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No 134
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 juillet 2002.
PROPOSITION DE LOI
relative au référendum d'initiative populaire.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par M. André GERIN,
Député.

Elections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Notre pays est une république dont les valeurs sont basées sur la démocratie et la citoyenneté.
Les libertés de penser et d'opinion doivent être accompagnées de la liberté d'expression mais plus encore de participation et de propositions des citoyens.
Le Parlement est composé d'élus qui sont les représentants du peuple. Cela donne à notre démocratie une caractéristique représentative, par délégation.
Le but que nous nous fixons est de faire progresser la société en libérant les capacités et initiatives populaires, ce qui suppose de favoriser la participation active des citoyens à la vie de leur pays, de leur région, de leur commune. Il s'agit de rendre la citoyenneté plus effective par une démocratie à la fois directe et élective.
Pour cela, il faut démocratiser nos institutions et donc permettre aux citoyens, par la voie du référendum d'initiative populaire, de faire des propositions, que ce soit au niveau de la commune, de la région ou de la Nation.
En France, le référendum existe. Il revêt plusieurs formes. Dans l'ensemble, il est peu usité. L'article 11 de la Constitution permet au Président de la République sur proposition du Gouvernement de soumettre un projet de loi dans des domaines bien définis. L'article 89 prévoit également de soumettre au référendum les projets ou propositions de révision de la Constitution si le Président de la République le décide.
Dans le code général des collectivités territoriales, il est prévu deux formes de consultation.
Dans l'article L. 2142-4, les électeurs de la commune peuvent être consultés sur les décisions que les autorités municipales sont appelées à prendre pour régler les affaires de compétence de la commune. La consultation peut ne concerner que les électeurs d'une partie du territoire pour des affaires concernant en particulier cette partie de la commune. Ce type de consultation est provoquée sur proposition du maire et sur demande écrite d'une partie des conseillers municipaux.
L'article L. 2142-3 porte sur le référendum-aménagement. Un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent saisir le conseil municipal en vue de l'organisation d'une consultation sur une opération d'aménagement relevant de la décision des autorités municipales. Dans tous les cas, le conseil municipal délibère sur le principe et les modalités d'organisation de ces consultations qui ne sont que des demandes d'avis.
Le référendum-aménagement est peu utilisé. Au-delà de la complexité de la procédure, il semble que le seuil de 20 % de demandeurs soit trop élevé pour une utilisation fréquente.
D'autres pays permettent à leurs citoyens d'avoir recours plus facilement au référendum tels que la Suisse et les États-Unis.
En France, il est souvent dit que le référendum se transforme souvent en plébiscite pour celui qui l'a promu. Il s'agit d'un faux procès. Le référendum permet au peuple de s'exprimer librement, le plébiscite permet à une personne - plus rarement un groupe - de se légitimer en posant une question qui appelle une réponse positive. Ces consultations sont de natures différentes. En réalité, toutes deux souffrent d'une imperfection. Il s'agit d'une démocratie semi-directe. En effet, rien n'égale la démocratie directe, qui se caractérise par son instantanéité, son immédiateté et son exhaustivité.
Certaines personnes peuvent s'inquiéter d'une dérive possible de notre démocratie pouvant ébranler l'édifice de la République sous l'assaut de réformes issues de propositions fantaisistes, irréalistes ou dangereuses.
Le référendum d'initiative populaire qui est proposé doit avoir des garde-fous.
Ainsi, tout citoyen ou groupe de citoyens peuvent proposer une question ou le texte d'une proposition de loi.
La recevabilité de celles-ci sera contrôlée selon la collectivité concernée par le tribunal administratif ou le maire. Ce dernier sera assisté d'un conseil de citoyens. Les critères porteront sur la cohérence, le champ du territoire concerné et le respect des principes de droit et de la République. Les questions ou propositions de loi peuvent porter sur n'importe quel sujet. Le peuple peut demander un référendum sur une loi votée par le Parlement.
S'il y a un problème de clarté, de compréhension, le tribunal administratif ou le maire proposera une nouvelle rédaction aux initiateurs.
Ensuite, à partir du vote d'électeurs tirés au sort préalablement, ces questions ou propositions seront rejetées ou auront un vote majoritaire.
Sur l'ensemble des questions retenues, une sélection de celles qui auront obtenu le nombre de voix le plus important sera proposée à l'ensemble de la population concernée. Cette étape correspondra au référendum d'initiative populaire à proprement dit.
Ainsi, les habitants de la commune X auront à se prononcer sur huit sujets maximum concernant leur commune. Les habitants et ceux de toute une région auront à se prononcer sur huit sujets maximum concernant la région. Tous les électeurs français auront à se prononcer sur douze sujets maximum concernant notre pays. Les consultations se feront le même jour et le résultat aura force de loi.
Sous le bénéfice de ces dispositions, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI
I. - L'initiative populaire
Article 1er

Tout citoyen inscrit sur les listes électorales a le droit de tenter d'utiliser la procédure référendaire aux niveaux national, régional et communal.

Article 2

Le pétitionnaire devra rédiger sa question qui peut être une proposition de loi en indiquant le champ territorial envisagé pour le référendum. Le champ peut se situer aux niveaux national, régional, interrégional, communal, intercommunal.

Article 3
Si les autorités concernées prennent les dispositions correspondantes au motif d'une proposition de référendum, le pétitionnaire pourra à tout moment de la procédure référendaire retirer sa demande de référendum.II. - La recevabilité des propositions
du référendum d'initiative populaire

Article 4

La proposition de référendum d'initiative populaire est transmise au président du tribunal administratif le plus proche du domicile du pétitionnaire, qui devra statuer sous un mois sur la cohérence du texte, le champ territorial et la conformité aux principes généraux du droit. Il vérifiera si les dispositions proposées n'existent pas déjà dans les textes en vigueur. Il vérifiera, s'il s'agit d'un chantier, s'il n'est pas déjà commencé. La décision devra être motivée.

Article 5

Le pétitionnaire pourra faire appel de la décision pendant quinze jours auprès du Conseil d'Etat.

Article 6

S'il y a un problème de clarté, de compréhension, le tribunal administratif proposera une nouvelle rédaction aux promoteurs en accord avec eux.

A. - La recevabilité
du référendum d'initiative populaire communal

Article 7

La possibilité de référendum d'initiative populaire communal sera transmise au maire qui devra statuer sur la recevabilité sous un mois. Il se fera assister par le conseil des citoyens. Ce conseil est constitué de onze personnes inscrites sur les listes électorales de la commune tirées au sort et ayant accepté cette mission pour deux ans.

Article 8

Le pétitionnaire pourra faire appel de la décision auprès du tribunal administratif qui est le plus proche de son domicile.

Article 9

Le tribunal administratif pourra juger de la recevabilité en dernier ressort pour les propositions de référendum d'initiative populaire communal.

Article 10

Si l'examen de la proposition du référendum démontre qu'il s'agit de dysfonctionnements dans l'application de textes déjà en vigueur, la proposition du référendum sera soumise à l'expertise du médiateur de la République, avec l'accord du pétitionnaire.

III. - La présélection des questions proposées au référendum
Article 11
Les propositions de référendum seront soumises au vote d'un nombre d'électeurs tirés au sort. Ce vote a pour objectif de présélectionner les questions qui seront soumises au référendum à l'ensemble des électeurs concernés. Ce vote devra s'échelonner sur une période maximale de deux mois dans l'année.A. - Les modalités
Article 12

Chaque année, 2 % des personnes inscrites sur les listes électorales sont tirées au sort au niveau national dans les quinze jours qui suivent le référendum d'initiative populaire annuel.
Les personnes devront être réparties entre les 36 000 communes de notre pays, chaque commune ayant au moins un électeur tiré au sort.

Article 13

Chaque année, 2 % des électeurs inscrits sur les listes électorales sont tirées au sort au niveau régional.

Article 14

Pour l'organisation des référendums d'initiative populaire communaux, 25 % des électeurs seront tirés au sort pour les communes de moins de 1000 inscrits.
Pour les communes dont le nombre d'inscrits se situe entre 1 001 et 30 000, 300 personnes seront tirées au sort.
Pour les communes dont le nombre d'inscrits dépasse le nombre de 30 000, 1 % des personnes inscrites sera tiré au sort.

Article 15

Lorsqu'une proposition est jugée recevable, une période d'information de trente jours est ouverte. Elle permet aux différentes parties intéressées d'exposer leur position. Une période de soixante jours est consacrée ensuite pour réunir les signatures ou votes par téléphone aux niveaux communal, régional et plurirégional.

Article 16

Au niveau communal, le maire dispose de quinze jours pour vérifier les signatures.
Au niveau régional et interrégional, ce sont les conseils généraux qui procèdent aux vérifications de signatures.
Au niveau national, c'est également le conseil régional du lieu de résidence des personnes tirées au sort qui contrôle les votes.

Article 17

Les modalités et dates de premiers tirages au sort seront définies par décret.

B. - Les résultats de la présélection
Article 18

Quelle que soit la zone géographique concernée, une proposition de référendum devra recevoir 50 % de votes favorables sous forme de collecte de signatures ou de vote par téléphone des personnes tirées au sort pour qu'elle soit soumise effectivement au vote du référendum d'initiative populaire.
Pour le niveau régional, la proposition de référendum devra obtenir le quorum de 50 % des inscrits sur au moins 50 000 électeurs relevant d'au moins trois cantons appartenant soit à des départements différents en cas de consultation régionale, soit à des régions différentes pour une consultation plurirégionale ou nationale.

IV. - La sélection des questions ou propositions
retenues pour les référendums d'initiative populaire

Article 19

Le référendum d'initiative populaire communal comprendra au maximum huit questions. Si le nombre de questions recevables est supérieur à huit, seuls les huit meilleurs scores seront retenus pour le référendum.

Article 20

Le référendum d'initiative populaire régional ou interrégional comprendra au maximum huit questions.
Trois mois avant le référendum d'initiative populaire, il sera procédé à partir des seize meilleurs scores cantonaux à la sélection de huit questions pour le référendum d'initiative populaire régional.

Article 21

Le référendum d'initiative populaire national comportera au maximum douze questions.
Il sera procédé à partir des vingt-quatre meilleurs scores cantonaux à la sélection de douze questions pour le référendum d'initiative populaire national.

Article 22

Quel que soit le niveau de compétence, un seul référendum non obligatoire peut être organisé par an. Les élections respectent les mêmes garanties que pour toutes les élections.

V. - Les référendums d'initiative populaire
Article 23

Les référendums d'initiative populaire nationaux, régionaux, communaux seront regroupés et proposés au vote de l'ensemble des électeurs entre le 15 avril et le 15 juin de chaque année. Ils peuvent être regroupés avec d'autres élections locales ou nationales.

Article 24

Les différentes modalités d'organisation du référendum, d'information et de campagne électorale ainsi que les modalités de financement seront fixées par décret.

VI. - Les effets et résultats
Article 25

Une question ou proposition de loi devra recevoir 51 % des voix. Pour une proposition nouvelle, elle sera adoptée si elle a obtenu un pourcentage des inscrits supérieur à celui obtenu par l'autorité en place.
Pour une opposition à une décision de l'autorité, il faudra obtenir un pourcentage des inscrits supérieur de 10 % à celui obtenu par l'autorité en place.
Lorsqu'une question porte sur une révision de la Constitution, il faudra qu'elle rassemble le vote positif de 60 % des suffrages exprimés.

Article 26

Les questions ou propositions qui auront reçu la majorité des voix auront force de loi. Elles seront inscrites dans les textes correspondant à leur régime juridique (loi, décrets, arrêtés, règlements...)

Article 27

Un bilan sera fait par le Gouvernement après cinq ans d'application de cette loi.
 
N° 0134 - Proposition de loi relative au référendum d'initiative populaire (M. André Gerin)


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