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N° 2044

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 janvier 2005.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les
conséquences sanitaires, sociales, économiques
et
juridiques de l'exposition des personnes à l'amiante
et sur les
conditions d'une meilleure prévention
de
l'ensemble des questions de santé publique
liées aux risques industriels et aux pollutions industrielles,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Marc AYRAULT, Patrick ROY, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Alain NÉRI, Jean MICHEL, Gérard BAPT, Alain CLAEYS, Michel DELEBARRE

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

Députés.

12

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'amiante devrait être à l'origine de 50 000 à 60 000 décès dans les 20 prochaines années, selon une étude réalisée par l'Inserm en 1997, chiffres auxquels il convient d'ajouter celui du nombre des victimes de pathologies liées à l'amiante qui, sans être mortelles, créent d'importants préjudices pour les personnes affectées. L'amiante représente aujourd'hui un des plus grands drames de santé au travail.

De nombreuses personnes et leur famille sont concernées. Le troisième rapport d'activité du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA, cf. intra) souligne que le nombre de dossiers déposés au FIVA sur l'année 2005 devrait atteindre 10 000.

A partir de 1976, les pouvoirs publics ont pris certaines mesures : un décret du 17 août 1977 a limité la concentration de l'atmosphère en fibres d'amiante et un autre du 20 mars 1978 a totalement interdit l'usage de l'amiante bleue.

Sont parus en 1996 plusieurs décrets qui ont consacré la fin de l'utilisation de ce matériau dans les immeubles bâtis, sur les lieux de travail. Les décrets du 7 février 1996 organisent la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis et édictent des règles pour protéger les travailleurs contre les risques liés à l'inhalation de poussière d'amiante.

Le décret du 24 décembre de la même année pose une interdiction générale de l'importation, de la fabrication, de la mise sur le marché de toutes variétés de fibres d'amiante incorporées ou non dans des matériaux, produits ou dispositifs sauf exceptions « à titre exceptionnel et temporaire ». Un arrêté d'application fixe la liste d'exceptions à l'interdiction de l'usage de l'amiante à compter du 1er janvier 1997. Le dernier arrêté, daté du 12 juillet 2000, concerne en particulier les produits de friction et les dispositifs d'isolation thermique utilisés dans les aéronefs.

La réglementation de l'usage de l'amiante et la mise en œuvre de dispositifs de protection de travailleurs de l'amiante ont été tardives. Le Conseil d'Etat a confirmé dans plusieurs décisions du 3 mars 2004 la condamnation de l'Etat pour sa carence dans la prévention des risques liés à l'exposition aux poussières d'amiante.

Par ailleurs, il a été acté que la responsabilité de l'employeur pouvait être mise en cause pour avoir exposé ses salariés à l'amiante sans protection suffisante. Dans plusieurs arrêts du 28 février 2002, la Chambre sociale de la Cour de Cassation indique que « l'employeur est tenu envers [son salarié] d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ». Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable de l'employeur.

C'est grâce à l'action du gouvernement de Lionel Jospin qu'ont vu le jour le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) en 1999 et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) en 2001.

En effet, l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 a créé le Fonds d'indemnisation des victimes d'une exposition à l'amiante (FIVA). Jusqu'à la création de ce fonds, les victimes devaient se lancer dans des procédures longues, coûteuses et aux résultats incertains. Même si des procédures judiciaires sont bien évidemment toujours possibles, la création de ce fonds a été une avancée dans la réparation des préjudices subis par les victimes. Au total, depuis sa mise en place, le FIVA a reçu près de 15 000 dossiers et a présenté environ 8 400 offres d'indemnisation. 6 240 offres ont été payées aux victimes ou ayants droit.

La majorité de l'époque a prévu que le financement du FIVA repose sur une contribution de l'Etat et sur une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale. On ne peut que s'inquiéter aujourd'hui de l'avenir de ce fonds avec la complète disparition pour 2005 de la part de l'Etat.

L'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé un dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour les salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante. Ce dispositif a été élargi par l'article 36 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 au profit des salariés des secteurs du flocage et du calorifugeage à l'amiante, de la construction et de la réparation navale ainsi qu'aux dockers professionnels ayant manipulé des sacs d'amiante. L'article 150 de la loi de finances pour 2002 a mis en œuvre un dispositif de cessation d'activité dans le cadre du régime spécial de sécurité sociale des marins. Le nombre d'allocataires atteignait près de 11 000 personnes au deuxième trimestre 2002.

Enfin, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a permis aux victimes et à leurs ayants droit qui contestent une décision du FIVA devant la cour d'appel, de se faire assister ou représenter par leur « conjoint, un ascendant ou un descendant en ligne directe, un avocat ou un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus représentatives ». Cette loi a, par ailleurs, été une grande avancée en ouvrant l'accès direct du malade ou de ses ayants droit à son dossier médical.

En dépit de ces avancées, force est de constater aujourd'hui que de nombreux problèmes subsistent quant au niveau des indemnisations, à l'avenir de cette indemnisation et du dispositif de retraite anticipée, à l'information réelle qui est donnée aux personnes malades et à leur famille, à la délicate question des entreprises qui utilisent de l'amiante et exportent leur activité vers des pays moins regardants...

L'ensemble des associations en appellent au législateur pour combler les lacunes juridiques existantes en faveur des victimes de l'amiante et de leurs ayants droit, voire des personnes qui, dans l'avenir seront amenées à connaître des problèmes liés à l'amiante dans le cadre de leur travail ou de leur environnement. Se pose également avec acuité la question de l'avenir du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante avec le désengagement de l'Etat dans le cadre de la loi de finances pour 2005.

Une commission d'enquête permettrait de faire le point sur ces questions.

Par ailleurs, le groupe socialiste souhaite que cette commission d'enquête aille plus loin afin de faire un bilan des problèmes sanitaires liés à l'activité industrielle et de faire des propositions pour améliorer la sécurité sanitaire dans notre pays. Alors que le ministre délégué aux relations du travail a annoncé la création d'une agence publique de la santé au travail, agence réclamée par les députés socialistes en particulier lors de la loi de santé publique, il convient de voir la réalité et les moyens de cette future structure alors que nous sommes toujours dans l'attente du plan Santé et travail, sans cesse repoussé par le gouvernement.

C'est pourquoi une commission d'enquête parlementaire doit être créée afin d'examiner dans quelles conditions des réponses nouvelles peuvent être apportées par le législateur à un problème humainement très difficile et, d'aller plus loin afin de faire un bilan des problèmes sanitaires liés à l'activité industrielle et de faire des propositions pour améliorer la sécurité sanitaire dans notre pays.

Pour toutes ces raisons, nous vous prions de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, est créée une commission d'enquête de trente membres sur les conséquences sanitaires, sociales, économiques et juridiques de l'exposition des personnes à l'amiante et sur les conditions d'une meilleure prévention de l'ensemble des questions de santé publique liés aux risques industriels et aux pollutions industrielles.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118940-5
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2044 - Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales, économiques et juridiques de l'exposition des personnes à l'amiante (M. Jean-Marc Ayrault)

1 () Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit,
MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM.  Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

2 () MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.


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