité de Haute Autorité de santé, vous avez droit à la parole !

M. Alain Coulomb : Une Haute Autorité, toute indépendante qu'elle soit, ne peut appliquer un article de loi qui fait référence à un décret qui n'est pas paru. Nous pensons qu'il sera publié à la fin du mois. Pour ce qui nous concerne, notre dispositif est prêt, mais nous ne pouvons le mettre en oeuvre. Par ailleurs, la création d'une autorité indépendante n'a pas fait disparaître la tutelle de l'État sur le système hospitalier ni mis fin au rôle de gestionnaire des ARH. Nous nous insérons dans un ensemble, et il ne nous est pas possible de donner des instructions aux hôpitaux. Nous nous attachons donc à ce que l'ensemble des dispositifs soit le plus cohérent et le plus léger possible pour obtenir de gens saturés d'exigences diverses la remontée des informations qui nous sont nécessaires.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles sont les exigences supplémentaires caractérisant la deuxième vague de certification des établissements ? Avez-vous déjà noté des progrès ? S'agissant des dispositifs médicaux implantables, domaine dans lequel les enjeux sont très forts, continuera-t-on par exemple d'avoir des dizaines de prothèses de hanche différentes, et des suppléments sur lesquels on n'a aucun contrôle ?

M. Laurent Degos : La deuxième vague de certification a l'avantage de permettre l'évaluation des professionnels de santé et d'être modulable dans le temps. L'évaluation des pratiques cliniques se fera donc soit par le biais de la certification des établissements, soit par l'évaluation des individus, et nous allons progressivement inclure dans le référentiel des indicateurs permettant de mesurer les progrès ou les reculs éventuels observés d'une année à l'autre. Mais de tels indicateurs ne se définissent pas du jour au lendemain et, en France comme à l'étranger, ils doivent être réfléchis et testés avant d'être généralisés. Nous les mettons au point, et cette démarche a un lien direct avec la tarification à l'activité. Pour autant, nous ne sommes pas les maîtres du jeu, puisque nous sommes conseillers et non pas décideurs et, quand il s'agit de récompenser un établissement qui a mieux fait, nous devons en discuter avec les ARH et la DHOS. La Haute Autorité est, je le répète, une administration indépendante mais aussi interdépendante, et elle n'a pas vocation à se substituer aux autres parties concernées. Notre rôle est l'harmonisation.

M. Jean-Luc Préel : Pouvez-vous nous indiquer si vous comptez vous intéresser aux gardes hospitalières, aux urgences ? Lors du débat parlementaire, j'avais souhaité que la Haute Autorité soit décisionnaire, considérant que si elle ne l'était pas, on créait un organe scientifique dont les membres devraient être nommés par les Académies. Quoiqu'il en soit, vous avez été nommés solennellement et vous vous êtes donné un pouvoir politique. Ainsi, s'agissant du service médical rendu par l'homéopathie, vous pouviez vous autosaisir mais vous ne l'avez pas souhaité, arguant d'un risque politique. Vous auriez pourtant pu donner votre avis sur ce point sans avoir l'autorisation du ministre.

M. Laurent Degos : La Haute Autorité de santé se trouve au centre d'un système traversé par de multiples tensions, mais à quoi servirait-il de rendre un avis sur un sujet à propos duquel la décision est déjà prise, puisque le ministre a dit qu'il ne touchera jamais à l'homéopathie ?

M. Jean-Marie Le Guen : C'est votre rôle !

M. Pierre Morange, coprésident : Je rappelle que la HAS n'a pas à se substituer à d'autres instances, mais aussi que nous souhaitions, en la créant, charger une autorité indépendante d'élaborer des référentiels sur lesquels les autorités de santé publique pourraient s'appuyer. Nous attendons maintenant des réponses précises aux questions qui vous ont été posées sur les biais méthodologiques éventuellement induits par la tarification à l'activité et sur la multiplicité des dispositifs médicaux implantables destinés à remédier à une même pathologie.

M. Alain Coulomb : S'agissant des dispositifs médicaux implantables, nous avons été saisis il y a trois jours pour définir selon quels critères on détermine la pertinence, le nombre et le coût des dispositifs médicaux implantables hors forfait des groupes homogènes de séjours (GHS). Sur de tels sujets, nous pouvons, certes, nous autosaisir, mais ne rêvons pas : nous avons certes des moyens convenables, mais nous ne manquons vraiment pas de travail ! Nous venons de signer une convention avec certains CHU qui nous aideront à organiser des remontées d'information sur les centaines de dispositifs médicaux implantables qu'il faut référencer et évaluer. Cela nous permettra d'établir le plus rapidement possible un référentiel propre à éclairer la décision publique. Nous espérons que nos conclusions à ce sujet seront prêtes en septembre.

M. Laurent Degos : Et encore la liste est-elle évolutive, car les inventions ne cessent pas !

M. Alain Coulomb : Il va sans dire que je parlais du stock existant.

M. Pierre-Louis Fagniez : Vous considérez donc que la Haute Autorité de santé ne doit pas seulement donner des avis mais qu'elle doit aussi tenir compte de la décision politique. De ce fait, on ne sait pas ce qui, dans votre activité, est de l'ordre de l'avis et ce qui est de l'ordre de la décision, alors même que des questions budgétaires sont en jeu. Il existe d'autres Hautes Autorités dans notre pays ; pourriez-vous nous dire quel modèle vous inspire, vers quoi vous pensez aller ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le texte fixant les missions de la Haute Autorité de santé dispose expressément qu'elle « rend les avis, formule les recommandations et propositions ou prend les décisions mentionnées aux articles R. 161-71 à R. 161-75 ». Il lui revient donc bien, à un moment, de dire par exemple que rien ne justifie de continuer d'utiliser des prothèses qui coûtent dix fois plus cher que d'autres.

M. Laurent Degos : La Haute Autorité est appelé à rendre des recommandations bien davantage qu'à prendre des décisions. Lorsqu'il s'est agi d'améliorer le service médical rendu des médicaments, l'avis que nous avons formulé sur les déremboursements était de l'ordre de la décision, mais le prix n'entrait pas dans cette décision. Pour les établissements de soins, nous prenons la décision de donner la certification mais un intervalle demeure avec la décision politique. Quant à savoir si, à l'avenir, la Haute Autorité de santé doit s'approcher de plus près de la décision, c'est une question de nature politique sur laquelle il ne nous revient pas de nous prononcer.

Enfin, il serait préférable de simplifier encore les structures administratives. Ainsi, ce qui touche à la biothérapie d'une part, à la prévention primaire d'autre part, relève de structures indépendantes qui toutes deux pourraient être rapprochées de la Haute Autorité. De nouveaux regroupements me semblent possibles et nécessaires.

M. Pierre Morange, coprésident : Toutes vos suggestions de simplification, de rationalisation et d'optimisation des moyens seront les bienvenues. Messieurs, je vous remercie.

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La Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), M. le professeur Dominique Bertrand, médecin national de la CCMSA, et M. Jacques Portier, directeur de la santé à la CCMSA.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), accompagné de M. le professeur Dominique Bertrand, médecin national de la CCMSA, et de M. Jacques Portier, directeur de la santé à la CCMSA. Messieurs, je vous remercie de vous être rendus à notre invitation, et je donne tout de suite la parole à notre Rapporteur afin qu'il vous pose une première série de questions.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La mise en place de la tarification à l'activité a pour effet la modification de certaines habitudes. Qu'attend votre caisse de la T2A ? Quelles difficultés rencontrez-vous dans son application ? Que faites-vous pour accompagner sa mise en place ?

M. Yves Humez : La MSA est partie prenante à la mise en place de la T2A. Je ne m'étendrai pas sur le fait qu'il était nécessaire de remplacer la dotation globale, par un principe que l'on peut résumer ainsi : donner leur juste prix aux choses. On voit s'esquisser autour de ce nouveau dispositif une certaine convergence, tant au sein du secteur public qu'entre le public et le privé. Nous avons le souci que, pour une même pathologie, le dispositif permette un financement homogène. Ses grandes lignes nous paraissent donc convenables et intéressantes.

Le principal risque du dispositif est d'entraîner une complexité croissante, l'équité de traitement étant souvent contradictoire avec la simplicité, et cette complexité peut aboutir, in fine, à un dérapage inflationniste.

Un autre risque est que chaque acteur concerné soit tenté de privilégier ce qui, dans son activité, est le plus avantageux pour lui. Il faut donc prendre garde d'éviter les comportements non pertinents, ayant pour effet de limiter l'offre de soins sur le territoire.

La comptabilité analytique peut être un outil intéressant, mais il y a, même dans ce cadre, des charges que l'on peut identifier clairement à une activité et d'autres qui sont plus « transversales ». La montée en puissance de la T2A justifie sans doute qu'une attention particulière soit portée, notamment de la part de l'assurance maladie, à la bonne utilisation des dispositifs de tarification, et que l'on s'interroge sur la bonne application des règles budgétaires, sur le partenariat avec l'hôpital, sur le rôle des différents acteurs - car la recherche de l'efficience peut déstabiliser l'offre de soins.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles actions mettez-vous en œuvre pour mieux informer et former les personnels à la T2A ? Il peut notamment y avoir des problèmes si le codage n'est pas bien fait.

M. Jacques Portier : Nous faisons un effort d'adaptation de notre outil informatique, en lien étroit avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), bien que nos systèmes d'information ne soient pas exactement identiques. Nous formons également nos agents pour qu'ils sachent l'utiliser.

Ce que nous attendons de la T2A, c'est qu'elle favorise, chez tous les acteurs concernés, une meilleure régulation et une meilleure maîtrise de la dépense, sans pour autant porter atteinte à la nature et à la qualité de l'offre de soins.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelle est votre politique de contrôle de l'application de la T2A ? Comment la MSA coordonne-t-elle ses actions de contrôle avec l'assurance maladie ? Avez-vous relevé des difficultés particulières dans ce domaine ?

M. Dominique Bertrand : En matière de contrôle, nos ressources sont limitées : nous avons entre sept et quinze médecins-conseils par région. Nous avons décidé que, dans chaque région, l'un d'eux se consacrerait plus particulièrement au contrôle des établissements. La complexité du système de la T2A nous oblige à nous associer au régime général. Ce n'est pas très avancé encore, mais nous essayons de progresser, en nous coordonnant avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) dans son ensemble, même si le régime des indépendants est un peu particulier.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous observé des dérives dans l'application de la réforme, telles que des comportements de sélection des risques, de multiplication artificielle des actes ou de manipulation des codages ? Si oui, pouvez-vous en mesurer l'importance ?

M. Jacques Portier : Depuis un an, nous n'avons pas observé - ni vraiment cherché - d'anomalies grossières, car nous avons surtout veillé à la mise en place du nouveau système. Notre action de contrôle en est à ses tout premiers pas. Nous n'avons donc pas d'observations particulières à faire.

M. Dominique Bertrand : Tout nouveau système, même s'il est meilleur que l'ancien, peut être contourné par des gens qui trouvent des parades, l'exemple des États-unis le montre. Au-delà des erreurs volontaires, qui sont effectivement scandaleuses, le risque est surtout celui des dérives inflationnistes du codage, par souci de mieux décrire l'état du patient. Celui-ci peut se trouver classé dans une catégorie supérieure à celle dans laquelle il aurait été classé deux ans plus tôt, alors même que son état ne nécessite pas, objectivement, de ressources supplémentaires.

M. Jean-Luc Préel : Avez-vous été consultés avant la mise en œuvre de la T2A ? L'êtes-vous pour son application ? Quelle est votre autonomie par rapport à la CNAMTS ? Quel est votre rôle au sein de l'UNCAM ? On sait que son directeur général entend s'intéresser de très près aux établissements, et pas seulement à l'ambulatoire. Qu'en pensez-vous ? De quelle façon allez-vous y participer ? Et quelles sont vos relations avec l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (UNOCAM) ?

M. Pierre-Louis Fagniez : Pour appuyer ce que disait le professeur Bertrand sur l'inflation liée au codage, je dirai que, là où les analyses de comorbidité se contentaient de trois facteurs hier, par exemple le diabète, l'obésité et l'hypertension, on a tendance aujourd'hui à en rajouter sans cesse. Cette inflation peut-elle être déjouée par une meilleure organisation, ou va-t-on continuer de « pinailler » dans la recherche des comorbidités, au risque d'un dévoiement du codage ? 

M. Yves Humez : Nous sommes partie prenante à tous ces travaux. Bien entendu, le petit régime que nous sommes a parfois besoin de s'affirmer, afin de ne pas être oublié, mais les choses, dans l'ensemble, se passent plutôt bien.

Nous avons fait des observations au moment de l'examen et du vote de la loi. Celle-ci s'applique désormais, et nous participons au fonctionnement de l'UNCAM, où nos trois administrateurs sont pleinement associés aux décisions. Je fais partie du collège des directeurs, qui se réunit régulièrement et donne mandat au directeur général pour négocier les conventions.

Pour le reste, nous avons le souci de défendre nos ressortissants et de faire entendre notre différence. C'est ainsi que nous avons rédigé une note sur la répartition de l'offre de soins sur le territoire, car nos idées sur le sujet sont relativement difficiles à faire passer dans les faits. Mais la parole est libre, et la MSA s'exprime...

S'agissant de nos relations avec l'UNOCAM, nous avons une particularité ancienne : nous faisons de la gestion pour compte, en partenariat avec les complémentaires, qu'il s'agisse des mutuelles ou des assureurs, pour le compte desquels nous remboursons aussi la part complémentaire. Il est vrai qu'en relisant la loi, on a le sentiment qu'une relation plus forte aurait pu s'établir entre l'UNCAM et l'UNOCAM, et qu'il faudra sans doute surmonter la distance, la relative frilosité qui caractérise encore cette relation.

M. Dominique Bertrand : Sur le mode de recueil, vous avez raison : il faut essayer de se donner des indicateurs qui soient à la fois simples à recueillir, assez robustes pour ne pas être tributaires d'interprétations subjectives, et reproductibles. Cela n'empêche pas de se montrer de plus en plus précis pour certaines pathologies relativement rares, justifiant la mobilisation de ressources budgétaires et humaines supérieures. Mais si l'on recherche la justice la plus grande possible, on risque d'aboutir à une tarification par pathologie ; il faut donc rester simple. De temps en temps, on modifie le périmètre de la T2A. Mais si l'on change les catégories, le périmètre changera aussi, ce qui rend plus difficiles les comparaisons d'une année sur l'autre. Faut-il être le plus précis possible, ou rechercher un bon équilibre entre le clair et le juste ? Je suis plutôt pour la deuxième solution.

Quant à nos relations avec l'UNCAM, je précise que je la représente au sein du Conseil de l'hospitalisation, dont je suis l'un des neuf membres.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelle est votre appréciation sur le rythme de montée en charge de la T2A, ainsi que sur l'objectif de convergence tarifaire entre le public et le privé ? Que pensez-vous des préconisations du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), selon lequel il faut faire converger les tarifs vers le plus efficient, plutôt que vers la moyenne ?

Vous avez par ailleurs une responsabilité importante envers le monde rural. Êtes-vous favorable à une péréquation en faveur des établissements auxquels leur isolement peut causer des difficultés, ou dont la présence est jugée nécessaire par la MSA ?

M. Yves Humez : Le rythme de montée en charge est-il bon ? Il y aurait quelques inconvénients à aller trop vite. La difficulté est d'apprécier la capacité des établissements hospitaliers à intégrer et à appliquer les nouvelles règles du jeu.

Rechercher la convergence vers l'efficience plutôt que vers la moyenne paraît de bon sens, mais encore faut-il s'assurer que les conditions sont équivalentes et que cette convergence est légitime, car l'influence de l'environnement social est à prendre en compte -je pense notamment à la présence d'une population précarisée plus ou moins nombreuse.

La péréquation est une bonne mesure quand elle repose sur des arguments concrets. La question que l'on peut se poser est celle du lien entre la T2A et l'organisation des soins sur le territoire. Il peut y avoir, par endroits, des désengagements, une offre de soins réduite, et la péréquation peut être une solution dans certaines situations.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Au niveau national ou régional ?

M. Yves Humez : Je ne crois pas qu'il y ait de règle absolue. Il faut considérer les situations concrètes.

Ce qui nous interpelle, c'est qu'il reste, à côté des établissements soumis à la T2A, des établissements locaux non soumis à elle. Quels seront les efforts d'organisation de l'offre de soins dans ces deux catégories ? Y aura-t-il interaction entre eux ? C'est un argument de plus qui milite, à mon sens, en faveur d'une montée en puissance progressive de la T2A.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Souhaitez-vous que les hôpitaux locaux soient aussi soumis à la T2A ?

M. Yves Humez : Sur le principe, oui, mais l'application doit être progressive et réaliste.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Ce matin, le ministre de la santé a déclaré que la T2A aurait davantage de conséquences que trente plans de restructuration hospitalière. Avez-vous observé des décloisonnements, des coopérations, des spécialisations d'établissements, qui seraient liés à la T2A ?

M. Yves Humez : C'est un peu tôt pour en juger. D'une certaine façon, le principe de la T2A est le même que nous appliquions déjà à la gestion de nos caisses, auxquelles nous donnions les moyens correspondant à leur volume d'activité. Mais il y a eu un phénomène de complexification, car le système n'était pas assez juste. On a bien vu que les établissements « trop coûteux » vont d'abord chercher en eux-mêmes les moyens de se rééquilibrer, puis, lorsque les possibilités sont épuisées, à l'extérieur. La question qui se pose est de savoir quelle sera l'influence de cette recherche de l'équilibre économique sur les établissements. Y aura-t-il des regroupements, des mutualisations ? Il est possible que cela aboutisse à des transformations assez radicales.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Est-ce que vous soutenez une telle évolution, est-ce que vous l'encouragez ? Ou bien le fait d'être une caisse relativement modeste vous met-il dans une situation un peu difficile ?

M. Yves Humez : Nous n'avons pas de difficulté de principe à faire valoir notre point de vue. Notre particularité est de représenter la ruralité, de vouloir le maintien d'une offre de soins jusque dans les territoires les plus reculés. Ce que nous revendiquons, c'est la capacité à être un acteur de plein exercice, aussi bien pour ce qui est du contrôle médical qu'en tant que caisse-pivot.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous de la facturation directe aux caisses ? La mission conjointe de l'IGAS et de l'Inspection générale des finances (IGF) n'est pas convaincue de sa pertinence.

M. Jacques Portier : La T2A va un peu changer la vie des caisses, car la dotation globale avait fait disparaître le système de factures que nous connaissions avant 1983. L'assurance maladie va devoir traiter et gérer des factures individuelles. Notre position est que le nouveau système doit être conçu de façon à ce que l'hôpital ne rencontre pas de difficultés budgétaires ou de trésorerie, qu'il y ait néanmoins des flux de l'hôpital vers les caisses, avec un interlocuteur unique de l'établissement pour l'ensemble des régimes.

La bonne technique, c'est sans doute celle qui a fait ses preuves en ambulatoire, celle de SESAM-Vitale, c'est-à-dire des échanges électroniques sécurisés, permettant de débloquer les paiements dans des conditions acceptables. Nous travaillons, notamment dans le cadre de l'inter-régime, avec la DHOS et la direction de la sécurité sociale (DSS), à mettre au point une solution satisfaisante pour les différentes parties, en s'appuyant sur ce qui a bien fonctionné en ambulatoire. Un des problèmes tient à la multiplicité des régimes, dont certains ont quelque difficulté à répercuter l'ensemble des factures dans des délais brefs ; peut-être la gestion pour compte est-elle une solution à envisager.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous des systèmes d'information comptable et financière des établissements ? Ont-ils les moyens nécessaires pour répondre à vos interrogations ? Les aidez-vous à acquérir de nouveaux matériels ?

Question subsidiaire : le passage à l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) est-il possible en 2006 ?

M. Jacques Portier : Les échanges entre établissements et caisses sont au cœur du problème. Il y a beaucoup à faire pour mettre en place un vrai système d'information, partagé et organisé. Il y a un certain nombre d'étapes à franchir, tant du côté des hôpitaux que de l'assurance maladie, pour constituer des infrastructures techniques minimales. Il nous faut définir entre nous quelles informations échanger et sous quelle forme, et nous passons beaucoup de temps à nous mettre d'accord sur l'ensemble de ces éléments.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous êtes-vous donné un calendrier ?

M. Jacques Portier : Des échéances ont été fixées, mais elles tendent malheureusement à être remises en question au fil du temps. Actuellement, on envisage le courant de l'année 2007, mais au départ, c'était 2006... Je crois que les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui pour que cela fonctionne de façon acceptable.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF évoque un trop grand raffinement de la tarification. Est-il normal que les financements affectés aux MIGAC soient en forte augmentation ? Comment appréciez-vous les missions spécifiques des établissements publics ou participant au service public ?

M. Dominique Bertrand : L'enveloppe hospitalière est constante  - ou devrait l'être. S'il y a, dans cette enveloppe, 75 % de T2A, cela veut dire que les 25 % restants financent autre chose : les MIGAC - elles-mêmes subdivisées en un volet « missions d'intérêt général » et un volet « aide à la contractualisation », dont la finalité est très différente du premier -, mais aussi les médicaments onéreux et les dispositifs médicaux implantables (DMI). Si, au sein de l'enveloppe hospitalière, on décide de privilégier les MIGAC, cela veut dire que la part de la T2A sera diminuée, puisqu'on ne peut pas diminuer celle des DMI et des médicaments dits onéreux. Et comme la T2A tient compte du prix unitaire, ce prix est appelé à baisser si l'activité augmente. Cela pose un problème de fond, un problème conceptuel, mais il faut être conscient que tout système a des aspects critiquables.

Les missions d'intérêt général sont importantes, et devraient être en nombre réduit. Quant à l'aide à la contractualisation, elle est devenue une variable d'ajustement, ce qui pénalise les ARH. On ne peut plus laisser les missions d'intérêt général évoluer sans essayer de faire une analyse micro-économique de la formation des prix.

La MSA a été chargée de régler un tout petit détail : la question des centres de dépistage anonyme et gratuit du VIH. C'est relativement simple, car le nombre de cas de figure est assez réduit, de l'ordre de trois ou quatre. La question est de savoir s'il faut payer au coût réel. C'est une option qui peut se défendre, mais pas systématiquement. Partout où on pourra trouver un peu de logique, où on arrivera à faire quelque chose de simple, on saura si on doit payer au coût moyen ou en fonction du nombre de personnes qui se présentent. Une fois qu'on aura la réponse sur ce premier point, on pourra aller plus loin.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les centres de dépistage anonyme et gratuit du VIH, qui étaient sous la responsabilité des départements, sont depuis le 1er janvier dernier sous celle de l'État. Cela risque de fausser un peu votre étude.

M. Dominique Bertrand : Il y a deux types de centres : ceux qui font partie du système antivénérien classique relèvent des départements, tandis que les autres ont basculé en 2000 dans le budget global hospitalier.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Et les établissements de lutte contre le cancer, qui sont soumis à une tarification particulière ?

M. Yves Humez : Nous n'avons pas d'observations particulières à faire à leur sujet.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des propositions d'améliorations de la réforme de la T2A ?

M. Yves Humez : Nous sommes convaincus que le dispositif évolue vers une plus grande complexité, au risque de devenir illisible et inflationniste. Il faut qu'une autorité se penche sur la situation, et examine les effets du dispositif, tant du point de vue budgétaire que de celui de la qualité.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions d'avoir apporté des réponses précises à toutes nos questions.

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* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu M. Dominique Maigne, délégué général de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC), accompagné de Mme Delphine Caron, responsable du secteur « Stratégie et gestion hospitalière » de la Fédération, ainsi que M. le professeur Jean-Claude Horiot, directeur du Centre de lutte contre le cancer Georges-François Leclerc de Dijon, et M. Gilbert Leroux, secrétaire général.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Dominique Maigne, délégué général de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, accompagné de Mme Delphine Caron, responsable du secteur « Stratégie et gestion hospitalière » de la Fédération, ainsi que M. le professeur Jean-Claude Horiot, directeur du centre de lutte contre le cancer Georges-François Leclerc de Dijon, et M. Gilbert Leroux, secrétaire général.

Je vous souhaite la bienvenue, et je vous prie de nous expliquer ce que vous attendez de la tarification à l'activité.

M. Dominique Maigne : Je suppléerai M. le professeur Tursz, président de la Fédération, empêché. La FNCLCC a toujours été favorable à la tarification à l'activité, seul outil permettant de financer les centres, qui enregistrent une augmentation d'activité de 2 à 3 points chaque année. Nos établissements sont de ceux dont l'accroissement d'activité est structurellement le plus fort, l'étude épidémiologique menée par l'Institut de veille sanitaire en liaison avec le Réseau français des registres du cancer (FRANCIM) montrant une augmentation annuelle de 1,5 % de l'incidence des cancers. Aussi, la rémunération à l'activité nous convient-elle. Encore faut-il cependant décomposer le volet économique, ventilé entre le financement des molécules, l'enseignement et la recherche, la classification et la représentation des pathologies selon les coûts.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous du pilotage de la tarification à l'activité au niveau régional ?

M. Jean-Claude Horiot : Je vous donnerai la perception qu'en a le directeur d'un centre de moyenne importance situé dans une des régions de France les moins bien dotées. Pour ces raisons, bien avant l'institution de la tarification à l'activité, nous avions subi un entraînement à la productivité sans sacrifier la qualité. De ce fait, la valeur du point ISA - indice synthétique d'activité - était, pour ce qui nous concerne, inférieure à la moyenne des centres de lutte contre le cancer et même des établissements hospitaliers généraux de la région. Nous étions donc dans une situation qui nous rendait très accueillants à la tarification à l'activité, laquelle ne pouvait que nous être très favorable et, dès l'origine, nous avons fait un effort considérable pour associer l'ensemble des cadres, médecins et non médecins, à la compréhension de ce nouveau mécanisme. Toutefois, la tarification à l'activité ne concerne qu'une partie de notre activité, puisque nous avons un très fort investissement en recherche, formation et applications techniques innovantes pour les praticiens de la région. La rémunération des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et des missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI) est donc pour nous d'une importance capitale.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Rencontrez-vous des difficultés spécifiques d'application de la tarification à l'activité ?

M. Dominique Maigne : Pour la FNCLCC, les problèmes de fond sont le financement des molécules et la constitution des MERRI. Sur le premier point, la tarification à l'activité avec un financement à l'euro consommé a changé la donne, nos dépenses étant désormais garanties en ressources, ce qui n'était pas le cas auparavant. Mais cette modification a induit l'obligation de définir un outil de maîtrise d'une dépense qui augmente de 30 % par an, car il faut s'assurer de la juste prescription des molécules qui expliquent 60 % de notre consommation médicale. C'est pourquoi nous avons, dès 2004, défini des grilles permettant aux cliniciens de s'assurer de la bonne prescription, ainsi qu'un mécanisme d'audit rigoureux de nos vingt centres, avec leur accord. Ces audits ont montré un taux de conformité de 80 %, ce qui ne signifie pas que 20 % ne sont pas conformes mais que des éléments de gestion doivent être expliqués. Les référentiels sont aujourd'hui repris dans les contrats de bon usage, arrivés un peu tardivement - en 2006 et non en 2005. Ils s'appuient en grande partie sur nos travaux antérieurs. En particulier, comme nous avons participé aux travaux de l'Institut national du cancer, notamment pour les protocoles de traitement temporaire, nous élargissons les recommandations de bon usage à l'ensemble des prescriptions. C'est un volet sur lequel nous considérons avoir réussi à contenir la dépense. Le pari était ambitieux en raison du risque de dérive inflationniste, mais il n'y a eu ni inflation ni pratiques déviantes au cours de la période récente de l'« après-T2A », alors que nous sommes dans un cycle d'innovation médicale assez fort.

S'agissant des MERRI, nous avons travaillé avec la DHOS à définir des prototypes qui pourraient être généralisés dans le secteur médico-universitaire, le calcul se faisant en partant du plancher des anciens 13 %. Il s'agit d'une démarche compétitive et évaluative fondée sur des indicateurs mesurables tels que les publications, l'inclusion dans les essais thérapeutiques, la promotion, l'existence d'unités labellisées... En fonction de ces indicateurs, nous avons classés nos centres en catégories, selon lesquelles la rémunération prévue pour les MERRI s'étage désormais de 15 % à 23 %, sur justifications. On rompt donc avec le plafonnement antérieur, fixé à 20 %, la contrepartie du déplafonnement ainsi obtenu étant d'avoir accepté de rendre compte sur pièces des besoins de financement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des contacts avec le comité d'évaluation de la mise en œuvre de la tarification à l'activité ?

M. Dominique Maigne : Bien sûr, comme toutes les fédérations hospitalières.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : M. Alain Coulomb, qui préside le comité, nous a dit qu'on en est pour l'instant au point zéro de l'évaluation. Qu'en pensez-vous ?

M. Dominique Maigne : Après un temps mort, des objectifs ont été assignés aux groupes de travail, et la mobilisation est générale pour évaluer l'impact de la tarification à l'activité sur les établissements, mais il faudra un peu de temps pour se mettre d'accord sur les modèles experts, car il est malaisé de définir comment mesurer la production d'un hôpital.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est votre sentiment sur la montée en puissance de la réforme d'une part, sur la qualité de la collecte des informations d'autre part ? Que pensez-vous de l'objectif de convergence tarifaire public-privé ?

M. Dominique Maigne : Nous souhaitons une proportion significative de tarification à l'activité et nous avions d'ailleurs demandé qu'elle s'établisse à 40 % en 2006. Avoir la garantie qu'elle sera de 50 % en 2007 va dans le bon sens. Toutefois, nous serions opposés à une T2A à 100 % immédiatement, non par frilosité mais parce que le système n'est pas encore calé. En effet, dans nos centres, les MERRI représentent 80 % des MIG. Comme on le sait, la tarification à l'activité fonde le financement sur trois volets : objectifs évalués, tarif et molécules. S'agissant des MERRI, le taux moyen est pour nous de 18 %, avec, je l'ai dit, un écart qui va de 15 à 23 %. Or, les comparaisons internationales montrent que pour les établissements comme les nôtres, les taux s'établissent, à l'étranger, entre 20 et 30 %. Des ajustements sont donc encore nécessaires.

S'agissant des tarifs, la nouvelle version de la classification a permis des progrès, mais il faut encore l'affiner. En matière de convergence, on oppose souvent raffinement et complexité. Pour ce qui nous concerne, une trentaine de groupes homogènes de séjours (GHS) représentant 85 % de notre activité, passer à une cinquantaine ne poserait pas de problème. Pour autant, il est impératif de prendre en considération la rémunération des missions de service public, la prise en compte de la précarité et la composante « coûts salariaux ». Tous ces éléments demandent que les calculs soient précisés. En particulier, aussi longtemps que l'on n'aura pas mesuré le différentiel de charges sociales, qui doit être financé, la convergence ne sera pas acceptable. Mais si les MERRI sont rémunérées comme il se doit et si, au terme d'études complémentaires, on parvient à des constats partagés, il n'y a pas de raisons de principe de s'opposer à la convergence. Je souligne que tout ce qui est de l'ordre du recours très spécialisé, qui constitue un gros tiers de l'activité en cancérologie métastatique, doit être payé au titre des MERRI, puisque cela ne peut être valorisé dans les tarifs. Si c'est le cas et si les préalables sur les autres plans ont été réglés, je ne vois pas de raison de ne pas admettre le principe de la convergence sur la part tarifaire pure.

Mme Delphine Caron : Nous allons proposer un manuel de codage car, en cancérologie, il n'est pas toujours très simple et tout le monde a intérêt à ce qu'il soit fait correctement pour garantir un financement correct. Pour ce qui est des travaux de classification, il ne faut pas confondre tarification à l'activité et tarification à l'acte. Néanmoins, si une part importante de l'activité est mal valorisée dans les groupes homogènes des malades (GHM), il est difficile de refuser aux médecins de les évaluer à leur juste valeur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Certains centres rencontrent-ils des difficultés particulières ? Les systèmes d'information comptable et financière de vos établissements leurs permettront-ils de présenter un état prévisionnel de recettes et de dépenses (EPRD) en 2006 ?

Mme Delphine Caron : Nous tenons à mettre au plus vite nos systèmes d'information en adéquation avec les contraintes réglementaires. Pour le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), les équipes s'étaient mobilisées pour fournir des données de qualité satisfaisante et, globalement, les choses fonctionnent. Par ailleurs, les gestionnaires ont déployé des efforts considérables pour que les EPRD puissent être présentés aux conseils d'administration de chaque centre dans les jours qui viennent, et ils le seront tous d'ici la mi-mai.

M. Dominique Maigne : Le groupe de travail des directeurs de système d'information définit les mesures nécessaires à l'adaptation de la chaîne de facturation des séjours. Ce sera moins compliqué pour nos centres que pour les établissements du secteur public car il n'y a pas d'interaction avec l'administration du Trésor, mais différents problèmes demeurent irrésolus, qu'il s'agisse du reste à charge, de l'euro par consultation ou du ticket modérateur.

M. Gérard Bapt : Dans le cadre de la tarification à l'activité, la prise en charge spécifique des cancers par les MERRI suffit-elle ? Qu'en est-il, par exemple, de la consultation d'annonce ? Que pensez-vous de la revendication exprimée par un directeur de centre, selon lequel tout acte concernant spécifiquement le cancer devrait bénéficier d'un coefficient majorant ? Enfin, quelle est l'incidence du plan cancer sur le fonctionnement des équipes ? Avez-vous constaté des difficultés d'application particulières ? Ce plan a eu des retombées très positives, mais votre fédération est-elle en mesure d'évaluer ses conséquences budgétaires ?

M. Dominique Maigne : Tous les dispositifs transversaux de prise en charge, dont la consultation d'annonce fait partie, relèvent des missions d'intérêt général et ont donc vocation à être financés dans le cadre des MERRI.

Mme Delphine Caron : L'étude de l'ATIH - Agence technique de l'information sur l'hospitalisation -  montre qu'à chaque fois qu'il y a cancer, les GHS, notamment chirurgicaux, sont tirés vers le haut, le surcoût étant de 15 %. Aussi sommes-nous en négociation avec la DHOS et la mission T2A pour obtenir un coefficient spécifique à la cancérologie afin que la classification représente bien les coûts. Sur un plan général, il est assez difficile de distinguer ce qui relève de la T2A et ce qui est lié au plan cancer dans les financements, particulièrement dans le financement des molécules. La situation financière de nos centres s'est globalement améliorée entre 2003 et 2005, ce qui signifie que nous avons assez sensiblement réduit les déficits. La part des financements sur programme - radiothérapie, soins de support, soins palliatifs - a été relativement correcte, davantage, d'ailleurs, en 2004 qu'en 2005, année chaotique pendant laquelle les financements sont arrivés tardivement. Nous avons engagé une collaboration très étroite avec la DHOS pour mettre au point un reporting sur la T2A et sur le plan cancer et, alors que nous n'avions pas l'assurance que le financement des molécules suivrait tant le dépassement - de 15 à 20 % selon les centres - était important d'une année à l'autre, le plan cancer a permis un financement substantiel.

Quant aux investissements, ils font l'objet d'un financement croisé entre le plan Hôpital 2007 et le plan cancer. Il s'agissait notamment d'éliminer le cobalt, ce qui a été fait dans nos centres, qui comptaient environ cent appareils sur un parc total de 440, secteur public et secteur privé confondus.

M. Jean-Luc Préel : Lorsqu'il a été question de la convergence, vous n'avez pas évoqué le statut du personnel ; pensez-vous le faire évoluer ou pensez-vous aller vers la convergence sans le faire évoluer ? Par ailleurs, comment évaluer la qualité des soins dans la tarification à l'activité ? Enfin, est-ce un avantage que les directeurs de centre soient des médecins ? Cette double qualité ne le contraint-elle pas à un grand écart permanent - le médecin souhaitant prescrire la dernière molécule sortie et le directeur se demandant si cela vaut bien la peine si c'est une survie de quelques semaines qui est en jeu ?

M. Dominique Maigne : Le personnel de nos centres est soumis à une convention collective remaniée dans la douleur en 1999, et qui prévoit des mécanismes d'évaluation discriminants pour l'ensemble des salariés et une évolution de carrière non pas à l'ancienneté mais en fonction de critères tels que, par exemple, la formation continue. Nous voulons conserver cette convention collective, mais nous voulons aussi un financement équitable. Autrement dit, nous ne souhaitons pas importer la convention collective du secteur public mais nous souhaitons les financements correspondants dans un dispositif différent.

Nos vingt centres ont adhéré en bloc au projet COMPAQH de coordination pour la mesure de la performance et l'amélioration de la qualité hospitalière). Dans ce cadre, nous avons engagé en 2005 la définition d'indicateurs de progrès propres à la cancérologie qui mesure aussi les résultats thérapeutiques.

Nous sommes très attachés à ce que les directeurs de nos centres soient des praticiens ou des chercheurs compétents en cancérologie et à ce que, dans chaque établissement, la direction fonctionne en binôme, un gestionnaire étant nommé directeur adjoint auprès de ce médecin. Mais ce modèle, qui s'explique par la spécificité et le statut de nos centres, me semble difficilement exportable.

M. Jean-Claude Horiot : Homme de terrain et chercheur, je ne suis venu à la direction qu'à l'âge de 58 ans. Cette démarche me semble importante en cette époque de grandes mutations, caractérisée par la nécessité d'une implication croissante des médecins dont il faut s'assurer la coopération. La situation d'un directeur-médecin n'est pas assimilable à celle d'un président de Commission médicale d'établissement qui, par corporatisme et souci de défendre le corps médical, résistera puissamment au changement. Le directeur-médecin fait partie de l'équipe de direction, mais le fait qu'il soit cancérologue lui apporte une crédibilité indispensable face à l'équipe médicale, lui donne aussi l'autorité de dire: « Ce sera comme ça et pas autrement », quand il le faut, et lui permet de convaincre au moins une partie de ceux qui peuvent ne pas être d'accord. Nous recevons une aide précieuse de la fédération, car les réunions qui rassemblent les vingt directeurs de centres, les directeurs adjoints et l'équipe fédérale permettent l'harmonisation des politiques au niveau national, ce qui contribue à faire admettre des points difficiles aux équipes.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels sont les effets de la tarification à l'activité sur un centre de moyenne importance ? Le récent rapport d'audit du centre Georges-François Leclerc de Dijon indique que, entre 2003 et 2004, le nombre de séjours et de journées soumis à tarifs « extrêmes hauts » a diminué dans ce centre et dans tous les établissements comparables, « probablement par effet T2A ». Pourriez-vous préciser quel est cet effet ?

M. Gilbert Leroux : Je ne pense pas qu'il y ait eu un « effet T2A ». L'évolution soulignée résulte des progrès médicaux et des caractéristiques de notre patientèle. Strictement aucune directive n'a été donnée au corps médical pour qu'il modifie ses pratiques dans le sens d'une tarification plus avantageuse.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur  Vous ne partagez donc pas le point de vue des auditeurs. Le fait que le centre Georges-François Leclerc soit le seul centre de lutte contre le cancer de la région complique-t-il les choses ? D'autre part, l'ARH de Bourgogne a vu se succéder en peu de temps plusieurs directeurs. Avez-vous eu le sentiment que les politiques menées étaient différentes selon les hommes ?

M. Jean-Claude Horiot : Le fait d'être le seul centre bourguignon de lutte contre le cancer a pu nous causer préjudice en ce que nous étions dans la norme depuis longtemps et que le soutien financier a été accordé préférentiellement aux établissements qui devaient se remettre à niveau, si bien que nous avons été réduits à la portion congrue.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Ce qui revient à dire qu'en quelque sorte une prime a été donnée à ceux qui avaient fait le moins d'efforts.

M. Jean-Claude Horiot : Oui. S'agissant de l'ARH, les problèmes ne sont pas tant venus de la succession des hommes ou de la variation des politiques que des périodes d'intérim, pendant lesquelles aucune décision ne pouvait être prise. Nous avons des dossiers entiers de questions posées et répétées, qui tendaient à une meilleure intégration de la tarification à l'activité dans nos calculs, et qui sont restées sans réponses à cause de ces périodes de stagnation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avec qui discutez-vous de votre dotation MIGAC ?

M. Gilbert Leroux : C'est précisément ce qui pose problème. Notre interlocuteur devrait être le directeur de l'ARH mais, entre deux nominations, bien des courriers restent sans réponse. Nous sommes donc soulagés d'avoir des interlocuteurs pour l'EPRD 2006, et d'être enfin écoutés. Sans doute le rapport d'audit de gestion a-t-il permis cette écoute. De plus, la Bourgogne part de très loin en matière de santé et la construction du nouveau CHU pèse beaucoup sur la répartition des fonds dans la région, si bien qu'il nous faut justifier point par point toutes nos demandes. Ainsi, faute d'avoir pu trouver un financement, nous avons été conduits à supprimer le recours à l'hébergement à la Résidence Saint-Étienne, un « hôtel de malades » qui était une alternative à l'hospitalisation. Nous avons connu des difficultés en 2003, 2004 et encore en 2005, mais le déficit se résorbe grâce à la tarification à l'activité, car la valeur du point ISA était pour nous inférieure à la moyenne. Nous verrons d'un bon œil la T2A à 50 %, voire davantage, à condition que les MIGAC soient rémunérées à leur juste valeur. Le risque est là, et les médecins en sont conscients. Si la rémunération des MIGAC n'est pas correcte, on ne pourra pas assumer une hausse d'activité, car le personnel est essoufflé et, si elle doit avoir lieu, elle se fera au détriment des missions d'intérêt général. Ainsi, on ne trouve nulle part mention du dépistage et de la prévention et, pour ne citer que cet exemple, les mammographies de dépistage faites par les hôpitaux à dotation globale ne sont pas prises en considération. De plus, aucune activité libérale n'est possible pour ce qui est des scanners ou de la médecine nucléaire, si bien que les centres ne peuvent escompter de ressources provenant du secteur libéral.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le financement de l'hébergement à la Résidence Saint-Étienne n'est donc pas considéré comme faisant partie des missions d'intérêt général ?

M. Gilbert Leroux : Cela nous a été refusé. J'ai reformulé la demande sous la dénomination « hospitalisation à domicile », puisque c'est ce à quoi correspond la Résidence pour les malades venus de loin. Nous avions appliqué pendant plusieurs années un système illégal en facturant un prix de journée global qui comprenait la partie hôtellerie et restauration mais aussi le coût du transport des patients de la résidence vers notre centre ou vers le CHU, ainsi que les frais administratifs de tenue de dossier.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Mais les patients auxquels est prescrite une radiothérapie de cinq jours rentrent désormais chaque jour chez eux, avec les frais de transport en véhicule sanitaire léger (VSL) que cela implique ?

M. Gilbert Leroux : Oui.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous discuté de cette question avec l'ARH ?

M. Gilbert Leroux : Non seulement avec l'ARH, mais aussi avec la Caisse régionale d'assurance maladie, et depuis cinq ans.

M. Jean-Claude Horiot : Nous connaissions la fragilité du montage. Aussi, nous avions souhaité assurer un taux d'occupation plein en ouvrant la résidence aux patients du secteur privé, ce qui aurait garanti sa rentabilité, mais les négociations ont échoué en raison de la réticence des caisses d'assurance maladie, qui refusent de rembourser ces prestations alors qu'elles règlent des frais de VSL équivalents.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment articulez-vous l'application de la tarification à l'activité avec la réforme de la gouvernance et les SROS 3 - les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération ? Avez-vous des propositions d'amélioration et de simplification de la réforme à formuler ?

M. Dominique Maigne : Nous continuerons de travailler avec la DHOS comme nous l'avons toujours fait. La synergie est le gage de la pérennité de la tarification à l'activité. Il faut donc créer des liens entre rémunération et production et notre rôle est d'inciter nos médecins à exercer une activité fondée sur des référentiels garantissant la qualité. Nous avons défini, dans le cadre du projet COMPAQH, des outils de mesure de la qualité plus robustes que fins. Lorsqu'ils auront été généralisés, on verra qu'il existe des disparités, que la qualité est un défi permanent et que la progression importe plus que la sanction. Au-delà, il nous faut déterminer comment rémunérer l'engagement de nos praticiens dans leurs missions et dans l'amélioration de la qualité, ce qui n'est pas simple. Il faut mettre au point un système d'évaluation et de mesure des objectifs. Nous y travaillons, et nous avons par ailleurs signé il y a quelques semaines avec les partenaires sociaux un avenant à la convention collective qui généralise la part variable de la rémunération pour l'ensemble des médecins. Nous en sommes encore à l'exploration des pistes, mais nous n'attendons pas pour démarrer et, dans ce contexte, la frilosité que l'on observe dans le secteur public est un mauvais message pour nous, car les choses sont compliquées. Notre approche est en effet celle du projet d'établissement, mais nos médecins sont les mêmes qu'ailleurs et les marqueurs traditionnels d'une culture médicale individualiste persistent. Pour autant, nous essayons de progresser et nous avons des espoirs.

Enfin, je ne m'aventurerai pas sur le terrain de la simplification, car je ne défends pas l'idée que la tarification à l'activité serait meilleure si elle était plus simple.

M. Gilbert Leroux : Les médecins redoutent que la part variable de leur rémunération ne soit un miroir aux alouettes et qu'il n'y ait rien à distribuer si la T2A diminue ou si les MIGAC sont mal calculés. Il y a là un problème de fond, car nos établissements fonctionnent plutôt avec une logique d'entreprise.

Mme Delphine Caron : Nous avons suivi très attentivement les travaux relatifs à la tarification à l'activité depuis 2003. L'important est que les établissements puissent établir des constats d'impact de la mise en œuvre de la réforme, qu'ils soient écoutés lorsqu'ils en font état et que la tarification évolue dans le temps dans ses diverses composantes : GHM, MIG, financement des molécules, bon usage... Sur l'ensemble de ces points on en est resté au schéma global défini initialement mais, s'il y a ajustement, cela ne doit pas se faire de manière chaotique. Même si le modèle n'est pas parfait, même s'il faut accepter une part d'arbitraire, nous devons savoir où nous allons, tout en travaillant à améliorer ce qui pose problème.

M. Dominique Maigne : Plus que la simplicité, c'est la lisibilité de la réforme qui importe pour tous les personnels soignants. Or, des interrogations subsistent sur le dispositif. Tout le monde accepte le principe de la régulation mais chacun souhaiterait que son application soit plus claire. À cet égard, le fait que 2,5 % de la régulation de l'effet volume soient d'ores et déjà préemptés n'est pas de bonne pédagogie. De même, les sanctions doivent être clairement définies. Par exemple, l'application des contrats de bon usage des molécules qui vont entrer en vigueur doit être véritablement discriminante : s'il est acquis que la plage est de 70 % à 100 %, les ARH ne doivent pas signer des contrats moyens de 85 % avec tous les établissements mais bien de 100 % avec ceux qui s'inscrivent dans la démarche d'évaluation et de 70 % avec ceux qui ne le font pas. Enfin, tous les établissements se livrent désormais à une planification prospective et si tous savent que la T2A sera à 50 % en 2007, tous ont besoin de connaître le calendrier complet de la réforme.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Madame, Messieurs, je vous remercie.

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