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No 854

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 mai 2003.

PROPOSITION DE LOI

instituant le 11 novembre comme journée nationale unificatrice de recueillement et de mémoire en souvenir de toutes les victimes des guerres du xxe siècle et des territoires d'opérations extérieures, incluant la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jean-Louis DUMONT,

Député.

Anciens combattants et victimes de guerre.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 5 décembre 2002, les plus hautes autorités de la République ont inauguré le mémorial élevé en l'honneur des combattants d'Afrique du Nord, morts en opération.

Mise en œuvre, en 1999 par M. Jean-Pierre
Masseret, alors secrétaire d'Etat à la Défense chargé des Anciens Combattants au sein du Gouvernement de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sous l'autorité de M. Jacques Chirac, Président de la République, la réalisation de ce mémorial fait suite à la loi n° 99-882 relative à la reconnaissance « des événements » d'Algérie comme « faits de guerre», votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 18 octobre 1999.

Tout comme les cérémonies commémoratives du 19 mars, date anniversaire du cessez-le-feu de 1962, et du 16 octobre, date anniversaire de l'inhumation du Soldat inconnu d'Afrique du Nord à l'ossuaire de Notre-Dame de Lorette depuis 1977, la cérémonie du 5 décembre constitue une étape importante pour le devoir de mémoire relatif à la guerre d'Algérie.

En outre, le 31 mars 2003, le Président de la République a promulgué un décret instituant une Journée nationale d'hommage aux Harkis et aux autres membres des formations supplétives des armées françaises, le 25 septembre de chaque année.

Ainsi, la guerre d'Algérie est enfin reconnue comme une guerre avec son cortège de drames, de morts et de souffrances. Cette reconnaissance officielle d'un moment dramatique de notre histoire, qui a profondément marqué la population de chaque côté de la Méditerranée, permet de mieux comprendre ce qu'ont vécu tous ceux qui en ont été les acteurs directs et doit nécessairement, comme pour les autres guerres du xxe siècle, s'accompagner d'une journée nationale de recueillement et de souvenir. Les appelés, les maintenus, les militaires de carrière, les rapatriés, les harkis, en un mot toutes les populations, qu'elles soient d'origine européenne ou maghrébine, civiles ou militaires, méritent respect et intégration dans la politique de mémoire.

Toutefois, dans notre pays, quarante ans après le cessez-le-feu, la question des modalités de la commémoration de la guerre d'Algérie fait toujours l'objet de discussions passionnées, notamment parmi les associations d'anciens combattants. Ces débats divisent nos concitoyens alors que l'exigence du respect des morts devrait, en dehors de tout clivage, rassembler la communauté nationale pour l'hommage aux victimes de cette période de notre histoire. Dès lors, le devoir de mémoire que la République doit rendre à celles et ceux qui ont souffert pendant et après la guerre d'Algérie implique un rassemblement de la Nation, non seulement pour permettre aux générations futures de ne pas oublier l'histoire de leur pays, mais encore pour montrer que la France l'assume totalement et lucidement.

Il est indispensable que soit délivré aux jeunes générations un message de paix et que soit dénoncée l'absurdité d'affrontements ayant bouleversé à jamais la jeunesse et l'existence de millions d'hommes et de femmes issus d'horizons différents, entraînés dans la spirale d'une guerre de décolonisation et d'indépendance dont ils ont subi toutes les horreurs.

La période de la guerre d'Algérie demeure une grande inconnue pour les enfants. Afin qu'ils puissent connaître les raisons de cette guerre sur cette ancienne colonie française, et puisque quelques-uns de leurs grands-pères ont participé à cette période, le devoir de mémoire doit être maintenu pour les générations futures.

Ce moment participerait d'une dimension pédagogique et citoyenne pour toutes les nouvelles générations. Il s'agit de lutter contre l'oubli, en favorisant chaque année l'ancrage uniforme de la guerre d'Algérie dans la mémoire de notre pays.

Conscient de cette obligation morale à l'égard de celles et de ceux qui ont eu à en souffrir, la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie doit s'accompagner d'un temps de mémoire. Il apparaît en effet nécessaire de rappeler sans cesse les réalités et les conséquences d'une guerre dont on a trop longtemps nié l'existence.

Alors que s'amenuise le nombre des acteurs de la mémoire combattante et que l'histoire connaît une exceptionnelle accélération, la France multiplie les dates commémoratives de son passé. Dans le cadre de la mémoire des guerres et des conflits contemporains, le calendrier national français compte sept journées commémoratives :

· la journée nationale d'hommage aux morts pour la France, fixée chaque 2 novembre ;

· la fête de Jeanne d'Arc, fête du patriotisme, fixée le 11 mai ;

· la commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918, fixée le 11 novembre, journée déclarée fériée et chômée;

· la journée nationale du Souvenir des victimes et des héros de la déportation, fixée le dernier dimanche du mois d'avril;

· la commémoration de la victoire du 8 mai 1945, fixée le 8 mai, journée fériée et chômée;

· la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France, fixée le 16 juillet lorsque c'est un dimanche, ou le dimanche suivant;

· la journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives, fixée le 25 septembre de chaque année.

Cet émiettement commémoratif rend encore plus inadmissible l'absence d'une journée commémorative pour la fin de la guerre d'Algérie.

L'absence d'unanimité autour du choix d'une date ne saurait justifier le désengagement de l'Etat dans l'hommage nécessaire à rendre à tous les jeunes Français qui ont placé l'intérêt collectif de la Nation au-dessus de leur intérêt personnel, dans les décennies 1950 et 1960. Il en est de même pour les décennies 1980 et 1990.

Tout en conservant les cérémonies commémoratives du 19 mars, du 16 octobre et du 5 décembre pour ceux qui le souhaitent, ces trois dates étant l'occasion pour les anciens combattants de rendre un hommage solennel à leurs frères d'armes, il importe maintenant de rassembler la Nation sur une date unique et unificatrice, afin de célébrer collectivement le devoir de mémoire que la République doit rendre à celles et ceux, civils et militaires, qui ont souffert lors de la guerre d'Indochine, lors de la guerre d'Algérie et lors des conflits locaux (Liban, Koweït, ex-Yougoslavie-Kosovo...).

Ainsi, chargée d'histoire et forte d'une reconnaissance citoyenne et patriotique, la journée du 11 novembre permet de dépasser les mémoires antagonistes pour que le «plus jamais ça» puisse s'appliquer à toutes les guerres de notre histoire moderne, et qu'il reste gravé dans l'esprit des générations de demain, en y incluant la guerre d'Algérie et toutes les générations du feu, y compris les victimes dans les missions de paix.

Il ne s'agit pas de sanctuariser une date mais bien plus l'histoire, en montrant que la France assume totalement et lucidement celle qui lui est propre, afin de permettre à la Nation de rendre l'hommage dû à toutes les victimes civiles et militaires des guerres qui marquent notre xxe siècle.

En cette première décennie du xxie siècle, il apparaît possible et souhaitable de regrouper le calendrier commémoratif français autour de trois grandes dates :

· le 14 juillet, fête de la République, journée de rassemblement de tous les Français autour de leur identité nationale;

· le 8 mai, chute du nazisme, glorification des Droits de l'homme et nécessaire vigilance envers les totalitarismes;

· le 11 novembre, journée de mémoire combattante pour l'ensemble des générations du feu (la Première et la Seconde Guerre mondiale, les guerres de décolonisation, les interventions extérieures de la France depuis 1964).

Sortons de l'impasse sur la guerre d'Algérie et orientons-nous vers une journée de commémoration nationale, fériée et chômée, le 11 novembre.

Aussi, nous vous demandons de bien vouloir accepter la présente proposition de loi ayant pour objet le respect des morts pour la France.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Trois journées nationales, fériées et chômées, sont inscrites dans le calendrier commémoratif français :

· le 14 juillet, fête de la République, journée de rassemblement de tous les Français autour de leur identité nationale ;

· le 8 mai, chute du nazisme, glorification des Droits de l'homme et nécessaire vigilance envers les totalitarismes ;

· le 11 novembre, journée de la mémoire combattante pour l'ensemble des générations du feu incluant la guerre d'Algérie et les victimes dans les missions de paix.

Article 2

Les autorités de l'Etat sont chargées de mobiliser l'ensemble de la population, toutes générations confondues, à l'occasion de ces trois journées commémoratives.

Article 3

Les autorités de l'Etat, les représentants du Parlement et des collectivités locales et territoriales participeront aux cérémonies commémoratives des 19 mars, 16 octobre et 5 décembre, en mémoire des anciens combattants d'Afrique du Nord. L'organisation des cérémonies est laissée à l'appréciation des associations et des collectivités locales.Il en sera de même pour les journées nationales consacrées :

- au Souvenir des victimes et des héros de la déportation, le dernier dimanche du mois d'avril;

- à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France, le 16 juillet lorsque c'est un dimanche ou le dimanche suivant;

- à l'hommage aux harkis et aux autres membres des formations supplétives, le 25 septembre de chaque année.

N° 0854 - Proposition de loi   instituant le 11 novembre comme journée nationale unificatrice de recueillement et de mémoire en souvenir de toutes les victimes des guerres du XXe siècle (M. Jean-Louis Dumont)


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