Version PDF
Retour vers le dossier législatif

 

N° 1958

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er décembre 2004.

PROPOSITION DE LOI

tendant à réformer la procédure en urgence d'hospitalisation
à
la demande d'un tiers,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Philippe VUILQUE, Pascal TERRASSE, Mme Patricia ADAM, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Claude BARTOLONE, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Augustin BONREPAUX, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, M. Thierry CARCENAC, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, M. Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Odette DURIEZ, MM. Henri EMMANUELLI, Albert FACON, Jacques FLOCH, Michel FRANÇAIX, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Joël GIRAUD, Alain GOURIOU, Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Armand JUNG, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jean LAUNAY, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean LE GARREC, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Bruno LE ROUX, Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU,
MM. Bernard MADRELLE, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Didier MIGAUD,
Mme Hélène MIGNON, M. Jean-Claude PEREZ, Mme Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, M. Paul QUILÈS, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mme Odile SAUGUES, MM. Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation a été codifiée aux articles L. 3212-1 et suivants du code de la santé publique relatifs à l'hospitalisation sur demande d'un tiers (HDT).

Les conditions légales de l'hospitalisation d'une personne atteinte de troubles mentaux sans son consentement et à la demande d'un tiers sont très strictes. Pour l'essentiel, les troubles doivent rendre impossible le consentement de la personne internée ; son état doit imposer des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier ; la demande d'admission doit être présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement d'accueil ; la demande d'admission doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule et comporter des mentions légales ; elle doit être accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, dont l'un ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade. Le directeur de l'établissement vérifie le respect de ces conditions. A titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l'établissement peut prononcer, selon l'article L. 3212-3 CSP, l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant éventuellement d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil.

Ces conditions drastiques sont appliquées strictement par la jurisprudence administrative (par exemple, CE, 3 décembre 2003, req ; n° 244867, à propos du lien personnel ; CAA Paris, 31 décembre 2003 N° 00PA01108, sur la régularité de la procédure d'admission ; CAA Paris, 8 décembre 2003 N° 99PA03055, sur la mise en œuvre de la procédure d'urgence).

La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, notamment son article 19, a contribué à renforcer les droits des personnes hospitalisées sous contrainte (sur ordre du préfet ou à la demande d'un tiers). La nécessité de soins et la gravité des troubles causés à l'ordre public conditionnent désormais les mesures d'hospitalisation. Le rôle des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques est renforcé avec l'obligation de présence d'un médecin généraliste et de représentants d'associations agréées respectivement de personnes malades et de familles de personnes atteintes de troubles mentaux.

Dans ce contexte juridique, un intense lobbying a été mené par la Commission des citoyens pour les droits de l'homme, officine de l'Eglise de scientologie, mouvement classé parmi les sectes dangereuses dans le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale en 1995. Ce travail de pression a connu un certain succès. En 2003, une vingtaine de députés ont donné un écho au courrier de la CCDH qui dénonçait la hausse des HDT. En janvier 2004, elle a élaboré un rapport, envoyé aux parlementaires, sur ce qu'elle qualifie de « dérive des internements psychiatriques sous contrainte ». Ce sujet a aussi fait l'objet d'une proposition de loi n° 1261 du 27 novembre 2003 de M. Dominique Paillé et d'une proposition de résolution n° 1459 du 25 février 2004 tendant à la création d'une commission d'enquête sur la progression du nombre d'internements psychiatriques en France de M. Georges Hage.

S'il est indéniable que les droits de l'homme doivent être préservés, les déboires psychiatriques du fondateur de l'Eglise de scientologie dans les années 1950 ne doivent pas être l'occasion d'une mise en jeu inconsidérée de la responsabilité des directeurs d'établissements de santé mentale. En effet, dans la pratique, des cas de pressions et d'engagements de procédures juridictionnelles (et notamment pénales) exercées sur des médecins et directeurs d'hôpitaux ont été rapportés au groupe d'études sur les sectes de l'Assemblée nationale.

L'article 1er propose ainsi de compléter l'article L. 3212-3 du code de la santé publique stipulant qu'«  à titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l'établissement peut prononcer l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant éventuellement d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil », en précisant que le directeur de l'établissement devra en informer « immédiatement » et « par tout moyen, le Procureur de la République et le représentant de l'Etat dans le département. » Par ailleurs, comme prévu à l'article L. 3212-4 du même code, il est inséré dans cet article la nécessité de formaliser la situation dans un délai de 24 heures.

Il vise également à préciser dans l'article L. 3212-3 du code de la santé publique que « l'admission sans consentement ne peut être justifiée dans l'urgence qu'à condition qu'elle soit le seul et l'unique moyen de nature à préserver la santé du malade ».

Les difficultés d'application des textes relatifs à l'hospitalisation sur demande d'un tiers nécessitent alors que le code de la santé publique soit complété pour mieux encadrer les situations d'hospitalisations sur demande d'un tiers en urgence, pour protéger la personne hospitalisée mais aussi le directeur de l'établissement. Dans l'attente d'une réforme plus globale de la loi de 1990 souhaitée par l'Association des établissements gérant des secteurs de santé mentale (ADESM), nous avons l'honneur de demander à la représentation nationale que le code de la santé publique soit complété pour prémunir les directeurs d'établissements contre les procédures juridictionnelles intempestives.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L'article L. 3212-3 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans cette hypothèse, et dans l'attente d'une formalisation de l'hospitalisation à la demande d'un tiers dans les conditions prévues à l'article L. 3212-1, il en informe immédiatement, par tout moyen, le procureur de la République et le représentant de l'Etat dans le département. Cette formalisation ne peut intervenir au-delà d'un délai de 24 heures.

« L'admission sans consentement ne peut être justifiée dans l'urgence qu'à condition qu'elle soit le seul et unique moyen de nature à préserver la santé du malade. »

Article 2

Le Parlement contrôle l'application de la présente loi. Le gouvernement remet un rapport annuel au Parlement sur les conditions et le nombre des hospitalisations sur demande d'un tiers.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118880-8
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

------------------

N° 1958 - Proposition de loi tendant à réformer la procédure en urgence d'hospitalisation à la demande d'un tiers (M. Philippe Vuilque)

1 () Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit,
MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM.  Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

2 () MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.


© Assemblée nationale