COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 20

Jeudi 1er juin 2006
(Séance de 9 heures)

12/03/95

Présidence de Mme Paulette Guinchard et M. Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

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Auditions sur la tarification à l'activité dans les établissements de santé :

 

- M. Michel Cretin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Christian Cardon, président de la 3e section de la sixième chambre, et Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la sixième chambre

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- Mme Maryse Chodorge, directrice de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH)

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- M. Jean Castex, directeur de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) au ministère de la santé et des solidarités, et M. Patrick Olivier, sous-directeur chargé des affaires financières au pôle « organisation des soins, établissements et financement » de la DHOS, M. Jean Pinson, adjoint au directeur opérationnel de la Mission T2A au ministère de la santé et des solidarités, et M. Roland Cash, responsable scientifique de la Mission T2A

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La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Michel Cretin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Christian Cardon, président de la troisième section de la sixième chambre, et Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la sixième chambre.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Michel Cretin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Christian Cardon, président de la troisième section de la sixième chambre, et Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la sixième chambre.

Monsieur le président, je vous remercie pour la qualité et la précision de la communication établie par la Cour des comptes, à la demande de la MECSS, sur la mise en œuvre de la réforme du financement des établissements de santé publics et privés.

Vous avez la parole pour nous présenter cette communication, après quoi les membres de la MECSS pourront vous poser des questions pour approfondir certains sujets.

M. Michel Cretin : Je vous remercie de nous avoir invités à vous présenter cette communication. C'est la première fois que je suis amené à le faire devant vous après la promulgation de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005.

Cette communication est le résultat d'une longue enquête menée par Mme Golfouse-Buet et contredite avec les administrations. La technicité du sujet, la longueur de l'enquête et les exigences de la contradiction expliquent que nous ayions été amenés à vous présenter cette communication un peu plus tard que ce que vous auriez souhaité.

Le champ couvert par l'enquête est beaucoup plus large que celui de la plupart des autres rapports établis sur le sujet : elle couvre en effet tous les aspects de l'introduction de la tarification à l'activité (T2A) dans le financement des établissements de santé, depuis les grands principes organisateurs jusqu'à la mise en œuvre de ces derniers : l'établissement des tarifs, le dispositif de financement hors tarifs, les circuits financiers et l'organisation administrative du pilotage de la réforme.

J'aborderai successivement trois points : la conduite de la réforme ; le dispositif financier de la T2A ; l'économie générale de la réforme, à savoir la convergence des tarifs et les rapports entre la T2A et la planification hospitalière.

S'agissant de la conduite de la réforme, je souligne que, traditionnellement, la Cour fait plutôt des observations critiques, et je souhaite donc situer le cadre dans lequel il faut comprendre ces observations.

Premièrement, même si la T2A est récente, puisqu'elle date de 2004, elle est déjà devenue l'élément structurant des réformes hospitalières.

Deuxièmement, nous avons pu constater les efforts considérables des administrations, au niveau national et régional, et de leurs supports techniques : je pense aux différentes missions qui ont été créées à cette occasion pour mettre en œuvre la réforme. Mais bien que considérables, ces efforts pourraient être dirigés avec une vision plus claire, plus ferme et plus réaliste des objectifs à atteindre.

Cela posé, notre première observation porte sur la répartition des responsabilités pour la conduite de la réforme. Cette répartition ne nous paraît pas optimale. Tout d'abord, la Mission T2A (MT2A) n'est pas parvenue à jouer son rôle de conception et de maîtrise d'ouvrage pour lequel elle avait été conçue. L'Agence technique de l'information hospitalière (ATIH) ne dispose pas de l'indépendance technique et des moyens, notamment humains, pour jouer pleinement son rôle d'expertise. La Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) est devenue responsable de la quasi-totalité du déploiement de la réforme, sans disposer non plus des moyens nécessaires. Enfin, les autres directions du ministère ont été assez peu associées aux réflexions et aux décisions.

Notre deuxième observation porte sur les organisations professionnelles. Celles-ci nous ont paru trop présentes à tous les niveaux de la conception et de la mise en œuvre de la réforme. Il n'est pas du tout dans mon intention de critiquer la concertation, surtout sur un tel sujet. Mais en l'occurrence, la concertation a pris une très grande ampleur et, surtout, elle se situe très en amont dans le processus de décision. Et cela risque de menacer le bon aboutissement et la cohérence de la réforme.

Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos. Sous l'égide des comités de suivi et de concertation ainsi que du comité d'évaluation ont été créés une multitude de groupes de travail. Les organisations professionnelles font partie de tous les groupes de travail consacrés à la convergence intersectorielle, mais pas la direction de la sécurité sociale. Cela me semble aller un peu trop loin, d'autant que figure parmi ces groupes un groupe dit « d'études complémentaires », dont un sous-groupe examine une question cruciale pour les hôpitaux publics, celle des personnels hospitaliers. Deuxième exemple, les groupes consacrés à l'évaluation ont été placés sous la responsabilité des représentants professionnels qui en sont ainsi devenus les animateurs. Or ces questions d'évaluation relèvent de l'expertise. Le rôle d'animation aurait dû revenir à la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) ou à la Haute Autorité de santé (HAS).

Notre troisième observation concernant le pilotage de la réforme porte sur les dispositifs d'évaluation et de contrôle externe de l'activité, qui ne nous semblent pas satisfaisants.

La mise en œuvre du dispositif d'évaluation n'a pas commencé. Or, un tel dispositif est indispensable, et ce dès le début de la mise en place de la réforme. Aussi bien les critères de l'évaluation que les indicateurs qui seront utilisés ou que les références permettant de juger des progrès doivent avoir été définis. Dans le cas de la T2A la mise en place rapide des outils et des moyens d'évaluation est d'autant plus indispensable que la réforme comporte des risques élevés de dérapage, qu'il faut pouvoir repérer le plus vite possible. La mise en œuvre des moyens d'évaluation de la réforme nous apparaît donc comme une priorité.

Notre bilan est assez négatif également s'agissant du dispositif de contrôle externe des bases de facturation soumises à l'assurance maladie. Le programme de contrôle externe de la facturation a pris beaucoup de retard ; à l'heure actuelle, il n'en n'est qu'au stade du démarrage. Ce retard est dû à diverses raisons, notamment à des conflits avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). La responsabilité du contrôle de la facturation a été confiée à la commission exécutive des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) au lieu de l'être à l'assurance maladie. La Cour a pris acte de cette organisation, mais note que ce dispositif prive l'assurance maladie de la pleine responsabilité du contrôle des facturations qui lui sont adressées, au moment même où la branche assurance maladie doit établir des comptes que nous aurons à certifier. D'un point de vue pratique, au surplus, la capacité des ARH à assumer cette responsabilité n'est pas évidente.

Je voudrais enfin souligner l'insuffisance de l'organisation du circuit de règlement des dépenses, retenu à titre provisoire en 2005 et prorogé en 2006. En particulier, le règlement des dépenses du secteur public repose non pas sur des factures individuelles pour chaque malade, mais sur un système de versements agrégés trimestriels ; en outre, le système d'avances et d'acomptes mis en place en 2005 dans les deux secteurs n'a pas permis de savoir en cours d'exercice, si la première année de fonctionnement avait entraîné les conséquences inflationnistes que l'on redoutait. Et, alors que l'on estime que le dépassement de l'ONDAM hospitalier en 2005 sera de l'ordre de 900 millions d'euros, on est incapable de dire avec précision quelle part de ce dépassement pourrait être attribuée à la mise en place de la T2A.

La mise en place d'un processus de règlement des dépenses à partir de factures individuelles par les hôpitaux publics demeure un objectif incontournable pour l'application de la T2A, qui devra être atteint le plus tôt possible, c'est-à-dire en 2008. Cela suppose que des travaux techniques très importants soient réalisés dans le secteur des établissements anciennement sous dotation globale.

Le deuxième point que je souhaite aborder est celui de la conception du dispositif de financement des établissements dans le cadre de cette réforme.

Dans son principe, la T2A constitue un nouveau système d'allocation des ressources entre tous les hôpitaux, publics et privés, mais seulement en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). Il ne s'agit pas de créer un marché de l'hospitalisation. Les ressources à redistribuer sont les dépenses consacrées à l'hospitalisation par la branche maladie, mais sous contrainte : c'est une somme d'argent à redistribuer d'une autre manière. C'est ainsi que sur un objectif total de dépenses maladie consacrées à l'hospitalisation de 60 milliards d'euros pour 2005, 44 sont destinés au paiement des soins MCO. Le but de la réforme est de répartir ces 44 milliards d'une autre manière qu'auparavant - pour les établissements publics par le biais d'une dotation globale ou pour les établissements privés sous forme d'un prix de journée et de compléments -, c'est-à-dire en fonction de l'activité des établissements. La rémunération des établissements reflètera leur activité, ce qui sera plus efficace et plus juste que jusqu'à présent.

Cela m'amène à faire trois observations. Premièrement, la tarification n'a été étendue qu'à une partie de l'activité MCO. C'est normal, dans la mesure où l'activité de soins ne représente qu'une partie des missions des établissements. D'où la constitution de deux blocs : les activités de soins, couvertes par les tarifs ; les autres missions, financées par les dotations affectées aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC).

Les MIGAC recouvrent les missions d'enseignement et de recherche, les missions d'intérêt général - ensemble assez hétéroclite, dont certaines activités pourraient parfaitement être tarifées -, et les missions d'aide à la contractualisation entre les établissements et les ARH. C'est ce dernier ensemble qui nous paraît très critiquable. En effet, il est très mal défini et risque - le terme est faible - d'être utilisé pour compenser les baisses de revenus qui pourraient résulter, pour certains établissements, de la mise en œuvre de la T2A.

Par ailleurs, la partie activités de soins, couvertes par des tarifs, est elle-même assez complexe. Le socle est constitué par les tarifs forfaitaires de séjours, fixés par groupe homogène de séjours (GHS) qui sont la traduction tarifaire des groupes homogènes de malades (GHM), et qui résultent de l'application de la classification des soins établie à partir des données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Mais interviennent plusieurs autres dispositifs : les tarifs spécifiques pour certaines activités, comme l'hospitalisation à domicile, la dialyse ou l'IVG ; une combinaison de tarifs spéciaux et de forfaits annuels pour des activités comme les urgences ou les greffes ; des suppléments aux tarifs des GHS pour tenir compte de certaines particularités de traitement, comme la réanimation ou les durées extrêmes de séjour ; des facturations en sus de certaines prestations : dispositifs médicaux implantables et molécules onéreuses. En outre, les coefficients géographiques, qui sont destinés à tenir compte de la localisation des établissements, se traduisent par une modulation des tarifs forfaitaires de séjours.

Nous ne critiquons pas la complexité de cet ensemble tarifaire, qui reflète une réalité elle-même complexe. Mais il se trouve d'une part que des activités non tarifées devraient être incluses dans les tarifs ; d'autre part que les différents dispositifs que je viens d'identifier pourraient être mieux définis et de manière plus stricte. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, et le risque de surtarification - en faisant passer certains actes dans des groupes de tarifs plus intéressants - est élevé. Sans compter un risque d'illisibilité pour le payeur, à savoir l'assurance maladie. Par exemple, cette dernière est incapable de savoir ce que coûtent les urgences, compte tenu de la diversité des canaux par lesquels sont rémunérées leurs activités.

D'un autre côté, la tarification est devenue une variable d'ajustement dans le système de financement des hôpitaux, alors qu'elle devait en être le noyau dur. La redistribution se fait sous la contrainte de l'ONDAM, plus précisément de l'objectif des dépenses de MCO (ODMCO). Mais sur cette enveloppe de soins MCO, on commence par imputer les dotations, c'est-à-dire ce qui ne relève pas des tarifs - MIGAC, forfaits annuels, etc. Il reste une enveloppe destinée aux tarifs ; et c'est sur cette enveloppe que sont calculés les tarifs. Autrement dit, si l'on augmente, par exemple, la dotation des MIGAC, on diminue la part réservée aux tarifs. Il en résulte que l'élément directeur de la réforme n'est plus constitué par les tarifs, mais par les dotations. On court donc le risque d'annuler complètement les effets de la réforme.

En 2005, l'enveloppe MCO a augmenté de 3,5 % par rapport à 2004, mais l'enveloppe « tarifs » a diminué de 2,8 %. Au sein de cette enveloppe « tarifs », l'enveloppe à partir de laquelle on calcule les tarifs des GHS, a diminué de 8,5 %, alors que les tarifs complémentaires, que j'ai énumérés tout à l'heure, ont augmenté de 100 %. On risque donc vraiment de voir se réduire de façon excessive l'enveloppe réservée aux tarifs.

Enfin, les tarifs sont trop déconnectés des coûts de production. Dans le secteur privé, ils ont été calculés sur la base des montants facturés avant la réforme. Dans le secteur public, les coûts ont été établis à partir d'un échantillon d'établissements qui n'est pas représentatif ; les méthodes d'imputation des coûts nous semblent très contestables ; les tarifs ainsi obtenus sont ensuite retraités pour les faire rentrer dans l'enveloppe réservée aux tarifs. En fin de compte, les tarifs n'ont plus de rapports avec les coûts de production réels supportés par les établissements, alors qu'ils sont supposés les représenter. Et les signaux que ces tarifs peuvent adresser aux directeurs d'établissement sont peu lisibles et ne les aident pas pour l'organisation de leur établissement - d'autant qu'ils varient tous les ans.

Selon nous, les méthodes d'établissement et de modification des tarifs devraient être bien documentées et publiées, être régulièrement mises à jour, et les changements de méthode explicités et justifiés. Or, aujourd'hui, cela se passe dans la plus grande confusion.

Notre troisième point concerne l'économie générale de la réforme.

L'objectif de la réforme est de réduire les fortes inégalités de ressources entre les établissements. Pour atteindre cet objectif, les tarifs de tous les établissements doivent converger vers une grille tarifaire unique en 2012, échéance fixée dans la loi. Mais en même temps qu'on développe la T2A, une autre réforme de l'activité hospitalière est menée parallèlement, à travers l'élaboration des schémas régionaux de l'organisation des soins de troisième génération (SROS 3) et des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) passés entre les établissements et les ARH. Or la cohérence entre cette réforme et la réforme du financement reposant sur la T2A n'est pas évidente.

La convergence a deux aspects : intrasectoriel, c'est-à-dire à l'intérieur du secteur public et à l'intérieur du secteur privé, et intersectoriel, c'est-à-dire entre le secteur public et le secteur privé. Le fait qu'il s'agisse de redistribuer un montant de moyens qui variera peu en volume dans les années qui viennent fera qu'il y aura des gagnants et des perdants. D'où la vigueur d'éventuels conflits au moment de la redéfinition des règles de la redistribution.

L'idée de la convergence intrasectorielle est de faire converger les tarifs vers les tarifs moyens des établissements de chaque secteur. Dans son principe, cette idée nous paraît déjà critiquable. Mieux vaudrait les faire converger vers les tarifs des établissements les plus efficaces. Sinon, les gagnants gagneront sans que cela corresponde à un effort productif particulier.

L'application des tarifs convergeant vers les tarifs moyens devrait engendrer, à terme, c'est-à-dire en 2012, une redistribution de l'ordre de 1,2 milliard d'euros au sein du secteur public entre les établissements considérés comme sous-dotés et ceux considérés comme sur-dotés. Dans le secteur privé, il y aurait aussi une redistribution, mais beaucoup moins importante, de l'ordre de 140 millions d'euros.

Cette redistribution sera particulièrement importante dans le secteur public, où les écarts de situation de départ sont les plus importants entre les hôpitaux les plus productifs et les moins productifs. Les effets de cette redistribution vont s'ajouter à ceux de la stabilité de l'ONDAM pour créer des situations particulièrement difficiles dans certains établissements. La tentation sera forte pour ces établissements de compenser les effets de la tarification, soit par des dotations MIGAC, par des coefficients géographiques ou par des démarches de contournement : report d'une partie des charges sur le budget hors MCO, sur les assurés, spécialisation de l'activité dans les segments les plus rentables, augmentation artificielle du volume d'activité pour obtenir de meilleures ressources. D'où l'importance de l'évaluation pour pouvoir repérer ces effets pervers dans l'application de la T2A le plus tôt possible, afin de pouvoir les corriger.

L'idée d'une convergence entre les deux secteurs est apparue très tôt, mais elle n'a été inscrite officiellement dans la loi que lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, qui a précisé qu'un tel objectif devrait être atteint à 50 % en 2008. Or la réalisation de cet objectif va se heurter à d'énormes obstacles, et jusqu'à présent aucun progrès n'a été accompli dans le traitement des principaux problèmes rencontrés.

Premier obstacle : on ne connaît pas l'amplitude des écarts à réduire au départ entre le secteur public et le secteur public. Il faudrait notamment connaître les « surcoûts » de personnel dans le secteur public.

Deuxième obstacle : la définition du périmètre de la convergence. Est-ce que les tarifs du secteur privé vont inclure ou non les honoraires des médecins ?

Troisième obstacle : le sens de la convergence. Veut-on converger vers les tarifs les plus hauts, les tarifs les plus bas ou les tarifs moyens ? Selon nous, ce devrait être vers les tarifs les plus bas. Sinon, aura lieu un effet d'aubaine formidable pour les cliniques privées, ce qui ne me semble pas être le but recherché par la réforme.

Un bilan objectif des études en cours montre que les résultats de telles études ne pourront être disponibles, au mieux, qu'en 2008. On s'est aperçu, notamment, que certaines d'entre elles étaient inutilisables et qu'il fallait les recommencer.

La Cour estime donc qu'un certain nombre de conditions préalables doivent être remplies pour que l'on puisse s'engager dans la voie de la convergence intersectorielle :

- fixer comme cible la convergence vers les tarifs les plus bas ; c'est aussi la conclusion à laquelle est arrivée le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) dans son avis de mars 2006 ;

- couvrir par les tarifs l'ensemble des coûts de soins, et en particulier inclure les honoraires des médecins ;

- enfin, fixer des tarifs homogènes, c'est-à-dire couvrant des prestations homogènes, après élimination des disparités dans la nature des prestations livrées par chacun des deux secteurs.

Je terminerai par la cohérence entre la T2A et les SROS. La préparation des SROS 3 repose sur l'idée d'une planification de l'offre mise en œuvre par les ARH, ce qui est un peu contradictoire avec la logique d'optimisation par les tarifs introduite par la T2A.

Au niveau du financement, les SROS définissent une couverture cible du territoire. Mais cette couverture est sans lien avec les perspectives financières qui découlent de l'ONDAM et sans lien non plus avec les activités que les établissements souhaiteront produire au vu des tarifs fixés.

Au niveau de la mise en œuvre, les objectifs quantifiés d'activités définis par les SROS se déclinent au niveau de chaque établissement dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, qui imposeront aux établissements une structure et un volume d'activités, lesquels seront incompatibles avec la dynamique qui devrait justement résulter de l'application d'une tarification.

La combinaison de la planification et de la T2A n'est pas évidente, mais elle peut néanmoins être recherchée. Si l'on considère que l'orientation de base est la mise en œuvre de la T2A, il faut concevoir les SROS comme des éléments complémentaires ou correctifs par rapport à la T2A.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie. Nous avons écouté avec une grande attention l'ensemble de vos observations, et je suis frappé de constater, au travers des différentes thématiques que nous avons abordées, le même déficit de connaissances, la même difficulté à collecter de l'information, à assurer l'évaluation, à modéliser un certain nombre de projections, tout cela aboutissant à fragiliser la pertinence de l'ensemble des dispositifs législatifs qui ont été votés.

Pourriez-vous me dire comment vous analysez cette difficulté à mettre en place des systèmes d'informations fiables et performants, qui amélioreraient la qualité de notre service de soins ?

M. Michel Cretin : Selon moi, c'est un problème de pilotage de la réforme, qui gêne la mise en place des instruments : conflits de compétences, insuffisance de clarté dans la répartition des responsabilités.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je souhaiterais aborder ce sujet complexe en quatre parties, pour reprendre votre plan : le problème de la conduite de la réforme, la répartition des moyens financiers et les problèmes de valorisation des tarifs, l'économie générale de la réforme, enfin la T2A et la réforme hospitalière.

Sur la conduite de la réforme, sa mise en place, le pilotage, l'expertise, on a l'impression qu'il y a beaucoup d'intervenants - peut-être un peu trop - dont les rôles n'ont pas toujours été clarifiés. Lorsque nous avons reçu les représentants des ARH, le rôle de contrôle de celles-ci dans la facturation n'a pas été évoqué. J'observe aussi que le rôle des ARH a été minimisé par les autres personnes que nous avons entendues. Notre sentiment était que tout se décidait dans un petit cénacle plutôt parisien. L'efficacité du rôle des ARH sur le terrain nous apparaissait des plus modestes.

Avez-vous le même sentiment ? Les ARH auraient-elles dû profiter de la T2A pour accroître leur importance stratégique dans une politique de santé régionale ?

M. Michel Cretin : Les ARH sont des organes d'exécution. Elles interviennent dans la mise en œuvre de la T2A, mais aussi dans celle des SROS. Elles participent donc de cette contradiction entre les deux politiques de réformes menées parallèlement. Ce sont elles qui ont pris la responsabilité du contrôle externe des factures.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En ont-elles les moyens ?

M. Michel Cretin : Elles ne les ont toujours pas.

Elles ont par contre une certaine latitude pour modifier la dotation complémentaire attribuée à chaque établissement public ou participant au service public hospitalier (PSPH). Comme le financement de ces établissements par la tarification n'intervient pas à 100 % dès la première année, la partie complémentaire de la tarification est en effet versée sous la forme d'une dotation annuelle complémentaire (DAC).

Ces dotations complémentaires sont notifiées par l'échelon central pour la région, et les ARH procèdent à la répartition au niveau régional. Elles disposent alors d'une certaine marge de manœuvre.

Dans la mise en œuvre de l'autre réforme, elles sont chargées de la signature des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens avec les hôpitaux, ce qui est un travail considérable.

Mme Anny Golfouse-Buet : Je ferais, pour ma part, une distinction entre le problème du contrôle externe que vous avez soulevé et le reste de la gestion de la T2A que l'on a confié aux ARH.

Pour le contrôle externe, les ARH ont toujours utilisé le personnel de l'assurance maladie, en l'occurrence les médecins-conseil. Ce n'est pas tant un problème de moyens quantitatifs qui se pose qu'un problème de transfert de compétences ; la commission exécutive de l'ARH se trouve maintenant en position de définir quels établissements seront contrôlés, et quand.

Ce transfert s'est fait par le biais d'une procédure nouvelle : au contrôle normal des factures, on a ajouté pour la T2A un deuxième volet de sanctions financières, au cas où l'on constaterait que les établissements ont tendance à introduire de nombreuses erreurs dans leurs codages et leurs facturations. On a profité de ce deuxième volet de contrôle pour transférer la totalité de la compétence à la commission exécutive de l'ARH, ce qui n'a d'ailleurs pas été sans poser de problèmes relationnels entre les caisses nationales d'assurance maladie et la DHOS.

Pour le reste de la gestion de la T2A, en 2005, les ARH se sont senties un peu dépossédées puisqu'on était encore davantage dans la phase de conception à laquelle elles ne participent pas et qu'en outre, pour aller vite, la DHOS est allée dans une gestion assez fine, en notifiant de manière très précise aux ARH un certain nombre de choses qui leur incomberont ensuite. C'est par exemple ce qui s'est passé pour les dotations des MIGAC qui ont été calculées in fine au niveau de la DHOS et notifiées aux ARH ou du calcul du taux de conversion.

À l'inverse, dans l'économie du dispositif, on voit bien que toutes les zones « à risque » que l'on a soulignées tout à l'heure, comme les produits facturés en sus, sont supposées être régulées et maîtrisées par le biais de contrats spécifiques passés entre les ARH et les établissements. Or, il y a 3 000 établissements et parfois plus d'un contrat par établissement ; sans compter qu'il y a parfois urgence, notamment pour les contrats de bon usage des médicaments et des dispositifs médicaux implantables. C'est la seule façon de contrôler et de maîtriser cette source de financement qui n'est pas intégrée dans les tarifs. En 2005, cela représentait plus de 3 milliards d'euros. Pour les MIGAC, c'est la même chose, celles-ci devant faire l'objet d'un contrat entre l'établissement et l'ARH.

On peut s'interroger sur les moyens dont disposeront les ARH pour gérer tous ces contrats. Les ARH n'ont pas été conçues pour remplir ces missions de gestion.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous avons bien mesuré les difficultés du pilotage et de l'évaluation. Je voudrais maintenant aborder la question de la répartition des moyens financiers, de la valorisation des tarifs de GHS, des missions d'intérêt général (MIG) et des missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI).

Nous avons déjà rencontré les différents partenaires de ce dispositif de la T2A, parmi lesquels des représentants des organisations syndicales hospitalières, du secteur privé comme du secteur public. Nous avons constaté chez eux une méconnaissance un peu étonnante de paramètres pourtant essentiels dans le réglage du dispositif, s'agissant notamment de l'évaluation des moyens à accorder aux établissements.

Je suis très frappé par le fait que l'on n'est pas en mesure aujourd'hui de justifier les différences de tarifs entre le privé et le public. Comment faudrait-il travailler pour en avoir une juste appréciation et connaître les facteurs spécifiques au service public et au secteur privé ?

Mme Anny Golfouse-Buet : Je partage assez votre sentiment, dans la mesure où il ne faut pas perdre de vue que, si la réforme de la T2A a été mise en œuvre très rapidement, elle repose sur quelques années d'expérimentation et de réflexion. Deux expérimentations, notamment, ont fait l'objet de rapports très détaillés et ont mis clairement en exergue, depuis 1995, certaines questions qui ne sont toujours pas résolues aujourd'hui. Ces deux expérimentations - celle menée en Languedoc-Roussillon et celle initiée par la loi de 1999 créant la couverture maladie universelle (CMU) - avaient pour objectif l'étude de l'applicabilité d'une tarification à l'activité. Elles traitaient déjà des relations entre le secteur public et le secteur privé. On avait mis en évidence, qu'il s'agisse des dotations ou des tarifs, des écarts suffisamment conséquents pour qu'il faille y regarder de plus près. Il apparaissait d'emblée qu'il fallait se mettre à l'œuvre immédiatement pour mener certaines études destinées à mettre en place une échelle de coûts dans les deux secteurs, suffisamment précise pour savoir si on comparait des éléments homogènes ou non. Or il a fallu attendre 2005 pour initier une étude de coûts dans le secteur privé et pour réfléchir à une comparabilité des coûts dans les deux secteurs. En outre, on vient d'apprendre que cette seule étude n'avançait pas aussi bien que prévu et qu'elle serait même recommencée par l'ATIH.

Pourquoi le travail n'a-t-il pas été fait alors que la demande avait été posée depuis dix ans ? C'est un peu la politique de l'autruche. On savait très bien qu'on ne pouvait pas aller vers une convergence effective tant qu'on n'aurait pas analysé de manière fiable tous ces sujets.

Pour les MIGAC, c'est un peu la même chose. Dès le départ, on a bien compris que dans la logique d'une tarification il fallait introduire une rémunération parallèle de missions de service public. Encore fallait-il bien préciser ce qu'on entendait par là, surtout ne pas se contenter d'une photographie de coûts historique, mais réfléchir sur des coûts standard. Cela se trouve dans le rapport de l'expérimentation menée en Languedoc-Roussillon en 1995 et l'on se dirigera vers ce type d'étude l'année prochaine. En attendant, comment rémunère-t-on les MIGAC ? Sur un constat historique, déclaratif de chaque établissement.

Ces sujets fondamentaux ne risquaient pas de se régler tout seuls. L'application de la réforme ne fait que les rendre plus évidents et plus vifs.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Je rejoins complètement M. Pierre Morange sur l'absence d'outils de connaissance et de culture de la transparence dans l'ensemble du secteur social. Je remarque qu'en fait, vous avez posé ces deux questions très simples : « Qu'est-ce qu'on définit ? » et « Qui définit ? »

J'ai été frappée par votre référence aux groupes de travail qui prennent une place très importante. Que proposeriez-vous pour répondre à la question « qui définit » ?

M. Michel Cretin : C'est une question très importante en effet. Fondamentalement, c'est au niveau politique que cela doit se faire. La MT2A, la mission qui a été créée pour cela, était, au départ, directement rattachée au cabinet du ministre. Puis les choses ont évolué et aujourd'hui, c'est la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins qui, dans les faits, a pris la place principale dans la conduite de la réforme.

Une telle réforme doit se conduire comme un projet particulier, avec un chef de projet et une administration de projet. C'est un peu ce qui avait été prévu avec la MT2A. Que la responsabilité principale soit passée à la DHOS ne poserait pas de problème. Mais il faudrait que, dans le cadre de ses activités, la part de conception et de définition des objectifs et des moyens prenne plus d'importance qu'elle n'en a actuellement. C'est un problème de répartition des moyens. La DHOS est une administration qui n'a pas beaucoup de moyens, en terme de conception, et qui, en tous cas, n'en a pas assez pour conduire un projet de cette nature.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je voudrais revenir sur les problèmes de tarification. Les établissements privés nous disent qu'un accouchement coûte 1 000 euros de moins que dans le public, hors honoraires, et ils ajoutent une certaine valeur d'honoraires. Actuellement, il y a de nombreuses fermetures d'établissements privés, de maternités notamment. Nous courons le risque que certaines pathologies soient assurées par le secteur public, et d'autres par le secteur privé. Cela me semble être un sujet de réflexion important. Hier, un de nos collègues se demandait si la haute chirurgie n'allait pas être réservée au secteur public, tandis que la chirurgie « courante » serait assurée par le secteur privé. Ne retrouve-t-on pas en germe ce genre de difficultés dans la valorisation des tarifs ?

M. Michel Cretin : Si. À partir du moment où l'activité des établissements sera conduite par les tarifs, les établissements s'adapteront à la structure des tarifs et réorganiseront leur activité dans ce but. Il faut faire très attention aux effets que pourra avoir la T2A, afin de les corriger dès que possible. D'où la nécessité d'une évaluation rapide.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Cette tendance à la spécialisation risque d'entraîner un démaillage du territoire. De la même manière, les SROS 3, dont certains paramètres, notamment les objectifs quantifiés, peuvent être un obstacle à la mise en place de la T2A dans la mesure où l'augmentation de l'activité n'aura plus d'effet bénéfique. Faut-il revoir la T2A ou revoir les SROS 3 ?

M. Michel Cretin : Nous avons deux réformes, qu'il faut situer l'une par rapport à l'autre. Le développement de toutes leurs conséquences est en effet incompatible entre elles. Mais il est clair que l'élément directeur aujourd'hui est la T2A, sans qu'il faille revenir là-dessus. Les SROS et les CPOM doivent alors être considérés comme des éléments correcteurs des effets pervers d'une application brutale de la T2A.

Mme Anny Golfouse-Buet : Sur une telle question, on a parfois tendance à mélanger des sujets un peu différents. Prenez l'exemple de l'accouchement : comme les tarifs ont été calculés sur une ancienne tarification et d'une manière différente dans le public, on a aujourd'hui pour des prestations apparemment équivalentes des écarts de tarifs qui ne se justifient pas. Cela fait partie des ajustements qui devront avoir lieu assez rapidement. Et il n'y a pas lieu de spécialiser tel ou tel secteur sur les accouchements « normaux ».

La question de la spécialisation, qui n'a pas été créée par la T2A, existe déjà. Elle rend justement difficile l'application de tarifs identiques. C'est l'exemple favori de la fédération qui représente les établissements publics. Elle explique qu'en matière d'interventions sur le rachis ils ne font pas du tout le même travail, que le public est spécialisé sur le lourd, sur le non-programmé, et le privé sur le courant, le programmé et donc le moins cher.

Cela nous ramène à une question évoquée depuis 1991 : tout établissement, public ou privé est-il susceptible de tout faire ? Bien sûr que non. On ne peut pas imaginer, par exemple, que tout établissement puisse procéder à des greffes.

Il ne faut pas mélanger le problème de la concurrence entre le secteur privé et le secteur public, celui du niveau de soins - courants ou non - et celui d'une spécialisation qui existe d'ailleurs déjà et dont il faut tenir compte. On n'a peut-être pas intérêt, d'ailleurs, à la remettre en question. Si l'hospitalisation privée est parfaitement rodée s'agissant de la chirurgie ambulatoire, par exemple la cataracte, pourquoi pas ?

M. Gérard Bapt : Nous rencontrons à l'heure actuelle de grands problèmes s'agissant de la convergence intersectorielle. Il règne une grande confusion en matière de pilotage, en l'absence d'information, d'évaluation, en raison du fait que des problèmes soulevés en 1995 n'ont commencé à être examinés qu'en 2005. Le calendrier de mise en place de la T2A est à l'évidence trop serré. Et la convergence public/privé prend une telle complexité qu'on va à la catastrophe.

Je voudrais qu'on parle de la place du patient. Mettre la cataracte en ambulatoire dans le privé et laisser le lourd à l'hôpital fait la litière du dépassement d'honoraires. Des patients ne peuvent plus s'adresser au privé.

Je suis stupéfait de constater tous ces obstacles, ces incohérences et ces incertitudes, qui s'ajoutent à une contradiction certaine avec les objectifs de la planification de l'offre de soins. Je regrette qu'on n'en ait pas tiré de conséquences avant que vous ne fassiez de tels constats.

N'en concluez-vous pas qu'il faut décider un moratoire, procéder à des évaluations et reconsidérer le problème de la convergence privé/public ?

M. Michel Cretin : Telle a été, en gros, ma conclusion. Nous pensons qu'il n'y a pas d'urgence à établir une convergence intersectorielle avant d'avoir rempli certaines conditions préalables, qui ne le sont pas aujourd'hui. Il faut commencer à travailler pour connaître les écarts à résorber, avant de s'appliquer à les résorber. La convergence intersectorielle a d'ailleurs été mise en stand by en 2006.

M. Gérard Bapt : Cela n'était pas si net dans la lettre de M. Philippe Séguin, qui semblait dire que les délais pouvaient être tenus, mais que cela impliquait un effort.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : C'est une formulation qui s'inscrit dans la philosophie et la sémantique de la Cour des comptes.

M. Michel Cretin : Cette lettre fait explicitement référence à un certain nombre de conditions.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On a parlé tout à l'heure d'une redistribution dans le public d'environ 1,2 milliard d'euros sur une enveloppe de 44 ou de 60 milliards. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?

M. Michel Cretin : Il ne faut pas accorder trop d'importance à ces chiffres. Ils sont très théoriques et basés sur des données de 2004. La structure de l'activité des établissements va évoluer.

Le problème principal introduit par la T2A est la création d'une nouvelle dynamique dans la gestion des hôpitaux, qui devront s'adapter à une structure de tarifs gouvernant leur activité. C'est plus important que le montant de la redistribution.

Ces chiffres sont également dépendants du fait que jusqu'à présent l'objectif est d'aboutir à une convergence à la moyenne. Si on avait pris comme hypothèse une convergence vers les tarifs les plus bas, c'est-à-dire les hôpitaux les plus efficaces, il n'y aurait pas eu de redistribution du tout !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous évoquez dans votre rapport les expériences étrangères. Tous les grands pays se penchent en effet sur leur système hospitalier. Mais au moment où les Britanniques et les Allemands ont adopté une démarche un peu comparable à la nôtre, les Américains reviennent à un système de forfaitisation. Pensez-vous que nous devrons y revenir aussi ? Pensez-vous que la qualité de l'appréciation des coûts nous permettra d'avoir des tarifications adaptées à chaque établissement et pour chaque pathologie ?

Mme Anny Golfouse-Buet : Je ferai d'abord une réserve : les commentaires de la Cour sur les expériences étrangères sont de nature purement théorique. Je répondrai ensuite que, dès lors que vous partez d'un tarif à l'acte, que vous essayez de forfaitiser pour encadrer la dépense, vous vous dirigez vers un forfait par séjour. C'est ce qui est en train de se passer dans les différents pays. Mais on s'aperçoit rapidement que si l'on forfaitise le séjour, on assiste à des déports sur l'ambulatoire et sur ce qui est autour de l'hôpital, et il faut raisonner par capitation.

Les États-Unis commencent à se poser ce genre de question ; ils se disent qu'il est bon de maîtriser les forfaits hospitaliers, mais qu'il faut aussi maîtriser les dépenses ambulatoires. C'est une démarche presque évidente de basculement.

En France, la question qu'il faudra se poser est la suivante : dès lors que l'on met en place ce système de forfait par séjour, il faut être capable d'apprécier les effets de déport qui vont se produire.

En outre, les comparaisons avec les pays étrangers sont un peu difficiles à faire. Même si les outils se ressemblent, les objectifs, notamment en matière de T2A, sont particulièrement différents. Aux États-Unis, les honoraires sont hors forfait ; et tout ce qui relève chez nous de la sphère hospitalière en ambulatoire se trouve chez eux hors sphère hospitalière.

Je trouve que l'utilisation des expériences devrait être beaucoup plus pratique. Il faudrait se rendre sur place.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions pour la précision de vos réponses.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu Mme Maryse Chodorge, directrice de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH).

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à Mme Maryse Chodorge, directrice de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles sont les missions de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation ? La Cour des comptes estime les moyens de l'ATIH insuffisants ; est-ce votre opinion ?

Mme Maryse Chodorge : Le décret du 26 décembre 2000 portant création de l'Agence la chargeait de travaux techniques concourant à la mise en œuvre du système d'information commun à l'État et à l'assurance maladie et au traitement de ces données, et lui donnait aussi mission de participer aux travaux relatifs aux nomenclatures de santé. À cette fin, l'ATIH, qui agit en soutien de la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), a repris, lorsqu'elle a été installée, en 2002, les travaux de trois équipes préexistantes : le pôle d'expertise et de référence national de nomenclature en santé, la mission chargée du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et le centre de traitement des informations du PMSI. Dans ce cadre, nous concevons et mettons à jour les logiciels qui permettent de mettre en forme les données du PMSI.

Mais la création de la tarification à l'activité nous a fait passer à un registre plus délicat, celui du recueil d'informations stratégiques pour les établissements de santé. Pour améliorer la fluidité du flux d'informations, nous avons alors créé une plateforme de service sécurisée sur Internet, qui permet aux établissements de renvoyer plus commodément leurs données. Pour les établissements du secteur public, cela va jusqu'à l'arrêté de versement. Le système leur permet de valider les données, qui le sont ensuite par l'ARH. Parallèlement, nous faisons des études et des statistiques d'activité à la demande du ministère et des caisses d'assurance maladie. Par ailleurs, nous avons élaboré des outils destinés à permettre les contrôles externes pris en charge par l'assurance maladie au niveau régional et nous préparons, à partir de l'échelle nationale de coûts (ENC), des éléments techniques de calcul des tarifs ; c'est l'« échelle de prétarifs », qui sert à la définition finale des groupes homogènes de malades (GHM) par la DHOS. Nous préparons également la généralisation du recueil des données médicalisées relatives aux soins de suite ou de réadaptation (SSR) et à la psychiatrie, secteurs, pour lesquels le passage à la tarification à l'activité est prévu.

L'Agence travaille aussi, avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), chef de file dans ce domaine, à la mise à jour de la classification commune des actes médicaux. Enfin, lors de la création de l'Agence, nous avons repris deux dossiers qui étaient, à la DHOS, « orphelins » de maître d'œuvre : l'un permet de restituer une information documentaire aux commissions exécutives des ARH, l'autre de suivre l'évolution des pandémies de sida et d'hépatite.

L'ATIH rassemblait 40 personnes à sa création et 46 en 2003. Elle en compte 48 cette année, la direction du budget s'étant rendu compte que les missions de l'Agence s'étaient élargies et que son effectif était un peu juste. Il l'est encore, mais nous ne sommes pas les seuls à éprouver des difficultés. Notre effectif est principalement composé de médecins - souvent diplômés de santé publique, ou qui ont travaillé de nombreuses années à l'élaboration du PMSI -, de statisticiens et d'informaticiens ; il comprend aussi quelques gestionnaires. Trente-cinq personnes travaillent à Lyon, ville siège de l'Agence, et notre antenne parisienne, qui regroupe 13 salariés, nous permet de participer aux nombreuses réunions qui se tiennent au ministère. La visioconférence nous évite beaucoup de déplacements.

L'objectif de la tarification à l'activité est que les établissements de santé soient rémunérés de manière équitable, en fonction des prises en charge. Les enjeux de la classification et de la préparation des tarifs sont donc très importants, et très discutés par les fédérations hospitalières qui, par ailleurs, souhaitent à la fois que la classification soit mieux décrite et que les tarifs évoluent pour leur permettre d'équilibrer leur budget. Cela n'est pas simple, car lorsque la classification évolue l'échelle des tarifs évolue aussi. Le débat sur les tarifs est donc complexe, mais l'ATIH reste neutre et objective car, en sa qualité d'agence technique, elle n'a pas à s'engager sur le terrain de la politique administrative.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans sa communication à notre mission, la Cour des comptes indique que la DHOS a tendance à réduire le rôle de l'ATIH à celui de pourvoyeur de données, sans que son expertise soit utilisée. Qu'en pensez-vous ?

Mme Maryse Chodorge : C'est un peu caricatural. Nous sommes d'abord un « moulineur de chiffres », puisque nos missions sont de recueillir des données, de les traiter et de mettre les nomenclatures à jour. Cela dit, notre expertise s'exerce dans l'élaboration de la classification des GHM et surtout dans la production d'outils d'assistance à la maîtrise d'ouvrage. Dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens en cours de négociation, nous discutons le positionnement de l'Agence qui a, comme je l'ai dit, repris les tâches de trois équipes. Cette création était nécessaire et, selon moi, nous avons très largement rempli la mission qui nous était assignée, mais il faut donner un sens à l'ATIH, qui ne peut continuer d'être vue uniquement comme un outil, et il est exact que les discussions sont animées.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels objectifs proposez-vous de fixer dans la convention d'objectifs et de moyens de l'Agence ?

Mme Maryse Chodorge : La mise en œuvre de la tarification à l'activité pour les SSR. Mais trois personnes seulement peuvent être affectées à cette tâche, alors que douze ont travaillé à la mise en œuvre de la tarification à l'activité pour le court séjour. Nous ne pourrons donc atteindre cet objectif sans que l'équipe de l'Agence soit renforcée. Si elle ne l'est pas, les échéances ne seront pas tenues car les établissements et les fédérations hospitalières discutent, à juste titre, la validité des classifications, et un temps de réflexion est nécessaire. Il en ira de même pour la psychiatrie, car passer du recueil des données à la valorisation de l'activité en vue de la tarifer modifie complètement notre domaine d'action.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels moyens nouveaux vous seraient nécessaires ?

Mme Maryse Chodorge : Simplement pour poursuivre l'existant, 28 personnes supplémentaires sur trois ans. Mais la DHOS nous demande aussi de travailler à des indicateurs de qualité des établissements et, dans le cadre de la création des observatoires des médicaments et de l'innovation thérapeutique, à un recueil de médicaments qui n'existe pas aujourd'hui. À mon avis, le sens de notre action devrait être d'exercer un certain « leadership » sur les données hospitalières, qu'il est important de centraliser, et de mettre en cohérence les recueils existants pour fournir au ministère et aux acteurs du système de santé des indicateurs et des données agrégées sous une forme lisible.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La Cour des comptes propose de faire de l'ATIH un « pôle de référence et d'expertise ». Avez-vous actuellement un rôle d'interface avec les professionnels, et notamment avec les fédérations hospitalières ?

Mme Maryse Chodorge : Á la demande de la DHOS, nous avons créé un comité technique de maintenance de la classification en GHM. Il s'agit bien de réunions techniques, car l'Agence doit être neutre et objective. L'ancienne de l'Insee que je suis a tendance à penser que l'ATIH doit aussi être indépendante, ce qui, pour moi, ne signifie pas « autonome ». De même que l'indice des prix est préparé par l'Insee selon une méthode discutée par le Conseil national de l'information statistique, l'ATIH doit s'asseoir sur une expertise scientifique pour mettre au point des outils neutres et objectifs, qu'il s'agisse de l'échelle des coûts, des prétarifs, des classifications ou des données agrégées. C'est sans doute l'optique dans laquelle se place la Cour des comptes lorsqu'elle parle de valoriser notre expertise, et cela ne fait d'ailleurs pas débat avec la DHOS. Dans le même temps, les outils techniques doivent s'inscrire dans une politique administrative donnée. Ainsi avons-nous discuté avec la DHOS pour fixer les orientations à donner à la classification, car la manière dont elle est établie n'est pas neutre. On sait en effet, d'expérience étrangère, que plus on crée de groupes plus on favorise la dépense hospitalière. Comme pour toute nomenclature, il faut définir des niveaux de regroupements. C'est d'autant plus nécessaire que 12 000 pathologies et 7 200 actes étant recensés, les possibilités de croisements, et donc de groupes, sont de l'ordre du milliard. Les groupes sont actuellement au nombre de 800, ce qui paraît raisonnable au regard des pratiques étrangères, mais certains pays en ont défini jusqu'à 1 200. On peut donc imaginer raffiner un peu, mais point trop, sans quoi la dépense en volume croîtra inévitablement, ce qui n'est pas l'objet de la tarification à l'activité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous souhaitez donc faire jouer à l'ATIH un rôle comparable, dans son domaine, à celui de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), mais vous n'imaginez pas que l'Agence soit chargée de l'intégralité de la tarification et de la répartition financière.

Mme Maryse Chodorge : L'INSEE prépare les données nécessaires au calcul des comptes de la nation mais ne décide ni les orientations fiscales ni les dépenses de l'État. De même, l'ATIH, pour rester objective et neutre, doit être à l'abri du débat politique.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comme la Cour des comptes, nous sommes frappés par la multiplicité des services, organismes et groupes de travail impliqués dans la mise en œuvre de la tarification à l'activité, ce qui ne fait pas gagner en simplicité un dispositif complexe par nature. Voilà pourquoi j'insistais sur l'idée que l'Agence puisse éventuellement être désignée comme le maître d'ouvrage essentiel.

Selon vous, quelles sont les difficultés d'application de la T2A dans les établissements ? Qu'en est-il en particulier du recueil des données ?

Mme Maryse Chodorge : Dans le secteur qui était anciennement sous dotation globale, le dispositif de recueil de l'information médicale ayant été créé en 1996, les établissements étaient rodés. La difficulté tient à ce que de données informatives on est passé aux données de fait, ce qui implique une collecte exhaustive. Elle était inaboutie, et il a fallu y travailler pour garantir l'affectation équitable des recettes. On a aussi constaté des problèmes de codage mais, dans les établissements publics, ce circuit-là était très bien structuré. La difficulté actuelle tient aux liens entre les services médicaux et le secteur financier dans les établissements. Ils ne peuvent plus s'ignorer, et chacun doit participer à l'élaboration de l'information médicale en partenariat avec l'administration.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Les établissements sont-ils dans leur ensemble dotés d'une comptabilité analytique adéquate ?

Mme Maryse Chodorge : C'est le point faible, et c'est pourquoi seuls cinquante-deux établissements et services sur 600 figurent dans l'échantillon national utilisé pour définir l'échelle nationale des coûts (ENC).

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment cet échantillon a-t-il été composé ?

Mme Maryse Chodorge : Sur la base du volontariat.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On pourrait en déduire que se sont portés volontaires les établissements les plus dynamiques, les mieux gérés et les plus informatisés.

Mme Maryse Chodorge : Nous avons procédé à l'audit du système d'information des établissements qui se sont portés candidats, car tous ne sont pas en mesure de produire une comptabilité analytique par séjour. Nous avons aussi vérifié qu'ils disposaient de ressources humaines suffisantes pour affecter les moyens nécessaires à cette tâche. La représentativité de l'échantillon fait débat. Il est vrai qu'il n'a pas été constitué de manière aléatoire, et nous espérons pouvoir approcher un « coût moyen France entière » par sondages à partir de la fin de l'année mais, en l'état de la comptabilité analytique des établissements, ce n'est pas envisageable actuellement. Nous avons malgré tout fait quelques travaux à cette fin, mais la difficulté méthodologique est grande. Nous appliquons le « coût ENC » à l'ensemble du recueil national et observons si on retrouve ainsi l'enveloppe hospitalière dépensée. L'écart moyen est de 3 %, ce qui montre que nous ne sommes pas très loin, mais il existe des groupes sur lesquels on a très peu d'observations. C'est le cas pour les greffes, activité autorisée dans certains établissements seulement. Si l'on prend l'exemple de la greffe du pancréas, dont il se pratique environ 80 par an, et dont nous ne comptons que 29 dans l'ENC, on se rend compte que le coût moyen ne sera pas statistiquement très significatif. Pour certains groupes de ce type, on pourrait imaginer travailler à dire d'expert ou en fonction de coûts standard. Mais pour cela, il faut du temps.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment contribuez-vous à la valorisation des missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI) et des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) par la DHOS ?

Mme Maryse Chodorge : L'ATIH n'a pas de responsabilité particulière à ce sujet et nous nous limitons à faire remonter les données nécessaires à l'évaluation des missions d'intérêt général (MIG).

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Qu'en est-il des médicaments onéreux et des dispositifs médicaux implantables (DMI) ?

Mme Maryse Chodorge : Pour le secteur hospitalier public, le système d'information ne permet qu'une remontée globale des données car les établissements ne sont pas encore en mesure de tarifer par patient. La mise en place de la tarification individuelle est repoussée de proche en proche parce que c'est une opération compliquée. On constate d'ailleurs que dans le secteur privé, qui a basculé à la tarification à l'activité en mars 2005, les difficultés persistent, et que la liaison entre les systèmes de gestion qui permettent de facturer un patient et le recueil de l'information médicale n'est pas encore tout à fait au point.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Mais est-ce faisable ?

Mme Maryse Chodorge : Oui, et à mon avis ce n'est pas si compliqué que cela, puisqu'il existe des identifiants séjour et, de plus en plus, des identifiants permanents du patient. Nous avons donc imaginé un dispositif d'anonymisation, et je ne doute pas que l'on réussira à lier les deux sous-ensembles.

M. Pierre Morange, coprésident : Est-il établi que les logiciels de collecte d'informations que vous concevez sont d'utilisation obligatoire dans les 3 000 établissements de France ?

Mme Maryse Chodorge : Nous diffusons systématiquement et gratuitement tout ce qui a trait à la transmission des données du PMSI à tous les établissements, et nous vérifions que la version utilisée est la bonne. Par ailleurs, les logiciels sont effectivement utilisés par tous les établissements.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est le pourcentage d'anomalies relevé, et de quel type sont-elles ?

Mme Maryse Chodorge : Théoriquement, les établissements corrigent les anomalies avant de transmettre les données. Toutefois, la règle du PMSI est que l'on ne modifie aucune donnée recueillie, même si l'erreur est flagrante - par exemple, imputer à une patiente un acte concernant une prostate... Nous intégrons le maximum de contrôle dans les outils transmis aux établissements, mais ces contrôles devraient figurer dans les systèmes d'information des établissements ; c'est relativement simple, si ce n'est que 12 000 pathologies sont recensées. Il est plus compliqué d'assurer la cohérence entre les actes et la pathologie déclarée. Aussi avons-nous mis au point un système qui permet de repérer une partie des anomalies, et de les signaler au ministère lorsque les données lui sont transmises.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La codification est bien faite à l'acte, et non en C et en K ?

Mme Maryse Chodorge : Oui.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est votre sentiment sur le rythme de montée en charge de la réforme et sur le calendrier de la convergence public-privé ?

Mme Maryse Chodorge : Tel que le dispositif a été conçu en accord avec les fédérations hospitalières, la convergence tarifaire suppose une méthodologie commune pour l'étude nationale de coût. Nous sommes en train de l'élaborer, car celle qui existe déjà dans le secteur public n'est pas directement applicable au secteur privé, et nous souhaitons y parvenir au terme le plus rapproché possible. La DHOS pilote une étude faite dans le secteur privé. Bien que les établissements qui y participent soient volontaires, on observe qu'ils ne sont pas encore tout à fait au point, et le même constat vaut pour les secteur public, où le PMSI est mis en œuvre depuis dix ans... L'étude de coût est la pierre angulaire des travaux sur la convergence, mais c'est une opération compliquée pour les établissements, pour l'ATIH et pour le ministère. S'agissant du calendrier, la phase de concertation est achevée. La deuxième étape consiste à définir l'affectation des recettes et des dépenses et nous espérons y parvenir d'ici le 15 juin. La troisième étape sera la méthodologie commune, que nous espérons avoir achevé de définir fin juillet, pour une application en fin d'année. Mais il est très difficile de faire une étude de coûts a posteriori.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous un rôle particulier en matière de contrôle ?

Mme Maryse Chodorge : En matière de contrôle externe, oui, puisque nous avons fourni aux établissements les logiciels qui permettent de repérer les atypies. Nous en avons aussi fourni à l'assurance maladie, et je n'entrerai pas dans la polémique selon laquelle les retards constatés dans le démarrage des contrôles nous seraient imputables. Le fait est qu'actuellement on peut repérer les atypies et qu'en tirant au sort un court séjour, on peut remonter jusqu'au dossier du patient. En réalité, la demande nous a été faite un peu tardivement de modifier la plateforme de services qui permet aux contrôleurs nationaux de suivre ce qui se passe au niveau régional.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous un moyen de repérer les dérives, les contournements de procédures, les refus de prise en charge de certaines pathologies ?

Mme Maryse Chodorge : Nous n'avons aucun moyen de repérer les refus de prise en charge à un moment donné, mais on peut suivre l'évolution des prises en charge sur plusieurs années. La prise en charge est très différente dans le secteur privé et dans le secteur public, qui a une vocation beaucoup plus généraliste. Mais nous manquons de recul pour l'instant puisque la première collecte de données a eu lieu en 2004 et qu'elle concernait 10 % seulement de l'activité hospitalière publique. Le Comité d'évaluation est chargé de vérifier que les comportements que vous décrivez ne se produisent pas.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le temps nous manquant pour poursuivre, je vous serais reconnaissant de nous transmettre par écrit vos éventuelles propositions de simplification. Je vous remercie.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu M. Jean Castex, directeur de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) au ministère de la santé et des solidarités, accompagné de M. Patrick Olivier, sous-directeur chargé des affaires financières au pôle « organisation des soins, établissements et financement » de la DHOS, de M. Jean Pinson, adjoint au directeur opérationnel de la Mission T2A au ministère de la santé et des solidarités, et de M. Roland Cash, responsable scientifique de la Mission T2A.

M. Pierre Morange, coprésident : Messieurs, Je vous souhaite la bienvenue, et j'aimerais, pour commencer, savoir quelles réflexions vous inspirent les commentaires du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie.

M. Jean Castex : Lors de ma première audition par votre mission, en mars, j'avais dit que le dépassement de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) hospitalier en 2005 tient pour partie à ce que le volume d'activité en fonction duquel les dépenses avaient été calculées avait été sous-estimé. Il en est résulté un surcroît de dépenses pour l'assurance maladie. Pour l'exercice 2006, l'estimation d'activité a été beaucoup plus réaliste puisque l'on a tablé sur une augmentation de 2,6 %, si bien que les tarifs ont baissé de 1 %. Par ailleurs, certains établissements estimant que leur volume d'activité n'augmenterait pas dans les proportions prévues, le Gouvernement a décidé, pour sécuriser l'exécution en 2006, de constituer des réserves de précaution et de ne pas déléguer en début de campagne l'ensemble des crédits relatifs à la part non tarifaire de l'activité. Cela a conduit certains conseils d'administration à voter des états prévisionnels de recettes et de dépenses (EPRD) en déficit, ce qui a suscité les interrogations du Comité d'alerte. Le ministre réunira en juillet une conférence tarifaire qui statuera au vu de l'activité constatée au cours du premier semestre. Soit l'augmentation prévue aura été dépassée et une nouvelle baisse des tarifs sera nécessaire, soit notre prévision de progression du volume d'activité se sera révélée excessive et l'on pourra envisager d'accroître les tarifs. Enfin, le ministre pourrait décider de "dégeler" les crédits non encore délégués, l'objectif demeurant de respecter l'enveloppe de l'ONDAM hospitalier voté en progression de 3,44 % par le Parlement.

Avant l'introduction de la tarification à l'activité, nous étions dans une enveloppe fermée, si bien qu'il y avait, hors reports de charges, une stricte adéquation avec les réalisations.

M. Pierre Morange, coprésident : À cela près que le rebasage étant systématique, cette « stricte adéquation » me semble assez virtuelle.

M. Jean Castex : Le décalage, rebasage inclus, entre l'ONDAM initialement voté et la réalisation était bien plus raisonnable pour l'hôpital que pour la médecine de ville. C'est en 2005 que la tendance a paru s'inverser, et je comprends que cela fasse désordre. Mais, avec un recul de dix ans, on constate que l'autorisation parlementaire globale a été respectée, et il est même arrivé une ou deux fois que la réalisation soit inférieure à l'autorisation. L'écart s'expliquait par les reports de charge, puisque nous vivions sinon dans un cadre budgétaire fictif du moins dans un cadre qui nous interdisait de présenter un budget en déséquilibre. La commission des comptes de la sécurité sociale, qui se réunira le 8 juin, dira qu'un dépassement significatif a effectivement eu lieu en 2005, mais les comptes des années antérieures montrent la sagesse de la dépense hospitalière au regard des autorisations données et, pour en revenir aux préoccupations exprimées par le Comité d'alerte, notre objectif est bien de respecter l'enveloppe votée.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels sont, à ce jour, 1er juin 2006, les effets de la tarification à l'activité sur les comptes et sur l'exécution de l'ONDAM ?

M. Jean Castex : Je ne peux malheureusement répondre à cette question, car les systèmes d'information ne sont pas assez réactifs pour permettre le suivi mois par mois de l'activité des établissements. Nous aurons les résultats du premier trimestre 2006 dans les tout prochains jours. Il aurait évidemment été préférable de pouvoir en disposer plus tôt, mais étant donné l'hétérogénéité des établissements et la diversité des statuts, ce n'est pas encore le cas. Normalement, le délai de production des comptes va s'accélérer et nous disposerons fin août des résultats du deuxième trimestre. Nous verrons alors si l'effet initial de la tarification à l'activité s'est poursuivi au premier semestre 2006.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Qu'en est-il de l'effet de la tarification à l'activité sur les comptes de 2005 ?

M. Jean Castex : Nous sommes à peu près au clair. Nous nous demandions s'il n'y aurait pas dépassement du rebasage mais finalement il n'en sera rien, ou pour très peu de chose.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En quoi le modèle T2A a-t-il évolué en 2006 ? Sur quoi ont porté les ajustements ?

M. Jean Castex : Il s'agit d'une réforme complexe, faite dans la douleur et en marchant. Nous en sommes toujours aux évolutions, pas encore aux ajustements... La campagne 2006 se caractérise d'abord par la poursuite de l'application de la tarification à l'activité, portée à 35 %. C'est aussi l'année de l'introduction de la dixième version de la classification, qui a une incidence très significative sur les groupes homogènes de séjours (GHS). De nombreux ajustements ont eu lieu en cancérologie et en radiothérapie. Ils ont emporté l'adhésion, mais ceux qui en sont satisfaits sont restés silencieux, au contraire des mécontents, ceux qui ont estimé que les ajustements ne leur étaient pas favorables. Enfin, nous avons poursuivi l'intégration de certains tarifs médicaux dans les GHS, ce qui ne s'est pas fait tout seul. Quand on conduit une réforme de ce type, soit on répond aux attentes des professionnels secteur par secteur, le plus finement possible - et nous sommes déjà passés de 500 à 800 GHS -, soit on adopte une vision plus globale, car le mouvement permanent fait perdre en lisibilité et complique l'ajustement des dépenses à des recettes en évolution incessante. Je crains que trois ou quatre années ne soient encore nécessaires pour stabiliser le modèle avant de pouvoir l'ajuster.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans la communication qu'elle nous a adressée à propos de la mise en œuvre de la tarification à l'activité, la Cour des comptes fait diverses observations. Ses remarques portent sur le pilotage de la réforme ; sur son calendrier, que tout le monde s'accorde à trouver un peu rapide ; sur le rôle des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), et l'on a du mal à comprendre l'importance du rôle qui leur est donné dans le contrôle de la facturation, alors que nombreux sont ceux qui s'interrogent sur l'intérêt de l'échelon régional dans la réforme ; sur les missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI) et les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) ; sur la convergence ; enfin, sur le rôle de l'agence technique de l'information hospitalière (ATIH). À ce sujet, l'Agence, dont la Cour recommande qu'elle devienne le maître d'ouvrage de la gestion du système de paiement prospectif de la T2A, n'est-elle effectivement pour la DHOS qu'un « moulineur de chiffres », ou lui attribuez-vous un rôle d'expertise et d'évaluation ?

M. Jean Castex : On s'est focalisé, à mon sens de manière excessive, sur la question du contrôle des facturations et des séjours. Les contrôles sont indispensables lorsque de l'argent public est en jeu, ils le sont pour assurer la crédibilité du système, ils le sont pour éviter toute tentation d'« optimisations » entendues comme « fraudes ». Mais il avait été prévu, alors que je n'occupais pas encore les fonctions qui sont à présent les miennes, que dans un premier temps les contrôles seraient faits « à blanc », avec une finalité pédagogique, pour que les établissements s'habituent à une réforme que la Cour des comptes qualifie à juste titre de « nécessairement complexe », et parce que la réglementation pouvait parfois être sujette à interprétation, notamment pour les actes « frontières ». La décision politique a donc été que le contrôle coercitif - les décrets portant sanctions et recouvrement de l'indu - viendrait dans un deuxième temps.

Par ailleurs, il a toujours été prévu que les contrôles seraient faits par les médecins conseils de l'assurance maladie, qui ont toutes les compétences requises pour cela. Jamais il n'a été envisagé autre chose. M. le député Gérard Bapt, ici présent, connaît le budget du ministère des affaires sociales et les effectifs des médecins inspecteurs de santé publique, et il sait qu'il aurait été difficile d'avoir des ambitions autres. L'assurance maladie est le bras armé du contrôle, et je rappelle qu'elle participe à part entière à l'activité des ARH. Je ne partage donc pas le point de vue de la Cour des comptes et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), selon lequel nous voulons conduire les contrôles de manière distincte et en dehors des ARH. Le débat sur ce point nous a occupés un certain temps, ce qui explique le retard dans le démarrage des contrôles. Mais la représentation nationale a tranché dans le sens que j'indique lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et dit que les médecins conseils de l'assurance maladie conduisent les contrôles, dont les résultats sont ensuite examinés par la commission exécutive de l'ARH. Les choses sont donc simples et ne prêtent pas à polémique : de par la loi, les ARH, dont l'assurance maladie fait partie, sont les régulateurs régionaux de la politique hospitalière et elles ont un droit de regard sur les contrôles. Le Conseil de l'hospitalisation s'est réuni la semaine dernière, il a constaté que les contrôles s'effectuent, que nous en attendons les résultats et que nous en tirerons les conséquences. Tout cela suit son cours, et j'écrirai aux fédérations pour leur dire ce que nous faisons.

M. Pierre Morange, coprésident : Quand les contrôles commencent-ils ?

M. Jean Castex : Après que des commissions ad hoc ont défini des échantillons par établissements et par thèmes, ils ont démarré partout le 1er février. Je tiens à votre disposition le planning par région, qui fait ressortir le nombre des contrôles et les sites visités.

Le débat relatif au rôle des ARH dans la mise en œuvre de la tarification à l'activité me semble plus important, puisque les tarifs sont fixés au niveau national, et que peu de cas étrangers illustrent le fait que l'on peut avoir des tarifs modulés régionalement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Il y a des coefficients géographiques.

M. Jean Castex : Oui, mais ils sont décidés à Paris.

Toutes les missions des hôpitaux ne sont pas solubles dans la tarification à l'activité, ce qui a conduit à la définition des MIGAC. Le ministre nous a expressément demandé de restituer, au bénéfice des ARH, 170 millions de crédits de l'enveloppe aide à la contractualisation (AC) pour le court séjour. Nous l'avons fait, en liant l'octroi de ces crédits à la réforme, ce qui poussera les établissements « perdants » à se restructurer. Or, les restructurations ne se font pas en un jour car il est compliqué de réunir des sites dispersés ou des plateaux techniques qui font doublons, et la procédure de marchés publics est longue. Il y a donc des coûts transitoires que la tarification à l'activité ne peut supporter. Les crédits AC, en redonnant une marge de manœuvre régionale, permettent d'accompagner les restructurations. Là est le rôle des ARH, ainsi que dans le lien entre schéma régional de l'organisation sanitaire (SROS) et T2A, et dans le contrôle.

S'agissant du pilotage, le paysage institutionnel n'est effectivement pas des plus simples, puisque coexistent la DHOS, qui agit au nom du ministre, l'ATIH, établissement public à caractère administratif, et la Mission T2A, qui n'est pas dotée de la personnalité morale et qui a été créée par la loi pour penser et lancer la réforme. La Cour des comptes dit qu'il faut « réinternaliser » la Mission T2A. Ce serait possible et nécessaire mais, pour l'instant, la situation ne gêne en rien la conduite des opérations, puisque la Mission T2A, intégrée dans la DHOS, travaille main dans la main avec nous, sans aucune incohérence.

L'ATIH n'est pas le concepteur mais plutôt le bras armé qui, en effet, « mouline » des chiffres, et qui a vraiment beaucoup à faire. Il n'est pas dans l'intention du ministre de déléguer la maîtrise d'ouvrage à l'Agence. Nous devons progresser dans la conceptualisation de ce que l'on attend d'elle, ce que nous faisons dans le cadre de l'élaboration de la convention d'objectifs et de moyens, en lui laissant son rôle d'opérateur, le pilotage de la réforme devant demeurer à l'administration centrale.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous ne souhaitez pas confier à l'ATIH des missions d'expertise ou de choix techniques sur les tarifs ?

M. Jean Castex : L'évaluation ne doit dépendre ni de nous, ni de l'ATIH qui rassemble surtout des informaticiens et des statisticiens, mais doit relever d'instances extérieures.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les opérateurs se plaignent du manque de transparence dans le calcul des forfaits et des MIGAC. Quelle réflexion ces remarques vous inspirent-elles ?

M. Jean Castex : Si l'on en croit la Cour des comptes, la concertation avec les organisations professionnelles est indispensable, mais elles sont alors parties prenantes à la réforme, si bien que les pouvoirs publics sont en porte-à-faux, et ce mode de pilotage nuit gravement à la mise en œuvre de la tarification à l'activité. La Cour nous reproche presque de faire trop de concertation, nous reproche presque d'être vendus aux organisations professionnelles. Dans le même temps, j'entends fréquemment les Fédérations dire qu'elles ne sont pas assez informées. J'ai la faiblesse de penser que la vérité est au milieu de ces deux assertions divergentes. Le ministère est très ouvert à la concertation permanente, mais voyez ce qui s'est passé avec les dispositifs médicaux implantables (DMI) : si l'on arrive à un accord global, c'est que la concertation a été bien menée, mais si l'administration n'est pas d'accord, cela signifie que la concertation a été mal faite ! Or, on ne peut être d'accord avec tout le monde. Comme le disent l'Inspection générale des finances (IGF) et la Cour des comptes, nous manquons peut-être de moyens, et peut-être aussi de pédagogie, et sur ce point nous devons sans doute nous améliorer. Mais pour cela, il faut du temps.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : La question de l'expertise revient de manière récurrente dans les propos de nos interlocuteurs. À quel niveau se fait-elle ? Qui doit participer au montage du système ? Peut-on mêler expertise technique et négociation, ou est-ce facteur de dérapages ?

M. Patrick Olivier : Sur le fond, la complexité du système est telle qu'il est illusoire de penser que nous pouvions prévoir toutes les difficultés techniques ; lors de chaque campagne budgétaire nous en découvrons de nouvelles, auxquelles nous apportons des solutions. Pour rassurer les observateurs, je rappelle que les compétences techniques sont présentes à l'ATIH et à la DHOS et qu'elles s'articulent très logiquement pour travailler ensemble, notre objectif étant de permettre à chacun d'exercer sereinement ses responsabilités. Il faut définir le périmètre d'action de l'ATIH. Nous avons commencé de le faire, pour clarifier ce qui est le produit de son action technique et de l'action tarifaire du ministère, pour déterminer où la technique s'arrête et où la décision commence. L'intérêt de l'Agence est aussi de garder sa tranquillité technique, et il nous revient d'assumer la décision.

M. Jean Castex : En Angleterre, l'organisme homologue de l'ATIH rassemble beaucoup plus d'experts. Pour ce qui nous concerne, lorsque nous allons chercher le spécialiste de tel ou tel sujet dans le monde hospitalier pour l'associer à nos travaux, s'agit-il de concertation ou de préparation experte de la décision, sachant que ces personnalités choisies intuitu personae représentent aussi telle ou telle Fédération ? C'est une richesse pour nous, puisque la finalité de la tarification à l'activité est de parvenir à financer les activités le plus finement possible. Peut-être peut-on faire différemment, mais j'aimerais que l'on me démontre en quoi ce processus aboutit à des surcoûts ou à des effets pervers. Si l'on veut changer la donne, il faudra renforcer soit la Mission T2A, soit l'ATIH.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En 2006, les dotations MIGAC ont fortement progressé. Où en êtes-vous sur ce plan, et ne peut-on craindre de voir repris d'une main ce que l'autre a donné ?

M. Jean Castex : C'est une des difficultés de la réforme. Le ministère étant tenu par l'ONDAM hospitalier, il faudra bien que quelque chose baisse si l'on décide d'augmenter les tarifs. Pour leur part, les centres hospitalo-universitaires (CHU) disent qu'il faut augmenter les MERRI, et ils ont de bons arguments en ce sens - mais tout le monde a de bons arguments ! Les tarifs risquent alors d'être la variable d'ajustement. Et si l'on veut faire passer les soins de suite ou de réadaptation (SSR) et la psychiatrie à la tarification à l'activité puisque, étant donné le vieillissement de la population, c'est là que seront les besoins, il faudra augmenter un peu la dotation de ce qui n'est pas le court séjour. Or, d'aucuns ont cru comprendre que le passage à la tarification à l'activité signifiait l'augmentation des moyens affectés aux établissements de santé ; ils ont pu concevoir quelque déception, puisque la T2A, c'est un financement plus juste, mais pas une source de financement supplémentaire. Puisque l'enveloppe est unique, il y a bel et bien un effet de vases communicants.

Le chantier des MIGAC est immense. Ces missions ont fait l'objet d'une liste arrêtée postérieurement au moment où la réforme a été engagée. Nous avons en quelque sorte fait un instantané à partir des comptes administratifs retraités. Ce qui a principalement augmenté, en 2006, c'est la part d'aide à la contractualisation laissée aux ARH, et non les MERRI, ce que les CHU nous reprochent. Mais il existe des différences singulières. Par exemple, le financement des centres anti-poison, qui se fait sur base déclarative, montre des différences de coût spectaculaires. De même, pour ce qui est des MERRI, il existe de grandes disparités selon les CHU, et un rapport resté célèbre a montré qu'il faut un socle forfaitaire et une part de financement variable en fonction des résultats de la recherche. Nous avons donc engagé une série de travaux sur le financement de la recherche universitaire, que nous vous communiquerons. Nous espérons avancer en 2006, sans être certains de pouvoir en tirer déjà des conclusions pour la campagne budgétaire 2007.

M. Roland Cash : Nous travaillons sur un modèle à trois niveaux : un socle fixe sur la base du personnel médical, une part modulable en fonction d'indicateurs de résultats, un niveau variable lié aux appels à projets ou à la contractualisation. La concertation vient de commencer ; l'enquête va partir auprès des établissements et ses résultats seront analysés à l'automne. Peut-être parviendrons-nous à utiliser ces conclusions en 2007, mais plus sûrement en 2008.

M. Jean Castex : Je dois gérer une contradiction. Les grands CHU très chercheurs pensent gagner à la modulation et jugent que la réforme doit être accélérée. D'autres, nombreux, trouvent que nous allons trop vite car il s'agit d'une révolution culturelle qui, pour réussir, demande du temps. Nous avons travaillé sur la base du rapport auquel j'ai fait allusion, et qui avait été très mal vécu par la recherche médicale. Nous avons maintenu le cap, sur une base expertale concertée. Mais que l'on ne me dise pas que les conséquences doivent en être tirées dès la campagne budgétaire 2007, car j'en suis incapable, à moins que l'on ne quadruple nos moyens.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Où en sont l'élaboration de l'échelle de coûts pour le secteur privé et celle de l'échelle commune de coûts ?

M. Jean Castex : L'échelle de coûts pour le secteur privé n'existait pas. Nous avons donc dû en construire une rétrospectivement, et il aurait fallu pouvoir la prendre en compte dans la campagne 2006, mais il y a eu du retard. Faut-il le regretter ? Cela aurait eu une incidence encore plus grande sur les tarifs et, au vu de la volée de bois vert que nous avons reçue pour avoir introduit quelques DMI dans les GHS, j'en suis à me demander s'il est judicieux d'appliquer cette échelle de coûts quand elle sera disponible, en 2007. Faut-il imposer un nouveau changement aux établissements du secteur privé ? C'est une question d'ordre politique.

L'autre débat porte sur la convergence intersectorielle. Pour moi, il est capital de réussir la convergence à l'intérieur des deux secteurs. Je n'ignore pas les échéances que nous a fixées le Parlement, mais je suis heureux que la Cour des comptes, après l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et après le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, ait écrit que des études approfondies étaient encore nécessaires. Elles le sont d'autant plus que l'on touche là à un débat politique et idéologique qui doit être soigneusement éclairé. Nous les avons engagées, et j'ai préparé à votre intention un document qui fait le point sur l'état de notre réflexion. Notre objectif est que toutes les études techniques soient finies - et surtout validées, car il est capital d'obtenir des Fédérations hospitalières un consensus sur le fondement technique - fin 2007, puisque la convergence intersectorielle doit être achevée en 2012 et qu'un objectif intermédiaire a été fixé à 2008.

M. Pierre Morange, coprésident : Peut-être serons-nous amenés à nous revoir, car tout le champ de ce vaste sujet n'a pas été balayé. Je vous remercie.

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