EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'élection présidentielle étant aujourd'hui l'acte majeur de notre vie politique, les Français souhaitent pouvoir s'impliquer davantage dans la désignation des principaux candidats à l'Élysée.
L'article 4 de la Constitution dispose : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. »
La présente proposition de loi respecte évidemment cette liberté. Elle ne contraint nullement les partis et groupements politiques. Elle leur offre simplement une nouvelle faculté - à laquelle ils peuvent ou non recourir - pour organiser la désignation de leur candidat à l'élection présidentielle, en leur proposant un cadre législatif, bénéficiant en outre de l'appui matériel et financier de l'État.
Dans ce cadre, les partis ou groupements politiques peuvent - s'ils le veulent - organiser des élections primaires puis, à leur issue, une Convention nationale pour désigner leur candidat à l'Élysée.
Il a été proposé, dès septembre 2004 (cf. Roger-Gérard Schwartzenberg, (Pour des primaires à gauche, Le Monde du 14 septembre 2004), de recourir à des primaires pour préparer la prochaine élection présidentielle. Comme aux États-Unis où, pour désigner leur candidat à la Maison-Blanche, les deux grands partis organisent ces pré-scrutins, ouverts non seulement à leurs adhérents mais souvent aussi à leurs sympathisants et électeurs.
Le recours à cette procédure paraît encore plus nécessaire depuis le référendum du 29 mai 2005, qui a montré la volonté des Français de s'impliquer dans les débats et choix essentiels. Conformément à l'aspiration générale à la démocratie participative.
L'organisation de primaires aurait quatre avantages :
- démocratiser le processus de sélection des candidats à l'Élysée ;
- concilier pluralisme et partenariat pour éviter la multiplication des candidatures à l'élection présidentielle, tant à gauche qu'à droite ;
- permettre un large débat public devant les militants et les électeurs de gauche ou de droite, appelés à choisir eux-mêmes, par ce canal, entre plusieurs candidats à la candidature ;
- élaborer le projet présidentiel dans le cadre de ces primaires, au contact direct des adhérents, des électeurs et de leurs véritables attentes.
· D'abord l'organisation de primaires démocratiserait le processus de désignation des candidats à l'Élysée. Certes, depuis 1995, le PS fait investir son candidat par l'ensemble de ses adhérents et l'UMP a réformé ses statuts en janvier 2006 pour faire de même. Par rapport aux règles du passé, il y a là un grand progrès de la démocratie, mais de la démocratie interne seulement. Car si ce choix revient désormais aux militants, il continue d'échapper aux électeurs.
Or, comme cela a toujours été le cas dans notre pays, ces deux partis de gouvernement présentent un déséquilibre entre le nombre élevé de leurs électeurs et celui, plus limité, de leurs adhérents : 127 300 au PS et 215 800 à l'UMP. Ainsi, 343 000 militants seraient appelés à effectuer seuls le choix des deux principaux candidats à la présidence de la République, alors que celui-ci concerne pourtant des millions d'électeurs. Ceux-ci, exclus de cette procédure de désignation, pourraient juger peu légitime sa monopolisation par les adhérents. Les primaires auraient donc l'avantage d'impliquer aussi les électeurs du PS, de l'UMP et des formations alliées à ces deux partis.
· Ensuite, ces primaires, qui concilieraient pluralisme et partenariat, éviteraient la multiplication des candidatures à l'élection présidentielle tant à gauche qu'à droite.
À gauche, cette procédure permettrait de limiter la multiplication des candidatures au premier tour, qui a contribué pour beaucoup à l'échec du 21 avril 2002. Ces primaires seraient ouvertes à l'ensemble des adhérents et électeurs de gauche, sans désignation préalable et séparée par chaque parti. Dans ce cas, plusieurs candidats, appartenant au PS mais aussi aux autres formations (PC, PRG, Verts, MRC), pourraient participer à la compétition ouverte pour l'investiture par la gauche de son candidat à l'Élysée.
La gauche française pourrait s'inspirer de la gauche italienne qui, en octobre 2005, a organisé des primaires de ce type afin de sélectionner son chef de file pour les législatives d'avril 2006 et donc son candidat à la présidence du conseil. Ces primaires, ouvertes aux adhérents et sympathisants, ont rassemblé 4,3 millions de participants qui ont choisi M. Prodi parmi plusieurs candidats issus de sept partis, allant de Refondation communiste au centre gauche.
L'organisation de primaires serait utile aussi à droite. D'une part, en effet, si l'UMP a largement unifié celle-ci, l'UDF, le MPF et d'autres formations plus restreintes restent indépendantes de ce nouveau parti créé en novembre 2002. D'autre part, le recours à des primaires permettrait d'éviter que deux candidats se réclamant de l'UMP se présentent effectivement à l'élection présidentielle. Comme en 1995, où l'on a vu, au premier tour, rivaliser deux candidats issus du RPR, l'un étant son président, l'autre étant premier ministre.
Par tradition, à gauche comme à droite, les Français sont attachés au pluralisme politique - qui permet dialogue et échange entre partenaires - et sont défavorables à une unité de façade, qui pourrait leur paraître artificielle.
Mais la diversité de chacune des deux grandes tendances politiques doit jouer comme un atout, non comme un handicap. Le résultat du 21 avril 2002 et l'absence de candidat de gauche au second tour tiennent pour beaucoup à l'excessive division de la gauche au premier tour de cette élection présidentielle. De telles circonstances peuvent se reproduire en 2007 si la gauche et aussi la droite présentent chacune de nouveau une multiplicité de candidats au premier tour. D'où le risque d'un duel de second tour où seul le candidat de l'extrême droite serait assuré d'être présent face soit au candidat de la droite, soit au candidat de la gauche. Ce qui priverait les Français du choix fondamental qu'ils veulent exercer entre la gauche et la droite républicaine.
Les primaires permettraient d'éviter qu'avril 2007 ressemble à avril 2002. En effet, elles concilieraient diversité et solidarité, droit à la différence et droit à la convergence.
Ce processus en deux temps - pré-campagne des primaires et campagne présidentielle proprement dite - concilierait pluralisme et partenariat. Pluralisme, car chaque parti conserverait son identité particulière et porterait son message spécifique au cours des primaires : la diversité de chaque camp serait préservée. Partenariat, car ce pluralisme concerté conduirait, à gauche et à droite, au rassemblement dès le premier tour autour d'un candidat choisi en commun pour éviter des aléas analogues à ceux du 21 avril 2002.
· Autre effet positif des primaires : au lieu de résulter de décisions internes à des appareils parfois centrés sur eux-mêmes, la désignation du candidat à l'Élysée se ferait à ciel ouvert et en pleine transparence. Elle permettrait un large débat public devant les militants et sympathisants de gauche ou de droite, appelés à choisir eux-mêmes, par ce canal, entre plusieurs candidats à la candidature.
· Enfin, dernier avantage : ce processus permettrait aussi d'élaborer le projet présidentiel dans le cadre de ces primaires, chaque candidat à la candidature avançant et testant ses propositions au contact direct des électeurs, au lieu de les élaborer dans un cercle d'initiés, c'est-à-dire à l'écart des attentes populaires. Cela favoriserait la définition d'un programme fédérateur, faisant la synthèse des aspirations exprimées à ce stade préalable et susceptible de convaincre l'ensemble des électeurs de chaque camp.
En se fondant sur les dates prévisibles de deux tours de la prochaine élection présidentielle - c'est-à-dire 22 avril et 6 mai 2007 - cette procédure pourrait se dérouler en deux temps. D'abord, de septembre à décembre 2006, des primaires auraient lieu dans chaque région : elles seraient ouvertes, à gauche, aux adhérents et électeurs des partis de l'ancienne gauche plurielle et, à droite, à ceux de l'UMP, de l'UDF et des formations voisines. Ensuite, en janvier 2007, deux Conventions nationales se tiendraient pour designer officiellement le candidat de chaque camp à la présidence de la République.
Au référendum du 29 mai 2005, nos concitoyens ont manifesté leur volonté de se déterminer par eux-mêmes et leur refus de laisser les partis et leurs adhérents décider à leur place. Il importe donc de réformer les procédures de sélection des candidats à l'Élysée. Leur choix doit cesser d'appartenir exclusivement au suffrage restreint des adhérents (550 000, au total, pour l'ensemble des partis français) pour revenir désormais à une plus large partie du corps électoral (41,3 millions d'inscrits). La démocratie y gagnerait en clarté, en vigueur et en légitimité.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er