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N° 1657

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à modifier l'article 26
de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945
relative aux
conditions d'entrée et de séjour
des étrangers
en France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jacques MYARD

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La liberté d'aller et venir des étrangers et les limites qui lui sont apportées, à travers les dispositions régissant notamment les mesures d'éloignement du territoire français à l'encontre des étrangers qui commettent certaines infractions, sont fixées par l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Le législateur n'a cessé à travers une modification de la législation depuis 1991 de rechercher un équilibre entre la liberté individuelle des étrangers en considérant en particulier la force du lien de rattachement avec la France et les exigences de l'ordre public.

La loi du 26 novembre 2003 sur la maîtrise de l'immigration, à son article 26, a renforcé la protection contre les mesures d'éloignement dont bénéficient certaines catégories d'étrangers, en raison de leur statut et la force du lien avec la France, en conférant à cette protection un caractère quasi absolu. En dérogation aux critères énoncés, l'article 26 établit une liste ciblée d'infractions permettant cependant l'expulsion des étrangers, au nombre de trois : espionnage, terrorisme, appel à la haine et à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes.

Mais cet équilibre délicat entre le souci de protéger les étrangers ayant des liens forts avec notre pays et l'impératif de l'ordre public semble rompu au détriment de cette dernière exigence. La montée des communautarismes radicaux, en particulier d'un islamisme extrémiste qui prône une idéologie contraire aux droits de l'Homme et au système de valeurs auxquelles se réfère la République ébranlent le fragile dispositif législatif mis en place en 2003.

Il faut tenir compte, en effet, des réalités de notre environnement international avec la présence sur le sol français d'individus qui utilisent tous les moyens offerts par les technologies de l'information pour diffuser leur propagande et mener des actions directement contraires à l'ordre public français.

La législation actuelle sur l'immigration en matière d'expulsion, empreinte d'une générosité naïve, se révèle inadaptée face à des individus dangereux qui profitent des failles de la législation pour leurs menées subversives. Elle encourage des étrangers à poursuivre des activités et des façons d'agir contraires aux valeurs de la France en se sentant protégés de toute sanction véritablement dissuasive : l'éloignement du territoire. Elle accorde une quasi-impunité à des individus qui savent qu'ils ne pourront être bannis de France et qui utilisent notre pays comme base arrière de leur propagande. L'affaire de l'imam de Venissieux illustre la paralysie de l'Etat dans ce domaine régalien par essence et l'inadéquation de la loi.

Il importe en conséquence de modifier le champ des exceptions qui justifient une expulsion, en faisant référence aux atteintes à l'ordre public, et en incluant les discriminations à raison du sexe des personnes à côté des atteintes à raison de la religion ou de l'origine des personnes.

Il convient, en premier lieu, de réintroduire la menace grave à l'ordre public qui permet au juge d'adapter la sanction à la gravité du trouble porté contre la France. Les pratiques du juge doivent pouvoir s'appuyer sur un texte de loi moins limitatif et plus large, et pour cela, faire prévaloir la notion d'ordre public, qui est très bien définie par la jurisprudence administrative.

En second lieu, les infractions énumérées à la suite de la mention de l'ordre public qui précisent - sans réduire sa portée - le périmètre de l'ordre public, doivent inclure les discriminations de nature sexuelle, l'égalité entre les sexes, l'égale dignité de l'homme et de la femme étant reconnues comme un principe fondamental de notre société. L'énumération de ces infractions, non exhaustive, est englobée dans la notion d'ordre public qu'il revient au juge d'interpréter dans la tradition de notre droit.

L'Etat doit être en mesure d'expulser les individus qui agissent contre l'ordre public français, sous le contrôle de la juridiction. La modification de l'article 26 de l'Ordonnance du 2 novembre 1945 est nécessaire pour que l'Etat recouvre son autorité, sous le contrôle étroit du juge, en matière d'expulsion des étrangers.

Tel est l'objet de la proposition de loi que je vous prie, Mesdames, Messieurs de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le premier alinéa du I de l'article 26 de l'Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est ainsi rédigé :

« Sauf en cas de comportements de nature à constituer une menace grave à l'ordre public, à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine, de la religion ou du sexe des personnes, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25 : »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118403-9
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1657 - Proposition de loi visant à modifier l'article 26 de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (M. Jacques Myard)


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