Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

 

N° 1227

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2003.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire le port apparent de signes religieux, politiques
ou philosophiques à l’école.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Marc AYRAULT, François HOLLANDE, Laurent FABIUS, Jean GLAVANY, RenÉ DOSIÈRE, Jack LANG, Mme Patricia ADAM, MM. Christian BATAILLE, Jean-Pierre BLAZY, Mmes Martine DAVID, Elisabeth GUIGOU, M. Christophe MASSE

Education - Recherche - Jeunesse - Sport.

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Alors que la laïcité s’est imposée à tous comme principe juridique, les agressions au pacte laïc deviennent manifestes. Dans le système éducatif, notamment, les dérives communautaires sont bien réelles : demandes de dispense de certains enseignements, signes religieux, refus de la mixité...

La jurisprudence du conseil d’Etat depuis l’avis du 27 novembre 1989 a eu le mérite de rechercher un équilibre entre liberté d’expression et neutralité du service public. Mais elle ne suffit plus. Le corps enseignant et les chefs d’établissement sont livrés à eux-mêmes face à la montée du prosélytisme dans les enceintes scolaires. Il importe de leur apporter un appui concret dans la défense de la laïcité.

La clarification est à l’évidence devenue indispensable car l’école est un lieu de neutralité au cœur de notre pacte républicain qui doit protéger tous ceux qui la fréquentent.

C’est pourquoi, la présente proposition de loi a pour objet d’introduire une disposition législative brève et claire posant le principe de l’interdiction du port apparent de signes religieux, politiques ou philosophiques au sein de l’école publique.

Cette loi apportera aux chefs d’établissement et aux équipes pédagogiques un cadre juridique incontestable face au trouble suscité par la montée du communautarisme.

Ce trouble touche toute la société, et pas seulement l’école qui est au centre de notre « creuset laïc ». Il est assurément dû au fait que la laïcité vit une ère nouvelle : après la séparation entre les Eglises et l’Etat (avec la loi de 1905 que nous devons commémorer comme elle le mérite dans un an et demi), alors que la « question scolaire » est aujourd’hui pacifiée, vient une nouvelle période caractérisée par un pluralisme religieux plus diversifié.

Tous les ingrédients sont réunis pour favoriser la confusion du débat et son caractère passionnel qu’il s’agisse de la place de la religion dans la société ou de l’égalité entre les hommes et les femmes. La rationalité, la lucidité et la sérénité sont donc plus que jamais nécessaires.

Il convient donc de réaffirmer le principe de laïcité en tant que partie intégrante des valeurs républicaines. En effet, la laïcité est liberté et, notamment, protection d’une liberté individuelle fondamentale : la liberté de conscience. Elle donne les mêmes droits et les mêmes devoirs à toutes les religions. La laïcité est aussi égalité et fraternité, la solution pour vivre ensemble dans le respect de nos différences. La laïcité est au cœur du vivre ensemble dans la République.

C’est pourquoi, la laïcité ramène à la question centrale de l’intégration qui passe par la réaffirmation du modèle républicain et par la mise en œuvre de politiques de lutte contre toutes les discriminations. Car, ce qui menace la laïcité, ce sont bien sûr les intégrismes religieux ou autres, mais c’est tout autant la situation d’exclusion économique, sociale, culturelle qui touche des couches entières de la population victimes de fait d’une ségrégation inacceptable.

C’est dire que le combat laïc est plus que jamais d’actualité. Il est donc urgent de lutter contre le communautarisme par la réhabilitation du modèle républicain et laïc d’intégration.

Toutes les religions doivent être respectées. Toutes les formes d’intégrisme doivent être combattues car il est inacceptable que soient remis en cause les fondements de la République, l’émancipation par le libre-arbitre, le refus de toute discrimination et la recherche obstinée de l’égalité et particulièrement de l’égalité entre les hommes et les femmes.

C’est pourquoi, un principe doit être affirmé : la laïcité, principe républicain majeur, ne saurait être altérée ; elle doit être appliquée aussi fermement que sereinement, ce qui veut dire que son affirmation ramène à la nécessité de l’ordre public et de l’autorité indispensable à son respect.

Cela concerne d’abord l’ensemble des services publics où la neutralité doit être strictement préservée. A cet égard, des lois existent intégrées dans les codes des différentes fonctions publiques et le juge garantit le respect de celles-ci.

Cela vaut ensuite pour le port des signes religieux, politiques ou philosophiques à l’école. Il n’existe pas de loi en la matière, l’avis du Conseil d’Etat de 1989 constituant la seule référence juridique, laquelle s’avère aujourd’hui insuffisante.

Cette proposition de loi traduit notre solidarité envers les équipes éducatives soucieuses de rendre effective la laïcité par le dialogue, la pédagogie et la conviction.

Ce débat est profondément politique au sens le plus noble du terme. C’est en effet par le combat laïc que nous pourrons dépasser le trouble engendré par le port du voile dans les établissements scolaires. Un combat qui exige la mobilisation de tous pour la reconquête de la citoyenneté républicaine.

Aussi, cette proposition de loi ne suffira pas à réinscrire le principe de laïcité au cœur de l’institution scolaire si elle n’est pas accompagnée simultanément des mesures visant à améliorer la connaissance des principes liés à la notion de laïcité :

—Enseignement de la laïcité dans les écoles, collèges et lycées, car il est inacceptable que plus de deux enfants sur trois qui sortent du système éducatif soient incapables de la définir ;

—Inscription de la laïcité comme matière obligatoire dans les programmes des IUFM, car il est inacceptable qu’elle ne fasse aujourd’hui l’objet que de modules facultatifs et parfois abandonnés en cours d’année ;

—Affirmation de la laïcité par un engagement solennel à l’occasion de chaque rendez-vous civil, en particulier lors de l’accès à la majorité ou à la nationalité française.

Enfin, une Charte de la laïcité définissant un équilibre entre droits et devoirs citoyens, rappelant les règles communes dans l’ensemble de l’espace public et développant un guide de la citoyenneté doit être mise en œuvre.

C’est dans le cadre de ce dispositif de combat politique plaçant la laïcité comme valeur centrale dans l’organisation de la société, et dans ce cadre seulement, qu’une loi peut être utile pour réaffirmer la nécessité du respect de la règle commune comme la fermeté que celui-ci exige. Sans ce dispositif, sans ce combat politique, une loi serait partielle et partiale et une manière de se débarrasser du problème.

La présente proposition de loi a donc pour objet d’interdire clairement le port apparent de tout signe religieux, politique ou philosophique dans les écoles, collèges et lycées publics.

L’article 1er pose le principe de l’interdiction du port apparent de signes religieux, politiques ou philosophiques. Ne seront donc plus seulement prohibés les signes « ostentatoires » mais les signes qui se présentent immédiatement à la vue. Ce critère objectif permettra une application plus aisée de la règle par les chefs d’établissements.

Par ailleurs, l’extension de l’interdiction au port de signes politiques ou philosophiques permet de viser d’autres comportements également perturbateurs et contraires à la neutralité qui s’impose dans l’espace scolaire.

L’interdiction s’applique aux établissements d’enseignement publics qu’il s’agisse d’enseignement primaire ou secondaire. Les établissements privés sous contrat ne sont pas visés compte tenu de leur caractère propre reconnu par le Conseil constitutionnel.

Ce port apparent de signes est interdit non seulement dans l’enceinte des établissements mais également lors des activités qui sont organisées à l’extérieur : apprentissage de la natation, visites de monuments historiques, classes de découverte, de neige, de mer, etc...

L’article 2 permet d’introduire la souplesse nécessaire à la mise en œuvre du principe d’interdiction posé par l’article 1er. Le règlement intérieur des établissements définira les modalités d’application à l’égard des élèves et des visiteurs. Pour les personnels, ce sont les formations disciplinaires dont ils relèvent qui mettront en œuvre ce principe.

Cet article instaure, préalablement à la sanction, une phase de médiation car l’Ecole de la République a vocation à intégrer et non pas à exclure. La sanction ne pourra donc intervenir qu’une fois achevé le temps du dialogue, de l’explication, de la pédagogie et de la conviction.

Compte tenu de leur régime spécifique, les dispositions de cette proposition de loi n’ont pas lieu de s’appliquer aux départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

Tel est le contenu de la proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le port apparent de signes religieux, politiques ou philosophiques est interdit dans l’enceinte des établissements publics d’enseignement ainsi que dans toutes les activités extérieures organisées par eux.

Article 2

Le règlement intérieur, à l’égard des élèves ou visiteurs, ou les formations disciplinaires dont ils relèvent, à l’égard des personnels, mettent en œuvre la règle énoncée à l’article précédent.

Sauf en cas de récidive, aucune procédure de sanction ne peut être engagée sans que le chef d’établissement ait, par la voie de la médiation, dans un délai suffisant, invité l’intéressé à se conformer à la règle.

Composé et imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE

11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0.75 €

ISBN : 2-11-118113-7

ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale

4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

 _______________

N° 1227 – Proposition de loi : interdire le port apparent de signes religieux, politiques ou philosophiques à l'école (M. Jean-Marc Ayrault)

1 () Ce groupe est composé de : Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

2 ()MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.


© Assemblée nationale