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N° 2091

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 février 2005.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les
facteurs risques et les conséquences juridiques
sanitaires, politiques, sociales et économiques
de l'
exposition professionnelle à l'amiante,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jean LEMIÈRE, Jean-Yves COUSIN, Charles COVA, Jean-Pierre DECOOL, Patrick DELNATTE, Mme Cécile GALLEZ, MM. Guy GEOFFROY, François-Michel GONNOT, Mme Marguerite LAMOUR, MM. Christophe PRIOU, Mme Marcelle RAMONET, MM. Philippe VITEL et Gérard WEBER

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'amiante est une roche fibreuse naturelle utilisée pour l'isolation des logements, dans de nombreux appareils ménagers et dans un grand nombre d'activités industrielles. Sa toxicité est suspectée depuis 1913 et l'asbestose est inscrite depuis 1950 au tableau des 30 maladies professionnelles du code de la sécurité sociale. Ce n'est que dans les années 50 que le lien de causalité entre l'exposition à l'amiante et le cancer a été établi.

L'amiante et les dommages qu'elle occasionne augurent certainement de l'une des plus importantes catastrophes sanitaires que le pays ait connues. De nombreux secteurs, en particulier industriel, sont directement concernés par le problème de l'amiante, tels que le secteur de la construction automobile et de la construction navale.

Une étude réalisée par l'Inserm en 1997 a révélé que l'amiante devrait être à l'origine de 50 000 à 60 000 décès dans les vingt prochaines années, chiffres auxquels il convient d'ajouter celui du nombre des victimes de pathologies liées à l'amiante qui, sans être mortelles, créent d'importants préjudices pour les personnes affectées.

Ces perspectives sont extrêmement préoccupantes et méritent une attention particulière, tout comme elles appellent des réponses.

Diverses réglementations existent d'ores et déjà.

Les premières réglementations relatives à l'usage de l'amiante ont fait leur apparition à la fin des années 70. Le décret n° 77-949 du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante a marqué le début du contrôle sanitaire précis de l'exposition des travailleurs à l'amiante. La concentration des fibres d'amiante à laquelle les travailleurs peuvent être exposés est réduite dix ans plus tard dans le décret n° 87-232 du 27 mars 1987 modifiant le décret du 17 août 1977. Un décret n° 92-634 du 6 juillet 1992 organise le retrait de l'amiante.

Plusieurs décrets de 1996 ont consacré la fin de l'utilisation de ce matériau dans les immeubles bâtis, sur les lieux de travail. Ils ont interdit de façon générale l'importation, la fabrication, la mise sur le marché de toutes variétés de fibres d'amiante incorporées ou non dans des matériaux, produits ou dispositifs, sauf exceptions « à titre exceptionnel et temporaire ». Un arrêté d'application fixe la liste d'exceptions à l'interdiction de l'usage de l'amiante à compter du 1er janvier 1997. Le dernier arrêté en date du 12 juillet 2000 concerne notamment les produits de friction et les dispositifs d'isolation thermique utilisés dans les aéronefs.

La réglementation de l'usage de l'amiante a donc été assez tardive, ce qu'a confirmé le Conseil d'Etat dans 4 arrêts du 3 mars 2004 par lesquels il a condamné l'Etat pour sa carence dans la prévention des risques liés à l'exposition à l'amiante.

Par ailleurs, la question de l'indemnisation des victimes de l'amiante se pose à propos de la reconnaissance d'une maladie professionnelle consécutive à l'exposition à des poussières d'amiante. Les articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale fixent les conditions de la reconnaissance et de la réparation de la maladie professionnelle et l'article L. 461-8 du même code prévoit l'octroi d'une indemnité spéciale. En outre, la responsabilité de l'employeur peut être mise en cause pour avoir exposé ses salariés à l'amiante sans protection suffisante et son obligation de sécurité de résultat a été reconnue par plusieurs arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. En matière pénale, l'employeur peut être auteur du délit d'exposition d'autrui à un danger (article L. 121-3 du code pénal).

S'agissant du volet indemnitaire, l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 a créé le Fonds d'indemnisation des victimes d'une exposition à l'amiante (FIVA) qui a pour mission d'assurer la réparation intégrale des préjudices subis. Le principe du non-cumul des indemnisations a été posé si bien que les victimes ne peuvent poursuivre une réparation devant le fonds et devant les tribunaux.

Enfin, l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 a créé un dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour les salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante. Ce dispositif a été élargi par l'article 36 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 au profit des salariés des secteurs du flocage et du calorifugeage à l'amiante, de la construction et de la réparation navales ainsi qu'aux dockers professionnels ayant manipulé des sacs d'amiante. L'article 150 de la loi de finances pour 2002 a mis en œuvre un dispositif de cessation d'activité dans le cadre du régime spécial de sécurité sociale des marins.

En dépit des avancées réalisées ces dernières années, le dispositif législatif et réglementaire est assurément perfectible puisque des dysfonctionnements ou insuffisances peuvent être relevés, parmi lesquels :

- les difficultés des victimes d'établir la preuve de leur exposition à l'amiante, notamment lorsqu'elles sont issues de petites et moyennes entreprises sous-traitantes qui n'existent plus ;

- les difficultés inhérentes à la procédure de classement site amianté qui entretient un délai très long entre le premier soupçon et l'indemnisation des victimes ;

- la grande disparité dans le montant des indemnisations accordées entre les tribunaux et le FIVA, d'une part, et les tribunaux entre eux, d'autre part.

Il apparaît de surcroît nécessaire d'anticiper l'émergence de problèmes nouveaux, tels ceux liés à la fabrication de porcelaine, la question du respect des dispositions législatives et réglementaires des entreprises françaises s'implantant à l'étranger, ou encore les capacités d'accueil des centres hospitaliers qui ne sont pas équipés pour faire face à la recrudescence prévisible des demandes d'admission et assurer le suivi de patients qui nécessitent des soins spécifiques.

Une commission d'enquête parlementaire s'impose donc pour faire toute la transparence attendue sur les dommages résultant de l'exposition à l'amiante et leurs perspectives d'évolution. Elle sera également chargée d'évaluer l'efficacité des dispositifs existants en matière de suivi sanitaire, d'apprécier les conditions d'accompagnement, de prise en charge et d'indemnisation des personnes contaminées, de réfléchir aux moyens d'assurer une meilleure coordination entre les différents intervenants administratifs ou sociaux, et plus généralement de formuler toutes propositions appropriées permettant de renforcer et d'optimiser les dispositifs existants.

Telles sont les raisons qui nous conduisent à vous proposer la création d'une commission d'enquête parlementaire.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, il est créé une commission d'enquête de trente membres sur les facteurs risques et les conséquences juridiques, sanitaires, politiques, sociales et économiques de l'exposition professionnelle à l'amiante.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118978-2
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2091 - Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les facteurs risques et les conséquences juridiques sanitaires, politiques, sociales et économiques de l'exposition professionnelle à l'amiante (M. Jean Lemière)


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